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31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12)- Homélie du Père Louis DATTIN

Pharisaïsme

 Mt 23, 1-12

Rappelez-vous, frères et sœurs, pour les plus âgés d’entre nous, le pharisaïsme de l’Eglise, du temps de notre enfance.

– Les prie-Dieu de velours au 1er rang avec la plaque de cuivre des titulaires tandis que derrière, il y avait des bancs de bois pour « le petit peuple ».

– Des catholiques classés « A », « au-dessus de tout soupçon », friands de tous les diplômes d’honorabilité, qui soignaient leur réputation avec une minutie déconcertante, désignés, à la Fête-Dieu, pour porter le « dais » ou les cordons qui l’entouraient ; avec un peu de diplomatie, décorés de l’ordre de St-Grégoire le Grand, ils étaient « les pères et les mères de l’Eglise » et les curés étaient dans leurs petits souliers s’ils n’avaient pas prévu pour eux une place d’honneur à la messe de minuit ou dans un banquet dit de « charité ».

Mais où sont-ils ? Cela ne date pas pourtant du Moyen-Age ! Sont-ils tous devenus des publicains ?

Il n’est plus tellement glorieux d’être « catholique officiel » et l’on ne voit plus de chanoines avec leurs camails ornés de boutons rouges et des fourrures en peau de lapin ; alors, que faire, sinon prendre sa retraite de pharisien ? Ceux qui persistent risquent de tomber dans le ridicule.

Bien sot, celui qui oserait adopter, de nos jours, le genre pompier dans son attitude religieuse : il reste quelques spécimens, mais ils sont tellement d’un autre monde qu’on les regarde avec une douce ironie.

            Passons, si vous le voulez bien, non plus à ces anciens pharisiens, mais à nos nouveaux publicains. Si les chrétiens de maintenant en venaient à l’excès contraire ? Sombrer dans une humilité morbide, s’effacer comme s’ils étaient des ratés, pratiquer une religion tellement privée, qu’elle est ignorée de tous, des chrétiens tellement discrets que personne dans le quartier ne sait quelle est leur conviction. Par peur d’une opinion qui, certes, ne porte pas le christianisme aux nues, peut-être sommes-nous devenus à l’heure actuelle tellement « fond de tapisserie » que personne ne sait que nous avons à porter un témoignage et à annoncer une bonne nouvelle : ce n’est pas plus brillant que le pharisaïsme que nous avons évoqué, il y a une minute.

Nous sommes très nombreux, à l’heure actuelle, qui voulons faire pardonner notre foi. Tellement de chrétiens veulent passer inaperçus que c’en est triste. Demandez à des élèves d’un collège ou d’un lycée privé de dire devant les autres et avec une certaine fierté qu’ils sont des chrétiens et contents de l’être : on dirait même qu’ils supplient les autres de ne pas s’engager dans un chemin où ils se sont eux-mêmes fourvoyés.

Nous venons d’écouter St-Paul, « fier de sa foi ». C’était pour lui, une gloire, une joie immense. Il ne voulait rien savoir d’autre. Tous les grands témoins du Seigneur étaient comme lui. Par contre, tous les chrétiens limaces, qui rampent chrétiennement, se considèrent comme les derniers des hommes. Ils ne sont pas des témoins tellement reluisants du Christ ressuscité !

Ne croyez-vous pas qu’il y a une recrudescence de ce que l’on appelait autrefois le « respect humain », c’est-à-dire la peur d’être reconnu pour ce que l’on est : un chrétien qui met son drapeau dans sa poche et qui cache aux autres que non seulement il est croyant mais aussi et surtout un pratiquant.

Actuellement, c’est un peu le contraire de la société du temps de Jésus. Il y avait alors surtout des pharisiens qui pratiquaient beaucoup, mais qui croyaient peu, et des publicains qui ne pratiquaient pas, mais qui avaient souvent la foi.

Maintenant, les pharisiens ont disparu, mais il est bon ton de devenir et de paraître publicains : ce qui crée un nouveau pharisaïsme. C’est vrai, l’Eglise tend à se libérer de tous les colifichets qui la paraient d’une fausse richesse. Depuis Vatican II, elle se veut « servante » et « pauvre ». Mais par contre, elle doit être fière de porter le Christ aux hommes d’aujourd’hui et de rester la messagère de Dieu pour le salut des hommes.

L’humanité n’a rien à voir avec la peur ; de toutes façons, l’Eglise doit se rappeler, comme St-Paul, que c’est lorsqu’elle est faible qu’elle devient forte, de la force du Christ, mais qu’elle s’affaiblit vraiment lorsqu’elle devient suffisante et puissante aux yeux des hommes.

Sommes-nous fiers d’être chrétiens ? Et le montrons-nous ? Le manifestons-nous assez aux autres ?

Je me dis quelque fois que si je n’étais pas croyant, ce n’est pas la joie des chrétiens ni leur enthousiasme qui m’attireraient vers eux… C’est vrai, on assiste actuellement à une volte-face assez frappante chez les publicains : on dirait qu’ils ont tendance à en faire un pharisaïsme.

Avez-vous remarqué dans les médias ou auprès de certaines personnes, comme ils sont orgueilleux, non pas de leur foi, mais de leur incroyance. Il est souvent « de bon ton » de critiquer l’Eglise et de déclarer que l’on ne croit à rien. Ils nous chantent à l’envers l’ancien cantique : « Je ne crois plus, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien ».

Ils se sont libérés » comme ils disent, de tous leurs tabous et leur laïcité n’est plus le respect de la foi de l’autre, mais une offensive contre la foi des autres. Ils vous regardent de haut en disant : « Je ne suis pas comme le reste des hommes, ignorants, superstitieux, remplis de tabous » et ils cherchent des admirateurs : ce sont les vrais docteurs de la loi du 21e siècle.

A l’université, il y avait un professeur, tellement athée dans son enseignement, que les élèves chrétiens à la fin s’en amusaient. Les musulmans étaient choqués et même les élèves athées commençaient à en avoir plein le dos et désiraient qu’elle change de disque. Voilà les nouveaux parisiens. Il y a une pédanterie de la non-croyance qui est aussi ridicule que la suffisance de nos pharisiens d’antan. L’anticléricalisme de certains devient un pharisaïsme à l’envers.

Alors, pratiquement, pour nous chrétiens, pour éviter ce que dénonce le Christ dans cet Evangile, sachons qu’il y a trois dangers et trois remèdes.

Passons d’abord aux dangers à éviter :

. 1er danger : dire et ne pas faire. Il n’y a pas besoin d’aller chez les autres pour détecter cela !

Combien de fois nous sommes-nous pris nous-mêmes en flagrant délit de « dire et ne pas faire » ?

Qui d’entre nous peut prétendre à une totale cohérence entre son idéal et sa conduite réelle ?

Que de distances entre ce que nous disons et ce que nous faisons effectivement ! Quel fossé entre nos principes et nos actes !

 

. 2e danger : vouloir dominer = le pouvoir, l’autoritarisme qui n’est pas que l’apanage des pharisiens d’autrefois : combien de petits chefs parmi nous ! Quelle assurance dans nos jugements ! Tous nos « il n’y a qu’à » et les « faut qu’on », nous sommes seuls à détenir la vérité, les autres se trompent : « Mon point de vue est le seul bon ».

Ne tombons jamais dans ce travers des redresseurs de torts qui « graissent l’axe du monde au café du commerce ».

. 3e danger : se faire remarquer = la vanité, être vu et admiré : ma tenue vestimentaire, mon automobile, être « in », à la mode, la course aux honneurs, la recherche de privilège, le « look », le « standing », le désir d’apparaître le plus avantageux possible.

En face de ces 3 dangers, le Christ propose à ses disciples trois valeurs essentielles, attitudes positives qu’il souhaite nous voir adopter pour éviter les dangers que nous avons désignés :

. 1ière valeur : la fraternité vraie. « Vous êtes tous frères ». Voilà un principe révolutionnaire, un principe d’égalité radicale, un appel concret à vivre un certain style de vie au lieu de nous draper dans nos différences et dans nos titres ronflants, regarder chacun comme notre égal et l’aimer vraiment comme un frère.

. 2e valeur : la simplicité. Elle s’enracine dans la conviction que Dieu seul a droit à des hommages car lui seul est vraiment au-dessus de tout, et puis c’est tellement plus agréable d’avoir affaire à quelqu’un de simple qu’à un comédien ou un homme à double jeu.

. 3e valeur : le service.

« Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ».

 « Qui s’abaisse, sera élevé ».

Ce sens du service, selon Jésus, n’est pas du tout aliénant ni humiliant. C’est être « grand » que d’être « serviteur ». Non, le service des autres n’est pas la négation de la personnalité car personne n’est plus heureux que celui qui sait aimer concrètement ses frères.

Si nous voulons être honnêtes avec nous-mêmes, demandons-nous vraiment ce que Jésus nous dirait à nous, aujourd’hui, et ce qu’il attend de nous maintenant. AMEN




31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12) – par Francis COUSIN

« Hypocrisie »

Encore une fois, Jésus s’en prend aux scribes et aux pharisiens pour dénoncer leur double langage, ou plutôt l’inadéquation de leurs enseignements avec leurs actes.

En théorie, ils sont bons, et Jésus le reconnaît, ils « enseignent dans la chair de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. ».

Mais pour ce qui est de la pratique, c’est autre chose … « Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. ».

Et la fin est terrible : « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens. ».

Jugement sans appel … qui peut surprendre de la part de Jésus : tous dans le même panier !

Mais élargissons notre regard, car peut-être il nous arrive de faire de même …

Et cette diatribe vis-à-vis des scribes et aux pharisiens ne concerne pas seulement ceux-ci, mais chacun de nous … dire et ne pas faire … agir pour se faire remarquer …

Il semblerait d’ailleurs que Matthieu « à travers des reproches de Jésus à l’encontre des pharisiens, [il] vise certains responsables de la jeune Église chrétienne dont l’arrogance et l’hypocrisie font déjà des ravages parmi les frères. » (Michel Hubaut).

Ce qui était vrai à l’époque est encore toujours vrai … et sur ce sujet, la nature de l’homme n’a pas changé … et le ’’paraître’’ est peut-être de plus en plus important pour beaucoup …

Il ne s’agit pas de regarder si un tel ou un tel est comme cela … mais de regarder si soi-même a parfois des attitudes répréhensibles de ce genre …

Et Jésus continue : « Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. ».

On comprend bien ce que Jésus veut dire : tout ramener à Dieu et à Jésus, dont la Parole est ’’une’’, mais ces mots ont un sens courant, et il est difficile de ne pas les utiliser, et cela enlèverait du sens à Dieu Père de tous, et à Jésus maître spirituel pour tous.

Jésus dit aussi : « Vous êtes tous frères ».

Tous, c’est-à-dire, quelque notre race, langue, peuple, nation, couleur de peau, niveau d’instruction, religion …

« Tous frères ».

Comment peut-on dans ces conditions se faire la guerre … ?

Je pense bien sûr à la guerre à Gaza, … mais pas que …

Comment se peut-il que des personnes décident de faire une guerre à outrance, sans tenir compte des personnes civiles qui sont toutes soit juives, soit musulmanes, soit chrétiennes, c’est-à-dire toutes descendantes de la lignée d’Abraham … ?

« Nous, croyants, nous pensons que, sans une ouverture au Père de tous, il n’y aura pas de raisons solides et stables à l’appel à la fraternité. Nous sommes convaincus que « c’est seulement avec cette conscience d’être des enfants qui ne sont pas orphelins que nous pouvons vivre en paix avec les autres ». En effet, « la raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité ». (Fratelli Tutti 272)

« Il y a un droit fondamental qui ne doit pas être oublié sur le chemin de la fraternité et de la paix. C’est la liberté religieuse pour les croyants de toutes les religions. Cette liberté affirme que nous pouvons « trouver un bon accord entre cultures et religions différentes ; elle témoigne que les choses que nous avons en commun sont si nombreuses et si importantes qu’il est possible de trouver une voie de cohabitation sereine, ordonnée et pacifique, dans l’accueil des différences et dans la joie d’être frères parce que enfants d’un unique Dieu ». (Fratelli Tutti 279)

« Un cheminement de paix est possible entre les religions. Le point de départ doit être le regard de Dieu. Car « Dieu ne regarde pas avec les yeux, Dieu regarde avec le cœur. Et l’amour de Dieu est le même pour chaque personne, quelle que soit sa religion. Et si elle est athée, c’est le même amour. Au dernier jour et quand il y aura la lumière suffisante sur la terre pour voir les choses telles qu’elles sont, il y aura des surprises ! ». (Fratelli Tutti 281)

Saint Paul nous dit à la fin de la deuxième lecture : « Quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. »

Seigneur Jésus,

Fais que s’arrête cette tuerie à Gaza

entre des descendants d’Abraham,

que les volontés de pouvoir politique

des uns et des autres

passent après la vie des innocents

de tout bord,

et que chacun puisse vivre en paix

dans une fraternité retrouvée,

dans l’écoute de ta Parole.

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 31°

 




Commémoration de tous les fidèles défunts (Jn 6, 37-40) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

Aujourd’hui, nous faisons la commémoration de tous les fidèles défunts. L’Église a toujours prié pour les défunts. Nous pouvons trouver des témoignages qui datent du IIème siècle et qui attestent que les chrétiens priaient et célébraient l’Eucharistie pour leurs morts.

La commémoration des défunts est inséparable de la solennité de Tous les saints que nous avons célébrée hier. Cette commémoration est le prolongement de la Toussaint. Le 01er novembre, nous fêtons tous les saints qui sont dans la gloire du Ciel. Le 02 novembre, comme les premiers chrétiens, nous prions et nous célébrons l’Eucharistie pour nos défunts. Nous demandons au Seigneur de les accueillir dans la « communion » des saints.

Le « souvenir » de nos défunts doit donc être vécu sous le signe de l’espérance. C’est l’occasion pour nous d’affirmer notre espérance en la Vie éternelle grâce à la mort et à la Résurrection du Christ. Nous avons l’espérance pour nos défunts et pour nous-mêmes, que tous, nous partagerons la gloire du Christ ressuscité :

« Telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».

Cette commémoration des défunts nous rappelle la réalité de la mort que nous devons tous assumer. Plusieurs contemporains occultent cette réalité ou sont dans le déni. Mourir ce n’est pas disparaître mais c’est faire le passage vers une autre « rive » qui mène à Dieu et dans une condition nouvelle. Certes, le corps du défunt se dégrade mais l’âme demeure éternelle, dans l’attente de la résurrection des corps lorsque Jésus fera sa venue dans la gloire.

Notre célébration nous rappelle que nos défunts sont toujours « vivants » et que nous sommes faits pour l’éternité. Relisons la réalité de la mort à la lumière de la mort et de la Résurrection de Jésus. Deux préfaces pour la messe des défunts peuvent nous éclairer[1] :

  • « Lui seul [= le Christ], en acceptant la mort, nous arrache à la loi de la mort ; lui seul, en donnant sa vie, nous fait vivre éternellement pour toi [Dieu le Père] » (Préface des défunts n°2).

  • « Nous sommes destinés à mourir ; mais quand la mort nous frappe en châtiment du péché, ton cœur de Père nous sauve par la victoire du Christ qui nous fait revivre avec lui » (Préface des défunts n°5).

Si nous nous remettons sincèrement au Christ, il nous donnera la force et la sérénité pour assumer la réalité de la mort et traverser l’épreuve du deuil de la mort. Il nous promet l’éternité !

Pour conclure, rappelons qu’à chaque messe nous prions pour nos défunts, durant la prière eucharistique, le Memento : « Pour nos frères et sœurs défunts, et pour tous ceux qui ont quitté ce monde et trouvent grâce devant toi, nous te prions : en ta bienveillance, accueille-les dans ton Royaume » (Prière eucharistique n°4).

Demandons au Seigneur de nous fidéliser à l’Eucharistie car nous avons un moyen sûr pour être en communion avec nos défunts. Confions-les à l’intercession des saints : « Saints et saintes de Dieu, intercédez pour nos défunts auprès de notre Seigneur Jésus-Christ. Saints et saintes de Dieu priez pour nous. Amen ».

[1] Cf. Missel des défunts, pages 87 et 90. Cinq préfaces sont proposées pour la messe des défunts.




Solennité de Tous les Saints — (Mt 5, 1-12a) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

Lectures de référence : Ap 7, 2-4.9-14 ; Mt 5, 1-12a

C’est aujourd’hui la solennité de tous les saints, ceux qui vivent dans la gloire totale de Dieu. Nous fêtons ceux qui sont reconnus par l’Église mais aussi tous les anonymes, ceux de nos familles qui nous précédé dans la foi.

Dans la première lecture, tirée du livre de L’Apocalypse, saint Jean nous donne une vision pleine d’espérance. La sainteté n’est pas une grâce réservée à quelques privilégiés, nous sommes tous appelés à la sainteté. Le chiffre 144 000 est symbolique[1], il représente tous les peuples qui viennent de tous les horizons de la terre : « voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues ».

Le concile Vatican II nous rappelle bien cet appel universel de la sainteté, dans sa constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium : « Aussi dans l’Église, tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient régis par elle, sont appelés à la sainteté selon la parole de l’apôtre : « Oui, ce que Dieu veut c’est votre sanctification » (1 Th 4, 3 ; cf. Ep 1, 4) » (n°39).

La sainteté a commencé pour nous depuis notre baptême comme nous le rappelle encore la constitution dogmatique : « les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie. C’est l’apôtre qui les avertit de vivre « comme il convient à des saints » (Ep 5,3), de revêtir « comme des élus de Dieu saints et bien-aimés, des sentiments de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de longanimité[2] » » (Col 3, 12) » (n°40).

Avec cette citation de Vatican II, nous rejoignons l’évangile. Le chemin de la sainteté est celui des béatitudes, c’est ainsi que nous serons « heureux »[3] en Dieu pour l’éternité : « Heureux les pauvres de cœur… ceux qui pleurent… les doux… les miséricordieux… les cœurs purs… les artisans de paix…  ceux qui sont persécutés pour la justice… ceux qui sont insultés à cause du Christ »

Voilà le chemin que nous devons tous entreprendre pour « conserver et achever » la vie de sainteté qui a commencé depuis le baptême. La sainteté n’est pas quelque chose que nous pouvons acquérir par nos simples forces ni en accomplissant des prouesses spirituelles, c’est Dieu qui nous la communique notamment dans les sacrements. Cela me permet de faire écho à deux sacrements qui contribuent grandement à notre sainteté : l’Eucharistie et le Pardon.

Les saints que nous fêtons aujourd’hui, ont tous, sans aucune exception, entrepris le chemin des béatitudes. Ils intercèdent pour notre sainteté. Sur le chemin de la sainteté, les saints nous stimulent et nous inspirent pour vivre le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Ils nous éclairent sur le chemin de la sainteté, ils sont de vrais « réverbères » de la lumière du Christ. La préface de cette messe situe les saints comme « un secours pour notre faiblesse ».

Les saints nous apprennent que la sainteté se vit dans le quotidien de nos vies, dans nos différentes activités : professionnelles, associatives, caritatives et dans les différents milieux de vie qui sont les nôtres : dans nos familles, nos quartiers et pour les plus jeunes d’entre nous, les étudiants, dans les milieux scolaires qu’ils appartiennent et les activités parascolaires qui rythment leurs semaines.

Notre société est marquée par des drames humains qui affectent la sainteté de Dieu. Nous pouvons souligner le drame qui s’est produit samedi dernier à la Possession (28 octobre) avec un triple meurtre et sept personnes blessés par un forcené, suite à une colère « incontrôlée ». Nous devons scruter les signes de sainteté à l’œuvre dans ce monde pour éviter de tomber dans le pessimisme.

Le pape François nous invite à voir la sainteté à l’œuvre autour de nous. Je le cite dans son exhortation apostolique, sur l’appel à la Sainteté dans le monde actuel, Gaudete et exsultate « J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté ‘‘de la porte d’à côté’’, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, ‘‘la classe moyenne de la sainteté’’ » (n°7).

Découvrir la « sainteté de la porte d’à côté » et être de la « classe moyenne de la sainteté ». Pour progresser sur le chemin de la sainteté, nous devons nous orienter vers le Christ, le « seul saint » qui nous donne d’être saint par la grâce de son mystère pascal, sa mort et sa Résurrection.

Pour conclure, les saints nous mettent en garde contre cette tentation de croire que le bonheur c’est d’être riche et en bonne santé. Nos actions sont souvent orientées vers l’appât du gain… Le vrai bonheur se trouve en Dieu, n’oublions pas cette troisième parole qu’a adressée la Vierge Marie à sainte Bernadette, à Lourdes : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ».

C’est la grâce que nous pouvons demander en cette solennité, que nous puissions prendre au sérieux notre propre chemin de sainteté, cet appel de Dieu à devenir saint comme le Christ, l’Agneau sans péché. Ensemble, nous pouvons chanter : « Dieu, nous te louons, Seigneur, nous t’acclamons dans l’immense cortège de tous les saints ».

[1] 144 000 est un diminutif de 7, le chiffre de la perfection, de la totalité.

[2] Longanimité = patience, persévérance.

[3] Notons que le terme apparaît neuf fois dans notre récit.




Solennité de la Toussaint – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 5, 1-12)

« Dieu nous appelle tous au Bonheur … »

(Mc 5, 1-12)

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

Jésus n’a semble-t-il, ici, qu’un seul mot à la bouche : « Heureux », répété neuf fois, et ce bonheur est proposé dès maintenant. En effet, dans cet appel, « heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux ! », le verbe est au présent ! Mais qui sont ces « pauvres de cœur » ? Jésus en est le premier exemple… Il est « l’Unique Engendré » (Jn 1,14.18) en tant qu’il reçoit de toute éternité du Père son être et sa vie. « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. Je vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57). Et il ne peut même rien faire de lui-même (Jn 5,19-20.30), car ses œuvres sont en fait celles du Père (Jn 14,10). Lui, il est « le Serviteur » du Père (Ac 3,13.26 ; 4,27). Jésus est donc « pauvre de cœur », « doux et humble de cœur » (Mt 11,29), car tout ce qu’Il Est, tout ce qu’il fait, il le doit non pas à lui-même, mais à un autre, le Père… « Être pauvre de cœur », c’est donc mettre un autre que soi-même à la première place en son cœur. C’est accepter de recevoir tout ce que l’on est, tout ce que l’on vit d’un autre… Le Royaume des Cieux n’est pas ainsi une réalité spirituelle qui se gagne à coup de bonnes actions qui mériteraient une récompense. Non, le Royaume des Cieux est une histoire d’amour entre le Maître de ce Royaume, Dieu, et tous ceux et celles qu’il invite à y entrer : tous les hommes, ses enfants, tous créés « à l’image et ressemblance » (Gn 1,26-28) de leur Dieu et Père (Lc 11,2 ; Jn 20,17). En effet, nous dit Jésus, « ne crains pas, petit troupeau car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Ce Royaume est donc donné gratuitement par amour à quiconque est assez « pauvre de cœur » pour accepter de le recevoir… Et ce Royaume des Cieux n’est pas un lieu, mais un état de vie, un Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité d’un même Esprit : « Le Royaume des Cieux est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), cet Esprit Saint que Dieu donne gratuitement (1Th 4,8), par amour, « aux méchants et aux bons, aux justes et aux injustes » (Mt 5,45). Mais pour recevoir ce « Don de Dieu » (Jn 4,10, Ac 2,38 ; 8,20 ; 10,45 ; 11,17…), puisque le mal ne peut coexister avec Dieu, il est absolument nécessaire de se convertir de tout cœur, de renoncer au mal avec l’aide de Dieu, de changer de vie… D’où les premières Paroles de Jésus en St Marc : « Le Royaume des Cieux est tout proche ; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15), Bonne Nouvelle d’un Royaume donné gratuitement avec le Don de l’Esprit Saint… « Recevez l’Esprit Saint » dira le Ressuscité à ses disciples (Jn 20,22)… et avec ce Don de Dieu, « entrez dans la Vie » (Mc 9,43.45.47), la Vie éternelle, Source du seul vrai Bonheur…              DJF

 




Solennité de la Toussaint – Homélie du Père Louis DATTIN

 En route vers la sainteté

Mt 5, 1-12

Un jeune de treize ans à qui je reprochais sa médiocrité, m’a répondu un jour : « Tout le monde ne peut pas être un Saint » comme pour s’excuser de ne pas en être  ̏un  ̋. Et je lui ai répondu : « C’est vrai. Mais tout le monde peut se mettre en route vers la Sainteté ».

En effet, vous tous, frères et sœurs, quel que soit le degré de sainteté auquel vous êtes parvenus (ce que vous ignorez, et cela vaut beaucoup mieux pour vous ; seul Dieu peut être juge pour en décider), quel que soit ce degré, il faut vous mettre en route vers la Sainteté. Pour cela, rassurez-vous, il ne suffit pas de faire des choses extraordinaires : de rentrer dans un couvent, de faire des miracles ou d’avoir des apparitions du Sacré-Cœur.

C’est au contraire à travers les circonstances les plus ordinaires de votre vie à vous (pas celle des autres) que vous devez vous mettre en route vers la sainteté.

Sainteté : dans la vie de famille avec le mari ou la femme que vous avez, dans le travail, avec le métier que vous exercez, dans les loisirs, avec la détente que vous recherchez, dans le quartier où vous habitez.

C’est curieux, on rêve toujours d’une sainteté dans des circonstances différentes de celles que nous vivons !

« Ah ! Si je n’avais pas le mari que j’ai ! »

« Ah ! Si j’exerçais une autre activité, alors, là, oui, je le sens bien je pourrais faire des progrès sensationnels ! »

Eh non ! La sainteté est le résultat de choses toutes simples, toutes ordinaires, mais seulement faites par amour de Dieu et par amour des autres. Et cela, voyez-vous, qui que vous soyez : petits ou grands, riches ou pauvres, en bonne santé ou malades, vous êtes tous capables de le faire, avec l’aide de Dieu qui ne vous manquera jamais !

Pour devenir un Saint, il n’est pas nécessaire de passer à la télévision ou de recevoir le prix  ̏Nobel de la paix  ̋ ou d’avoir son nom dans les journaux comme l’abbé Pierre ou mère Thérésa.

Ce qu’il faut : c’est faire toutes choses, même les plus petites, même les plus banales avec amour, amour pour Dieu, amour pour les autres.

Guy de Larigaudie disait : « Il vaut mieux éplucher des pommes de terre avec amour que de bâtir une cathédrale sans enthousiasme » et St-Paul disait à son tour : « Frères, j’aurais beau connaître toutes les langues de la terre, être le plus savant des hommes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien ».

Une fille de 4e année de catéchisme, me disait un jour :

« Oh ! Vous savez, ma grand-mère, c’est une dévote, c’est une sainte ! Elle dit son chapelet tous les jours mais elle vit toute seule dans sa grande maison. Elle ne reçoit jamais personne, aussi on ne la voit pas beaucoup : elle a peur que si nous allons chez elle, on lui casse des vases ou on salisse le salon. Elle garde tout pour elle : on ne l’aime guère et je crois qu’elle ne nous aime pas beaucoup non plus ! »

Eh bien, non ! Cette grand-mère n’avait rien d’une sainte. Il ne faut pas confondre sainteté et bigoterie ou  ̏sainteté  ̋et  ̏dévotion  ̋.

C’est sur l’amour que nous serons jugés et pas sur le nombre de chapelets que nous aurons débités : les vrais saints, on les admire et on sent bien qu’ils nous aiment !

Autre chose à ne pas confondre : sainteté et perfection.

Vous connaissez le proverbe : « La perfection n’est pas de ce monde ». C’est vrai, c’est impossible d’être parfait et de n’avoir aucun défaut (il n’y a que Dieu).

Personnellement, je ne connais personne qui soit sans défaut. En revanche, je connais pas mal de gens qui sont en marche vers la sainteté.

Tous les saints avaient leurs défauts, leurs faiblesses, leurs moments de révolte ou de colère. Les saints n’étaient pas parfaits : seulement, ils étaient en marche vers la sainteté. Bien sûr, ils retombaient dans leurs pauvres petits péchés quotidiens, ils le reconnaissaient humblement et se relevaient bien vite, avec l’aide et le pardon de Dieu et ils repartaient confiants sur la route du don de soi au Seigneur, du don de soi aux autres.

Mais le Seigneur, dans l’Evangile que nous venons de lire, nous dit : « Attention ! Ne vous laissez pas piéger ! »

Sur la route de la Sainteté, il y a des pièges et vous risquez de tomber dedans ! Quels pièges ?

 

* l’amour de l’argent : la solution de Jésus est « Bienheureux les pauvres de cœur » = ceux qui sont détachés des richesses matérielles et qui ne recherchent pas seulement leur bien-être, leur confort, leur tranquillité

 

 

* l’indifférence à l’égard des autres : « Après tout, cela ne me regarde pas, ils n’ont qu’à se débrouiller ! Je ne suis pas chargé d’eux »

* le piège de la violence : « Bienheureux les doux » !

* le piège de la rancune : « Heureux les miséricordieux » !

* la peur de l’engagement au service de la justice : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice ! »

Au fond, toutes les Béatitudes pourraient se résumer en une seule : « Heureux ceux qui ne se laissent pas piéger sur la route du Royaume des Cieux, sur la route de l’amour ».

Ces Béatitudes que nous venons de proclamer nous rappellent que, pour Jésus, l’amour, ce n’est pas affaire de sentiments, mais d’actes.

Aimer, ce n’est pas d’abord un état du cœur larmoyant « Oh ! comme c’est dommage ! Oh ! Comme c’est triste ! », mais se dire tout de suite « Et moi : qu’est-ce-que je peux faire pour rétablir la situation ? »

Aimer, c’est s’oublier pour les autres et partager avec eux.

Aimer, c’est être sensible aux peines des autres et pleurer avec eux.

Aimer, c’est avoir faim et soif de justice et donc, se battre contre toutes les injustices d’aujourd’hui et Dieu sait s’il y en a !

Aimer, c’est se réconcilier, refaire la paix.

Aimer, c’est s’engager et se compromettre jusqu’à se faire mal voir pour bâtir un monde plus juste, plus tolérant, plus fraternel, plus respectueux de l’autre.

Oui, heureux tous ceux qui aiment ainsi : c’est de cette manière-là que Jésus nous aime et que nous sommes en marche vers la Sainteté.

Oui, frères et sœurs, il est donc possible de devenir des saints, même si nous avons des défauts, car nous pouvons toujours nous relever par le sacrement de la Réconciliation.

Il est possible de devenir des saints même si nous sommes capables du pire à certains jours car n’oublions pas l’aide du Seigneur. Ce n’est pas avec nos efforts à nous tout seuls que nous y arriverons : c’est parce que le Seigneur est , prêt à nous aider, prêt à nous encourager par l’Esprit-Saint.

Il est possible de devenir des saints même si nous sommes des gens très ordinaires, mais, pour cela, il ne faut pas nous laisser piéger.

Quand on ferme la télévision, on finit par penser que le mal et la violence sont les maîtres du monde.

. Il faudrait, qu’en nous voyant, les autres puissent se dire :

« Des gens en marche vers la sainteté, ça existe !

. Des familles unis entre époux, entre parents et enfants, ça existe !

. Des quartiers où l’on est prêt à ouvrir sa porte à un voisin en difficulté, ça existe !

. Des lieux de travail où il y a de l’entraide et de la solidarité, ça existe !

. Des communautés accueillantes, chaleureuses, fraternelles, ça existe !

Non ! Il n’y a pas que du mal et de la violence dans le monde d’aujourd’hui : il y a aussi beaucoup de bien, beaucoup d’amour, beaucoup de gens semeurs de lumière et d’amitié, beaucoup de gens qui sont sources d’espérance et de confiance dans l’avenir.

L’avenir, c’est la fête de la Toussaint : c’est cette marche de l’Humanité entière vers le Royaume de Dieu, ce Royaume que Jésus nous a promis, ce Royaume où nous retrouverons dans la joie, ceux qui nous ont quittés, dans la pleine lumière du Seigneur. AMEN




30ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 34-40) – par Francis COUSIN

« Amour croisé ! »

Nous sommes toujours dans la dernière semaine de la vie de Jésus, et si nous regardons les différents évangiles de ces dernières semaines, on se rend compte d’une chose : ils parlent tous de réactions de Jésus à des interrogations de différents groupes : les chefs des prêtres, les anciens, les pharisiens, les hérodiens, les sadducéens, parfois alliés entre eux, tous des groupes attachés à la Loi de Moïse et qui refusent la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus, … « pour le mettre à l’épreuve », dans le but de « le mettre à mort. » …

Cette semaine, c’est un pharisien, docteur de la loi, qui pose la question : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? ».

La réponse de Jésus est simple : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Dt 6,5), ce qui ne peut que réjouir le docteur de la loi en reprenant un commandement de la loi juive, mais il ajoute aussitôt un autre commandement, lui aussi tiré de la bible : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lev 19,18), ce qui est plus difficile à faire … même pour un docteur de la loi …

Un seul commandement qui se dédouble : « Tu aimeras … » à la fois… en même temps… simultanément : … Dieu et les humains … le Très-Haut … et les très-bas, les pauvres et les petits, les délaissés … les immigrés, dont il faut prendre soin, ainsi que nous le rappelle la première lecture … mais aussi le pape François, dans son encyclique « Fratelli Tutti », et dernièrement lors de la clôture des ’’Rencontres méditerranéennes’’ sur les migrations à travers la Méditerranée … et aussi pour nous, l’accueil des migrants Sri-Lankais, dont on parle moins ce moment, mais qui a donné lieu à diverses réactions pas souvent favorables à ces personnes …

Dieu est amour, et Jésus lui est semblable : Il ne sait qu’aimer, et il ne peut que nous inviter à aimer comme lui nous a aimé : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13,34).

Cette loi d’amour entre les humains a été développée par les premiers disciples, notamment saint Paul : « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. » (1 Cor 13,1).

Ou saint Jean : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour (…) Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4,7-8.20)

Cela nous entraîne loin dans l’amour des autres, surtout si l’on prend certains passages de l’Évangile : « Moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5,44).

L’amour des autres doit se traduire en actes, et pas simplement en paroles, sinon cela ne sert à rien : « Si vous accomplissez la loi du Royaume selon l’Écriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien. Mais si vous montrez de la partialité envers les personnes, vous commettez un péché, et cette loi vous convainc de transgression. En effet, si quelqu’un observe intégralement la loi, sauf en un seul point sur lequel il trébuche, le voilà coupable par rapport à l’ensemble. » (Jc 2,8-10).

Voilà une parole qui est dure, difficile à vivre dans la vie courante, et qui nous oblige à nous reconnaître tous pécheurs et à demander à Dieu de nous donner sa miséricorde.

Malgré nos difficultés et nos faiblesses, essayons de vivre du mieux que nous pouvons ses deux commandements.

« À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13,35)

Pour nous souvenir de ces deux commandements liés, à chaque fois que nous faisons le signe de la Croix, pensons « aimer Dieu » dans le signe vertical, et « aimer les autres » dans le signe horizontal.

Seigneur Jésus,

un proverbe humain dit :

« À l’impossible, nul n’est tenu. »

mais le langage des hommes

n’est pas le tien !

Ce que tu nous demandes

avec ces deux commandements croisés

nous semble vraiment impossible,

mais avec l’aide de l’Esprit Saint,

tout est possible.

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 30°

 




30ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 34-40)- par le Diacre Jacques FOURNIER

 » Aimer Dieu, c’est aimer son prochain « 

(Mt 22, 34-40)

  En ce temps-là, les pharisiens, apprenant qu’il avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent,
et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve :
« Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? »
Jésus lui répondit : « ‘Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.’
Voilà le grand, le premier commandement.
Et le second lui est semblable : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même.’
De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »

 

          

           Autrefois, le catéchisme s’apprenait par cœur, et régulièrement, Mr le Curé interrogeait ses élèves pour tester leurs connaissances. C’est l’épreuve que subit ici Jésus de la part d’un Pharisien, « Docteur de la Loi ». Et Lui, vrai homme et vrai Dieu, se prête au jeu et répond ! Quelle patience ! Et il citera deux passages de la Loi : le Livre du Deutéronome, central pour la foi juive, « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » (Dt 6,5), et le Livre du Lévitique, le code de lois de l’époque : « Tu aimeras ton prochain comme toi‑même » (Lv 19,18).

        Pour Jésus, tout se résume donc à l’amour, et tout en citant Dieu en premier, il présente l’amour du prochain comme étant « semblable » à l’amour de Dieu. Le texte du Décalogue, les Dix Paroles (Ex 20,1-17), ne commence-t-il pas par « Moi, le Seigneur ton Dieu… » et ne se termine-t-il pas par « … tout ce qui est à ton prochain » ? Quiconque écoute ces Paroles pour les mettre en pratique ne pourra que respecter Dieu et son prochain. Et ceci se vérifie avec une intensité inégalée en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme. Avec lui, qui aime Dieu vraiment ne peut qu’aimer l’homme vraiment…

       Face à ce Pharisien Docteur de la Loi, Jésus résume donc toute la Loi à l’amour… « Celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi », écrira plus tard un autre Pharisien Docteur de la Loi, St Paul… « Ce que dit la Loi : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras rien ; ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour » (Rm 13,9-10).

       Mais l’amour de Dieu, cité ici en premier par Jésus, est la Source de l’amour du prochain. En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et pour Lui, aimer, c’est se donner soi-même, donner tout ce qu’Il Est en Lui-même. Quiconque ouvre son cœur à Dieu ne peut donc que recevoir au même moment ce Don qu’il ne cesse de faire de lui-même, et Il Est Esprit, Il Est Amour… « Si tu savais le Don de Dieu », dit Jésus à la Samaritaine. « Dieu vous a fait le Don de son Esprit Saint » et « l’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Jn 4,10 ; 1Th 4,8 ; Rm 5,5). C’est donc le même Esprit qui jour après jour lave et purifie les pécheurs que nous sommes, et nous apprend, petit à petit, à aimer, dans la paix…                             DJF




30ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 34-40)- Homélie du Père Louis DATTIN

 Le grand commandement

Mt 22, 34-40

     Il faut bien l’avouer, frères et sœurs, le mot « commandement  » n’est pas un mot sympathique.

N’est-ce pas tous les jours que nous voyons dans la rue et autour de nous, de multiples « commandements » qui semblent vouloir limiter notre liberté; partout autour de nous des interdits, des rejets, des exclusives: « défense de stationner », « défense de fumer », « défense de marcher sur la pelouse », « sens interdit », « sens obligatoire », « interdit aux démarcheurs et aux représentants », « propriété privée », « entrée interdite », « attention chien méchant », « avis à la population », …

Le nombre de panneaux vous commandant de faire ceci et de ne pas faire cela se multiplie et en même temps, nous voulons crier :

« Mais, après tout, je suis bien libre ! Je deviens une marionnette de la société : asseyez-vous ici ; attendez votre tour ; prenez un numéro d’ordre ; prenez la file de gauche ; allez au guichet n° 22 ; il vous manque tel papier ; signez à cet endroit ; revenez dans trois semaines ».

Nous sommes enfermés dans des codes, des règlements, des procédures, des marches à suivre, un peu comme une bouteille, dans une usine perfectionnée, qui est mise sur la chaine : on la remplit, on l’étiquette, on la capsule, on la couche sur le côté puis mise en boites, …

Nous sommes, nous aussi, enfermés, de moins en moins libres d’agir selon notre guise et à notre fantaisie et pourtant, nous avons un cœur, des jambes, une tête… et alors ? Et notre liberté dans tout cela ? Nos initiatives, nos désirs d’innover, de prendre des responsabilités, de créer, de découvrir ?

Jésus, avec la loi juive, a eu la même réaction : il avait en face de lui des pharisiens qui, à force de pratiquer la loi étaient devenus des automates, victimes de pratiques, de dévotions, de commandements de toutes sortes, à tel point qu’ils croient mettre Jésus dans l’embarras en lui demandant : « Maitre, quel est le plus grand commandement ? »

Il y en avait tellement ! En effet, les rabbins répartissent les 613 préceptes de la loi en 365 défenses : le nombre de jours de l’année et 248 commandements : le nombre, paraît-il, des composantes du corps humain … de quoi hésiter ? Non ? Ici encore, Jésus prend une position neuve, inattendue : il va en retenir deux, pas plus ! Et encore ce ne sont pas des commandements à proprement parler, mais des amours à cultiver : deux amours qu’il va souder : celui de Dieu – celui du prochain, mis sur le même plan et Jésus va encore plus loin.

Il ne s’agit plus d’une réglementation, il ne s’agit plus d’observer des articles, ni de m’aligner sur une conduite conforme à des commandements. Il s’agit seulement d’accueillir une présence : celle de Dieu, celle des autres. Jésus arrache les hommes à l’obsession des tabous, des observances : ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire, nos peurs et nos étroitesses.

Il nous rappelle que la sève de toute vie humaine, ce n’est pas un règlement, une conformité à des normes, c’est l’amour qui rejoint des êtres vivants et LE vivant. Il ne s’agit plus d’ordre ou d’obéissance, il s’agit de cœur, de visages, de contacts. En direct… Il ne s’agit plus de mettre sa conscience en règle, il s’agit d’aimer. Alors ? L’essentiel ?

L’essentiel a toujours un visage. Ce n’est pas quelque chose : un ordre, un avis, une interdiction, une loi. L’essentiel, c’est quelqu’un.

 

L’essentiel : le visage de mon époux, de mon épouse, de mes enfants, de mes voisins, de mes collègues de travail, tous ceux qu’il faut aimer et avec qui il faut vivre pour faire battre un cœur et promouvoir l’amour.

 

L’essentiel, c’est aussi, en même temps, le visage des visages : celui que Jésus a appelé “Père” pour que tous les hommes se sachent fils et frères. Le commandement devient alors une force intérieure de croissance et son fruit : tout ce qui fait qu’un homme devient plus homme.

Deux voisins dans un village de Polynésie étaient tout le temps en guerre. La vie devenait insupportable pour l’un comme pour l’autre, mais aussi pour tout le village. Un jour, des anciens viennent dire à l’un de ces 2 hommes :

« La seule solution maintenant que tu as tout essayé, c’est que tu ailles voir Dieu ». « Je veux bien, dit-il, mais où ? »

« Rien de plus simple, il suffit que tu montes là-haut sur la montagne et, là, tu verras Dieu ».

Et le voilà parti, sans trop hésiter, à la rencontre de Dieu. Après plusieurs jours de marche et d’effort, il découvre que Dieu était là et l’attendait : il avait beau se frotter les yeux, il n’y avait aucun doute, Dieu avait le visage de son voisin. Ce que Dieu lui a dit, personne ne le sait.

En tout cas, de retour au village, ce n’était plus le même homme ! Mais, malgré sa gentillesse, tout allait aussi mal car l’autre voisin redoublait d’imagination pour inventer de nouvelles querelles.

Les anciens se dirent entre eux : « Lui aussi, il faut qu’il monte voir Dieu ».

Ils réussirent à le persuader… la suite… vous l’avez deviné : Dieu avait aussi le visage de son voisin. De ce jour-là, tout a changé et désormais, l’un et l’autre sont devenus les meilleurs amis du monde. Pas besoin d’aller en Polynésie : nous avons, vous avez, vous aussi, des parents, des voisins que vous ne voyez peut-être pas avec plaisir, avec joie : dans ce cas-là, « N’hésitez pas, allez voir Dieu sur la montagne ». C’est le 1er, le grand commandement, le plus important, le plus urgent : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ».

Si je ne vais pas voir Dieu, jamais je ne pourrai voir ma voisine querelleuse, mon mari renfermé, ma femme nerveuse, cet enfant turbulent, ce collègue horripilant.

Si je ne monte pas sur la montagne, c’est-à-dire en compagnie de Dieu, je ne verrai que leurs défauts, leurs caricatures, leur mauvais côté ; jamais je ne m’apercevrai qu’ils sont fils de Dieu et qu’ils sont mes frères.

Attention ! Jésus dit que ces commandements sont semblables, il ne dit pas que les deux sont interchangeables : il ne faut donc pas privilégier l’un au profit de l’autre : c’est clair, il est aussi urgent d’aimer Dieu que ses frères, aussi urgent de donner l’exemple d’hommes tout donnés à Dieu, que de montrer des chrétiens tout donnés à leurs frères.

Donnons-nous autant d’importance à l’amour de Dieu qu’à celui de nos frères ? L’un ne va pas sans l’autre ! Il a certainement tort celui qui dit : « Moi, je m’occupe de mes frères, c’est comme si je m’occupe de Dieu – donc charité, mais la prière, la messe, l’union à Dieu… quand j’ai le temps ».

Il a certainement tort également celui qui dit : « Moi, je m’occupe de Dieu, je prie, je vais à la messe ; donc les autres, je n’ai pas besoin de m’en occuper ».

Le service de nos frères doit nous conduire à la prière et la prière, à son tour, doit nous inciter à l’attention aux autres. Si le Seigneur ne sépare pas ces deux commandements, s’il les met ensemble : c’est que, justement, les deux sont inséparables et que c’est ensemble : amour de Dieu, amour des autres, qu’ils doivent s’accomplir.

Pour reprendre l’histoire de tout à l’heure :

« Si je monte à la montagne pour voir Dieu, j’ai des chances d’y voir mon voisin et si, étant descendu de la montagne, je vois mon voisin, j’ai des chances d’y voir Dieu ».

Que ce soit le même amour qui nous rassemble dans cette Eglise comme des frères parce que, tous, nous sommes fils d’un même Père qui nous dit : « Aimez-vous comme je vous aime ». AMEN




29ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 15-21) – Homélie du D. Alexandre ROGALA

Depuis plusieurs dimanches, la liturgie nous propose d’entendre des débats opposant Jésus et les autorités religieuses de son temps.  À ce stade de l’évangile, les autorités religieuses juives ont décidé d’arrêter Jésus et de le supprimer. Une seule chose les en empêche: Jésus est soutenu par les foules qui le prennent pour un prophète: « Tout en cherchant à larrêter, ils eurent peur des foules, parce quelles le tenaient pour un prophète. » (Mt 21, 46)

Si elles veulent éliminer Jésus, les autorités religieuses doivent d’une part, le discréditer en tant qu’enseignant auprès des foules, et d’autre part, le présenter aux autorités romaines comme un opposant.

Dans l’évangile de ce dimanche, pour arriver à leur fin, les pharisiens tendent à Jésus un piège presque parfait. Tout d’abord, les pharisiens ne s’adressent pas eux-mêmes à Jésus, car Jésus les connait et il sait bien qu’ils veulent le supprimer. En envoyant leurs disciples, c’est à dire en recourant à des « visages inconnus » de Jésus, les pharisiens espère que Jésus sera moins méfiant, et qu’il tombera dans leur piège (v. 16).

C’est une stratégie bien connue. Dans le monde du travail, quand des salariés veulent faire remonter un problème à leur patron, ils choisissent en général d’envoyer quelqu’un qui a une bonne relation avec le patron, ou quelqu’un qui ne s’est encore jamais plaint. Ici la stratégie des pharisiens est un peu la même.

Les disciples des pharisiens commencent par flatter Jésus sur la véracité de son enseignement. C’est une stratégie bien pensée, car cet éloge vise non seulement à diminuer la méfiance de Jésus, mais aussi à amener Jésus à faire une déclaration irréfléchie. En effet, s’il est vrai que Jésus ne regarde pas la condition de la personne, il doit le prouver en s’exprimant avec honnêteté, même quand il s’agit des autorités romaines et de l’empereur César.

« Est-il permis, oui ou non, de payer limpôt à César, lempereur ? »

Si Jésus exprime une réticence par rapport à l’impôt, ses adversaires pourront alors le faire accuser devant les autorités romaines en disant qu’il incite les juifs à ne pas payer l’impôt. Au contraire, si la réponse de Jésus est positive, il risque d’être discrédité auprès du peuple qui souffre sous le poids de l’impôt. Le peuple cesserait alors de le protéger.

Jésus reconnait la méchanceté et l’hypocrisie de ses adversaires (v. 18). Jésus leur demande donc de lui montrer « la monnaie de l’impôt ». Le détail est important, car le fait que ses adversaires aient sur eux cette monnaie romaine, signifie qu’ils payent bien l’impôt. Et s’ils paient l’impôt, leur question n’est pas une vraie question. Jésus révèle publiquement leur hypocrisie et intentions mauvaises. Les disciples des pharisiens ne l’ont pas abordé pour clarifier une situation, mais pour le tenter.

La parole conclusive de Jésus réduit à néant l’attaque de ses adversaires: « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (v. 21)

En disant cela, Jésus suggère que si en payant l’impôt, ses adversaires rendent à César ce qui lui revient, en revanche, ils ne rendent pas à Dieu ce qui est à Dieu. Rappelons nous la parabole des vignerons homicides qui ne veulent pas remettre le produit de la vigne au maître (Mt 21, 34ss.).

Et pour moi aujourd’hui ? Que pourrait signifier « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » ? Dans le verbe grec traduit en français par « rendre » (ἀποδίδωμι), il y a l’idée de répondre à des obligations suite à un contrat. Il me semble que les autres lectures de ce dimanche peuvent nous donner une idée de nos obligations en tant que bénéficiaires et contractants de l’Alliance avec le Seigneur.

La première lecture est un extrait du chapitre 45 du livre du prophète Isaïe. Ce prophète est actif autour de la fin de l’exil à Babylone, donc au moment où l’Empire Perse avec Cyrus à sa tête, monte en puissance et est en train de devenir le maître du Proche Orient. C’est ce même Cyrus qui permettra aux exilés de rentrer en Terre Promise.

Même si Cyrus est païen et qu’il ne connait pas le Seigneur (v. 4), le Seigneur l’a choisi pour faire sa volonté, c’est à dire libérer le peuple d’Israël exilé.

En reconnaissant que c’est le roi Cyrus qui permet concrètement aux exilés israélites de rentrer en Terre Promise, Isaïe « rend à César ce qui est à César ». Isaïe reconnait la puissance et la « bienveillance » de Cyrus. Toutefois, le prophète souligne bien qu’à travers Cyrus, c’est en réalité, Dieu qui agit. Cyrus n’est finalement qu’un instrument du Seigneur. Ce n’est donc pas Cyrus, mais le Seigneur qu’il faut adorer.

Dans le psaume 95, le Seigneur est loué pour sa gloire et sa puissance. Le psalmiste nous  invite à adorer Dieu, pour ce qu’il est: « Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis. Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté ». Comme dans la première lecture, le psaume nous rappelle que nous devons à Dieu « l’adoration ».

Dans la deuxième lecture, saint Paul et ses collaborateurs déclarent sans cesse rendre grâce à Dieu au sujet des croyants de Thessalonique en se souvenant de leur foi active, de leur espérance et de leur charité. L’action de grâce est une prière qui exprime à Dieu notre reconnaissance pour quelque chose que l’on a reçu.

Pour l’Apôtre et ses collaborateurs, il n’est pas question de fausse-modestie. Ils ont conscience du rôle essentiel qu’ils ont joué dans l’annonce de l’évangile à Thessalonique. Cependant, ils ont aussi l’humilité de reconnaître que la fécondité de cette annonce de l’Évangile ne vient pas d’eux, mais du Seigneur: « Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui. En effet, notre annonce de l’Évangile na pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de lEsprit Saint, pleine certitude » (1 Th 1, 5). Paul et ses collaborateurs reconnaissent l’action de Dieu dans leur ministère apostolique. Ils savent bien que sans le soutient de l’Esprit Saint, la mission à Thessalonique aurait été un échec. En « rendant grâce », c’est à dire, en exprimant à Dieu leur reconnaissance et en partageant avec lui leur joie, saint Paul et ses compagnons rendent à Dieu ce qui lui revient: le « mérite » (pour ainsi dire) du succès de leur prédication à Thessalonique.

En résumé, « rendre à Dieu ce qui est à Dieu » implique de (re)prendre conscience que Dieu est non seulement maître des événements et de l’histoire, mais qu’il agit aussi dans ma vie. Ainsi, je peux lui rendre, c’est à dire lui reconnaitre, ce qui lui revient: la gloire, la puissance, la sainteté, la royauté etc. et lui exprimer ma reconnaissance en l’adorant en vérité (cf. Jn 4, 24).

Prenons donc un moment de silence avant la suite de la célébration pour nous souvenir de tout ce que Dieu a fait pour nous, afin que nous puissions aujourd’hui lui rendre grâce en vérité. Amen !