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24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – Homélie du Père Louis DATTIN

 Le pardon

 Mt 18, 21-35

A la fin d’une réunion publique, l’orateur donne souvent la parole à la salle. Alors, quelques fois, des auditeurs posent des questions, parfois longues et compliquées, auxquelles l’orateur répond aussi de manière longue et compliquée. Résultat : un ennui poli dans la salle.

Et puis, parfois, surgit une question si simple, si naïve qu’elle fait sourire et voilà que le conférencier, pour rester dans le ton, donne une réponse, si simple, si limpide, qu’on se dit que ce naïf a rendu service à toute l’assemblée. Merci donc à St-Pierre, aujourd’hui, d’avoir posé cette question à Jésus. Pour nous, chrétiens de vieille souche, la question prête à sourire :

« Combien de fois dois-je pardonner à mon frère ? »

Quelle idée de compter les pardons ! Mais la question n’est pas sotte, puisque nous-mêmes, sans vouloir calculer, nous disons à l’autre : « C’est la dernière fois que je te le dis ! », « Pour une fois, je passe, mais gare à toi maintenant ».

Autrement dit, dans notre langage, nous donnons au pardon une chance, peut-être deux. Mais notre patience a des limites. Nous ne voulons pas passer pour des poires. Nous ne voulons pas être des dupes. Il arrive, comme on dit « que le vase déborde » : « Non, c’est assez. Je t’avais prévenu, tu vas me payer ça ! »

Il m’est arrivé, à propos des absences au catéchisme, de dire « une fois ça passe ; deux fois, ça lasse ; trois fois, ça casse ». Je n’ai pas été jusqu’à trois fois !

Alors, « oui, Seigneur, jusqu’où devons-nous aller ? » Ce serait facile d’avoir un règlement et un compteur à pardons… au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable. Or, Jésus nous répond : « Soixante-dix-sept sept fois sept fois ! » autant dire « encore et encore, sans cesse et sans limite, indéfiniment ».

L’énormité de la somme qu’il remet totalement à celui qu’il convoque : 10 000 talents = 60 millions de francs or, somme fantastique, extravagante. Pour vous donner un point de repère, l’historien Flavius Joseph estime qu’au temps de Jésus, les deux provinces de Galilée et de Pérée payaient 200 talents d’impôts, c’est-à-dire le 50e du chiffre cité par Jésus.

Quel est donc ce roi pour avoir des débiteurs d’une telle somme ? Avec de telles dettes, il n’y a plus qu’une chose à faire, selon la loi païenne du temps : qu’on le vende lui-même, sa femme, ses enfants, ses biens ; l’enfer, quoi ! Le serviteur, inconscient, on ne sait, ou bien renseigné sur la bonté de son maitre, demande et obtient grâce ! Remise totale : « C’est fini ! On n’en parle plus ! »

Deuxième acte : voici notre homme libéré, pardonné, qui rencontre un homme qui lui doit cent pièces, une broutille ! Parlons en euros : 0 million d’un côté, 100 euros de l’autre.

On voit le rapport ! L’autre ne peut pas rembourser : en prison !

Troisième acte : le scandale éclate. On va dire au roi ce qui vient de se passer. Le coupable est châtié après avoir été gracié :

 « Ainsi fera Dieu à l’égard de celui qui ne pardonne pas à son frère ».

Qui donc est Dieu qui exige le pardon de l’autre pour pardonner à son tour et à tout coup ? Il est celui qui peut annuler la dette aussi considérable soit-elle, aussi énorme que soit la faute.

Pour Dieu, il n’y a de faute qu’il ne consente à remettre, qui ne reçoive pas son pardon : encore faut-il le demander, encore faut-il surtout montrer soi-même sa capacité de pardonner aux autres.

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ” ».

Dans la première lecture, Sirac le sage disait la même chose : « Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait, alors, à ta prière, tes péchés te seront remis » et il nous explique cela par l’alliance, cette Alliance nouée entre nous et Dieu :

« Pense à l’Alliance du Très-Haut et oublie l’erreur de ton prochain ».

Curieuse alliance, si l’on y réfléchit bien: habituellement, une alliance est un traité d’assistance et de défense mutuelles. Mais Dieu n’a nul besoin d’être assisté ni défendu mais il a besoin que l’amour qu’il donne soit répercuté. Les termes de l’Alliance sont donc les suivants :

« Je t’aime, et toi, si tu m’aimes, prouve-le en aimant ton prochain ».

« Je te pardonne, et toi, prouve ta reconnaissance en pardonnant à ton tour, aux autres ».

Au fond, dans cet Evangile, il n’est question que de 2 vérités essentielles : le pardon de Dieu et le pardon des autres.

* Tout d’abord : le pardon de Dieu. La 1ère vérité est que l’homme a besoin du pardon de Dieu, comme nous le disons au début de chaque messe :

« Reconnaissons que nous sommes pécheurs »,

« Seigneur, prends pitié ! »,

« O Christ, prends pitié ! »,

« Dis seulement une parole et je serai guéri ».

Devant le Seigneur, prêt à nous pardonner, est-ce que nous reconnaissons notre péché ? Est-ce-que nous connaissons même notre péché ? Ou bien est-ce-que nous vivons de compromis louches : « Les affaires sont les affaires », ou bien « Y’a pas de mal à ça », « Les autres en font autant, pourquoi pas moi », « Dieu n’en demande pas tant » ?

Dans un mouvement de réconciliation, allons-nous vers le Seigneur lui demander son pardon dans la prière, dans le Sacrement de Pénitence ? Le péché abaisse, le remords tue, mais le repentir libère et le pardon remet debout. Pour retrouver la paix et la liberté intérieure, nous avons besoin du pardon de Dieu.

* 2e vérité aussi importante que la précédente : si l’homme a besoin du pardon de Dieu, il a aussi besoin du pardon des autres. Le pauvre malheureux, avec sa petite dette de 100 euros, a besoin, lui aussi, d’être pardonné. S’il n’a pas obtenu, à son tour, le pardon de l’autre, il reste enchaîné et sa vie est brisée : nécessaire pardon d’homme à homme, de créature à créature.

Est-ce-que nous le pratiquons avec la même générosité que Dieu ? Cherchons-nous à pardonner comme Dieu pardonne à nous-mêmes ? Savons-nous répercuter sur les autres, sur nos proches, la grâce que Dieu nous a faite ?

 Voyez-vous, avoir été pardonné par Dieu (et cela vous est arrivé combien de fois ? Plus de sept fois ?), c’est, pour vous, devenir responsable du pardon des autres parce que nous avons été pardonnés nous-mêmes, nous sommes porteurs de pardon pour l’autre.

Si un jour ou un autre, vous consultez en vous-même pour décider si vous ne calez pas ou si vous pardonnez, à ce moment-là, rappelez-vous tout ce qu’a fait le Père pour vous !

Rappelez-vous la Croix de Jésus pour vous : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Rappelez-vous toutes ces absolutions reçues, à chaque fois que vous êtes allés vous réconcilier avec Dieu… et alors, que nous pardonnions « comme nous sommes pardonnés », nous qui avons beaucoup plus à nous faire pardonner par Dieu qu’à pardonner aux autres.

C’est vrai, ce n’est pas facile car ce n’est pas humain, c’est divin. « Soyez bons, vous autres, parce que moi je suis bon ! » Adoptons, peu à peu, les mœurs de Dieu. Entrons dans sa mentalité, c’est le meilleur moyen de devenir comme lui.

Comme lui, ayons plus d’amour que de mémoire.

Aimons assez pour tout oublier comme lui. AMEN




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 15-20) – par D. Alexandre ROGALA

Ce dimanche, la liturgie nous invite a nous interroger sur la correction fraternelle à l’intérieur de la communauté de croyants.

Il y a quelques années, j’ai un ami chrétien qui, sans entrer dans les détails, semblait avoir un problème avec l’alcool. Ne voulant pas le vexer ni le mettre mal à l’aise, je n’ai jamais osé lui en parler directement. J’en ai discuté avec d’autres amis, et nous avons fait notre possible pour limiter les occasions qu’il avait de consommer de l’alcool. Par exemple, lorsqu’il nous invitait à  prendre un verre, nous n’acceptions pas son invitation.

Notre manière d’agir pour corriger notre ami, était-elle conforme à l’Évangile ? Après avoir entendu le protocole de correction fraternelle que propose Jésus, il est évident que la réponse est « non ». Mais essayons d’aller plus loin, et de comprendre à partir des textes bibliques proposés ce dimanche pourquoi notre manière d’agir avec notre ami n’était pas la plus appropriée pour des chrétiens.

La première lecture est un extrait du chapitre 33 du Livre du prophète Ézéchiel. Ce prophète appartenait à une famille sacerdotale de Jérusalem, et il avait été déporté en Babylonie en 597 av. J.C lorsque Nabuchodonosor roi de Babylone, avait pris la Ville Sainte. Son ministère prophétique s’est déroulé en deux temps. Cherchant peut-être à expliquer la prise de Jérusalem et la première déportation de la population à Babylone, Ézéchiel a dans un premier temps, dénoncé le péché du peuple d’Israël. Les oracles de jugement correspondent à la première partie du livre d’Ézéchiel. Quelques années plus tard, en 587 av. J.C, le roi Nabuchodonosor a fait détruire le Temple de Jérusalem. À partir de ce moment là, le discours du prophète a changé. Ézéchiel est devenu le prophète de l’espérance, et il s’est mis à annoncer la restauration d’Israël. Le texte de la première lecture d’aujourd’hui est au début de cette deuxième partie du livre.

Dans l’extrait que nous avons entendu, Dieu fait d’Ézéchiel un « veilleur ».  Ce texte n’est pas unique. D’autres passages de l’Ancien Testament présentent le prophète comme un homme qui doit veiller et avertir le peuple des paroles du Seigneur. Ainsi dans le Livre du prophète Jérémie, nous lisons que Dieu dit: « Jai suscité pour vous des guetteurs : « Faites attention au son du cor ! » » (Jr 6, 17). Et dans le Livre du prophète Habacuc, celui-ci écrit: « Je vais me tenir à mon poste de garde, rester debout sur mon rempart, guetter ce que Dieu me dira » (Ha 2, 1).

Bref, l’une des responsabilités du prophète est d’avertir celui qui commet un péché, qu’il n’agit pas selon la volonté divine. Ainsi, le pécheur averti peut, s’il en fait le choix, abandonner sa mauvaise conduite.

En vertu de notre baptême, nous participons à la dignité prophétique du Christ. Par conséquent, si je veux que mon frère se détourne de son péché, il faut que je lui dise, avec charité évidemment, que son comportement n’est peut-être pas celui d’un disciple du Christ.

L’Évangile de ce dimanche, nous explique la façon dont nous devons procéder pour corriger son frère. Le passage que nous avons écouté est précédé par la « parabole de la brebis perdue ». Cela nous indique que pour Jésus, le motif du bon berger qui va chercher la brebis égarée et celui de la correction fraternelle sont liés. Avant Jésus, un sage juif du nom de Ben Sira avait déjà fait ce lien puisqu’il écrit dans son livre: « le Seigneur, lui, a pitié de toute créature. Il corrige, il instruit, il enseigne ; comme un berger, il fait revenir son troupeau. » (Si 18, 13).

Pour le dire plus simplement, la réprimande sert à regagner son frère et à faire en sorte qu’il ne se perde pas. Ainsi, nous retrouvons dans l’évangile, la même idée que dans la première lecture. Par ailleurs, cette idée est aussi présente dans la Lettre de Jacques dans laquelle nous lisons: « Mes frères, si lun de vous s’égare loin de la vérité et quun autre ly ramène,  alors, sachez-le : celui qui ramène un pécheur du chemin où il s’égarait sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés. » (Jc 5,19-20).

La correction fraternelle doit commencer seul à seul avec le frère qui a péché. Ce n’est que s’il n’écoute pas, que nous devons faire appel à des témoins. La fonction des témoins consiste à donner davantage de poids aux déclarations de celui qui veut corriger son frère qui a péché, et à lui faire admettre que son comportement est fautif.

Si le frère qui a péché ne se convertit pas, alors il exprime lui-même qu’il se situe en dehors de l’Église. C’est pourquoi le texte nous dit, qu’il est comme un « païen et un publicain ».

Toutefois, il est important de noter que Jésus ne parle pas d’excommunication. Jésus ne dit pas qu’il faut exclure ce frère de l’Église. Les tentatives de correction fraternelle des membres de l’Église sont limitées, mais pas leur disponibilité à pardonner. Si plus tard, le frère qui a péché se convertit et demande pardon, il est important de l’accueillir. Surtout que selon notre texte, le pardon accordé à l’intérieur de la communauté ecclésiale signifie que la culpabilité devant Dieu est effacée: « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ».

 

En attendant la conversion d’un frère qui a péché, la communauté chrétienne a le devoir de prier pour lui. C’est sans doute la raison pour laquelle Jésus conclut en disant que « si deux dentre vous sur la terre se mettent daccord pour demander quoi que ce soit, ils lobtiendront de mon Père qui est aux cieux ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la deuxième lecture tirée du chapitre 13 de la Lettre de saint Paul aux Romains, il est question du commandement de l’amour du prochain. Pour Paul tous les commandements de la Loi se résument à ce commandement que nous trouvons dans le Livre du Lévitique: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lv 19, 18). Aimer le prochain pour le chrétien , n’est pas une émotion, aimer son prochain signifie vouloir son bien, et agir en fonction de ce bien.

 

Dans le Livre du Lévitique, juste avant le commandement de l’amour du prochain, nous lisons: « tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui. » (Lv 19, 17). Par conséquent, la correction fraternelle se situe dans la perspective de l’amour du prochain.

Nous avons vu dans l’Évangile, qu’avant de parler du mauvais comportement d’un frère chrétien à deux ou trois témoins ou à l’Église, il faut d’abord lui parler seul à seul. Informer toute l’Église avant de parler à la personne concernée est contraire au commandement de l’amour du prochain. Car celui qui aime son prochain, ne l’expose pas publiquement à cause de ses faiblesses ou de ses mauvaises actions. La réprimande dans la correction fraternelle est parfois l’expression la plus appropriée de l’amour que l’on porte à une personne.

 

Demandons donc à Dieu le Père le courage et la douceur de son Fils Jésus-Christ pour que nous osions corriger nos frères quand cela est nécessaire. Mais demandons aussi l’humilité qui nous permettra d’accueillir nous-même leurs paroles de correction fraternelle, et qu’ainsi nous puissions continuer à avancer tous ensemble sur le chemin de la sainteté. Amen !

 

 




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 15-20) – par Francis COUSIN

« Miséricorde et unité »

 

Deux parties dans l’évangile de ce jour, toutes deux aussi importantes.

Une première partie qui parle de la résolution de conflits personnels.

Une deuxième partie qui parle de la puissance de l’unité dans la prière, et du lien qui existe entre la terre et le ciel.

Mais ces deux parties sont liées.

« Si ton frère a commis un péché contre toi … »

Le ton est donné. Jésus ne s’adresse pas à n’importe qui … ou plutôt, il s’adresse à tous, mais il considère que tout le monde devrait se comporter comme s’ils étaient tous frères

Ce n’est pas toujours évident, surtout quand il y a des conflits entre les personnes …

Mais Jésus montre ainsi que la résolution des conflits ne peut se faire que si on est dans une attitude de bienveillance vis-à-vis de la personne qui nous a fait du tort, dans une attitude miséricordieuse vis-à-vis de celle-ci … voire une attitude d’amour, de charité

Bien sûr, on n’en attendait pas moins de lui, lui qui est tout amour et qui disait : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. » (Lc 6,36)

« Va lui faire des reproches seul à seul. »

On s’explique tranquillement, sans dispute, en secret. L’important est de remettre du lien entre les personnes : lui et moi. Et personne d’autre … (Ce qui devient de plus en plus rare à notre époque où les gens se répandent sur les réseaux (dit) sociaux pour dire tout le mal qu’ils pensent de l’autre, et réciproquement), et avec une attitude humble, et ouverte …

En Église, on se parle et on s’écoute … mais on peut (et devrait) avoir la même attitude dans d’autre lieux, dans la famille, dans le travail …

« S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. »

En créole, on comprend bien ce que cela veut dire : cette personne est re-devenue ton frère !

Mais cela ne marche pas toujours … alors « prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. », pour éviter que les paroles soient trop subjectives, et pour permettre que d’autres arguments soient proposés en vue d’une évolution favorable.

Si cela ne permet pas que la situation évolue favorablement, « dis-le à l’assemblée de l’Église », en dernier ressort. Devant l’ensemble de l’assemblée de l’Église, on peut raisonnablement penser que l’Esprit Saint va faire jaillir par l’un de ses membres la parole qui permettra de résoudre le problème. Si la personne reconnaît ses torts et fait amende honorable, alors les choses sont réglées.

Dans le cas contraire, alors les paroles de Jésus sont dures : « considère-le comme un païen et un publicain ».

Cela ne veut pas dire que Jésus rejette cette personne, il continue à l’aimer et le respecter au même titre que les autres ; pour lui, ce n’est pas une insulte, mais un fait : il se met de lui-même en dehors de l’Église.

Il ne peut en être autrement. D’ailleurs, c’est Jésus qui a choisi le publicain Matthieu parmi ses apôtres, celui-là même qui relate ces paroles de Jésus. Quant aux païens, il sait reconnaître quand ils disent des paroles de foi, comme la Cananéenne ou le Centurion …

Et la décision choisie est entérinée dans le ciel, ce qui montre l’importance des décisions prises par l’Église quand elles sont prises en synode ou en concile … « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. »

La miséricorde et l’amour de Dieu se font présentes dans les décisions communes prises sur terre … Lourde responsabilité !

Mais aussi, La miséricorde et l’amour de Dieu sont présents à chaque fois que nous ramenons quelqu’un dans le droit chemin, en tête à tête … Alors, c’est grande joie dans le ciel : « C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » (Lc 15,7)

Et Jésus termine par deux phrases importantes pour nous : il n’y a pas besoin d’être nombreux pour demander quelque chose à Dieu : il suffit d’être deux, et la deuxième : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. ».

Peut-être que si on souvenait plus souvent de cette phrase, on aurait moins cette attitude assez fréquente dans nos paroisses de sinistrose devant ce qui nous arrive …

« On n’y arrivera jamais … on n’a pas les moyens humains et matériels … etc … »

Dieu est avec nous … il nous soutient, et il nous aime … il ne nous laissera pas tomber …

« Rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1,37)

Seigneur Jésus,

l’Évangile de ce dimanche

devrait être pour nous une ’’leçon’’

à connaître par cœur.

Oh, on la connait,

mais on ne sait pas s’en souvenir

quand on en a besoin.

Ranime notre mémoire

pour être œuvre de miséricorde

autour de nous,

et croyons en ta présence

continuelle avec nous.

Francis Cousin

 

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Prière dim ord A 23°

 




23ième dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 15-20) – Homélie du Père Louis DATTIN

La communion des Saints

Mt 18, 15-20

Le plus souvent, frères et sœurs, lorsque nous écoutons l’Évangile, nous avons l’impression que Jésus s’adresse à chacun d’entre nous, que c’est  » personnellement  » qu’il nous adresse tel conseil ou tel enseignement et c’est encore personnellement que nous réfléchissons et que nous prenons décision de modifier tel ou tel aspect de notre vie.

Aujourd’hui, Jésus s’adresse à la communauté, en tant que telle, à l’Église, famille de Dieu, au groupe de chrétiens qui vit ensemble et il nous rappelle tout d’abord que le chrétien est quelqu’un qui « vit ensemble », avec d’autres, dans une communauté, qu’il est solidaire de ceux qui vivent avec lui et qu’il doit se sentir responsable de ceux qui sont à côté de lui. Jamais un chrétien ne peut et ne doit se sentir un isolé ; s’il l’est, c’est :

– soit de sa faute parce qu’il se coupe des autres ;

– soit de la faute de sa communauté qui ne le considère pas assez comme un membre à part entière du groupe dont il fait partie.

Nous sentons-nous responsables des autres dans toutes les communautés dont nous faisons partie : travail, quartier, immeuble, famille, paroisse, associations ou activités dans lesquelles nous sommes engagés ? Attention : ce n’est pas facultatif pour un chrétien.

Depuis notre Baptême, depuis que, ensemble, si souvent, nous communions au Christ : nous sommes tous branchés sur le Christ et nous sommes tous branchés les uns sur les autres, même ceux qui l’ignorent, même ceux qui n’y croient pas !

« Nul n’est une île ». Cette solidarité spirituelle, cette fraternité qui nous lie parce que nous sommes tous de la même famille par notre Baptême, que nous vivons de la même vie et de la même nourriture par l’Eucharistie, cela s’appelle la  » communion de Saints « . Vous le dîtes chaque dimanche dans le « Je crois en Dieu » : « “Je crois à la communion des Saints” ». Le pécheur donne la main au Saint et le Saint donne la main au pécheur et tous ensemble, l’un tirant l’autre, ils remontent jusqu’à Jésus : « Celui qui ne donne pas la main n’est pas chrétien ». Autrefois, vous avez chanté : « Je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver ».

Non ! C’est faux ! Nous n’avons pas qu’une âme à sauver, la nôtre, mais aussi celle des autres, autour de nous. C’est ensemble, en groupe, en famille, en Église que nous nous sauverons, ou pas du tout ! Un chrétien ne peut pas retirer son épingle du jeu : il fait partie d’une famille qu’il doit aider et qui doit l’aider : les deux à la fois.

Je dois pouvoir compter sur l’aide des autres, tout comme ils peuvent compter sur la mienne.

– Il ne faut pas sauver son âme comme on sauve un trésor. Il faut se sauver ensemble et faire arriver le bateau jusqu’au port malgré la tempête, grâce à l’énergie et au concours de tout l’équipage, depuis le capitaine jusqu’au plus jeune des mousses.

– Le chrétien ne se définit pas par le niveau de ses vertus ou de ses mérites, mais par sa faculté de communion avec les autres dans tous les groupes dont il fait partie. Notre rôle n’est pas de juger nos frères, encore moins de les condamner, mais de leur tendre la main. 

Un jour, le Seigneur ne me demandera pas « Est-ce-que tu t’es assez isolé des méchants et des mauvais pour ne pas te contaminer et garder ta vertu intacte ? ». Par contre, il me dira : « Qu’as-tu fais de ton frère ? »

Ai-je le souci d’aider les autres, plus encore que de progresser moi-même ? C’est ensemble, avec les autres, en communion, en communauté avec toute l’Église que j’ai quelque chance d’accéder à cet amour de Dieu qui est d’abord ‘’oubli de soi’’, « vie offerte », au profit de son peuple. Jésus n’hésite pas à mourir seul pour tous.

« Il y a plus de joie dans le ciel pour un homme qui retrouve l’Église, c’est-à-dire la communauté que pour les 99 qui s’y trouvent déjà ».

Avons-nous la hantise des autres à sauver, à aider ? Ce souci-là est-il plus fort en nous que le souci de notre propre salut ?

 

Écoutons de nouveau ce que Dieu dit à Ézéchiel : « Je fais de toi ‘’un guetteur ’’ pour la maison d’Israël ». Oui, nous devons devenir des guetteurs, être à l’affût, des hommes et des femmes clairvoyants sur ce qui se passe autour de nous, des chrétiens attentifs à toute souffrance à soulager, attentifs au voisin qui a besoin d’aide, au collègue de travail qui subit une injustice ; un homme prêt à discerner les pièges où l’on risque de se laisser prendre et il y en a tant à notre époque, tant d’occasions de se laisser piéger :

 

  • par les médias,

  • par les slogans,

  • par les idées toutes faites,

  • par une mentalité païenne à laquelle on ne réagit plus parce qu’on oublie les exigences de l’Évangile.

Très souvent, nous manquons d’esprit critique à propos de tout ce qui se dit autour de nous, à propos du racisme, à propos des victimes du chômage, de la drogue ou du sida, par rapport à cette mentalité individualiste qui actuellement se répand partout et qui nous pousse au ‘’chacun pour soi’’.

Être un guetteur, c’est sentir tout cela et avoir le courage d’avertir les autres, de rappeler la direction à prendre, d’apporter un peu de lumière à ceux qui n’y voient plus.

« Si tu ne dis rien au pécheur, si tu ne l’avertis pas, si tu n’as pas le courage de lui rappeler où est le bon chemin, il mourra de son péché. Mais, à toi aussi, je demanderai compte de sa vie. Par contre, si tu as eu le courage et assez d’amour pour le mettre en garde, tu pourras le sauver et, toi aussi, tu auras sauvé ta vie ».

N’oublions pas ce qu’est le péché « d’omission » : tout ce que nous aurions pu faire pour les autres, pour les aider, pour les sauver et que nous n’avons pas fait en bien pèsera peut-être plus lourd devant Dieu que ce que nous avons fait de mal.

C’est sur ce positif de notre vie et le bien que nous avons pu faire aux autres que nous serons sauvés, beaucoup plus que par le mal que nous n’avons pas fait et qui nous a gardé, peut-être aseptisés, mais sans rien à présenter au Seigneur qui soit « actes d’amour ». Surtout ne croyons pas que ce souci des autres soit facultatif. St-Paul dans la 2e lecture nous rappelle que c’est un devoir, et il dit plus : « C’est une dette », c’est même la seule dette que nous devons avoir avec les autres.

« Ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel », « car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la loi ».  AMEN

 




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 15-20) – par le Diacre Jacques FOURNIER

Travailler, ensemble, à « gagner nos frères »

(Mt 18, 15-20)

  En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.
S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins.
S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain.
Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.
Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux.
En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »

                    

             « Libre à l’égard de tous », écrivait St Paul, « je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner le plus grand nombre… Je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns » (1Co 9,19‑22), car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4-6)…

            Alors, « si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul », pour lui éviter d’être humilié devant les autres, « et montre lui sa faute » sans jamais oublier que nous sommes tous pécheurs, d’une manière ou d’une autre. Et « s’il t’écoute » avec simplicité et humilité, « tu auras gagné ton frère », et alors quelle joie ! Et un jour peut-être, c’est lui qui, à son tour, viendra te « gagner »…

            Aussi, « frères, même dans le cas où quelqu’un serait pris en faute, rétablissez-le en esprit de douceur, te surveillant toi-même, car tu pourrais bien toi aussi être tenté. Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la Loi du Christ. Car si quelqu’un estime être quelque chose alors qu’il n’est rien, il se fait illusion » (Ga 6,1-3)…

            Et « s’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes » en espérant que le poids « plus lourd » de votre charité commune pourra percer l’écorce de son cœur… S’il refuse encore, que « toute l’Eglise » unisse ses forces et sa prière, car, « nous tous qui avons été abreuvés d’un même Esprit, nous ne formons qu’un seul Corps » (1Co 12,13). C’est pourquoi, si un membre est malade, c’est le Corps tout entier qui souffre (1Co 12,26). Et si un membre manque à l’appel, il manque à tous, car nous avons tous besoin les uns des autres pour que l’Eglise soit pleinement elle-même…

            En effet, cette Eglise, du point de vue de Dieu, a en fait la dimension de l’humanité tout entière, cette famille incroyablement nombreuse de ses enfants « créés à son Image et Ressemblance » (Gn 1,26-28). Qu’un seul manque à l’appel, et Dieu « s’en ira après celui qui est perdu jusqu’à ce qu’il le retrouve » (Lc 15,4-7). Puisque l’Eglise est « le Corps du Christ », il est impossible qu’elle n’adopte pas la même attitude envers tous, et surtout envers les plus petits… C’est pourquoi Jésus a repris cette parabole de la brebis perdue pour l’appliquer, juste avant notre passage, à l’Eglise car «  on ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits se perde » (Mt 18,14). Quiconque prie le « Notre Père » en disant « que ta volonté soit faite », ne peut donc que travailler, d’une manière ou d’une autre, au salut de tous, sans aucune exception… DJF




Tout est Don de Dieu (22ième Dimanche TO ; Mt 16,21-27) – D. Jacques FOURNIER

            Dans la première lecture (Jr 20,7-9), le Prophète Jérémie évoque « la Parole de Dieu » comme « un feu brûlant dans mon cœur ». En effet, le Don de l’Esprit Saint se joint toujours à la Parole de Dieu. Jésus déclare ainsi en Jn 3,34 : « Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, car il donne l’Esprit sans mesure », un Esprit qui est Amour (Jn 4,24 ; 1Jn 4,8.16) et donc à ce titre « feu ». « Lui », le Christ, « vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » déclare Jean Baptiste (Mt 3,11). C’est ainsi que les deux disciples d’Emmaüs, en se rappelant leur rencontre avec le Christ ressuscité, se disaient l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » Et le feu de cet Amour est vainqueur en nous, pécheurs, vis-à-vis de tout ce qui s’oppose à lui… Telle fut l’expérience de Jérémie : « Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi »Et moi, de mon côté, « je m’épuisais à maîtriser » ta Parole en mon cœur, me disant que « je ne penserai plus à toi, que je ne parlerai plus en ton nom », « sans y réussir »… En effet, en annonçant la Parole de Dieu, Jérémie ne pouvait qu’évoquer les conséquences dramatiques de l’abandon de Dieu… Il est « Amour » (1Jn 4,8.16), « Lumière » (1Jn 1,5), « Paix » (Rm 15,33 ; 16,20 ; 1Co 14,33 ; 2Co 13,11 ; 2Th 3,16) ? Le mettre de côté, c’est se plonger soi-même dans les ténèbres de l’égoïsme, de la haine, de la jalousie, de la discorde, avec toutes les « violences » et les « dévastations » qu’une telle attitude ne peut qu’entraîner… Et bien sûr, oser dire à un orgueilleux qu’il a tort, c’est aussitôt s’attirer « la raillerie », « les moqueries »…   Jérémie en avait assez de toutes ces souffrances, et il a voulu tout arrêter, en abandonnant donc ces orgueilleux aux conséquences dramatiques de leur orgueil… C’est bien compréhensible, humainement parlant, mais du point de vue de Dieu qui ne cesse de poursuivre le Bien de tous les hommes qu’il aime (Jr 32,40-41 ; Lc 15,4-7), il est impensable d’abandonner le pécheur, son enfant toujours bien aimé, à « la souffrance » (Rm 2,9) que ne peut qu’engendrer le mal qu’il commet, aussi bien dans sa vie et que dans celle de toutes les personnes qui en seront les victimes… Quelque part, Jérémie, pécheur lui aussi, pense plus à son intérêt qu’à celui de ses ennemis, ce qui, encore une fois, est bien compréhensible ! Mais Dieu va triompher en Lui, et il continuera à annoncer cette Parole de Dieu, qui n’a d’autre but que le meilleur pour tous, fidèles ou infidèles (2Tm 1,13 ; Mt 5,42-48) et cela envers et contre tout… « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire »… S’il te fait souffrir, continue à travailler à son bien… « Ne  te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,20-21). « L’Amour Vainqueur se crie à tous les vents » (Tropaire CFC)…

            Jérémie est ainsi un exemple pour nous tous, car de par notre baptême et le Don de l’Esprit Saint, nous sommes tous « prêtres, prophètes et roi »… Cette Parole du seigneur qui lui fut adressée autrefois, « je fais de toi un prophète pour les nations » (Jr 1,5) s’applique donc à chacun d’entre nous. Et avouons-le, nous avons souvent la réaction de Jérémie : « Ah ! Seigneur mon Dieu ! Vois donc : je ne sais pas parler, je suis un enfant ! » (Jr 1,6). Je ne suis pas capable… Mais Dieu lui répondit : « Ne les crains pas, car je suis avec toi pour te délivrer – oracle du Seigneur » (Jr 1,8). C’est exactement la même Parole que le Christ donnera à toute son Eglise, et donc à nous tous : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20)…

            Cette expérience de Jérémie est aussi celle du Psalmiste… Il fut tenté de rechercher avant tout son intérêt personnel en laissant de côté celui des autres, d’autant plus que ces autres ne faisaient que le plonger dans la souffrance ? « Ton amour vaut mieux que la vie »… Et puisque l’Amour ne désire que notre vie, pleine, heureuse (« Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10)), cette « vie » ici ne peut qu’être celle qui est synonyme de recherche de soi, de son intérêt, et donc d’égoïsme, et cela dans la seule quête des biens matériels, des plaisirs de toutes sortes… Et pourtant, s’il accepte de renoncer à ces « festins » illusoires, il ne pourra que constater à quel point le Seigneur « met dans son cœur plus de joie que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4,8). Et c’est bien ce qu’il déclare en ce Ps 62 (63) : « Tu seras la louange de mes lèvres ! Toute ma vie, je vais te bénir »… Car « comme par un festin, je serai rassasié »…

            Mais pour cela, comme le déclare St Paul dans sa Lettre aux Romains, plutôt que de se chercher soi, il faut se donner, à Dieu et donc aux autres… Faire le sacrifice de son égoïsme, pour vivre l’amour… « J’ai décidé de m’oublier… Et depuis lors, je fus heureuse » (Ste Thérèse de Lisieux). « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait »… Or ce discernement est un Don de Dieu… Il est encore un fruit de ce Don de l’Esprit Saint reçu au baptême, un Esprit qui apporte avec lui « amour, joie, paix » (Ga 5,25), la joie que vivait déjà le Psalmiste : « La joie sur les lèvres, je dirai ta louange… Je crie de joie à l’ombre de tes ailes »… St Paul écrit ainsi dans sa Première Lettre aux Thessaloniciens : « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit… Mais discernez la valeur de toute chose : ce qui est bien, gardez-le ; éloignez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5,16-20). C’est donc à la Lumière de l’Esprit, Don gratuit de l’Amour, qu’il est possible de « discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait »… Or, ce qui plaît à Dieu, c’est que nous soyons tous comblés de sa Lumière et de sa Vie, un Trésor qu’il est le seul à pouvoir nous donner, un Trésor qui est le seul à pouvoir nous communiquer la vraie Vie, la sienne, le vrai Bonheur, le sien… « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22)… « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15,11). Et de cette joie, ne pourra que naître un « Merci ! », de tout cœur, et telle est « la volonté de Dieu » à notre égard, nous voir heureux… « Rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus »… Nous avons tous été créés pour cela, « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28), et plus précisément pour « reproduire l’image du Fils » (Rm 8,29), ce Fils, « né du Père avant tous les siècles », qui est donc éternellement « engendré » par le Père, recevant du Père dans une éternelle action de grâce la Plénitude de son Être et de sa Vie, ce Don de l’Esprit Saint qui ne peut qu’être pour lui Bonheur profond… « Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et dit : « Je te bénis Père, Seigneur du Ciel et de la terre » » (Lc 10,21)… Alors, « recevez l’Esprit Saint » comme je le reçois moi-même du Père de toute éternité… « Je vous dis cela pour que », si vous consentez à m’écouter, si vous consentez à vous tourner avec moi vers « mon Dieu et votre Dieu », vers « mon Père et votre Père » (Jn 20,17), vous soyez vous aussi comblés comme je le suis, et qu’ainsi « ma joie soit en vous et que votre joie soit complète »…

            Nous avons tous été créés pour être heureux, et comme nous avons du mal lorsque la douleur et la souffrance frappent à notre porte… Dans l’Evangile, Jésus, « le Seigneur et le Maître » (Jn 13,14), Lui qui a apaisé d’une Parole la tempête de la mer (Mc 4,39), Lui qui a chassé tant de démons, guéri tant de malades, Lui qui, en appelant tout simplement Lazare, l’a fait sortir du tombeau (« « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit. » (Jn 11,43-44), ce Jésus donc se met ici à annoncer à ses disciples qu’il va bientôt « souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter »... Non, ce n’est pas possible… « Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » Comme Jésus aurait aimé, humainement parlant, qu’il en soit ainsi… Comme cela lui sera difficile d’accepter ce chemin : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Lc 24,42)… Alors, ici, « se retournant, il dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » » En effet, l’Amour, sans contraindre qui que ce soit, sans s’imposer à qui que ce soit, va faire face à celles et ceux qui le refusent, qui le rejettent, et cela, sans jamais cesser de les aimer, sans jamais cesser de ne rechercher que leur bien… Et il le fera jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême (Jn 13,1), jusqu’à mourir de leurs mains, continuant d’offrir sa vie pour eux et ce sang qu’ils auront versé pour leur salut, pour leur bien-être éternel…

            Et ce chemin, humainement si difficile, il le propose ici à tous ses disciples… Mais disons-le tout de suite : il dépasse nos forces humaines… Nous sommes incapables de l’emprunter par nous mêmes… Tout, pour nous, ne peut qu’être Don de Dieu… Aussi, mettons en parallèle ces Paroles de Jésus avec d’autres textes qui montrent à quel point tout nous est donné…

            « Si quelqu’un veut marcher à ma suite »… « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire »… « Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père » (Jn 6,44.65). « Hors de moi, sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5)…

            « … qu’il renonce à lui-même », qu’il renonce à la recherche de ses seuls intérêts, qu’il renonce à son égoïsme, autrement dit, qu’il se convertisse, qu’il se repente… St Pierre dira à ses compatriotes Juifs : « C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent » (Ac 5,31-32). Et en écoutant St Pierre raconter les premières conversions des païens, ils disaient : « Ainsi donc, même aux nations, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie ! » (Ac 11,18). Et puisque nous sommes tous pécheurs, blessés, ce Don de Dieu nous accompagne tous les jours de notre vie pour nous apprendre les bons choix à faire et nous donner la force de les faire : « La grâce de Dieu », le Don gratuit de l’Amour, le Don de l’Esprit Saint, « s’est manifestée pour le salut de tous les hommes.Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien » (Tt 2,11-14).

            « … qu’il prenne sa croix »… « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger » (Mt 11,28-30). En effet,  il considère nos souffrances nos épreuves comme « son joug » qu’il est donc le premier à porter, avec nous et pour nous… « Il a pris nos souffrances, il a porté nos maladies » (Mt 8,17 citant Is 53,4). Et il le fait même avec ces « souffrances » qui sont les conséquences du mal que nous avons pu commettre… « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9) ? « Lui-même a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,24).

            « … et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera » car « je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance » (Jn 10,10). Alors, « si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7,37-39), « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2), « l’Esprit qui est vie » (Ga 5,25). Alors, « recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), le Don gratuit de l’Amour…

                                                                                D. Jacques Fournier




22ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 16, 21-27) – par Francis COUSIN

« Que faut-il pour suivre Jésus ? »

Après avoir, la semaine dernière, institué Pierre comme celui qui bâtirait son Église, il semble qu’il y ait eu un changement dans la façon de s’exprimer de Jésus.

Alors qu’auparavant, Jésus faisait beaucoup de miracles, guérissez les malades, accomplissant la vision d’Isaïe sur ce qu’est un prophète (Is 61,1-2, repris par Luc en Lc 4,18-19), il passe maintenant à un autre registre, poussé par l’attitude de plus en plus hostile des pharisiens et des docteurs de la loi, en commençant à parler de son avenir terrestre : l’annonce de sa Passion qui se déroulera à Jérusalem, avec des souffrances verbales et physiques, « être tué, et le troisième jour ressusciter. »

Une telle annonce a surpris tous les disciples qui en sont restés cois.

Sauf Pierre … Mais contrairement à son habitude, il fait cela discrètement : il emmène Jésus à l’écart et lui dit sans doute tout bas : « Ce que tu dis n’est pas possible, Dieu ne le permettra pas ! ».

Sans doute Pierre et les autres apôtres, surpris par les premières paroles, n’ont-ils pas fait attention à la fin : « et le troisième jour ressusciter. ». Mais c’est vrai que pour eux, même s’ils croyaient à la résurrection, c’était la résurrection ’à la fin des temps’, et non pas immédiate …

Et là, on peut dire que Pierre ’’a gagné son compte’’ avec la réaction de Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. ».

En effet, pour Jésus, il fallait qu’il soit mis à mort pour ressusciter le troisième jour, car c’est sa résurrection qui permettra à l’Église de naître le jour de la Pentecôte. Et c’est Pierre lui-même qui déclare ce jour-là : « Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez supprimé en le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. » (Ac 2,23-24).

« Passe derrière moi, Satan ! », c’est-à-dire reprend ta place de disciple, celui qui suit son maître. À un autre moment, Jésus avait dit : « Le disciple n’est pas au-dessus de son maître. » (Lc 6,40).

Cette réaction de Pierre est compréhensible pour nous, car nous pensons en humains. Et notre époque est souvent tentée par cette image de Dieu qui agirait comme nous, réduisant Dieu à quelqu’un d’intéressé pour lui-même, alors que Dieu ne vit que pour nous, pour notre bonheur, et qu’il est amour pour tous les hommes, même ceux que nous, nous laissons de côté …

« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13).

Puis Jésus rassemble ses disciples pour leur donner les conditions pour être un bon disciple. Faire comme lui, à notre niveau.

Première condition : renoncer à soi-même, ne pas penser qu’à soi, penser collectif pour le bien de tous. C’est-à-dire, ne pas être égoïste … Pas simplement de temps en temps, mais tout le temps, avec n’importe qui … Pas simple …

Deuxième condition : Prendre sa croix, c’est-à-dire faire comme Jésus, se donner totalement pour les autres et pour Dieu … et ce n’est pas réservé aux personnes consacrées, auxquelles on pense en premier … Il y a tous les bénévoles (étymologiquement : ceux qui veulent le bien des autres), ceux reconnus, et ceux qui ne le sont pas : les parents … et aussi les enfants … et d’autres encore …

Troisième condition : Suivre Jésus. Cela semble une évidence (pour être un bon disciple), mais chacun sait qu’il nous arrive souvent de quitter Jésus du regard, et si on quitte Jésus de regard, on est comme Pierre qui s’enfonce dans l’eau, on va à la perdition …

« Car celui qui veut sauver sa vie la perdra [éternellement], mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera [éternellement]. »

Quelques paroles d’un chant du Père Didier, franciscain, qui chantait il y a quelques soixante ans, me reviennent à l’esprit :

C’est très joli cette chaine qui brille autour du cou,

Et cette croix en or, quel beau bijou,

C’est ton tonton qui te l’avait donnée

Le jour où tu as fait ta communion privée (…)

Ça n’comptera pas, porter sa croix, c’est bien joli,

Pas sur ton cœur, mais dans le cœur et dans ta vie …

Francis Cousin

       

 

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Prière dim ord A 22°

 




22ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 16, 21-27) – par le Diacre Jacques FOURNIER

« Un Christ crucifié, une Eglise crucifiée »

(Mt 16, 21-27)

  En ce temps-là, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.
Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ?
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »

                    

         A la question de Jésus, « Pour vous, qui suis-je ? », Pierre vient de bien répondre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Mais à l’époque, pour un Juif, le Messie ne pouvait qu’être une sorte de sur-homme allant de réussites en réussites… Aussi, Jésus va-t-il s’attacher à corriger tout ce que cette réponse avait d’imparfait. Et le choc sera rude…

            Oui, il est bien le Messie, et pourtant, il va apparemment connaître l’échec. Les plus hautes autorités d’Israël, « les anciens, les chefs des prêtres et les scribes », refuseront de croire en Lui. Et Lui, de son côté, ne fera pas tomber sur eux le feu du ciel, il respectera leur choix. Il se laissera arrêter sans opposer de résistance. Il se livrera aux mains des pécheurs, pour leur salut. « Il souffrira beaucoup » et sera finalement « tué »…

            Pour Pierre, ces paroles sont insupportables. Aussi va-t-il prendre Jésus à part et lui « faire de vifs reproches » ! Sa réaction si humaine rejoint toute l’humanité de Jésus, Lui qui ressentira « tristesse et effroi » face à la mort, Lui qui pleurera sur Jérusalem, Lui qui savourera son dernier repas avec ses disciples… Comme il aurait aimé que Pierre ait raison ! « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Et pourtant, non pas ce que moi je veux, mais ce que toi tu veux ». Pierre ne le sait pas, mais ce qu’il vient de dire à Jésus est pour lui une terrible tentation qu’il combat aussitôt : « Passe derrière moi, Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes »…

            Et « le disciple n’est pas au-dessus du maître ; tout disciple accompli sera comme son maître. » Alors, « si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Renoncer à soi‑même, à son égoïsme, renoncer à pouvoir quelque chose pour soi-même, comme « sauver sa vie » en pensant que « gagner le monde entier » pourrait combler une vie, voilà le chemin que le Christ nous invite à emprunter… Une fois de plus, nous n’y arriverons jamais par nous-mêmes. Mais le Ressuscité est « avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » pour porter avec nous le fardeau de nos misères et de nos difficultés. Alors, avec lui et grâce à lui, il devient « léger et facile à porter. » Le péché nous plonge dans la souffrance ? « C’était nos souffrances qu’il portait », pour nous arracher à la mort et nous donner sa vie, gratuitement, par amour. Voilà comment Dieu « rend à chacun selon sa conduite »… DJF




22ième dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

La Croix nécessaire

Mt 16, 21-27

Vous l’avez bien compris, frères et sœurs, si vous avez écouté ces 3 textes, ce n’est pas un message de bonheur, de confort ou de réussite qui vous est donné aujourd’hui par l’Église et celle-ci serait infidèle au message du Christ, si, sans cesse, elle parlait de la Résurrection sans parler jamais de la Passion qui la précède et qui devient une condition « sine qua none » pour aboutir au jour de Pâques. Souvent, je vous l’ai dit et aujourd’hui je le répète, et c’est mon devoir de prêtre de le répéter : « Il n’y a pas de Pâques sans passion, sans souffrances, sans mort à soi-même, tout comme il n’y a pas de douleurs, d’échecs, d’épreuves qui n’aboutissent à leur tour, à la Résurrection de notre vie avec celle de Jésus-Christ ».

Mais, bien naturellement, nous avons tendance à supprimer, à gommer l’un des 2 termes. Nous sommes tous pour la réussite, le succès, la vie contre la mort, la victoire de la lumière sur les ténèbres et c’est normal : puisque créés à l’image de Dieu, nous aspirons au Royaume décrit par Jésus, où « il n’y aura plus ni larmes, ni cris, ni deuil », Royaume de Bonheur sans fin, sans difficultés, sans conflits, où la paix du cœur sera établie définitivement.

C’est bien l’autre bout de la chaîne qui nous gêne, la condition préalable à ce bonheur : cette passion, cette souffrance dont nous acceptons assez facilement que le Christ la prenne sur lui pour nous, mais que nous rejetons dès qu’il faut l’assumer soi-même, pour être fidèles à celui qui nous a demandé de le suivre, pas seulement dans le bonheur, mais aussi dans l’épreuve.

Et c’est bien la réaction de Jérémie, le prophète, (rappelez-vous la première lecture), « chaque fois, Seigneur, que j’ai à dire ta parole, que je dois proclamer : difficultés, souffrances, violence, pillages, je suis en butte à la moquerie ; tout le monde se moque de moi : la parole de Dieu attire sur moi les quolibets. Tout le monde me « moucate ». Alors, je me suis dit : Je ne penserai plus à Dieu, je ne parlerai plus de lui, ni en son nom, je laisse tomber ».

Mais, en fin de compte, Jérémie reconnaît : « Tu as mis en moi un feu dévorant ; je m’épuise à le maitriser : je n’y arrive pas ! Ta grâce en moi est plus forte que moi. Je me suis laissé séduire par toi ! Tu es plus fort que moi ! ».

Et c’est vrai, aussi au 21e siècle : il est difficile d’annoncer le message de la Croix à un monde gorgé de publicités, où l’on ne parle que de confort, de bien-être, de plaisirs, de fêtes, de vie facile, d’égoïsme individuel ou collectif. Dieu veut à tout prix nous sortir de notre vie tranquille pour nous lancer dans une aventure difficile où les épreuves ne manqueront pas et devant ce projet, tout notre être dit : « Non ! ». « Seigneur, je veux bien te suivre tant que tout va bien, que ce n’est pas trop difficile, si je n’ai pas trop à en souffrir, mais si tu m’emmènes avec toi à Jérusalem pour y souffrir, être tué, très peu pour moi ! ».

Et c’est bien ce que le Seigneur annonce à ses disciples, il le dit devant Pierre, encore tout fier, (rappelez-vous dimanche dernier), d’avoir proclamé la divinité du Christ, tout fier de s’être entendu dire : « Tu es Pierre et sur cette Pierre, je bâtirai mon Église ».

Alors, Pierre, tout gonflé de sa nouvelle importance, prend Jésus à part (vous savez, la confidence entre gens informés et intelligents, celle que l’on ne dit pas à la foule de ceux qui n’y comprennent rien) : « Dieu t’en garde, Seigneur ! Non ! Cela ne t’arrivera pas ! ».

Le Royaume, oh oui ! On en veut bien mais la souffrance, les épreuves pour y arriver, l’agonie, la mort, non, Seigneur, très peu pour nous !

Et nous voyons le Seigneur blêmir, se retourner et dire à Pierre : « Passe derrière-moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ».

Voilà que la pierre sur laquelle Jésus devait bâtir son Église, devient la pierre d’achoppement, celle contre laquelle on bute et qui vous fait tomber : Pierre de scandale, Pierre qui fait trébucher, et non plus le roc solide. « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

C’est vrai qu’on veut bien de la Résurrection, mais sans passion ; de la réussite, mais sans efforts ; du succès, mais sans entraînements ; de l’oasis, mais sans désert ; d’une réussite à un examen, mais sans travail ; d’être sur le sommet d’une montagne, mais en hélicoptère ; des résultats, mais sans fatigue. « Nous sommes tous d’accord, Seigneur, si tu nous mènes à la gloire, nous sommes tous derrière toi, tu peux nous embaucher, et même, nous sommes tous volontaires si c’est une croisière ». Alors, là, Jésus est on ne peut plus clair : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa Croix et qu’il me suive ».

« Ah ! Alors là, Seigneur, permets-nous de réfléchir « perdre sa vie », nous, on veut bien la sauver, mais pas la perdre, gagner sa vie : nous, on veut bien, mais nous voulons jouer sur les deux tableaux, mais te suivre, s’il y a du grabuge, des efforts, des souffrances, une mort à soi-même, non ! »

. Vous comprenez maintenant pourquoi il y a si peu de chrétiens ?

. Vous comprenez maintenant pourquoi il y avait une foule à la multiplication des pains et personne au pied de la Croix ?

. Vous comprenez maintenant pourquoi on voulait le faire roi quand il faisait des miracles et pourquoi ensuite, à la Passion, on ne lui a posé qu’une couronne d’épines ?

. Pourquoi, aux Rameaux, il est porté en triomphe et que cinq jours plus tard, la même foule dira : « Nous n’avons pas d’autres rois que César ! ».

Nous voulons une réussite sans échecs, sans efforts, sans don de soi, sans sacrifice, sans préparation, sans se donner du mal. Apprenez l’anglais en six semaines, ayez des muscles en 15 jours, maigrissez en mangeant comme avant et même une méthode dans un livre qui paraissait sérieux  » La culture physique sans mouvement « . Je n’ai pas regardé comment faire ? Mais soyons sérieux, avez-vous, frères et sœurs, dans votre vie, dans celle des autres, constaté de véritables réussites sans qu’il ait eu auparavant des efforts, des fatigues, du mal donné, un minimum de souffrances physiques et morales ? Et Dieu, qui nous respecte et qui veut notre bien en nous faisant participer, nous ferait faire l’économie de tout ce qui ferait notre mérite !

Jésus répond à Pierre aussi fermement qu’à Satan dans le désert : « Va-t’en, passe derrière moi ». « Que ces pierres deviennent des pains ». Est-ce que nous rêvons notre vie ? Ou est-ce-que nous nous décidons de la vivre avec des douleurs nécessaires ?

Le Christ n’enseigne pas à rechercher la souffrance ou à s’y complaire : les chrétiens ne sont pas des masochistes et le Christ (rappelez-vous Gethsémani) a eu peur comme nous avons peur. Il a voulu fuir cette souffrance comme nous voulons la fuir : la Croix n’est pas un but, elle n’est pas non plus l’étape finale, mais elle est un moyen, un moyen nécessaire de salut, de Résurrection. Il ne peut y avoir de Résurrection s’il n’y a pas de mort préalable. C’est la loi du grain de blé qui va mourir et germer pour produire 30 ou 60 pour un ; c’est l’itinéraire de Jésus et cela devient donc le nôtre.

Désirons-nous quitter Jésus ou, quand même, continuer à monter à Jérusalem avec lui ? Oui, « Souviens-toi de Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts », c’est bien de chanter ce refrain. Il est réconfortant ! Mais n’oublions pas le couplet : « Si nous mourons avec lui, avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons ». AMEN.




21ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 16, 13-20) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

L’Évangile de ce 21ème dimanche nous révèle l’identité de Jésus mais aussi celle de l’Église à travers le personnage de Simon-Pierre.

Jésus se trouve avec ses disciples dans la région de Césarée-de-Philippe, une ville excentrée, au nord de la Galilée. Cette région païenne est peuplée de grecs et de syriens. Sur cette terre païenne, Jésus interroge ses disciples sur son identité.

Jésus commence par un sondage d’opinion : « Au dire des gens,
qui est le Fils de l’homme ? »
Les réponses sont diverses et sont toutes fausses : Jean le Baptiste, Élie, Jérémie ou l’un des prophètes.

Ce sondage d’opinion nous invite au discernement des « on-dit » que nous entendons. Bien des choses qui sont dites sont fausses, ne nous laissons pas bernés ! Revenons au fondamentaux solides !

C’est la seconde question de Jésus qui nous intéresse surtout ce dimanche car elle est plus personnelle, elle implique chacun de s’engager individuellement : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » C’est bien à chacun de nous que cette question est posée personnellement…

La réponse de Simon-Pierre est simple et spontanée mais elle est une révélation de Dieu lui-même : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas :
ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela,
mais mon Père qui est aux cieux. »
Cette réponse de Simon-Pierre ne vient pas d’une supposition ou d’une hypothèse intellectuelle mais de Dieu lui-même !

Simon-Pierre confesse Jésus comme le « Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Analysons ces titres :

  • « Jésus » : du grec Iesou et de l’hébreu Yeshoua, qui signifie « Dieu sauve ».

  • « Christ » : vient du grec Christos qui est la traduction d’un mot hébreu Mashia qui signifie « l’oint ». Jésus est celui qui est oint, consacré par l’Esprit Saint pour mener sa mission de Sauveur de toute l’humanité.

  • « Fils du Dieu vivant » ou « Fils de Dieu » : Jésus dans l’Évangile affirme lui-même que Dieu est son Père, qu’il est de même nature que le Père. Dans le symbole de Nicée-Constantinople, nous disons : « consubstantiel au Père », c’est-à-dire de la même essence que le Père.

Ce titre de Fils de Dieu souligne la foi de l’Église en la divinité de Jésus qui s’est fait homme en prenant chair de la Vierge Marie pour nous sauver. Nous pointons ici le mystère de l’incarnation.

La confession de Simon-Pierre nous révèle l’identité de Jésus qui est au cœur de notre foi chrétienne : Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. Restons toujours attachés à cette profession de foi que nous apporte Simon-Pierre, elle vient de Dieu, elle est la plus sûre, la plus authentique et elle échappe à toutes les spéculations intellectuelles que nous pouvons entendre aujourd’hui.

La deuxième partie de l’Évangile nous donne de mieux comprendre l’Église. C’est Jésus qui donne à Simon le nom de Pierre. Une pierre c’est du solide, elle peut durer dans le temps, c’est du roc.

Simon est la pierre sur lequel Jésus a voulu fonder son Église mais entendons-nous bien, Jésus demeure le bâtisseur, nous sommes ses ouvriers… Jésus continue de guider l’Église dont il est le chef.

L’Église est souvent la cible de critiques… Nous ne pouvons pas ignorer ses abus au cours des siècles dans certains faits… Cependant et c’est un constat, depuis Pierre et les autres Apôtres, elle est toujours vivante ! Certes, un réel désintérêt pour Dieu est observable à notre époque mais l’Église que nous formons et toujours vivante, nous sommes-là et rendons grâce au Seigneur !

La promesse de Jésus se vérifie : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux ». Pierre se trouve le gardien des clés du Royaume.

Demandons au Seigneur de nous attacher à cette promesse bien à l’œuvre, qu’il est à la tête de son Église, qu’il la dirige à bon port malgré les secousses que nous subissons. Le Christ préserve son Église de la mort !

Que le Seigneur suscite en nous un réel désir, un plus grand désir de son Royaume qui nous est promis en héritage. Ce Royaume est promis à tous les hommes. Si Simon-Pierre détient les clés du Royaume, c’est pour nous en ouvrir les portes !

L’Église n’est pas encore le Royaume mais elle en est le signe, le témoin et elle donne les premiers germes de ce Royaume : « tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »

Rappelons-nous avec force que la célébration des sacrements nous lient au Ciel ainsi que la pratique de la Parole de Dieu ; l’exercice de la charité du prochain.

Que le Seigneur nous vienne en aide et qu’il nous garde des mauvais chemins qui nous délient du Ciel. « Seigneur Jésus, nous le croyons, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, prends pitié de nous, viens nous sauver, délie-nous de ce qui nous coupe de toi, ouvre-nous les portes de ton Royaume. Amen. »