1

31ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 30 et dimanche 31 Octobre 2021

 

Deutéronome 6.2–6 ; Hébreux 7.23–28 ; Marc 12.28–34

 

Un scribe est un spécialiste de la Loi (en hébreu : la Torah= enseignement), Loi qu’on retrouve dans les cinq livres du Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome) et dont les prescriptions morales sont résumées dans les Dix commandements ou Décalogue. Cette Loi se présente comme un enseignement de Dieu pour régler la vie du peuple de Dieu dans tous les domaines. Dans l’Ecriture, les rabbins avaient répertorié 613 préceptes: 365 interdictions, des actes à ne pas faire, et 248 commandements, des actes à faire. Ces multiples obligations, ces nombreuses pratiques à observer, font du juif fidèle un homme qui ne cesse, tout au long du jour, de penser à Dieu. Mais le risque est grand de tomber dans un formalisme tatillon, un respect scrupuleux dans la forme pour l’application des commandements, autrement dit, on applique bêtement les règles sans réfléchir, sans s’adapter aux situations. L’application de ces lois pouvaient alors devenir pour les Juifs un « joug » difficile sinon impossible à porter. Jésus, parlant à la foule et à ses disciples, dit en Mt 23,4 : « Ils (les scribes et les pharisiens) lient (attachent) de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt »; Et Pierre reprend dans Ac 15,10 : « Pourquoi donc maintenant tentez-vous Dieu en voulant imposer aux disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons eu la force de porter? ». Deux dangers pouvaient se présenter dans la manière d’appliquer ces commandements. La première est de mettre tous ces préceptes, toutes ces règles sur le même pied d’égalité sans les ordonner correctement autour de ce qui devrait en être toujours le cœur et qu’on retrouve dans le premier texte d’aujourd’hui (Dt 6,4) : « Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. 5 Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir ». Le deuxième danger est de croire que la justice de l’homme devant Dieu – c’est-à-dire le fait d’être ajusté sur Dieu – , est basée, non sur la grâce de Dieu, mais sur l’obéissance stricte aux commandements et la pratique des bonnes œuvres comme si l’homme, par ses seules bonnes œuvres, pouvaient obtenir le salut. Or nous dit Saint Jean les œuvres du monde sont mauvaises (Jn 3,19-20)  : « 19 tel est le jugement : « la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises. 20 Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables ».

Et voilà ce scribe, bien intentionné, qui pose une question à Jésus : « Quel est le premier de tous les commandements ? ». Question étonnante mais justifiée pour ce spécialiste de la Loi.  Et Jésus répond :  « Le premier c’est :Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur, 30 et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. 31 Voici le second :Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là ». Le Premier commandement vient du Dt 6,4-5 et le deuxième du Lv19,18. Ce sont des lois immuables, toujours valables aujourd’hui. Il faut d’abord reconnaître que « le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur », et l’accepter pleinement comme l’a fait le scribe qui finit par dire  : « Il est unique et il n’y en a pas d’autre que Lui ». Qu’on ne vienne pas nous dire aujourd’hui, qu’on peut pratiquer deux religions en même temps. Ce n’est pas possible. Que les chrétiens comprennent bien cela et prennent une décision qui fasse la volonté de Dieu. Après avoir reconnu et admis que « Notre Dieu est l’unique Seigneur », vient maintenant l’amour pour Dieu : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ». Non pas aimer du bout des lèvres, mais du fond du cœur. Vient enfin le commandement suivant : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Et ce commandement d’aimer son prochain signifie qu’il faut se tourner vers l’autre, et dans l’autre se trouve aussi Dieu. On aime donc Dieu à travers l’autre. Mais des questions peuvent se poser chez le chrétien : pourquoi devrai-je aimer Dieu ?  Ce qu’il a appris au catéchisme peut se résumer à ceci : Dieu est Amour et il nous aime. Mais lorsqu’il dit « Dieu nous aime », en est-il vraiment convaincu ? Et même lorsqu’on lui dit que Dieu a donné la vie de son Fils Jésus pour nous, il ne comprend pas forcément parce que cela n’a pas d’impact en lui, cela ne le touche pas. Et il ne voit donc pas pourquoi il devrait aimer Dieu. Il faut peut-être alors entrer dans les détails pour montrer ce que Dieu a fait pour nous et dans quel but. Et pourquoi, en retour, nous devons aimer Dieu. – Prenons  trois exemples : 1) Lorsque des parents attendent la naissance d’un enfant, avant même sa venue, ils ont tout préparé : chambre, berceau, vêtements, tout le nécessaire pour le nourrir et surtout ils l’aiment avant même sa venue. En cela, nous refaisons ce que Dieu a fait bien avant nous : avant la venue de l’homme – après avoir envoyé son esprit qui planait sur les eaux – il a tout préparé en six jours – la terre, le ciel, la lumière, l’eau, les plantes, le jour et la nuit, les animaux, et lorsque tout était prêt, Dieu crée l’homme. Dieu a tout pensé pour que nous soyons bien accueillis sur terre. Ce sont des actes d’amour. Nous aimons nos enfants ? Dieu aussi nous aime comme ses enfants. – 2) Si nous parlons de l’Incarnation, là aussi c’est Dieu Amour qui nous envoie son Fils pour nous sauver. Les prophètes de l’Ancien Testament envoyés par Dieu pour rappeler ses commandements et veiller à la fidélité du peuple envers Dieu, ont pour la plupart été tués. Dieu décide alors d’envoyer son Fils. Passer de l’état de Dieu à l’état de vrai homme, tout en bénissant tous les âges de la vie depuis la naissance à la mort, c’est une preuve d’amour. Dieu se met à la hauteur des hommes, Il s’est rabaissé au niveau des hommes pécheurs, faibles, infidèles. Il n’était pas obligé de le faire, sinon seulement parce qu’Il nous aime, et qu’Il veut aussi nous sauver. Avez-vous déjà vu de grands hommes d’Etat devenir un homme simple et vrai et venir vivre au milieu de son peuple pour mieux en prendre soin? Dieu n’a pas eu peur de devenir simple pour aider les plus simples, pauvre pour aider les pauvres, secourir les malades, les éduquer pour avoir la vie éternelle tout en nous donnant les moyens pour ce but. – 3) Si nous parlons de la Passion du Christ, en quoi est-ce de l’amour de Dieu pour nous ?  En quoi donner sa vie pour nous est une preuve d’amour ? Seriez-vous prêt à, non pas donner votre vie, mais simplement à donner un rein, de la moelle osseuse, ou certains de vos organes à quelqu’un qui vous hait, qui vous a toujours rabaissé, maltraité, sali, déshonoré ou je ne sais quoi encore ? Le Christ, Lui, l’a fait pour nous tous, pas seulement pour les bons fidèles, mais aussi pour ceux qui l’ont trahi, ceux qui lui ont porté de faux témoignages, ceux qui l’ont condamné alors qu’il était innocent, ceux qui l’ont flagellé, ceux qui l’ont fait porter le poids de la croix, ceux qui lui ont donné le fiel à boire, ceux qui lui ont craché dessus, ceux qui l’ont giflé, ceux qui lui ont mis la couronne d’épines, ceux qui lui ont planté les clous, puis l’ont crucifié , et transpercé d’un coup de lance alors qu’Il est sur la Croix. 1P2,21.23 : « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces…lui qui, insulté, ne rendait pas l’insulte, souffrant (mais) ne menaçait pas, mais s’en remettait à Celui qui juge avec Justice. Sur la Croix, Jésus dit à Sœur Faustine (§323) qu’il priait son Père pour nous: « Quand J’agonisais sur la Croix, Je ne pensais pas à Moi, mais aux pauvres pécheurs et Je priais Mon Père pour eux ». Lui, innocent, il a accepté tout cela sans dire un seul mot pour se défendre. Tout cela pour sauver, non seulement son peuple, mais encore toute l’humanité, alors même qu’une grande partie de l’humanité refuse de Le suivre. C’est nous, les pécheurs, qui méritons la mort, pas Lui. Se sacrifiant à notre place, le Christ reçoit de son Père le pardon, la miséricorde, non pas pour Lui – car Il est vrai Dieu, vrai homme et n’a pas de péché – mais pour toute l’humanité. Comment peut-on ne pas aimer le Christ qui nous aime tant et qui a donné sa vie pour nous et qui, malgré nos infidélités, malgré nos manques d’amour, malgré nos péchés, continue de nous aimer? C’est pour cela que la réponse de Jésus au scribe est « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force et ton prochain comme toi-même », parce que Jésus sait parfaitement bien que nous ne l’aimons pas de tout notre cœur, que nous ne l’aimons pas de toute notre âme, de tout notre esprit, de toute notre force et que nous nous n’aimons pas assez notre prochain. Il nous le dit en Jn 5,42 : « Je vous connais : vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu ». C’est donc une invitation à nous impliquer davantage, de tout notre cœur, dans nos relations avec Dieu et les autres, et ne pas vivre superficiellement. – Et Lorsque Jésus nous dit « aimez vos ennemis », cela nous parait impossible parce qu’un ennemi est un ennemi, quelqu’un qu’on n’aime pas. D’abord, Jésus a aimé tout le monde sans exception, et il a eu et a encore beaucoup d’ennemis. Nous, les êtres humains quand on parle d’amour, on pense aux sentiments. Les exemples donnés sur la Création et la Passion de Jésus montrent que Dieu le Père et le Fils nous aiment par des actes d’amour, des actes et non pas avec des paroles dites du bout des lèvres. Sœur Faustine (§391) : « L’amour ne réside ni dans les mots, ni dans les sentiments, mais dans les actes. C’est un acte de volonté, c’est un don, c’est-à-dire une donation ». Ainsi « aimez vos ennemis » se fera par des actes : un petit « bonjour » même discret, ne pas montrer d’animosité, de sentiment d’hostilité, d’agressivité envers l’autre, participer à des actions communes qui édifient, qui élèvent, qui font grandir etc… Même si les mots d’amour ne sortent pas, les actes d’amour doivent parler haut et fort pour faire la volonté de Dieu. Tout cela nous amènera à lutter contre notre propre orgueil, en laissant beaucoup de place à l’humilité, sachant que devant Dieu, nous sommes tous à égalité, car tous pécheurs. Rien qu’en appliquant les deux commandements, Dieu nous donne, ici sur terre la paix, la fraternité, la solidarité, l’entraide, et après la mort : le Royaume de Dieu, la vie éternelle. Il appartient alors au peuple de Dieu de s’émerveiller devant son amour et de Lui rendre grâce car « le propre du Dieu, qui est amour, est de nous combler de bienfaits. En échange de ses bienfaits, l’homme ne peut rien donner d’autre à Dieu que cet humble « merci» puisque tout appartient déjà au Créateur. Ce « merci » doit être exprimé par toute la vie du croyant (son attitude, sa manière d’être, ses relations envers les autres, sa vie spirituelle)… La conséquence pratique … consistera à marcher humblement selon les voies du Seigneur dans une obéissance d’amour à ses commandements …C’est un hymne à la vie, un hymne à la joie » (Nicolas Buttet – L’Eucharistie à l’école des saints – P.43-44.46). Ce sera notre manière à nous de dire merci au Seigneur. Prions Marie pour qu’elle nous aide à aimer davantage Dieu et notre prochain.




31ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Mc 12, 28-34)

« Les commandements de l’amour »

 

Cet épisode fait suite à une série de controverses organisées par différents groupes de personnes, des grands prêtres, des scribes, des anciens, des Hérodiens, des Pharisiens, des Sadducéens, qui tous voulaient mettre Jésus dans l’embarras.

Un scribe, qui avait entendu la réponse de Jésus aux Sadducéens, et l’avait trouvée bonne, vint lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? ».

Jésus répond : « Voici le premier … », et il déclame celui-ci, le shéma Israël (Dt 6,4-5), qui ne fait pas partie des dix commandements, mais que chaque juif récite au moins deux fois par jour : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. ». Il avait répondu à la question, … mais il continue : « Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. », que l’on trouve en Lv 19,18, et il conclut : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. ».

Cela veut dire que les deux amours : amour de Dieu et amour des hommes, sont inséparables, et qu’ils sont au même niveau, le premier.

À tel point que l’apôtre Jean a pu écrire : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4,20).

L’amour de Dieu est un amour transcendant, vertical, qui vient d’abord de Dieu : « Dieu lui-même nous a aimés le premier. » (1 Jn 4,19), et ceux qui ont connu Dieu l’ont aussi aimé : Dieu aime l’homme et l’homme aime Dieu.

L’amour entre les hommes est un amour immanent, horizontal, tous sont au même niveau.

Et si les deux amours sont inséparables, les dimensions verticales et horizontales se superposent et forment une croix, celle de Jésus, signe de l’amour de Dieu et de son Fils Jésus pour les hommes : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13), et c’est sur la croix que Jésus a donné la preuve de son amour pour nous.

Ces deux dimensions de l’amour, on l’a vu, existaient déjà dès l’ancien testament, dès l’époque de Moïse.

Pourtant, Jésus nous a donné « un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13,34)

Pourquoi dit-il que c’est un commandement nouveau ?

Quelle est la différence avec le second commandement vu plus haut : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » ?

La différence se situe à deux niveaux :

– Dans le commandement nouveau, la référence de l’amour est l’amour de Jésus : « Comme je vous ai aimés ». C’est un amour humain et divin, supérieur à notre niveau humain.

– La référence au prochain disparaît. Le prochain, c’est celui qui est proche de nous, et celui dont on s’approche (voir la parabole du Bon Samaritain). C’est quelqu’un que l’on connaît, ou que l’on choisit. Ici, on parle de tout le monde, sans choix, et notamment : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. (…) À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. (…) Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. » (Lc 6,27-30.32).

Paroles dures, difficiles à mettre en pratique !

Comment peut-on aimer quelqu’un qui nous a fait le pire mal possible ? …

Peut-être lui pardonner … il y en a qui y arrive … mais poussés par Dieu, par l’Esprit …

Mais aller jusqu’à les aimer … c’est humainement impossible !

Seul l’exemple de Jésus peut nous permettre d’y arriver, lui qui a donné sa vie pour tous, y compris les méchants, et qui « les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1).

Seul Dieu peut nous aider à y arriver, car pour lui, « rien n’est impossible » (Lc 1,37).

Alors, les commandements de l’amour …

Quand on y réfléchit, cette expression est paradoxale !

« L’amour ne se commande pas ! »

On entend souvent cette expression ! et c’est vrai pour les objets (amour philéo) ou pour les humains (amour éros), mais ici, on parle de l’amour vrai entre les humains, de l’amour agapé.

Peut-on parler de commandement de l’amour ?

Oui, mais pas dans le sens habituel « d’obligation pure et dure » à remplir … car Dieu qui est tout amour nous laisse libre d’avancer, à notre rythme …

Certains y sont arrivés, ce sont les saints.

Mais cela reste un but à atteindre, au plus tard à la fin de notre vie, pour entrer dans le Royaume des cieux. À défaut, après un temps de purgatoire … en espérant que la communion des saints nous aide à changer notre cœur …

Pour nous, gens ordinaires, il nous faut vivre dans l’espérance d’atteindre ce but, tout en sachant que nous sommes pécheurs, des personnes qui manquent à l’amour … et en comptant sur la miséricorde de Dieu.

« Au soir de cette vie, vous serez jugés sur l’amour. » (Saint Jean de la Croix)

Seigneur Jésus,

à l’amour de Dieu,

tu ajoutes l’amour des hommes,

de tous les hommes,

mêmes ceux que l’on n’a pas envie d’aimer,

ceux qui nous font du mal.

Toi seul peut nous aider à faire cela !

Que l’Esprit-Saint nous aide

à avancer dans l’amour vrai.

 

                                     Francis Cousin

 

 

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant :

Image dim ord B 31°




31ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Le grand commandement

Mc 12, 28-34

Après son passage à Jéricho, voilà Jésus qui arrive à Jérusalem : sa première démarche est d’aller au Temple qu’il fréquente toute la journée, sous les portiques, allant et venant.

Il est en butte à tous ces contradicteurs : les scribes et les anciens, puis les pharisiens et les hérodiens, enfin les saducéens.

Et voilà qu’on lui pose une question, la question best-seller, à l’époque de Jésus : « Quel est le premier commandement ? » Comment distinguer l’essentiel de l’accessoire dans la nuée de commandements juifs ? Il y en avait 613 à observer pour n’être pas en faute : 248 positifs (autant que d’éléments composant le corps humain) et 365 négatifs (autant que de jours dans l’année). Comment unifier tout ce maquis ? Isoler le précepte fondamental ? Dans ce fatras, comment discerner l’essentiel, comment s’y retrouver ? Quel est le désir principal de Dieu sur nous ? Qui va donner le sens à tout le reste et qui va nous permettre de nous adapter dans toutes les situations ?

Tout de suite, Jésus répond par la prière de ‘’Shema Israël’’, que tout Juif pieux récite deux fois par jour, le matin et le soir :

« Ecoute, Israël, le Seigneur Notre Dieu est notre unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.»

Une prière, qui, pour les Juifs, a la même importance que le ‘’Notre Père’’ pour les chrétiens.

Jésus aurait pu s’arrêter là ! Mais non, et voilà ce qui va faire l’originalité du christianisme ; il enchaîne aussitôt avec une phrase du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et il conclut : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là », amour de Dieu, amour des autres. C’est dans le rapprochement de ces deux commandements qui n’en font plus qu’un seul, dans ce lien, indissociable entre l’amour de Dieu et du prochain, que réside toute l’originalité du message de Jésus : ‘’l’amour de Dieu’’ doit s’exprimer dans ‘’l’amour du prochain’’, qui en est le véritable test.

Plus moyen d’aimer Dieu sans aimer l’autre, sinon je suis un menteur.

Plus moyen d’aimer l’autre, sans aimer Dieu, sinon je ne suis qu’un philanthrope, parce que l’amour fraternel a son fondement en Dieu, Père unique, qui fait de nous tous des frères de la même Famille divine.

« Un seul Dieu et Père de tous », nous rappelle St-Paul.

« Comment pourrais-tu aimer Dieu que tu ne vois pas, alors que tu n’aimes pas ton voisin proche de toi ? » Illusion que de croire aimer Dieu, alors que celui qui est à côté de moi n’est qu’un étranger ! Que j’ignore !

Frères et sœurs, nous sommes tellement habitués à ce message que l’on nous a répété depuis notre petite enfance, que l’on a l’impression, ce soir (ce matin), en rappelant l’unicité de ces deux amours, d’enfoncer une porte ouverte : il faut y regarder de plus près.

Le scribe l’interrogeait sur le 1er commandement : Jésus répond par une prière, et c’est vrai qu’une religion n’est pas basée sur des commandements, mais fondée sur un amour. J’aurai beau pratiquer :

 – les 613 commandements de la loi,

 – les commandements de Dieu ou de l’Eglise,

 – la messe du dimanche,

 – le jeûne,

 – la prière du matin ou celle après le repas,

 – l’office ou le chapelet,

 – une neuvaine ou faire dire des messes,

 

si  je  n’ai pas  l’amour, tout le reste n’est rien, tout cela ne vaut rien, toutes mes pratiques sont insignifiantes et débiles et sans importance.

L’étoffe vivante du peuple de Dieu, ce ne sont pas les commandements : c’est un élan insatiable, un désir, une faim, une soif vers ce Dieu qu’il faut aimer de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force et vers ce prochain qu’il faut aimer comme soi-même.

L’amour vrai saura toujours trouver comment il doit s’exprimer, comment il doit se dire à l’autre, comment il se manifestera à l’être aimé. Si j’aime vraiment Dieu, je saurai trouver le 614e ou le 615e commandement qui est justement celui que Dieu me demande aujourd’hui, qu’il me réclame dans son amour pour moi et que je vais lui offrir dans mon amour pour lui.

Pour celui qui est vraiment branché sur Dieu, à la limite, il n’y a plus de commandements, il y a seulement dans son cœur, un amour impérieux qui le fera considérer comme une nécessité de faire tels gestes, d’entreprendre telle démarche pour dire à Dieu combien je l’aime, à mon tour, « lui, qui m’a aimé le premier ».

Dans une auto, vous avez, au fond, deux éléments essentiels :

la carrosserie et le moteur.

La carrosserie, c’est bien ; ça nous permet d’être encadré et protégé. C’est un confort et une sécurité. Nous ne pouvons pas être à cheval sur le moteur, comme une sorcière sur son balai.

C’est le rôle du commandement dans la religion : savoir être entouré de balises, ceintures de sécurité, airbags et le reste, qui nous ligotent un peu, qui peuvent nous enfermer, mais qui sont nécessaires pour ne pas être éjectés.

Mais que diriez-vous d’une belle voiture sans moteur ? Vous pouvez vous installer dedans et y rester, il y a peut-être un cendrier, une pendule, un chauffe-biberon ou même un bar. S’il n’y a pas de moteur, vous n’irez pas loin ! Vous ne sortirez jamais du garage ! Cette carrosserie sans moteur, c’est votre religion sans amour.

L’essentiel pour la voiture, c’est non pas de s’installer dans un cadre commode, c’est d’avancer, de se projeter en avant, d’aller plus loin, de découvrir.

Le moteur de notre religion, c’est l’amour qui nous fait aller vers Dieu et vers les autres de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force. Notre religion n’est pas un état de stabilité, elle est une force de dynamisme. Elle n’est pas un sur place, elle est un starter.

Alors, ai-je assez d’amour dans le cœur, à la fois pour Dieu et pour les autres, pour embrayer une vie qui soit en prise sur l’énergie de Dieu qui me fera aller plus loin ?

L’Eglise est en route, et parfois, elle cherche son chemin et certains posent la question du scribe :

« Qu’est-ce-qui est le plus important ? »

« Quel est le premier des commandements ? »

Ce qui est 1er : ce n’est pas un commandement, c’est l’amour, qui justement n’est pas un commandement.

Qui peut dire à l’autre : « Je veux que tu m’aimes, je t’ordonne d’avoir de l’affection pour moi ? »

On n’est jamais obligé d’aimer. Qui pourrait obliger à aimer ? Personne, pas même Dieu !

Voyez-vous, ce commandement n’est pas un ordre, mais une supplique, une prière de Dieu adressée à chacun de nous par Dieu : car, si nous prions Dieu, Dieu, lui aussi, nous prie. Nous le sentons bien parfois dans notre cœur. Il nous invite à l’amour, un amour qui ne sera jamais qu’une faible réponse à son amour prévenant.

 

Dieu, c’est un amour qui se déclare et qui attend une réponse : ce n’est pas un raisonnement, ce n’est pas une théorie. Il s’agit d’une expérience qui a pour conséquence un appel : l’expérience de la Bible qui après avoir vu Dieu lui faire signe au long des siècles, ne peut dire qu’une chose : « Dieu nous aime. »

 « Si le Seigneur s’est attaché à vous et vous a choisis, ce n’était pas parce que vous étiez le plus important des peuples, vous étiez le plus petit ! Ce n’était pas parce que vous étiez le plus juste, vous étiez le plus pécheur ! C’est tout simplement parce qu’il vous aime ! »

L’amour de Dieu, pour nous, son peuple, c’est un choix, un attachement un peu fou pour des gens qui ne l’ont jamais mérité.

 Ce genre d’amour contient forcément un appel parce qu’il attend une réponse.

Quand Dominique dit qu’il aime Françoise, ce qu’il éprouve en lui-même ne suffit pas à son bonheur. Il va déclarer son amour et il ne sera pleinement heureux que si Françoise, à son tour, lui dit qu’elle l’aime et le lui prouve. Tel est aussi, l’amour de Dieu : un amour qui s’est déclaré et qui attend une réponse.

Notre réponse sera-t-elle à la mesure de l’appel, aussi totale, aussi définitive que l’amour de Dieu lui-même ? « Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »

Et, finalement, la seule chose qui puisse être un signe valable de notre amour pour Dieu, ce sera comme dans un foyer : la ‘’fidélité’’ tout au long de notre vie, à travers toutes les occasions de notre existence, réponse à celui dont nous chantons qu’il est « le Dieu fidèle éternellement ».

Quand vous passiez votre examen du code pour le permis de conduire, on vous posait sans cesse la question : « Qui a la priorité ? »

            Pour un chrétien, la réponse est sans équivoque : c’est l’amour. Rappelez-vous la chanson de J. Brel : « Quand on n’a que l’amour ». Pour le chrétien, « sans amour, on n’est rien du tout » AMEN




31ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 12, 28b-34)

« Aimer Dieu,

c’est aimer tout homme,

quel qu’il soit, où qu’il soit…»

(Mc 12, 28b-34)

         En ce temps-là, un scribe s’avança pour demander à Jésus : « Quel est le premier de tous les commandements ? »
Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : ‘Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.’
Et voici le second : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même.’ Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »
Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui.
L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »
Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger.

            Un scribe s’approche de Jésus… A l’origine, le scribe est celui qui, sachant lire et écrire, fait office de secrétaire dans l’administration royale (2S 8,15-17 ; 1R 4,1-3). Il est donc l’homme de l’écriture, et dans le domaine religieux, il sera l’homme des Ecritures, celui qui sait les lire, et qui peut donc les comprendre, les étudier, les apprendre, pénétrer leur sens pour ensuite les retransmettre à ceux qui, nombreux à l’époque, ne savaient pas lire.

            Ce scribe s’apprête ici à soumettre Jésus à un interrogatoire en règle : il veut vérifier si les principes de sa foi sont bien conformes à la foi d’Israël. S’il savait à qui il parle ! « Au commencement était la Parole, et la Parole était auprès de Dieu, et la Parole était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu… et la Parole s’est faite chair » (Jn 1,1-2.14), et nous les hommes, nous l’avons appelé « Jésus » (Mt 1,21), « le Fils » (Jn 1,18) éternel du Père…

            Mais Jésus se prête volontiers au jeu, simplement, humblement… « Quel est le premier de tous les commandements ? » lui demande le scribe ? Et il répondra en citant le Crédo d’Israël : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » (Dt 6,4). Dans le texte grec de St Marc, Jésus reprend mot pour mot la traduction grecque du Livre du Deutéronome, réalisée à partir du 3° siècle avant JC par la communauté juive de la ville d’Alexandrie, en Egypte. Il ne fait que rajouter « de tout ton esprit » que l’on pourrait aussi traduire « de toute ton intelligence, en toutes tes pensées »… S’adressant à un scribe qui emploie toute son « intelligence » à scruter les Ecritures dans le but de les « comprendre » le mieux possible, ce rajout est un clin d’œil bienveillant qui valorise résolument tout son travail de recherche…

            Mais Jésus ne s’arrête pas là. Il rajoute aussitôt après une citation du Livre du Lévitique, un des cinq livres de la Loi que devait travailler tout spécialement ce scribe : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19,18). Mais il s’arrête avant la fin du verset, car la suite aurait été « trop forte » pour cet homme : « Je suis le Seigneur. » Et pourtant, telle est bien la vérité… Là encore, Jésus reprend ici mot pour mot la traduction grecque du Livre du Lévitique. Apparemment rien de nouveau donc, il ne fait que redire ce qui était écrit depuis des siècles, des phrases que le scribe connaissait par coeur… Mais discrètement, en douceur, avec toujours une grande simplicité, Jésus va poser les bases de cette révolution humaine et spirituelle qu’il est venu révéler en nous donnant l’exemple de sa mise en œuvre. Et il va rajouter : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Pour l’amour vis à vis de Dieu, c’était une évidence pour le scribe. Mais donner une telle importance à l’amour du prochain, quel qu’il soit, sans aucune précision, et donc avec une portée là aussi « d’absolu », de « totalité », voilà qui est radicalement nouveau…

            St Matthieu, le publicain, lui qui savait si bien compter et lire, ne s’y est pas trompé. Il va reprendre comme St Marc cette notion de « plus grand », mais il va l’appliquer au commandement de l’amour pour Dieu. Et là encore, c’est une évidence à l’époque : « Voilà le plus grand et le premier commandement ». Mais ce qu’il écrit ensuite est à couper le souffle : « Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Autrement dit, « aimer son prochain » est « semblable » à « aimer Dieu ». Même si l’amour pour Dieu garde la priorité, même s’il est qualifié de « plus grand » et de « premier commandement », l’amour du prochain est placé au même niveau ! Et pour enfoncer le clou, il conclut par : « A ces deux commandements se rattache toute la Loi et les prophètes » (Mt 22,34-40)…

            St Jean dira également : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas » (1Jn 4,20). Nous sommes donc inviter à vivre très concrètement notre amour pour Dieu au cœur de toutes nos relations avec nos frères les hommes, et cela quels qu’ils soient, fussent-ils nos pires ennemis… « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,43-48), une perfection à interpréter à la lumière du verset parallèle en St Luc : « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant » (Lc 6,36 ; Bible de Jérusalem ; Osty). Les différentes traductions de texte grec de l’Evangile nous permettent de pressentir sa richesse : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (La Bible des Peuples ; La Bible de Maredsous ; Traduction officielle anglaise, RSV : « Be ye merciful, even as your Father is merciful »). La TOB (Traduction Oeucuménique de la Bible), elle, propose : « Soyez généreux comme votre Père est généreux », et elle précise en note : « Ou : miséricordieux. Alors que Mt 5,48 dit parfait selon le vocabulaire légaliste juif, Luc définit Dieu comme miséricordieux. C’est une expression traditionnelle de l’Ancien Testament (Ex 34,6 ; Dt 4,31 ; Ps 78,38 ; 86,16…)  et ce pourrait être le mot originel de Jésus. Il rend bien l’idée de toute la section (Lc 6,36-42) ».

            Nous sommes ici au cœur de notre foi : « Dieu Est Amour » (1Jn 4,6.8). En tout ce qu’Il Est, Il Est Amour. Tout doit être compris en Lui à la Lumière de l’Amour. Et cet Amour, constitutif premier de son Être, est totalement gratuit : « Dieu nous aime parce qu’Il Est Amour », déclare le Pape François. C’est pour cela que, pour chacun d’entre nous, comme pour tout homme sur cette terre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quoiqu’il fasse, « le premier pas que Dieu accomplit vers nous est celui d’un amour donné à l’avance et inconditionnel » (Audience du mercredi 14 juin 2017). Face à un homme qui fait le mal, l’Amour prend ainsi le visage de la Miséricorde : Il fait rayonner la Lumière de sa Bienveillance sur « les méchants et sur les bons » et tomber la pluie de sa grâce « sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45).

            Ainsi, pour tout homme, Dieu est depuis toujours et pour toujours celui qui a conclu avec lui « une alliance éternelle » (Gn 9,16 ; Jr 32,40), totalement gratuite et irrévocable. « Quand nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste à jamais fidèle, car il ne peut se renier Lui-même » (2Tm 2,13), il ne peut ne pas être ce qu’Il Est, et Il Est Amour ! Alors, il agit pour tout homme comme il le déclare dans le Livre de Jérémie : « Je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien… Je trouverai ma joie à leur faire du bien, et je les planterai solidement en ce pays », le Royaume des Cieux, Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit (Rm 14,17 ; Ep 4,3), un seul Amour, « de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,40-41). Nous avons reconnu l’expression : Jérémie, lui aussi, fait allusion ici, comme Jésus, au Crédo d’Israël : Dieu, le premier, met en pratique à notre égard ce qu’il nous invite à vivre avec Lui : Il nous aime de « tout son Cœur, et de toute son âme », mais son Cœur à Lui Est Infini ! Voilà pourquoi, tout péché, si l’on accepte de se repentir, sera pardonné… Quelle que soit la grandeur de notre misère, elle n’arrivera jamais à empêcher Dieu d’être ce qu’Il Est, et Il Est Amour, infiniment…

            Voilà le Mystère qui s’est pleinement révélé en Jésus Christ : « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), un Amour gratuit, Inconditionnel, donné à tout homme pour son seul bien… Et si ce dernier fait ce qui est « mal », puisque, comme le dit St Paul, « souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9), Dieu, en Jésus Christ, ne pourra qu’inviter tout homme à se « convertir », à se « repentir » (Mc 1,15, première Parole de Jésus en cet Evangile !), « à cesser de faire ce mal » qui ne peut que lui faire du mal, pour apprendre, petit à petit, à « faire le bien » (Is 1,16), ce bien qui, de son côté, ne pourra que le rendre heureux : « C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez, vous aussi » nous dit Jésus, « comme moi j’ai fait pour vousSachant cela, heureux êtes-vous si vous le faites » (Jn 13,15-17). Et qu’a-t-il fait ce jour-là ? Il a posé un geste incroyablement concret d’amour fraternel : il a lavé les pieds de chacun de ses disciples, donnant ainsi un exemple d’amour du prochain à étendre à tout homme !

            Aimer son prochain, c’est donc aimer Dieu, et ainsi trouver dans cette relation avec Dieu la Plénitude de la Vie, de la Paix et de la Joie puisque Dieu, dans son Amour, ne cesse de nous proposer cette Plénitude qui est déjà donnée à l’avance à tout homme : « Dieu nous aime parce qu’il est amour, et l’amour tend de nature à se répandre, à se donner » (Pape François) en tout ce qu’il Est… « Ouvrir son cœur à Dieu » ne peut donc qu’être synonyme d’ « ouvrir son cœur au Don de l’Amour », commencer à l’accueillir, et trouver ainsi en Lui une Plénitude de Lumière et de Vie insoupçonnée qui, seule, est la racine du vrai Bonheur… Et si l’accueil de ce Don de Dieu est authentique, il ne pourra que s’incarner dans une attitude d’amour fraternel qui ne pourra à son tour qu’avoir les mêmes caractéristiques que l’amour de Dieu puisque le Don de Dieu est participation à ce qu’Il Est en Lui-même, et il Est Amour gratuit, inconditionnel… « Oui je le sens, lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j’aime toutes mes sœurs » (Ste Thérèse de Lisieux)…

Jacques Fournier

 




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Père Rodolphe EMARD

Homélie du dimanche 24 octobre 2021 

 

ÉVANGILE

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 10, 46b-52)

En ce temps-là,
tandis que Jésus sortait de Jéricho
avec ses disciples et une foule nombreuse,
le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait,
était assis au bord du chemin.
Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth,
il se mit à crier :
« Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »
Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire,
mais il criait de plus belle :
« Fils de David, prends pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit :
« Appelez-le. »
On appelle donc l’aveugle, et on lui dit :
« Confiance, lève-toi ;
il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau,
bondit et courut vers Jésus.
Prenant la parole, Jésus lui dit :
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
L’aveugle lui dit :
« Rabbouni, que je retrouve la vue ! »

 Et Jésus lui dit :
« Va, ta foi t’a sauvé. »
Aussitôt l’homme retrouva la vue,
et il suivait Jésus sur le chemin.

    – Acclamons la Parole de Dieu.

**********************

HOMÉLIE

Frères et sœurs, nous connaissons bien ce passage de la guérison de l’aveugle Bartimée par Jésus. Ce passage occupe une place particulière dans l’Évangile de Marc : il s’agit de la dernière guérison que Jésus va accomplir, juste avant son entrée triomphale à Jérusalem, lieu de son mystère pascal.

Bartimée est fortement éprouvé, à double titre :

  • D’une part, il est aveugle ;

  • D’autre part, il est dans une situation de grande misère qui le contraint à mendier.

S’il a perdu la vue, il n’a pas perdu son audition et sa parole. Dès qu’il apprend la présence de Jésus, il va lancer un vrai cri qui équivaut à une véritable profession de foi : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »

 

Bartimée n’est pas au bout de ses peines car la foule veut lui faire taire mais l’aveugle va lancer à nouveau le même cri : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Une foi étonnante et audacieuse !

La question de Jésus peut paraître surprenante : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » La réponse peut sembler évidente : le mendiant demande à Jésus de le prendre en pitié et qu’il recouvre la vue. Quelle autre réponse pouvait attendre Jésus ?

Par ce « Que veux-tu ? », il y a deux points que nous pouvons retenir :

  • Jésus est certes le Sauveur mais il respecte profondément la liberté de chacun. Il ne s’imposera jamais à nous car il nous aime et que l’amour ne contraint pas !

  • Jésus offre également à Bartimée un espace pour exprimer sa confiance et sa foi, un espace de liberté.

Oui le Christ ne s’imposera jamais dans notre vie. C’est bien à chacun de consentir à ce que Jésus entre dans son histoire. La liberté de chacun est requise : c’est bien un enseignement sur lequel méditer…

********************************

La cécité dont il est question dans l’Évangile est chargée de sens pour nous. Chacun de nous a besoin de la lumière de Dieu, de la lumière de la foi pour marcher au mieux sur le chemin de la vie, à la suite du Christ. Nous avons trop souvent tendance -et à tort- à nous fier qu’à notre propre « fanal ».

Il est essentiel de se reconnaître parfois aveugle sur bien des situations : ce que nous ne voyons pas, ce que nous ne voulons pas voir, les cécités de notre cœur… Nous devons reconnaître avoir besoin de la lumière du Christ pour avancer. Cette reconnaissance est centrale afin de pouvoir implorer cette lumière, sinon il y a le risque de rester aveugle toute sa vie sur plusieurs choses essentielles.

Bartimée est un modèle pour nous. Il témoigne que la rencontre avec Jésus peut vraiment changer une vie et la changer en mieux, toujours en mieux. Le Christ donne tout, il n’enlève rien à nos vies !

Précisons un dernier point. L’Évangile précise : « Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » » Bartimée a sans doute entendu un groupe de personnes parler de Jésus, de ses guérisons, de ses miracles, de sa bonté envers les pauvres…

Sommes-nous de ces personnes ? En tous les cas, si nous nous disons disciples du Christ, nous le devons ! Beaucoup de bruits nous entourent, trop de bruits que nous diffusons également autour de nous. Et parfois, de mauvais bruits dans nos diverses conversations : nos lamentations, nos critiques négatives et non-constructives, nos paroles pessimistes…

Parfois aussi, comme les gens de l’Évangile vis-à-vis de Bartimée, nous cherchons aussi à faire taire les autres voir même de les empêcher de crier vers le Christ. Le contre-témoignage est bien une triste réalité !

C’est ainsi que nous sommes interrogés frères et sœurs : dans notre vie quotidienne, quels « bruits » diffusons-nous du Christ ? C’est bien les « bruits » de la confiance, de l’espérance, de la paix que devons davantage diffuser…

Nous avons à conduire à la confiance au Christ et nous avons aussi à rappeler que le Christ nous appelle à être ses témoins dans nos différents lieux de vie.

Demandons au Seigneur de nous guérir de nos aveuglements. Demandons-lui sa lumière pour que nous soyons de vrais témoins de la foi, une foi qui sauve : « Va, ta foi t’a sauvé. » Amen.




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Mc 10, 46-52)

« Bartimée. »

 Bartimée est un aveugle, de naissance … qui n’a jamais vu ! Il ne sait pas ce que c’est que ’’voir’’ … On a beau essayer de lui expliquer les formes, … les couleurs … Il ne peut pas savoir.

C’est un peu comme nous, quand on nous parle du Royaume des Cieux. On ne peut pas savoir … Jésus nous en parle beaucoup … on comprend de petites choses … mais on ne peut pas savoir.

Certains ont fait des Expériences de Mort Imminente (EMI), ce que le docteur Patrick Theillier, ancien responsable du Bureau des Constatations Médicales de Lourdes, préfère appeler des Expériences de Vie Imminente (EVI), et les ont racontées. Les expériences sont diverses, mais la plupart décrivent un lieu où on se sent bien et où règne l’amour. Mais on ne pourra savoir ce qu’il est que quand nous y serons … !

Bartimée, l’aveugle, « était assis au bord du chemin », c’est-à-dire à l’écart de la vie de tous les jours, à l’écart des autres,  et il mendiait …

Aveugle, mais pas sourd !

Il avait entendu parlé de Jésus de Nazareth, un grand prêcheur qui promet le Royaume de Dieu … pour ceux qui l’auront mérité … et qui accessoirement guéri des gens …

Quand ce jour-là, il entend le brouhaha d’une foule nombreuse, il demande ce qui se passe, et on lui dit que c’est Jésus de Nazareth qui passe avec ses disciples.

Alors il s’écrit : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! ».

On veut le faire taire. C’est vrai, quoi ! C’est pas un petit mendiant aveugle, assis sur le bord de la route, qui va nous empêcher d’écouter Jésus !

C’est vrai, quoi !

Réaction bien humaine ! … mais loin de l’amour de Dieu pour les petits …

Et c’est encore vrai maintenant !

N’avons-nous pas tendance à ne pas tenir compte des petits, de ceux desquels on passe à côté sans se rendre compte qu’ils existent ! Et il y en a un paquet ! Que peuvent-ils dire d’intéressant ?

Et pourtant, Bartimée, l’aveugle, lui a bien vu qui était Jésus : « Fils de David … »

Il voyait mieux que les autres ! Il voyait avec le cœur !

A l’heure où va commencer la réflexion sur « une Église synodale », gardons cela à l’esprit !

Laissons la parole, et écoutons ceux qui nous semble ne pas y connaître grand-chose ! Nous serons sans doute surpris de la profondeur de leur réflexion, ou des sujets qu’ils abordent qui peuvent nous sembler inintéressants, … et même si ce n’est pas toujours bien formulé …

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11,25)

Tous ont le droit de s’exprimer !

Bartimée insiste. Il crie plus fort : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! ».

Jésus l’entend … il s’intéresse particulièrement à ceux qui sont « au bord du chemin ».

« Appelez-le. »

Le maître a parlé ! … Tous ceux qui voulaient faire taire Bartimée sont maintenant à l’encourager : « Vite ! le Seigneur t’appelle ! ».

Bartimée ne se le fait pas dire deux fois ! Il jette son manteau, sans doute son bien le plus précieux, sa carapace de mendiant … et il court vers Jésus !

Aveugle, mais avec l’ouïe affinée … il sait où se trouve Jésus, à quelle distance …

L’appel de Jésus établit une connivence entre eux …

« Que veux-tu ? »

« Voir. »

« Va, ta foi t’a sauvé ! ». Il est sauvé avant de voir clair ! « Tu es tiré d’un danger dans lequel tu aurais pu sombrer et périr. » … Tiré de l’enfer … « Tu as cru en moi comme étant le Messie ! »

Bartimée est sauvé … il voit … et devient disciple : « Il suivait Jésus sur le chemin ». Le chemin qui mène Jésus à Jérusalem, à sa Passion et sa mort, mais surtout à sa résurrection !

Bartimée va voir Jésus tel qu’il était … avant son incarnation, quand il était encore auprès du Père, dans le Royaume de Cieux … « Ta foi t’a sauvé ! ».

On peut se poser la question : « Qui étaient les aveugles à la sortie de Jéricho ? »

Bartimée … ou les disciples qui suivaient Jésus ? (ou certains d’entre eux …).

On pourrait peut-être dire pour eux ce que Jésus disait aux pharisiens : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure. » (Jn 9,41).

Et nous, ne sommes-nous pas un peu aveugles, ou malvoyants … qui ne voyons pas ceux qui sont « au bord du chemin » ? Qui ne comprenons pas la bonté de Dieu envers les petits … ou ceux que nous voyons petits … mais qui sont peut-être plus grands que nous ?

Seigneur Jésus,

l’épisode de Bartimée nous invite

à nous poser des questions :

Qui est au bord du chemin ?

Qu’ai-je fait pour lui ?

Pourquoi je ne m’intéresse pas à lui ?

Pourquoi je ne l’écoute pas ?

Apprend-moi à voir en eux

le prochain dont je dois m’approcher,

à voir en eux ta présence.

 

                                     Francis Cousin

 

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant :

Image dim ord B 30°




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Bartimée

Mc 10, 46-52

En venant d’écouter cette dizaine de lignes d’Evangile, l’erreur serait de faire le commentaire suivant : « Eh bien oui, le Seigneur est grand. Il vient encore de faire un miracle ! Cette fois-ci, c’est un aveugle qu’il vient de guérir. Dieu soit loué ! Et passons à autre chose ».

Or, c’est peut-être l’un des passages de l’Evangile parmi les plus importants pour nous. J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire. Par un miracle, Jésus nous fait signe, à nous : il ne guérit pas pour guérir. Il guérit pour nous expliquer, nous faire comprendre quelque chose. Essayons de décortiquer ces quelques lignes : le miracle n’est qu’un signe.

Voilà donc un aveugle dont nous connaissons même le nom : Bartimée. C’est le fils de Timée qui est assis sur le bord de la route. Un aveugle, à cette époque-là, ne bénéficiait pas de la sécurité sociale ni du RMI. C’était un exclu. Il était obligé de mendier, condamné aussi à l’immobilité, assis sur le bord de la route. Là, au moins, il n’y avait pas trop de dangers.

Les aveugles, par compensation, c’est bien connu, ont l’oreille fine. Aussi, entend-il, de loin, de très loin, sans doute, un groupe qui approche. Pour un mendiant, c’est intéressant. Alors, il fait son enquête auprès de ceux qui passent : « Qui est-ce ? Qu’y a-t-il? », et la foule lui répond : « Jésus de Nazareth ». Vous entendez bien : « Jésus de Nazareth », c’est-à-dire un homme de Nazareth, le fils de Joseph le charpentier. « Jésus de Nazareth », voilà comment on appelait Jésus quand on ne croyait pas en sa divinité.

Lui, apprenant que c’est Jésus, il se met à « crier », nous dit l’Evangile, oui, à « crier », à hurler, parce que lui, il a la foi, lui, il sait qu’il peut guérir et en criant, il ne va pas dire « Jésus de Nazareth », mais il lui donne immédiatement son titre messianique : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi! ».

« Fils de David« , çà c’est le « Messie« , celui dont on dit que « Par lui les aveugles verront clair ».

Alors, frères, je vous pose la question : « Quel est celui qui y voit le plus clair ? Celui qui considère Jésus comme un homme parmi les autres et qui l’appelle « Jésus de Nazareth » ou celui qui va crier, ayant reconnu le Messie « Fils de David, aie pitié de moi ! » ? L’aveugle, ce n’est plus lui, c’est la foule : elle ne voit pas qui est Jésus et le seul voyant, le seul clairvoyant, c’est l’aveugle qui se remet à crier de plus belle « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! ».

Un seul, dans toute la foule voit clair, c’est celui que Jésus va guérir de sa cécité physique parce que, spirituellement, il est le seul qui a vu et qui voit qui est Jésus.

D’ailleurs cette foule qui n’y voit rien, lui commande de se taire : « Tais-toi donc ! Tu nous importune avec tes cris ».

Souvent, et surtout à notre époque, ce n’est pas la foule qui nous fait du bien. La foule, c’est bien connu, a des réactions grégaires et médiocres. Son niveau se situe et se nivelle plus bas que l’individu qui, lui, a des réactions personnelles. Mais lui, au lieu de se taire, de s’écraser comme on dit, crie de plus belle :

« Fils de David, aie pitié de moi ! ».

Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le ».

A chacune de nos prières, à nous aussi, à chacune de nos détresses, au cœur de nos épreuves, si nous avons la foi, Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le ». Et voici cette même foule qui, il y a un instant, lui commandait de se taire, lui dit maintenant ces paroles splendides :

« Confiance ! Lève-toi ! Il t’appelle ! ».

Ces mêmes paroles sont dites, à nous aussi, de la même façon dès que nous avons conscience de notre misère, dès que nous appelons au secours, dès que nous crions « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! ».

 Nous pouvons, nous devons, dans la foi, entendre ces mots : « Confiance ! Lève-toi ! Il t’appelle ! » Le Seigneur ne passera pas sur la route sans nous voir. Il ne continuera pas son chemin : il nous aime, il s’arrête, il nous appelle. Il désire, bien plus que nous encore, nous guérir, nous faire voir clair. Il nous appelle à changer de regard, à purifier notre vision du monde.

Que fait l’aveugle ? Un geste irraisonné, un geste fou, s’il n’avait pas la certitude de la puissance de Jésus : il jette son manteau. Ces mendiants infirmes couchaient dehors, leur manteau : c’était leur maison, leur sécurité. La nuit, c’était la chaleur, le jour, il l’étalait, s’asseyait dessus et devant eux pour recueillir la monnaie. « Il jette son manteau, bondit (n’oublions pas qu’il est aveugle) et court vers Jésus ».

Autre surprise : Jésus lui pose une question, question qui semble inutile, vaine, voire ridicule devant l’évidence :

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Pourquoi Jésus pose-t-il cette question ? Il sait bien ce que l’aveugle va lui demander. Il sait ce dont il a besoin, il connaît son infirmité, il n’a qu’à regarder. Jésus désire qu’il le dise lui-même, qu’il formule en public sa demande.

C’est toute l’importance, frères, de la prière : il ne suffit pas de désirer quelque chose, même avec force. Il faut la formuler, la dire au Seigneur, le lui demander de façon explicite, avec foi, avec certitude. Quand je vois, cette question de Jésus, je pense, aussi, au sacrement de réconciliation et à ceux qui disent

« Moi, je m’accuse intérieurement, je me confesse directement à Dieu, dans mon cœur ». Jésus désire de nous une démarche plus explicite, plus objective, plus extérieure pour que notre foi puisse vraiment se manifester aux autres dans une démarche publique. La réponse de l’aveugle ne se fait pas attendre : « Mais, Seigneur, que je voie ! »

Admettez un instant que l’aveugle lui ai dit : « Une petite pièce d’argent Seigneur : un p’tit quatre sous ! Je n’en ai pas beaucoup, il faut bien vivre ». Le Seigneur ne lui aurait pas donnée. Non, l’aveugle, comme nous aussi dans notre prière, va à l’essentiel : « Que je voie ! »

Est-ce que dans notre prière, nous ne demandons pas, parfois, des accessoires, des bricoles alors que l’essentiel, ce que le Seigneur voudrait nous donner, nous ne le demandons pas ? Que faut-il lui demander? Que faut-il lui dire ?

« Seigneur, que je voie, que je te voie, que l’Esprit-Saint habite en moi, que je me dirige toujours selon tes désirs, que j’ai toujours un cœur ouvert aux autres ! ». Alors, là, c’est certain, le Seigneur vous exaucera à coup sûr, vous lui demandez l’essentiel et cela dans la foi : « Va, dit-il, ta foi t’a sauvé ».

Pourquoi Jésus dit-il « Ta foi t’a sauvé » ? C’est parce que Dieu ne peut agir que dans un cœur qui lui est déjà ouvert, que sur des yeux qui ont déjà reconnu sa divinité en criant « Jésus fils de David ! ». Une prière sans foi, sans confiance, sans certitude intérieure n’est qu’une demande vaine, une démarche inutile. C’est notre foi qui nous sauve, tout autant que l’amour du Christ. Pour nous, il n’y a pas l’un sans l’autre : la foi demande l’amour et l’amour répond à la foi.

A l’objection classique et courante de ceux qui s’excusent en disant: « Les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres », il faut répondre que ces chrétiens qui certes, ne sont pas parfaits, ont au moins la foi et que cette foi les sauvera parce que Dieu y répond toujours avec amour : « Aussitôt l’homme recouvre la vue ».

Cet homme était, on l’a vu au début, assis sur le bord de la route, les derniers mots de l’Evangile nous racontent « Et il suivait Jésus sur la route ». Si, nous aussi, nous voyons clair, si le Christ nous donne sa lumière, s’il change notre regard, nous ne resterons pas spectateurs sur le bord de la route, nous nous mettrons, nous aussi, en marche avec lui. D’ailleurs, le Christ n’a-t-il pas dit :

« Celui qui me suit, ne marchera pas dans les ténèbres ! »

Alors, en route, mes frères, avec lui ! … AMEN




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 10, 46-52)

« Jésus, fils de David,

aie de la miséricorde pour moi ! »

(Mc 10,46-52)

 

    En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin.
Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »
Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.

       

Jésus est en marche vers Jérusalem où il va vivre sa Passion pour le salut du monde. Bartimée, « un mendiant aveugle » est « assis au bord de la route ». Par deux fois, il lui crie dans le grec des Évangiles : « Éléêson mé ». Or, « éléos », c’est « la miséricorde ». On pourrait donc traduire : « Jésus, Fils de David, aie de la miséricorde pour moi ! ». Mais c’est exactement ce que Jésus est venu mettre en œuvre pour tous les hommes : « la Toute Puissance de la Miséricorde de Dieu », pour reprendre les termes de la Vierge Marie (Lc 1,49-50), car il est, dit peu après Zacharie, « l’Astre d’en haut, qui nous a visités dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu ». Autrement dit, tout en lui n’est que manifestation de l’infinie Miséricorde qui remplit le cœur de Dieu… Le mal nous a plongés de cœur, spirituellement, dans les ténèbres ? « L’Astre d’en Haut nous a visités pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres » car sa Lumière, et « Dieu Est Lumière », « a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (1Jn 1,5 ; Jn 1,5). Mais, puisque « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16) et qu’Il n’Est qu’Amour (François Varillon), cette Lumière est celle de l’Amour. Autrement dit, aucun péché, aucune misère, aussi énorme soit-elle, ne pourra empêcher Dieu d’Être ce qu’Il Est, et Il Est Amour, heureux de notre joie, bouleversé par nos souffrances et par nos peines, fussent-elles les conséquences de notre péché… Aussi n’a-t-il qu’une Parole à nous dire, et cette Parole retentit jusqu’au cœur de notre misère : « Je t’aime ! » « Le Père Lui-même vous aime », nous dit Jésus (Jn 16,27 ; 17,23 ; Ap 1,5). Et dans ce « je t’aime » se cache un Don qu’il veut voir régner en nos cœurs et qu’il ne reprendra jamais : le Don de sa Lumière, appelée à régner dans nos nuits, le Don de sa Vie, appelée à triompher de tous nos états intérieurs de « mort »…

« Le Seigneur a beaucoup de cœur », « il est miséricordieux et compatissant » (Jc 5,11)… « JE SUIS miséricordieux », avait-il déjà dit par son prophète Jérémie (3,12). Or, ce seul « JE SUIS » suffit à exprimer tout ce qu’Il Est (Ex 3,14). Nous retrouvons ainsi, avec l’Ancien Testament, que Dieu Est tout entier Amour, un Amour qui face à notre misère prend le visage d’une inlassable Miséricorde. Et il n’a qu’une Parole à nous répéter jour après jour : « Je t’aime », et tes blessures, je les ai prises sur moi, pour que tu en guérisses: « Par tes blessures, ô Christ, nous sommes guéris ! » (1P 2,24). Aussi nous invite-t-il jour après jour à tout lui offrir, et il triomphera, pour notre joie !     DJF




29ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Mc 10, 35-45)

« Maître, ce que nous allons te demander,

nous voudrions que tu le fasses pour nous. »

 

Une demande comme le font souvent les enfants … Avoir l’accord avant de poser la question !

Une manière de forcer la main … !

Jésus répond, comme le font tous les parents : « Qu’est-ce que vous voulez ? ».

« Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. »

En clair, cela veut dire : « On aimerait bien participer avec toi à ta gloire, quand tu prendras le pouvoir en Israël, mais aux premières places, les meilleures … ». Évidemment ! Penser à soi d’abord ! c’est pas nouveau !

C’est quand même curieux. À chaque fois que Jésus annonce à ses disciples qu’il va être condamner à mort par les responsables religieux juifs, subir sa passion et mourir, mais qu’il ressuscitera trois jours après, les apôtres ne veulent pas y croire.

Surtout que cette fois-ci, ils sont sur le chemin de Jérusalem, et « ils [les apôtres] étaient saisis de frayeur, et ceux qui suivaient étaient aussi dans la crainte. » (Mc 10,33-34). Ils ont peur !

Mais peut-être pensent-ils que Jésus va faire un miracle et qu’il échappera à ses détracteurs et prendra le pouvoir ? Pourtant Jésus était clair, et il n’avait pas l’habitude de les mettre à l’épreuve.

Et le miracle, il y en aura un … mais après sa mort … la résurrection annoncée par Jésus !

Sans doute Jésus avait-il déjà dit dans sa tête : « Comme votre cœur est lent à croire. » (Lc 24,25).

Ce qui est sûr, c’est que Jacques et Jean, à ce moment-là, ne pensaient qu’à eux. Peu importe les autres, ils pensaient à leur avenir … et ils le voyaient brouillé par leur centre d’intérêt tout-à-fait égoïste …

Quant aux autres apôtres, c’est un peu la même chose !

Ils sont indignés, dit l’évangile ! Pourquoi ?

Deux possibilités :

La première : « S’ils prennent les deux premières places … Alors, qu’est-ce qui va nous rester ? Des clopinettes ! … et on n’est pas moins bon qu’eux ! ».

La seconde : « Mais ils n’ont rien compris ! Jésus ne nous a pas appelé pour prendre des places … Son royaume est dans les cieux ! Notre but est d’être auprès de Dieu, dans les cieux … et d’y amener d’autres avec nous ! ».

D’après vous, quel était leur motif d’indignation ? La première ou la seconde possibilité ?

Dans les deux cas, Jacques et Jean ou les dix autres apôtres, leurs pensées vont dans le même sens : tournées vers eux, leurs intérêts, et eux seuls !

Comme c’est souvent le cas pour nous aussi !

Jésus l’a bien compris, et il remet les choses en place : « Dans le monde, les chefs commandent en maîtres, et font sentir leur pouvoir. Ce n’est pas le cas pour vous : Si vous voulez être chefs, commencez par être (et rester) serviteurs des autres, comme moi-même je l’ai fait :  Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. ».

Et il le montrera encore le soir du jeudi saint quand il lavera les pieds de ses disciples, en leur disant : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » (Jn 13,14).

Et cela s’adresse à nous tous, encore maintenant : Être serviteur des autres, et à travers eux, devenir serviteur de Dieu : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40).

En ce jour où, à la demande du pape François, serviteur des serviteurs de Dieu, s’ouvre partout dans le monde, au niveau de chaque diocèse, la réflexion Pour une Église synodale, mettons-nous au service de cette Église, non pas avec un regard égoïste, tourné vers soi, mais avec un regard tourné vers les autres, ceux que nous connaissons et ceux que nous ne connaissons pas, qui font partie de l’Église ou non, afin que nous participions vraiment à la vie de cette Église, à sa mission, dans une communion fraternelle.

Allons marcher ensemble pour notre Église !

Seigneur Jésus,

combien de fois

nous nous comportons comme les apôtres,

avant ta résurrection et

la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte,

en ne pensant qu’à nous !

Donne-nous un esprit de service,

pour qu’ensemble

nous nous mettions au service

des autres et de l’Église,

pour construire une Église synodale.

 

                                     Francis Cousin

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant :

Image dim ord B 29°




29ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Le Christ Serviteur

 Mc 10, 35-45

De ma fenêtre du premier étage, j’ai eu souvent l’occasion de regarder les enfants en train de jouer sur la cour de récréation. Pour jouer, il faut commencer, la plupart du temps, à faire deux camps. Il faut donc deux chefs et souvent le conflit commence, non pas avec le jeu, mais avec ceux qui choisissent leurs équipiers : le tri impitoyable de deux leaders qui devront s’imposer pour commander aux autres. Ils s’imposent, le plus souvent, par la force ou la violence et il est rare qu’en cours d’année, ces deux-là soient remis en question. Mais au début, c’est à qui essaie de commander, d’imposer son pouvoir aux autres.

Il n’y a pas que chez les enfants ! Les élections jouent le même scénario; elles sont bien tombées pour nous faire voir que l’on est prêt à tout, y compris au pire, pour prendre le pouvoir, pour avoir un poste de président, pas seulement piétiner les autres, mais aussi imposer ses propres idées.

Ne nous offusquons pas, c’était déjà comme cela… où ? Parmi les apôtres : « Maître, disent Jacques et Jean, nous voudrions que tu exauces notre demande. » En fait, la vraie traduction est celle-ci :

« Maître, nous voulons que tu nous fasses ce que nous te demanderons ». Que demandent-ils donc?

 « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire. » Or, Jésus vient, à l’instant, de leur annoncer pour, la troisième fois, sa Passion :

« Le Fils de l’homme sera livré, ils se moqueront de lui, cracheront sur lui, le flagelleront, le tueront » C’est le moment choisi par Jacques et Jean : le moment où Jésus choisit la dernière place, pour essayer de se pousser aux bonnes places. Ils en sont encore aux rêves de ce triomphateur glorieux, LE MESSIE, qui va tout régler par sa puissance. Et puis, ils sont, eux, les cousins de Jésus : quand l’un d’entre eux arrive au pouvoir, c’est toute la parenté qui partage. Alors pourquoi ne pas profiter du cousin Jésus pour une promotion, un passe- droit, une recommandation. C’est humain : quand on a des relations, n’est- il pas naturel d’en profiter pour en tirer quelques avantages ?

Allons plus loin : notre vie chrétienne, est-elle une vie où nous servons Dieu? Ou bien une vie où nous essayons de mettre Dieu à notre service ? Notre pratique religieuse est-elle adoration, louange, offrande, obéissance ou bien une espèce d’ « assurance-vie éternelle, assurance sur l’au-delà » ? « Maitre, assure-moi un bon strapontin au ciel ! » Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Effectivement : qui sera à sa droite et à sa gauche sur la Croix ? Ni Jacques, ni Jean, mais deux brigands crucifiés avec Jésus sur la colline et Jésus dira à l’un de ces truands : « Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le paradis ».

Nous aussi, souvent, nous ne savons pas ce que nous demandons ! Faisons un peu plus confiance à Dieu. La gloire de Jacques et de Jean sera réalisée un peu plus tard : Jacques sera martyr à Jérusalem et Jean subira l’univers concentrationnaire de Néron, aux travaux forcés, dans l’île de Patmos. « Pouvez-vous boire la coupe que je viens de boire?» La coupe, dans l’écriture, est rarement la coupe de la joie, c’est celle de l’amertume : ce qui est dur à avaler.

« Père, éloigne de moi cette coupe », dit Jésus à l’agonie.

S’ils veulent entrer dans la gloire, il leur faut d’abord boire à cette même coupe. Cette parole prendra encore plus de relief lorsqu’ils boiront plus tard à la coupe eucharistique, « mémorial de la mort du Seigneur ». « Les dix autres apôtres s’indignaient contre Jean et Jacques ». Oh ! Ne croyez pas qu’ils soient scandalisés ! Non ! Ils partagent la même ambition ! Ils sont simplement jaloux de ceux qui ont voulu se pousser : c’est normal, cela leur coupe l’herbe sous les pieds. Jésus, lui, ne s’indigne pas, il ne comprend que trop : ce qui se passe est normal, il a une autre vision des choses ; aussi les appelle-t-il auprès de lui et leur dit :

« Vous le savez : les chefs d’Etat commandent en maîtres. Les grands font sentir leur pouvoir ». Le pouvoir ne peut pas être exercé comme un lieu de domination ou d’oppression, comme un rapport de « force » où le plus fort l’emporte ; et c’est vrai que la notion de pouvoir, à notre époque, est encore basée sur des rapports de force qui entrainent violence et injustice : dans les familles, dans les professions, dans la politique. Nombreux sont ceux qui parlent de « service » dans les partis, syndicats, banques, communes, Eglise même. Tout le monde s’affirme désintéressé, mais que d’illusions ou de mensonges ! Car dans ce rêve on se place : en servant, on se sert.

« Non », dit Jésus, « parmi vous, il ne doit pas en être ainsi : celui qui veut devenir « grand » sera votre serviteur, celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous ». Cette phrase, forte comme un bloc de granit, est la pierre d’angle de l’Eglise à venir, pas seulement une loi dans l’Eglise : c’est la « constitution » de l’Eglise, de la communauté de chrétiens. Chacun doit devenir le serviteur de tous.

Dans l’Eglise, il  faut  renoncer  totalement  au principe  de l’avancement, des galons, de la carrière, des titres, des décorations, des places honorifiques. Un seul principe : le service humble. Il n’y a pas de « chefs » au sens du monde, dans l’Eglise. Il n’y a que des responsables, des serviteurs de la communauté, depuis le pape qui signe « le Serviteur des serviteurs » jusqu’à celles qui tous les samedis matin, dès 7h, sont en train de nettoyer les bancs sur lesquels vous êtes assis ce soir (ce matin). « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude », et en faisant cela, nous ne faisons tout simplement que d’imiter Jésus qui n’a pas joué au « Seigneur », mais au « domestique », pas en « dominateur », mais en « serviteur ».

 Rappelez-vous le Jeudi Saint au soir : « Jésus prit un tablier, une cuvette, une serviette et lava les pieds des apôtres ». « Toi, Seigneur, nous laver les pieds ! » Jésus répond à Pierre : « Plus tard, tu comprendras », « Si je vous ai lavé les pieds, moi le « Seigneur et Maître », vous devez, vous aussi, vous laver les pieds les uns aux autres », et il reprend la même formule qu’après l’Eucharistie, « Faites ceci en mémoire de moi ».

« Ce que j’ai fait pour vous, faites-le, vous aussi, pour les autres ».

C’est ainsi que les parents chrétiens devraient être vis-à-vis de leurs enfants, que les responsables devraient être vis-à-vis de leurs subordonnés.

Prendrons-nous au sérieux l’invitation de Jésus ? Ne faisons pas l’examen de conscience des autres : moi, qui ai-je tendance à dominer ? Qui dois-je aimer ? Qui dois-je suivre ?

Ne nous faisons pas illusion, ce chemin du service, de l’amour qui  s’offre, de l’oubli de soi au profit des autres, ne nous mènera pas à une réussite humaine.

Si jamais nous prenons la décision de suivre le Christ, il nous mènera par où il est lui-même passé : par la Croix. Dans toute la Bible comme dans l’Evangile, l’image n’est pas celle, seulement, du serviteur, mais celui du « serviteur souffrant« . Il nous faut nous aussi, comme le Christ, avec le Christ, connaître les souffrances, dit Isaïe, dans la 1ère lecture, pour sauver les multitudes. « Le juste, mon serviteur, à cause de ses souffrances, se chargera de leurs péchés », et St-Paul, dans la seconde lecture, ne dira pas autre chose : « Jésus a connu l’épreuve, c’est pourquoi nous pouvons recevoir son secours ». Nous ne pouvons pas, à notre tour, suivre un autre chemin pour sauver le monde actuel. C’est toujours par la Passion, par la Croix, par les épreuves et par les souffrances offertes que le monde sera sauvé.

 Il n’y a pas d’autres chemins que celui de la Croix, celui de la petitesse et de l’humilité. Nous sommes nés du sang versé, répandu en signe de l’amour livré jusqu’au bout. Dieu est mort d’aimer. Marcher derrière Jésus, c’est saisir la Croix avec lui : il s’est dépouillé devenant l’image même du serviteur, il s’est abaissé et, dans son obéissance, est allé jusqu’à la mort…

Nous aussi, nous disons avec Jacques, avec Jean : « Seigneur, donne-nous une place dans ton Royaume ». Mais pour cela, nous avons à naître à l’amour et nous devons, pour ce passage, être plongés dans le sang du serviteur. Dans la communauté des disciples, il n’y a qu’un seul titre : le service de l’amour.

Il n’est plus question d’honneur ou de récompense, mais d’une solidarité avec la souffrance des hommes unie à celle de Jésus. AMEN