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15ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Envoi en mission

Mc 6, 7-13

Vous vous rappelez, frères et sœurs, que dès le début de l’Evangile, Jésus choisit des collaborateurs : il complète son groupe peu à peu, jusqu’à douze, chiffre symbolique indiquant qu’il a l’intention de fonder un nouveau peuple d’Israël à partir de douze tribus et nous voyons ces douze hommes accompagner partout Jésus, se tenant toujours à ses côtés. Mais, s’ils sont là, ce n’est que pour se former pour être envoyés ensuite à leur tour. Jésus va peu à peu leur confier sa propre mission ; eux aussi, ils sont chargés de prêcher : c’est le temps de l’Eglise qui commence. Dieu ne veut pas tout faire : il attend de nous, notre rôle à jouer. Il nous confie ses responsabilités. Très souvent, nous nous faisons du chrétien une image d’un homme fidèle, à côté du Christ, qui l’écoute et essaie de mettre en pratique personnellement son enseignement : ce n’est qu’un seul aspect du chrétien.

Le chrétien, c’est aussi et surtout, celui qui est envoyé par Jésus auprès des autres, pour leur dire à son tour, le message de Jésus qu’il a reçu lui-même : il est le relai, le diffuseur du message de Jésus.

Le chrétien est celui qui est chargé par Jésus de prêcher, d’annoncer la Bonne Nouvelle. Je ne suis pas seulement un chrétien à usage interne c’est-à-dire pour ma sanctification personnelle, mais un chrétien à usage externe, envoyé par le Christ aux autres, pour leur dire à mon tour et leur faire voir, moi aussi, comme témoin, ce que doit savoir, ce que doit faire un chrétien. « Il les envoie » pendant les cinq premiers chapitres de l’Evangile. Marc nous fait voir les disciples formant un groupe uni et soudé, les uns à côté des autres, autour de Jésus.

Dans cet Evangile, c’est le contraire : le Christ les envoie deux par deux, six petits groupes, en mission.

 

 

Ce mouvement d’apostolat et de retour auprès de Jésus puis de départ auprès des autres, c’est le mouvement même du cœur. Votre médecin dirait la « diastole » et la « systole » : le sang se rassemble vers le cœur puis il est propulsé dans les différentes parties du corps pour l’irriguer. Dans notre vie spirituelle, on assiste à ce double mouvement : on se rassemble près de Jésus le dimanche, puis on se disperse dans la vie quotidienne pour y être des témoins de Jésus.

La même chose en nous : des moments de prière, de grande intimité avec Jésus dans le silence, le recueillement, puis le départ vers les autres, le témoignage à leur donner, la vie de Jésus à porter, à colporter, à diffuser autour de nous.

Une vie spirituelle ne sera jamais complète et normale si je me contente :

. ou bien de rester auprès de Jésus, sans aller annoncer sa Parole et diffuser son message ;

. ou bien d’être l’émissaire de Jésus pour les autres sans avoir expérimenté auprès de lui, cette présence silencieuse et attentive qui me permet de dire aux autres ce que j’ai appris de lui.

Que diriez-vous d’une batterie électrique que l’on solliciterait toujours sans jamais la recharger ? Elle serait vite à plat. Mais que diriez-vous aussi d’une batterie chargée dont on ne se servirait jamais ! Dans les 2 cas : elle devient inutile.

A tous les chrétiens qui crient : « Vie intérieure », il faut dire : attention, il y a aussi la mission ! Le message à faire connaitre. A tous  les chrétiens qui disent « la mission, l’apostolat », il faut leur rappeler que ce n’est possible qu’en demeurant au préalable auprès de Jésus, pour nous imprégner de sa Parole et de son Esprit.

« Il les envoie  » deux par deux » » : il faut être deux pour que le témoignage soit valable. Dans la justice des hommes aussi : un seul peut se tromper. Deux témoins, c’est plus convaincant. Dans le Livre des Proverbes, il est dit :

« Deux hommes valent mieux qu’un ; en effet, s’ils tombent, l’un relève l’autre », « Malheur à celui qui est seul, il est peu crédible ».

La première règle de l’apostolat, c’est de faire équipe. Déjà, la vie fraternelle est une prédication vivante : avant même de dire un mot. Rappelez-vous le « Voyez comme ils s’aiment » des premiers Romains voyant vivre les premiers chrétiens. Notre apostolat est en priorité « communautaire ».

Malgré la tentation chez certains de travailler tout seul dans leur coin, volontiers individualistes, nous avons plus confiance en ce que nous faisons nous, tout seuls, « plutôt que de perdre du temps », pense-t-on à le faire avec plusieurs, et puis nous n’aimons pas beaucoup le contrôle de nos frères sur notre conduite… et pourtant ?

La mission n’est pas une œuvre individuelle relevant d’une initiative privée : elle a son origine dans le désir de Jésus, elle est affaire d’équipes, elle est action communautaire. Cela permet de s’épauler l’un l’autre, de se contrôler mutuellement dans le témoignage porté.

            Les voilà donc partis, deux par deux : six groupes. Quelles recommandations Jésus leur donne-t-il ? On ne voit pas Jésus leur donner des recommandations sur le contenu doctrinal, sur « ce qu’il faut dire« , ce qu’il faut prêcher…

Non, il s’occupe d’abord de leur équipement. Le témoignage de vie est en effet plus important que ce qu’ils vont dire, le témoignage de la Parole.

– 1er conseil : la pauvreté. Les disciples doivent se présenter démunis de tout prestige humain : pas d’équipement ni d’équipages, pas de logistique encombrante. Ils n’ont comme appui que leur foi en celui qui les envoie. St-Paul, plus tard, lui aussi, pauvre et vivant au jour le jour, disait : « Nous sommes comme des vases bien fragiles, mais porteurs d’un trésor inestimable : le « message de Dieu ». Aussi, je suis venu sans éloquence, sans philosophie, mais faible, craintif, sans poudre aux yeux, notre seule puissance étant celle de Dieu ».

 – Attention à l’Eglise triomphaliste qui s’appuierait sur ses monuments, sur sa culture, ses traditions, ses influences, ses relations au dépend de ce qui fait sa seule vraie richesse : le message dont elle est porteuse, la présence de Jésus avec elle, est sa seule vraie richesse. Tout le reste n’est que quincaillerie, accessoires. Attention aux chrétiens trop soucieux d’un équipement évangélique, structures lourdes et matérielles pour évangéliser.

– Le Christ préfère des troupes légères, sans bagages encombrants, toujours prêtes à partir ailleurs. St-François Xavier, nous dit-on, est parti du Portugal, en mission, sans aucun bagage, ni coffre, ni malle, seulement son crucifix et son Evangile. S’il avait eu beaucoup de cantines et valises, il serait sans doute resté à Goa au lieu d’aller plus loin, aux Philippines, au Japon et jusque devant la Chine. Ce n’est pas parce qu’une paroisse est suréquipée de moyens audio-visuels, d’informatique et de duplicateurs qu’elle sera plus apostolique.

Frères et sœurs, en plus de cette homélie, résumons-nous : nous avons vu que le Seigneur nous veut à certains moments près de lui, mais qu’il nous envoie près des autres, aller près des autres et revenir vers lui : double mouvement d’écoute de la Parole et de diffusion de cette Parole.

Etre auprès de Jésus n’a jamais été un refuge. C’est plutôt une « station-service » pour repartir en mission auprès des autres. Cette mission est communautaire : jamais un apôtre vrai n’est seul. Il vit avec d’autres.

Enfin, cette mission ne s’appuie pas sur des moyens humains seulement, mais sur sa foi au Seigneur qui nous dit comme à Paul : « Ma grâce te suffit ».  AMEN




14ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Père Rodolphe EMARD

LECTURES : Ez 2, 2-5 ; 2 Co 12, 7-10 ; Mc 6, 1-6

Frères et sœurs, les lectures de ce 14ème dimanche nous donnent clairement de méditer sur la vocation spécifique et difficile du prophète.

Trois figures bibliques

Dans la Bible, le prophète est choisi par Dieu, il est le porte-parole de Dieu. Cependant, les prophètes sont souvent méprisés, mal accueillis et non-écoutés. Les trois lectures présentent trois grands prophètes qui l’illustrent bien. Les trois vont se butter à l’endurcissement des cœurs…

  • Ézéchiel : Dieu lui annonce d’emblée la difficile mission qui lui est confiée : « Je t’envoie vers les fils d’Israël, vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi. »

  • Paul fait écho aux multiples difficultés rencontrées dans son ministère d’apôtre : « les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. »

Paul admettra aussi ses faiblesses, cette « écharde » dans sa « chair » contre laquelle il doit lutter. Nous ignorons quelle est la véritable nature de cette écharde, Paul évoque « un envoyé de Satan » ; entendons par-là un combat à mener.

  • Jésus, à Nazareth, ne peut opérer aucun miracle. Nazareth étant « son lieu d’origine », il y aurait dû avoir un succès mais en vain. Jésus s’étonne de ce manque de foi : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »

Face à ce constat, on pourrait se demander comment ont pu tenir ces prophètes ? Les lectures nous donnent des précisions :

  • Ézéchiel est porté par la force de Dieu. Il annoncera la Parole de Dieu envers et contre tous : « ‘Ainsi parle le Seigneur Dieu…’ Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas – c’est une engeance de rebelles ! – ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »

Ézéchiel nous apprend une chose : peu importe le résultat, que la Parole de Dieu soit accueillie ou non, ce qui compte c’est qu’elle soit annoncée !

 

  • Paul est l’exemple concret de celui, qui au cœur de sa faiblesse, a su se remettre complètement à Dieu. Il reconnaît humblement sa faiblesse et va s’ouvrir à la grâce de Dieu, selon sa Parole : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Paul met totalement sa confiance en Dieu !

Au cœur de sa faiblesse, la force de Dieu va prendre le relais et lui permettre de tenir debout pour annoncer l’Évangile du Christ : « Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. »

  • Jésus est porté par le feu de la Bonne-Nouvelle du Royaume de Dieu. Il ne va pas se décourager. Puisqu’à Nazareth la foi n’est pas au rendez-vous, il va aller aux villages d’alentours qui seront plus réceptifs à son enseignement.

Rien n’empêchera la Parole de Dieu de se répandre !

 Que retenir pour nous aujourd’hui ?

Le Baptême fait de nous un peuple de prophètes. La Confirmation fait de nous des témoins du Christ, en paroles et en actes… Certes, il est difficile en 2021 d’être prophète ! Le contexte socio-culturel est marqué par une baisse de la pratique religieuse. Certaines personnes qui se disent même sans croyance…

Le contexte sanitaire encore tendu ne nous porte pas toujours. Il y a aussi la reconnaissance de nos propres faiblesses qui sert souvent d’échappatoire pour ne pas s’engager au service de la communauté : « Mi gain pas faire ça moin ! » Le découragement pourrait nous guetter…

Les prophètes nous invitent à adopter des attitudes :

  • Miser une plus grande confiance en Dieu. Il a promis sa présence et son assistance. Osons plus de foi en sa parole : « Ma grâce te suffit ! »

  • Comme Paul, reconnaître humblement nos faiblesses pour mieux nous ouvrir à la grâce de Dieu. Si cela a fonctionné pour Paul, pourquoi pas pour nous ? Mais à condition d’être patient et de renoncer à ce « Tout, tout de suite ! » Au cœur de nos faiblesses, Dieu peut nous apporter sa force pour rebondir, à condition encore de l’invoquer avec confiance.

  • Consentir que notre mission ne consiste pas à faire croire mais à annoncer le Christ sauveur. Ne cherchons pas de résultats, cela ne nous appartient pas.

  • Être enfin des passionnés de la Parole de Dieu qui doit être annoncée malgré les rejets que nous pouvons subir !

Que le Seigneur nous donne de mieux méditer sur ces attitudes. C’est ce que nous demandons au cours de cette Eucharistie.

Osons mieux vivre durant ces vacances notre vocation de prophète, de disciple-missionnaire à l’appel du pape François. Confions au Seigneur nos faiblesses, que sa grâce nous soutienne et nous relève : « Ma grâce te suffit ! » Amen.




14ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 6, 1-6) – Francis Cousin

« Foi, ou non-foi ? »

 

L’évangile de ce jour nous parle du séjour de Jésus dans son lieu d’origine (et non pas de naissance, qui est Bethléem), là où il a passé une bonne partie de sa vie, entre le retour d’Égypte et le début de sa vie publique : Nazareth.

Comme il allait dans tous les villes et villages de Galilée, il fallait bien qu’un jour il s’arrête dans ce village où il a vécu au minimum vingt-cinq ans.

Il y connaissait du monde, presque tous les habitants : ceux qu’il a connu comme enfant, avec qui il a joué, avec qui il a appris à lire à la synagogue, ceux qu’il a connu comme charpentier dont il a construit la case … et tous ceux qu’il a rencontré à la synagogue.

C’est justement à la synagogue qu’il les retrouve ce jour-là. Et c’est lui qui fait l’enseignement.

Tous l’écoutent avec intérêt : Ils ne s’attendaient pas à un tel enseignement, tellement celui-ci est clair et précis. Ils sont tout étonnés : « Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ? ». Et donnée par qui ? Il n’a pas fait l’école pour devenir rabbin !

Et puis il y a les miracles dont ils ont entendu parler, notamment à Capharnaüm : « Ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? ».

Ils se posent des questions, comme beaucoup en Galilée. Mais alors que dans beaucoup d’endroits les gens « rendaient gloire à Dieu, en disant : ’’Nous n’avons jamais rien vu de pareil’’. » (Mc 2,12), des gens prêts à voir en lui le grand prophète. Ici, les gens ne font pas référence à Dieu ; ils ne voient en Jésus que l’homme qu’ils ont connu : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? ».

Même s’ils sont dans la synagogue, le lieu dédié à la prière à Dieu, leurs réflexions ne les portent pas vers Dieu. Ils disent avoir foi en Dieu, mais ils sont incapables de voir l’action de Dieu dans les paroles de Jésus. En fait, leur foi est fausse (ou faussée). Leur foi est une non-foi.

Comme les pleureuses qui se moquaient de Jésus dans l’évangile de la semaine dernière.

Attention ! Leurs réactions sont humaines, et on aurait tort de les blâmer. C’étaient des juifs fidèles et pratiquants ; on aurait peut-être eu les mêmes réactions à leur place.

Nous disons croire en Dieu, nous allons à la messe … mais sommes-nous capables de voir l’intervention de Dieu dans notre vie, de manière positive pour nous et inopinée, sans qu’on lui demande quoi que ce soit ? …

Par contre, quand il nous arrive quelque chose de négatif : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour qu’il m’arrive cela ? ». Là, on pense à Dieu … mais en reproche …

Quelle est notre foi ? Une ’’foi’’ en des rites, des prières … ou une foi en Dieu, une foi en Jésus, fils de Dieu ?

On comprend alors que Jésus n’ait pas pu faire de miracles.

Car le miracle nécessite la foi, foi en Dieu qui peut tout car « rien n’est impossible à Dieu » (Lc1,37), ou foi qui advient parce qu’un miracle a eu lieu : reconnaissance de l’intervention de Dieu dans notre vie (ou celle des autres).

C’est pourquoi Jésus ne fit que quelques guérisons « en leur imposant les mains ».

Guérisons qui ne sont pas des miracles, car il n’y a pas la foi. Ce que l’évangéliste indique en disant que Jésus « s’étonna de leur manque de foi » dans la traduction liturgique, mais qu’il serait plus correct de traduire par leur « incroyance » ou leur « non-foi ».

Seigneur Jésus,

nous croyons en toi, fils de Dieu,

vrai homme et vrai Dieu.

C’est du moins ce que nous disons !

Mais quand un miracle a lieu,

on ne voit pas ton intervention

et on cherche des explications humaines !

Et quand on aimerait que tu fasses un miracle,

on le demande, mais avec un doute !

Et pourtant, tu nous as dit :

« Tout ce que vous demanderez au Père en  mon nom,

il vous le donnera. »

                                     Francis Cousin

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim 14° TOB




14ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 6, 1-6)

« Chercher la Vérité au-delà des seules apparences ….. »    (Mc 6, 1-6)

 

          En ce temps-là,  Jésus se rendit dans son lieu d’origine, et ses disciples le suivirent.
Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?
N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à son sujet.
Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains.
Et il s’étonna de leur manque de foi. Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.

                   

Jésus est à Nazareth, le pays qui l’a vu grandir… Le sabbat, il va à la synagogue, comme autrefois. On lui demande de faire la seconde lecture et le commentaire qui suit. Il obéit et « se mit à enseigner ». Et là stupéfaction : ce sont « des paroles pleines de grâce qui sortent de sa bouche » (Lc 4,16-22), des paroles pleines de « l’Esprit de grâce » (Hb 10,29). En effet, « celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, car il ne mesure pas le don de l’Esprit » (Jn 3,34). Accueillir sa Parole de tout cœur, c’est accueillir avec elle le Don sans mesure de l’Esprit dont le fruit est vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), Plénitude de vie (Ep 5,18 ; Col 2,9-10), bonheur profond… « Tu as les paroles de la vie éternelle », disait Pierre à Jésus (Jn 6,68), car il avait « accueilli, lui aussi, la Parole avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,5-6). « Heureux ceux qui croient » (Jn 20,29), car « tu mets dans mon cœur plus de joie, que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4).

« Père, les paroles que tu m’as données, je les leur ai données » (Jn 17,8)… Et l’on pourrait dire aussi : « Père, l’Esprit que tu m’as donné, et qui m’engendre en Fils de toute éternité, je le leur ai donné… Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), et avec lui, cette Plénitude de Paix, de Joie, de Vie que l’on ne peut expérimenter que dans le cadre d’une relation de cœur avec Dieu…  Ses auditeurs, ici, reconnaissent « la sagesse qui lui a été donnée ». Ils ont aussi entendu parler « des grands miracles qui se réalisent par ses mains ». Tout cela ne fait aucun doute… Et pourtant, leur question – « D’où cela lui vient-il ? » – restera sans réponse… Ils n’arriveront pas à aller plus loin que ce « fils de Marie » qu’ils croient si bien connaître, d’autant plus que ses « frères » et « sœurs », c’est-à-dire ses cousins et ses cousines, sont toujours parmi eux : « Jacques (le petit) et José », fils d’une autre Marie (Mc 15,40.47), « Jude et Simon »…

« Vous me connaissez », mais hélas, seulement selon les apparences, « et vous savez d’où je suis », ou du moins s’arrêtent-ils à Nazareth ; « et pourtant ce n’est pas de moi-même que je suis venu, mais celui qui m’a envoyé est véridiqueJe sais d’où je suis venu et où je vais, mais vous, vous jugez selon la chair » (Jn 5,28-29 ; 8,14-16). Quand donc leur cœur s’ouvrira-t-il pour accueillir cette Plénitude d’Amour et de Vie que le Père veut communiquer à tous les hommes, ses enfants ? Jésus offrira sa vie pour cela, et juste après sa mort, beaucoup partiront en se frappant la poitrine (Lc 23,48)… Enfin !

                                                                                                        DJF




14ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Synagogue de Nazareth

Mc 6, 1-6

Voilà donc Jésus qui revient avec ses apôtres, cette fois, à Nazareth, dans son village, son pays. C’est là qu’il a passé toute sa jeunesse, un petit bled où il y avait peut-être 150 familles. On y vivait très simplement : cultures des oliviers, la vigne, un peu de blé d’orge, quelques chèvres et le samedi, on se rendait à un local de prière, une petite « synagogue ».

 

Jésus est très marqué par son pays : toutes les paraboles sont des scènes de la vie rurale. C’est un artisan et un paysan.

Il a pris des comparaisons agricoles. On mangeait par terre, on couchait sur des nattes, à même le sol. C’était un paysan comme les autres, dépanneur de village avec quelques habiletés particulières apprises de Joseph.

Le jour du Sabbat, comme tout le monde, il va à la synagogue : il est l’un des laïcs qui savent lire. Tout mâle adulte a le droit, en Israël, de lire l’écriture et de la commenter. Il quitte donc sa place pour aller « lire » et « faire l’homélie ». Or les habitants de Nazareth sont curieux parce qu’ils croient bien connaître Jésus : c’est leur Jésus à eux, celui de Nazareth, un gars « bien de chez nous » et d’ailleurs, il a une réputation qui les étonne. Ils le connaissent mieux que personne, ils l’ont vu grandir, ils sont allés à l’école avec lui, il n’a pas le droit d’être « autrement » que ce qu’ils connaissent de lui.

Il nous arrive, nous aussi, frères et sœurs, de nous bloquer sur une certaine connaissance que nous avons de l’autre : on s’en fait une idée. On lui a collé une étiquette sur le dos : un tel ? Ah oui, il est comme ça ! Et untel ? Oh celui-là quel type !

Ce qu’on oublie le plus souvent, c’est qu’une personne a le droit d’évoluer, de changer, de n’être plus, à l’âge adulte, ce qu’elle était à l’adolescence. Et que l’adolescent lui-même, n’est plus l’enfant chéri que l’on a connu, et nous, dans nos jugements, nous refusons d’évoluer, de réviser nos avis, refus d’avancer plus loin, de découvrir du nouveau. Nous nous installons dans des idées toutes faites que nous rangeons dans le placard de notre mémoire et que nous ressortons au moment où il le faut. Mais alors, cette idée est déjà bien vieille et ne correspond plus à la réalité qui, elle, a eu le temps de changer.

« Délivre-nous, Seigneur, de nos conservatismes, de nos routines, de pensées, de nos blocages intellectuels ou spirituels ».

Actuellement, le monde évolue à toute vitesse. Si dans quelques années, vous avez les mêmes idées qu’aujourd’hui, vous serez un objet de musée, un peu comme ces vieilles grègues pour le café ou les carreaux pour repasser le linge.

« Bouscule-nous, Seigneur, sors-nous de nos habitudes confortables, de nos petits mondes bien tranquilles, pour nous accorder au monde dans lequel nous vivons ».

Nous comprenons bien les réflexions terre à terre de ces paysans juifs d’un petit hameau perdu dans la campagne. C’est la vie de clan ; l’horizon s’arrête aux collines qui entourent le village. On connaît tout le monde. « Jésus, mais c’est le fils de Marie, charpentier, comme son père Joseph ! » et l’on cite la liste de tous les cousins que, selon la mode orientale, on appelle des « frères ». Quel est ce novateur qui bouscule nos usages, qui désorganise notre petit monde ?

Enfin ! Chacun doit rester à sa place et jouer son rôle ! Sans changer tout d’un coup !

Et, nous dit-on « ils étaient profondément choqués » : il y en a parmi nous qui ont aujourd’hui, en 2015, la même attitude que celle des habitants de Nazareth. On dit : « Croire à Jésus! Oui ! Croire à l’Eglise ! Non ». Le concile nous a changé notre religion ! De mon temps, il y avait des processions, il y avait du latin, on apprenait par cœur son catéchisme… et c’est vrai que l’Eglise, tout comme Jésus, a un côté humain, très humain ! Les évêques, les prêtres, des hommes que l’on connaît bien, que l’on connaît trop !

Beaucoup de gens aujourd’hui se scandalisent de l’Eglise comme on se scandalisait de Jésus à Nazareth. L’Eglise est choquante ; Jésus est choquant profondément, nous dit l’Evangile. Une certaine familiarité peut faire écran à la profondeur des relations. Réduire Jésus à des dimensions humaines, c’est le mépriser ; la vraie proximité avec Jésus, n’est pas une proximité physique, matérielle.

Un prêtre chinois dans la cellule de sa prison peut être plus près de Jésus qu’une religieuse à trois mètres du tabernacle ! Ce qui fait la « famille vraie » de Jésus, ce ne sont pas les liens de sang, c’est la foi : « Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère ! »

Jésus s’est fait une nouvelle famille : « ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique ». Il y a foi et foi. Ces habitants de Nazareth croyaient tous en Dieu, dur comme fer, ils avaient la « foi chevillée au corps », comme on dit. Pas la moindre hésitation, pas l’ombre d’un doute : à l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’athées. La foi que nous réclame Dieu, ce n’est pas seulement la foi héritée du passé, c’est, tenez-vous bien, la foi en lui, le charpentier du village.

Et, en plus, la foi, ce n’était pas des croyances mais le bouleversement de l’existence : « Si quelqu’un perd sa vie à cause de moi, il la sauvera ».  Il fallait, disait-il, « pour le suivre, aimer jusqu’à ses ennemis, porter sa Croix ! ».

Allons, abattons les cartes, nous qui sommes croyants, nous qui « avons« , comme nous disons, la foi : est-ce vraiment la foi proposée par Jésus ? Attention de ne pas donner une réponse trop rapide ! La foi apparaît, trop souvent, comme une connaissance définitive, un accord précis sur des points précis et immuables, qu’il s’agit de conserver comme un trésor avec l’acharnement d’un propriétaire, la fébrilité craintive d’un possédant ! Or, la foi n’est pas d’abord une doctrine à professer ou à protéger mais quelqu’un à rencontrer, à connaître, à aimer, à servir…

 Nous aussi, comme les habitants de Nazareth, nous croyons un peu vite tout savoir de lui, ce qu’il est, ce qu’il enseigne, ce qu’il attend de nous. Chaque rencontre avec le Christ, car il s’agit d’abord de cela, est une découverte nouvelle, parfois inattendue, souvent déroutante : le Christ est toujours à découvrir, à connaître davantage, quitte à réviser nos jugements et à changer de conduite.

Que Jésus réclame-t-il de nous ? Des cours d’exégèse à la maison diocésaine de formation, ce ne serait pas si mal :

– Lire en entier le « Catéchisme de l’Eglise catholique » ? Après tout, c’est peut-être une idée ? Eh bien non ! Ce qu’il désire, en priorité, ce qu’il réclame de nous, c’est notre conversion : changer notre vie pour qu’elle devienne plus conforme à l’Evangile, plus proche de la mentalité du Christ et de ses désirs d’amour sur nous !

– Ce n’est pas tout de savoir son « code de la route », il faut aussi, et c’est le plus important : apprendre à conduire ! Que diriez-vous d’une infirmière qui n’aurait son diplôme que parce qu’elle sait « par cœur » son petit guide du parfait infirmier. C’est nécessaire, ce n’est pas suffisant ! Ce serait même dangereux ! Connaître, c’est bien ; pratiquer, c’est mieux.

Lorsque j’étais enseignant, il y avait une composition : contrôle d’instruction religieuse. J’avais un élève qui était toujours premier. C’était le seul qui n’avait pas la foi ! Connaître et agir : notre vie chrétienne ne peut se dispenser ni de l’un ni de l’autre. Les habitants de Nazareth croyaient connaître Jésus et, nous dit l’Evangile, Jésus s’étonna de leur « manque de foi« . Les habitants de Nazareth ont enfermé Jésus dans un cadre familial, villageois, aux couleurs de son origine et de son passé : ça ne pouvait pas être un prophète puisque c’était le charpentier, fils de Joseph ! Non seulement Jésus est enfermé mais il est « empêché » : « et là, à Nazareth, nous dit St-Marc, il ne pouvait accomplir aucun miracle ». Pourquoi ? Parce qu’il ne rencontre pas la foi, celle de l’hémorroïsse, cette femme qui perdait son sang et qui n’était même pas une juive, foi de Jaïre, le père de cette petite fille que Jésus a ressuscité.

Souvenons-nous, frères et sœurs, que la Parole de Dieu ne devient active, efficace en nous, qu’à partir du moment où nous acceptons des changements, des ouvertures, des ruptures.

La foi n’est pas à mettre dans une boîte sous des piles de draps, dans l’armoire. Elle est à explorer au grand vent du large, à l’aventure, au risque, quitte à dire, comme les apôtres, dans la tempête : « Sauve-nous, Seigneur ». AMEN




Dimanche 27 juin – Jubilé de la Paroisse de St André (D. J. Fournier)

Il est beaucoup question dans les lectures de ce jour de mort et de vie… Et le Livre de la Sagesse déclare sans ambiguïté dans la première lecture : « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 2,24). Un siècle plus tard, St Paul écrira dans la Lettre aux Romains, en faisant allusion à la désobéissance d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes car tous ont péché » (Rm 5,12). En effet, avait-il écrit peu avant, « tous sont soumis au péché, comme il est écrit : « Il n’est pas de juste, pas un seul, il n’en est pas de sensé, pas un qui recherche Dieu. Tous, ils sont dévoyés, ensemble pervertis ; il n’en est pas qui fasse le bien, non, pas un seul » (Rm 3,9-12). Et les conséquences sont claires : « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23). « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9).

Si l’auteur du Livre de la Sagesse présente ainsi la mort comme la conséquence du péché, il place par contre résolument Dieu du côté de la vie : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants  (Sg 1,13). Le prophète Ezéchiel avait déjà déclaré : « Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir, maison d’Israël ? » (Ez 33,11).

Dieu, en effet, n’a pas créé l’homme, il ne l’a pas lancé dans l’aventure de la vie pour qu’il meure, mais bien pour qu’il vive ! Voilà ce qu’il veut ! Voilà ce à quoi il prend plaisir ! Que nous vivions, et cela le plus possible ! La perspective évoquée par le Livre de la Sagesse vis-à-vis de notre vocation à tous est d’ailleurs folle : « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité » (Sg 2,23). Or quelle est « l’identité » de Dieu ? Lorsque Moïse lui demande son Nom lors de l’épisode du buisson ardent, il répond : « Je Suis celui qui Est », « Je Suis » (Ex 3,14). Il est ainsi « l’Unique » (Dt 6,4), le seul vrai Dieu, le seul Eternel, le seul Incorruptible… Or, affirmer que « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité », revient à dire que Dieu l’a créé pour qu’il partage son Être et sa vie éternelle… C’est d’ailleurs le sens du mot « image » que l’auteur du Livre de la Sagesse reprend en faisant allusion au premier récit de la création que nous offre le Livre de la Genèse : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance… Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa » (Gn 1,26-28)… Or, le Père Ceslas Spicq écrit : « Etre l’image, c’est participer l’Être et la vie du Dieu vivant »… Et c’est ce que déclare aussi le Livre de la Sagesse : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés », littéralement, « pour qu’ils soient » ! « Pour qu’ils soient » eux aussi, ce que Dieu Est, selon leur condition de créatures, bien sûr !

Voilà toute l’aventure de notre vie… Voilà ce que Dieu veut voir se réaliser pleinement pour chacun d’entre nous… Or, nous sommes tous des pécheurs, des êtres blessés, spirituellement malades, nous engageant trop souvent sur des chemins de mort… Ce n’est pas ce que Dieu veut pour nous… Or, « tout ce que Dieu veut, il le fait », nous dit le Psalmiste (Ps 135(134),6). Il agit donc pour que sa volonté s’accomplisse, c’est du concret… Voilà pourquoi le Père a envoyé son Fils dans le monde : « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or, la volonté de celui qui m’a envoyé est que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné » (Jn 6,38-39). Et le Père a donné au Fils le monde entier à sauver : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger, condamner, le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17). Jésus est ainsi « le Sauveur du monde » (Jn 4,42), le Sauveur de tout le monde… C’est pourquoi il promet : « Et moi, une fois élevé de terre », sur la Croix, puis par sa Résurrection et son Ascension, « j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32), tous, sans aucune exception… En effet, « voilà ce qui est bon et qui plait à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6), sans aucune exception…

Alors, pour tout homme pécheur, pour tout homme perdu sur un chemin de mort, Jésus apparaît comme le Sauveur qui « cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve… Et quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules » et la ramène à la maison (Lc 15,4‑7), dans cette Plénitude d’Être et de vie qu’il veut pour nous tous… Notre péché, si nous le lui offrons, si nous acceptons de le laisser faire, il le vaincra par son Amour (1Jn 4,8.16 ; Ap 12,10), par sa « Miséricorde » infinie, « Toute Puissante » (Lc 1,49-50) et surabondante, car « là où le péché a abondé, la grâce » du pardon « a surabondé » (Rm 5,20).

Telle est l’expérience qu’ont vécue les Apôtres, St André, le premier à avoir été appelé par le Seigneur, St Pierre, son frère, et tous les autres… On se souvient, lors de l’épisode de la pêche miraculeuse où Jésus, en St Luc, les appela, que Pierre, à la vue de ce signe, « se jeta aux genoux de Jésus en disant : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Mais Jésus lui dit : « Sois sans crainte ; désormais, ce sont des hommes que tu prendras. » Et ramenant les barques à terre, laissant tout, ils le suivirent » (Lc 5,1-11)… Plus tard, ils seront en effet les heureux témoins de cette Miséricorde de Dieu dont ils furent les premiers bénéficiaires. C’est ce qu’écrit St Paul dans la première Lettre à Timothée (1Tm 1,12-17) :

 

(A) « Je rends grâce à celui qui m’a donné la force, le Christ Jésus, notre Seigneur,

               qui m’a jugé assez fidèle pour m’appeler à son service,

(13)                   moi, naguère un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur.

 

           (B) Mais il m’a été fait miséricorde parce que j’agissais par ignorance, étranger à la foi ;

(14)                et la grâce de notre Seigneur a surabondé

                             avec la foi et la charité qui est dans le Christ Jésus.

 

(15)             (C) Elle est sûre cette parole et digne d’une entière confiance :

                              le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs,

                                     dont je suis, moi, le premier.

 

(16)   (B’) Et s’il m’a été fait miséricorde, c’est pour qu’en moi, le premier,

                        Jésus Christ manifestât toute sa patience faisant de moi un exemple

                                pour ceux qui doivent croire en lui en vue de la vie éternelle.

(17)

(A’) Au Roi des siècles, Dieu incorruptible, invisible, unique,

               honneur et gloire dans les siècles des siècles ! Amen.

 

Ainsi, tout disciple de Jésus est invité à être l’heureux témoin de cet Amour imperturbablement fidèle de Dieu à son égard, un Amour qui, face à notre misère, ne cesse de prendre le visage d’une Miséricorde inépuisable : « Quand nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13). Il ne peut cesser d’être ce qu’il Est, et il est Amour… Cette continuelle Bienveillance de Dieu à son égard sera ainsi très concrètement, jour après jour, un inlassable appel au repentir, de tout cœur, repentir qui lui permettra de recevoir le pardon de toutes ses fautes, et avec lui, la possibilité d’une vie nouvelle dans la Lumière et dans la Paix…

Le Christ ressuscité dit ainsi à ses disciples à la fin de l’Evangile de Luc : «  Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. »

Et pour les aider, les soutenir dans ce témoignage qu’ils rendront à la Miséricorde de Dieu, il leur promet aussitôt la force de l’Esprit Saint : « Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en‑haut » (Lc 24,46-49).

Toute l’œuvre de l’Eglise consiste ainsi à aller vers le plus grand nombre pour témoigner, après l’avoir elle-même vécu, qu’un « repentir » sincère ne peut qu’accueillir « la rémission des péchés » et, avec elle, une Plénitude insoupçonnée d’Être et de Vie synonyme de « création nouvelle » : « Si quelqu’un est dans le Christ », écrit St Paul, « c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,17-21)…

Il s’agit donc de mettre en relation avec le Christ, pour que cette œuvre de Dieu, synonyme en chacun de nous de vraie Vie, de vraie Paix, de vraie Joie, de vrai Bonheur, puisse vraiment s’accomplir. Tel fut le service par excellence que St André accomplit dans les Evangiles… En effet, c’est lui qui, en St Jean, conduit son frère, Simon-Pierre, à Jésus : « André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean » Baptiste rendant témoignage à Jésus, « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), « et ils s’étaient mis à la suite de Jésus. Il trouve d’abord son propre frère, Simon, et lui dit : Nous l’avons trouvé, le Messie – ce qui veut dire Christ. Il l’amena à Jésus. Jésus le regarda et dit : Tu es Simon, le fils de Jean; tu t’appelleras Céphas – ce qui veut dire Pierre » (Jn 1,40-44) car, « sur cette pierre », lui dit-il en St Matthieu, « je bâtirai mon Eglise » (Mt 16,13-20)…

Et c’est encore St André qui avait mis en relation avec Jésus cet enfant qui avait cinq pains et deux poissons, que Jésus multiplia pour nourrir une foule d’environ cinq mille hommes : « Levant alors les yeux et voyant qu’une grande foule venait à lui, Jésus dit à Philippe : D’où nous procurerons-nous des pains pour que mangent ces gens ? Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau. Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a ici un enfant, qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Jésus leur dit : « Faites s’étendre les gens » » (Jn 6,1-10)…

Alors, que souhaiter pour toute la Paroisse de Saint André sinon de travailler, le plus possible, à mettre en relation le plus grand nombre avec Jésus pour que toutes et tous puissent trouver avec Lui la vraie Vie (Jn 10,10), la vraie Paix (Jn 14,27), la vraie Joie (Jn 15,11), le vrai Bonheur (Jn 20,29)… En agissant ainsi, elle contribuera, pour sa part, à ce que beaucoup puissent entendre, eux aussi : « Ma fille, mon fils, ta foi t’a sauvé. Va en paix et sois guéri de ton mal »… « Je te le dis, Talitha koum, lève-toi » et marche, heureux, dans une vie nouvelle (Mc 5,21-43)… Car telle est « la volonté de Dieu » à notre égard, « lui qui veut que tous les hommes soient sauvés », tous, sans aucune exception…

 

                                                                                              D. Jacques Fournier




13ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 5, 21-43) – Francis Cousin

« Deux miracles … »

 Dirions-nous de Jésus … ?

Pas vraiment ! Puisque le premier des miracles racontés dans cette épisode s’accomplit à l’insu de Jésus !

Surprenant !

On parle toujours des miracles de Jésus, et il en a fait beaucoup. Mais pas celui-ci !

Quelle est donc l’origine de ce miracle, le facteur qui a fait que celui-ci se fasse ? C’est un tout petit mot de trois lettres, mais qui a une force incommensurable : la Foi.

Cette femme qui était malade depuis douze ans, qui avait dépensé tout ce qu’elle avait en traitements médicaux sans aucune amélioration (et l’évangéliste ajoute « au contraire, son état avait plutôt empiré »), et qui avait entendu parlé de Jésus et des miracles qu’il faisait, voilà qu’elle apprend qu’il est tout près de chez elle. Mais elle a honte de son mal : on ne parle pas à un homme, et devant tout le monde, de ses pertes de sang intimes !

Alors elle se dit en elle-même : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. ».

Elle y croit dur comme fer !

Et elle se faufile dans la foule, et parvient à toucher le vêtement de Jésus.

« À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. ».

C’est sa foi seule en la puissance de Jésus qui a permis qu’elle soit guérie.

Et Jésus sentit seulement qu’une force était sortie de lui, indépendamment de sa volonté.

L’autre miracle : Jaïre, chef de synagogue, a sa fille de douze ans qui « est à la dernière extrémité. ». Il se prosterne devant Jésus et lui demande qu’il vienne lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée. Jésus accepte et pars avec lui.

Mais entretemps l’autre miracle a lieu, on perd du temps … et on annonce à Jaïre que sa fille est morte : « À quoi bon déranger encore le Maître ? ».

Mais Jésus a entendu, et il dit à Jaïre : « Ne crains pas, crois seulement. » et il part chez Jaïre. À son arrivée, ce sont pleurs et cris … Jésus dit : « L’enfant n’est pas morte : elle dort. »

On se moque de lui … c’est l’expression de la non-foi en la parole de Jésus …

Jésus entre dans la chambre de la fille avec ses deux parents et trois apôtres et dit à l’enfant : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! ».

Ce qu’elle fait aussitôt.

L’évangéliste ne nous dit rien des réactions de Jaïre … parce que sans doute, il n’a rien dit. Il s’est contenté de suivre Jésus aveuglément, en toute confiance, en grande foi.

On a, dans ce passage, deux manifestations différentes de la foi en Jésus :

– Dans le premier miracle, on voit une foi active, ou plutôt une foi qui pousse à l’action, et Jésus est passif … mais pas Dieu !

– Dans le second miracle, on voit une foi passive, ou plutôt une foi qui laisse faire Jésus, qui lui est actif.

Mais dans les deux cas, c’est la foi des personnes concernées, directement ou indirectement, qui permet que le miracle ait lieu. Une foi qui est ’’une’’, mais qui peut se manifester de manières différentes.

Le problème pour nous n’est pas de savoir si nous voulons qu’un miracle ait lieu ou pas, cela n’est pas de notre domaine, mais peut-être de nous poser la question : « Quelle est notre foi ? Comment me fait-elle me comporter ? ».

Est-ce que notre foi nous pousse à l’action ? Est-ce qu’elle nous fait sortir de notre confort (de notre canapé), pour aller vers les autres, chrétiens ou pas, pour aller vers les périphéries de l’Église, … ou même aussi dans notre Église, … il y a tellement de choses à faire … ?

Ou est-ce que notre foi est une foi de confort, d’habitude sociale, … qui risque fort de nous amener à une certaine léthargie … et qui nous fait vivre des rites, des cérémoniaux où la vraie foi a presque totalement disparue … quand elle existe encore ?

Quelle est notre relation à Dieu ?

Peut-être devrions-nous répondre à la question que Jésus posait aux apôtres dimanche dernier : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

Seigneur Jésus,

tu ne cesses de nous dire :

« Ne crains pas ! crois seulement ! »,

et tout ira bien !

Mais notre niveau de foi

est bien souvent faible,

ou seulement par intermittences !

Fais grandir en nous la Foi.

                                     Francis Cousin

 

 

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

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13ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 5, 21-43)

 » Dans son Amour, Dieu sait ce qu’il fait… »

(Mc 5, 21-43)

 

          En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer.
Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds
et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.
Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… –
elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –…
cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »
À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela.
Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques.
Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris.
Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur.
Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.

                        

            Un papa nommé Jaïre est bouleversé par les souffrances et la maladie de sa petite fille… Il est bien ici « à l’image et ressemblance » du Dieu Père, bouleversé lui aussi par les souffrances des hommes, ses enfants… Lorsqu’ils refusent de l’écouter et s’engagent sur des chemins qui ne peuvent que les conduire à la catastrophe, il déclare par son prophète Osée : « Mon cœur est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent » (Os 11,7-9)… Et la note de la Bible de Jérusalem précise à propos du mot « bouleversé » : « Le mot est très fort, précisément celui qui est employé à propos de la destruction », par suite du péché des hommes, « des cités coupables. Osée laisse entendre » que ces conséquences dramatiques « sont comme vécues par avance dans le cœur de Dieu ». Et ensuite, il se désole : « Toute la tête est mal-en-point, tout le cœur est malade, de la plante des pieds à la tête, il ne reste rien de sain. Ce n’est que blessures, contusions, plaies ouvertes, qui ne sont pas pansées ni bandées, ni soignées avec de l’huile » (Is 1,5-6). Description saisissante d’Israël blessée par suite de ses fautes, un portrait qui est aussi celui du Christ en Croix : avec Lui et en Lui, Dieu en personne est venu porter nos souffrances pour nous en libérer, il a été blessé de nos blessures pour les guérir ! « Par tes blessures, ô Christ, nous sommes guéris » (1P 2,21-25).

            Jésus, en effet, nous a « visités dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu », écrit St Luc (Lc 1,76-79). Syméon attendait « la consolation d’Israël » ? Il reçoit l’enfant Jésus entre ses bras, car il est tout entier « consolation » offerte à l’homme qui souffre (Lc 1,25-32 ; 2Co 1,3-11)), même si cette souffrance est la conséquence de sa désobéissance ! Mais avec le soutien indéfectible du Christ, de Miséricorde en Consolation, il trouvera avec Lui la force de rejeter ce qui le fait souffrir, pour ensuite le suivre, pour son plus grand bonheur, sur un Chemin de Plénitude et de Vie !

« Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive », supplie Jaïre… Et Jésus obéira : « Il partit avec lui »… Ainsi va l’Amour qui ne peut rester insensible face à la souffrance de celles et ceux qu’il aime… Toujours il agit, toujours il répond, mais souvent il nous déroute, car « vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies » (Is 55,8-9). Et quelle est la pensée de Dieu ? Envers et contre tout, le meilleur pour chacun d’entre nous, car Il n’Est qu’Amour (1Jn 4,8.16).

                                                                                                                      DJF




13ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 26 Juin et Dimanche 28 Juin 2021

Sagesse 1.13–15 ;2,23-24 ; 2·Corinthiens 8.7–9, 13–15 ; Marc 5,21–43

Deux chapitres avant le texte d’aujourd’hui, Marc nous dit en 3,10 à propos des malades: « [Jésus] en guérit beaucoup, si bien que tous ceux qui avaient des infirmités se jetaient sur lui pour le toucher ». Jésus a été guérisseur parmi d’autres à son époque et il devait certainement avoir une meilleure réputation que les autres. Les gens pensaient qu’il suffisait de toucher le Christ ou tout simplement ses vêtements pour être guéri. Ainsi, le chef de la synagogue, Jaïre, prie Jésus de venir imposer les mains sur sa fille malade pour qu’elle soit sauvée, et la femme au milieu de la foule dit « si je touche au moins ses vêtements, je serai sauvée. Mais le fait de toucher le Christ, en réalité, ne guérit personne. C’est la foi en Jésus-Christ qui permet de les guérir. Et la foi de Jaïre comme celle de la femme n’est qu’une foi basique, primaire, qui demande à être éclairée et reconstruite. Tous les deux ne cherchent que la guérison, l’un celle de sa fille et l’autre pour elle-même. Le mot « sauver » n’a pas le même sens pour tout le monde. Pour Jaïre comme pour la femme, « sauver » signifie « être guéri » de la maladie ou de son infirmité. Et cela ne va pas plus loin. Les deux personnages reflètent aussi la mentalité de bon nombre de chrétiens : on ne vient à Jésus que pour avoir des biens terrestres tels que « santé, bonheur, richesse » pour ne résumer que les souhaits qu’on fait au jour de l’an.  Mais pour Jésus, « sauver » va bien plus loin que cela.

La femme hémorroïsse, qui perd son sang depuis plus de douze ans et que de nombreux médecins n’arrivent pas à guérir, pense donc à toucher les vêtements de Jésus pour être sauvée. Au beau milieu de cette foule, elle arrive, venant par derrière, à toucher le manteau de Jésus. « …Aussitôt la source d’où elle perdait le sang fut tarie, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son infirmité. Jésus eut conscience de la force qui était sortie de lui, et s’étant retourné dans la foule, il disait :  « Qui a touché mes vêtements ? Et il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. 33 Alors la femme, craintive et tremblante, sachant bien ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. » La femme attendait à ce que Jésus lui fasse des remontrances, d’où cette attitude « craintive et tremblante ». Et on peut se poser la question : peut-on être craintif et tremblant devant Jésus ? Les êtres humains se trompent souvent sur les intentions de Dieu ou de Jésus. Jésus n’est pas là pour condamner les gens mais pour les sauver. Il est Amour, tout comme son Père. Et s’il est Amour, de lui ne sort que l’amour et rien d’autre. Personne ne devrait avoir peur de Jésus même s’il peut toujours nous réprimander mais il nous sauvera toujours par sa justice et sa miséricorde. Il est là pour nous justifier, c’est-à-dire pour accorder, harmoniser, réunir, ajuster notre cœur à celui de Dieu, notre volonté à celle de Dieu, etc.. La femme hémorroïsse, en agissant comme elle l’a fait, c’est-à-dire en voulant toucher secrètement le manteau de Jésus, dans son dos, elle a en quelque sorte voulu « voler sa guérison », essayant d’être guérie à l’insu de Jésus et peut-être même contre sa volonté. Et après que la femme lui ait dit la vérité, Jésus lui dit (v.34) : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton infirmité. ». Cette fois-ci, inutile de toucher Jésus pour la guérison, la foi seule suffit, une foi régénérée, plénière, totale qui dépasse largement la foi primaire. Mais pourquoi Jésus lui dit sois guérie de ton infirmité » alors qu’elle est déjà guérie ? Parce que, nous dit Jean Delorme, « une guérison volée n’est pas dans un esprit évangélique. Il va falloir que sa guérison lui soit redonnée, au terme d’une démarche de foi ». Et quand Jésus lui dit « ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix », cela a un sens : il ne s’agit plus de croire que Jésus est un simple guérisseur, mais de recevoir cette foi divine qui est force de Dieu pour lutter contre le péché, le mal et avoir le salut éternel. Car le Christ Jésus vient d’abord lui redonner non seulement la guérison selon la foi, mais aussi sa réintégration dans la société, car en perdant son sang, la femme était considérée comme impure et donc mise au ban de la société, ne devant toucher personne, et cette guérison et cette paix offertes par Jésus lui donnent la possibilité de pratiquer sa foi en Jésus, non plus d’une foi primaire, mais une foi plénière pour le salut de son âme. Cette foi nous sauve parce qu’elle nous met en relation avec Jésus-Christ, le Dieu venu sur terre pour nous donner le salut éternel.

De son côté, Jaïre ayant demandé à Jésus de venir imposer les mains sur sa fille malade, des gens viennent lui donner une mauvaise nouvelle : « ta fille est morte ». Inutile donc de déranger le Maître. « La foi de Jaïre est alors mise à l’épreuve par l’incrédulité de ceux qui lui annoncent la mauvaise nouvelle » (Jean Delorme – Lecture de l’Evangile selon Saint Marc – P.49). Mais pour Jésus, la mort n’est pas un obstacle. Réaction immédiate de Jésus à Jaïre : « sois sans crainte, aie seulement la foi ». Jésus invite Jaïre à continuer à croire en Lui et de ne pas se fier aux apparences, comme si avec la mort, tout était perdu d’avance. Cela nous arrive aussi de croire par exemple que nos prières ne servent à rien alors que Jésus nous dit en Lc18,1 qu’« il faut prier sans cesse et ne pas se décourager ». Remarquons au passage que la foi est demandée à Jaïre et non pas à la fillette malade. La foi de ceux et celles qui prient pour les autres a donc une grande importance. Arrivés à la maison de Jaïre, Jésus et ses trois compagnons voient les gens en train de pleurer. Jésus s’en étonne et affirme que l’enfant n’est pas morte, mais qu’elle dort. Ceux qui n’ont pas la foi se moquent de Jésus qui les met dehors. Dans un entretien accordé à Sœur Emmanuel Maillard, Maria Simma dit ceci ( L’étonnant secret des âmes du Purgatoire” – P.27) : « Les âmes du Purgatoire voient très bien, le jour même de leurs funérailles, si l’on prie vraiment pour elles ou si l’on fait simplement acte de présence. Elles disent que les larmes ne servent à rien, seule la prière peut les aider. Elles se plaignent de ce que les gens vont à leur enterrement sans dire une seule prière pour elles ». Dans la chambre mortuaire, avec Jésus, se trouvent ceux qui ont la foi : ses trois compagnons, Pierre, Jacques et Jean, et les parents de la fillette. Pour un rite sacré, on a besoin de gens qui ont la foi. Jésus prend la main de l’enfant et au geste de la main, Jésus ajoute une parole et dit : « Fillette, je te le dis, lève-toi ! Aussitôt la fillette se leva et elle marchait… ».

Derrière le geste visible de la main, la puissance de la Parole agit avec la grâce sanctifiante de l’Esprit de Dieu, c’est ainsi qu’agissent les sacrements. Rappelons simplement que le vrai baptême de Jésus est son sacrifice pour notre salut, sa mort et résurrection. Baptême, mort et résurrection, et sacrement de l’Eucharistie sont intimement liés. La foi en Jésus-Christ, non seulement elle guérit les malades, mais permet aussi d’être victorieux de la mort et du péché qui mène à la mort. L’évangile d’aujourd’hui est un enseignement sur la foi (Jean Delorme – Cahiers Evangile – 1/2 – « Lecture de l’Evangile selon Saint Marc » – P. 50) : « on passe de la foi originelle de Jaïre, qui a renoncé à tout espoir humain (de voir guérir sa fille), pour se confier en Jésus, puis de la foi primitive de la femme hémorroïsse, encore guidée par un calcul intéressé, à la foi renouvelée de cette femme, toute marquée par sa relation personnelle à Jésus, et enfin à la foi plénière de Jaïre, foi en celui qui ressuscite les morts ». Ce texte évangélique nous invite donc à régénérer notre foi qui, pour bon nombre d’entre nous, semble endormie. Nicolas Buttet ( L’Eucharistie à l’école des saints – P.25) nous dit  : « le mystère (divin) doit nous étonner. Si nous ne nous étonnons plus, c’est l’indifférence qui prendra la place de l’étonnement. Et l’indifférence conduit à la tiédeur. La fréquentation répétée des mystères et notamment de l’Eucharistie, peut conduire à un émerveillement croissant ou à une habitude mortelle. Il nous faut sans cesse nous ressaisir, nous laisser toucher par l’inaccessible afin de ne pas s’habituer ».

Le Pape François nous met en garde contre ce type d’endormissement de la foi (Gaudete et Exultate » – §164) : « Le chemin de la sainteté est une source de paix et de joie que nous offre l’Esprit, mais en même temps il demande que nous soyons avec « les lampes allumées » (Lc 12, 35) et que nous restions attentifs : « Gardez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5, 22). « Veillez donc » (Mt 24, 42; Mc 13, 35). « Ne nous endormons pas» (1 Th 5, 6). Car ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter (donc de s’affaiblir) et se corrompre ». Pour le Père André Nottebaert, professeur de Théologie à Rome, la régénération de la foi passe par trois étapes (Préface du livre « L’Eucharistie à l’école des saints ») : 1 – par l’inspiration de la foi vivifiée par les dons du Saint-Esprit : dons d’intelligence, de science, de sagesse etc…Il faudra donc prier pour que l’Esprit de Dieu nous vienne en aide pour que nous puissions réfléchir sur notre propre spiritualité, faire la prière du cœur à cœur à Jésus et le contempler dans sa gloire; 2 – S’inspirer de la foi vécue et transmise en Eglise par et dans l’Esprit, c’est-à-dire de la foi vécue par les saints reconnus par l’Eglise. Il faut donc connaître la vie des saints, vie qui peut nous aider à approfondir notre foi, à combattre sans cesse contre les tentations, à aimer ceux qui nous entourent… et 3 – l’étape de la réflexion théologique, étape qui ne peut s’accomplir avec bonheur qu’à la lumière de la foi ainsi transmise et nourrie. Il faut donc se former théologiquement. On n’insistera jamais assez sur la formation biblique et théologique. A chacun de voir où il en est dans sa vie spirituelle, et de demander à notre sainte Mère de nous accompagner dans notre cheminement afin que nous soyons bien uni au Christ.




13ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

 Hémorroïsse

Mc 5, 21-43

Pour bien vivre cette page d’Evangile, frères et sœurs, essayons nous aussi, de nous faufiler dans cette foule de badauds qui entoure le maître. Nous sommes dans cette foule attendant une parole, un geste inédit et nous sommes témoins de l’arrivée de Jaïre. Celui-ci n’est pas n’importe qui, un chef de synagogue. On vient chez lui pour lui demander des conseils, peut-être même vient-on lui demander des prières pour une guérison. Et c’est lui, Jaïre, qui tombe aux pieds de Jésus et le supplie instamment de venir sauver sa petite fille. L’amour d’un père pour sa fille lui donne tous les courages. Jésus est son ultime recours : il s’attend à recevoir d’un instant à l’autre la fatale nouvelle.

Sa petite fille est à toute extrémité.

« Viens, supplie-t-il, lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ».

Il fait confiance, lui, l’homme installé dans une position officielle, à un homme qui passe. Lui, le sédentaire notable, il s’en remet à celui qui vient d’ailleurs.

Nous nous mettons en marche avec Jésus silencieux qui accompagne Jaïre, au milieu de cette foule qui l’entoure, le presse, l’écrase. Nous voici déjà témoins d’une belle foi, celle d’un père, qui par amour pour sa fille, vient s’humilier en public, tombe à genoux, est sorti de chez lui, va au-devant d’un inconnu et lui fait totalement confiance.

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines et de nos joies : voilà qu’à côté de nous, une femme, oh, une pauvre femme, elle a l’air d’avoir bien souffert et elle essaie, elle aussi, de se faufiler, de jouer des coudes pour s’approcher un peu plus de Jésus. Qui est cette femme ? Elle perd son sang, et, selon la loi, est impure, avec l’interdiction de toucher qui que ce soit, sous peine de rendre impurs les autres.

 

C’est une intouchable alors qu’elle désire atteindre, toucher cet homme pas comme les autres. J’essaie de comprendre cette femme blessée dans sa féminité, qui a déjà beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins et qui, comme beaucoup d’autres, note St-Marc, dans une note humoristique, avait déjà dépensé tous ses biens sans aucune amélioration. Au contraire, son état avait plutôt empiré. Elle n’hésite pas à prendre tous les risques parce qu’elle sent que, de cet homme-là, Jésus, elle peut tout recevoir, elle peut se recevoir elle-même, être rendue à elle-même.

« Si je parviens seulement à toucher son manteau, je serai sauvée » (pas guérie seulement : ‘’sauvée’’).

Qui donc est Jésus pour elle ? Qui est-il, pour nous, ce Jésus au milieu de la foule ? Celui qui ne craint ni les tabous ni les misères les plus cachées, les plus honteuses ? Cet Autre parfait qui délivre chacun de sa solitude et de sa peur ?

« Aussitôt, nous est-il dit, elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal ».

Nous ne nous sommes encore aperçus de rien, mais soudain, nous voyons Jésus s’arrêter brusquement dans cette cohue et dire : « Qui m’a touché ? Qui ? »

Ben voyons, Seigneur, ce n’est pas sérieux ! La foule t’écrase et tu demandes « Qui m’a touché? ». Oui, c’est vrai, Jésus, pressé de toutes parts a été touché au cœur, une force est sortie de lui qui passe dans l’autre : double sensation profonde qui naît d’une rencontre personnelle entre le croyant et son Dieu !

Regardons Jésus : il la cherche des yeux dans la foule : il la voit ! Il la reconnait ! Alors, elle aussi, peut se reconnaître telle qu’elle est. La voici qui, elle aussi, comme Jaïre, il y a quelques instants, se jette à ses pieds et lui dit toute sa vérité, toute la vérité.

Quel bel acte d’abandon, de confiance, d’espérance qui nous fait voir que lorsque l’on se sent accepté totalement par l’autre, on se découvre « aimable » au double sens du mot : à la fois « digne d’amour » et « capable d’amour ».

« Ma fille, ta foi t’a sauvée, (« sauvée », pas guérie seulement) », « Va en paix et sois aussi guérie de ton mal ».

Nous en sommes là, devant Jésus et cette femme à ses pieds, lorsque des serviteurs arrivent et nous disent que ce n’est pas la peine d’aller plus loin, inutile de nous déranger : nous ne verrons pas une autre guérison, en effet “la fille de Jaïre vient de mourir”… inutile d’aller plus loin : la mort a le dernier mot, chacun le sait !

Cependant regardons Jésus : qui sait ? Il va peut-être quand même dire quelque chose. Avec lui, on ne sait jamais !… même avec la mort ? Eh oui, c’est bien cela ! Il dit à Jaïre : « Ne crains pas. Crois seulement ».

Encore cette fameuse foi : celle qui vient d’agir sur cette femme, peut-être aussi, agira-t-elle sur cette jeune fille morte ?

Jésus alors s’écarte de cette foule curieuse, à l’affût de l’extraordinaire, du merveilleux, du sensationnel, il ne prend avec lui que trois de ses amis : Pierre, Jacques et Jean. Ils seront témoins aussi de la Transfiguration : la gloire de Jésus et de Gethsémani : la faiblesse de Jésus.

Poursuivons notre route avec eux, pris entre le doute et la foi, jusqu’à la maison du chef de synagogue. Là encore : c’est la foule, l’agitation, des femmes qui gémissent, d’autres qui poussent des cris. En Orient, la mort est bruyante. On manifeste surtout quand il s’agit d’une petite fille de douze ans ! Le mal est là, vainqueur, victorieux, tout puissant, arrogant, contre lequel on ne peut rien faire : c’est fini, il n’y a plus rien à espérer.

Jésus, lui, le maître de la vie ; lui, le futur vainqueur de la mort définitive, celle provoquée par le péché ; Jésus, le futur Ressuscité, prend la parole. Ecoutons-le : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs : l’enfant n’est pas morte, elle dort ».

Pour celui qui a la foi, la mort n’est plus la mort ! Elle est un sommeil, une  » dormition « . Et que voyons-nous ? Des gens qui, au fond de leur douleur et de leur révolte contre le mal « se moquent de lui » : ils ne savent pas encore que Jésus est le maître de la vie ! Au milieu de ces quolibets de rires et de plaisanteries pénibles, Jésus poursuit sa route : entrons dans la maison où repose la petite fille. Jésus lui prend la main, il lui dit : « Talitha Koum », « Petite fille, je te le dis, lève-toi ! »

Marc emploie le vocabulaire qui est utilisé pour raconter la Résurrection de Jésus. « Dormir », « s’éveiller », « se lever » : vocabulaire des 1ers chrétiens pour désigner le Baptême. Rappelez-vous les mots de St-Paul dans l’Epître aux Ephésiens :

« Eveille-toi, ô toi qui dors ! Relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera ! »

Regardons toujours : la fille se lève, se met à marcher.

« Elle avait douze ans » : il y avait aussi « douze ans » que la femme guérie par Jésus avait des hémorragies.

Douze ans : la plénitude des temps selon l’Ecriture : le temps de la vie, le temps de la foi est arrivé, le salut est là, à notre porte !

Regardons encore autour de nous : les gens sont bouleversés.

Ils ne savent plus que faire, comme paralysés par ce miracle ! Jésus, tout simplement, lui remet les pieds sur terre et leur dit : « Faites-la manger ».

Guéris, sauvés par le Christ, nous le sommes au Baptême qui a tué la mort du péché en nous, qui nous éveille à la foi et qui fait de nous des chrétiens, des hommes debout, des hommes qui se mettent à marcher. Nous avons encore besoin, après cette Résurrection, d’une nourriture : « Faites-la manger ».

L’Eucharistie sera notre nourriture spirituelle pour continuer à vivre.   AMEN