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Solennité du Saint Sacrement (Mc 14, 12-16 ; 22-26) – Francis Cousin

 

« Ceci est mon corps …

ceci est mon sang. »

 

Solennité du Saint Sacrement, pour tout le monde, c’est se souvenir du corps du Christ exposé sous la forme de l’hostie consacrée, et adorer celle-ci, comme on le fait lors des expositions du Saint-Sacrement. Et on oublie le sang du Christ, parce qu’il est difficile de l’exposer car il risque de gâter.

Or, le Saint-Sacrement, ce sont à la fois le corps et le sang du Christ, proclamé par Jésus le soir du jeudi saint, comme nous le relate l’évangile de ce jour.

Que nous dit l’évangile de ce jour ?

Au départ, il y a l’interrogation des disciples (et non pas simplement des seuls apôtres) : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? ».

Il s’agit pour les disciples de respecter les usages des juifs et de fêter comme il se doit la Pâque, comme ils ont toujours eu l’habitude de le faire.

Et il en est de même pour Jésus : né juif, et respectueux de la loi juive : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Mt 5,17).

La réponse de Jésus est assez surprenante : « Allez à la ville, un homme porteur d’une cruche d’eau … Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas… ». En effet, c’est sans doute une des seules fois dans les évangiles où Jésus (avec l’entrée à Jérusalem pour trouver l’âne que montera Jésus … deux faits qui se situent dans la dernière semaine avant la mort de celui-ci) fait des prédictions qui se révéleront exactes le même jour …

            Et le repas commence … comme le veut la tradition juive. Avec, outre les prières et bénédictions ou le récit de la sortie d’Égypte, trois éléments matériels : le pain sans levain, les herbes amères et le vin. Sans tenir compte des herbes amères qui ne sont qu’un accompagnement, restent seulement le pain et le vin.

En ce qui concerne le pain, la tradition voulait que le pain sans levain soit partagé en trois morceaux l’un sur l’autre et que le pain du milieu soit partagé en deux parts inégales, la part la plus grande, réservée, représentant l’avenir, le futur … mais Jésus partage la totalité du pain en disant : « Ceci est mon corps. ». C’est cela le futur pour lui.

Quant au vin, il y a plusieurs moments où on boit le vin lors de la fête de la Pâque juive, notamment après le partage du pain. Mais Jésus y donne un sens nouveau ; ce n’est pas simplement pour se réjouir : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. ».

Jésus a gardé le schéma de la Pâque juive, il n’a rien inventé, mais il a donné un nouveau sens au rituel en ne faisant pas simplement un rappel de la sortie d’Égypte, mais en y inscrivant le signe d’une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes, qui sera marquée par la Passion : « le sang du Christ fait bien davantage, car le Christ, poussé par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans défaut ; son sang purifiera donc notre conscience des actes qui mènent à la mort, pour que nous puissions rendre un culte au Dieu vivant. Voilà pourquoi il est le médiateur d’une alliance nouvelle, d’un testament nouveau. » (deuxième lecture).

Non seulement Jésus donne un sens nouveau à la Pâque, mais il en retourne le sens : avant c’étaient les hommes qui offraient un sacrifice (d’animal) à Dieu, en remerciement. Maintenant, c’est Dieu, par Jésus, qui s’offre lui-même en sacrifice pour que les hommes puissent obtenir un cadeau offert par Dieu : la vie éternelle auprès de Dieu.

« Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, (…) comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? Il t’a été donné de voir tout cela pour que tu saches que c’est le Seigneur qui est Dieu, il n’y en a pas d’autre. » (Dt 4,34-35, première lecture dimanche dernier).

Prenons conscience de la grande bonté de Dieu, lui que nous considérons bien souvent comme quelqu’un de lointain, qui nous regarde (nous observe ?) depuis les cieux … alors que c’est lui qui s’est approché de nous, par Jésus, pour nous donner l’accès à la Vie Éternelle, par simple amour pour chacun de nous.

Pensons à cela quand nous nous trouvons devant le Saint-Sacrement, qu’il soit exposé ou dans le tabernacle … ou tout simplement dans notre cœur …

Seigneur Jésus,

tu nous as donné ton corps et ton sang

pour que nous ayons la vie éternelle,

pour que nous ayons conscience

que tu es présent en nous

quand nous communions avec toi …

alors que bien souvent

nous te croyons lointain de nous.

Prends pitié de nous !

                                     Francis Cousin

 

 

 

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim Saint Sacrement B




Le Saint Sacrement – Homélie du Père Louis DATTIN

Devenez ce que vous recevez

Marc 14, 12-16 ; 22-26

« Voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps » et c’est pourtant l’expérience du contraire que bien souvent nous faisons dans la foi : un Christ absent, un Christ qui se tait, un Christ dont nous aimerions avoir un signe, une manifestation. A quoi bon s’être incarné, avoir vécu pendant 30 ans parmi les hommes, pour être maintenant aussi tragiquement absent de nos vies, inconnu dans notre société, celui dont on ne tient absolument plus compte dans les décisions vitales et dans les orientations de nos cultures et de nos projets de société.

Qui ose parler du Christ, ou même de son message, en public, dans une soirée, sur une émission de radio ou de télévision, dans un journal ou même dans une conversation ?
Il semble que ce soit un sujet tabou, même entre chrétiens !
L’Eglise ressemble un peu à ces maisons qui, pendant la guerre, possédaient des fenêtres dont les vitres étaient peintes en bleu de façon à ne laisser passer aucune lumière à l’extérieur qui puisse le faire repérer de loin et à force de vouloir respecter les opinions des autres, de ne pas attenter à leur liberté, on en arrive à les laisser dans l’ignorance et à ne jamais leur communiquer ce qui doit faire l’essentiel de notre vie et de la leur, ce qui nous anime et même ce qui leur est destiné : cette Bonne Nouvelle dont l’Evangile nous dit qu’elle doit être criée sur les toits.

Pourtant, présent, ici, parmi nous, le Christ l’est plus que jamais ! Plus sans doute qu’au moment de son incarnation où sa présence était limitée à son corps physique, dans un petit pays d’un monde, seulement méditerranéen.

Présent, il l’est d’abord en nous depuis notre Baptême :

« L’eau que je lui donnerai, deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle ».

Présent, il l’est aussi par la Parole qu’il nous adresse à chacun de nous, à chaque assemblée, à chaque fois que nous ouvrons notre Evangile.

 

Présent, il l’est également à chaque fois qu’à deux, trois ou plus, nous nous réunissons en son nom:

« Là, où deux ou trois se retrouveront ensemble « en mon nom », je serai au milieu d’eux ».

Présent, il le demeure toujours par le prochain : « J’avais faim, j’avais soif… Tu m’as donné à manger, à boire… Oui, c’était moi, bien à moi que tu as fait cela ». Oui, c’est à moi que tu as offert, ne fut-ce qu’un verre d’eau.

Nous sommes un peu comme ces habitants de Nazareth qui ont eu, au milieu d’eux, pendant trente ans, la présence de Jésus, qui ne l’ont jamais identifié, jamais reconnu, jamais deviné et qui se sont contentés de dire, même après sa prédication, même après son discours dans leur synagogue, même après ses miracles : « Ah ! Oui, Jésus, le fils de Joseph, le charpentier ! » « Ils avaient des yeux et ils n’ont pas vu ; des oreilles et n’ont pas entendu ».

C’est parce que Jésus a fait cette expérience de notre surdité, de notre aveuglement, de notre mutisme, de la solidité et de la force de nos freins à l’égard de la foi, de la puissance de notre méfiance et parce que nous sommes, en fin de compte des matérialistes enragés, qu’il a été jusqu’à adopter du matériel et parmi celui-ci, le plus matériel de tous : de la nourriture, du pain et du vin, pour en faire le signe de sa présence et pas seulement le signe mais la réalité de son « être là« – « avec nous ».

« Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Le Christ aurait pu prendre un objet, signe de sa présence parmi nous : l’Arche d’Alliance comme dans l’Ancien Testament, un endroit désigné par lui comme lieu de sa présence, de pèlerinage comme autrefois « le Temple de Jérusalem« … Non, ce n’était pas suffisant ! C’était encore trop extérieur à nous.

Il voulait être présent non pas à côté de nous, mais en nous, au cœur de nous-mêmes ! Il désirait être comme assimilé par nous, j’allais dire « mangé par nous ». Mais je peux le dire, car c’est lui-même qui emploie cette expression dans le fameux discours du « pain de vie » dont le réalisme et la matérialité ont fait hurler ses auditeurs.

« Le pain que je donnerai, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ».

 « Si vous ne mangez pas la chair du fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous ».

« Car ma chair est une vraie nourriture ».

« Celui qui mange ma chair demeure en moi et moi en lui ».

Nous-mêmes, pourtant au courant de ce qui s’est passé ensuite, le soir du Jeudi Saint : « Ceci est mon Corps livré pour vous. Prenez et mangez », « Voici le sang de l’Alliance Nouvelle et Eternelle versé pour vous et pour la multitude en rachat de vos fautes ». Nous-mêmes, écoutant ces paroles : « Oui, ma chair est vraiment une nourriture », nous sommes choqués et nous disons avec les auditeurs d’alors : « Cette parole est rude ! Qui peut continuer à l’écouter ? » Pourtant le Christ a été jusque- là !
Il a voulu être tellement présent à nous, tellement intérieur à nous-mêmes, tellement « âme de mon âme », « vie de ma vie », « énergie de mon énergie » qu’il a désiré cette fusion totale avec nous, sous le signe de la nourriture quotidienne, celle du pain et du vin, pour être assuré, et surtout pour nous assurer de sa présence à la fois matérielle et spirituelle, au plus intime de nous-mêmes.

Dans son incarnation, non seulement Dieu s’est fait homme pour être avec nous, entre nous, parmi nous, mais il a voulu aller plus loin encore, il s’est fait pain, il s’est fait vin pour assurer  sa  présence  non seulement à côté de nous, mais en nous-même afin d’être assimilé par nous. Il consent à s’anéantir en nous pour faire de notre vie la sienne, faire de sa vie la nôtre, pour que nous puissions dire, nous aussi, à la suite de St-Paul :

« Non, ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Voilà jusqu’où va l’humanisation de Jésus et jusqu’où doit aller notre divinisation.

Vous le savez, le vœu de l’amour est la fusion, sans confusion, dans laquelle chacun ne veut plus subsister que pour se laisser consommer par l’autre, en devenant en quelque sorte sa nourriture, la chair de sa chair. Si bien que St-Augustin disait à ses chrétiens, après une communion :

« Recevez ce que vous êtes, devenez ce que vous recevez ».

« Recevez ce que vous êtes » :

parce que vous êtes déjà le « Corps du Christ« .

« Devenez ce que vous recevez » :

cette communion nous divinise peu à peu et fait de nous des fils.

« Voici que je suis avec vous, tous les jours

jusqu’à la fin des temps ».  AMEN




Le Saint Sacrement – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 14,12-16.22-26)

30« Le sang de la Vie »

(Mc 14,12-16.22-26).

 

          Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? »
Il envoie deux de ses disciples en leur disant : « Allez à la ville ; un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre. Suivez-le,
et là où il entrera, dites au propriétaire : “Le Maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?”
Il vous indiquera, à l’étage, une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent à la ville ; ils trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit, et ils préparèrent la Pâque.
Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous.
Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.

 

                              

         Le jour de la Préparation de la fête de Pâque, on immolait au Temple de Jérusalem les agneaux qui allaient être mangés le soir, lors du repas pascal. A travers tous ces rites, le Peuple d’Israël se rappelait sa sortie d’Egypte. Dieu les avait alors libérés de la souffrance de l’esclavage pour les conduire, par son serviteur Moïse, vers « l’heureux pays » de la liberté et de l’abondance (Dt 1,25). Et toute cette histoire d’Israël disait, en actes, ce que Dieu veut pour tout homme : qu’il soit délivré du mal, qui ne peut, finalement, que le plonger dans la souffrance (Rm 2,9), pour lui permettre de pouvoir partager sa Plénitude de Paix et de Joie (Jn 14,27 ; 15,11)…

            Pour St Marc, le dernier repas de Jésus avec ses disciples est « son repas pascal ». Et c’est à cette occasion qu’il instituera l’Eucharistie : « Prenez, ceci est mon corps… Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance répandu pour la multitude » (Mc 14,22-25). Jésus est donc l’Agneau pascal par excellence. Son unique sacrifice offert pour tous les hommes de tous les temps leur « obtiendra une libération définitive » des forces du mal. « Son sang purifiera notre conscience des actes qui mènent à la mort pour que nous puissions célébrer le culte du Dieu vivant » (Hb 9,14). Et telle sera l’œuvre de l’Esprit donné en surabondance à chaque Eucharistie : « C’est l’Esprit qui vivifie. La chair » et le sang « ne servent de rien » (Jn 6,63)… Purifiés par l’Esprit, nous goûterons alors de son fruit et il est « Amour, Joie, Paix » (Ga 5,22). Et dans l’action de grâce pour ce bonheur reçu, nous pourrons, par la Force de ce même Esprit, offrir à notre tour notre vie pour Dieu et pour nos frères…

          Tel est le fruit du « sang de l’Alliance répandu pour la multitude ». Cette expression n’apparaît qu’une fois dans l’Ancien Testament (Ex 24,8) lors du rituel de conclusion de l’Alliance entre Dieu et son Peuple. Dieu lui a donné « les Dix Paroles » (Ex 20). Le Peuple a manifesté son désir de lui obéir : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons ». Moïse recueille alors le sang de jeunes taureaux offerts en « sacrifice de communion » et en verse la moitié sur l’autel, qui représente Dieu. Puis, au « Oui ! » d’Israël, il les aspergera du sang restant… Un même sang repose donc sur l’autel (Dieu) et sur le Peuple. Or « le sang, c’est la vie » (Lv 17,11). Une même vie les unit désormais… Jésus, en s’offrant tout entier, poursuivra le même but (Jn 6,32-63)…   DJF




Solennité de la Sainte Trinité – par Père Rodolphe EMARD

Homélie pour la solennité de la Sainte Trinité / Année B

Dimanche 30 mai 2021

Frères et sœurs, le temps pascal a été clôturé dimanche dernier avec la fête de la Pentecôte. Nous sommes revenus au temps dit ordinaire (nous sommes le 9ème dimanche de ce temps ordinaire).

Les deux dimanches qui suivent la Pentecôte sont consacrés à des solennités qui honorent deux fondamentaux de notre foi chrétienne : ce dimanche, la solennité de la Sainte Trinité et dimanche prochain, celle du Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ.

Ce dimanche, c’est donc la solennité de la Sainte Trinité. La Sainte Trinité est le nom que nous donnons au Dieu des chrétiens (Père, Fils et Saint-Esprit) et qui dépasse toute logique scientifique ou mathématique. Quand nous évoquons la Sainte Trinité, nous évoquons un seul et unique Dieu. Trois personnes divines bien distinctes ne formant qu’un seul Dieu. « La mathématique théologique » : « 1+1+1 = 1 » (et non 3).

Un seul Dieu ou une seule essence divine. Pour le comprendre, nous devons considérer ce qu’on appelle en théologie « l’engendrement ». Le Père engendre le Fils et le Fils est engendré par le Père. Le Père est Père parce que le Fils se laisse engendrer. Le Fils est Fils parce que Père accepte de l’engendrer. Il y a une dépendance, une communion d’amour entre le Père et le Fils qui donne le Saint-Esprit.

Les trois personnes divines reçoivent la même adoration et la même gloire. Aucune prééminence entre elles ! La préface de cette messe le précise bien : « Dieu éternel et tout-puissant. Avec ton Fils unique et le Saint-Esprit, tu es un seul Dieu, tu es un seul Seigneur, dans la trinité des personnes et l’unicité de leur nature. Ce que nous croyons de ta gloire, parce que tu l’as révélé, nous le croyons pareillement, et de ton Fils et du Saint-Esprit ; et quand nous proclamons notre foi au Dieu éternel et véritable, nous adorons en même temps chacune des personnes, leur unique nature, leur égale majesté. »

Aucune des trois personnes divines n’est centrée sur elle-même. Le Fils est l’envoyé du Père. C’est Jésus qui nous révèle qui est le Père et le Saint-Esprit. Au baptême de Jésus et à la Transfiguration, dans une nuée, le Père va révéler Jésus comme son « Fils bien-aimé » que nous devons écouter.

 

Dans la deuxième lecture, extraite de la lettre aux Romains (Cf. Rm 8, 14-17), saint Paul nous rappelle que c’est le Saint-Esprit qui nous fait reconnaître la paternité de Dieu et notre statut de fils et de filles de Dieu, libres de toute peur. Cette filiation fait de nous des « héritiers avec le Christ ». C’est encore le Saint-Esprit qui nous révèle la Seigneurie de Jésus et nous fait comprendre ses enseignements.

Nous n’avons pas toujours conscience à quel point la Sainte Trinité est au cœur de notre liturgie chrétienne. À la messe, cette Sainte Trinité est pleinement à l’œuvre : le signe de la croix au commencement et à la fin de la célébration ; le « Gloire à Dieu », la conclusion de la prière d’ouverture, la profession de foi, la prière eucharistique notamment à la consécration et la doxologie…

Dans l’Évangile (Cf. Mt 28, 16-20), Jésus donne le commandement de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Depuis notre baptême, nous sommes plongés dans la communion de la Sainte Trinité. Nous devons vraiment en prendre conscience !

Nous sommes introduits dans la communion avec Dieu et avec nos frères par la grâce du baptême. Nous sommes enfants de Dieu, frères et sœurs de Jésus-Christ dans l’unique Esprit-Saint qui nous donne notre identité et notre être de chrétien (le sceau de l’Esprit-Saint au baptême et à la confirmation).

Nous sommes invités en cette solennité à mieux nous ouvrir à ce grand mystère de la Sainte Trinité. Parfois, ce nom peut nous paraître comme une notion un peu abstraite. Il n’en est rien ! Avant d’être des considérations dogmatiques, la Sainte Trinité est avant tout une rencontre d’amour et de Vie. Il ne s’agit pas d’en comprendre toutes les subtilités théologiques mais d’en vivre !

N’oublions pas que la communion au corps du Christ ressuscité nous greffe à la vie trinitaire. Revenons sans cesse à cette source !

Pour terminer, j’aimerais exposer quelques mots sur le signe de la croix que nous ne soignons pas toujours à sa convenance. Le signe de croix représente beaucoup :

  • Il est avant tout une prière.

  • Il est au cœur de la foi chrétienne.

  • Il révèle le nom du Dieu Trinité.

  • Quand nous faisons le signe de la croix, nous faisons une signature sur nous. Le signe de la croix révèle notre identité et notre appartenance : nous sommes enfants de Dieu, le peuple de Dieu, le Corps du Christ et le temple du Saint-Esprit. Voilà notre véritable grandeur, notre dignité chrétienne !

Soignons toujours le signe de la croix quand nous le faisons.

Frères et sœurs, nous appartenons à la Sainte Trinité. Demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie que nous puissions « professer la vraie foi en reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité, en adorant son Unité toute-puissante. » (Cf. prière d’ouverture). Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

Père Rodolphe Emard

 

 

 




La Sainte Trinité par Claude Won Fah Hin (Matth 28, 16-20)

Commentaire du samedi 29/5/21 et Dimanche 30/5/2021

Aujourd’hui, c’est la sainte Trinité.  Le Catéchisme de l’Eglise Catholique nous dit que « la Trinité (§237) est un mystère de foi au sens strict, un des  » mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont pas révélés d’en haut  » (Cc. Vatican I : DS 3015) … L’intimité de Son Être comme Trinité Sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison… ». Sœur Faustine nous dit (Petit Journal §30) : Ce qu’est Dieu dans son être, personne ne peut le saisir, en profondeur, ni l’esprit angélique, ni l’esprit humain ». Jésus me dit : « Fais la connaissance de Dieu par la contemplation de ses attributs ». « Connaître Dieu par ses attributs » signifie le connaître selon ses particularités, ce qui lui est propre, ses qualités, ses prérogatives etc…Et cela tombe bien puisqu’aujourd’hui, nous avons trois lectures dont la première nous parle du Père, la seconde de l’Esprit Saint et la troisième, celle de l’Evangile, concerne l’envoi en mission par Jésus-Christ.

Le texte du Deutéronome nous parle du Père. « Interroge donc les anciens âges qui t’ont précédé », autrement dit « revois l’histoire du peuple de Dieu ; interroge sur ton passé et tu verras qui est ce Dieu ». D’abord Il nous a créé. Dieu est créateur, Il a créé l’homme et Il l’a créé pour l’aimer. Au fil des temps, des peuples se sont formés. Et Dieu a choisi son peuple (Ex 3,7-8) : «7 J’ai vu la misère de mon peuple en Egypte et je l’ai entendu crier sous les coups de ses chefs de corvée ». Oui, je connais ses souffrances. 8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel… ». Et Dieu est venu chercher cette nation par des épreuves, des signes (c’est-à-dire des miracles), des prodiges et des combats. Il a employé les grands moyens. Ex 3,20 : « … j’étendrai la main et je frapperai l’Égypte par les merveilles de toute sorte que j’accomplirai au milieu d’elle ; après quoi, il vous laissera partir. » Ex 7,3 : « …j’endurcirai le cœur de Pharaon et je multiplierai mes signes et mes prodiges dans le pays d’Égypte » et Dieu finit par envoyer les fléaux d’Egypte : l’eau changée en sang, l’envahissement du pays par les grenouilles, les moustiques, la vermine, la peste du bétail, les furoncles, la grêle, les sauterelles, les ténèbres pendant trois jours et enfin le dernier fléau : la mort des premiers-nés d’Egypte avec une protection spéciale pour les enfants premiers-nés du peuple Juif au moment de la Pâque juive, celle du sang de l’agneau offert en sacrifice à Dieu et appliqué sur les montants et le linteau de la porte de leur maison. – Le renvoi au souvenir de la libération d’Israël n’est pas qu’un simple souvenir, mais un mémorial de son salut : le peuple de Dieu peut de nouveau avoir recours à son Dieu, qui, lui, est toujours fidèle, pour avoir sa protection, et ainsi jusqu’à la fin des temps. Si Dieu a choisi ce peuple, l’a libéré de l’esclavage par de grands moyens, c’est pour que ce peuple le reconnaisse comme l’unique Dieu : c’est « Yahvé qui est Dieu », aussi « garde ses lois et ses commandements que je te prescris aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils après toi, bonheur et longue vie sur la terre que Yahvé ton Dieu te donne pour toujours ». Dieu, le Dieu d’Israël, et Dieu des Chrétiens révélé par le Christ, est l’unique Dieu et il n’y en a pas d’autre. Tous passeront par Jésus qui est le seul médiateur entre le Père et nous et l’unique porte pour le Royaume de Dieu.

Le troisième texte, situé à la fin de l’Évangile de Matthieu, nous parle du Christ. Après la mort et résurrection de Jésus, les onze disciples (les Apôtres) se retrouvent en Galilée suite à l’annonce rapportée par les femmes aux disciples, comme Jésus le leur avait demandé. Ce lieu n’est sans doute pas choisi par hasard, puisque c’est une région qui « a encore une apparence d’indépendance sous la férule du roi Hérode-Antipas, une région semi-étrangère méprisée par les Juifs » (« Pour Lire la Bible » – Bagot et Dubs – P.115). C’est là qu’Il leur dit trois choses : d’abord que « Tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre », pouvoir venant de son Père ; C’est pourquoi Jésus peut envoyer ses Apôtres en mission comme lui-même a été envoyé par le Père pour nous sauver du péché et de la mort. Une mission est toujours donnée par quelqu’un qui a autorité pour l’envoi en mission, on ne décide pas tout seul d’aller en mission. Dans l’Eglise Catholique, c’est l’évêque qui envoie en mission, ou son représentant en accord avec l’évêque. C’est pour cela qu’il ne faut pas suivre les personnes, non envoyés par l’évêque ou même le curé et qui s’improvisent missionnaires pour parler de Dieu. Ainsi, on évite les faux prophètes. – Ensuite, concernant le baptême, si Jésus semble insister sur le baptême, c’est parce que (CEC 265) : « Par la grâce du baptême  » au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit « , nous sommes appelés à partager la vie de la Bienheureuse Trinité, ici-bas dans l’obscurité de la foi, et au-delà de la mort, dans la lumière éternelle ». Voilà pourquoi le baptême est important : il nous permet de vivre en lien constant avec la Trinité. Et Jésus lui-même le dit : « Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin des temps ». Cette présence du Christ avec nous, chaque jour, est nécessaire pour vivre notre vie de chrétien. Tout le monde connaît cette prière de Padre Pio « Reste avec moi, Seigneur » pour de multiples raisons : pour que je ne t’oublie pas, parce que je suis faible, parce que tu es toute ma vie, parce que je suis sans ferveur ; parce que tu es ma lumière, et je suis dans les ténèbres ; pour faire connaître ta volonté ; parce que je désire t’aimer davantage ; pour que je te sois toujours fidèle…et bien d’autres raisons encore. Il nous appartient à nous de ne pas nous éloigner de Jésus. Lui est très fidèle à son engagement, mais nous, nous avons beaucoup de faiblesses et nous risquons de nous éloigner de Lui « en pensée, en parole, par action et par omission ».  Mais malgré tout, le Ressuscité envoie les siens prêcher l’Évangile en tout temps et en tout lieu, pour que la foi en lui se répande en tout point de la terre. – Pour évangéliser, il faut être soi-même enthousiasmé par l’Evangile et se nourrir aussi de la vie des saints.  Et c’est parce qu’on y apprend de très belles choses et qu’on y adhère avec conviction, ou qu’on a vécu intérieurement ces belles choses de Dieu qu’on a envie de les transmettre à d’autres. Vous ne pouvez pas transmettre ce que vous ne savez pas ou ce que vous n’avez pas vécu. Quelqu’un qui évangélise est aussi et d’abord un témoin de Dieu et cela lui donne l’envie de dire les choses de Dieu à d’autres. Le Pape François (Joie de l’Evangile- 266) nous dit : Cette conviction…est soutenue par l’expérience personnelle, constamment renouvelée, de goûter son amitié (celle du Christ) et son message. On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente, si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout. C’est pourquoi nous évangélisons. Le véritable missionnaire, qui ne cesse jamais d’être disciple, sait que Jésus marche avec lui, parle avec lui, respire avec lui, travaille avec lui. Il ressent Jésus vivant avec lui au milieu de l’activité missionnaire. Si quelqu’un ne le découvre pas présent au cœur même de la tâche missionnaire, il perd aussitôt l’enthousiasme et doute de ce qu’il transmet, il manque de force et de passion. Et une personne qui n’est pas convaincue, enthousiaste, sûre, amoureuse, ne convainc personne. (§23) …il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu ». Et, en effet, l’évangile est une vraie grande joie pour celui qui se nourrit de la parole de Dieu, pour celui qui aime Dieu et qui veut le faire connaître aux autres. Ne vous contentez pas de la messe du dimanche, même si c’est déjà une très bonne chose que d’y participer. Il faut porter la Bonne Nouvelle à d’autres. (Joie de l’Evangile 264 🙂 « Si nous ne ressentons pas l’intense désir de …communiquer (la Bonne Nouvelle), il est nécessaire de prendre le temps de…demander à Dieu, dans la prière, qu’il vienne nous séduire. Nous avons besoin d’implorer chaque jour, de demander sa grâce pour qu’il ouvre notre cœur froid et qu’il secoue notre vie tiède et superficielle. Mais le Pape ne parle seulement aux fidèles mais aussi aux communautés (ecclésiales) (§25) : « J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont. Ce n’est pas d’une « simple administration » dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un « état permanent de mission ».

Et pour pouvoir participer pleinement à l’action missionnaire, le deuxième texte nous parle de l’Esprit Saint qui nous est donné pour animer notre cœur et faire de nous des « fils de Dieu », c’est-à-dire des « vivants » parce l’Esprit Saint donne la vie, c’est le souffle de vie qui nous fait avancer, nous met en mouvement afin de vivre pleinement dans la paix du Christ alors que nous sommes en pleine pandémie du Covid. Nous n’avons « pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte » car la crainte vient de l’absence de Dieu dans nos vies. L’Esprit Saint nous donne la vie, la paix, l’amour et bien d’autres vertus mais aussi la force pour agir et faire connaître le Christ. « 16 L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. 17 Enfants, et donc héritiers ; héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ…». Parler d’héritage dans l’Ancien Testament, c’est parler de la Terre Promise. Dans le Nouveau Testament, l’héritage c’est la vie éternelle, le Royaume de Dieu, c’est la vie avec Dieu pour toujours. Mais la contrepartie de cette vie éternelle dans la Royaume de Dieu est la souffrance dont parle le verset 17 : héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ puisque nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui ». Et cela nous renvoie à Paul qui nous dit (2Co 4,7-12 – Le N.T. en français courant) : « 7…nous portons ce trésor spirituel en nous comme en des vases d’argile, pour qu’il soit clair que cette puissance extraordinaire vient de Dieu et non de nous. 8 Nous sommes accablés de toutes sortes de souffrances, mais non écrasés ; inquiets mais non désespérés ; 9 persécutés, mais non abandonnés ; jetés à terre, mais non anéantis. 10 Nous portons sans cesse dans notre corps la mort de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps. 11 Bien que vivants, nous sommes sans cesse exposés à la mort à cause de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps mortel. 12 Ainsi, la mort agit en nous pour que la vie agisse en vous ». Restons toujours sous la protection de Marie pour qu’elle nous apprenne aussi à garder tout cela en silence, dans le secret notre cœur.




Solennité de la Trinité (Mtth 28, 16-20) – Francis Cousin

« Au nom du Père, et du Fils,

et du Saint-Esprit. »

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre (…) et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. » (Gn 1,1-3)

La Trinité en tant que telle : un seul Dieu en trois personnes, est déjà contenue dans ce passage, au tout début de notre Bible (mais ce n’est pas le plus ancien texte de l’Ancien Testament). On y voit déjà l’action des trois personnes de la Trinité, de manière intuitive, ou inspirée :

– Le Père : Dieu créateur

– L’Esprit : le souffle de Dieu, la ruah hébraïque, souvent traduit l’Esprit de Dieu

– Le Fils : le Logos de Dieu, la Parole de Dieu quand il parle

Mais Dieu se révèle petit à petit.

Dans la première lecture, on voit Moïse s’émerveiller devant l’action de Dieu : un Dieu qui lui parle du milieu du buisson ardent sans qu’il ne meure, qui se choisit un peuple, et qui fait tout pour le sortir de l’esclavage des égyptiens à grand renfort de signes et de prodiges : les dix plaies d’Égypte, la traversée de la mer Rouge, la manne … Et il insiste que Dieu est l’unique Dieu, « il n’y en a pas d’autre », et qu’il faut suivre ses commandements, « afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre ».

Pendant tout l’Ancien Testament, Dieu parle, soit en songe, soit par des anges, soit par des hommes, les prophètes.

Moïse ne pouvait pas le savoir, mais « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique » (Jn 3,16), un humain, Dieu et homme, né de la Vierge Marie : « L’ange lui répondit : ’’ L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.’’ » (Lc 1,35).

C’est le Nouveau Testament qui commence. Pour une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes …

Et cette nouvelle alliance sera réalisée par le Fils : Jésus-Christ.

Au début de sa vie publique, Jésus est annoncé par le Père, lors du baptême de celui-ci par Jean-Baptiste, à lui-même : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » (Mc 1,11) et à tous ceux qui étaient présent lors de son baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » (Mt 3,17).

C’est lors de cet événement que seront présentées ensemble pour la première fois les trois personnes de la Trinité : Le Père, dont la voix surgit des cieux ouverts ; le Fils qui vient d’être baptisé ; et l’Esprit-Saint qui descend des cieux, comme une colombe, et se positionne au-dessus de Jésus.

Et Jésus devient alors véritablement le logos, le verbe du Père, la voix du Père qui s’exprime par Jésus car « le Père lui-même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer. » (Jn 12,49). Il en est de même pour les actions « le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jn 5,19).

Dieu le Père reste caché aux yeux des hommes : « Dieu, personne ne l’a jamais vu. » (Jn 1,18), et Jésus est celui qui va amener les hommes au Père : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (Jn 14,6).

Jusqu’ici, l’Esprit n’a pour le moment été en lien qu’avec le Père et Jésus. Mais avant de quitter le terre, Jésus explique à ses apôtres qu’il va demander à son Père de leur envoyer l’Esprit : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité … et il sera en vous. » (Jn 14,16-17).

Après la mort et l’ascension de Jésus, c’est l’Esprit qui continuera à amener les hommes vers le Père : « Le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »  (Jn 14,26). À partir de là, les apôtres, dans le souffle de l’Esprit, iront dans toutes les nations pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus, et baptiser dans l’eau et l’Esprit ceux qui se convertiront : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. ».

Ce qui fait la Trinité, c’est avant tout l’amour entre les personnes qui la composent et l’unité entre eux : « Le Père et moi, nous sommes UN. » (Jn 10,30), et l’Esprit qui procède du Père et du Fils ne peut faire qu’un avec les deux autres, dans le même amour, qui est de toujours.

Seigneur Jésus,

ce qui fait la force de la Trinité,

c’est l’unité dans l’amour

entre les trois personnes.

Nous prions avec toi

pour que nous devenions

UN comme vous êtes UN,

laissant de côté

nos sentiments égoïstes.

                                     Francis Cousin

 

 

 

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim Trinité B




La Sainte Trinité – Homélie du Père Louis DATTIN

Envoi des disciples

Mt 28, 16-20

Dès le début de cette messe, frères et sœurs, nous avons fait sur nous, le « signe de croix » : un geste souvent automatique, appris dès notre petite enfance et auquel parfois nous n’attachons pas grande importance. En même temps que ce geste, nous disons aussi des paroles qui sont tellement passées dans notre bouche que nous n’y faisons guère attention et pourtant ce « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » est la quintessence, le résumé essentiel de notre foi totale.

Et le jour de notre Baptême, en versant l’eau sur notre front, qu’a-t-on dit ? « Je te baptise « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit « ».

Lorsqu’après avoir confessé nos fautes, le prêtre nous pardonne au nom de Dieu : que dit-il ? « Je te pardonne toutes tes fautes  » Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit  » ».

Autrement dit, toute démarche chrétienne, tous les gestes religieux du christianisme commencent et finissent par cette fameuse formule trinitaire « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Et pourtant, il faut bien l’avouer, dans notre vie de tous les jours, cette vie trinitaire n’envahit pas notre quotidien. Nous pensons davantage à Jésus parce qu’il s’est fait homme comme nous, à la Vierge Marie, sa mère ou même à St-Expédit ou au frère Scubilion, et pourtant la sagesse populaire ne nous dit-elle pas qu’ « il vaut mieux s’adresser à Dieu qu’à ses saints » ?! Cette fête d’aujourd’hui, celle de la Trinité Sainte, est là pour nous ramener à l’essentiel, au noyau de notre foi, à la source de tout amour, au tremplin de toute espérance.

 Ecoutons les premiers mots que nous adresse le prêtre au début de la messe : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père, la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ». Il nous place d’emblée en présence de la Sainte Trinité. C’est là, en elle, qu’il faut chercher les tenants et les aboutissants de notre foi.

Un père, prêtre et savant théologien, m’a avoué que pendant longtemps, si l’on avait enlevé la Trinité de son univers religieux, cela ne l’aurait pas tellement gêné. Il aurait très bien vécu sans Trinité mais à présent, me disait-il, « la Trinité de Dieu est pour moi, essentielle ». Jusque-là, il croyait en Dieu, qu’il soit ou non Trinité, et maintenant, il croyait en Dieu parce qu’il est Trinité.

Max Thurian, ce pasteur de Taizé, devenu prêtre catholique, nous dit que le mystère de Dieu est plus accessible à notre foi par la Trinité que l’affirmation d’une seule personne divine.

En ces trois personnes, Dieu devient plus proche, plus près de nous, car il se manifeste comme un Dieu vivant, dans la vie communautaire de qui nous pouvons entrer par la foi et dans la prière.

La Trinité nous révèle que Dieu n’est pas seul, qu’il n’est pas « l’éternel célibataire des mondes » ou le « grand horloger » de Voltaire, mais que Dieu est le Vivant, qu’il est « communion », dialogue d’amour. Dire Dieu, pour nous, chrétiens, c’est nommer dans un même élan d’amour, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint.

Le père Varillon avait l’habitude d’affirmer : « Dire que Dieu est amour et qu’il est Trinité, c’est exactement la même chose ».

Admettez que Dieu soit seul, comment dans ce cas-là, peut-il être amour ? Qui peut-il aimer ? Comment peut-il être communautaire, dialoguant, vivant d’une charité interpersonnelle ?

Bien sûr, il a fallu que Jésus nous le révèle. C’est Jésus qui nous a fait la confidence qu’ils sont trois en Dieu. Il nous a dit que Dieu est son Père et notre Père et qu’en nous quittant, il nous laisserait l’Esprit : la raison humaine recule dans ce Dieu trois tellement unis par l’amour qu’ils sont « un ». Mais il est possible cependant d’en saisir quelque chose, nous les hommes, justement, parce que nous sommes créés à l’image de Dieu.

Par notre expérience de l’amour : aimer, pour nous, aimer quelqu’un, c’est vouloir être tellement uni à l’autre que nous ne fassions plus qu’un avec lui mais en respectant sa personne et la mienne. L’amour veut à la fois l’unité et la distinction.

Or, justement, ce que nous pouvons comprendre de la Trinité, c’est qu’elle est trois générosités qui se donnent l’une à l’autre. Dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il y a l’impossibilité absolue de repliement sur soi, pas de traces de propriété de soi-même. Chacun est un pur don de soi pour les deux autres, un total oubli de soi pour les autres. C’est leur amour qui fait leur unité et c’est parce que Dieu est amour qu’il est unique et que nous pouvons dire : « Je crois en un seul Dieu ».

Jésus nous a rappelé que nous aussi, nous sommes bâtis sur le plan de Dieu, « à son image ». Il nous dit à son tour que, nous les hommes, nous devons nous aimer les uns les autres jusqu’à créer cette unité entre nous et avec lui et nous insérer dans ce mouvement d’amour qui est le sien ! On se demande parfois ce qu’est le ciel, ce que nous y ferons. Vous n’avez qu’à contempler la Trinité et vous le saurez.

Nous serons tellement unis les uns aux autres dans un même amour, celui de Dieu, amour tellement fort que nous devenons d’abord communauté-unité tout en ne perdant rien de notre personnalité, qui, au contraire, sera d’autant plus épanouie qu’elle sera aimante et aimée. Jamais l’unité, fruit de l’amour, ne détruit les êtres particuliers ; au contraire, elle les valorise.

 Nous savons d’ailleurs par expérience que notre personnalité ne s’est jamais autant épanouie, ouverte, déployée que par l’amour que les autres nous ont porté. Nous sommes tous des fruits de l’amour. Rappelons tout ce qu’ont fait les autres : père, mère, frères et sœurs, éducateurs, école, mouvements, Eglise pour que nous en arrivions à ce que nous sommes devenus ! Quelle somme d’amour il a fallu ! Ce Dieu, Trinité c’est-à-dire communauté d’amour est notre avenir. Il se tourne vers nous et nous attire à lui. Dieu Trinité, cela veut dire : amour et présence. Dieu vers nous = le Père ; Dieu avec nous = Emmanuel, Jésus ; Dieu en nous = l’Esprit-Saint.

Parce qu’il est Trinité, Dieu ne reste pas enfermé sur lui-même. IL est attentif aux hommes, il se tourne vers eux. Le Père est venu à nous par son Fils qu’il nous a envoyé et depuis la Pentecôte, le Père et le Fils viennent à nous, par l’Esprit-Saint qui habite en nos cœurs. Rappelons-nous les dernières paroles de Jésus : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » et à son tour Jésus déclare : « Il vous est bon que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, l’Esprit ne viendra pas en vous ».

Voilà, j’allais dire, le travail, le bilan de la Sainte-Trinité de Dieu : une plénitude d’amour qui a suscité la descente de Dieu vers les hommes et qui les accompagnera toujours. AMEN




La Sainte Trinité – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mt 28, 16-20)

 « Dieu est Trinité éternelle… »

(Mt 28, 16-20)

 

          En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples : 20
apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

 

                  

 

               Le Crédo d’Israël était : « ECOUTE, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur UN » (Dt 6,4). Le Nouveau Testament proclame lui aussi « le Dieu unique », soit en reprenant ce Crédo (Mc 12,29), soit par exemple, lorsque Jésus s’adresse à ses adversaires : « Comment pouvez-vous croire, vous qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique » (Jn 5,44). St Paul écrira lui aussi : « Nous savons qu’il n’est de Dieu que le Dieu unique » (1Co 8,4)…

            Mais, comme le précise Xavier Léon Dufour, « l’unicité de Dieu ne requiert pas sa réduction à celle d’un individu ». Telle sera la grande révélation du Nouveau Testament présentée par St Jean dès le premier verset de son Evangile : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu ». Le premier emploi du mot « Dieu » désigne « le Père », tandis que le second évoque le fait « d’être Dieu », c’est-à-dire de posséder pleinement ce qui est propre à Dieu et à Dieu seul, ce que Dieu est en lui‑même, sa nature divine. St Jean l’évoque en trois versets : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5).

            St Jean nous présente également les Trois Personnes divines (Jn 14,15-17) : « Si vous m’aimez », disait Jésus, « vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur », sous entendu que moi, et l’on ne peut comparer au Fils Personne divine (« Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28)), qu’une autre Personne divine : « l’Esprit de Vérité », l’Esprit Saint, « qui sera pour toujours avec vous, car il demeure auprès de vous ».

            Ces Trois Personnes sont toujours en face à face, tournées l’une vers l’autre, et chacune est pleinement « Dieu » au sens où chacune est pleinement ce que Dieu seul est en lui-même : Amour, Esprit, Lumière… Et nous avons toujours à bien faire la distinction entre les Personnes divines, éternellement en face à face, chacune étant la seule à être « qui » elle est, et leur nature divine qui, elle, est partagée par les Trois… Petite précision supplémentaire : les mots « Esprit » et « Saint » peuvent être employés ou bien pour former un Nom propre, et désigner ainsi une Personne divine unique, « l’Esprit Saint » ou « le Saint Esprit », ou bien en tant que simples nom commun et adjectif pour évoquer ce que Dieu est en lui-même, sa nature divine : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), Dieu est Saint (Lv 19,2). Et voilà ce qu’il nous donne : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22).

            Et les relations qui unissent les Trois sont des relations d’Amour, le Père ayant une primauté éternelle. « Le Père aime le Fils, et il donne tout en sa main », l’engendrant ainsi en Fils éternel, « avant tous les siècles », en « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière »… Et c’est du Don commun du Père et du Fils, dans ce même Amour, que procède l’Esprit Saint : « Il reçoit ce qui est de moi », dit Jésus (Jn 16,15), une réalité éternelle… Et l’Esprit Saint « Seigneur », vrai Dieu, sera lui aussi Amour et donc « Don éternel de lui-même ». De toute éternité, il reçoit la vie du Père et du Fils ? « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie », qui nous donne sa vie…

DJF




La Pentecôte – par le Diacre Jacques FOURNIER

 «L’Esprit de Vérité vous guidera

vers la Vérité tout entière ….»

Jn 15, 26-27.16,12-15

 

          En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur.
Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement.
J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter.
Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître.
Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître.
Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

 

                     

 

            Jésus sait que l’heure de sa mort est désormais toute proche. Bientôt, il reviendra au Père d’où il est venu. Mais que ses disciples se rassurent : ils ne se retrouveront pas tout seuls… « Je vous enverrai d’auprès du Père le Défenseur, l’Esprit de Vérité qui procède du Père »… « L’Esprit Saint », Troisième Personne de la Trinité, sera donc là, à leurs côtés… Un peu avant, il leur avait déjà dit : « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous, l’Esprit de Vérité » (Jn 14,15-17)…

            Envoyés en mission dans le monde entier, ils auront à rendre témoignage au Christ mais là encore, ils ne seront pas seuls : « l’Esprit de vérité rendra aussi témoignage en ma faveur », leur dit Jésus. C’est notamment en agissant ainsi qu’il sera pour eux un « Défenseur », travaillant avec eux pour que l’Evangile soit accueilli, et ceci avec d’autant plus de force qu’ils pourront rencontrer des difficultés, des épreuves, des persécutions…           

            « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant, vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de Vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière », c’est-à-dire vers le Mystère de Dieu Lui-même, ce Dieu qui nous a tous créés pour que nous entrions nous aussi dans son Mystère éternel de Communion (1Co 1,9), dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,3 ; 2Co 13,13), un Esprit (Jn 4,24) qui est tout à la fois Amour (1Jn 4,8.16), Lumière (1Jn 1,5), Vie (2Co 3,6), Paix (Ga 5,25), Joie (1Th 1,6)… Comment l’Esprit de Vérité s’y prendra-t-il donc pour « faire connaître ce qui va ainsi venir » pour chacun d’entre nous ? « Il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître »… La TOB a traduit : « Il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera ». Or, « ce qui est à moi », c’est tout ce qui fait que Jésus est « vrai Dieu » et il l’est en tant que Fils « né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé » (Crédo)… Autrement dit, Jésus reçoit de toute éternité du Père ce qu’Est le Père, sa « nature divine », ce qui fait qu’il est Dieu. Voilà pourquoi il peut dire : « Tout ce qui appartient au Père est à moi ». Et c’est justement « cela » que l’Esprit de Vérité nous « communiquera »…

            L’Esprit Saint « nous guidera ainsi vers la vérité tout entière, il nous fera connaître ce qui va venir » dans la mesure où il nous donnera d’avoir part dès maintenant, dans la foi et par notre foi, à ce qu’Est Dieu de toute éternité : une Plénitude d’Esprit, d’Amour, de Lumière et de Vie… Nous connaîtrons ainsi le Dieu Communion non pas de manière purement intellectuelle, mais en vivant dès maintenant ce Mystère de Communion, dans cet instant présent qui peut, grâce à Lui, prendre déjà parfois le goût d’éternité… Tel est le Trésor, la Perle de grand prix (Mt 13,44-46) qui est déjà offerte à notre foi (1Jn 2,8 ; 3,1-2 ; 5,13)… Aujourd’hui, « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3) ne se donne pas à voir mais à vivre…                                                                   DJF

                                            




La Pentecôte – Homélie du Père Louis DATTIN

Recevez l’Esprit Saint

Jn 15,26-27 ; 16, 12-15

 

« Soudain, il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent. Toute la maison où ils se tenaient en fut remplie ». C’était la dernière chose à laquelle ils s’attendaient, ces douze hommes peureux, qui s’étaient enfermés, toutes portes closes et verrouillées. Ils étaient bien, là, tous ensemble, au chaud, calfeutrés dans une pièce du premier étage ; c’est plus sûr, avec toutes ces foules qui viennent pour la fête. Ils ne sont pas rassurés du tout : ils ont encore dans leurs oreilles, ces cris du vendredi Saint « A mort ! A mort ! Crucifie-le ! »

 

 

Pierre entend la servante lui reprocher : « Mais, toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! »

« Non ! Non ! Je ne le connais pas ».

Quand on a peur, c’est bien connu, on se rassemble, on se réunit dans la même pièce et l’on se met à prier ensemble.

Et voilà, maintenant, cet énorme souffle qui secoue toute la maison, ce vent qui se moque des portes et des fenêtres…

Et les voilà, nos douze apôtres comme emportés par ce souffle.

Ils sont toujours là, non plus assis, mais debout ; non plus recroquevillés sur eux-mêmes, mais allant ouvrir portes et fenêtres et Pierre, le chef, va sur le perron qui domine la foule : il doit vouloir se sauver ! Mais non ! Il reste sur ce podium et se met à haranguer la foule, à rassembler tous ces étrangers qui montent vers le Temple et leur annoncer :

« Vous savez, ce Jésus que vous avez crucifié, il est ressuscité ! Il est vivant ! Convertissez-vous ! Recevez le Baptême et vous aussi, vous recevrez le Saint-Esprit ».

Ils furent trois mille ce jour-là qui se joignirent à eux. L’Esprit-Saint ne fait pas de détail, aussi bien par la force de son souffle que par le nombre des convertis !

Que s’est-il passé ? Un souffle, un énorme souffle, intérieur et extérieur, qui bouscule nos petites habitudes, nos calculs, nos beaux projets, nos courbes et nos statistiques, nos assurances-vie : vol, accidents, incendie et tierce collision !

Un vent, ce n’est pas palpable. On ne peut pas le garder dans sa main, on ne peut le retenir ; de plus, on ne sait pas d’où il vient, ni où il va ! On est environné par lui, il s’infiltre partout, immatériel, on est comme emporté par lui…

Ceux qui ont eu l’expérience d’un cyclone le savent bien, malgré toutes nos sécurités, on est bien peu de chose. Nous ne sommes plus les maîtres et c’est bien ce qui se passe à la Pentecôte ! Nous ne sommes plus les maîtres.

C’est l’Esprit désormais qui va nous emporter, nous diriger, nous pousser en avant dans une aventure qui nous dépasse et que nous n’avions pas prévue.

Emportée au souffle de l’Esprit, notre vie chrétienne est-elle comme ce grand voilier qui tend ses voiles au grand vent du large et qui, larguant ses amarres, a le courage de sortir du port pour affronter le grand large ? Ou bien n’est-elle que cette petite chaloupe désarmée, couchée sur le sable et solidement amarrée aux anneaux du quai ? « Oui, “le souffle de Dieu”, rappelait Jésus à Nicodème, “nous mène où il veut” et c’est le moment de le dire “Dieu sait où” » peut-être même dit Jésus à St-Pierre « là où tu ne voudrais pas ! »

« Si nous nous livrons au souffle de l’Esprit, notre vie n’est plus à nous-mêmes, nous rappelle St-Paul, mais au Christ et à Dieu ».

Julien Green, au moment de sa conversion, notait dans son journal : « Introduire le surnaturel dans sa vie, c’est rompre la digue qui nous protège contre Dieu, c’est se vouer à une tragédie sans nom. Or, toute notre éducation moderne tend à nous armer contre le spirituel, à déjouer les ruses de ce perpétuel assiégeant qu’est Dieu. On lui oppose une invincible médiocrité, mais si on cède sur un point, alors c’est le ciel entier qui se rue en nous ».

Au siècle des assurances, des « caisses de sécurité » et des « pensions de retraite », non seulement Dieu n’est pas une « assurance-vie », mais pire encore, nous ne sommes pas assurés contre lui ! L’Esprit-Saint, comme un souffle violent est un danger permanent : il est capable de balayer nos projets, de brûler nos plans, de démanteler notre petit « quant à soi ».

Les apôtres, et tant de chrétiens après lui, en ont fait la terrible, mais exaltante expérience ! Allons-nous nous amarrer et nous raidir pour résister au souffle de Dieu et maintenir tant bien que mal notre petit équilibre ? Ou bien nous laisser emporter dans une expédition spirituelle qui nous dépasse ? « Le vent, nul ne sait où il va », mais il fera nous dépasser nous-mêmes et mener une vie qui aura une toute autre dimension.

Telle est l’ambition de l’Esprit-Saint pour nous : vent violent et irrésistible comme l’ouragan, vent léger et discret comme un murmure insistant « On ne sait d’où il vient, on ne sait par quelles routes il nous pousse vers des continents nouveaux » :

  • le vent de Dieu jette Paul par terre sur le chemin de Damas, puis l’envoie dans tous les pays de l’Empire Romain

  • il pousse St-François Xavier jusque sur les rives de la Chine et du Japon

  • envoie Charles de Foucault dans le désert de Hoggar

  • va faire asseoir St-Vincent-de-Paul sur les bancs des galériens

  • oriente mère Theresa à Calcutta

  • le père Laval à Maurice

  • St-Thomas aux Indes et Ste-Thérèse dans un carmel.

  • Il arrache à la somnolence des rives, à la douceur des plages et fait se lever une foule immense, celle de l’Eglise en marche vers une terre nouvelle « car mes voies, dit le Seigneur, ne sont pas vos voies et mes pensées ne sont pas vos pensées ».

D’où la nécessité pour nous, de nous ouvrir à l’Esprit, sans arrière-pensées, sans manœuvres, sans résistances de notre part. Parce que Dieu est Dieu, on ne lui demande pas d’assurances, de garanties. Notre vie de chrétien est une aventure basée sur la foi en Dieu et la force de son Esprit.

L’ange disait à Marie : « Rien n’est impossible à Dieu ». Alors, elle a dit « Oui » à l’Esprit. Le lieutenant Dupouey écrivait à sa femme : « Si je venais à disparaître, ne te préoccupe pas du lendemain : certains combinent toute leur vie dans leur cervelle, ils n’ont pas, comme nous, partie liée avec Dieu ».

On a peut-être trop parlé de vie spirituelle mais pas assez du souffle de l’Esprit, du vent de Dieu. Nos voiles sont-elles tendues pour être gonflées par ce vent ? Ne sont-elles pas aussi mal orientées ? Y a-t-il plus de sagesse à les amener et à les plier qu’à les maîtriser ?

Plus que tout, il leur faut le vent de Dieu, vent de création et d’aventure, s’exposer au vent de Dieu, hisser les voiles pour les gonfler de son souffle de vie. AMEN