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23ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Ézékiel 33 7–9 ; Romains 13 8–10 ; Matthieu 18 15–20

 

Les textes d’aujourd’hui ont en commun de parler de la communauté qu’est l’Eglise, et des petits groupes de chrétiens au sein de l’Eglise. Et dans une communauté ou même des groupes, il y a des règles du vivre ensemble. Ces règles sont établies par les responsables hiérarchiques quand il s’agit de l’Église, et il y a tout simplement des règles du savoir-vivre ensemble que les gens d’une même région ou du même quartier connaissent sans que cela soit clairement indiqué. En tout cas, concernant les chrétiens qui se rassemblent, toutes les règles n’ont qu’une fin : union, solidarité, entre aide, paix, bonne entente et tout cela, en toile de fond, le commandement du Christ : « aimez-vous les uns les autres ». Et c’est en suivant les commandements de Dieu qu’on reconnaît celui qui aime Jésus. Jn 14,21 : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui ». Et c’est parce qu’on oublie les commandements de Dieu et les enseignements du Christ que l’on finit par ne regarder que ses propres intérêts. On finit alors par s’éloigner du Christ, à commettre des fautes, à semer la mésentente. Le fait d’oublier le Christ, d’oublier ses commandements, d’oublier l’Eglise, nous amène à ne s’occuper que de nous-mêmes, bien égoïstement. Egoïstement parce qu’on est toujours bien attaché au monde et non pas à Dieu ou au Christ. Grignion de Monfort : §75 – « Cette sagesse du monde (qui concerne ceux qui délaissent Dieu) est une conformité parfaite aux maximes et aux modes du monde; c’est une tendance continuelle vers la grandeur et l’estime; c’est une recherche continuelle et secrète de son plaisir et de son intérêt, non pas d’une manière grossière et criante, en commettant quelque péché scandaleux, mais d’une manière fine, trompeuse et politique; autrement ce ne serait plus selon le monde une sagesse, mais un libertinage. §76 – Un sage du siècle (c’est-à-dire quelqu’un qui semble ne pas avoir besoin de Dieu) est un homme qui sait bien faire ses affaires, et faire réussir tout à son avantage temporel, sans quasi paraître vouloir le faire; qui sait l’art de déguiser et de tromper finement sans qu’on s’en aperçoive; qui dit ou fait une chose et pense l’autre; qui n’ignore rien des airs et des compliments du monde; qui sait s’accommoder à tous pour en venir à ses fins, sans se mettre beaucoup en peine de l’honneur et de l’intérêt de Dieu; qui fait un secret mais funeste accord (ou un mélange) de la vérité avec le mensonge, de l’Evangile avec le monde, de la vertu avec le péché, de Jésus-Christ avec Bélial (2Co 6,15 :  c’est-à-dire avec le diable); qui veut passer pour un honnête homme, …. Enfin, un sage mondain est un homme qui, ne se conduisant que par la lumière des sens et de la raison humaine, ne cherche qu’à se couvrir des apparences de chrétien et d’honnête homme, sans se mettre beaucoup en peine de plaire à Dieu, ni d’expier, par la pénitence, les péchés qu’il a commis contre sa divine Majesté ». Voilà pourquoi dans une communauté, et particulièrement dans une communauté chrétienne, des règles sont là pour que le « vivre ensemble » se passe au mieux. Mais parce que l’homme est souvent encore attaché aux choses du monde et pas assez à Dieu, les règles du « vivre ensemble » de la communauté peuvent ne pas être respectées. C’est alors le trouble au sein même de l’Eglise. En cas de conflit, une procédure est à observer. La première démarche consiste à rencontrer en tête à tête la personne conflictuelle et qui pose problème au sein du groupe. Le but est de se comprendre. Dans tous les cas, il faut être diplomate et y aller avec douceur.

Premier cas : Si la personne pêche directement contre Dieu et que l’on soit au courant, il faut essayer d’accompagner, seul à seul, le pécheur avec suffisamment de tact et d’intelligence pour qu’il prenne conscience de son péché et puisse s’en sortir. Des textes tirés de la Bible ou des exemples pris dans la vie courante peuvent fortement contribuer à faire prendre conscience de la gravité du péché. Là encore, la formation biblique peut aider le pécheur à progresser dans son union au Christ et par conséquent dans son attitude à avoir dans la communauté ou dans un groupe.

Deuxième cas, si la personne pêche contre nous, c’est-à-dire nous fait du tort. Là aussi, de manière diplomate, on sera amené à faire comprendre, seul à seul, avec douceur, à la personne le tort qu’il nous a fait personnellement ou au groupe de manière. Si cette première démarche se montre infructueuse, on aura alors recours à la communauté ou au groupe pour corriger fraternellement le fautif. Si, même dans ce cas, ce dernier ne se corrige pas, alors cela peut aller jusqu’à la coupure de certains liens d’ordre social pour que le groupe puisse continuer sereinement sa mission, ou, à un autre niveau si les cas est extrêmement grave, aller jusqu’à l’excommunication par la hiérarchie. C’est ce qui s’est passé il y a quelques années lorsque l’évêque de la Réunion a fait afficher dans chaque église un communiqué pour dire qu’à la Réunion une personne a été excommuniée de l’Église. Dans tous les cas, comme tout péché, c’est toujours une affaire en rapport avec les commandements de Dieu : aimer Dieu et aimer son prochain, mais aussi d’obéissance de la foi. Parce que nous avons foi en Dieu, cette foi nous amène à l’obéissance des commandements de Dieu. Et tout péché est une désobéissance. Ne pas aimer son prochain c’est une manière aussi de dire qu’on ne pense pas aux autres et qu’on pense surtout à soi-même. Comme dit le créole : « A moins même mon maître ». Or, tout l’enseignement du Christ est de nous dire qu’il faut aimer Dieu et son prochain. Il ne nous demande pas d’être amoureux de tout le monde mais d’aimer tout le monde. Et aimer, cela commence souvent par « des petits riens » qui peuvent faire plaisir aux autres : un regard, un bonjour, un petit signe de la main, ne pas se mettre en colère alors même qu’il y aurait toutes les raisons de l’être, éviter la critique, ne rien dire à ceux qui vous regardent de travers, etc…Dans tous les cas, le chrétien peut toujours se conduire en chrétien, et il le pourra à la seule condition d’avoir le regard fixé sur le Christ. Mi 6,8 : « On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de t’appliquer à marcher avec ton Dieu ». Accomplir la justice, c’est se comporter de manière à rester en accord avec les commandements de Dieu tout en vivant dans le monde, dans une communauté ou dans un groupe de chrétiens. Ce qui signifie que Celui qui est à la suite du Christ doit être capable de garder son sang-froid, son calme, avec une paix intérieure qui ne le quitte pas parce son regard intérieur est fixé sur le Seigneur alors même, qu’il subit toutes sortes de vexations ou de critiques et être capable de reconnaître qu’il a tort dans certains cas.  « Le Seigneur ne demande rien d’extraordinaire à l’homme, mais seulement d’agir de manière droite en évitant le péché (c’est le sens de l’expression « pratiquer le droit »), aimer et pratiquer la miséricorde (hesed), et enfin vivre humblement avec Dieu. Voilà la conduite de l’homme qui plait à Dieu. On n’a pas besoin de tout retenir de la Bible, mais une seule expression : « Celui qui aime autrui a de ce fait accompli la Loi », ce qui signifie que tant que vous aimez le prochain, quel qu’il soit, vous ne péchez pas et tout ce qui est dit dans la Bible vous êtes en train de l’accomplir parce que vous avez de l’amour pour les autres. L’amour ou la charité c’est la même chose, et « la charité est la Loi dans sa plénitude ». Saint Augustin nous dit : « aime et fais ce que tu veux ».

Autrement dit, en aimant le prochain, vous accomplissez toutes les lois qui se trouvent dans la Bible et donc les dix commandements dont certains ont été repris par le deuxième texte d’aujourd’hui : « Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 10 La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude ». Et la correction fraternelle dont parle l’Evangile, contrairement à ce qu’on pourrait penser, est une manière d’exercer la charité, l’amour, pour aider le pécheur à rectifier sa conduite de manière à plaire à Dieu. Le 1er texte d’aujourd’hui s’adresse au prophète qui doit avoir un rôle de guetteur. Le prophète n’est pas quelqu’un qui prédit l’avenir, son rôle est de dire la parole de Dieu. Tout chrétien, d’une certaine manière, est capable de dire la parole de Dieu, et donc d’être prophète à son niveau. Dieu donne donc la parole aux prophètes que sont les chrétiens pour faire passer ses lois, ses messages d’amour et de paix. Au prophète Jérémie (Jr 1,9) voici ce que Dieu lui dit : 9 … Voici que j’ai placé mes paroles en ta bouche ». Cet homme que Dieu inspire a le devoir de dire la parole de Dieu lorsque c’est nécessaire. Ézékiel nous dit: « Si je dis au méchant :  Méchant, tu vas mourir, et que tu ne parles pas pour avertir le méchant d’abandonner sa conduite, lui, le méchant, mourra de sa faute, mais c’est à toi que je demanderai compte de son sang. 9 Si au contraire tu as averti le méchant d’abandonner sa conduite pour se convertir et qu’il ne s’est pas converti, il mourra, lui, à cause de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie ». L’Évangile d’aujourd’hui dit la même chose : 15 « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère ». S’il n’écoute pas, cela retombera sur lui-même, il mourra de sa faute mais le chrétien qui l’aura conseillé sera quitte devant Dieu parce qu’il aura fait un geste d’amour envers le fautif pour essayer de le ramener à Dieu. C’est ce qu’on appelle la « correction fraternelle ». Et la correction fraternelle » est un devoir pour tout chrétien. Jc 5,20 : « celui qui ramène un pécheur de son égarement sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés ». 1P4,8 : « conservez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés ». Que Marie nous aide à répandre autour de nous l’amour de Dieu.




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 18, 15-20) – Francis COUSIN)

 « Si ton frère a commis un péché contre toi … »

 

Dans l’évangile de ce jour, Jésus nous montre, non seulement l’importance du pardon, de la réconciliation, mais aussi une manière de faire pour obtenir cette réconciliation, en trois étapes :

– D’abord seul à seul, discrètement, sans grand bruit. Et si cela fonctionne, « Tu as gagné ton frère ».

– Ensuite, avec « un ou deux témoins » qui pourront certifier que la réconciliation est faite.

– Enfin, devant toute « l’assemblée de l’Église », afin que chacun soit témoin du tort effectué et de la réparation éventuelle. (La plupart des traductions actuelles parle de l’Église, ce qui un peu anachronique, et il semble préférable de traduire par communauté ou assemblée)

Et si aucun accord ne se fait, il faut considérer que la personne s’exclut de la communauté et doit être mise au rang des païens.

L’intérêt de ce passage est de montrer la dimension collective de la faute, qui est pourtant individuelle, et ce de deux manières. Dans la faute, il y a celui qui fait la faute, le pécheur, et celui qui subit la faute, la victime.

La faute établie une injustice entre deux membres de la communauté, ce qui fait que les liens entre tous les membres ne sont plus les mêmes : il y a un dés-accord qui joue sur l’harmonie de la communauté toute entière.

Pour ré-accorder l’harmonie entre les membres, il y a donc nécessité que chacun participe, au final, à la mise en œuvre de la réconciliation à l’intérieur de la communauté.

Pécheurs, nous le sommes tous. C’est pourquoi au début de nos célébrations nous nous reconnaissons pécheurs, en pensée, en paroles, par action et par omission, chacun pour soi, mais nous demandons aussi à la communion des saints et à tous nos frères présents de prier pour [nous] le Seigneur notre Dieu. C’est la dimension collective de la réparation des fautes.

Mais cette dimension collective n’exclut pas la dimension individuelle de prier pour les pécheurs, ainsi que le demandait Notre-Dame à Bernadette, à Lourdes : « Priez pour la conversion des pécheurs ».

Et ce que Dieu dit à Ézéchiel dans la première lecture peut aussi s’appliquer à chacun de nous : « Si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sangAu contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. »

Pourtant, cette manière de penser n’est pas vraiment entrée dans les mœurs.

Quand on parle d’un pécheur, la première réaction est bien souvent de l’exclure … et de dire du mal de lui. Et peut-être d’en rajouter … surtout si on n’est pas concerné par la faute …

C’est ce qu’on appelle ici des ladi-lafé, ailleurs des commérages, des cancanages …

Ce à quoi le pape François disait : « Nous sommes habitués aux commérages, aux ragots, et souvent nous transformons nos communautés et même notre famille en un « enfer » où se manifeste cette forme de criminalité qui conduit à « tuer son frère et sa sœur avec sa langue » (Sainte Marthe, 2/9/2013), en s’appuyant sur le texte de saint Jean : « Quiconque a de la haine contre son frère est un meurtrier, et vous savez que pas un meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui. » (1 Jn 3,15).

Peut-être que nous devrions nous poser la question : Est-ce que, dans nos communautés, paroissiales ou de mouvements, nous laissons courir les ragots, voire même nous les alimentons en en rajoutant une couche ? Ou est-ce que nous faisons, avec les autres, tout notre possible pour atténuer au maximum les différents qui peuvent se faire jour parmi nous en essayant de réconcilier les personnes concernées ?

Jésus a dit, en parlant de nos communautés : « Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13,35). Mais on pourrait dire aussi : « Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous êtes capables de vous pardonner les uns les autres ».

Car c’est dans ces conditions-là, le pardon de tous dans la communauté, que l’amour se fera montrer.

En effet, on pourrait dire :

Le pardon est la condition de la réalisation de l’amour, et

L’amour est la condition de la réalisation du pardon.

Les deux sont indissolublement liés.

Seigneur Jésus,

tu nous invites à aller vers les autres

pour proposer le pardon,

mais tu insistes aussi

sur la responsabilité collective de la communauté

pour que le pardon soit effectif entre tous,

et qu’ainsi l’amour règne entre tous.

Mais on l’oublie souvent.

 

Francis Cousin

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23ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER

Travailler, ensemble, à « gagner nos frères »

(Mt 18, 15-20)

  En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.
S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins.
S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain.
Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.
Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux.
En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »

                    

             « Libre à l’égard de tous », écrivait St Paul, « je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner le plus grand nombre… Je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns » (1Co 9,19‑22), car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4-6)…

            Alors, « si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul », pour lui éviter d’être humilié devant les autres, « et montre lui sa faute » sans jamais oublier que nous sommes tous pécheurs, d’une manière ou d’une autre. Et « s’il t’écoute » avec simplicité et humilité, « tu auras gagné ton frère », et alors quelle joie ! Et un jour peut-être, c’est lui qui, à son tour, viendra te « gagner »…

            Aussi, « frères, même dans le cas où quelqu’un serait pris en faute, rétablissez-le en esprit de douceur, te surveillant toi-même, car tu pourrais bien toi aussi être tenté. Portez les fardeaux les uns des autres et accomplissez ainsi la Loi du Christ. Car si quelqu’un estime être quelque chose alors qu’il n’est rien, il se fait illusion » (Ga 6,1-3)…

            Et « s’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes » en espérant que le poids « plus lourd » de votre charité commune pourra percer l’écorce de son cœur… S’il refuse encore, que « toute l’Eglise » unisse ses forces et sa prière, car, « nous tous qui avons été abreuvés d’un même Esprit, nous ne formons qu’un seul Corps » (1Co 12,13). C’est pourquoi, si un membre est malade, c’est le Corps tout entier qui souffre (1Co 12,26). Et si un membre manque à l’appel, il manque à tous, car nous avons tous besoin les uns des autres pour que l’Eglise soit pleinement elle-même…

            En effet, cette Eglise, du point de vue de Dieu, a en fait la dimension de l’humanité tout entière, cette famille incroyablement nombreuse de ses enfants « créés à son Image et Ressemblance » (Gn 1,26-28). Qu’un seul manque à l’appel, et Dieu « s’en ira après celui qui est perdu jusqu’à ce qu’il le retrouve » (Lc 15,4-7). Puisque l’Eglise est « le Corps du Christ », il est impossible qu’elle n’adopte pas la même attitude envers tous, et surtout envers les plus petits… C’est pourquoi Jésus a repris cette parabole de la brebis perdue pour l’appliquer, juste avant notre passage, à l’Eglise car «  on ne veut pas, chez votre Père qui est aux cieux, qu’un seul de ces petits se perde » (Mt 18,14). Quiconque prie le « Notre Père » en disant « que ta volonté soit faite », ne peut donc que travailler, d’une manière ou d’une autre, au salut de tous, sans aucune exception… DJF




22ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 16, 21-27) – Francis COUSIN)

On oublie toujours quelque chose …

 

L’annonce par Jésus de son passion et de sa mort voulues par les « anciens, les grands prêtres et les scribes », et de sa résurrection le troisième jour a été pour les apôtres comme un coup de massue.

Il venait juste d’être reconnu comme le Messie, « le Christ, le Fils du Dieu vivant » !

Sans doute abasourdis, les apôtres se taisent …

Alors Pierre entraîne Jésus à part et lui souffle à l’oreille : « Cela ne t’arrivera pas ! ».

Il pensait réconforter Jésus … mais c’est une réponse virulente de la part de Jésus qui arrive : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute ».

Pourquoi ce reproche ?

Parce que Jésus doit aller jusqu’au bout de sa mission sur la terre, et l’aide humaine de Pierre et des autres apôtres ne s’inscrit pas dans la vision divine.

Mais aussi parce que, comme nous aussi le faisons souvent, Pierre n’a pas attendu et donc entendu la fin de la phrase de Jésus pour se faire son opinion : « … et le troisième jour ressusciter. »

Il en est resté aux souffrances infligées à Jésus … à ce qui est mal, et qui fait mal …

Peut-être aussi parce que la résurrection, certains juifs en parlaient, mais cela restait mystérieux, on ne savait pas trop ce que c’était, comment cela se passait … (encore maintenant …). Ce n’était pas un sujet qui passionnait les gens simples comme l’étaient les apôtres …

Ils n’avaient aucune expérience de ce que c’était. Même pour la fille de Jaïre, Jésus s’était défendu de la ressusciter ; il avait seulement dit : « Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte : elle dort. » (Lc 8,52).

Ils ne comprendront vraiment ce que cela voulait dire que le jour de la résurrection de Jésus, même s’il en avait parlé plusieurs fois.

Nous aussi, nous sommes comme Pierre ou les apôtres : nous ne retenons souvent qu’une partie de la phrase que nous entendons, et nous occultons le reste.

Cela arrive souvent avec la Parole de Jésus dans les évangiles : nous acceptons ce que nous comprenons, ce qui nous semble ‘correct’, normal, à nos pensées humaines … mais nous oublions les autres.

Comme dans le passage de l’évangile de ce jour : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » …

On veut bien suivre Jésus, on est prêt à le faire … et souvent on en reste à « prendre sa croix » … et cela nous fait peur … parce qu’on ne sait pas quelle est cette croix, qui est individuelle, spécifique pour chacun …

Et quand arrive une situation difficile pour nous, on se dit : « Cela doit être ma croix ! », mais on n’en est jamais sûr … et on essaye de vivre avec en se disant : « Si je veux aller au ciel, il faut que je l’accepte » … mais en fait, on ne l’accepte pas, on la subit, et notre seul désir est qu’elle disparaisse …

Et il arrive que nous en voulions à Jésus de nous imposer cette croix … (« Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour … »)

Pourtant, il y a une autre phrase de Jésus qu’on oublie : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos (…) Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (Mt 11,28.30)

Peut-être parce que c’est une phrase qu’on a du mal à comprendre … parce que nos « pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. », et que, bien que nous le désirions, nous avons du mal à sortir de notre condition humaine pour nous élever vers Dieu.

Et aussi parce qu’il y a une partie de la première phrase que nous avons occultée, celle qui est mise en premier : « qu’il renonce à lui-même ».

Et on l’occulte d’autant plus facilement qu’elle va à l’encontre de tout ce qui est véhiculé dans notre société actuelle où on met en avant l’individualisme, avec tout ce que cela comporte, à tous les niveaux : familial, social, travail, économique, politique, éthique …

C’est toujours « moi d’abord », avec dans les messages publicitaires : « Soyez le meilleur … », « Avec … soyez différents », « Distinguez-vous des autres … ».

On comprend qu’on oublie cette partie de la phrase, parce que renoncer à soi-même, d’une certaine manière, c’est renoncer à ce qu’on est intrinsèquement, renoncer à son « soi », … et cela n’est pas humainement naturel …

Parce que renoncer à soi-même, c’est accepter de mettre en premier quelqu’un d’autre, et pour nous, c’est Jésus, c’est Dieu … C’est mettre en avant la Parole de Dieu, ne vivre que pour elle, comme le fit saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20).

C’est accepter que cette Parole de Dieu « attire sur [nous] l’insulte et la moquerie. » (Première lecture), et cela arrive quand on défend la position des chrétiens, notamment dans les débats concernant la nouvelle loi de Bioéthique, entre autres …

Que cette Parole de Dieu soit pour nous, comme elle le fut pour Jérémie, « un feu brûlant dans [notre] cœur » qu’on n’arrive pas à « maîtriser » (Première lecture) … avec l’aide de Jésus qui est toujours là près de nous, pour nous aider à porter notre joug, à porter notre croix.

Seigneur Jésus,

on croit bien connaître ton évangile,

mais il y a toujours des passages qu’on oublie …

et ce sont souvent les plus importants,

ceux qu’on a du mal à suivre,

ceux qui nous coûtent,

parce qu’ils nous demandent beaucoup d’humilité …

et nous sommes trop fiers …

Pardonne-nous !

 

Francis Cousin

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Prière dim ordinaire A 22°




21ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 16, 13-21) – Francis COUSIN)

« Ce n’est pas la chair et le sang

qui t’ont révélé cela,

mais mon Père qui est aux cieux. »

 

Pierre aurait pu être fier. Il était le premier disciple à dire que Jésus est le Messie, « le Christ, le Fils du Dieu vivant ! ».

Mais Jésus le remet aussitôt à sa place : « Tout ce que tu as dit, ça ne vient pas de toi, mais de mon Père : bienheureux es-tu ! ».

Coup dur pour Pierre. Il aurait sans doute aimé, comme nous tous dans cette situation, être félicité pour sa clairvoyance … Mais non ! Jésus remet les choses dans l’ordre (et c’est vrai aussi pour nous, quand nous pensons avoir une idée géniale …) : Tout ce qui est bon nous est ‘soufflé’ par Dieu.

Tout vient de toi, ô Père très bon.

Apprentissage de l’humilité !

Sans doute Pierre devait l’avoir un peu mauvaise, alors quand aussitôt après Jésus annonce aux disciples sa passion et sa résurrection, essayant peut-être de se rattraper, il dit : « Cela ne t’arrivera pas », Jésus le reprend encore : « Passe derrière moi, Satan ! … Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16,22-23).

C’est la douche froide, une deuxième volée de bois vert !

Et celui qui a suggéré la phrase est clairement identifié : Satan.

Un coup, la pensée vient de Dieu ; le deuxième coup, elle vient de Satan !

Et il en est de même pour nous. Nos pensées viennent de Dieu ou de Satan. Peut-être quelque fois de nous … mais c’est pas sûr …

Tout vient de toi, ô Père très bon.

Mais seulement ce qui est bon ! Pas le reste ! Apprentissage de la clairvoyance !

Alors pour nous, qui est Jésus ? ou qui est Dieu ? La réflexion est la même qui revient à se poser la question : Quelle est notre relation à Dieu ?

Dans toute relation humaine, il y a deux axes. Avec Dieu, c’est pareil : de nous vers Dieu, et de Dieu vers nous.

Dans la relation de Dieu vers nous, c’est facile : Dieu est amour, vérité, justice et paix, et il nous donne tout de qui est bon et beau : le foi, l’espérance, l’amour, l’intelligence et tous les autres dons de l’Esprit Saint … mais il ne nous les impose pas. Il nous laisse libre de les accepter ou non.

Tout vient de toi, ô Père très bon.

Dans la relation de nous vers Dieu, c’est plus compliqué … à cause de notre nature humaine. Et chacun est différent des autres !

Mais on peut quand même se poser quelques questions.

Sommes-nous attentifs à Dieu ? Est-ce que nous avons des relations faciles et régulières ? Est-ce que nous ne faisons que de lui demander des choses pour notre satisfaction personnelle … et est-ce que nous le remercions quand il le faut ? Est-ce que nous l’entendons quand il nous parle par différents canaux : méditations, personnes, événements, livres … et surtout est-ce que nous mettons en pratique ce qu’il nous dit ?

Parce que c’est là que va intervenir Satan pour nous faire dévier du ’droit chemin’, le chemin qui nous est indiqué par Jésus, le chemin qui mène au ciel !

Et c’est là aussi que va intervenir l’Esprit Saint pour nous aider dans nos choix, pour nous apprendre la clairvoyance !

Et ces obstacles déposés sur le ’droit chemin’ sont nombreux. On en trouve plusieurs dans l’évangile : … je ne peux pas, je me marie … j’ai acheté des bœufs … je dois enterrer mon père … l’argent … le pouvoir … l’injustice … l’autosatisfaction : je ne suis pas comme …

Nous trouvons toujours des excuses pour ne pas écouter Dieu.

Tout comme Pierre, nous devons lutter contre le Démon qui veut nous écarter de Dieu. Et c’est possible. Car Pierre, malgré son reniement, aimait Jésus. Et c’est sur cette question-là que Jésus va lui confier l’Église à venir : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ?  … Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime … Sois le berger de mes brebis. » (Jn 21,17).

Et il y en a d’autres qui, comme Pierre, ont montré beaucoup d’amour dans une dimension de foi. Ce sont ceux qu’on appelle les saints … et ils sont nombreux …

Il y a ceux qui sont sur le calendrier. On connaît leur nom, ce qu’ils ont fait …

Mais il y en a encore bien plus dont on ne sait rien, comme le dit le chant : « Ils sont nombreux les bienheureux qui n’ont jamais fait parler d’eux et qui n’ont pas laissé d’image… Tous ceux qui ont, depuis des âges, aimé sans cesse et de leur mieux autant leurs frères que leur Dieu… » (W 72)

Ce sont tous ceux que le pape François appelle « Les saints de la porte d’à côté » (GE 7), ceux qu’il nous donne comme modèle pour que nous devenions comme eux …

Et nous pouvons le faire !

Mais pour cela, il nous faut beaucoup d’humilité pour devenir instruments entre les mains de Dieu, comme le dit le père Pierre Leplay : « Entre tes mains, Seigneur, comme mon stylo entre mes mains ».

Seigneur Jésus,

quelle leçon tu donnes à Saint Pierre !

Il donne une très bonne réponse à ta question,

mais tu ne veux pas

qu’il se croit supérieur aux autres,

tu veux lui apprendre l’humilité.

Et ce n’est pas toujours facile à accepter.

nous en savons quelque chose

nous qui voulons toujours paraître.

Apprends-nous à devenir humble

comme toi-même l’a toujours été !

 

Francis Cousin

 

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Prière dim ordinaire A 21°




20ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 15, 21-28) – P. Rodolphe EMARD

Frères et sœurs, les quatre lectures de ce vingtième dimanche du Temps Ordinaire insistent sur le Salut de Dieu qui est universel.

Le Psaume 66 proclame que le Salut est pour toutes les nations. Saint Paul dans sa lettre aux Romains rappelle que la miséricorde de Dieu est pour tous, à la fois pour Israël et les nations païennes.

Dans le livre d’Isaïe, l’universalité est également bien mise en évidence. Les « étrangers » qui professent leur foi dans le Dieu d’Israël et qui s’attachent fidèlement à son Alliance, sont accueillis dans la maison du Seigneur : « Ma maison s’appellera « « Maison de prière pour tous les peuples. » »

Le Salut que Jésus est venu apporter est pour tous les hommes. L’amour et la miséricorde de Dieu ont une portée universelle. Une telle révélation ne va pas de soi, ni hier, ni aujourd’hui. On le voit déjà dans l’Évangile : l’accueil de l’étranger n’est pas automatique.

L’autre « différent », peut être perçu comme un rival, comme quelqu’un qui vient occuper ce qui nous appartient de droit. L’autre « différent » peut déranger et on peut même s’en méfier par peur qu’il nous détruise. Cette perception amène à s’écarter, à se protéger, à se mettre à l’écart de cet autre « différent ».

C’est un peu l’attitude des disciples dans l’Évangile vis-à-vis de la femme cananéenne. Ses cris sont insupportables à tel point que les disciples demandent à Jésus de la renvoyer : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »

L’attitude de Jésus est également déconcertante. Il est le Sauveur universel mais alors pourquoi une réaction aussi vive vis-à-vis de cette femme qui souhaite seulement la guérison de sa fille ? « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! »

N’y voyons pas un mépris du Christ par cette expression les « petits chiens ». Jésus reprend une connotation négative de son époque envers les païens. Ils étaient traités de « petits chiens » par les Juifs qui refusaient de les fréquenter.

Le plus important dans notre récit, et c’est assez rare pour le relever, n’est pas l’expression que reprend Jésus mais la réaction de cette femme. Elle répond du tac au tac à Jésus, elle le prend au mot : Moi ? Un petit chien ? D’accord si c’est pour avoir droit de ramasser les miettes ! « Seigneur, viens à mon secours ! »

Quelle audace ! Quelle liberté ! Et quelle confiance ! Cette femme accepte tout, pourvu qu’elle puisse recevoir ne serait-ce que des miettes de Jésus. Celui-ci fera l’éloge de sa foi : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »

L’attitude de la Cananéenne nous questionne sur deux points :

  • Où en en sommes-nous dans notre propre foi au Christ ? Quelle est plus précisément la qualité de notre foi ? Désirons-nous ne serait-ce que des miettes de ce que le Christ nous donne ?

La foi de cette femme a de quoi nous interpeller et nous réveiller. N’oublions pas que le Christ se donne entièrement dans sa Parole et dans ses sacrements que nous négligeons parfois…

  • L’actualité internationale nous montre des défis considérables que les peuples ont à relever pour des meilleures relations entre eux. Nous pouvons relever un paradoxe : d’un côté, nous remarquons une augmentation des échanges, une abolition des distances entre les nations ; de l’autre, nous assistons à des tensions, à des conflits souvent causés par des enjeux économiques et commerciaux. Et cela toujours au détriment des plus pauvres…

Le pape François dans son encyclique Laudato Si’ nous invite à la construction d’une « civilisation de l’amour ». Comment prenons-nous part à cette construction ? Nous sommes concrètement interrogés sur le regard que nous portons sur l’étranger, l’autrement croyant, les autres cultures.

La tentation du repli sur soi ou de vouloir rester entre soi, dans nos cercles intimes (avec des personnes qui nous correspondent)… est encore bien actuelle. Il ne s’agit pas de devenir naïf mais d’oser poser un regard plus bienveillant sur l’étranger et de toujours lutter contre toute forme de racisme indigne d’un chrétien.

Pour conclure frères et sœurs, si nous devons retenir un point majeur de l’Évangile, c’est que le Christ est l’unique Sauveur du monde. Ce qui est premier, ce n’est pas la pratique de tel ou tel rite ou l’appartenance à telle ou telle communauté, mais bien la foi au Christ.

Demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie d’augmenter en nous la foi et avec les mots de la cananéenne, implorons son secours : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! » Amen.

Père Rodolphe Emard.




Solennité de l’Assomption de la Vierge Marie – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 15 Août 2020 – Assomption

Ne confondons pas l’Ascension et l’Assomption.  L’Ascension a lieu quarante jours après Pâques, et c’est Jésus-Christ qui monte au Ciel. A l’Assomption, c’est Marie qui monte vers le Ciel. CEC 966  » …la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel ». Aujourd’hui, nous allons essayer tout simplement de mieux connaître Marie. Certains chrétiens pensent encore que Marie, parce qu’elle est la Mère de Jésus, tient la première place devant Jésus, eh bien ! non, c’est Jésus qui est toujours le personnage central pour tous les chrétiens et pour le salut du monde. C’est grâce à Jésus que Marie est née sans péché originel. Jésus qui est sans péché ne pouvait pas naître d’une femme qui aurait été victime du péché originel, car le péché originel se transmet de génération en génération et Jésus n’a pas de péché. Il fallait donc bien une femme qui soit immaculée de tout péché pour être la Mère de Jésus.  Marie est celle qui est « comblée de grâces », et si elle est « comblée de grâces », en elle il n’y a que des grâces divines depuis sa conception, et donc pas de place pour le péché originel. – A l’incarnation, Dieu le Père aurait pu envoyer son Fils directement sur terre à l’âge d’homme – Il en a les capacités – mais nous dit Saint Augustin : « Le monde étant indigne de recevoir le Fils de Dieu directement des mains du Père, il l’a donné à Marie afin que le monde le reçut par elle ». Le Fils est donc venu sur terre par Marie et c’est certainement le meilleur chemin qu’il a choisi pour venir à nous. [Grignion de Monfort – « Traité de la Vraie dévotion à la Sainte Vierge » – §39] Si Dieu a eu besoin de Marie pour venir sur terre – un besoin hypothétique –  Marie est encore plus nécessaire aux hommes pour aller à Dieu.

Certains chrétiens ont un doute quant à savoir s’il faut prier Jésus ou s’il faut prier Marie. Lorsqu’ils entrent dans une église, certains s’agenouillent directement dans l’allée principale, face au Tabernacle, d’autres vont directement devant Marie. Et de nombreuses personnes pensent qu’il est plus logique de s’agenouiller devant Jésus d’abord, quitte à aller ensuite devant Marie. En fait, notre ignorance de Marie nous joue des tours. Voici que ce nous dit Saint Louis-Marie Grignion de Monfort (que je traduis dans un langage plus adapté à notre époque): « 63. …la plupart des chrétiens, même des plus savants, ne connaissent pas le lien qui existe entre Jésus et Marie. 64. Il est étonnant et pitoyable de voir l’ignorance … de tous les hommes d’ici-bas à l’égard de Marie. Je ne parle pas tant des idolâtres et païens, ni même des hérétiques et des schismatiques, mais je parle des chrétiens catholiques, et même des docteurs parmi les catholiques, qui faisant profession d’enseigner aux autres les vérités, ne connaissent pas Marie, si ce n’est d’une manière spéculative, sèche, stérile et indifférente. Ces messieurs ne parlent que rarement de Marie et de la dévotion qu’on lui doit avoir parce qu’ils craignent, disent-ils, qu’on en abuse, qu’on fasse injure au Christ en honorant trop notre sainte Mère. S’ils voient ou entendent quelque dévot à la Sainte Vierge parler souvent de la dévotion à cette bonne Mère, d’une manière tendre, forte et persuasive, comme d’un moyen assuré sans illusion, d’un chemin court sans danger, d’une voie immaculée sans imperfections, et d’un secret merveilleux pour trouver et aimer parfaitement notre Seigneur le Christ, ils se récrient contre lui, et lui donnent mille fausses raisons pour lui prouver qu’il ne faut pas tant parler de la Sainte Vierge, qu’il y a beaucoup d’abus en cette dévotion, et qu’il faut s’appliquer à les détruire, et à parler de Jésus-Christ plutôt qu’à porter les peuples à la dévotion à la Sainte Vierge.

On les entend parfois parler de la dévotion à notre Sainte Mère, non pas pour la mettre en place, mais pour en détruire les abus qu’on en fait, … regardant le Rosaire, le Scapulaire, le Chapelet, comme des dévotions de femmelettes, propres aux ignorants, sans lesquels on peut se sauver; et s’il tombe en leurs mains quelque dévôt à la Sainte Vierge (c’est-à-dire un fervent de la Sainte Vierge), qui récite son chapelet ou ait quelque autre pratique de dévotion envers elle, ils lui changeront bientôt l’esprit et le cœur: au lieu du chapelet, ils lui conseilleront de dire les sept psaumes de la pénitence; au lieu de la dévotion à la Sainte Vierge, ils lui conseilleront la dévotion à Jésus-Christ. Ces gens-là n’ont pas l’esprit du Christ et ne font pas plaisir au Christ non plus. Ce n’est pas plaire au Christ que de ne pas faire tous ses efforts pour plaire à Marie… La dévotion à notre Sainte Mère n’empêche pas la dévotion au Christ. Marie ne s’attribue pas l’honneur qu’on lui rend. Elle ne fait pas bande à part.  Ce n’est pas se séparer ou s’éloigner de l’amour du Christ que de se donner à Marie et de l’aimer. 75…

La Sainte Vierge est le moyen dont le Seigneur s’est servi pour venir à nous ; c’est aussi le moyen dont nous devons nous servir pour aller à Lui, car elle n’est pas comme les autres créatures, auxquelles si nous nous attachions, elles pourraient plutôt nous éloigner de Dieu que de nous en approcher ; mais la plus forte inclination de Marie est de nous unir à Jésus-Christ, son Fils, et la plus forte inclination du Fils est qu’on vienne à Lui par sa Sainte Mère. C’est Lui faire honneur et plaisir que devenir à Lui en passant d’abord par sa Sainte Mère. 19…Jésus a commencé ses miracles par Marie. C’est par la parole de Marie que Jésus a sanctifié Saint Jean dans le ventre de sa mère Elisabeth : aussitôt qu’elle eût parlé, Jean fut sanctifié, et c’est son premier et plus grand miracle de grâce. Aux noces de Cana, Jésus changea l’eau en vin sur l’humble prière de Marie. Et jusqu’à la fin des temps, Jésus continuera de faire de nombreux miracles par Marie. 23…Dieu le Père a fait de Marie un assemblage de toutes ses grâces ; en Marie se trouve tout ce qu’il y a de plus beau, d’éclatant, de rare, de précieux tel que son Fils 24…Dieu le Fils a communiqué à sa Mère tout ce qu’Il a acquis par sa vie et sa mort, ses mérites infinis et ses vertus admirables, et Il l’a faite Trésorière de tout ce que son Père lui a donné en héritage ; c’est par elle qu’il communique ses vertus et distribue ses grâces à ses membres. 25 Dieu le Saint Esprit a communiqué à Marie ses dons ineffables, intraduisibles en termes claires et l’a choisie pour être la dispensatrice de tout ce qu’il possède : en sorte qu’elle distribue à qui elle veut, autant qu’elle veut, comme elle veut et quand elle veut, tous ses dons et ses grâces, et tous les dons célestes donnés aux hommes passent par les mains de Marie. Si le Christ a tous les pouvoirs divins par nature, Marie les a aussi par grâce de Dieu, par don de Dieu : Marie est reine du ciel et de la terre par grâce comme Jésus en est le roi par nature. 27 Bien que Marie soit infiniment au-dessous de son Fils, ce dernier qui est à la droite du Père est toujours le Fils de Marie, et par conséquent, il a conservé la soumission et l’obéissance du plus parfait de tous les enfants à l’égard de la meilleure de toutes les mères. Un seul mot de Marie à son Fils, en faveur de quelqu’un, et son Fils l’exaucera. Marie ne commande pas son Fils comme une mère le fait ici sur terre, car étant comblée de grâce et d’amour, elle ne veut, ni ne fait rien qui soit contraire à l’éternelle et immuable volonté de Dieu.

Aimez Marie et elle vous conduira au Ciel avec son Fils. – Dieu veut pour nous la sainteté, mais pour cela nous avons besoin des grâces divines, car personne ne peut y arriver seul. Les moyens de salut et de sainteté sont connus de tous, écrits dans l’Evangile, expliqués par les maîtres de la vie spirituelle, pratiqués par les saints et nécessaires à tous ceux qui veulent être sauvés et arriver à la perfection. Ces moyens sont : l’humilité de cœur, l’oraison continuelle (c’est-à-dire prière continuelle), la mortification universelle (c’est-à-dire se détacher de tout ce qui n’est pas Dieu), l’abandon à la Providence divine et agir en faisant la volonté de Dieu. Et là, la grâce et le secours de Dieu sont absolument nécessaires. Saint-Louis Marie Grignion de Monfort nous dit que pour avoir les grâces divines, il faut passer par Marie parce qu’elle est la seule à trouver grâce aux yeux de Dieu, elle qui a donné naissance au Fils de Dieu, lui-même étant l’Auteur de toutes les grâces. Dieu le Père lui a donné toutes les grâces et l’a choisie pour en être la trésorière, l’économe et la dispensatrice et tous les dons passent par ses mains qu’elle donne à qui elle veut, comme elle veut, quand elle veut et autant qu’elle veut, les grâces du Père Eternel, les vertus de Jésus-Christ et les dons du Saint-Esprit. Mais tous ces trésors offerts par Dieu aux chrétiens désireux de suivre le Christ, chrétiens si fragiles, si faibles, si inconstants, bousculés par toutes sortes de tentations, submergés de problèmes divers, ces trésors, nous risquons de les perdre très vite. En effet, les esprits du mal, les démons, qui sont de fins larrons, des malfaiteurs, veulent toujours nous surprendre à l’improviste pour nous les voler et dévaliser. Ils épient nuit et jour le moment favorable pour nous enlever, en une seconde, par un péché, tout ce que nous avons pu gagner de grâces, de vertus et de dons en plusieurs années.  Et personne n’est exclue : même les personnes les plus riches en vertus, les plus fondées en expérience, les plus élevées en sainteté que nous, ont été surprises, volées et pillées. Et nous pouvons tout perdre parce que nous manquons d’humilité, nous nous croyons assez forts de notre suffisance, nous nous croyons capables de garder personnellement nos trésors, nous ne comptons que sur nous-mêmes. C’est pour cela que nous devons placer nos trésors en lieu sûr et ce lieu sûr, imprenable par les esprits malfaisants, c’est Marie elle-même, chargée d’écraser la tête de l’Esprit du Mal. Il faut tout mettre entre les mains de Marie : nos biens, nos familles, notre corps, notre cœur, notre âme, notre esprit, les grâces, les vertus, les dons reçus, tout dans les mains de Marie. Elle est la gardienne de tout ce que nous avons de précieux. Elle pourra nous les remettre selon nos besoins du moment, tout comme la banque qui nous remet notre propre argent quand nous en avons besoin.  Marie ne va pas se contenter de nous les garder, elle pourra même les faire fructifier pour nous. En effet, entre ses mains, Marie va nous transformer, elle va prendre soin de chacun de nous, elle va nous décrasser, enlever tout ce qui est boueux dans notre cœur, âme et esprit, nous parfumer de vertus, de grâces et de dons divers, elle va nous mettre en valeur pour que nous soyons véritablement « relookés » – pour employer un terme à la mode – et nous présenter enfin…à son Fils bien-aimé Jésus-Christ pour un bonheur éternel. Tout ce qui vient d’être dit ici, n’est qu’une toute petite partie de ce qu’est Marie. Après Dieu, c’est Marie.

Fréquentez Marie tous les jours, elle vous transformera, elle vous protégera. Si vous avez de l’inquiétude, de l’angoisse, ou le stress, plongez-vous en Marie, Mère de Dieu, en disant simplement trois « je vous salue Marie » bien lentement, et votre inquiétude ou votre angoisse aura disparu avant même d’avoir terminé le premier « je vous salue Marie ». Faites l’expérience et vous jugerez par vous-même. A chaque inquiétude, à chaque angoisse, à chaque tentation, trois « je vous salue Marie ». Car derrière cette inquiétude, derrière cette angoisse, derrière ce stress, nous laisse entendre Padre Pio, il y un esprit du mal qui prendra vite le large. Il n’aime pas Marie. Cette prière est une très grande prière. Dites cette prière très souvent surtout au moment des tentations, et aussi le chapelet ou encore le Rosaire. Merci, Seigneur, de nous avoir donné Marie pour Mère. Rappelons simplement, pour terminer, que Jean Paul II disait de Grignion de Monfort que « la substance des vérités théologiques contenues dans le traité de cet auteur de classe…est incontestable ».




20ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 15, 21-28) – Francis COUSIN)

« Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! »

 Cette phrase de l’évangile de ce jour nous fait immédiatement penser à un autre passage où la même phrase est dite par l’aveugle Bartimée à la sortie de Jéricho. Mais les lieux et les circonstances sont différentes.

Bartimée est un aveugle, mendiant, et dans la mentalité de l’époque, c’est à cause de son péché qu’il est aveugle, donc impur. C’est un juif, et quand Jésus passe sur le chemin, il l’appelle Jésus de son titre messianique ’’fils de David’’ ; la foule (dont les apôtres) veut le faire taire, mais il crie de plus belle, alors Jésus l’appelle puis lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10,51), puis le guérit : « Ta foi t’as sauvé ».

Dans le passage de ce jour, Jésus se trouve dans la région de Tyr et de Sidon, en territoire non-juif. La femme est une cananéenne habitant la région, non juive, donc païenne. C’est elle qui vient à la rencontre de Jésus, sans doute parce qu’elle avait entendu parler de lui comme quelqu’un qui guérit ; c’est elle qui fait la démarche de quitter sa région, et d’apostropher Jésus de son titre messianique, elle qui est non-juive, et elle annonce d’emblée la couleur : « Ma fille est tourmentée par un démon. ». Ce n’est pas pour être guérie elle-même, mais pour sa fille.

Comment une non-juive peut-elle appeler Jésus par ses deux titres : Seigneur, qui est un signe de respect en même temps que d’humilité, et Fils de David, qui n’est même pas utilisé par les apôtres ? Sans doute cette personne était en recherche spirituelle …

Ici, ce n’est pas la foule, mais les apôtres qui interviennent, non pas directement avec la femme, mais auprès de Jésus : « Renvoie-la ! ». Ils veulent être bien avec le ’’maître’’, et n’aiment pas qu’on l’importune, mais ils ne veulent pas parler à une païenne, une impure, de peur de devenir ainsi impurs eux-mêmes. Alors ils se défaussent sur Jésus dont ils savent qu’il parle à tout le monde.

Mais la réponse de Jésus est sans équivoque : « Je suis juif, je suis venu uniquement pour les juifs ! »

Mais comme Bartimée, elle insiste, arrivée auprès de Jésus : « Seigneur, viens à mon secours ! »

La réponse de Jésus est surprenante. Sans doute était-il agacé par les cris, l’attitude de rejet des apôtres, et en même temps son désir de venir au secours des autres, et peut-être des interrogations sur l’étendue de sa mission. Toujours est-il que sa réponse est humiliante pour la femme : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » et l’adjectif petits vient renforcer cette humiliation.

On ne voit nulle part dans les évangiles d’autres paroles de Jésus aussi vexantes, voire racistes et haineuses que celles-là ! Pour nous, chrétiens du XXI° siècle, on le prendrait pour une insulte, et nul doute que cela ferait le ‘buzz’ sur les réseaux dits sociaux !

Il n’en est rien pour la femme qui commence par dire : « Oui, Seigneur, tu as raison » mais elle profite de la phrase de Jésus pour rebondir « mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

Elle accepte d’être mise en dessous des autres, sous la table des juifs, pour y grappiller les miettes des dons de Jésus.

Par sa réplique opportune, elle bouleverse le cœur de Jésus, et elle obtient sa miséricorde … Et peut-être a-t-elle ouvert les yeux de Jésus à l’universalité du salut pour toutes les nations …

On peut en être surpris, car Jésus ne pouvait pas ignorer les textes de l’ancien testament qui ouvraient le salut au monde entier, notamment : « Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom … et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s’appellera ’’Maison de prière pour tous les peuples’’. » (première lecture). Le psaume aussi le dit : « Que Dieu nous bénisse, et que la terre toute entière l’adore ! », c’est-à-dire croit en lui, le bénisse et lui rende grâce … et finalement soit sauvée au même titre que les juifs … mais en se convertissant au judaïsme.

Cependant la guérison de la fille de la cananéenne n’avait pas fait évoluer la pensée des juifs, et il faudra attendre le concile de Jérusalem pour que soit actée la non-obligation des rites juifs pour les païens convertis au christianisme (cf Ac 15,5-29).

Que retenir pour nous ? Deux choses :

 – Nous obtiendrons la miséricorde de Dieu à la fin des temps si nous acceptons de nous considérer comme des ’’petits chiens’’, des serviteurs inutiles, qui par humilité (et non par humiliation) se reconnaissent petits devant Dieu. Il ne faut pas en rester au bon coup que la femme cananéenne a joué à Jésus, mais en prendre acte pour notre propre façon de vivre, en n‘oubliant pas ce que disait Jésus : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. » (Mt 20,26-27)

– Le miracle obtenu vient de la foi de la femme, montrée après le refus de Jésus. Il ne faut jamais se décourager si Dieu ne réalise pas ou semble retarder la réalisation de nos désirs ou demandes, si ils ont un intérêt véritable pour l’Église. « Moi, je vous dis : Demandez et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. » (Lc 11,9)

Seigneur Jésus,

quelle belle leçon nous donne cette femme !

Fallait-il qu’elle aime sa fille pour accepter

l’humiliation de la réponse de Jésus !

Mais elle a transformé l’humiliation en humilité,

et obtenu gain de cause.

Donne-nous la force

de réagir comme elle l’a fait.

 

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le titre ci-après:

Prière dim ordinaire A 20°




20ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du dimanche 16 Août 2020 –  20e dimanche ordinaire (A).

Isaïe 56 1, 6–7 ; Romains 11 13–15, 29–32 ; Matthieu 15 21–28

Suite à un débat avec les Pharisiens sur « le pur et l’impur », Jésus se retire dans la région de Tyr et Sidon, pays de païens, considérés comme des impurs par les pharisiens et les scribes. Et voilà qu’une femme s’approche de Jésus. Alors que Marc nous parle d’une syro-phénicienne, donc une étrangère, Matthieu nous parle d’une « cananéenne », et c’est intentionnel de la part de Matthieu.  Claude Tassin nous dit que « si le Judaïsme accueillait des païens convertis que l’on appelait « prosélytes », certains peuples ne pouvaient pas être admis comme prosélytes (païens convertis au judaïsme) parce que des sentiments d’antipathie, d’hostilité et de haine des ancêtres (de l’Ancien Testament) rendaient leur intégration impossible et les Cananéens faisaient partie de ces peuples à jamais exclus ». A propos de ces nations païennes, et donc des Cananéens, voici ce que nous dit Deutéronome 7,2-4 : « 2 Tu ne concluras pas d’alliance avec elles, tu ne leur feras pas grâce. 3 Tu ne contracteras pas de mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, ni ne prendras leur fille pour ton fils. 4 Car ton fils serait détourné de me suivre; il servirait d’autres dieux; et la colère de Yahvé s’enflammerait contre vous et il t’exterminerait promptement ». Et Dt 20,17-18 ajoute : « 17 … tu les dévoueras à l’anathème (c’est-à-dire « tu vas les livrer à la condamnation, à la réprobation, à la malédiction »)…ces Cananéens…ainsi que te l’a commandé Yahvé ton Dieu, 18 afin qu’ils ne vous apprennent pas à pratiquer toutes ces abominations qu’ils pratiquent envers leurs dieux (= des idoles) : vous pécheriez contre Yahvé votre Dieu! ». Ainsi les Cananéens sont tenus éloignés du peuple de Dieu parce qu’ils adorent des idoles. Sur le plan religieux, Canaan est l’ennemi d’Israël. Aujourd’hui, dans le nouvel Israël qu’est l’Eglise, il est donc impossible d’adorer à la fois le Dieu que Jésus-Christ nous enseigne et des idoles, c’est-à-dire d’autres dieux que la sainte Trinité – Père, Fils et Saint Esprit-, interdit de pratiquer en même temps deux religions, interdit d’aller à la fois à l’Eglise et au Temple. Si certains pensent tromper les responsables des paroisses, ils ne pourront jamais tromper notre Dieu qui connaît tous leurs secrets. – La Cananéenne, bien que païenne, a déjà entendu parler de Jésus car la réputation de ce dernier a franchi les frontières.

Elle crie à Jésus : « ayez pitié de moi, Fils de David ». Cette expression est une prière, c’est notre « Kyrie eleison » et reconnaître en Jésus-Christ le Fils de David, c’est reconnaître Jésus-Christ comme étant le Messie, l’envoyé de Dieu pour le salut du monde. Jésus vient de rencontrer une païenne qui a une véritable foi alors que lui-même venait d’avoir une controverse avec des Pharisiens et les scribes, des chefs religieux, qui mettaient en doute l’attitude de Jésus sur le pur et l’impur. Et nous nous trouvons devant un paradoxe étonnant : d’un côté, une païenne qui a la foi en Jésus-Christ et de l’autre, des responsables religieux, des guides religieux, qui manquent de foi en Jésus. Jésus ne répond rien à la Cananéenne lorsque celle-ci lui dit « ma fille est malmenée par un démon ». Le démon est l’ennemi de Dieu et Jésus n’intervient pas. C’est le problème que se posent les chrétiens : pourquoi Jésus ne répond à nos prières de demande ? Pourquoi n’exauce-t-il pas nos prières ? Pourquoi ne réagit-il pas devant tous ces malheurs qui existent dans le monde ? Pour aller au plus simple, il suffit de lire le livre de Job. Job est un fidèle de Dieu. Et Satan vient voir Dieu pour lui dire que Job lui est fidèle parce qu’en ce moment tout va bien pour lui : il a une belle famille, il est riche, il a une ferme et des animaux, il a une bonne santé, il a tout pour être heureux. Mais si Job voyait mourir ses enfants, sa femme, s’il voyait tous ses biens partir en fumée et qu’il s’appauvrisse, et surtout si sa propre santé allait au plus mal, est-ce que Job aurait encore la foi en Dieu ? Et Dieu permet à Satan d’agir dans la vie de Job, à la seule condition de ne pas le faire mourir. Et Job résiste à tout : il perd sa famille, tous ses biens, il est gravement malade, il a tout perdu. Mais il garde sa foi en Dieu. Et là, Dieu lui redonne tout. Comme quoi, Dieu tient compte de notre foi. Si notre foi tient bon, envers et contre tout, alors Dieu exaucera nos prières. Toutes nos prières sont entendues par le Christ et il ne les oublie jamais. Le problème vient souvent de ce que nous mettons un délai à Jésus pour exaucer nos prières et si nous voyons que dans un mois, trois mois, un an ou deux, nos prières ne sont toujours pas exaucées, alors nous nous décourageons et parfois nous abandonnons nos prières. Dieu met souvent notre foi à l’épreuve et il faut continuer à croire en Jésus Christ. Il nous entend, et s’il n’exauce pas telle ou telle de nos prières, c’est souvent parce qu’il nous propose quelque chose meilleur que ce que nous avons demandé. Et dans ce cas, pas de regret que le Christ n’ait pas exaucé telle ou telle de nos prières tel que nous l’aurions souhaité. Il le fera en temps voulu par lui et de la meilleure manière qui soit.

Voici que dit Saint-Louis Marie Grignion de Monfort dans « L’Amour de la Sagesse Eternelle » [§188] : « Il ne faut pas faire comme la plupart des personnes qui demandent à Dieu quelque grâce. Quand ils ont prié pendant quelque temps considérable, comme des années entières, et ne voient pas que Dieu exauce leurs prières, ils se découragent et ils cessent de prier, croyant que Dieu ne veut pas les exaucer; et par là ils perdent le fruit de leurs prières et ils font injure à Dieu, qui n’aime qu’à donner, et qui exauce toujours les prières bien faites, soit d’une manière, soit de l’autre. Quiconque donc veut obtenir la Sagesse (Dieu) doit la demander jour et nuit, sans se lasser et sans se rebuter. Bienheureux mille fois sera-t-il, s’il l’obtient après dix, vingt, trente années de prières, et même une heure avant [de] mourir. Et, s’il la reçoit après avoir passé toute sa vie à la rechercher et à la demander et à la mériter par toutes sortes de travaux et de croix, qu’il soit bien persuadé qu’on ne la lui donne pas par justice, comme une récompense, mais par pure miséricorde, comme une aumône.

Devant le silence de Jésus face aux cris de la Cananéenne, les disciples, agacés par ces cris, interviennent auprès de Jésus pour lui dire en quelque sorte de satisfaire à la demande de la Cananéenne, et donc de guérir sa fille afin qu’elle arrête de crier. Ce à quoi, Jésus répond : « je n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël ». C’est une manière de dire qu’il ne guérira pas la fille de la Cananéenne qui ne fait pas partie du peuple de Dieu et Jésus n’est là que pour sauver le peuple choisi de Dieu.

Envoyé par son Père, Jésus ne veut faire que la volonté de son Père. Ce sont ses disciples qui seront ensuite envoyés dans le monde entier (Mt 28,19). Mais la Cananéenne revient à la charge et se prosterne devant Jésus. Le geste de prosternation est un geste d’adoration et cela signifie qu’elle reconnaît Jésus comme Dieu avec toutes les conséquences qui en découlent : n’adorer qu’un seul et unique Dieu, abandon des idoles, se mettre à la suite du Christ, aimer son prochain etc…Il s’agit d’une véritable conversion de la Cananéenne. Le Pape François (dans son livre « Amour, Service et Humilité » – P.78) nous dit : « Si nous avons déjà choisi un état de vie, réformons-le pour le meilleur. La question est en quel état de vie, ou par quelle réforme de mon état de vie, mon cœur reviendra-t-il davantage « ami de Jésus », sera-t-il plus semblable à Lui, plus pauvre, plus humble et plus serviable? Dans quel état de vie, ou par quelle réforme dans mon état de vie, l’amour de Jésus prendra-t-il définitivement racine en moi? » Et dans son autre livre (« Les tâches de la famille chrétienne » – P.17), il ajoute : « Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin…en une dynamique qui va peu à peu de l’avant, grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour … dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme. C’est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire » – il faut donc se former sur le mystère du Christ et de l’Eglise pour être capable d’intégrer les dons de Dieu et connaître les exigences de son amour dans notre vie personnelle et sociale, et les formations SEDIFOP sont bon moyen de se former – « pour que les fidèles, les familles …à partir de ce qu’ils ont déjà reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie ».

N’hésitez pas à vous faire inscrire au SEDIFOP si vous désirez mieux comprendre votre religion et pouvoir avancer. C’est Saint Augustin qui dit : « Il faut comprendre pour croire et croire pour comprendre ». La Cananéenne s’étant prosternée devant Jésus lui crie, presque de désespoir: « Seigneur, viens à mon secours ». Cela aussi est une prière chrétienne, et sans doute chacun de nous l’a crié aussi au Christ, tout comme le « ayez pitié de nous ». Une païenne qui dit des prières chrétiennes et qui croit en Jésus-Christ. La réponse de Jésus nous semble dur à entendre : « Il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens », autrement dit « Jésus doit s’employer au salut des Juifs, « enfants » de Dieu et des promesses, avant de s’occuper des païens, qui n’étaient, aux yeux des Juifs de l’époque, que des « chiens ». Mais c’est sans doute aussi une épreuve donnée à la Cananéenne comme Dieu en a fait à Job ou encore à Abraham dans le sacrifice d’Isaac, son fils unique. Et la Cananéenne va jusqu’au bout de sa foi, elle ne fait pas semblant : « Oui, Seigneur! dit-elle, et justement les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Non seulement elle appelle Jésus « Seigneur » pour la troisième fois, après l’avoir reconnu comme « Fils de David », ce qui signifie qu’elle le reconnaît comme le vrai Dieu, mais encore elle confesse sa soumission à l’histoire sainte qui effectivement fait du peuple d’Israël, le peuple choisi de Dieu. L’expression « petits chiens » employée par Jésus, au lieu de « chiens » employé par les Juifs, montre la délicatesse et la douceur avec laquelle Jésus traite les païens. Et Jésus, après avoir mis à l’épreuve la foi exemplaire de la païenne explose de joie : « Ô femme, grande est ta foi! ». La foi est un mouvement de confiance et d’abandon par lequel l’homme ou la femme renonce à compter sur ses propres pensées et sur ses propres forces, pour s’en remettre à la parole et à la puissance de Jésus. Devant une telle foi, Jésus ne peut rester insensible et il agit immédiatement : « Qu’il t’advienne selon ton désir!  Et de ce moment sa fille fut guérie ». La foi sauve, elle sauve même les païens qui croient en Jésus et qui vont cheminer vers Jésus. La Cananéenne est un exemple de foi pour les disciples de Jésus qui découvrent par la même occasion que n’importe qui, sans exception aucune, peut être sauvé. C’est pourquoi, à notre tour, nous devons comprendre que le racisme n’a pas sa place chez le chrétien : Juifs, Musulmans, Blancs ou Noirs, (Malabars et Chinois aussi !), tous peuvent être sauvés par le Christ, de même que tous les criminels du monde, eux aussi à l’exemple du bon larron sur la croix, peuvent être sauvés. Que Marie nous aide à nous unir à l’Amour qu’est le Christ, qu’elle nous aide à aimer le monde, sans exception et à ne rejeter personne.




19ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 14, 22-33) – Francis COUSIN)

« N’ayez pas peur, c’est moi ! »

 

« Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins – oracle du Seigneur. » (Is 55,8).

Tout au long du passage de l’évangile de ce jour, cette phrase sera en arrière-fond de l’incompréhension entre les apôtres et Jésus.

Au début, tout allait bien. Les apôtres avaient distribué les pains et les poissons, et il en était resté. Tout le monde était content et satisfait, la foule, les apôtres et Jésus ; mais pas pour les mêmes raisons. La foule parce qu’elle était repue par l’enseignement de Jésus et par le repas, les apôtres parce qu’ils étaient fiers d’avoir participé activement au miracle de Jésus, et Jésus parce qu’il avait pu montrer son amour pour les petits.

C’est après que cela se gâte : la foule veut le faire roi d’Israël. Les apôtres sont contents, ils se voient déjà ministres ou avec des responsabilités. C’est la liesse !

Mais ce n’est pas ce que Jésus veut ! Il envoie, ou plutôt il « obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. »

La tête des apôtres ! D’un seul coup, les rêves disparaissent, ils se sentent trahis, ou au moins incompris. Ils auraient bien voulu saluer les gens à qui ils avaient donné du pain, histoire de montrer que c’est un peu grâce à eux qu’ils avaient eu à manger, de faire un peu les bravaches ! … Ils obéissent, mais ils l’ont mauvaise : c’est le crépuscule, l’arrivée des ténèbres, et partir sur la mer de Galilée, dans le royaume du mal, du démon, de la mort … et la nuit … C’est pas vraiment la joie !

Quant à Jésus, il renvoie la foule, tout seul, puis il monte sur la montagne, pour prier, se mettre en relation avec son Père, seul en sa présence. Moment de paix pour lui. Moment d’amour partagé, dans une immense confiance …

Toute la nuit s’écoule : Jésus dans la prière, les apôtres dans la barque, … et dans la tempête qui a levé. Le vent est contraire, ils ont dû affaler la voile, prendre les rames … Ils doivent en vouloir à Jésus de les avoir mis dans cette situation. La confiance disparaît … ils n’avancent pas, … et peu à peu, la peur s’installe en eux …

Vers la fin de la nuit, quand le jour commence à poindre, Jésus, soleil levant, se dirige vers eux, mais en marchant sur la mer agitée. Quand il approche de la barque, entre deux vagues, entouré de gouttelettes d’eau, les apôtres sont tellement fatigués et apeurés qu’ils crient, ils pensent voir un fantôme. C’est la panique totale …

Ils ne l’ont pas reconnu ! Et pourtant il était dans leurs pensées. Et même sans doute sentaient-ils le besoin de sa présence, de manière confuse … Mais c’était tellement irrationnel qu’ils ne pouvaient pas le reconnaître …

Alors Jésus leur dit : « Confiance, c’est moi ( εγω ειμι, Je suis ), n’ayez plus peur. »

Pierre regarde Jésus : « Ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. ». Jésus le fit, et Pierre, continuant de regarder Jésus, descendit de la barque et alla vers lui … jusqu’à ce qu’il se rendit compte de l’irrationalité de ce qu’il faisait : il quitta le regard de Jésus … Il se regarda lui-même, ses pieds, l’eau, le vent … et s’enfonça dans l’eau. Pris de panique, il regarde Jésus : « Sauve-moi ! ».

Jésus étendit la main, le saisit. « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Quand Jésus et Pierre entrent dans la barque, la sérénité revient entre les hommes, la confiance en Jésus revient, la tempête entre le chemin des hommes et de Jésus disparaît … et la tempête sur la mer aussi.

« Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. » (Is 55,7)

Combien de fois sommes-nous comme les apôtres à rester accrochés à nos pensées humaines, à ne pas nous ouvrir aux pensées de Dieu ? À laisser des incompréhensions entre Dieu et les hommes ?

Trop souvent sans doute ! Et à chaque fois la cause est la même : l’éloignement entre nous et Dieu, éloignement physique, mais surtout éloignement dans nos cœurs. Et c’est toujours nous l’auteur, car Dieu ne s’éloigne jamais de nous. Il est toujours près de nous …

« Qui nous séparera de l’amour du Christ ? … Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8,35.39)

Seigneur Jésus,

nous t’aimons, et nous voulons

que tu sois toujours près de nous,

mais bien souvent,

c’est nous qui nous éloignons de toi,

et nous pensons que tu nous en veux

car nous ne comprenons pas que

tes chemins ne sont pas nos chemins.

 

Francis Cousin

 

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Prière dim ordinaire A 19°