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1er Dimanche de l’Avent par Francis Cousin

Évangile selon Saint Marc 13, 33-37

 

« Veillez donc … »

 

Premier dimanche de l’Avent, nouvelle année liturgique …

Et a priori, donc, nouvelles directives …

Le temps de l’avent, c’est le temps de préparation de nos cœurs à la venue de Jésus le jour de Noël à Bethléem, parce que, à la fin de l’avent, il y a Noël, le jour où on fête l’incarnation de Jésus, né de Marie et de l’Esprit-Saint. Une préparation limitée dans le temps ; trois semaines cette année !

Et bien non ! L’évangile de ce dimanche reprend des consignes que l’on a entendues il y a trois semaines, et encore un peu avant : « Veillez … », « Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure » !

Ce “veillez“ ne s’adresse pas à des gens qui attendent la venue d’un enfant, mais à des personnes qui attendent le retour du maître, qui attendent le retour du Christ dans toute sa gloire à la Parousie, à la fin des temps !

Mais ici, on a : « Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison ».

Le verbe est au présent de l’indicatif ! Il n’est pas au futur !

Et si nous pensons à la Parousie,  on s’attendrait plutôt à ce que le verbe soit au futur. Et le futur, on a le temps de le voir venir ! C’est du moins ce que nous pensons souvent.

Mais ici, il est au présent : « Le maître vient ».

C’est-à-dire qu’il vient de manière habituelle, tout le temps. Depuis tout le temps jusqu’à tout le temps !

Dieu vient ! Comme il a dit qu’il est : « Je suis » (Gn 3.14). Hier, je suis ! Aujourd’hui, je suis ! Demain, je suis !

De même : hier, je viens ! Aujourd’hui, je viens ! Demain, je viens !

Et cela change toute notre manière de voir. Jésus n’est pas venu seulement il y a un peu plus de deux mille ans, il y a longtemps. Jésus vient tous les jours ! A chaque instant !

On pourrait se dire : « Oui, mais ça, on le sait, c’est normal ! Jésus lui-même nous a dit : “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde“. (Mt 28,20). Et donc, je suis avec toi, je suis à côté de toi, pour t’aider, te soutenir … C’est sa manière habituelle d’être ! ».

Oui, mais il y a un changement de perspective.

Jésus est avec moi, et en même temps, il vient … vers moi !

Jésus est à côté de moi, et en même temps il est en face de moi !

Ou encore : il est en moi, et en même temps il est celui que s’approche de moi … (et il est aussi en celui qui s’enfuit loin de moi !).

Il est en moi … et il est en l’autre, …

Il est en moi et en celui qui est différent de moi …

Il est en moi et en celui qui me hait, … et en celui que je hais …

Jésus vient à l’improviste … comme la plupart des gens que nous rencontrons !

Soyons attentifs, veillons ! Il ne faudrait pas qu’il nous trouve endormis ! Il ne faudrait pas qu’on ne le voit pas venir !

L’incarnation de Jésus, c’est tout le temps ! et pas simplement à Noël !

Francis Cousin                     

Rue des longues-haies, l’inconnu passait !

A l’heure matinale, dedans ses habits sales,

Mon Dieu, comme tu es pâle !

Rue des longues-haies, le Seigneur passait !

O vous qui cherchez le Bon Dieu dans les nuages,

Vous ne verrez jamais son visage !

O vous qui cherchez le Bon Dieu dans les nuages,

Vous manquerez encore son dernier passage !

Rue des longues-haies, le Seigneur passait !

            Père Aimé Duval, sj

 

 

 

 

                      

               

                   

                

                 

              

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34° dimanche ordinaire – Christ Roi de l’Univers par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 25, 31-46

 

« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères,

c’est à moi que vous l’avez fait.. »

 

Attention à ne pas nous fourvoyer.

Donner à manger, à boire, vêtir, visiter… c’est bien, et on n’a rien à dire contre ceux qui font cela, bien au contraire. Et le nombre d’associations ‘humanitaires’ qui existent montre bien que c’est quelque chose qui correspond par nature aux personnes, et les bienfaiteurs sont souvent nombreux, chacun à son niveau. Parmi ces associations, il y en a de différentes catégories : celles qui sont initiées par un courant religieux, et celles qui sont considérées comme laïques, mais dans lesquelles on peut trouver des pratiquants d’une religion.

Il y a plusieurs manières d’entrer dans ces associations : par mimétisme, pour suivre un de ses parents ou un(e) ami(e), parce que c’est proposé par le collège, le lycée ou la paroisse, …

Mais surtout, pourquoi y entre-t-on ?

Par désir de faire quelque chose de bien pour les autres. Pour aider les pauvres, ceux qui sont dans le besoin. Cela, c’est sûr !

Par pitié pour ces personnes ? Parce qu’on a du temps, alors pourquoi pas ? Pour redonner de l’espoir, de la vie à ces personnes ? Parce qu’on ne sait pas quoi faire de son argent ? Parce qu’on voit le visage du Christ dans ces personnes ?

On peut difficilement donner une raison précise ? C’est souvent un peu de tout cela, avec d’autres motifs encore, sans que ce soit toujours bien défini … Et la dernière proposition n’est sans doute que rarement mise en premier …

Les actions humanitaires sont souvent présentées dans les établissements scolaires catholiques comme des portes d’entrée à la catéchèse, à la connaissance de Jésus, au message de l’Évangile, et à l’amitié de, et vis-à-vis de, Jésus et de Dieu.

Mais tout dépend de la manière dont on gère l’action.

Soit on fait l’action pour l’action … et au final on est (souvent) bien content : les bénéficiaires sont contents, les personnes participantes sont contentes, elles se sont données à fond, elles ont atteint leurs objectifs. Bien. Bravo !

Ont-elles progressé dans l’amitié de Dieu ?

On ne peut pas le savoir … et en plus cela peut parfois prendre du temps chez certaines personnes …

Soit on profite de l’action pour faire une véritable catéchèse sur la miséricorde, donnée et reçue, avec une relecture des différentes étapes de l’action, en montrant qu’en faisant cela, on mets ses pas dans ceux de Jésus, on fait comme lui : aller vers les plus petits pour leur rendre la vie, aller vers ceux qui sont égarés, qui se sont perdus … comme le bon Pasteur (cf Jn 10,11) en écho à la première lecture : « La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. ». On a alors plus de chances d’avoir des ‘conversions’ parmi les participants qui auront compris en acte le commandement d’amour de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 15,12).

Quoiqu’il en soit, en allant vers les autres, en accueillant les plus pauvres que nous dans certains domaines, c’est alors qu’on se rend compte que nous aussi nous avons chacun(e) nos pauvretés, et que nous ne pouvons pas vivre dans l’aide des autres, et surtout de Dieu, de sa miséricorde dont nous avons tant besoin.

Nous serons reconnu(e)s justes par Dieu, c’est-à-dire choisi(e)s pour aller à sa droite, non pas à cause de nos actions, quelque soit leur nombre, mais à cause de notre foi, de la manière dont nous avons vécu l’évangile : « C’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes. » (Déclaration commune Luthéro-Catholique, n°15, 31 octobre 1999)

 Seigneur Jésus,

tu nous demandes de prendre soin de nos frères,

à cause de l’amour qui est en toi,

en imitation de ton agissement :

’’Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait’’.

’’Va, et toi aussi, fais de même’’.

 

Francis Cousin                     

                   

                

                 

              

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33ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

« Seigneur, je savais que tu es un maître âpre au gain et que tu moissonnes là où tu n’as pas semé ». Cette parabole est une parabole de la liberté chrétienne. Là où les serviteurs ont joué la fortune, les talents qui leur avaient été donnés, le Seigneur à son retour, reconnaît que ces serviteurs ont été fidèles. Là au contraire où l’un des serviteurs a joué le jeu de la crainte et du calcul, enfouissant son talent dans la terre pour pouvoir le restituer tel quel, le Maître manifeste sa colère et le prend à son propre jeu en lui disant : « Puisque tu veux un visage de Dieu qui calcule, puisque tu penses que Dieu est quelqu’un qui mesure, c’est effectivement ce que je vais être avec toi, car au fond je ne puis pas faire autre chose ».

Dans cette ligne de réflexion, il me semble qu’il y a quelque chose de plus. Le Maître n’est pas exactement âpre au gain au sens ou simplement il désirerait qu’on lui restitue ce qu’il avait confié. Le Maître est touché de ce que les deux premiers serviteurs aient investi tout eux-mêmes dans les talents qui leur ont été donnés. Les talents, ce sont évidemment les signes de la présence et de l’amour de Dieu en nous : les gestes de la charité, le temps de la prière, tout ce qui fleurit et fructifie en nous parce que nous sommes greffés sur la vie du Christ. Mais précisément ce que le Maître vient rechercher ce n’est pas son argent tel quel, cela ne l’intéresse pas. Ce qu’il vient rechercher c’est cet argent, ces talents, ces dons, enrichis de toute l’énergie, de tout l’investissement personnel que cha­cun des serviteurs y a introduit.

En effet, cela nous aide à réfléchir sur notre agir chrétien. Que Dieu nous ait donné des talents ou des qualités, nous en avons tous une part. Parfois nous nous plaignons que nous n’en avons pas assez, mais c’est toujours à tort, car le Seigneur sait ce dont nous avons besoin. Mais il y a une chose que nous devrions réaliser davantage, c’est que ce qui a fructifié, c’est évidemment le talent donné, mais comment fructifie-t-il ? Par le fait que le serviteur qui a reçu le talent y investisse tout son cœur, toute son âme et toute sa liberté. Ce que Dieu aime en nous, ce n’est pas moissonner des talents qu’Il a semé. Ce que Dieu aime en nous, c’est découvrir dans les talents qu’Il a semés toute la fécondité spirituelle et personnelle que nous-mêmes pouvons y apporter par tout ce que nous faisons et par tout ce que nous sommes.

Au fond, ce qui réjouit le cœur du Maître lorsqu’Il dit : « Bon et fidèle serviteur, rentre dans la joie de ton Maître ! », ce n’est pas d’avoir gagné plus, comme nous le pensons souvent. C’est de voir que, dans le don même qu’Il a fait à chacun d’entre nous, c’est toute notre liberté et le secret de notre cœur qui s’est épanoui en vérité. C’est cela la vie chrétienne. Les actes de charité ne sont pas seulement des prototypes de philanthropie que nous devons additionner comme des bons points. La charité dans notre cœur, c’est le fait que, dans tout ce que Dieu nous donne et par tout ce que Dieu nous donne, c’est la manifestation du secret de notre cœur. Ce que Dieu vient chercher lorsque ses serviteurs reviennent et rapportent leurs talents, ce n’est pas de l’argent augmenté par de l’argent, mais c’est de l’argent augmenté par la générosité profonde du cœur de ceux à qui il a été confié.

Voilà ce que Dieu attend de nous. Voilà sur quoi nous serons jugés. C’est pourquoi saint Jean peut dire : « Vous serez jugés sur l’amour  » c’est-à-dire sur cette merveilleuse initiative de liberté que nous aurons pu et su investir, au jour le jour, dans les gestes les plus simples, dans les signes les plus discrets et les plus humbles. Mais cette générosité, cet investissement de nous-mêmes, sont le signe de la présence et de la tendresse de Dieu en nous. Amen.




33ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 25, 14-30

 

« J’ai eu peur … Tu as ce qui t’appartient. »

 Nous sommes à la fin de l’Évangile de Matthieu, et Jésus donne ses dernières recommandations ou explications en ce qui concerne, encore une fois, le Royaume de Dieu, juste avant la parabole du jugement dernier que nous verrons la semaine prochaine.

Le maître, ici, est donc Dieu. Et avant de partir en voyage, de s’absenter, il donne.

Il donne tout ce qu’il a : « Il appela ses serviteurs et leur confia ses biens ».

Bien sûr, il avait plus que trois serviteurs, mais pour simplifier, Jésus donne trois exemples de dons, parce que tout le monde n’a pas pareil. Le maître, Dieu, donne en fonction des capacités de chacun, c’est-à-dire qu’il fait, dès de départ, un choix raisonné.

Et c’est là que ça se gâte !

Les deux premiers sont contents ; on leur fait confiance. Ils n’ont pas le même somme, mais ça leur convient, ils aiment leur maître, et ils veulent le lui montrer en faisant fructifier ce qu’ils sont reçu.

Mais le troisième n’est pas content : il n’a qu’un seul talent ! « C’est scandaleux ! Pourquoi les autres ont-ils eu cinq ou deux, et moi seulement un seul. Je suis aussi capable que les autres, c’est injuste ! Le maître ne m’aime pas ! »

Orgueil ! jalousie ! sentiment d’injustice ! et la conclusion est toujours la même : Je ne suis pas aimé !

C’est le péché originel qui revient : la tentation de se croire supérieur aux autres, de vouloir l’être …

A partir de là, la réaction du troisième serviteur se comprend : « Le maître ne m’aime pas, et bien, tant pis pour lui, moi, je ne ferai rien pour lui. J’enterre son argent pour qu’on ne me le vole pas, et je le lui rendrai quand il  reviendra. ».

Cette réaction, ça nous arrive aussi de l’avoir, peut-être pas aussi clairement, mais quand même …  A cause de notre orgueil, par jalousie, on préfère ne rien faire. C’est le péché par omission, peut-être le plus fréquent, mais dont on ne se repent que rarement, … parce qu’on n’a rien fait, donc pas de péché …

Or Dieu n’aime pas les gens qui s’assoient (sauf pour l’écouter parler), qui ne font rien. Il veut des gens qui se déplacent, qui bougent, qui passent à l’action : « La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte (…) Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. » (Jc 2,17-18). Et saint Paul nous dit : « Ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants. » (2° lecture)

Le problème du troisième serviteur n’est pas tant qu’il ne fait pas fructifier son don, mais qu’au départ, il n’a pas su recevoir ce qu’on lui donnait gratuitement. Pour pouvoir donner, il faut savoir recevoir.

Et c’est souvent le problème dans notre relation à Dieu.

Dieu nous a tout donné : la vie, l’amour, le pardon … et nous ne pourrons donner la vie, l’amour, le pardon que si nous acceptons ses dons, sans arrière pensée, sans comparaison, sans jalousie. On ne peut pardonner que si on accepte d’avoir été pardonné, que si on reconnait que nous-même avons été pardonnés. On ne peut aimer que si on a reçu l’amour gratuitement. On ne peut donner la vie par amour que si on reconnait qu’on a reçu la vie gratuitement, par amour.

Reconnaître que l’on n’est pas seul dans la vie, qu’on dépend de beaucoup de choses qui nous sont données gratuitement par d’autres, nous ouvre à la possibilité de donner gratuitement à d’autres. Et Jésus est notre maître en cela : tout ce qu’il  nous a donné, il l’a reçu de son Père, et il continue à nous donner quotidiennement ce qui lui semble bon pour nous.

Et Jésus est le plus grand don, cadeau, que Dieu nous ait fait.

« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ! » (Mt 10,8)

 Seigneur Jésus,

tu ne cesses de nous donner

ce qui est bon pour nous.

Mais il nous arrive de penser

que ta répartition n’est pas juste,

parce que nous comparons avec les autres.

Nous devenons jaloux. Nous nous enfermons.

Aide-nous à accepter tout ce qui vient de toi.

 

Francis Cousin                     

                

                 

              

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32ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 25, 1-13

 

« Le Royaume des cieux est comparables

à dix jeunes filles invitées à des noces. »

Ce n’est pas la première fois que Jésus lie le Royaume des Cieux à un banquet de noces, et il y a quatre semaines, l’évangile parlait d’un banquet où tous les invités refusaient de se rendre. Cette fois-ci, les invités sont là et c’est l’époux qu’on attend. Parmi eux, dix jeunes filles, impliquées dans l’organisation, sortes de demoiselles d’honneur, sont chargées d’accueillir l’époux à son arrivée. Le temps passe … l’après-midi s’écoule … elles se munissent d’une lampe à huile pour s’éclairer ; certaines, les prévoyantes, amènent aussi une réserve d’huile.

Puis vient la nuit … les ténèbres envahissent la terre. C’est pour les juifs le temps du Malin, de la mort …

Soudain un cri : « Voici l’époux, sortez à sa rencontre. ».

Affolement ! Dilemme : le temps à passé, l’huile à brûlé, et les réserves des prévoyantes sont insuffisantes pour toutes …

Les insouciantes partent donc acheter de l’huile.  Elles s’enfoncent dans les ténèbres de la nuit alors que les autres restent dans la lumière.

Et quand l’époux arrive, l’époux de l’Église, le Christ, la lumière du monde, il est accueilli par celles qui sont dans la lumière … et elles entrent avec lui dans la salle du banquet, du banquet de l’Agneau, dans le Royaume de Dieu, où tout rayonne de la lumière de Dieu et du Christ ressuscité.

Quand les autres arrivèrent, la porte était fermée. Elles y cognent, mais l’époux répond : « Je ne vous connais pas. ».

Et pourtant, il était prévu qu’elles soient là !

Mais elles n’avaient par fait tout ce qu’il fallait pour rester toujours dans la lumière.

L’époux, le Christ, « le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde … mais le monde ne l’a pas reconnu … les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1,9-12).

On peut être surpris par la réponse de l’époux ! D’autant que saint Paul nous dit : « [Dieu notre Sauveur] veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. » (1 Tm 2,4).

Mais en fait, ce n’est pas contradictoire.

Si telle est effectivement la volonté de Dieu, tout dépend de la réponse des humains qu’il a créés libres, et c’est pourquoi Jésus dit : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».

A nous d’être prêts pour le jour de notre mort, en restant toujours dans la lumière : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (Jn 8,31-32) car « Celui qui fait le mal déteste la lumière … mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. » (Jn 3,20-21).

La vérité est toujours dans la lumière. Elle n’est pas dans les ténèbres, et Jésus veut que nous soyons dans la lumière. Et même, il nous veut en plus reflet de sa propre lumière vis-à-vis des autres hommes. « Vous êtes la lumière du monde … que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5,14.16).

Cela nous semble souvent bien difficile d’être toujours dans la lumière ! Nous ne sommes pas toujours “au top“ ! Et si on essaye de regarder si on se trouve dans le groupe des prévoyantes ou des insouciantes, cela devient très délicat : selon les jours ou les circonstances, on est dans un groupe ou dans l’autre.

Nous faisons tous des efforts pour devenir saints, mais pour cela, nous ne pouvons compter que sur la miséricorde de Dieu, et nous risquons fort de rester un certain temps (même si le temps n’existe plus dans l’au-delà) à la porte de la salle des noces de l’Agneau, dans laquelle nous ne pourrons entrer que quand nos yeux se seront habitués à la lumière éblouissante de Dieu, quand nous pourrons enfin lever les yeux vers Dieu et le regarder face à face dans sa pleine lumière.

Seigneur Jésus,

tu es toujours prêt

à nous accueillir dans ton Royaume.

Mais il faut que nous soyons

prêts à te rencontrer,

en pensée et en actes,

déjà en ce monde,

dans tous ceux que nous rencontrons.

Francis Cousin                     

                 

              

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30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

30e dimanche ordinaire – Matthieu 23, 1-11

 

L’Église est à peine mise en place que Jésus se heurte à l’opposition des pouvoirs juifs, en particulier celle des pharisiens. Le texte d’aujourd’hui nous donne un portrait des scribes et des pharisiens, guides intellectuels du peuple de Dieu et grands adversaires de Jésus. Ce sont des dirigeants religieux qui, s’appuyant sur l’autorité de la Loi Mosaïque, transmettent la doctrine traditionnelle de Moïse, excellente doctrine dont font partie les dix commandements. Ces dix commandements servaient de guide au peuple de Dieu qui avait auparavant l’habitude d’adorer des idoles. Il fallait bien leur donner le moyen de suivre le Dieu unique qui vient de se révéler à ce peuple. C’est ainsi que Les scribes et les Pharisiens dirigeaient le peuple de Dieu.  « Faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire », la doctrine de Moïse est toujours bonne. Aujourd’hui encore, les dix commandements sont toujours valables. Jésus ne conteste pas l’autorité de ces responsables religieux. Il dénonce l’incohérence de vie entre ce qu’ils enseignent et ce qu’ils font : « ils disent et ne font pas ». Ils imposent au peuple des règles lourdes (613 préceptes) dont eux-mêmes sont incapables de respecter, contrairement à Jésus qui accomplit toute la Loi, tout en douceur, étant attentif aux gens les plus simples et qui peinent dans leur vie ; ils semblent se montrer en exemple face au peuple, mais ce n’est qu’extérieurement qu’ils le sont, soignant leur apparence : apparence de piété, apparence de douceur, apparence de modestie ou d’humilité, apparence de sagesse qui affecte l’innocence, ce qu’on appelle encore un air de « sainte-nitouche », cachant une réalité moins visible qui s’appelle « hypocrisie ». « Ils agissent pour se faire remarquer des hommes, portent de larges phylactères et de longues franges, aiment à occuper les premiers divans dans les festins et les premiers bancs dans les temples, à recevoir les salutations et à se faire appeler Rabbi par les gens. Voilà le type de personnage que Jésus dénonce, ceux qui sont faux devant Dieu et devant les hommes, ceux qui n’ont pas de cohérence de vie, pas de cohérence entre ce qu’ils sont réellement et l’apparence qu’il donne aux autres. Dénoncé par Jésus, cela signifie que c’est grave. Il lit aussi dans le cœur de chacun d’entre nous et s’il est possible de tromper les gens par des apparences, face à Dieu cela n’est pas possible. Chacun doit s’observer soi-même et voir si dans sa vie de chrétien, il ne mène pas une double vie : une vie d’apparence de chrétien avec une belle apparence de piété et une autre, bien cachée intérieurement et qui n’aime pas les gens, avec des pensées de médisance, de dénigrement, de haine, tout le contraire du chrétien authentique qui ne fait que se tourner vers le Christ pour mieux s’unir à Lui en permanence. Jésus nous dit « ne vous réglez pas sur leurs actes », il parle des scribes et des pharisiens de l’époque, mais aussi de tous les pharisiens d’aujourd’hui qui n’appliquent pas les enseignements de Jésus, lui infligeant un « mauvais traitement » ainsi que Jésus lui-même l’a dit à Marguerite Marie Alacoque. Le plus petit manque de respect est un « mauvais traitement » fait à Jésus. Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une voix qui disait : « Regarde, ma vie, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion… Je veux que, lorsque je te ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds après m’avoir reçu, pour faire amende honorable à mon Cœur, offrant à mon Père le sacrifice sanglant de la croix, à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les indignités que je reçus dans ce cœur. » La sainte fut surprise d’entendre ces paroles sur une âme qui venait de se laver dans le sang précieux (c’est-à-dire qui vient de recevoir la sainte Hostie); Notre-Seigneur lui dit : « Ce n’est pas qu’elle soit dans le péché, mais la volonté de pécher n’est pas sortie de son cœur, ce que j’ai le plus en horreur que l’acte du péché, car c’est appliquer mon sang par mépris sur un cœur corrompu, d’autant que la volonté du mal est la racine de toute corruption ». On a beau ne pas être en état de péché et recevoir l’hostie, mais si la volonté de pécher n’est pas sortie de notre cœur, cela attriste le Christ qui considère cela comme un mauvais traitement que nous lui infligeons et qu’un autre devra racheter par une pénitence à la place de celui ou celle qui, recevant l’hostie, ne veut pas se convertir véritablement. A chacun de nous de bien se regarder intérieurement et de changer de direction afin de plaire au Christ. Le chrétien n’est pas là pour chercher les défauts des autres, ni pour faire semblant d’être un bon chrétien, mais pour faire la volonté de Dieu, c’est-à-dire aimer Dieu, et du même coup aimer les gens. C’est là l’unique attitude du chrétien. Toutes les autres attitudes ne plairont pas au Christ. « Ne vous réglez pas sur leurs actes ».

« Rabbi », « Maître », « Père », « Directeurs », ce sont là des mots qui désignent ceux qui, en général, ont de grosses responsabilités, ce sont ceux qui sont, pour ainsi dire, au sommet de la pyramide, et bon nombre de personnes aimeraient être à ce sommet. Ce sommet représente pour eux, un lieu à atteindre, comme si c’était le but de leur vie, comme si c’était, pour employer une expression courante, le top des tops. C’est en tout cas l’image que ce sommet leur donne en même temps que le mérite, la reconnaissance, le rayonnement, la respectabilité, l’importance de leur personne.  Et on verra alors, plein de soi-disant chrétiens se poindre, visant ce qui, pour eux, semble être le sommet et devenir ainsi une sorte de « petit chef », un peu comme les scribes et les pharisiens. « Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera levé ». Devenus aveugles par ces petites ambitions, ils se détournent en réalité du vrai but à atteindre : le Christ vivant et qui donne la Vie, la vraie vie. C’est à croire que la parole de Dieu est vraiment difficile à comprendre : quand Jésus parle d’humilité pour avoir pris lui-même un corps d’homme, et devenir plus bas qu’un esclave, le pseudo-chrétien pense ambition, être premier de la classe et devenir petit chef ; quand Jésus parle prière et sagesse spirituelle, le pseudo-chrétien pense sagesse du monde où si l’on n’a pas richesse, pouvoir et honneur, on serait moins que rien ; quand Jésus parle d’aimer Dieu et son prochain, le pseudo chrétien s’acharne à vouloir aimer Dieu et l’argent ; quand Jésus parle de donner et se donner, le pseudo-chrétien pense surtout à se comporter comme un égoïste. Le langage du Christ est simple et clair : aimer Dieu et son prochain. L’Eglise dit que le chrétien a une fonction sacerdotale, prophétique et royale. Dans ces trois cas, nous pouvons être serviteur comme nous le demande Jésus. Dans la fonction sacerdotale, il s’agit d’être un authentique chrétien qui sache prier sincèrement, communier avec beaucoup de respect pour le Seigneur, avoir une vie sainte dans la vie quotidienne, de l’abnégation et une charité active. Dans la fonction prophétique, il s’agit d’annoncer la Bonne parole de Dieu et connaître qui est Jésus. Dans la fonction royale, il ne s’agit pas d’être roi comme on le comprend habituellement, mais roi à la manière de Jésus, c’est-à-dire en se mettant au service des autres. « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ». Rm 14,18 : « Celui qui sert le Christ dans la justice, la paix et la joie est agréable à Dieu et approuvé des hommes ». Il s’agit bien sûr de servir Jésus sans arrière-pensée, le servir le mieux possible, avec amour et cohérence de vie. Et pour avoir une cohérence de vie, il faut être en union permanente avec le Christ. D’où prière continuelle. Et ceci est valable pour tous, en tout cas pour tous ceux qui veulent se mettre à la suite du Christ. Et particulièrement pour les privilégiés de Dieu, c’est-à-dire pour tous ceux qui ont reçu le sacrement de l’Ordre. Les prêtres doivent être continuellement en prières, surtout entre deux célébrations liturgiques. Bien sûr, ils ont aussi besoin de repos, mais alors qu’ils se reposent dans le Seigneur afin de rester continuellement unis au Christ. Leur vie entière doit être prière. C’est pour eux une garantie de ne pas perdre le Chemin, c’est-à-dire le Christ lui-même. Et nous, nous devons prier chaque jour pour eux, afin qu’ils soient dignes de Dieu et qu’ils soient de bons guides pour nous tous. Ils doivent pouvoir dire comme Saint-Paul dans la deuxième lecture d’aujourd’hui : « Vous êtes témoins, et Dieu l’est aussi, combien notre attitude envers vous, les croyants, a été sainte, juste, sans reproche. 11 Comme un père pour ses enfants, nous vous avons, chacun de vous, 12 exhortés, encouragés, adjurés de mener une vie digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire. 13 Voilà pourquoi, de notre côté, nous ne cessons de rendre grâces à Dieu ». Il faut, eux comme nous tous, ne pas cesser de rendre grâces à Dieu, car à chaque instant nous avons tous des raisons de lui rendre grâces, car Dieu est en permanence avec nous, à la seule condition de ne pas le refuser. C’est pourquoi celui qui prie continuellement est assuré de sa présence, et sa présence nous apporte aussi la paix, paix de Dieu, sans trouble, sans inquiétude, sans angoisse de la vie, même si on est malade, même si on a des difficultés, la paix régnera en nous tant que Dieu demeure en nous. La confiance que nous mettons en Jésus et en Marie nous permettra de surmonter bien des obstacles. Si les difficultés de la vie sont toujours les mêmes qu’avant de connaître le Seigneur, les solutions seront différentes avec l’aide de Marie et de Jésus. Les problèmes résolus avec plus de patience, de douceur, avec calme, toujours dans la Paix du Seigneur. Et nous pourrons alors dire avec Malachie : « Mon alliance était avec Lui, c’était vie et paix, vérité, intégrité et droiture ». Devenons des chrétiens, des vrais, pour la gloire de Dieu avec l’aide de Marie, notre Sainte Mère.

 




31ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

La parole de Dieu n’est pas notre propriété

Frères et sœurs,

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, voici une page d’évangile dans laquelle nous nous sentons parfaitement à l’aise et qui nous est fort utile pour nous éloigner de certaines exigences. En effet, nous avons souvent l’habitude de nous réclamer de cette page d’évangile pour critiquer les autres et pour nous justifier nous-mêmes : pour critiquer les autres, parce qu’après tout, il est bien commode de pouvoir dire que les autres attendent de nous ce qu’ils ne font pas eux-mêmes, et pour nous justifier nous-mêmes, dans une sorte de recul, dans lequel on se dirait : « Je fais ce que je peux, je reste tranquille dans mon coin. Peut-être que d’autres ont de grandes théories sur la vie, moi, j’essaie de me débrouiller au fil des événements, et je n’essaie pas d’en rendre compte ni d’exiger des autres quoi que ce soit. » Pour peu que l’on accentue un peu ce genre de démarche, on en vient à penser : « Après tout, à quoi bon être chrétiens ? Dire que nous sommes chrétiens, c’est se rattacher immédiatement, faire référence à un évangile que nous ne sommes pas capables de vivre. Il n’est pas nécessaire d’annoncer la couleur, vivons le plus discrètement possible, une sorte de christianisme couleur muraille, de telle sorte qu’on ne nous remarque plus, chacun essaie de vivre comme il peut, on ne juge plus, on ne sera plus jugé ». On se retire sur un quant-à-soi absolument inatteignable.

Et tout ça, parce que le Seigneur aurait dit une fois : « Méfiez-vous de l’enseignement des pharisiens, car ils disent et ne font pas. » Nous avons nous-mêmes un réflexe tellement pharisien de ne pas vouloir nous faire prendre en défaut que nous préférerions plutôt renoncer à dire ce que nous voulons, ce que nous désirons, ce que nous cherchons du plus profond de notre cœur, que d’être pris en flagrant délit de contradiction avec nous-mêmes. Au point que, dans une certaine compréhension, cette page d’évangile contre le pharisaïsme a servi comme véritable vaccin pour faire de nous des gens qui ne reconnaissent même plus l’exigence d’un Dieu qui nous a livré sa Parole, qui nous a tout donné pour que nous soyons nous-mêmes ses fils.

Car, frères et sœurs je ne crois pas que le Seigneur s’en soit pris dans cette page d’évangile à une sorte de simple distorsion entre nos idées et nos actes, entre la manière dont nous essayons petit à petit d’approfondir le mystère chrétien de notre vie, et la manière dont, très maladroitement, nous essayons de le réaliser. Le Seigneur sait fort bien que nous ne faisons pas ce que nous disons, et cela pour une simple raison, c’est que ce que nous avons à dire n’est pas de nous, cette Parole, selon laquelle nous vivons n’est pas une parole humaine, elle est don de Dieu, Parole de Dieu. C’est exactement ce que le Seigneur reproche aux pharisiens, comme déjà le prophète Malachie l’avait reproché aux prêtres, ses contemporains, et au peuple de Dieu. Quel est le ressort profond de cette critique ? C’est moins une distorsion entre ce que nous disons et ce que nous faisons, qu’une certaine manière de ne pas recevoir vraiment la Parole de Dieu. Le Christ reproche aux pharisiens de parler à la place de Dieu et de faire de cette Parole que Dieu a donnée gratuitement à son peuple leur affaire, leur parole, leur code. C’est pour cela qu’ils se font appeler « Rabbi », « Maître », comme s’ils s’étaient pour ainsi dire approprié cette Parole du Seigneur, comme s’ils en avaient fait leur propre doctrine, leur propre savoir.

Or le Seigneur – les prophètes l’avaient déjà annoncé –, demande d’abord à l’homme, et particulièrement à ce peuple qui avaient reçu le don le plus précieux qui avait été donné par Dieu jusqu’alors, c’est-à-dire sa Loi, le Seigneur demande à l’homme de recevoir vraiment sa Parole comme un don. C’est cela qui est le plus essentiel, et c’est cela que nous caricaturons si facilement : faire de ces paroles ou de ces exigences du Seigneur des sortes de propriétés, sans en reconnaître le caractère de don gratuit, d’une œuvre de Dieu qui opère en nous. Voilà exactement où est notre faiblesse, où est notre péché. Dieu nous a donné sa Parole, et en nous donnant sa Parole, cette Parole n’est pas simplement quelque chose qui sort des lèvres, mais c’est un véritable pouvoir agissant et transformant, que nous ne devrions pas prendre nous-mêmes comme une propriété pour ensuite nous constituer en somme comme un modèle, une règle, une sagesse. Au contraire, cette Parole est d’abord adressée à nous pour qu’elle s’enracine dans notre cœur. Le drame de notre vie est de ne pas recevoir assez cette Parole de Dieu, et de croire qu’il suffit simplement de la savoir, alors qu’il faut lui laisser la pleine possibilité, la pleine liberté de s’enraciner et de se graver dans notre vie, dans notre cœur, dans notre chair.

Frères et sœurs, c’est cela d’abord l’Incarnation : Dieu grave sa Parole éternelle, son Fils, ce qu’Il a à nous dire de toute éternité, cet Amour en plénitude, en totalité, qu’Il grave dans une humanité, dans la chair de Jésus. L’incarnation, le Fils de Dieu parmi nous, ce sont les mots d’amour de Dieu gravés dans la chair d’un homme. Tout ce que Dieu nous a donné, toute sa Parole, tout ce que nous vivons aujourd’hui, c’est exactement la même chose. La Parole de Dieu aujourd’hui, ce que nous avons à entendre et à recevoir, c’est Dieu qui grave par la puissance de son Amour, de sa Parole, quelque chose dans notre cœur qui transforme complètement notre comportement, nos attitudes et nos gestes : c’est cela, la conversion.

Le drame de notre vie est que nous voulons posséder, maîtriser la Parole de Dieu, alors qu’elle veut être le fond de notre être, non pas un refrain, mais notre être même. C’est pour cela que le Seigneur peut nous demander qu’il n’y ait plus rupture entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Car si nous traitons la Parole de Dieu comme une possession, il y aura toujours une rupture, une division entre les belles phrases que nous pourrions dire et d’autre part la manière concrète, très humaine, dont nous vivrons. Nous vivrons comme des gens pingres et avares, qui veulent posséder la Parole de Dieu, éventuellement la réduire à la dimension et au désir de notre cœur. Comment alors ne pas sentir cette rupture entre un amour qui se donne et quelqu’un qui veut simplement accaparer cet Amour et le réduire aux dimensions de son propre désir ?

Que de fois, dans notre propre expérience humaine, n’avons-nous pas ressenti cela ? Lors d’un partage, d’une communion, ne pas recevoir vraiment un amour donné comme un amour, mais en faire une sorte de maîtrise ou d’emprise exercée sur le prochain, qui le caricature et le déforme selon nos désirs du moment, tandis qu’au contraire, si nous recueillons vraiment cette Parole de Dieu donnée pour nous transformer, nous façonner, nous transfigurer, alors il se pourra que par cette merveilleuse puissance de l’Amour de Dieu, nous puissions peu à peu voir se réduire dans notre propre vie cette distance entre la Parole qui nous est donnée et la manière dont nous agissons, parce que nous aurons laissé à Dieu le soin d’agir en nous, de travailler dans notre cœur, dans notre expérience humaine.

Oui, frères et sœurs, ces paroles du Seigneur ne sont pas là pour nous enfoncer dans un nouveau pharisaïsme dans lequel nous croirions qu’il faut essayer de conformer nos actes aux exigences de Dieu, mais au contraire pour nous libérer, par un geste d’accueil, de liberté ouverte qui reçoit cette Parole de Dieu comme une puissance donnée pour nous façonner, nous ouvrir, et faire que peu à peu ce qu’il y a de si pauvre et misérable dans notre vie, soit repris par la puissance même de cette Parole d’Amour de Dieu.

Ce que le Christ veut nous dire en ce jour, c’est que sa Parole ne consiste pas en des mots, en un code de morale, en principes : sa Parole, c’est sa présence, c’est Dieu vivant, Dieu parlant dans notre cœur, Dieu agissant, Dieu conformant peu à peu toute notre vie à la merveille à la splendeur de sa Parole. Voilà la gageure de notre existence chrétienne, une gageure et un défi qui n’émanent pas de nous-mêmes mais de la puissance même de Dieu. Amen.




31ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 23, 1-12

 

« Ils disent et ne font pas ! »

 Jésus parle des pharisiens.

Il ne les critique pas totalement, comme on a souvent tendance à le penser.

Il leur reconnaît une chose : « Ils enseignent dans la chaire de Moïse », c’est-à-dire que leur enseignement est bon, basé que les dix paroles de Dieu révélées à Moïse.

Mais il leur reproche de se ’’faire voir’’ ou de se croire ’’supérieur’’ aux autres … « Ils disent et ne font pas ! ».

On pense à la parabole du pharisien et du publicain : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes – ils sont voleurs, injustes, adultères –, ou encore comme ce publicain… » disait le pharisien ; et le publicain qui reste derrière, n’osant pas lever la tête, qui « se frappait la poitrine, en disant : “Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! ». Et Jésus désigne ce dernier comme celui qui rentre chez lui « justifié » (Lc 18,10-14).

Nous n’avons plus, comme avant le concile Vatican II, de grandes cérémonies qui permettaient à certains de se faire voir, nous n’avons plus de places réservées à notre nom dans les églises, il n’y a plus qu’une seule manière de célébrer les mariages ou les enterrements, finies les célébrations de première classe, deuxième classe ou troisième classe selon l’enveloppe qu’on donnait au prêtre !

C’est tant mieux !

Mais est-ce que cela veut dire que le pharisaïsme a disparu de l’Église ?

« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ! » (Lc 6,37).

Je ne donnerai donc pas d’exemple, mais je pense que tout un chacun connaît quelques exemples, et même qu’il peut les trouver dans son propre comportement … Je ne sais pas vous, mais moi, cela m’est déjà arrivé de me dire : « Tu n’es pas honnête avec toi-même ! »

Et l’attitude du publicain, poussée à l’extrême, ne peut-elle pas devenir une sorte de pharisaïsme, à toujours se reconnaître pécheur, incapable, inutile …

Et c’est cela le problème : nous naviguons souvent entre ces deux extrêmes : se montrer en bien ou se montrer en mal ! Se montrer chrétien, mais sans vraiment croire en Dieu, se dire chrétien mais sans évangéliser, ou croire en Dieu mais en ayant honte de le montrer ou encore plus de le dire !

Que nous demande Jésus-Christ ?

« Va…, vends…, viens… Suis-moi ! » (Mt 19,21)

Écouter sa parole et la mettre en pratique.

« Allez ! De toutes les nations faites des disciples … apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28,19-20).

Et c’est bien la Parole de Dieu que nous devons proclamer, et non la notre. Et c’est bien ce que dit saint Paul dans la deuxième lecture : « quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. ».

« Le Christ, en effet, ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile » (1 Co 1,17), et cela, tous les baptisés devraient être capable de le faire, chacun à son niveau, dans son cercle de famille, dans son travail, dans ses relations … par sa parole, mais surtout par ses actes … humblement, sans se monter la tête ! « car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. … car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ ».

Ayons toujours les paroles du psaume de ce jour dans nos cœurs :

Seigneur,

je n’ai pas le cœur fier

ni le regard ambitieux ;

 je ne poursuis ni grands desseins,

ni merveilles qui me dépassent.

Non, mais je tiens mon âme

égale et silencieuse ;

mon âme est en moi comme un enfant,

comme un petit enfant contre sa mère.

Attends le Seigneur, Israël,

maintenant et à jamais

Francis Cousin                     

              

Pour accéder à une prière illustrée, cliquer sur le titre suivant : Prière dim ord A 31° A6

Si vous désirez une illustration du texte d’évangile commenté ce jour cliquer sur le lien suivant :  Parole d’évangile semaine 17-45




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

30e dimanche ordinaire – Matthieu 22 34–40

 

 

Jésus vient de fermer la bouche aux sadducéens. Les sadducéens, moins zélés que les pharisiens mais leur rival pour le pouvoir religieux, se sont tournés davantage vers la politique. Par opposition aux pharisiens, très attachés à la tradition orale, ils rejetaient toute tradition autre que la Loi écrite. Ils se recrutaient dans les grandes familles sacerdotales, donc très religieux, et voilà que Jésus vient de fermer leur bouche. Jésus n’a pas eu peur d’affronter directement les responsables religieux de l’époque, incapables de diriger convenablement le peuple de Dieu. Il n’hésite pas à rabrouer même ses disciples quand ils se comportent mal, comme il a agi avec Pierre en lui disant (Mt 16,23) : « Passe derrière-moi Satan » et cela, sans chercher à savoir s’il était susceptible ou non. Certains des disciples de Dieu qui nuisent au bon fonctionnement de l’Église, comme les pharisiens, les sadducéens, Jésus les a combattus, tout comme aujourd’hui, l’Église n’a pas hésité à excommunier certaines personnes qui font du tort à l’Église. La désobéissance à la hiérarchie ecclésiastique, pour un catholique, n’est rien d’autre qu’une manière de se révolter contre la volonté de Dieu, car celui qui a reçu le sacrement de l’ordre est le représentant de Dieu. Ainsi en Bolivie, Catalina Rivas, une mystique stigmatisée, dans ses visions pendant une messe présidée par l’Archevêque, raconte : « Lorsqu’il éleva l’Hostie, j’ai vu ses mains et le dos de ses mains. Il avait des marques desquelles émanait une grande lumière. C’était Jésus ! C’était Lui qui enveloppait le célébrant de son Corps comme s’il enveloppait amoureusement les mains de l’Archevêque » (« Visions de Catalina pendant la messe »).

Les personnes désobéissantes à la hiérarchie sont toujours aimées de Dieu, même s’Il n’approuve pas leurs actes. Il n’attend cependant que leur conversion et leur adhésion totale à l’enseignement de Jésus-Christ et donc à la hiérarchie de l’Église puisque l’Église a été fondée par Jésus lui-même.  Les excommuniés ont la possibilité de revenir au catholicisme selon des règles bien établies.

Suite aux sadducéens, voici maintenant les pharisiens qui essaient de piéger Jésus. Un de leurs spécialistes posent à Jésus la question : « Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi? ». A l’époque, ils avaient disséqué la Loi et avaient répertorié 613 préceptes dont 365 interdictions (des actes à ne pas faire) et 248 commandements (actes à faire). Non seulement, eux-mêmes n’arrivaient pas à respecter tous ces préceptes, mais en plus ils alourdissaient le fardeau de chacun, d’où ces paroles de Jésus Mt 23,3-4 : « 3 faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes (= ne faites pas comme eux): car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt ». Et Jésus va résumer tous ces préceptes en seulement deux commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : 38 voilà le plus grand et le premier commandement. 39 Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes ». Les deux commandements commencent par « Tu aimeras ». Il n’a jamais été dit : « Tu dois chercher à te faire aimer ou bien tu feras tout pour être aimé ». C’est le contraire : même si tu n’es pas aimé, tu dois aimer. Ensuite, il y a « aimer » et « aimer ». Il y a ceux qui aiment le monde avec cette tendance continuelle à chercher la grandeur et l’estime en sa propre faveur, une recherche continuelle et secrète de son propre plaisir et de son propre intérêt, parfois de manière grossière et visible aux yeux de tous, et parfois de manière fine, trompeuse, discrète. Grignion de Monfort [76] nous dit qu’une personne qui aime le monde est une personne qui ne cherche qu’à se couvrir des apparences de chrétien et de personne honnête, sans se mettre beaucoup en peine de plaire à Dieu ». C’est ainsi que dans certaines sectes, l’accueil est très chaleureux, et même trop chaleureux pour être vrai, authentique. Il faut bien attirer les gens et on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Nous, nous nous basons sur la parole de Dieu et sur l’attitude du Christ. Il ne s’agit pas d’aimer le monde pour en tirer un profit, quel qu’il soit, pour soi-même, ou pour un groupe. [200] « Il faut, nous dit Grignion de Monfort, tant qu’on peut, fuir les compagnies des hommes, non seulement celles des mondains, qui sont pernicieuses ou dangereuses, mais même celles des personnes dévotes, lorsqu’elles sont inutiles et qu’on y perd son temps. Celui qui veut devenir sage et parfait doit mettre en exécution ces trois paroles dorées que la Sagesse éternelle dit à saint Arsène : « Fuyez, cachez-vous, taisez-vous!» Fuyez tant que vous pourrez les compagnies des hommes ». Si vous avez une mission, accomplissez-la du mieux que vous pouvez, puis fuyez pour prier. Et il ajoute : [194] La Sagesse, dit le Saint-Esprit, ne se trouve point chez ceux qui vivent à leur aise, qui donnent à leurs passions et à leurs sens tout ce qu’ils dési­rent. Car ceux qui marchent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu. [195] Ne vous imaginez pas que cette Sagesse, plus pure que les rayons du soleil, entre dans une âme et un corps souillés par les plaisirs des sens. Ne croyez pas qu’elle donne son repos, sa paix ineffable, à ceux qui aiment les compagnies et les vanités du monde ».

Jésus nous envoie dans le monde pour l’aider à se tourner vers Dieu. Tout amour véritable, pour qui que ce soit, vient de Dieu et doit nous faire tourner vers Dieu, et c’est parce que nous puisons notre amour en Dieu que nous finissons par aimer véritablement le monde selon la volonté de Dieu et non pas à la manière des hommes. Voici ce que dit Saint Thérèse d’Avila : « Lorsque Dieu montre à une âme ce qu’est le monde et le peu qu’il vaut, la différence qu’il y a entre les deux, l’éternité de l’un, le songe rapide de l’autre ( ou l’illusion temporelle de l’autre); lorsqu’il lui dévoile ce que c’est que d’aimer le Créateur, ou la créature; lorsque l’âme connaît cela, par son intelligence, par sa foi, mais aussi par sa propre expérience, ce qui est bien différent; lorsqu’elle voit … ce qu’elle gagne à aimer le Créateur, ce qu’elle perd à aimer la créature (c’est-à-dire bien peu de choses), ce qu’est l’un, ce qu’est l’autre, …alors l’âme aime d’une manière beaucoup plus parfaite que celles qui ne sont pas élevées à cet état. L’âme éclairée de la sorte possède un amour purement spirituel. Les âmes que Dieu élève à cet état sont des âmes généreuses, des âmes royales. Elles ne mettent point leur bonheur à aimer quelque chose d’aussi misérable que nos corps, dont la beauté et la grâce, cependant, peuvent bien plaire à leurs yeux, et dont elles loueront le Créateur. Mais s’y arrêter… cela non. Il leur semblerait ainsi s’attacher à des choses sans poids (sans aucune importance) et chérir une ombre; ces âmes élevées dans la connaissance de l’amour de Dieu et du monde auraient honte d’elles-mêmes et n’oseraient pas, sans être remplies de confusion, dire à Dieu qu’elles l’aiment. Mais me direz-vous, ces personnes ne sauront pas aimer, ni payer de retour l’amour qu’on leur porte. Du moins, vous répondrai-je, il leur importe peu qu’on les aime…. il y a un profond aveuglement à vouloir être aimé des autres. En effet, si nous dési­rons l’affection du prochain, nous y recherchons tou­jours quelque intérêt ou une satisfaction personnelle. Les personnes (qui aiment Dieu véritablement) ont déjà foulé aux pieds tous les biens et tous les plaisirs que le monde peut leur procurer. Leur joie est de telle nature qu’elles ne peuvent les goûter qu’en Dieu ou dans des entretiens où l’on parle de Dieu. Quel profit peuvent-elles donc retirer à être aimé ? Dès qu’elles se rappellent cette vérité, elles rient d’elles- mêmes, et de la peine qu’elles ont éprouvée jadis quand elles se demandaient si leur amour était oui ou non payé de retour. Mais, quoique notre amour soit bon, il nous est très naturel de désirer être aimés. Or, lorsque vous venez à recevoir ce retour d’amour, de reconnaissance, d’être aimé en retour, vous reconnaissez qu’elle n’est qu’une paille légère; tout cela n’est que de l’air; ce sont des atomes que le vent emporte. Lorsqu’on nous a beaucoup aimés, que nous en reste-t-il ? (Autrement dit, l’amour des hommes envers soi-même semble bien peu de choses quand on connaît l’amour de Dieu). Aussi, ceux dont je parle ne se soucient pas plus d’être aimés que de ne l’être pas, …Ces personnes-là, (me) direz-vous, n’aiment donc et ne savent aimer personne si ce n’est Dieu? Je réponds qu’ils (les) aiment beaucoup plus: leur amour est plus vrai, plus ardent et plus utile; enfin, c’est de l’amour. Ils sont plus portés à donner qu’à recevoir; telle est leur disposition à l’égard du Créateur lui-même ». Ce qui compte c’est d’aimer et non pas de se faire aimer ou de chercher à être aimé. L’amour reçu du monde, les reconnaissances, l’attention qu’on vous porte sont bien peu de choses parce qu’on est tourné soi-même vers Dieu, et cela suffit, on a besoin de rien d’autre. Dieu seul suffit. Et pourtant, à cause de cet amour véritable entre Dieu et soi-même, on aimera encore bien plus les gens que l’on côtoie tous les jours, sans rien attendre d’eux en retour. « Aimer Dieu » donne à la personne qui aime, une grande liberté de vie : elle vit Dieu, elle pense Dieu, elle respire Dieu. Son âme peut alors connaître la paix pendant des années. A partir de là, tout le reste lui est supportable, sans même jamais chercher à se plaindre, bien qu’elle ait toujours les mêmes problèmes qu’avant d’aimer Dieu. Ce qui a changé en cette personne, c’est sa façon de voir la vie, et elle réglera ses problèmes de tous jours avec un autre regard, avec beaucoup de patience, de compréhension, avec une paix intérieure qui peut durer aussi longtemps qu’elle reste unie au Christ. Aimer ce n’est pas être aimé. Lorsqu’on dit qu’« aimer c’est tout donner », on n’a jamais dit que c’est pour mieux recevoir, mais bien donner gratuitement, sans arrière-pensée, sans rien attendre en retour et c’est tout le contraire de ceux qui donnent peu en espérant recevoir beaucoup. Cela s’appelle du calcul grossier, indigne du chrétien. On ne triche pas avec Dieu. Apprenons à aimer. Et c’est en regardant le Christ, le Christ dans sa Passion, qu’on apprend à aimer. Les lois divines sont toujours des lois d’amour. Appliquons-les, avec la grâce de Dieu et l’aide de Marie.




30ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,

de toute ton âme et de tout ton esprit ».

Nous ne sommes ni comme les pharisiens ni comme les sadducéens. Nous n’avons pas envie d’embarrasser Jésus, car en ce qui concerne la Loi et le résumé de la Loi, nous n’avons pas d’hésitation. Nous sommes sûrs que ce commandement que nous venons d’entendre et celui qui lui est semblable « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », sont les deux piliers de la Loi, de notre vie chrétienne : cela nous paraît absolument évident. C’est pourquoi je ne puis pas faire mieux qu’un commentaire littéral, presque grammatical, au moins du premier commandement. De fait, nous croyons si bien connaître ces commandements qu’en réalité nous en perdons toute la saveur, c’est-à-dire toute la sagesse. Veuillez donc me pardonner s’il s’agit d’un commentaire mot à mot.

« Tu aimeras ». Nous pensons toujours : « il faut qu’on aime », mais c’est : « Tu aimeras ». Cette injonction nous est adressée à chacun d’entre nous personnellement. Ce n’est pas une vérité générale de la philanthropie humaine signifiant que « quand tout le monde s’aide, personne ne se tue ». C’est vrai, mais ce n’est pas précisément comme cela que c’est formulé. Ce n’est pas non plus : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » ! C’est : « Tu aimeras ». Il s’agit du fondement radicalement personnel de notre relation, soit avec Dieu, soit avec les autres. On ne peut pas sortir du fait d’avoir été interpellé chacun personnellement. Mais que signifie le verbe « aimer » au futur ? Nous croyons que cela veut dire simplement : « Il faut aimer », une sorte d’obligation ou de programme de vie. Ce n’est pas exact. Chez nous, le futur, c’est le programme de ce que nous allons faire et, d’une certaine manière, ce serait bien commode si nous comprenions ce commandement comme un futur. Cela voudrait dire : « Nous aimerons plus tard, pour l’instant profitons de la vie et nous verrons plus tard ». Mais précisément l’hébreu a un temps spécial des verbes pour dire autre chose et nous sommes obligés, faute de mieux, de nous rabattre sur le futur. Ce temps : « Tu aimeras », en réalité, veut dire : « Tu aimes en plénitude, de façon accomplie, de façon plénière et totale ». Quelle audace ! C’est tellement audacieux que, nous-mêmes, nous essayons d’instaurer un délai : « Tu aimeras ». Pourtant, par cette Parole, Dieu dit à chacun d’entre nous : « Tu aimes de façon accomplie et définitive, tu aimes totalement ». Or, comment Dieu peut-Il dire une chose pareille ? Ça crève les yeux que ce n’est pas vrai, ça crève les yeux que nous n’aimons pas, et surtout que nous n’aimons pas en plénitude. Alors pourquoi Dieu nous dit-Il cette chose si radicale : « Tu aimes et tu aimes de façon plénière » ? Précisément en hébreu, ce temps est utilisé parfois pour dire que ce qui va se passer n’est pas tout à fait notre œuvre et que ce sera l’œuvre de Dieu. L’expression « Tu aimeras » veut dire : « Dieu va te donner » ou plus exactement : « Dieu te donne d’aimer, Dieu te donne d’être quelqu’un en t’appelant, toi, et en même temps qu’Il t’appelle, toi, et c’est tout un, Il te donne d’aimer ». Autrement dit, si on suit rigoureusement la logique de cette Parole de Dieu, c’est en même temps qu’Il nous donne d’exister et d’aimer parfaitement..

Dès lors, c’est le problème du péché qui est posé, lequel n’est rien d’autre que la pédale de frein qui entrave l’action créatrice de Dieu. Alors que Dieu veut nous donner un dynamisme et un élan, nous sommes là avec notre inertie à freiner des quatre fers pour empêcher que, chez nous, « exister » et « aimer » disent la même chose. Pourtant notre A.D.N. spirituel, c’est que « exister = aimer » ; l’homme, comme toutes les créatures spirituelles, est bâti de telle sorte que le programme génétique profond de l’existence humaine consiste à aimer. Et c’est pour cette raison que ces commandements ne sont pas simplement des ordres ou des lois, ils sont très exactement la traduction à l’état pur de ce qu’est l’homme comme créature de Dieu : exister est l’équivalent d’aimer.

« De tout ton cœur » : l’amour, on n’y peut rien, inclut toujours le cœur c’est-à-dire l’affection, et sur ce point il y aurait déjà bien des choses à dire. « De tout ton cœur », c’est-à-dire :« Si tu veux exister en aimant, il faut qu’il y ait tout ton cœur qui aime ». Vous connaissez l’histoire célèbre de la brave dame qui avait des pauvres et qui leur disait : « Ah ! Mes chers amis, ce n’est pas pour vous que je donne quelque chose, ni pour vous aider, mais c’est pour le Bon Dieu ! » C’est comme si elle avait dit : « Ne croyez surtout pas que je vous aime, en réalité, vous ne m’intéressez pas, mais ce qui m’intéresse c’est moi et ces bonnes œuvres que je crois pouvoir présenter à Dieu ». Hélas ! Ce réflexe, de façon beaucoup plus subtile et camouflée souvent, est très fréquent dans notre vie de chrétiens.

Je ne sais pas si c’est à cause de Freud, mais l’affectivité est une réalité qui généralement fait peur. Or l’affectivité est un des dynamismes fondamentaux de notre existence humaine, c’est la volonté et le désir dont parlaient les théologiens du Moyen Âge. Le désir est ce qui vous rend fondamentalement différents des animaux. Les animaux n’ont pas de désirs, ils ont des besoins. Car quand un animal a tété sa mère, il a satisfait son besoin, il ne demande rien de plus. Quand un enfant a simplement reçu à manger, on a peut-être satisfait son besoin, mais on n’a pas calmé son désir d’enfant qui est d’être aimé et d’avoir une relation affective avec sa mère. Le désir trace en nous une ouverture sur quelque chose d’infini, d’illimité, et quand le Christ dit que notre existence est une existence d’amour de tout notre cœur, Il désigne exactement cette aspiration du désir qui n’est pas simplement d’aimer pour satisfaire des besoins, mais pour laisser s’éveiller en nous un désir, qui est un des premiers pressentiments de notre destination à Dieu. Car notre désir ne serait pas si grand, il ne serait pas infini s’il ne nous portait pas vers Quelqu’un qui est Lui-même infini. La première signature de l’œuvre créatrice de Dieu en nous, hommes existant pour aimer, c’est le désir que nous avons d’aimer. Quand nous lisons cette phrase : « Tu aimeras de tout ton cœur », nous voyons qu’il est impossible et insensé de faire l’impasse du désir dans l’amour. Et c’est une erreur de croire que la seule chose valable du point de vue chrétien, ce soit d’aimer contre ses désirs. Bien entendu, il y a désir et désir et cela ne dispense pas de la lucidité et du discernement. Mais le fait de vouloir dissocier radicalement l’amour de Dieu de cette force fondamentale du désir qui est en nous, c’est sûrement mutiler l’homme et l’empêcher d’accomplir cet appel et cette vocation que Dieu lui adresse.

« Tu aimeras Dieu de toute ton âme ». Ici il faut bien comprendre le mot « âme ». L’âme ne désigne pas cette partie spirituelle par laquelle nous pensons ou nous rêvons. L’âme, c’est la puissance qui nous fait vivre, qui fait que nous sommes des vivants. Là encore à certains moments, que de comportements prétendument chrétiens sont des comportements d’anesthésiés sinon de quasi morts ! Ici il faudrait laisser la parole à Nietzsche pour lui laisser dire ce qu’il avait sur le cœur vis-à-vis d’une certaine morale chrétienne à laquelle il reprochait de passer son temps à tuer systématiquement la vie, à faire que les manifestations les plus élémentaires de la vie, par exemple, la joie d’être ensemble, le bonheur de vivre et d’aimer, toutes ces expressions de l’âme comme puissance vitale de l’homme, étaient mutilées, châtrées par une espèce de code de fausse éducation, de fausse morale qui ne cessent jamais de ressurgir à tout moment. La vie, ce n’est pas de rester « coincé » dans son coin, la vie, c’est de laisser grandir et s’épanouir toutes ses possibilités de rencontre, de communion, de bonheur que l’homme porte en lui. Et si on ne vit pas avec cela, alors nous sommes effectivement déjà morts. Et ce n’est pas la résurrection du Christ qui pourra nous ressusciter dans ce cas-là !

La troisième exigence est formelle aussi : « Tu aimeras de tout ton esprit ». Et sur ce chapitre, combien il y aurait de choses à dire ! Aimer avec son esprit, c’est-à-dire avec son intelligence. Car l’amour exige l’intelligence. Vous savez, il y a souvent une différence radicale entre les intellectuels et les gens intelligents. Les intellectuels peuvent être intelligents, et là c’est un grand bonheur de les fréquenter. Mais quand ils ne le sont pas, leur intelligence ressemble à un moulin à café qui prend le café en gros grains et qui le passe à la moulinette pour le ressortir en grains plus fins. Vous me direz : « Ça sert toujours à faire le café », mais ce n’est pas pour cela que Dieu nous a donné une intelligence. L’intelligence, c’est une capacité de compréhension immédiate de la réalité qui est en face de nous et surtout de cette réalité qui est en face de nous et qui est l’autre, qui est Dieu ou qui est l’homme. Aimer de tout son esprit, c’est découvrir en nous, au plus intime de notre intelligence, que nous sommes ordonnés aux autres, non pas pour en devenir des esclaves, bien que le Christ ait accepté Lui-même de devenir esclave de ses frères, mais d’abord pour développer ce sens profond d’être avec l’autre, à son écoute, à son éveil, à son attente. Cette finesse du cœur qui fait que l’on entend chez l’autre la joie ou le désir d’aimer et d’être aimé, cette finesse de l’intelligence qui fait que l’on est capable de devancer l’autre dans son désir. Dieu ne nous demande-t-Il pas cela ? Lui qui, dans son renoncement, nous a devancés infiniment au-delà de nos désirs.

Voilà donc ce que veut dire : « Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta vie et de tout ton esprit ». C’est le programme qui est tracé aujourd’hui pour chacun d’entre nous à travers notre existence baptismale. C’est le programme par lequel nous devenons des amis de Dieu, non pas des gens qui suivent scrupuleusement un code par peur de « rater » des examens, mais des gens qui ont reçu au cœur cette force d’aimer dans le désir, cette vitalité de l’âme qui fait vivre et cette intelligence qui nous permet de deviner la profondeur du regard de Dieu et du regard des autres sur nous. Et c’est à travers cet appel à aimer Dieu ainsi que nous pouvons exister aujourd’hui comme chrétiens, comme Église, comme fils de Dieu, comme baptisés. Amen.