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Dimanche des Rameaux et de la Passion par le Diacre Jacques FOURNIER

 » La Passion révélation de l’Amour de Dieu

pour nous… »

 

En ce temps-là, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres
et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent.
Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples s’approchèrent et dirent à Jésus : « Où veux-tu que nous te fassions les préparatifs pour manger la Pâque ? »
Il leur dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : “Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.” »
Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.
Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze.
Pendant le repas, il déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. »
Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun son tour : « Serait-ce moi, Seigneur ? »
Prenant la parole, il dit : « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer.
Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né, cet homme-là ! »
Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! »
Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »
Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous,
car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés.
Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Alors Jésus leur dit : « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : ‘Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées.’
Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Prenant la parole, Pierre lui dit : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. »
Jésus lui répondit : « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »
Pierre lui dit : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples dirent de même.
Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »
Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse.
Il leur dit alors : « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi. »
Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. »
Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ?
Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
De nouveau, il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois ; il disait : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! »
Revenu près des disciples, de nouveau il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil.
Les laissant, de nouveau il s’éloigna et pria pour la troisième fois, en répétant les mêmes paroles.
Alors il revient vers les disciples et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer. Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.
Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. »
Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, et avec lui une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.
Celui qui le livrait leur avait donné un signe : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. »
Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : « Salut, Rabbi ! » Et il l’embrassa.
Jésus lui dit : « Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » Alors ils s’approchèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.
L’un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre, et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus lui dit : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée.
Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges.
Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures selon lesquelles il faut qu’il en soit ainsi ? »
À ce moment-là, Jésus dit aux foules : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus vous saisir de moi, avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, dans le Temple, j’étais assis en train d’enseigner, et vous ne m’avez pas arrêté. »
Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent.
Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.
Quant à Pierre, il le suivait à distance, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.
Les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort.
Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux,
qui déclarèrent : « Celui-là a dit : “Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.” »
Alors le grand prêtre se leva et lui dit : « Tu ne réponds rien ? Que dis-tu des témoignages qu’ils portent contre toi ? »
Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu. »
Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ! En tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. »
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème !
Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. »
Alors ils lui crachèrent au visage et le giflèrent ; d’autres le rouèrent de coups
en disant : « Fais-nous le prophète, ô Christ ! Qui t’a frappé ? »
Cependant Pierre était assis dehors dans la cour. Une jeune servante s’approcha de lui et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen ! »
Mais il le nia devant tout le monde et dit : « Je ne sais pas de quoi tu parles. »
Une autre servante le vit sortir en direction du portail et elle dit à ceux qui étaient là : « Celui-ci était avec Jésus, le Nazaréen. »
De nouveau, Pierre le nia en faisant ce serment : « Je ne connais pas cet homme. »
Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent et dirent à Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu es l’un d’entre eux ! D’ailleurs, ta façon de parler te trahit. »
Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta.
Alors Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement.
Le matin venu, tous les grands prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mettre à mort.
Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent et le livrèrent à Pilate, le gouverneur.
Alors, en voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait livré, fut pris de remords ; il rendit les trente pièces d’argent aux grands prêtres et aux anciens.
Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Que nous importe ? Cela te regarde ! »
Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.
Les grands prêtres ramassèrent l’argent et dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »
Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le champ du potier pour y enterrer les étrangers.
Voilà pourquoi ce champ est appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang.
Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : ‘Ils ramassèrent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix, le prix fixé par les fils d’Israël,
et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.’
On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus déclara : « C’est toi-même qui le dis. »
Mais, tandis que les grands prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien.
Alors Pilate lui dit : « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? »
Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné.
Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait.
Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas.
Les foules s’étant donc rassemblées, Pilate leur dit : « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus, appelé le Christ ? »
Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus.
Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. »
Les grands prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus.
Le gouverneur reprit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils répondirent : « Barabbas ! »
Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ? » Ils répondirent tous : « Qu’il soit crucifié ! »
Pilate demanda : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Ils criaient encore plus fort : « Qu’il soit crucifié ! »
Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! »
Tout le peuple répondit : « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! »
Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié.
Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans la salle du Prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde.
Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge.
Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient devant lui en disant : « Salut, roi des Juifs ! »
Et, après avoir craché sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête.
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.
En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus.
Arrivés en un lieu dit Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne (ou Calvaire),
ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ;
et ils restaient là, assis, à le garder.
Au-dessus de sa tête ils placèrent une inscription indiquant le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »
Alors on crucifia avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.

Les passants l’injuriaient en hochant la tête ;
ils disaient : « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant :
« Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !
Il a mis sa confiance en Dieu. Que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime ! Car il a dit : “Je suis Fils de Dieu.” »
Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.
À partir de la sixième heure (c’est-à-dire : midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure.
Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : « Éli, Éli, lema sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! »
Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire.
Les autres disaient : « Attends ! Nous verrons bien si Élie vient le sauver. »
Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
Et voici que le rideau du Sanctuaire se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent.
Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent,
et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la Ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens.
À la vue du tremblement de terre et de ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »
Il y avait là de nombreuses femmes qui observaient de loin. Elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir.
Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
Comme il se faisait tard, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu, lui aussi, disciple de Jésus.
Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remette.
Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul immaculé,
et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.
Or Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre.
Le lendemain, après le jour de la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate,
en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : “Trois jours après, je ressusciterai.”
Alors, donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : “Il est ressuscité d’entre les morts.” Cette dernière imposture serait pire que la première. »
Pilate leur déclara : « Vous avez une garde. Allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez ! »
Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du sépulcre en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.                   

             

       

 

            « Jésus n’est ni utopiste ni un doux rêveur. Il est l’incarnation d’un Dieu qui est Amour » écrit Théophile Penndu (« Jésus Sauveur » (DDB)). « Il est crédible car il a aimé jusqu’au bout, il a vaincu la haine.

            La liturgie chrétienne peut ainsi nous parler de « la passion qui nous sauve » car au cours de sa passion, au milieu des pires souffrances, Jésus s’est montré plus fort que toutes les méchancetés ou injustices. Aucune force hostile n’a pu avoir raison de son amour qui va jusqu’à pardonner à ses bourreaux. C’est là surtout que nous pouvons vérifier qu’il est sauveur. Grâce à lui, nous savons que nous sommes aimés même si nous ne le méritons pas. Même si nous le renions, son amour à lui restera fidèle et nous permettra de nous relever. »

            Ainsi lors du dernier repas qu’il partagea avec ses disciples, Jésus dit : « L’un de vous me livrera ». Or, lorsque quelqu’un organisait un repas, il attendait que tous ses invités soient là, puis, il lançait le repas en donnant la première bouchée à celui qu’il considérait en cette occasion comme son invité d’honneur… C’est ce que Jésus fit vis-à-vis de Judas : « Trempant alors la bouchée, il la prit et la donna à Judas » (Jn 13,26). Jésus sait qu’il s’apprête à le trahir, mais par ce geste, il lui dit en silence : « Je t’aime »…

            Cette première bouchée était constituée d’herbes amères (Ex 12,8 ; Nb 9,11), symboles de cette dure servitude à laquelle le Peuple d’Israël fut jadis asservie en Egypte : « Les Israélites, gémissant de leur servitude, crièrent, et leur appel à l’aide monta vers Dieu, du fond de leur servitude… Dieu dit alors à Moïse : « Je suis le Seigneur et je vous soustrairai aux corvées des Égyptiens ; je vous délivrerai de leur servitude et je vous rachèterai à bras étendu et par de grands jugements » » (Ex 2,23 ; 6,6). Ce rituel rappelait donc la libération de cet esclavage… « Et c’est par amour pour vous que le Seigneur vous a fait sortir à main forte et t’a délivré de la maison de servitude, du pouvoir de Pharaon, roi d’Égypte » (Dt 7,8). Prêt à vendre son maître pour « trente pièces d’argent » (Mt 26,15), Judas était pris dans l’esclavage de la convoitise, avec son cortège de ténèbres et de souffrances (Rm 2,9) ? Par son geste et le symbolisme des herbes amères, Jésus lui redit son amour et son désir de le libérer par la Toute Puissance de sa Miséricorde… Et cette attitude ne fléchira pas. « Ami » (Mt 26,50) lui dira-t-il encore en réponse à ce baiser par lequel il le désignait aux soldats… Nul doute que Jésus offrira sa vie aussi pour lui… DJF  




5ième Dimanche de Carême – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Seigneur, si Tu avais été là,

mon frère ne serait pas mort ».

Je voudrais aujourd’hui vous proposer un commentaire inattendu, ou peut-être attendu, du miracle de la résurrection de Lazare. Je voudrais en faire un commentaire politique. Rassurez-vous, je ne vais pas vous donner des indications de vote, car ce serait vous mépriser que de croire que le clergé peut diriger la conscience politique des fidèles. Mais je voudrais vous parler de la gravité du politique. Car je crois qu’aujourd’hui, c’est une réalité dont il faut que nous mesurions toute l’importance et toute la gravité, quelles que soient par la suite les opinions ou la manière dont nous concevons les options pratiques en ce domaine. Et d’ailleurs nous sommes en démocratie : chacun peut penser ce qu’il veut.

Qu’est-ce que la politique dans la cité antique? Rassurez-vous, je ne perds pas de vue que je dois vous parler de Lazare. La cité antique, dans sa vie politique, n’avait qu’un but : durer. Pourquoi avait-on formé des cités ? C’était évidemment pour subvenir aux besoins de tous les membres qui la composaient. Donc l’idéal était de durer. Mais il y avait plus : durer de telle sorte que les institutions politiques perpétuent la mémoire de ceux qui avaient vécu et fait de grandes œuvres ou des actions d’éclat. Les Grecs ont donc inventé une forme de vie politique non seulement pour vivre ensemble, pour faire face au jour le jour, mais aussi pour que les grands exploits, les grandes batailles, Marathon, Salamine etc., ne périssent pas dans l’oubli du temps. Et la politique était d’une certaine manière l’art de créer une cité, une vie commune pour qu’y vive la mémoire des grands hommes : c’est très précisément ce que l’on appelle la gloire dans le monde antique. La cité antique avec son système politique était une machine à conserver la gloire. C’est un peu resté dans notre tradition, mais très affaibli.

La conséquence de cette vision du monde, c’est qu’on ne gardait en mémoire que ce qui en valait la peine. Il s’opérait donc « politiquement » un tri impitoyable et la cité, la politique, constituaient la réglementation de cet art de survivre à la mort et au temps en sachant que, de toute façon, il y aurait probablement plus de pertes que de profits. C’est pourquoi dans l’Antiquité, la politique ne se souciait pas du destin individuel de tel ou tel dans sa singularité. Il fallait que le groupe survive et se remémore la gloire de ceux qui étaient les meilleurs. Et le reste passait par profits et pertes. Une autre conséquence en découlait, c’est qu’en réalité l’objet de la politique dans la cité était de survivre ici-bas : on ne vivait pas dans la cité grecque pour pouvoir, un jour, s’immortaliser dans un au-delà paradisiaque. L’Hadès des Grecs n’avait rien d’agréable, c’était une sorte de congélateur de la vie après la mort et la seule immortalité envisageable, très peu satisfaisante et peu excitante, il faut bien en convenir, était celle de rester dans la mémoire de ses concitoyens.

Or cet évangile de Lazare, apparemment si anecdotique et provincial par rapport à l’histoire gréco-romaine, bouleverse totalement le schéma que je viens de décrire. « Seigneur, si Tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Mais qui était Lazare comme citoyen ? Qui était Lazare dans la vie et l’histoire de la Judée ? Un brave homme, un « bonhomme » parmi d’autres, qui avait des relations d’amitié avec un certain Rabbi de Nazareth. C’est tout. Or Jésus vient le ressusciter. Il vient rendre la vie à cet homme-là, à cet homme de la « rue » dépourvu de tout profil politique. Il vient le retirer du tombeau, Il lui donne de vivre à nouveau de cette vie d’ici-bas. Qu’est-ce que ça veut dire ? A la différence de la cité grecque, pour Jésus, la vie d’un individu a un prix infini, la vie comme vie, ici-bas sur la terre. Or cela constitue une révolution dans l’histoire de l’Occident et plus tard du monde entier, parce qu’on n’avait jamais osé penser une chose pareille. Jusque-là chacun avait sa petite part de vie, il la défendait « du bec et des ongles », puis il mourait, c’était fini. Et là, Jésus vient casser cette espèce de fatalisme de la cité et de la politique antique, Il pose publiquement un geste qui signifie : « Non, cet homme-là, je vais le faire vivre, le faire revivre, je vais lui rendre la vie et une vie d’ici-bas, maintenant ». Pourquoi un geste aussi provocant ?

Un philosophe contemporain, théoricien de l’histoire philosophique des idées politiques qui s’appelle Hannah Harendt, a écrit sur cette question, non pas sur l’épisode de Lazare précisément, mais sur le sens et le bouleversement produit par l’irruption de la foi chrétienne dans l’Antiquité. Je voudrais vous en lire une brève citation et la livrer à votre réflexion, car elle me semble constituer un commentaire éclairant de cet évangile de Lazare. Quand Jésus rend la vie à Lazare, c’est en réalité, vous le savez bien, parce que la vie d’ici-bas est le lieu dans lequel commence notre vie éternelle. Voilà ce qui change et qui modifie complètement les données politiques de la cité antique :

« Cette immortalité chrétienne, le fait que nous soyons promus, et en même temps promis à l’immortalité, cette immortalité chrétienne conférée à une personne qui en son unicité, commence sa vie en naissant sur la terre, n’a pas eu seulement pour résultat l’intensification très évidente de la préoccupation de l’autre monde, elle a aussi énormément accru l’importance de la vie sur terre. C’est que le christianisme … a toujours affirmé que la vie, bien que n’ayant plus de terme final, a un commencement bien défini. La vie sur terre n’est sans doute que la première étape … de la vie éternelle, mais c’est une vie, et sans cette vie qui s’achèvera dans la mort, il ne peut pas y avoir de vie éternelle… C’est seulement lorsque l’immortalité de la vie individuelle devint le dogme central de l’Occident, c’est-à-dire à l’avènement du christianisme, que la vie sur terre devint aussi le souverain bien de l’homme » (La condition de l’homme moderne).

C’est une des réflexions les plus stimulantes que je connaisse sur le sens philosophique de l’action politique. Voilà quelque chose, quand on y réfléchit, qui est tellement étonnant pour nous aujourd’hui : c’est évident que notre vie soit notre souverain bien, ça nous saute aux yeux ! Dans le monde ancien, ce n’était pas le cas. Dans le monde ancien, il y en avait qui vivaient longtemps, pas longtemps, tant pis pour eux, ça ne faisait rien, on s’en moquait. En réalité ce n’était pas la vie qui comptait, c’était de se donner une sorte de gloire qui allait rester dans la postérité. Ici, le Christ en ressuscitant Lazare fait que la vie, cette vie concrète que nous avons maintenant, devient pour ainsi dire le lieu d’enracinement, le lieu de surgissement, le lieu de commencement de la vie éternelle. C’est pour cela qu’aujourd’hui les catéchumènes sont parmi nous.

Ils sont là parmi nous parce que nous les baptisons dans leur vie maintenant pour qu’elle devienne le lieu de surgissement de la vie éternelle. Vous voyez l’immense conséquence que cela a eu au niveau politique. Et je crois que si la démocratie a changé de sens dans notre tradition occidentale, c’est à cause du christianisme.

Auparavant la démocratie était une sorte de système formel d’égalité devant la loi, maintenant la démocratie moderne a le but de faire que tout le monde vive, ce qui est autre chose. Et je crois que là, le message chrétien est passé. C’est la raison pour laquelle la vie politique de nos jours est plus difficile et plus compliquée que chez les Grecs. C’est une chose extrêmement difficile que de vouloir qu’une cité vive en prenant soin de la vie de chacun de ses individus, car maintenant c’est devenu le devoir de l’Etat, ce qui n’était pas du tout le cas dans l’Antiquité. Par conséquent, c’est ici à la lumière de la résurrection de Lazare, à la lumière de la tradition chrétienne, que la vie politique a changé de sens. Elle est devenue le lieu où toute vie a son importance. Bien entendu, pour les chrétiens, elle a son importance parce qu’elle est le lieu d’ouverture, le lieu de surgissement et de jaillissement de la vie éternelle, mais maintenant c’est la vie qui a son importance pour elle-même. Et voilà pourquoi la vie politique, de nos jours, est une chose si grave et si importante. Elle est d’autant plus grave que si nous avons enregistré le message, nous n’en avons enregistré que la moitié.

Nous avons enregistré le message au sens où nous savons que désormais toute vie, comme celle de Lazare qui ressuscite ce jour-là, toute vie humaine a un prix infini. Désormais c’est acquis, c’est central. Et un Etat qui méprise la vie humaine n’est pas un Etat digne d’être respecté. Mais nous savons aussi qu’aujourd’hui ce qui est difficile, c’est que nous ne pouvons plus croire tous ensemble que la vie humaine d’aujourd’hui est le lieu de surgissement de l’éternité. C’est ça le problème : avant, au Moyen Âge par exemple, c’était plus simple. On savait que la vie de tous les jours était gérée pour aller un jour au Royaume des Cieux. On se consolait comme on pouvait. Mais aujourd’hui ce n’est plus partagé par tout le monde, on sait que la vie peut être le lieu de surgissement de la vie éternelle, mais ce n’est pas partagé. Et c’est là que nous mesurons, nous chrétiens, notre responsabilité dans la vie politique. Et c’est pour cela que nous ne devons pas être dupes de ce jeu qui consisterait à dire : « Moi, je ne m’occupe que d’une chose, de la vie éternelle, et le reste je m’en fiche, cela n’a pas d’importance ». Ce n’est pas une attitude chrétienne vis-à-vis du politique, et je crains qu’à certain moments, cette tentation ait été très grave pour l’Église et pour certains chrétiens. Or c’est faux.

Ce que nous devons dire, ce que nous devons manifester par notre comportement et par notre être, c’est que la vie humaine de chacun d’entre nous qui vivons aujourd’hui est le lieu de surgissement de la grâce, ou peut l’être. Et par conséquent notre souci de la vie politique, c’est un souci du respect de chacun d’entre nous, comme si dans la vie la plus courante et la plus quotidienne, c’était là que Dieu avait choisi de venir surgir, planter sa tente, planter sa demeure parmi nous et commencer à poser les bases de son Royaume. Vous voyez pourquoi je vous parlais de la gravité du politique. Ce n’est pas une petite chose à côté, c’est une grande chose puisque Dieu Lui-même a choisi le vouloir vivre ensemble et le respect du vivre ensemble des uns et des autres comme le lieu même où peut surgir son Royaume. C’est cela, si je puis dire, la doctrine politique de l’Église, c’est de faire que la cité ne soit pas méprisée parce qu’elle serait de cette terre et que de toute façon elle est promue à la ruine et qu’il n’y a plus rien à en attendre. Au contraire, l’Église croit que chaque cité, chaque Etat, chaque organisation de vie sociale ou politique est infiniment respectable, infiniment grave à cause de la gravité du politique comme ce lieu même où peut surgir la vie éternelle de Dieu, le Royaume de Dieu.

Frères et sœurs, il faut qu’aujourd’hui nous méditions cette phrase en nous l’appliquant à nous-mêmes : « Si Tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». C’est-à-dire nous, chrétiens, aujourd’hui vis-à-vis de la vie politique, nous avons à témoigner de cette phrase, que la cité ne doit pas mourir. Nous avons à témoigner que toute cité peut être le lieu du surgissement de la vie éternelle et que nous devons la traiter avec un infini respect, dans toute la gravité et dans toute la beauté qui est le projet même de Dieu d’avoir voulu que nous vivions ensemble pour que dans cette vie, les uns les autres et de tout ce que nous faisons, nous puissions en réalité découvrir le plan de Dieu sur le monde. Amen.




5ième Dimanche de Carême par Francis COUSIN

 

« Seigneur, si tu avais été ici,

mon frère ne serait pas mort. »

L’évangile de ce dimanche nous parle du retour à la vie de Lazare, ami de Jésus, qui était malade. Bien qu’il ait été prévenu, Jésus ne bouge pas ; il attend ; il se contente de dire : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. », c’est-à-dire, pour saint Jean, qu’il soit mis en croix, et par la suite ressuscité.

On retrouve un peu le même type de phrase que la semaine dernière avec l’aveugle-né : « C’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui », par sa guérison physique, mais surtout sa guérison spirituelle.

Ici, c’est pour le retour à la vie de Lazare qui est une préfiguration de la résurrection de Jésus, pour conforter les apôtres dans leur foi en Jésus avant d’aller à Jérusalem, eux qui avaient peur d’y aller. « Les juifs cherchent à te lapider, et tu y retournes ! » ; d’un air de dire « tu es mieux ici,… et nous aussi … ». C’est pourquoi, quand Jésus décide d’y partir, Thomas s’écrie : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui. ». Et effectivement, c’est le retour à la vie de Lazare qui amènera la mise à mort de Jésus (« A partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer. » Jn 11,53).

Quand Jésus arrive à Béthanie, Marthe lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». C’est une sorte de reproche qu’elle lui fait.

Et c’est un reproche que l’on entend assez souvent, quand quelque chose va mal, après une catastrophe ou un cataclysme : « Si Dieu était avec nous (existait), il n’aurait pas permis cela ! … il n’y aurait pas eu d’accident ! … ». On oublie que Dieu, Jésus, est toujours avec nous : « Et moi, je suis tous les jours avec vous … » (Mt 28,20).

Tous les jours ! Est-ce que moi, je suis tous les jours avec Jésus ?

Et nous-même, ne nous arrive-t-il pas de faire ce genre de reproche à Jésus, à Dieu ? Oh, on ne le dit pas comme cela, mais c’est kif-kif ! Nous aimerions tant qu’il fasse ce que nous voulons. Qu’il se mettre à notre service. Qu’il soit notre obligé. « Avec tout ce que je fais pour toi, tu peux bien faire ça pour moi ! ». Finalement, bien  souvent, nous réitérons le péché originel. Nous voulons être Dieu à la place de Dieu, même si nous nous en récusons !

A la différence de la plupart d’entre nous, Marthe ajoute aussitôt : « Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. ».

Reproche, mais en même temps confiance en Jésus et confiance en Dieu. Dans la lignée de l’ancien testament : « Un pauvre crie, le Seigneur écoute… » (Ps 33,7). Marthe, et aussi Marie, étaient de vraies pauvres face à Jésus, elles se remettaient entièrement aux volontés de Jésus. Marthe ne demande rien à Jésus, mais elle affirme sa confiance dans les relations entre Jésus et Dieu, et que c’est Dieu qui peut faire ’’un miracle’’ à la demande de Jésus.

Jean insiste bien sur le fait que Jésus ne fait que la volonté de son Père : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement de qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. » (Jn 5,19), ou encore : « Les œuvres que je fais, moi, au nom de mon Père, voilà ce qui me rend témoignage. » (Jn 10,25).

Et devant le tombeau, dans sa prière vers son Père, Jésus dit : « Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours. »

Avec le Christ, nous pouvons triompher de nos difficultés, de nos doutes, et nous mettre sur le chemin de la vie, ici sur terre, en sortant de notre égoïsme, avec les autres, pour une vie plus juste et solidaire, plus ouverte aux autres ; puis après, dans la Vie éternelle, avec tous les saints : « Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ».

Mais rien ne se fera sans nous. Dieu ne nous oblige pas, mais il a besoin de nous pour bâtir ce monde de justice et de paix auquel nous rêvons tous.

A nous aussi, Jésus crie : «  N…, sors de ton tombeau, de ce qui ne te permet pas de vivre dans l’amour, en enfant de Dieu »

Seigneur Jésus,

trop souvent nous voudrions

mettre ton pouvoir à notre profit,

t’utiliser comme un outil dans nos mains,

alors que c’est nous qui devons

nous mettre dans tes mains.

Pardonne-nous !

Francis Cousin

 

 

 




5ième Dimanche de Carême par le Diacre Jacques FOURNIER

« La guérison de l’aveugle-né (Jn 9, 1-41) »

 

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur.
Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade.
Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare.
Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait.
Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? »
Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ;
mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil.
Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort,
et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –,
beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison.
Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.
Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. »
Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ;
quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. »
Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus.
Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré.
Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer.
Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »
Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé,
et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. »
Alors Jésus se mit à pleurer.
Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »
Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.
Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »
Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »
On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé.
Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. »
Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »
Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »
Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.

                   

             

            St Jean nous dit ici quatre fois (symbole d’universalité) que Lazare est malade… De plus, le mot grec employé, « asthéneia », décrit plus largement l’homme en état de faiblesse… « Le péché m’a fait perdre mes forces, il me ronge les os » (Ps 31,11)… Et la conséquence ultime du péché, c’est la mort, la mort spirituelle… Lazare représente donc ici toute l’humanité affaiblie par le péché et blessée « à mort » en son être profond… Mais si « le salaire du péché c’est la mort, le don gratuit de Dieu c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Voilà ce que Jésus va dire ici, en acte, en faisant revenir Lazare à la vie…

            Des messagers viennent annoncer à Jésus que Lazare est malade : premier jour… Mais il apprend du Père, en son cœur, non seulement qu’il vient de mourir mais encore qu’il doit aussi le relever d’entre les morts, « pour la gloire de Dieu », en signe ultime de la victoire de la Miséricorde sur le péché et sur toutes ses conséquences… Et le Fils, envoyé par le Père pour sauver tous les hommes, en sera glorifié… C’est pourquoi, Jésus, qui « aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare », va pourtant attendre encore deux jours avant de partir ! En ajoutant une dernière journée pour le voyage, il ne rejoindra donc les deux sœurs de Lazare que quatre jours après sa mort. Mais il l’a fait exprès, pour eux tous, afin que le signe que le Père l’invitait à accomplir soit encore plus éclatant. En effet, la croyance populaire affirmait que ce n’est qu’à partir du quatrième jour que l’âme, qui voletait jusque là auprès du cadavre, ne pouvait plus y rentrer… Lazare était donc vraiment mort, plus aucun doute à ce sujet… « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là ! » lui dit Marthe…

            « Ton frère ressuscitera » lui avait déjà dit Jésus… Oui, « je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour », avait-elle répondu. Nous l’affirmons aussi dans notre Crédo… Mais Jésus va poursuivre en passant du futur du Crédo au présent de nos vies : « Je Suis la Résurrection et la Vie (Présent éternel de Dieu). Qui croit en moi, même s’il meurt vivra » (futur du Crédo). « Et quiconque vit et croit en moi » (présent de nos vies), « ne mourra jamais. » La Vie nouvelle et éternelle est donc offerte gratuitement, dès maintenant, dans l’aujourd’hui de nos vies, par « le Père des Miséricordes », à nous qui sommes pécheurs, faibles, blessés à mort… Seule la foi en l’Amour, la confiance en cet Amour, et l’abandon entre ses mains peuvent l’accueillir : « Le crois-tu ? »          DJF




4ième Dimanche de Carême – Claude WON FAH HIN

 

L’évangile aujourd’hui traite du thème de celui qui voit (de celui qui a confiance en Dieu) et de celui qui ne voit pas (c’est-à-dire « des orgueilleux qui sont aveugles vis-à-vis de leurs propres défauts »).

En sortant du Temple, Jésus voit un aveugle de naissance. A l’époque, on pensait que le mal physique, tel cet aveugle de naissance, avait pour origine le péché. A ses disciples qui lui demandent si le péché venait de l’aveugle-né, ou de ses parents, Jésus répond que ni lui, ni ses parents n’ont péché, mais c’est tout simplement pour que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. En effet, en guérissant cet homme, Jésus accomplit ici un miracle, afin que l’on reconnaisse que l’œuvre de Dieu se manifeste en Jésus-Christ en notre faveur. « Tant que Jésus est dans le monde, Il est la lumière du monde » (v.5). Et l’aveugle de naissance voit la lumière parce qu’il a accepté de faire confiance totale à Jésus. Il s’est laissé prendre en main par Jésus et a fait tout ce que Jésus lui a demandé de faire. Jésus est venu « pour que ceux qui ne voient pas voient ». Cela ne s’adresse pas seulement à ceux qui ne voient pas de leurs yeux, mais aussi à ceux qui refusent de voir la vérité avec leur cœur. Beaucoup d’entre nous sont incapables de voir ou ne veulent pas voir leurs propres défauts et leurs propres péchés. Même s’ils savent qu’ils ont tel ou tel péché, rien n’y fait, ils ne sont pas prêts de changer, de se convertir, de se mettre à la suite du Christ, et ce n’est pas parce que l’on vient à la messe, que l’on prie, qu’on lit la parole de Dieu, que l’on doit se croire sauvés car tout cela on peut le faire tout en étant hypocrites. « La mondanité spirituelle (les chrétiens qui soignent leur apparence et veulent faire croire qu’ils sont de bons chrétiens), qui se cache derrière des apparences de religiosité et même d’amour de l’Église, consiste à rechercher, au lieu de la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel….Comment pouvez-vous croire (en Dieu), vous qui recevez la gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Seigneur ? Il s’agit d’une manière subtile, caché, de rechercher « ses propres intérêts, non ceux de Jésus Christ. Elle prend de nombreuses formes, suivant le type de personne et la circonstance dans laquelle elle s’insinue. Du moment qu’elle est liée à la recherche de l’apparence (ou un semblant de « sagesse »), elle ne s’accompagne pas toujours de péchés publics, et, extérieurement, tout semble correct. Mais si elle envahissait l’Eglise, elle serait infiniment plus désastreuse qu’une quelconque autre mondanité simplement morale ». Ce que je viens de dire sur la mondanité spirituelle est du Pape François (Joie de l’Évangile – §93). Et il ajoute (§94) : « ceux qui, en définitive, font confiance en leurs propres forces et se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils observent des normes déterminées, ou parce qu’ils sont inébranlablement fidèles à un certain type catholique justement propre au passé…se croient…dans une présumée sécurité doctrinale ou dans une sécurité disciplinaire qui donne lieu à élitisme narcissique et où au lieu d’évangéliser, on observe les autres, on analyse et on les classifie, et où, au lieu de faciliter l’accès à la grâce, les énergies s’usent dans le contrôle. Et le Pape de conclure : « Il n’est pas possible d’imaginer que, de ces formes réductrices du christianisme, puisse surgir un authentique dynamisme évangélisateur ». Et ce sont là des attitudes telles que l’on peut observer chez les Pharisiens.

Les Pharisiens obéissent aveuglément à la Loi de Moïse. Ils se croient en sécurité et sauvés parce que justement ils appliquent à la lettre la loi de Moïse (sécurité doctrinale ou disciplinaire). Extérieurement, ils paraissent corrects. Mais ils sont incapables de voir la réalité en face, incapables de voir leurs propres défauts et donc incapables de se convertir au Christ.

D’abord, l’aveugle guéri est conduit devant les Pharisiens. La réalité de la guérison par Jésus ne leur suffit pas pour reconnaître en Jésus, l’envoyé de Dieu, ils se tournent vers Jésus pour le critiquer et lui trouver des fautes : il n’a pas observé le sabbat. Il ne peut donc pas venir de Dieu et encore moins faire un miracle. Les Pharisiens nient l’évidence. Jésus ne peut pas avoir guéri cet aveugle puisqu’il devient pécheur en n’ayant pas observé le jour du sabbat.

Ensuite, les juifs (les pharisiens, et en général les opposants à Jésus) ne croient pas que la personne guérie ait été aveugle de naissance. Ils questionnent donc les parents qui ne veulent pas non plus reconnaitre la guérison faite par Jésus. Tout simplement parce qu’ils avaient peur des Juifs : reconnaitre Jésus comme étant le Christ, capable de nous libérer de nos malheurs et de nos péchés,  les aurait exclus de la synagogue. Parfois on n’a pas le courage de se dire chrétien, ou de se comporter en vrai chrétien. On devient des hypocrites vis-à-vis des hommes et de Dieu. Devant les menaces, on recule, on trahit sa foi. S’intéresser à Dieu ne suffit pas et ne signifie pas forcément s’engager véritablement à  sa suite. Sœur Emmanuelle Maillard nous dit (« Délivrances et guérisons par le jeûne » – P.76) : « Tout est question de profondeur ou des différents degrés de notre engagement. Dans la vie spirituelle, il y a ceux qui se prêtent quelques heures, de temps en temps, pour remplir un devoir extérieur à eux, sans y mettre réellement de leur âme. Et il y a ceux qui prennent à cœur le sort de l’Église dans son intégralité, qui s’investissent à fond pour que le Christ soit connu et aimé (il s’agit de faire connaître et aimer le Christ) ….quelle que soit leur position au sein de l’Église. Ceux-là se donnent sans compter, ce sont les saints, cachés ou connus, sans lesquels on peut se demander ce que deviendrait l’Église ». Or dans l’Évangile, les parents qui ont peur des Juifs ne font pas ici connaître le Christ par leur témoignage de vie. Au sein d’une paroisse, c’est la même chose : l’essentiel est de faire connaître et aimer le Christ. C’est votre témoignage et votre cohérence de vie, c’est-à-dire  la qualité de votre union réelle au Christ qui vous permettra de faire connaître et aimer Jésus, parce que de votre conduite au milieu du monde reflétera l’image du Christ dans la vie de tous les jours. Mais si vous communiez tous les jours, et que vous dites du mal des autres, vous n’avez pas de cohérence de vie et vous devenez hypocrites et vous faites du mal au Christ. Voici ce que Jésus dit à Marguerite Marie à l’égard de ceux qui communient mal à l’hostie (« Les divines paroles » – Père Auguste Saudreau ) : « Un jour que sainte Marguerite-Marie se préparait à la sainte communion, elle entendit une voix qui disait : « Regarde, ma fille, le mauvais traitement que je reçois dans cette âme qui vient de me recevoir. Elle a renouvelé toutes les douleurs de ma passion… Je veux que, lorsque je te ferai connaître le mauvais traitement que je reçois de cette âme, tu te prosternes à mes pieds après m’avoir reçu, pour faire amende honorable à mon Cœur, offrant à mon Père le sacrifice sanglant de la croix à cet effet, et tout ton être pour rendre hommage au mien et réparer les indignités que je reçois dans ce cœur. ». Voilà ce qui arrive au Christ lorsque quelqu’un va communier alors que son cœur n’est pas pur.

A cause de la peur, ou bien pour faire plaisir aux amis, on n’ose pas témoigner de la vérité. Pourtant, Jésus n’a pas eu peur de heurter la susceptibilité de Pierre quand il lui a dit en Mc 18,33 : « …Passe derrière moi, Satan! car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes! ». Si vous recevez cette parole de Jésus, vous ne diriez absolument rien, aucune réplique.  Pourtant,  ce même verset pourrait être dit pour bon nombre d’entre nous. Le chrétien qui se met véritablement à la suite de Jésus doit reconnaître ses faiblesses, ses incapacités, ne pas vouloir absolument se mettre en valeur, arrêter de mettre l’accent sur les apparences et  accepter plutôt de mettre les autres en valeur tout en s’effaçant. Il n’a pas peur non plus de dire la vérité. Et la vérité forcément blesse. 2ème texte d’aujourd’hui, v.11 : « ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres; dénoncez-les plutôt. 12 …ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même de le dire ».  Dt 13,6 : « Tu feras disparaître le mal du milieu de toi ».

            Jésus en guérissant l’aveugle de naissance lui a ouvert non seulement les yeux mais aussi le cœur de la foi. Non seulement, il renaît à une vie nouvelle à cause de cette lumière qu’est Jésus, mais il devient surtout  un croyant en Jésus-Christ. Il finira par dire (v.38) : «  Je crois Seigneur, et il se prosterne devant Lui ».  Se prosterner devant Jésus, c’est signe d’adoration, c’est le reconnaitre comme Dieu. Jésus vient de voir aboutir ce pourquoi il est venu : « (v.39) : C’est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient. Il ne peut devenir que témoin du Christ et de la vérité. Il ira même jusqu’à vouloir évangéliser les juifs : « Est-ce que, vous aussi, vous voudriez devenir ses disciples? » devenant ainsi apôtres de la Bonne Nouvelle.  Puisqu’il connaît Jésus, il connaît aussi son Père bien mieux que les juifs y compris les pharisiens qui, malgré leurs études, ne peuvent pas connaître Dieu car Jésus nous dit (Jn 8,19) : « si vous me connaissez, vous connaîtriez aussi mon Père ». Connaître le Christ c’est connaître le Père. Connaître Jésus nous permet d’avoir la grâce du discernement, et si nous ne sommes pas capables de discerner  ce qui est bien et ce qui est mal en nous, dans nos attitudes, dans nos relations, si nous sommes incapables de « discerner ce qui plait au Seigneur » (v.10 du 2ème texte d’aujourd’hui)  c’est que nous ne connaissons pas le Christ, nous n’avons pas la lumière du Christ en nous et nous ne sommes pas en union avec le Christ. Or Jésus est venu pour nous donner la capacité de discerner le bien du mal qui se trouve en chacun de nous : « C’est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient (les orgueilleux) deviennent aveugles ». Ne soyons pas des aveugles et encore moins des aveugles volontaires. Nous sommes des disciples du Christ est en nous. Et Saint Paul nous dit alors en Rm 12,2 : « … ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait ».

 




4ième Dimanche de Carême – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Sommes-nous des aveugles ?

« Sommes-nous des aveugles, nous aussi ? » C’est pour les catéchumènes tout d’abord que cet évangile a été lu, et c’est pour leur dire le chemin qu’ils suivent et le but vers lequel ils s’avancent. C’est pour eux, mais c’est aussi pour nous, car nous n’avons jamais fini de parcourir ce chemin. Et peut-être pourrions-nous penser ou imaginer qu’au fond le baptême va être pour eux une sorte de point d’aboutissement et que jusqu’à maintenant, ils étaient dans les ténèbres, mais que le jour où ils recevront le baptême, ils y verront clairement et totalement. En réalité, ce n’est pas si simple.

Il en est du baptême comme de tous les grands actes de notre vie de chrétiens. Parfois des fiancés s’imaginent que, lorsqu’ils seront mariés à l’église, tout ira bien et il n’y aura plus de doute. Ou encore on imagine facilement que, lorsqu’un religieux a fait profession monastique, normalement tout va parfaitement bien, tout « baigne dans l’huile ». Or, qu’il s’agisse du baptême, du mariage ou de la profession religieuse, ce n’est pas exactement comme cela que se passe l’existence chrétienne. Et précisément, cet évangile-là est peut-être un des meilleurs indices de la manière dont s’accroche en nous, de façon profonde et cachée, une dimension d’aveuglement sur laquelle je voudrais méditer avec vous quelques instants.

« Sommes-nous, nous aussi, des aveugles ? » Pour ma part, je crois que oui. Je crois qu’il faut avoir l’honnêteté et la vérité de répondre que nous sommes toujours, d’une manière ou d’une autre, des aveugles et qu’aussi étrange que paraisse ce que je vais vous dire là, le baptême ne retire pas totalement notre aveuglement. Nous sommes de ce monde, nous vivons dans les ténèbres et, d’une manière ou d’une autre, ces ténèbres arriveront toujours à s’imbriquer, à se glisser précisément aux endroits où la lumière du Christ ne s’est pas encore totalement installée pour prendre possession de nous-mêmes. Ainsi, nous vivrons toujours dans un certain aveuglement. Vous me direz que je ne suis pas très encourageant, et même pessimiste. C’est possible ! Simplement, je crois qu’il y a plusieurs formes d’aveuglement et que les yeux de notre cœur sont aveuglés de diverses manières. Et il suffit de voir l’évolution du récit de la guérison de cet aveugle-né pour comprendre la vérité de ce que je dis là, notre aveuglement passe par plusieurs phases.

Reprenons, si vous le voulez, étape par étape, le récit de la maturation de la foi chez cet aveugle. Tout d’abord il est aveugle de naissance. Il vit dans les ténèbres, et d’une certaine manière il y a toujours en nous quelque chose qui reste « aveugle de naissance », et il nous importe de le savoir : que nous le voulions ou non, il y a toujours de la lourdeur, de l’inertie dont nous faisons l’expérience tous les jours dans notre existence et qui nous empêche d’y voir clair. C’est pour cela que l’apôtre dit aux Ephésiens : « Réveille-toi, ô toi qui dors, pour que le Christ t’illumine ». Notre vie chrétienne est un réveil permanent pour sortir du sommeil et des ténèbres de ce monde. Et au cœur de ce premier aveuglement, il y a un piège dans lequel nous devons prendre bien garde de ne pas tomber. C’est la question piège des apôtres : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Que pensent les apôtres ? Ils croient qu’ils voient, ils n’ont pas compris que, d’une manière ou d’une autre, ils participaient au même aveuglement que cet homme qui est assis à la porte, à mendier. C’est le moment où jamais de le dire : « Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois », mais surtout les borgnes que nous sommes croient toujours avoir deux bons yeux et une vue perçante, alors qu’en réalité, nous sommes dans les ténèbres et ces ténèbres nous collent aux yeux.

 

Et Jésus répond en quelque sorte : « Ce n’est pas ainsi que le problème se pose. N’essayez pas de savoir dans cette génération qui voit clair et qui n’y voit pas ! Car là n’est pas la question. Vous êtes tous frappés d’aveuglement : et c’est pour vous que Je suis la lumière du monde ». Alors Il renverse complètement la question. Le problème n’est pas de savoir qui est aveugle et qui ne l’est pas, qui a deux dixièmes de vue et qui en a huit. Le problème est tout simple : le Christ a choisi nos ténèbres comme lieu de manifestation de sa gloire. Le Christ dit à ses disciples : « Aujourd’hui, je n’ai pas peur de venir dans les ténèbres de cet homme. C’est pour cela que je suis venu comme la lumière du jour, c’est pour briller en vérité au fond de vos ténèbres ».

Ainsi donc il ne faut pas considérer nos ténèbres d’une manière désespérée, mais il faut leur faire face de la manière même dont le Christ veut y faire face, comme le lieu qu’Il a choisi, Lui, qui est la lumière, pour y faire briller l’amour et le salut du Dieu vivant. Il ne faut pas que nous ayons peur de nos ténèbres, car le Christ, Lui, n’en a pas peur. Il les a vaincues. Et la première chose qui importe vis-à-vis de notre aveuglement, c’est que le Christ nous aide, pas à pas, à vaincre la peur de nos ténèbres. Désormais nous ne serons plus assis à mendier, à chercher n’importe où quelques éclairs de vérité, mais nous porterons dans notre cœur la parole du Seigneur : « Je suis la lumière du monde ». Et même si, à certains moments après le baptême nous éprouvons encore l’impression de vivre dans des ténèbres, souvenons-nous simplement qu’Il a vaincu les ténèbres. Tel est le premier niveau de notre aveuglement.

Il y en a un second, celui-là tout à fait paradoxal : au moment même où le Christ veut guérir, Il bouche complètement les yeux de cet aveugle. Non seulement l’aveugle n’y voit plus, mais il met un véritable écran de boue sur les yeux de l’aveugle. Je ne sais pas si c’est une thérapeutique des bains de boue spirituels, mais c’est une thérapeutique assez extraordinaire. D’abord il signifie que le Christ récréé cet homme à partir de la boue dans laquelle nous avons été façonnés par Dieu, ce limon de la terre dont Dieu nous a pétris aux origines. Plus profondément, elle nous dit que, de toute façon, ces ténèbres nous collent aux yeux de telle sorte que le Christ prend ces ténèbres mêmes, prend la boue de la terre pour nous boucher les yeux, pour nous montrer qu’Il connaît jusqu’aux profondeurs de notre aveuglement et de notre impossibilité de voir. Le Seigneur connaît les abîmes ténébreux de notre mort. Mais Il prend notre mort sur Lui pour y faire jaillir la Vie, c’est de la terre, c’est du symbole même de notre mortalité et de notre retour à la terre qu’Il prend pour nous ouvrir les yeux. Ainsi le Christ ne nous épargnera jamais la difficulté de l’aveuglement. Le Christ ne nous épargnera pas, dans notre vie, une confrontation permanente avec les ténèbres qui sont en nous. Mais Il nous aidera progressivement à comprendre que l’essentiel, c’est Lui qui le fait. Il est capable de nous prendre dans nos ténèbres, dans nos obscurités les plus profondes, et de transfigurer cela même qui est obscur pour y faire resplendir sa lumière. Lui seul en est capable.

Ensuite vient une troisième étape, celle de l’eau : l’eau qui guérit, l’eau qui ouvre les yeux. Curieux de se servir de l’eau pour ouvrir les yeux ! C’est une prophétie de ce qui se passe au baptême. Le baptême, c’est l’eau qui scelle en nous la foi. A ce moment-là, l’homme devient véritablement un voyant, d’aveugle qu’il était : « Je n’ai maintenant qu’une certitude : auparavant j’étais aveugle, et maintenant j’y`vois ». Mais cette certitude n’est pas une certitude simplette, comme si on disait : « Moi, je sais mon catéchisme, non seulement les réponses, mais aussi les questions, tandis que tous les autres ne savent rien ». En réalité, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, car ce pauvre aveugle, à qui l’on pose la question : « Mais où est-Il Celui qui t’a guéri ? », se voit obligé de reconnaître : « Je ne sais pas ».

Le baptême ne nous donne pas de prise sur Dieu, mais il donne au Christ une totale emprise sur nous. Nous devenons totalement propriété du Christ, sa lumière nous transfigure, mais cependant nous ne savons pas très bien où Il est. Et les catéchumènes verront comment, dans leur vie de baptisés, tout ne sera pas clair et limpide comme de l’eau, mais qu’à tout moment, comme c’est le cas pour les frères chrétiens qui vivent aujourd’hui cette foi, cette vie de baptisés impliquent que nous cherchions toujours le Seigneur sans nous lasser. « Je cherche sans cesse ta face ». – « Je cherche ton visage ». – « Je cherche mon Seigneur, je ne sais pas où on l’a mis ».« Je ne sais pas où Il est ». Comme dit le Psaume : « Tous ces hommes se retournent contre moi et ils me disent : où est-Il ton Dieu ? » Et à certains moments, je suis obligé de répondre : « Je ne sais pas ». La foi n’est pas simplement une réponse universelle qui balaierait toutes nos questions, la foi est un combat.

Et c’est le dernier aspect de cet aveuglement que je voudrais méditer ce matin avec vous. En effet quand le Christ envoie l’homme aveugle pour être guéri, Il l’envoie à la piscine de l’Envoyé. L’Envoyé, c’est bien entendu le Christ, qui est l’apôtre de l’amour de Dieu envoyé par le Père pour les hommes et qui est la manifestation plénière de son amour. Mais en même temps, l’envoyé, c’est nous. L’aveugle-né est l’envoyé, l’aveugle-né est celui que le Christ envoie vers les ténèbres, vers les obscurités qui habitent notre monde. Etre baptisé, c’est donc être envoyé pour être confronté à l’aveuglement de ce monde. Et dès lors, cet homme rencontre les pharisiens qui ne veulent pas croire, il fait face à ceux qui lui posent des questions : « Comment a-t-Il pu te guérir un jour de sabbat ? » Cet homme rencontre la lâcheté de ses parents qui disent : « Nous ne voulons plus nous mêler de cette affaire ». Et ce n’est pas tout. Cet homme rencontre, comme chacun d’entre nous, toutes les obscurités et les difficultés de la découverte de l’amour de Dieu et de la foi. Les catéchumènes vont recevoir du Seigneur cette force et cette grâce qui n’a pas comme fonction d’agir comme une baguette magique qui les transformerait et retirerait d’eux toutes les épreuves, toutes les questions et même tous les doutes. Cette foi va les conduire vers quelque chose de plus profond encore que les questions que pose le monde, elle va les conduire vers la question que pose le Christ Lui-même. Et s’il est vrai que les questions les plus profondes sont posées par les choses les plus importantes, il est sûr que les questions que nous pose le Christ sont beaucoup plus importantes que les énigmes que nous pose le monde. Dès lors l’itinéraire de foi ne sera pas simplement d’appliquer des formules simplistes, des réponses toutes faites dans toutes les situations de l’existence. La foi, ce sera de se confronter à cet aveuglement encore bien plus profond et bien plus grand, ce sera d’affronter la lumière aveuglante du Christ qui demande : « Crois-tu au Fils de l’Homme ? » Et à ce moment-là, il n’y aura qu’une réponse : « Se prosternant, il L’adora ! » Amen.




4ième Dimanche de Carême par Francis COUSIN

« Voir … et écouter ! »

 

La première lecture nous donne une clé pour comprendre un peu mieux ce long épisode raconté dans l’évangile avec toutes ses péripéties : « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. ».

Aussi, quand Jésus et ses disciples sortent du temple et qu’ils voient un aveugle de naissance, les disciples posent la question : « Qui a péché ? Lui ou ses parents ? » selon la mentalité de l’époque. Mais Jésus voit l’aveugle avec son cœur, avec tout ce qu’il a vécu depuis sa naissance, et il réagit comme Dieu son Père : « J’ai vu la misère de mon peuple, (…) j’ai entendu ses cris (…) je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer. » (Ex 3, 7-8). Et Jésus va le délivrer de sa cécité : il fait de la boue avec la terre et de sa salive, ce qui sort de sa bouche, lieu de la Parole créatrice, et en recouvre les yeux de l’aveugle, augmentant encore son impossibilité de voir (voir le parallèle avec Saül sur le chemin de Damas) ; puis il lui dit d’aller se laver à la piscine de Siloé.

Déjà se faire ‘enduire’ les yeux a dû surprendre l’aveugle, mais ensuite devoir aller à Siloé, à l’autre bout de la ville, pour un aveugle, avec la foule de la fête des tentes … il y a de quoi être décontenancé ! Et pourtant l’aveugle écoute cette Parole de Jésus, sans que celui-ci lui ait promis quoi que ce soit. il ’’y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.’’

Dieu ne nous donne pas tout directement. Il nous demande de prendre notre part, d’entendre sa Parole, de croire en lui, pour ensuite nous exaucer.

C’est au retour que les choses ses compliquent pour l’ex-aveugle. Ses anciennes connaissances le voient, mais tous ne le reconnaissent pas. Ils sont divisés. Mais lui dit : « C’est bien moi. Je suis qui je suis. J’étais aveugle, et maintenant je vois ! Je vois l’œuvre de Dieu en moi, et je crois en lui.».

On l’emmène chez les pharisiens une première fois, et comme c’était sabbat, ils attaquent Jésus : « Il n’est pas de Dieu … Il est de Dieu ! ». Ils sont divisés. Ils voient l’ex-aveugle, mais ne l’écoutent pas, surtout quand il dit « C’est un prophète ».

Après l’épisode des parents, les pharisiens le convoquent une deuxième fois. Mais ils sont aveugles dans leur cœur : « Jésus est un pécheur ». Mais devant tant ‘’d’aveuglement’’, l’ex-aveugle prend de l’assurance et parle de manière de plus en plus incisive, car il sait bien ce qui lui est arrivé et comment sa vie a été transformée par Jésus : « J’étais aveugle, et maintenant je vois ! (…) Voulez-vous devenir ses disciples ? (…) Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs (…) S’il n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire ! ». Les pharisiens ne veulent pas l’écouter, refusent de voir la vérité, et le jettent dehors.

Apprenant cela, Jésus retrouve l’ex-aveugle et lui pose abruptement la question : « Crois-tu au Fils de l’homme ? ». Surpris par la question de celui qu’il voit pour la première fois, mais ayant tout de suite reconnue la voix qui l’avait envoyé à Siloé, il répond : « Et qui est-il, Seigneur ? ». « Tu le vois, c’est moi. ». « Je crois, Seigneur ! ».

Parce que l’aveugle a écouté Jésus, et a fait ce qu’il lui demandait, l’aveugle a pu voir, d’abord de manière physique, et par la suite de manière spirituelle. Il a vu en Jésus la lumière du monde.

« Lorsque nous regardons avec nos yeux, nous regardons toujours quelque chose, alors que c’est la lumière qu’il faudrait voir. Or, la lumière ne se voit pas, elle fait voir. (…) La foi ne consiste pas à regarder quelque chose, mais à voir la lumière. » (Père Guy Cordonnier).

Seigneur Jésus,

tu es la vraie lumière qui éclaire notre vie.

Si nous écoutons ta Parole

et suivons ton Évangile,

nous pourrons te voir,

et te voir dans les autres

avec les yeux du cœur.

Francis Cousin

 

 

 




4ième Dimanche de Carême par le Diacre Jacques FOURNIER

« La guérison de l’aveugle-né (Jn 9, 1-41) »

 

En ce temps-là, en sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? »
Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui.
Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour ; la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler.
Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle,
et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.
Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui disait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : “Va à Siloé et lave-toi.” J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »
On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. »
Parmi les pharisiens, certains disaient : « Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres disaient : « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés.
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’à présent il voie ? »
Les parents répondirent : « Nous savons bien que c’est notre fils, et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir maintenant, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de leurs assemblées tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ.
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »
Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. »
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’ave z pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples.
Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux.
Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce.
Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance.
Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.
Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors. Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! » Et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure. »               

                   

             La situation corporelle, concrète, de cet homme dit, dans notre condition humaine de chair et de sang, ce que nous sommes tous spirituellement : des aveugles de cœur qui ont perdu le sens de ce « Dieu qui est Esprit » (Jn 4,24) et « Lumière » (1Jn 1,5). « Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître, mais eux ne me connaissent pas, ils ne comprennent pas. Fils pervertis… Ils ont abandonné le Seigneur » (Is 1,2-4).

            Mais comme Dieu est Soleil de Vie (Ps 84,12 ; 36,10), Soleil qui rayonne la Vie, qui donne la Vie, se détourner de Lui c’est se priver au même moment de « la Lumière de la Vie » (Jn 8,12) et donc devenir, petit à petit, spirituellement aveugle et comparable, dans ce domaine, à un mort… « Mon peuple périt, faute de connaissance » (Os 4,6), sans oublier que « connaître », dans la Bible, est avant tout un « vivre avec… en relation avec… ». La « connaissance » est juste l’aspect « prise de conscience » lié à cette relation… En se détournant de Dieu, les hommes ne reçoivent plus, de cœur, la Lumière vivifiante de son Esprit (Jn 6,63) qui rayonne sans cesse de Lui. Leurs cœurs sont plongés dans les ténèbres… Ils ne « voient » plus, ils n’imaginent même plus que cette Lumière puisse exister… « Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas ; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. C’est que le cœur de ce peuple s’est épaissi : ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, et que je les guérisse » (Is 6,9-10 cité en Mt 13,14-15 ; Jn 12,40, Ac 28,26‑27). Telle est la situation du pécheur « aveugle-né », fermé sur lui même, prisonnier de son égoïsme et de son orgueil…

            Le Christ va donc prendre l’initiative de se rapprocher de cet « aveugle-né » qui, répétons-nous, nous représente tous… Il va établir le contact, lui parler… Pour l’aider à percevoir ce qu’il désire faire pour lui, il va employer le langage des médecins de l’époque qui appliquaient toutes sortes de baumes sur les blessures… Mais cette boue qu’il lui met sur ses yeux fermés renvoie à la boue de nos souillures qui englue nos cœurs… « Va-te-laver à la piscine de Siloé », lui dit-il ensuite, Siloé signifiant en hébreu « envoyé », et Jésus ne cesse de se présenter en St Jean comme l’Envoyé du Père… L’aveugle-né fait preuve de bonne volonté : il obéit tout simplement, et il va se laver… « Quand il revint, il voyait »… Sa guérison corporelle renvoie à sa guérison spirituelle… Il voyait de cœur, il vivait de cœur d’une Vie nouvelle ! Puissions vivre la même expérience…     

                         DJF

           




3ième Dimanche de Carême – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Un Dieu nommé désir

« Et laissant là sa cruche, elle courut à la ville ». Frères et sœurs, le monde que nous voyons se dessiner dans le récit du dialogue entre Jésus et la Samaritaine, c’est un monde qui ressemble étonnamment à notre monde, et d’une orientation fondamentalement mauvaise de son désir. En fait, elle a mal géré toutes les possibilités de vie qui lui étaient données. En fait, elle se pose des tas de questions comme nos contemporains : on dit que c’est ici qu’il faut adorer, on dit que c’est à Jérusalem, mais la religion, on n’y comprend plus rien ! C’est une femme qui est aux prises avec son propre désir et qui a finalement accepté, a rendu les armes. Elle considère qu’après tout, le sens de sa vie c’est de venir tous les jours au puits, pour y chercher un peu d’eau, pour y boire elle-même, faire boire sa famille et la faire survivre de jour en jour. Au fond, cette femme a réduit son désir à une économie de survie. C’est peut-être là que nous est révélé quelque chose de profond du désir humain, c’est peut-être pour cette raison qu’on lit ce texte pendant le carême et pour les catéchumènes.

Qu’est-ce que le désir humain ? C’est le fait que chacun d’entre nous, soit individuellement, soit en groupe, est confronté à ces multiples divisions qui font la diversité et parfois le charme de la vie, mais qui en font souvent la pesanteur et l’échec. Le désir est cette confrontation permanente à toutes les divisions, les ruptures, les cassures, les brisures, les échecs auxquels l’homme est confronté. A ce moment-là, le désir est cette espèce de ressort de l’individu humain qui ne veut pas en rester là. Alors, il se fait des tas de conciliations, de compromis dans l’économie de notre désir, il ne faut pas désirer trop, et c’est bien là le grand message de l’Antiquité, il faut moduler, modérer son désir, le mesurant simplement à ce qui est possible : ne cherche pas plus haut que tu ne peux. C’est un peu la morale de la Samaritaine. Mais en même temps, il faut quand même essayer de maintenir au milieu de cette économie de désagrégation et de survie, un minimum de désir pour subsister et pour tenir.

C’est cela au fond, la Samarie. La Samarie, c’est un peuple qui a pris son parti d’être un peuple séparé, un peuple méprisé, un peuple écrasé, et qui essaie, petit à petit, en chacun de ses sujets, cette pauvre femme en étant le symbole, de continuer à tenir, et à désirer quand même mais sans illusion. C’est pour cela que cette femme est tellement soumise à ces espèces d’a priori, de contraintes du désir, que quand elle voit un homme en plein midi au bord de la margelle du puits qui lui demande à boire, et que sans doute à son accent, elle devine tout de suite qu’il n’est pas du pays (en tout cas, elle ne l’avait jamais vu, ni convoité comme son sixième amant), et elle lui dit : « Tu vas outrepasser les normes classiques du désir, gardons le statu quo, pas de vagues, tu devrais t’occuper de tes affaires et me laisser m’occuper des miennes. Moi je gère mon désir, c’est déjà bien difficile comme cela, ne me fais pas des problèmes supplémentaires, ne me demande pas à boire, débrouille-toi ». La morale de la Samaritaine et de la Samarie c’était : « Chacun se débrouille comme il peut avec son désir ».

C’est là qu’intervient vraiment le sens même de la venue du Christ. Que va faire le Christ ? Il va lui faire une sorte de sondage de son propre désir. Comment va-t-il le faire ? A partir de Lui, Jésus-Christ, le Seigneur, comme on dit au tout début du chapitre, à partir d’un Dieu « nommé désir ». En fait, l’histoire de la Samaritaine, c’est l’histoire d’un Dieu nommé « désir ». Il faut, et c’est tout à fait étonnant, il faut que Dieu se fasse désir, Lui qui entre nous soit dit, n’a besoin de rien, il faut que Dieu se fasse désir pour venir révéler à l’homme son propre désir et en faire une sorte de radiographie pour lui dire : « Là, tu vois, tu t’es sous-estimé ». Mais, Dieu ne vient pas annoncer des désirs extraordinaires. De sa part, le seul désir qu’il a à ce moment-là c’est : « Donne-moi à boire ».

Là, nous touchons le problème fondamental : qu’est-ce que c’est que de croire au Christ ? C’est croire que Dieu a pu entrer dans l’économie du désir humain, dans l’humilité du désir humain. Dieu a pu entrer dans une humanité qui est elle-même sans cesse divisée par son désir. Chaque homme, chacun d’entre nous, à cause de son désir, est sans cesse en mouvement vers autre chose : la survie, être mieux, faire mieux que papa, réussir un boulot intéressant et rémunérateur. Chacun d’entre nous est animé, ranimé sans cesse par cette pulsion du désir, cette mécanique du désir. Et Jésus accepte de prendre ce chemin-là, Il accepte de manifester non pas un désir tout-puissant de Dieu sur le monde, un désir qui anéantirait le monde d’un seul coup, Il pourrait tout réunir dans une parfaite concorde, dans une parfaite unanimité, dans une parfaite union et communion. Eh bien, non ! Dieu accepte de manifester son dessein de salut, ce qu’Il est, à travers le désir humain le plus simple, le plus ordinaire : « J’ai soif ». Ce sera tellement constant, que cette manifestation du désir humain commence à la tentation comme nous le voyions, il y a quinze jours : « Après quarante jours de jeûne, Il eut faim ». Dieu nommé « désir », aujourd’hui, Il a soif, encore Dieu nommé désir, et sur la croix : « J’ai soif ».

Quel est le visage de Dieu que nous avons à porter au monde ? C’est le visage d’un Dieu qui désire. Et c’est là sans doute que la plupart du temps nous nous trompons. Si nous présentons Dieu comme un désir tout-puissant qui nous bombarde de ses volontés pour nous réduire à son projet, nous nous trompons de Dieu, nous nous trompons du désir de Dieu. Le désir de Dieu est humble. C’est à ce moment-là que se fait la transformation. Parce que le désir de Dieu est humble, parce que c’est de la soif, de la faim, le désir d’aimer les hommes dans la souffrance, cela va nous ressusciter le désir. Que se passe-t-il dans ce dialogue ? La femme qui jusqu’à maintenant avait un tout petit peu focalisé le désir sur la succession des maris, et finalement avait domestiqué son désir dans le fait d’aller jour après jour puiser de l’eau au puits de Jacob, petit à petit, cette femme va voir à la lumière même du désir humble de Jésus, se révéler un désir beaucoup plus grand que celui qu’elle imaginait avoir dans sa vie.

C’est l’humilité du désir de Dieu qui fait grandir notre désir. A un moment donné, la femme dit : « Je sais bien que le Messie doit venir ». C’est-à-dire que l’humilité des demandes et des désirs de Jésus a réveillé dans la femme le désir de Dieu. C’est cela qui est magnifique dans ce texte, c’est de constater que c’est l’humilité même de Dieu qui réveille en nous le désir de voir Dieu, de connaître Dieu, de connaître le Messie.

Alors, se passe cette chose extraordinaire : lorsqu’elle a compris cela, elle laisse auprès du puits l’instrument qui jusque-là, lui paraissait le seul moyen de combler son désir, sa cruche. « Laissant là sa cruche »… Dans l’économie d’un foyer samaritain du premier siècle, ce n’est pas rien une cruche. Donc, abandonner le moyen de combler quotidiennement son désir, ce n’est pas de l’étourderie (j’ai l’impression que ce n’était pas une femme étourdie, elle avait beaucoup de présence d’esprit au contraire, enfin, c’est un des interlocuteurs de Jésus qui tient le mieux le choc à travers tout l’évangile), donc elle laisse sa cruche. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tous les moyens que je m’étais fabriqué pour entrer dans une économie de désir, de survie, c’est insuffisant, il y a autre chose.

Je crois que cela peut nous apprendre beaucoup de choses, sur nous-mêmes et sur la compréhension de notre propre désir. Nous avons beaucoup de cruches dans notre cervelle. Nous avons beaucoup de moyens de nous fabriquer des désirs ou de les gérer. Nous avons beaucoup de moyens de satisfaire nos désirs et de faire sans arrêt cette espèce de calcul qui consiste à limiter le désir pour mieux le satisfaire. Il y a des cas où l’on a critiqué la culture de la consommation pour cette raison-là. Le pire dans la consommation, ce n’est pas que les gens aiment consommer, mais c’est qu’on limite leur désir aux objets de consommation prévus. C’est quand même assez astucieux, parce que c’est cela le rêve du système de la consommation, c’est de faire croire aux gens qu’ils désirent la lune, en leur disant simplement : « Si vous allez quinze jours à Tahiti, vous serez beaux, bronzés, et votre désir sera complètement accompli » ? En réalité, ils croient qu’ils réalisent le désir d’infini, et il n’y a rien du tout à la fin.

Tout le problème est là. Aujourd’hui en ce temps de carême, c’est la question de notre désir qui nous est posée. Quand nous voyons au cœur de notre communauté des catéchumènes qui demandent la foi, qui demandent à recevoir la grâce de Dieu, cela doit nous rappeler notre propre baptême. Nous aussi, nous sommes en face de Jésus avec nos cruches au puits de Jacob, et le problème est de savoir qui on va choisir : Jésus et le désir qu’il révèle, ou la cruche et les moyens qui nous sont donnés pour accomplir notre désir ? D’une certaine manière, ce n’est pas l’un ou l’autre, je sais bien. Mais si l’économie des moyens de la cruche empêche de se poser la question du désir que Jésus peut révéler en nous, alors il est certain que nous sommes bien près de quitter Jésus avec tout notre attirail pour ne plus jamais nous poser la question de notre propre désir.

Frères et sœurs, que sur ce chemin de la Pâque, nous essayions de retrouver quelles sont les racines de notre propre désir, de savoir si cette division, cette dispersion et ces échecs que nous reconnaissons tous dans nos vies à des titres divers, sont des moyens de courber l’échine et de capituler, ou si au contraire l’accueil de la Parole de Dieu, de la vie et de la grâce de Dieu, ne nous permettent pas de retrouver plus profondément encore par l’humilité même de Dieu, la grandeur de notre désir d’homme. Amen.

 




3ième Dimanche de Carême par Francis COUSIN

 « L’heure vient – et c’est maintenant –

où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. »

 

L’heure vient, et c’est maintenant …

Expression assez rare, qu’on ne retrouve qu’à la fin de l’évangile de Jean : « Voici que l’heure vient – déjà elle est venue – où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul. » (Jn 16,32), et qui est différente de l’heure de Jésus, l’heure de sa passion, de sa glorification (Jn 17,1), où l’on parle du futur qui est déjà présent : futur pour les auditeurs, mais présent pour Jean quand il écrit son évangile.

… adoreront en esprit et en vérité.

On  remarquera que l’évangile écrit les mots avec des minuscules, mais comme souvent chez Jean, les sens humain et divin sont superposés. On pourrait donc aussi comprendre « dans (ou par) l’Esprit et dans (ou avec) la Vérité », c’est-à-dire avec Jésus. Adorer le Père avec l’Esprit et Jésus, c’est adorer Dieu dans sa totalité trinitaire.

Adorer en esprit, au niveau humain, on comprend bien ce que cela veut dire ; c’est adorer avec notre cerveau, notre intelligence, notre cœur. Adorer avec ce qui fait que nous sommes nous et pas un autre. Avec l’esprit qui nous a été insufflé à la création : « Le Seigneur Dieu insuffla dans les narines de l’homme le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Il n’y a plus de lieux pour adorer, Jérusalem ou mont Garizim, plus besoin de bâtiments, cathédrale ou simple chapelle, plus de temps spécifiques. L’adoration est toute intérieure, au-delà des mots, au-delà de la pensée (« votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. » Mt 6,8). Et c’est tant mieux pour nous qui sommes au milieu de l’Océan Indien.

Mais en parlant au niveau humain on a déjà parlé au niveau divin : l’Esprit qui est en nous dès l’origine, mais aussi l’Esprit que Jésus a envoyé sur nous : « L’Esprit de vérité recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » (Jn 16,14).

Adorer en vérité. Au niveau humain, c’est être vrai. Mais qu’est-ce qu’être vrai au niveau humain ? On dit souvent ’’à chacun sa vérité’’, en fonction de son histoire, du lieu où il habite, de ses habitudes… « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà » disait Pascal. Pour dire la vérité, il est souvent plus facile de dire ‘ce qui n’est pas faux, faussé, tordu, corrompu, mensonger …’ c’est-à-dire en fait, ce qui n’a pas été touché par l’homme … ce qui existait avant le péché originel, quand tout était entre les mains de Dieu. Ce qui est une manière de dire que ’’Dieu seul est Vérité’’.

On retrouve, comme pour l’esprit, le mélange entre l’humain et le divin. Jésus nous dit : « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » (Jn 18,37), cette voix qui dit aussi : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (Jn 14,6), et ceux qui cherchent la vérité, ce « sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. » (Lc 8,21).

Et cela, c’est beaucoup plus difficile pour chacun de nous, parce que nous sommes pécheurs, souvent tentés par le démon et parfois succombant à cette tentation …

Alors, quand Jésus nous dit : « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer », je me pose la question : est-ce que je suis capable d’adorer Dieu ? En esprit et dans l’Esprit ? En vérité et dans la Vérité ?

Avec mes forces humaines, certainement pas !

Mais si je compte sur l’Esprit, envoyé par le Père à la demande de Jésus, alors oui, je peux y arriver : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. ». Mais il faut accepter de se laisser modeler par cet Esprit qui est en nous, lui ouvrir la porte de notre cœur.

Demandons à Dieu de nous aider pendant ce temps de carême, de nous laisser modeler par lui : « Comme l’argile entre les mains du potier, ainsi êtes-vous dans ma main. » (Jr 18,6).

Seigneur Jésus,

il est difficile de te prier en vérité,

car souvent notre prière est entachée d’égoïsme.

Nous pensons plus à nous qu’aux autres,

Et nous avons du mal à pardonner.

Mais entends quand même la prière d’un pauvre pécheur.

Francis Cousin