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1er Dimanche de Carême – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

De l’Eden au désert : l’histoire du cœur humain

Frères et sœurs, je voudrais vous raconter l’histoire du cœur de l’homme.

Au commencement, on devrait presque dire ici : « Il était une fois », au commencement, le cœur de l’homme était un jardin. Car, vous l’avez bien compris, ce jardin dont nous parlait tout à l’heure le récit de la Genèse, ce n’est pas un jardin dans lequel l’homme vivait mais c’est le cœur de l’homme qui était le jardin, un jardin plein de vie, un jardin rempli de fruits, un jardin de paix, un jardin dans lequel l’homme vivait dans la présence de son Dieu. Car ce jardin d’Eden c’était le cœur de l’homme que Dieu avait choisi pour venir s’y promener le soir à la brise, pour venir dialoguer avec l’homme. Ce jardin avait l’ombre des feuillages et des arbres, il avait la paix de ces dialogues entre l’homme et Dieu, ce jardin était le face à face de l’homme et de Dieu.

Plus encore, Dieu émerveillé de ce dialogue avec sa créature voulait que l’homme ait un vis-à-vis qui lui soit assorti. Et dans ce jardin d’Adam, dans ce cœur de l’homme, Il avait façonné, avec la propre chair de l’homme, une femme. Si bien que le cœur de l’homme était devenu le jardin de Dieu et de l’amour de son épouse tandis que le cœur de la femme était le jardin de l’homme. Et tous les deux étaient l’un pour l’autre un jardin de joie, de paix, de vie et d’amour partagé.

Au commencement du cœur de l’homme, au commencement de notre vie, il y a tout simplement ce jardin. Et plus tard, beaucoup plus tard, qu’est devenu ce cœur de l’homme ? Beaucoup plus tard, c’est un désert. Car dans ce jardin du paradis, il y avait eu cette présence, cette ombre sournoise du mal qui se faufilait à l’intérieur de la fraîcheur des arbres. Et voici que se manifestait cette fragilité fondamentale du cœur de l’homme et de sa liberté. Le jardin du cœur de l’homme, sa liberté et sa joie d’être avec Dieu, voici que tout cela s’était subitement dégradé et brisé. Et le cœur de l’homme est devenu un désert. C’est la soif et la faim, c’est le soleil qui tape, c’est le sable brûlant et les pierres qui coupent les pas de l’homme qui s’avance. Le désert, c’est ce lieu de silence, ce lieu où les cris ne rencontrent plus qu’un écho vide, car le jardin n’est plus le jardin de personne, mais il est le désert du vide et du silence. Le cœur de l’homme est devenu désert. Il n’y a plus que le ciel implacable et son soleil brûlant, il n’y a plus que l’immensité du vide qui résonne autour de lui, il y a la soif, il y a la faim et cette lumière aveuglante et miroitante qui fait les mirages et qui fait les idoles et qui fait les erreurs et qui fait le mensonge.

Quelle idée Dieu pouvait-Il donc avoir d’envoyer son peuple au cœur de ce désert ? Car Dieu s’était choisi un peuple et pour le mettre à l’épreuve, pour le passer au feu de la tentation, avait choisi de le mener quarante ans dans le désert. Et là le peuple avait connu les multiples tentations de l’existence. Dans ce désert qui est le cœur de l’homme, qui est le cœur même de ce peuple, voici que l’homme était invité à le parcourir en tous sens et à découvrir au fond de chacun de ces recoins de désert, dans ces replis de montagne, de découvrir tout le poids de la souffrance, des désirs et de l’échec humain. Le peuple s’était heurté à sa soif et il avait crié. « Est-ce que Dieu nous a conduits ici dans le désert pour nous faire mourir de soif ? » Alors il avait contesté Dieu aux eaux de Mara et de Mériba dans le désert et ce lieu s’était appelé le lieu même de la tentation. Et Dieu avait répondu : « Il ne faut pas tenter le Seigneur, ton Dieu ». Et le peuple avait connu sa faim, la faim de son désir qui le travaillait et le torturait. Et alors l’homme avait crié dans son désir et dans son cœur et dans le désert de son cœur : « Est-ce que Dieu est capable de nous donner quelque chose à manger ? » Alors Dieu lui avait répondu : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».

Et l’homme, au cœur de ce désert, avait été confronté à la tentation de toutes les fausses fictions, de tous les faux objets de son désir qu’il essayait de se créer et de se fabriquer, l’homme dans le désert avait fait l’épreuve de la sécheresse et de la dureté de son cœur qui se fabrique des idoles pour se soutenir dans sa marche et se donner l’illusion qu’il a un avenir, l’homme s’était fabriqué un veau d’or et Dieu lui avait dit, sur les tables de la Loi : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et Lui seul ».

Le cœur de l’homme, de jardin qu’il était, voici qu’il était devenu ce désert dans lequel nous errons pas à pas, sans trouver quoi que ce soit pour étancher notre soif et notre faim, en proie à tous les mirages et à toutes les idoles que nous nous fabriquons. Dans cet immense désarroi, dans cette solitude et cette longue marche, voici que Dieu Lui-même est venu de son pas d’amour et de miséricorde. Il est venu arpenter ce grand espace du désert. Mais qu’est-il donc venu à l’idée de Dieu pour envoyer son Fils dans le désert du cœur de l’homme ? Et c’est le récit de la tentation que nous venons d’entendre. Jésus vient dans le cœur des hommes comme dans un désert, Jésus qui vient découvrir l’homme, le chercher dans le plus grand abandon et la plus grande solitude. Jésus poussé par l’Esprit qui va pour ainsi dire arpenter ce désert de long en large, dans toute sa solitude et dans tout son désarroi. Et qui va-t-Il trouver au fond de ce désert, au fond de ce désert du cœur de l’homme ? Le prince de ces lieux. Vous pensez bien qu’il n’avait aucune envie qu’on occupe son territoire. Le premier qui s’approche de Jésus, c’est donc le tentateur lui-même, le prince de ce monde, et il demande à Jésus ce qu’Il vient faire là. Mais là où l’homme avait échoué, là où l’homme avait succombé, là où il avait crié contre Dieu à cause de sa soif, à cause de sa faim, là où l’homme s’était fabriqué des idoles, voici que Lui, l’homme véritable, Il entre dans ce cœur désertique de l’homme, Il entre dans sa soif et dans sa faim, non plus pour se révolter, mais pour nous ouvrir un chemin de liberté.

« Si Tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent du pain ». Mais le Christ sait bien qu’Il ne peut pas conquérir la liberté de l’homme simplement en le gavant, en étouffant son désir, en brimant sa liberté, en la contentant à bon compte. « Si Tu es le Fils de Dieu, fais un coup d’éclat, jette-Toi du haut du Temple ». Mais Jésus sait bien qu’il ne faut pas tenter le Seigneur son Dieu, et Il sait bien qu’il faut que son pied se heurte à quelques pierres, ces cailloux coupants de nos péchés et de la dureté de nos cœurs sur lesquels encore aujourd’hui sa chair de Fils de l’homme vient se briser à cause de notre dureté de cœur et de notre dureté de vie. « Si Tu veux, prosterne-Toi devant moi et je Te donnerai tous ces royaumes. Accepte que je fournisse aux hommes les quelques idoles et les quelques faux espoirs dont ils ont besoin. Accepte d’étouffer en eux ce désir de liberté pour qu’ils se vautrent dans n’importe quoi, dans la fabrication de leurs désirs ». Mais Jésus ne peut pas dire autre chose que : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu ». Il veut que l’homme soit en face de la réalité de Dieu et non pas toujours en train de s’amuser comme un gamin avec ses idoles et ses faux-semblants illusoires.

Le Christ a visité le vaste désert du cœur de l’homme. Et là où le Peuple d’Israël avait succombé à toutes les tentations, voici qu’Il en ressort victorieux et vainqueur. Ce combat face-à-face avec la puissance du mal, ce combat aux prises avec le désir de l’homme qui ne cesse de se fabriquer des faux-semblants, voici qu’il continue encore aujourd’hui, voici que le Christ, depuis le désert jusqu’à maintenant, ne cesse d’arpenter le désert du monde, ce Sahel spirituel dans lequel nous nous trouvons. Et le Christ, jour après jour, va à la rencontre de l’homme, Il affronte toutes ses tentations.

Il a même fallu qu’Il transforme radicalement ce désert. Oh ! Apparemment le désert d’aujourd’hui, la sécheresse du cœur et du désir de l’homme d’aujourd’hui, ressemblent étonnement à ceux que Jésus a dû rencontrer sur les chemins d’Israël et dans tous ces regards qu’Il portait sur le cœur de l’homme. Apparemment le cœur de l’homme est toujours aussi désertique et desséché, il n’y a pas de fleuve qui ait coulé pour l’irriguer et y faire surgir la vie au milieu du désert. Pourtant il y a dans ce désert un arbre étrange, quelque chose qu’on ose à peine nommer un arbre car il ressemble curieusement à un poteau télégraphique, un bout de bois dressé au cœur de ce désert du cœur de l’homme, avec une traverse horizontale. Depuis deux mille ans, nous appelons cela la croix de Jésus-Christ. Le désert du cœur de l’homme est toujours aussi sec, toujours aussi assoiffé et desséché, toujours rempli d’idoles et d’illusions, et pourtant mystérieusement au cœur de ce désert commence à pousser cet arbre apparemment si sec, si dur qui se dessine plus durement sur l’horizon que les rochers dans le ciel du désert. Et cet arbre, c’est la seule chose qui nous reste.

Nous qui sommes chrétiens, nous croyons que le désert refleurira, que de la croix l’eau jaillira, que du Seigneur la vie renaîtra, que la croix, cet arbre mort, est en réalité arbre de vie, car Jésus Lui-même a voulu prendre la géométrie de cette croix.

Notre cœur est apparemment toujours aussi sec qu’un désert. Et pourtant parce que l’arbre de la croix y a été planté, parce que la mort du Fils de l’homme y a éclaté comme un cri et comme un éclair, désormais, au milieu de la solitude et du désespoir, voici que la croix est devenue ce lieu où le destin de l’homme et le destin de Dieu sont irrémédiablement noués, Dieu mourant debout, les pieds dans la terre et la tête dans le ciel, et les bras écartés, si grands et si larges qu’Il veut embrasser tous les hommes, embrasser l’immensité de ce cœur désertique, non seulement tout le cœur de l’homme, mais le cœur de tout homme. Jésus qui se fait le point de rencontre de l’homme et de Dieu. Et il faut que nous-mêmes nous refassions le même geste, il faut que nous aussi nous soyons avec Lui, il faut que nous passions par là. Même si nous avons peur et si nous rechignons, c’est par la croix que nous passons nous aussi, les pieds sur terre et la tête dans le cœur même de Dieu et les bras ouverts pour étreindre cet Amour de Dieu trop grand pour nous afin que désormais les deux morceaux de bois de la croix, Dieu et l’homme, soient inséparables.

Alors, au cœur même de ce désert jaillit un signe de vie et d’espérance, celui-là même que Dieu nous a donné en son Fils Jésus Christ. Si nous creusons au plus intime de notre cœur pour y découvrir la source vivante de la grâce de notre baptême, nous ne trouvons rien d’autre, au milieu de notre désert et de notre aridité, que cette croix plantée dont nous avons été marqués aux premiers jours de notre existence chrétienne, au jour de notre baptême. Elle est source de vie dans nos déserts, elle est fleuve d’allégresse et de joie au cœur des épreuves, elle est la résurrection au cœur de notre mort. Amen.

 




1er Dimanche de Carême par le Diacre Jacques FOURNIER

«  Dans la vie du Fils, le Père est à la première place « (Mt 4,1-11) 

En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Mais Jésus répondit : « Il est écrit : ‘L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.’ »
Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple
et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : ‘Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.’ »
Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : ‘Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.’ »
Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire.
Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. »
Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : ‘C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte.’ »
Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.           

                    

             « Jésus fut conduit au désert par l’Esprit » et donc par Dieu son Père qui fait tout pour son Fils par l’Esprit. Jésus est docile, obéissant : « J’aime le Père et je fais comme le Père m’a prescrit » (Jn 14,31). Le but visé ici est de manifester la victoire de Dieu sur le mal car si « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1,14) par l’Esprit (Lc 1,35), c’est pour « arracher » tous les hommes « à l’empire des ténèbres et nous transférer dans son Royaume » (Col 1,13-14) de Lumière et de Paix, par le Don de ce même Esprit. Au désert, la Lumière du Christ va donc briller dans les ténèbres et celles-ci ne pourront rien contre elle (Jn 1,5). Cette victoire est appelée désormais à devenir la nôtre si nous acceptons de l’accueillir par le libre consentement de notre foi… « Il faut les laisser faire là haut » (Ste Thérèse de Lisieux)…

Jésus jeûne « quarante jours et quarante nuits »… Vrai homme, il est fragilisé, il a faim… Le démon le sait. Pour soulager sa faiblesse, et il va l’inviter à adopter l’image pervertie de Dieu qui est la sienne : un Dieu Tout Puissant qui utilise sa Force pour Lui même, pour son propre avantage… Logique de l’égoïsme… Mais telle n’est pas celle du Fils qui demeure dans l’Amour du Père (Jn 15,10) et qui, jour après jour, attend tout de sa Bonté… Aux pains destinés à entrer dans « sa » bouche, Jésus oppose « la parole qui sort de la bouche » du Père pour lui dire tout son Amour : « Tu es mon Fils bien‑aimé, en toi j’ai mis tout mon amour » (Mc 1,11). Elle est son Pain de Vie, car cette Parole est un acte : le Don éternel de l’Esprit par lequel le Père engendre le Fils de toute éternité en Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, lui donnant ainsi de partager sa Plénitude d’Être, de Vie, de Joie et de Paix…

            Puis le démon, en citant par ruse la Parole de Dieu, va inciter Jésus à se mettre à la première place en sommant le Père d’agir pour lui… Mais le Fils n’a pas besoin de le provoquer pour savoir qu’Il est là avec Lui (Jn 8,29), invisible mais actif, et cela toujours pour son bien… « Le Seigneur fait tout pour moi, Seigneur, éternel est ton Amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains » (Ps 138(137),8).

            Troisième tentation, celle du pouvoir. Pour le démon, la puissance sert à dominer, à écraser, à s’imposer pour se glorifier aux dépends d’autrui. Jésus le sait : il est le Messie, le Roi promis par les prophètes. Il a reçu du Père « les nations en héritage », pour les sauver (cf. Lc 3,21-22 et Ps 2,7-8 ; Jn 3,16-17 ; 4,42). En lui mentant, car c’est « Dieu » seul qui « donne au roi ses pouvoirs » (Ps 72,1 ; Jn 19,11), le démon va essayer de faire naître en lui la convoitise pour le pousser à accomplir sa vocation selon sa logique à lui… « Tout cela, je te le donnerai »… Mais non, ce n’est pas le démon qui donne quoique ce soit ; lui, il ne sait que « voler, égorger et faire périr » (Jn 10,10). C’est le Père qui, dans son Amour, ne cesse de se donner entièrement à son Fils, de Lui donner tout ce qu’Il Est, lui donnant ainsi d’être « Lumière née de la Lumière », une Lumière qui est Plénitude de Vie et de Joie. « Moi, je suis sûr du Seigneur. Ton amour me fait danser de joie » Ps 31(30),7-8). C’est donc Lui que Jésus écoute, « tu es mon Fils bien-aimé », c’est vers Lui qu’il se tourne (Jn 1,18), se laissant combler par le Père (Jn 5,26) qui, de son côté, ne cherche, ne désire et ne poursuit que le meilleur pour son Fils… A nous, maintenant, de faire de même…

                                                                                                                                              DJF

                      




1er Dimanche de Carême par Francis COUSIN

 

 

« Arrière, Satan ! »

Nous voici au début du carême, ce temps qui nous est donné par l’Église pour préparer notre cœur pour ce grand jour qu’est Pâques, but de la venue de Jésus sur la terre : Dieu le ressuscite, et par cela il refait le lien entre les hommes et lui, le lien d’amour que les hommes ont rompu par le péché d’Adam et Ève et que Jésus en offrant sa vie pour nos péchés renoue, nous permettant d’avoir accès à la Vie Éternelle.

On comprend donc que la première lecture soit le récit de la tentation d’Ève par Satan. Satan, rusé et menteur, commence par dire que Dieu a interdit de manger de tout arbre du jardin d’Éden ; Non, répond Ève, seulement l’arbre du milieu ; C’est parce que, si vous en mangez, ’’vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal’’. Et Ève et Adam, succombe à la tentation de tout connaître, d’être comme des dieux, de pouvoir vivre sans Dieu.

L’évangile nous parle des tentations de Jésus au début de la vie publique. Juste après son baptême au cours duquel la voix du Père se fait entendre :’’Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie‘’, Jésus est poussé par l’Esprit au désert, lieu de l’épreuve et du combat comme le mal, mais aussi lieu de la rencontre avec Dieu. Il y reste quarante jours, sans manger ni boire, comme Moïse au Sinaï avant qu’il ne reçoive les tables de la loi.

Alors le diable vient le voir et commence par une provocation :’’Si tu es Fils de Dieu…’’, sous-entendu, tu peux donc faire des miracles, ’’change ces pierres en pain’’. Mais Jésus ne veut pas utiliser ses capacités pour son propre profit, de manière égoïste ; il réserve les miracles pour les autres, les petits, les malades, les faibles.

Il l’emmène ensuite au sommet du temple :’’Saute, les anges viendront te porter’’, mais Jésus ne veut pas mettre à l’épreuve son Père, l’obliger à faire un miracle à son profit pour qu’il en tire vanité.

En dernier lieu, Satan emmène Jésus sur une montagne. ’’Je te donne tout cela si tu te prosternes devant moi’’. C’est le but de la mission de Jésus : rassembler toutes les nations pour qu’elles croient en Dieu et aient la Vie éternelle, mais pour lui, la fin ne justifie pas tous les moyens, surtout s’ils ne sont pas bons et vont à l’encontre de ce qui est voulu. Et pour la troisième fois, Jésus répond par une phrase du Deutéronome :’’Arrière, Satan ! … C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte’’.

Les trois tentations que Jésus a subies sont encore d’actualité aujourd’hui, même si elles prennent d’autres formes. Dans notre société de consommation, nous pouvons être tentés par tout un tas de choses qui nous sont présentés par la publicité, la télévision ou internet, et que nous voulons pour nous, de manière égoïste, tout de suite, et pas seulement des biens matériels, mais aussi la drogue, le sexe, les enfants par Grossesse Pour Autrui, voire mourir ’’dans la dignité’’ par euthanasie, …

Il y a aussi la tentation de vouloir avoir des ’’preuves’’ de l’existence de Dieu, ou de se tourner vers l’ésotérisme, les horoscopes, les diseuses de bonne (?!) aventure … pour combler la soi-disante absence de Dieu.

Et puis aussi la tentation de l’argent facile, plus ou moins licite, ou des ‘trucs’ pour payer moins d’impôts ou ne pas payer ses contraventions. Et aussi celle du pouvoir sur les autres.

Les tentations sont toujours là, et elles sont nombreuses. Parce que Satan est toujours là, et qu’il ne cesse de nous tenter. C’est pourquoi, dans le Notre Père, nous disons ’’Ne nous laisse pas entrer en tentation’’.

Et  nous ne pouvons le faire qu’avec l’aide de Dieu. En faisant comme Jésus, quand nous sentons arriver une tentation mauvaise, en disant : « Arrière, Satan ! ».

Seigneur Jésus,

comme tu l’as été,

nous sommes souvent

tentés par le Démon.

Aide-nous à résister au démon

et à ne pas entrer en tentation.

Francis Cousin




8ième Dimanche du Temps Ordinaire – Claude WON FAH HIN

Une mauvaise compréhension de ce texte pourrait avoir de très graves conséquences non seulement pour celui qui l’aurait mal compris mais également pour sa famille. C’est pourquoi, lorsqu’un texte biblique pose un problème de conscience à certaines personnes, et que cette personne devienne angoissée par ce qu’elle vient de lire, il vaut mieux arrêter de lire en attendant d’aller consulter quelqu’un qui l’ait bien compris pour qu’il vous l’explique. Devant un texte biblique qui vous pose problème, faites une pause et dites-vous bien que jamais la Parole de Dieu ne devrait vous inquiéter ou vous angoisser. Et si cela vous arrive, ou bien vous avez mal compris le texte ou bien si vous l’avez parfaitement compris, et il faudra alors vous convertir et mieux appliquer la parole de Dieu. Dieu nous aime trop pour nous inquiéter, pour nous angoisser, Il veut simplement notre bonheur. Sainte Thérèse d’Avila (« Œuvres complètes » – Tome 2 – « Pensées sur l’amour de Dieu ») nous dit : « C’est pourquoi….lorsqu’en lisant ou en entendant des prédications, ou méditant les mystères de notre sainte foi, il y aura des choses qui vous paraîtront obscures, je vous recommande extrêmement de ne vous point gêner (inutile de faire des efforts) pour en chercher l’explication. Que s’il plaît à Notre-Seigneur de vous en donner l’intelligence, il le fera sans que vous ayez besoin de prendre pour ce sujet aucune peine …Quant à ceux que Dieu y engage, ils doivent sans doute y travailler de tout leur pouvoir, et ce travail ne leur saurait être que fort utile. Mais pour ce qui est de nous, nous n’avons….qu’à recevoir avec simplicité ce qu’il plaît à Dieu de nous donner,…». Et l’Évangile d’aujourd’hui peut prêter à confusion.

Dans l’A.T., bon nombre de personnages connus étaient très riches. Gn 13,2 : Abraham étai très riche en troupeaux, en argent et en or ;  1 R 10,23 : Le roi Salomon surpassa en richesse et en sagesse tous les rois de la terre ; Jb 1, 3 :  Job possédait aussi sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs et cinq cents ânesses, avec de très nombreux serviteurs.  Cet homme était le plus fortuné de tous les fils de l’Orient ;  Gn 26, 12-14 : 12 Isaac fit des semailles dans ce pays et, cette année-là, il moissonna le centuple. Yahvé le bénit 13 et l’homme s’enrichit, il s’enrichit de plus en plus, jusqu’à devenir extrêmement riche. 14 Il avait des troupeaux de gros et de petit bétail et de nombreux serviteurs. Mais tous ces personnages savent très bien que cette richesse leur vient de Dieu : à Salomon, Dieu lui dit (1R3, 13): « Et même ce que tu n’as pas demandé, je te le donne aussi : une richesse et une gloire comme à personne parmi les rois après toi, durant tous les jours ; à Isaac, Dieu dit (Gn 26,12-13 : Yahvé le bénit 13 et l’homme s’enrichit, il s’enrichit de plus en plus. Et le psalmiste nous dit (Ps 23,1) : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien ». Ainsi, le bien matériel peut contribuer au bonheur que Dieu veut pour tout homme. Mais le bonheur vient de Dieu, pas des richesses.

Et c’est la raison pour laquelle Jésus nous dit : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent ». Si le Christ nous dit cela, ce n’est pas pour nous embêter, pour nous mettre en difficulté, mais pour nous mettre en garde contre les dangers que l’argent peut provoquer dans le cœur des personnes. La traduction «vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent » ne donne pas toute la mesure des conséquences mauvaises que l’argent peut avoir sur son propriétaire. Le mot « Argent », dans la Bible Osty,  est traduit par « Mammon », qu’on retrouve dans les notes de la TOB. Or Mammon en araméen désigne des richesses personnifiées qui s’opposent à Dieu et qui vont asservir le monde, le rendre esclave. C’est de cet argent là qu’il s’agit, de cet argent qui nous rend esclave. On travaille le dimanche pour avoir plus d’argent quitte à ne pas venir à la messe, on travaille plus pour gagner plus, on discute argent matin, midi, soir et pendant les congés, on rêve argent, on dort « argent en tête », on se réveille et la première pensée c’est pour l’argent. On se retrouve en famille et la discussion principale c’est l’argent et on cherche comment faire pour en gagner encore plus. On devient alors esclave de l’argent. C’est de cet argent-là, celui qui nous esclave,  qu’on parle lorsque l’on dit « vous ne pouvez servir Dieu et l’argent ». Il y a là deux « maîtres » : l’argent est un maître qui rend esclave et qui devient une idole pour son propriétaire,  et le Dieu Unique est un maître capable de nous libérer de tous types d’esclavage dont celui de l’argent. C’est pour cela qu’il est impossible de servir ces deux maîtres à la fois. L’argent, en lui-même, n’a aucun pouvoir de rendre esclave si celui qui le possède a constamment pour Maître le Dieu unique. Jésus n’a jamais été contre l’argent. Il avait lui-même un métier : il sait ce que travailler signifie et il devait certainement avoir aussi de l’argent pour vivre. Mais il n’a jamais été son esclave. Il nous faut donc de l’argent pour vivre normalement.

Mais pas n’importe comment. Il faut bien comprendre ce que Jésus veut dire quand il nous dit : « 25 Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement? 31 Ne vous inquiétez donc pas en disant : Qu’allons-nous manger?  Qu’allons-nous boire?  De quoi allons-nous nous vêtir? 32 Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela ». En se disant qu’il ne faut pas s’inquiéter pour se nourrir, pour se vêtir, pour boire, certains pourraient conclure qu’il est inutile de travailler puisque je n’ai pas à m’inquiéter pour manger , boire et s’habiller et c’est le Christ qui le dit.  Jésus n’a jamais incité les gens à devenir paresseux, encore moins à devenir criminel pour avoir de l’argent, ou à voler. Rappelons que Jésus est Dieu. Il ne peut pas nous conduire à commettre les péchés tels que la paresse, le vol ou le meurtre et il l’a dit dans les dix commandements : tu ne tueras pas, tu ne voleras pas et il a donné l’exemple qu’il faut travailler pour vivre. Il nous donc travailler pour vivre. Ce que nous dit Jésus c’est d’arrêter de courir derrière l’argent qui nous donne beaucoup de tracas, d’inquiétude et de prendre du temps pour vivre. Pour bien vivre. Or « bien vivre », c’est vivre une relation d’amour en Dieu par Jésus-Christ, car Dieu est lui-même la Vie. Il faut avoir une hiérarchie des valeurs : la vie d’abord, et la vie en Dieu. Travailler, boire, manger, se vêtir, tout cela doit être au service de la vie en Dieu. Et nous devons donc soigner, privilégier notre relation d’amour avec le Christ qui est Vie et qui donne la vie. Il veut, pour nous, une vie éternelle avec Lui dans une relation d’amour au sein de la Trinité. Jésus nous propose de vivre avec Lui dans un bonheur éternel. C’est pour cela qu’il nous donne en exemple les oiseaux. La nourriture qui se trouve dans la nature créée par Dieu est à portée des oiseaux, encore faut-il que les oiseaux aillent les chercher. C’est du travail que d’aller chercher sa nourriture. Et c’est par le travail que nous allons chercher notre nourriture. Si Dieu prend soin des lys des champs qui ne sont pas très utiles puisqu’ils seront brûlés par la suite, à plus forte raison, Il prendra davantage de soins des hommes qu’il a créés à sa ressemblance. Ce qu’il n’a pas dit aux oiseaux et aux lys des champs, Il nous le dit à nous (Is 43,4) : … « tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime ».  Nous sommes bien plus importants que les oiseaux et les lys des champs, et Dieu nous aime. C’est pour cela qu’il ne faut pas s’inquiéter de la vie, mais il nous faudra si possible, quand il y a du travail, d’aller travailler et ne pas rester à ne rien faire, sauf bien sûr ceux qui sont véritablement dans l’impossibilité de travailler pour des raisons diverses.

Avant tout, il nous faut chercher le royaume de Dieu. Le Royaume n’est pas pour « après la mort », mais pour aujourd’hui car il est déjà parmi nous. Voici ce que dit Père Kowalski qui a enseigné pendant plus de vingt ans à Paris à des laïcs et à de futurs prêtres et qui ont été rapportés par le Père Antoine Baron dans son livre : « les Béatitudes ». En effet, lorsque Jésus nous dit Mt 5,3 : “Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux”, et en Mt 5,10 : “Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux”, les verbes sont au temps présent, c’est-à-dire que le Royaume est à nous aujourd’hui, maintenant, et pas seulement lorsque nous serons morts. Même le v12 de Mt 5,12 doit être au présent comme l’ont traduit les bibles de la TOB et Osty. « Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grand (en ce moment) dans les cieux (dans le Royaume de Dieu). » Loin d’un futur évoquant un bonheur après la mort, on est ici dans un bonheur immédiat de l’existence présente, vécue déjà selon Dieu.

De plus, Jésus est lui-même le Royaume de Dieu. En Lc 17,20,  des pharisiens interrogent Jésus : « Quand viendra le Royaume de Dieu27 ? » Jésus leur répond : « … le Royaume de Dieu est au milieu de vous28. » Et Jésus fait allusion à lui-même qui se trouve au milieu des pharisiens:  le Royaume de Dieu est déjà là, dans la personne de Jésus au milieu d’eux, comme il est présent aujourd’hui dans l’Eucharistie de son Église.

En cherchant le Royaume de Dieu (c’est à dire le Christ) et sa justice, tout ce dont nous avons besoin pour vivre ici-bas nous sera donné par surcroit. Le Père céleste sait que nous avons besoin de tout cela. Il nous revient, à nous, de nous occuper, avec la grâce de Dieu, de notre relation au Christ et avec le prochain, et Dieu s’occupera de nous si nous lui faisons confiance.  Nous avons donc à travailler pour vivre normalement, sans jamais nous laisser devenir esclave de l’argent, gardant toujours Dieu pour seul et unique Maître qui nous a déjà fait don de son Royaume en la personne de Jésus-Christ. A nous de le chercher en permanence pour tous les moyens que le Seigneur a mis à notre disposition à travers son Église.

 

 




7ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 » Avoir confiance en Dieu et en Dieu seul ! « 

(Mt 6, 24-34)  

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.
C’est pourquoi je vous dis : Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni, pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?
Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Vous-mêmes, ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ?
Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?
Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.
Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux.
Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?
Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?”
Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît.
Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

 

           

                    

« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». L’argent apparaît donc ici comme un danger dans la mesure où il serait considéré comme un absolu… Servir l’argent, sans autre but que l’argent lui-même, est l’attitude idolâtrique par excellence, comme si sa seule accumulation pouvait suffire à assurer notre bonheur… Mais le sentiment de sécurité qu’il génère est trompeur. Ainsi, à celui qui avait rempli ses greniers et qui se disait : « Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années : repose-toi, mange, bois et fais la fête », Jésus répond : « Insensé, cette nuit même on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? » (Lc 12,13-21). De plus, grande est la tentation de croire que l’argent permet la réalisation de tous nos désirs et qu’il est donc la clé du bonheur. On peut alors chercher à l’acquérir par n’importe quel moyen : le mensonge (Mt 28,11-15), le vol, et même le meurtre s’il le faut (Mt 26,14-16)… Mais en agissant ainsi, l’homme se plonge lui-même dans les ténèbres. « Malheureux » est-il, car en se détournant de Dieu, il ne peut qu’être privé du « Don de Dieu », « l’Eau Vive de l’Esprit Saint » (Jn 4,14 ; 7,37-39)… Or, ce n’est qu’en acceptant de le recevoir de tout cœur que l’homme trouvera avec lui le vrai Bonheur, car Dieu nous a tous créés pour que nous en soyons « remplis », (Ac 2,4), partageant ainsi sa Plénitude (Ep 5,18 ; Col 2,9-10) et sa Joie (Ac 13,52 ; Jn 15,11).

            Après avoir évoqué le danger de l’argent et de ses fausses sécurités, Jésus cherche à apaiser nos principales sources d’angoisses, notamment vis-à-vis de nos besoins fondamentaux : « Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements… Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché. »

                Or « le Royaume des Cieux est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint ». Autrement dit, il est Mystère de Communion dans « l’unité d’un même Esprit », un Esprit d’Amour qui ne peut que nous pousser à nous mettre au service des autres, à nous donner de la peine pour les autres, à travailler pour eux (Rm 14,17 ; Ep 4,3 ; Rm 5,5 ; Ga 5,22), avec comme principe : « Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui ». Et St Paul a donné l’exemple : « Je n’ai pas recherché mon propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés » (1Co 10,24.33). Or « l’ouvrier mérite son salaire » (Lc 10,7), mais dans ce cas-là, c’est Dieu le Père, lui « qui sait bien ce qu’il vous faut avant que vous le lui demandiez » (Mt 6,8) qui s’engage à faire en sorte que l’ouvrier de son Evangile ne manque de rien. « Quand je vous ai envoyés sans argent, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » demande Jésus à ses disciples. « De rien » dirent-ils (Lc 22,35)… « Les vrais coopérateurs du Christ sont les porteurs de sa charité. L’argent vient si on recherche le royaume de Dieu. Alors tout le reste est donné » (Mère Térésa).                                                                                                                DJF




8ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Ne vous souciez pas, pour votre vie,

de ce que vous mangerez … »

Voila une affirmation bien surprenante de la part de Jésus, et qui pourrait être bien mal interprétée et admise de la part des 840 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde, soit environ une personne sur neuf.

D’autant que, dans le même évangile, dans la parabole du jugement dernier, Jésus fait dire au roi : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; … j’étais nu, et vous m’avez habillé … Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Mt 25,34-36.40), et que les trois exemples indiqués par Jésus font partie des œuvres de miséricorde corporelle que nous connaissons bien maintenant.

D’un côté, on nous dit de ne pas s’en soucier …

De l’autre, on nous dit que c’est primordial, essentiel pour entrer dans le Royaume des cieux.

En fait, il n’y a aucune contradiction. En effet, Jésus dit bien :’’Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez…’’ ; ’’La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture’’ ; ’’Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?’’

L’essentiel n’est pas la nourriture ou le vêtement, mais la vie, et la manière dont on va construire, organiser sa vie pour obtenir la Vie éternelle, l’entrée dans le Royaume des cieux.

Et donc tout dépend des priorités que l’on se donne.

Par exemple, pour le vêtement : Soit on vit pour être toujours à la mode, soit on se préoccupe de ceux qui n’ont pas assez de vêtements. (On peut aussi faire les deux, si on le peut … et c’est très bien. Ou ne rien faire du tout : ne pas s’occuper de son habillement, et encore moins de celui des autres …et c’est le pire des choix !).

Pour Jésus, le choix est simple : nous ne devons avoir qu’une seule priorité :’’Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice’’. Et la justice du Royaume de Dieu est de nous préoccuper de notre prochain : « Va, et toi aussi, fais de même » (Lc 10,37) que le bon Samaritain.

Finalement, on se rend compte que l’essentiel de la Parole de Jésus est que nous réussissions notre vie sur terre, selon le dessein de Dieu, pour obtenir la Vie éternelle. C’est ce qu’il disait déjà au jeune homme riche qui voulait savoir ce qu’il devait ‘’faire de bon pour avoir la vie éternelle’’ :’’ va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux.’’ (Mt 19,16.21).

C’est une autre manière de nous rappeler que nous ne devons pas être esclave de l’argent, qui est utile pour pouvoir aider les autres, de l’argent qui est au service des autres quand nous-mêmes nous mettons au service des autres.

Encore deux points d’attention en ce qui concerne l’argent au service des autres.

Le premier venant de l’épisode de la veuve et ses deux piécettes. Jésus dit : ’’ cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu’’ (Mc 12,42-43). La question est de savoir pour chacun où se trouve le niveau à partir duquel on peut parler de ‘superflu’, c’est-à-dire la somme qu’on peut donner sans que cela ne nous coûte vraiment. Et faut-il aller plus loin que le superflu pour que ça nous coûte vraiment ? (D’après Jésus, c’est oui !).

Le deuxième vient de l’évangile que nous entendrons ce mercredi des cendres :’’ Quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle … Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.’’ (Mt 6,2).

Que dire en conclusion ?

Jésus nous demande de nous laisser aller entre les mains de Dieu, de mettre notre confiance en lui :’’Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs,  …  ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?’’

Et si c’était vrai du temps de Jésus, je pense que cela reste vrai pour nous dans ce temps-ci. « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » (Mc 9,24)

Seigneur Jésus,

tu nous demandes de mettre notre argent

au service des autres,

et de ne pas nous soucier du reste,

de mettre notre confiance en toi

car le Père sait ce dont nous avons besoin.

Augmente ma foi en toi.

 

Francis Cousin




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

La loi du talion, l’amour des ennemis, voilà un passage de l’évangile qui a souvent été interprété de façon catastrophique. La loi du talion d’abord, on a dit tout simplement jusqu’à maintenant que le Dieu de l’Ancien Testament était un Dieu de vengeance, il tenait des comptes, il fallait rendre exactement la monnaie de la pièce à tous ceux qui vous avaient fait du mal, mais nous, les chrétiens, avec le Christ, nous n’avons plus à nous venger, à régler nos comptes, ou à faire qu’on renvoie à chacun la monnaie de sa pièce, ou le chien de sa chienne. Donc, on voit là le progrès manifeste de la religion. L’Ancien Testament, c’est la crainte, la vengeance, le calcul, la méchanceté mesurée, et le Nouveau Testament, c’est la béatitude de l’amour qui va tout seul.

L’amour des ennemis : alors là, les bras vous en tombent parce que le nombre de gens qui ont interprété l’amour des ennemis comme le fait qu’il fallait penser comme ses ennemis et finalement renoncer à toutes ses convictions, s’effacer pour que les ennemis vous piétinent et qu’eux aient leur place parce que vous, de toute façon vous n’êtes rien, c’est à se demander si on avait lu le texte. Le texte dit qu’il faut aimer les ennemis, mais il ne dit pas qu’il ne faut pas avoir d’ennemis. Il y a une nuance assez fondamentale qui parfois est difficile à comprendre mais de fait, nous avons des ennemis. C’est indéniable. Moi, personnellement, je considère les terroristes comme des ennemis. Peut-être que j’ai tort, peut-être que vous me trouvez un chrétien étroit avec des œillères, mais c’est un ennemi, ce sont des hommes qui sont, d’une certaine manière, ennemis de l’humanité. Si nous sommes normalement constitués, cela m’étonnerait qu’à un moment ou l’autre il n’y ait pas eu des difficultés avec du voisinage, même des membres de la famille, de temps en temps, on a des ennemis. Jésus ne dit pas que sous prétexte qu’il faut aimer ses ennemis, il ne faudrait pas en avoir.

Cela étant réglé, le problème de l’interprétation de l’évangile reste entier, parce que dépasser la loi du talion au point de dire à quelqu’un : « Ecoute, tu me gifles sur la joue droite, et moi je t’offre la joue gauche, tu me demandes de faire un mille avec toi j’en ferai deux ». (On peut croire que c’est simplement une petite performance sportive, mais ce n’est pas du tout cela. Faire un mille avec quelqu’un, dans la situation de l’époque, c’était que si un soldat romain trouvait que son barda était trop lourd, il pouvait réquisitionner un passant au nom de la corvée et de la supériorité de l’empire romain sur la population locale, et lui dire de porter son barda pendant un mille). Est-ce que Jésus a prévu qu’on avait la résistance pour faire deux mille ?

Que signifie tout cela? Si l’on interprète cela d’une façon psychologique on se noie dans des considérations impossibles. Si Jésus est venu nous annoncer qu’il faut faire des performances sans cesse améliorées dans notre vie morale et spirituelle, c’est fatiguant parce que cette tension psychologique où il faut toujours faire de notre mieux, ne fonctionne pas. C’est pour cela que les gens disent : « Je vais me confesser, je fais des œuvres pieuses, mais je ne m’améliore jamais ». C’est normal, vous ne vous améliorez pas, et je n’ai pas envie de dire aux gens : vous n’êtes pas améliorables, parce que ce ne serait pas gentil, cependant, je crois qu’il faut tous le penser très fort. Nous ne sommes pas vraiment améliorables, on arrive à quelques petits progrès, il y en a qui sont très fiers d’arrêter de fumer, il faut avouer que par rapport au salut éternel c’est peu de chose.

Si on voit uniquement la performance subjective, c’est-à-dire le dépassement de soi, je suis désolé, mais l’évangile devient l’antichambre du nietzschéisme. Je me crée des valeurs et j’essaie de dépasser sans arrêt ces valeurs. Quand je me crée des valeurs de l’évangile, ça va bien, mais si je ne me crée pas les valeurs de l’évangile, je ne deviendrai qu’un performant sportif super champion dans tel domaine qui n’est pas nécessairement tout à fait évangélique. C’est pour cela qu’aujourd’hui, il y a tant de malentendus dans la conception de la vie morale. Comme la morale c’est toujours d’essayer de faire mieux, et que personne n’est d’accord sur ce qui est mieux, effectivement, cela fait une société qui va un peu dans tous les sens. Donc à mon avis, c’est une mauvaise entrée que de vouloir uniquement interpréter tout l’ensemble du sermon sur la montagne, parce qu’au fond, tout tourne autour de cela comme une sorte d’encouragement à améliorer les performances. Non, en matière d’éthique, en matière de morale, nous ne faisons pas partie de l’équipe de France de handball. Personne dans cette matière-là n’est vraiment un héros. Même ceux que l’on considère pour telle ou telle raison subjective comme quelqu’un d’extraordinaire qui a fait des performances, mais si on entrait dans le cœur de la vie de cette personne, on s’apercevrait peut-être qu’il y a une sorte de désespoir fondamental, une blessure qu’on n’arrive pas à guérir, une angoisse qu’on a eue quand on était petit sur les genoux de sa maman. Ce n’est pas un message psychologique. Il y a sans doute des rapports entre l’évangile et la psychanalyse, mais je pense qu’il n’y en a pas sur ce point de vue-là. Du point de vue éthique, l’évangile propose une vision des choses mais qui n’est pas simplement celle de « Engagez-vous, réengagez-vous, améliorez-vous, ré-améliorez-vous ! » Ce n’est pas exactement cela.

Mais alors, de quoi s’agit-il ? Je crois que c’est vraiment dans le grand sens du terme une vraie perspective morale. Et quand je parle de perspective morale, j’emploie un vocabulaire que beaucoup de nos contemporains ne comprennent plus : le bien c’est le bien, et le mal, c’est le mal et il n’y a pas de passage de l’un à l’autre. Il n’y a pas d’acte mauvais qui serait justifié par une fin bonne. Quand on fait du mal, c’est du mal. Quand on fait du bien, c’est du bien. Jésus nous rappelle simplement cette réalité d’abord.

Contrairement à ce qu’on pense, Jésus n’a pas fait appel à ce vague sens moral dont le plus grand vulgarisateur moderne serait Jean-Jacques Rousseau, ce qui n’est pas si sûr, et qui consisterait à dire que nous avons un sentiment du bien. Eh bien, non ! Il n’y a pas de sentiment du bien. Il y a la perception de la vérité du bien. Le bien, c’est bien, le mal, c’est mal.

Comment repère-t-on le bien comme bien et le mal comme mal ? Là encore, les critères ne sont pas exactement ceux que l’on pense. Le vrai critère c’est celui-ci : le mal limite et enferme, et le bien ouvre et diffuse. Et ce n’est pas de l’ordre de l’appréciation subjective. Quand je fais le mal, d’une manière ou d’une autre, j’entre toujours dans une spirale qui me prend et qui me fait tomber de plus en plus dans le défaut que j’ai pris. On finit toujours par tomber du côté où l’on penche et c’est le problème du mal. Ce que Jésus veut dire du mal, et ce que l’humanité antique a beaucoup mieux perçu que l’humanité moderne qui là-dessus est loin de s’être débattue dans le problème, ce que l’humanité antique a perçu, c’est que le mal vous lie. Quand vous regardez dans la Bible ou dans les textes anciens, la présentation du mal, la présentation de Satan, du diable, c’est toujours quelqu’un qui vous lie, qui vous ligote, qui vous prive de votre liberté. Quand on rentre dans une économie du mal, au bout du compte, on se trouve complètement victime et pris dans le chemin sur lequel on s’était engagé. Il n’y a pas d’auto-libération possible. Quand vous êtes ficelé depuis le haut du buste jusqu’au bout des pieds, et que les mains sont prises aussi, il n’y a pas de solution.

C’est la réalité du mal, c’est ce qui vous limite, c’est ce qui fait que votre liberté a posé un acte dans lequel elle s’est reniée comme liberté. Au fur et à mesure qu’elle se renie, vous perdez votre liberté. Evidemment, quand on est dans ce système-là, la seule réaction possible est d’essayer de faire des calculs : oui, je fais cela mais est-ce que je peux me libérer d’un autre côté ? Si j’arrive à sortir le poignet gauche, peut-être que le droit sortira aussi, et on commence à calculer : tu me dois ceci, et tu me dois cela, et on entre ainsi dans une économie de calculs et de mesures qui enferrent un peu plus, ce qui généralement a pour conséquences d’enferrer aussi les autres.

Ce que Jésus veut nous faire percevoir dans le bien, c’est le côté de la surabondance. Il y a une chose que l’on peut toujours percevoir dans l’acte bon, c’est qu’on a été véritablement plus que soi-même, et tout est dans le « plus ». On n’a pas été simplement quelqu’un comme on dit parfois, qui obéit à sa conscience, même si à certains moments il faut passer par un processus de formation de la conscience pour savoir ce que l’on doit faire et trouver la meilleure solution. C’est très utile, mais il faut quand même le pratiquer, ne serait-ce que pour faire du bien intelligemment ce qui est plus agréable que lorsque ce n’est pas fait intelligemment. Donc, il y a une dose de discernement de conscience, d’éducation, et c’est pour cela qu’il faut éduquer la conscience des enfants et des jeunes à la perception de cela. Mais en même temps, il faut savoir qu’au moment même où je pose un acte de bien, non seulement je ne me laisse pas ficeler comme lorsque le mal diminue et étreint ma liberté, mais au contraire je me laisse grandir et ouvrir, et je me laisse devenir plus grand par la force du bien qui part de moi.

Jésus reprend ici un des aspects les plus fondamentaux qui était déjà dans la Loi mais en lui donnant une analyse, un perception plus vive, plus claire pour nous faire comprendre que lorsqu’on pose un acte bon, on devient plus que soi-même. Et ce plus que soi-même, c’est la grâce. A ce moment-là, vous me direz que je suis trop gentil pour les païens qui font du bien, c’est comme s’ils étaient sous la mouvance de la grâce. Il y a pas mal de théologiens qui ont discuté sur ce sujet, et la question est loin d’être tranchée. Ce que je veux dire, c’est que Jésus fait appel à cette réalité fondamentale qui est de dire que lorsque je pose un acte bon, je deviens plus que moi-même. Et là où le mal agissait dans spirale qui me lie et me ligote et m’emprisonne, ici le bien joue dans le sens de la spirale qui me libère et me fait devenir non seulement plus que moi-même mais qui fait devenir les autres plus qu’eux-mêmes.

Il y a là plus que deux poids et deux mesures, puisque ce n’est pas mesurable. C’est incommensurable le bien et le mal. Le mal c’est le mal et le bien c’est le bien, mais dans le bien, il y a un moment où l’on entre dans une autre économie, dans une autre attitude qui est celle qui nous fait devenir plus que nous-mêmes. Ce que Jésus dit tout au long du sermon sur la montagne, c’est que lorsqu’on est devant cette situation de choix, et là précisément la situation de choix, c’est le fait que les auditeurs sont devant le Christ et que le sermon sur la montagne c’est le moment où le Christ leur dit : « Est-ce que vous me suivez, ou est-ce que vous ne me suivez pas ? » A partir de ce moment-là, quand on est dans la situation du choix, d’une certaine manière, pardonnez-moi l’expression, on n’a plus le choix. Ou bien vous dites « non », il ne reste plus qu’à vous confier à la miséricorde de Dieu et à faire dire des messes après votre enterrement, ou bien vous dites « oui » et vous entrez dans cette spirale de ce que le Christ a apporté et qui s’appelle le bien. Il est venu effectivement apporter le bien sur la terre.

Pour conclure, je crois que Jésus ne pouvait pas dire cela s’il n’avait pas été lui-même la mesure du Bien. C’est dans la mesure où Jésus est celui qui peut nous livrer la réalité même du bien plénier, dans la mesure où il se donne comme le Fils de Dieu, le Messie Sauveur, qu’à ce moment-là il peut nous dire que lorsque nous choisissons à sa suite et pour lui, il est le garant de la liberté, de l’épanouissement et de l’enrichissement de notre être que peut apporter la grâce, puisque cette grâce, c’est lui, c’est sa présence, et qu’elle nous est donnée par le fait de le suivre. Amen.




7ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Aimez vos ennemis … »

 

Un passage de l’évangile qu’on a bien du mal à admettre … et à mettre en pratique !

Un passage dans la suite de celui de dimanche dernier : ’’Œil  pour œil’’, non !, et ’’ne ripostez pas au méchant’’

Jésus nous invite à toujours aller plus loin que la loi de Moïse avec le commandement de l’Amour : pas seulement aimer ceux que l’on aime, mais aussi tout ceux qui ne nous aiment pas :’’Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent’’.

Et Notre-Dame de Lourdes, que nous avons fêté la semaine dernière, disait à Bernadette :’’Priez pour les pécheurs !’’, et ce message nous concerne tous : priez pour les pécheurs, tous les pécheurs, nous d’abord, et même ceux qui nous ont fait du tort.

Tout cela nous surprend, car c’est à l’inverse de toute la pensée humaine dominante.

Par définition, un ennemi est quelqu’un qui nous veut du mal, qui cherche à nous nuire. Mais cela ne veut pas dire que nous devons nécessairement devenir son ennemi. Il n’y a pas réciprocité de l’action.

Il est toujours difficile de prier pour quelqu’un qui ne nous aime pas, de pardonner à quelqu’un qui nous a fait une ’’crasse’’. Et pourtant, dans le Notre Père, nous disons bien :’’Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés’’. Est-ce à dire que, si nous ne pardonnons pas, nous ne serons pas pardonnés par Dieu ? Non, car Dieu est miséricorde, mais plutôt :’’Puisque Dieu te pardonne toutes tes offenses, alors toi, tu dois pardonner aussi à ceux qui t’ont offensés’’.

Et là aussi, Jésus nous a donné l’exemple, surtout pendant sa Passion. Quand il a été arrêté, il n’a pas voulu que les apôtres utilisent les épées ; plus même, il a recollé l’oreille arrachée d’un garde. Quand Pierre l’a renié, il ne s’est pas fâché contre lui, mais d’un regard il lui a fait comprendre son erreur. Quand il a été accusé faussement, il n’a pas répondu, il s’est tu. Quand on a craché sur lui, qu’on l’a giflé, qu’on l’a flagellé, qu’on s’est moqué de lui, il n’a pas réagi, il s’est tu. Et quand on l’a cloué à la croix, il s’est seulement tourné vers sont Père pour lui dire :’’Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font’’ (Lc 23,34).

On peut se dire :’’Oh, bien sûr, lui, il était le Fils de Dieu, Dieu lui-même, alors pour lui, c’est normal …’’. Sans doute, mais il était homme aussi, et terriblement homme pendant sa Passion.

Alors pour nous : impossible ?

Par nous seulement, sûrement ; mais avec l’aide de Dieu, avec la prière, c’est possible. Et il y a des exemples : une femme qui pardonne à son violeur, un couple qui pardonne au meurtrier de sa fille, une mère qui accueille chez elle son fils vagabond, un couple où l’amour est plus fort que l’alcoolisme …

Tous les jours, nous disons Notre Père. C’est dire que nous voulons être ses fils. Alors,  c’est une obligation d’aimer ses ennemis et de prier pour eux, ’’afin d’être vraiment les fils de [notre] Père qui est aux cieux’’.

Seigneur Jésus,

tu veux que nous mettions

l’amour au-dessous de tout,

que nous aimions même nos ennemis

et que  nous prions pour eux.

C’est vraiment difficile,

mais avec ton exemple et ton aide,

je vais essayer de le faire.

 

Francis Cousin

 




7ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 

« Aimez-vous les uns les autres

comme je vous ai aimés » (Mt 5,38-48)…

En ce temps- là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Œil pour œil, et dent pour dent’.
Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau.
Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui.
À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! »
Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.’
Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,
afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

 

           

                     « Écoutez ma parole », disait Lamek ; « j’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. Lamek est vengé soixante dix fois sept fois » (Gn 4,24) ! Pour un mal commis, aussi futile soit-il, la vengeance des hommes peut donc se montrer terrible et disproportionnée… La Loi du Talion visait à la contenir : « Œil pour œil, dent pour dent » (Dt 19,21). C’était un progrès.

            Mais le Christ invite à aller bien plus loin… Non seulement ses disciples ne doivent jamais répondre au mal par le mal, au coup reçu par un coup donné, mais ils doivent encore se tenir prêts à en recevoir d’autres en s’interdisant toujours de répondre à la violence par la violence… « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5,39). Mais cela ne veut pas dire pour autant  « subir sans réagir ». L’injustice doit être dénoncée avec force. Et le Christ donnera l’exemple au moment de sa Passion, lorsque les soldats le gifleront : « Un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » Jésus lui répliqua : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,22-23).

            Vis-à-vis des biens de ce monde, il invite également à un détachement complet… « Si quelqu’un te prend ta tunique, laisse-lui encore ton manteau » (Lc 6,29). Il en est sûr, « votre Père sait bien ce qu’il vous faut avant que vous le lui demandiez » (Mt 6,8). Alors, « si vous cherchez » avant tout « son Royaume » d’Amour et de Paix, tout le reste, tunique et manteau, « vous sera donné par surcroît » (Lc 12,22-31)…

            « Aimez vos ennemis »… Et c’est bien ce que Jésus fait lorsqu’il appelle les scribes et les Pharisiens « ses amis et ses voisins » alors qu’ils murmurent et chercheront plus tard à le tuer  (Lc 15,1-7). « Priez pour ceux qui vous persécutent »… « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », dira-t-il sur la croix à l’intention de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à sa mort (Ac 3,26)… Et plus tard, Pierre leur dira : « C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et il l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Lc 23,34). « La pluie » de la bénédiction tombe ainsi sur « les justes et sur les injustes »… Accueillie par celles et ceux qui sont de bonne volonté, cherchant la justice et la paix, elle fera leur bonheur. Pour les autres, c’est par elle que Dieu frappe avec douceur à la porte des cœurs fermés (Ap 3,20). Car « il veut que tous les hommes soient sauvés », et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait », inlassablement, en se donnant à tous pour leur seul bien (1Tm 2,3-6 ; Ps 135,6)… 

                                                                                                                                              DJF




6ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

« Je ne suis pas venu abolir [la loi], mais l’accomplir. »

 

Opposer la loi de Moïse et ce que dit Jésus a été dès le départ un sujet de discussion entre les scribes et les pharisiens et Jésus et ses disciples. C’est pourquoi Matthieu insère ce long passage dans son ’’sermon sur la montagne’’. La loi de Moïse, c’est-à-dire les dix commandements, avait été étoffée au fur et à mesure, sans doute par difficultés d’interprétation, de beaucoup de préceptes qui l’avaient dénaturée, notamment concernant le sabbat. La ’’loi’’ de Jésus reprend l’ancienne, et il ajoute : ’’Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres’’ (Jn 13,34).

C’est-à-dire que Jésus va plus long que l’ancienne loi, il lui donne de nouvelles exigences : faire toute chose par amour des autres et de Dieu, alors que pour l’ancienne, il fallait respecter scrupuleusement ce qui avait été écrit par les hommes. C’est toute la différence entre ce qui est ‘juste’ aux yeux des hommes et ce qui est ‘juste’ aux yeux de Dieu : ce qui compte, ce n’est pas l’action en elle-même, mais le désir dans son cœur qui précède (ou non) l’action ; si l’action mauvaise n’est pas faite, on est ‘juste’ aux yeux des hommes, mais si auparavant on avait pensé à faire cette action, on n’est pas ‘juste’ aux yeux de Dieu :’’ c’est du cœur que proviennent les pensées mauvaises : meurtres, adultères, inconduite, vols, faux témoignages, diffamations. C’est cela qui rend l’homme impur’’ (Mt 15,19-20), et donc pécheur, en pensée, et parfois en action.

La première lecture nous dit la même chose :’’ Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle … La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix … Il (le Seigneur) n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne la permission de pécher’’. Dieu nous laisse toujours libre. A nous de faire le bon choix, en pensée et en action.

On voit encore une fois toute la différence qu’il y a entre la pensée du monde et la pensée de Dieu, entre la sagesse du monde et la sagesse du mystère de Dieu :’’C’est bien de sagesse que nous parlons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde…’’ (2° lecture).

On voit alors que la conception de la loi par Jésus est beaucoup plus pointue que ne le pensaient les scribes et les pharisiens, et plus délicate à mettre en œuvre, contrairement à ce que ceux-ci pensaient. Et Jésus donne quelques exemples, dont :’’ Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, … Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement’’. Jésus nous demande plus que ce que dit la loi, il nous demande de garder toujours le contrôle de nous-même pour éviter d’aller jusqu’à l’extrême, le meurtre. Parce que la colère est déjà une rupture de l’amour des autres. Même une colère qui ne s’extériorise pas, qui reste en nous !

Cette loi d’amour va beaucoup plus loin qu’une loi ‘permis-défendu’ ou d’une loi ‘pas-vu, pas-pris’, car c’est chacun en soi-même qui se rend compte de ses fautes sans qu’il soit nécessairement besoin de l’intervention d’un tiers.

‘’Tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle’’.

Seigneur Jésus,

tu accomplis la loi de Moïse

en y ajoutant l’amour,

 et toute rupture d’amour,

en pensée, en parole, par action et par omission,

est un péché, envers les autres et envers toi.

Sans toi, je ne suis rien !

 

Francis Cousin