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8ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Ne vous souciez pas, pour votre vie,

de ce que vous mangerez … »

Voila une affirmation bien surprenante de la part de Jésus, et qui pourrait être bien mal interprétée et admise de la part des 840 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde, soit environ une personne sur neuf.

D’autant que, dans le même évangile, dans la parabole du jugement dernier, Jésus fait dire au roi : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; … j’étais nu, et vous m’avez habillé … Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Mt 25,34-36.40), et que les trois exemples indiqués par Jésus font partie des œuvres de miséricorde corporelle que nous connaissons bien maintenant.

D’un côté, on nous dit de ne pas s’en soucier …

De l’autre, on nous dit que c’est primordial, essentiel pour entrer dans le Royaume des cieux.

En fait, il n’y a aucune contradiction. En effet, Jésus dit bien :’’Ne vous souciez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez…’’ ; ’’La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture’’ ; ’’Qui d’entre vous, en se faisant du souci, peut ajouter une coudée à la longueur de sa vie ?’’

L’essentiel n’est pas la nourriture ou le vêtement, mais la vie, et la manière dont on va construire, organiser sa vie pour obtenir la Vie éternelle, l’entrée dans le Royaume des cieux.

Et donc tout dépend des priorités que l’on se donne.

Par exemple, pour le vêtement : Soit on vit pour être toujours à la mode, soit on se préoccupe de ceux qui n’ont pas assez de vêtements. (On peut aussi faire les deux, si on le peut … et c’est très bien. Ou ne rien faire du tout : ne pas s’occuper de son habillement, et encore moins de celui des autres …et c’est le pire des choix !).

Pour Jésus, le choix est simple : nous ne devons avoir qu’une seule priorité :’’Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice’’. Et la justice du Royaume de Dieu est de nous préoccuper de notre prochain : « Va, et toi aussi, fais de même » (Lc 10,37) que le bon Samaritain.

Finalement, on se rend compte que l’essentiel de la Parole de Jésus est que nous réussissions notre vie sur terre, selon le dessein de Dieu, pour obtenir la Vie éternelle. C’est ce qu’il disait déjà au jeune homme riche qui voulait savoir ce qu’il devait ‘’faire de bon pour avoir la vie éternelle’’ :’’ va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux.’’ (Mt 19,16.21).

C’est une autre manière de nous rappeler que nous ne devons pas être esclave de l’argent, qui est utile pour pouvoir aider les autres, de l’argent qui est au service des autres quand nous-mêmes nous mettons au service des autres.

Encore deux points d’attention en ce qui concerne l’argent au service des autres.

Le premier venant de l’épisode de la veuve et ses deux piécettes. Jésus dit : ’’ cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu’’ (Mc 12,42-43). La question est de savoir pour chacun où se trouve le niveau à partir duquel on peut parler de ‘superflu’, c’est-à-dire la somme qu’on peut donner sans que cela ne nous coûte vraiment. Et faut-il aller plus loin que le superflu pour que ça nous coûte vraiment ? (D’après Jésus, c’est oui !).

Le deuxième vient de l’évangile que nous entendrons ce mercredi des cendres :’’ Quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle … Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.’’ (Mt 6,2).

Que dire en conclusion ?

Jésus nous demande de nous laisser aller entre les mains de Dieu, de mettre notre confiance en lui :’’Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs,  …  ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?’’

Et si c’était vrai du temps de Jésus, je pense que cela reste vrai pour nous dans ce temps-ci. « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » (Mc 9,24)

Seigneur Jésus,

tu nous demandes de mettre notre argent

au service des autres,

et de ne pas nous soucier du reste,

de mettre notre confiance en toi

car le Père sait ce dont nous avons besoin.

Augmente ma foi en toi.

 

Francis Cousin




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

La loi du talion, l’amour des ennemis, voilà un passage de l’évangile qui a souvent été interprété de façon catastrophique. La loi du talion d’abord, on a dit tout simplement jusqu’à maintenant que le Dieu de l’Ancien Testament était un Dieu de vengeance, il tenait des comptes, il fallait rendre exactement la monnaie de la pièce à tous ceux qui vous avaient fait du mal, mais nous, les chrétiens, avec le Christ, nous n’avons plus à nous venger, à régler nos comptes, ou à faire qu’on renvoie à chacun la monnaie de sa pièce, ou le chien de sa chienne. Donc, on voit là le progrès manifeste de la religion. L’Ancien Testament, c’est la crainte, la vengeance, le calcul, la méchanceté mesurée, et le Nouveau Testament, c’est la béatitude de l’amour qui va tout seul.

L’amour des ennemis : alors là, les bras vous en tombent parce que le nombre de gens qui ont interprété l’amour des ennemis comme le fait qu’il fallait penser comme ses ennemis et finalement renoncer à toutes ses convictions, s’effacer pour que les ennemis vous piétinent et qu’eux aient leur place parce que vous, de toute façon vous n’êtes rien, c’est à se demander si on avait lu le texte. Le texte dit qu’il faut aimer les ennemis, mais il ne dit pas qu’il ne faut pas avoir d’ennemis. Il y a une nuance assez fondamentale qui parfois est difficile à comprendre mais de fait, nous avons des ennemis. C’est indéniable. Moi, personnellement, je considère les terroristes comme des ennemis. Peut-être que j’ai tort, peut-être que vous me trouvez un chrétien étroit avec des œillères, mais c’est un ennemi, ce sont des hommes qui sont, d’une certaine manière, ennemis de l’humanité. Si nous sommes normalement constitués, cela m’étonnerait qu’à un moment ou l’autre il n’y ait pas eu des difficultés avec du voisinage, même des membres de la famille, de temps en temps, on a des ennemis. Jésus ne dit pas que sous prétexte qu’il faut aimer ses ennemis, il ne faudrait pas en avoir.

Cela étant réglé, le problème de l’interprétation de l’évangile reste entier, parce que dépasser la loi du talion au point de dire à quelqu’un : « Ecoute, tu me gifles sur la joue droite, et moi je t’offre la joue gauche, tu me demandes de faire un mille avec toi j’en ferai deux ». (On peut croire que c’est simplement une petite performance sportive, mais ce n’est pas du tout cela. Faire un mille avec quelqu’un, dans la situation de l’époque, c’était que si un soldat romain trouvait que son barda était trop lourd, il pouvait réquisitionner un passant au nom de la corvée et de la supériorité de l’empire romain sur la population locale, et lui dire de porter son barda pendant un mille). Est-ce que Jésus a prévu qu’on avait la résistance pour faire deux mille ?

Que signifie tout cela? Si l’on interprète cela d’une façon psychologique on se noie dans des considérations impossibles. Si Jésus est venu nous annoncer qu’il faut faire des performances sans cesse améliorées dans notre vie morale et spirituelle, c’est fatiguant parce que cette tension psychologique où il faut toujours faire de notre mieux, ne fonctionne pas. C’est pour cela que les gens disent : « Je vais me confesser, je fais des œuvres pieuses, mais je ne m’améliore jamais ». C’est normal, vous ne vous améliorez pas, et je n’ai pas envie de dire aux gens : vous n’êtes pas améliorables, parce que ce ne serait pas gentil, cependant, je crois qu’il faut tous le penser très fort. Nous ne sommes pas vraiment améliorables, on arrive à quelques petits progrès, il y en a qui sont très fiers d’arrêter de fumer, il faut avouer que par rapport au salut éternel c’est peu de chose.

Si on voit uniquement la performance subjective, c’est-à-dire le dépassement de soi, je suis désolé, mais l’évangile devient l’antichambre du nietzschéisme. Je me crée des valeurs et j’essaie de dépasser sans arrêt ces valeurs. Quand je me crée des valeurs de l’évangile, ça va bien, mais si je ne me crée pas les valeurs de l’évangile, je ne deviendrai qu’un performant sportif super champion dans tel domaine qui n’est pas nécessairement tout à fait évangélique. C’est pour cela qu’aujourd’hui, il y a tant de malentendus dans la conception de la vie morale. Comme la morale c’est toujours d’essayer de faire mieux, et que personne n’est d’accord sur ce qui est mieux, effectivement, cela fait une société qui va un peu dans tous les sens. Donc à mon avis, c’est une mauvaise entrée que de vouloir uniquement interpréter tout l’ensemble du sermon sur la montagne, parce qu’au fond, tout tourne autour de cela comme une sorte d’encouragement à améliorer les performances. Non, en matière d’éthique, en matière de morale, nous ne faisons pas partie de l’équipe de France de handball. Personne dans cette matière-là n’est vraiment un héros. Même ceux que l’on considère pour telle ou telle raison subjective comme quelqu’un d’extraordinaire qui a fait des performances, mais si on entrait dans le cœur de la vie de cette personne, on s’apercevrait peut-être qu’il y a une sorte de désespoir fondamental, une blessure qu’on n’arrive pas à guérir, une angoisse qu’on a eue quand on était petit sur les genoux de sa maman. Ce n’est pas un message psychologique. Il y a sans doute des rapports entre l’évangile et la psychanalyse, mais je pense qu’il n’y en a pas sur ce point de vue-là. Du point de vue éthique, l’évangile propose une vision des choses mais qui n’est pas simplement celle de « Engagez-vous, réengagez-vous, améliorez-vous, ré-améliorez-vous ! » Ce n’est pas exactement cela.

Mais alors, de quoi s’agit-il ? Je crois que c’est vraiment dans le grand sens du terme une vraie perspective morale. Et quand je parle de perspective morale, j’emploie un vocabulaire que beaucoup de nos contemporains ne comprennent plus : le bien c’est le bien, et le mal, c’est le mal et il n’y a pas de passage de l’un à l’autre. Il n’y a pas d’acte mauvais qui serait justifié par une fin bonne. Quand on fait du mal, c’est du mal. Quand on fait du bien, c’est du bien. Jésus nous rappelle simplement cette réalité d’abord.

Contrairement à ce qu’on pense, Jésus n’a pas fait appel à ce vague sens moral dont le plus grand vulgarisateur moderne serait Jean-Jacques Rousseau, ce qui n’est pas si sûr, et qui consisterait à dire que nous avons un sentiment du bien. Eh bien, non ! Il n’y a pas de sentiment du bien. Il y a la perception de la vérité du bien. Le bien, c’est bien, le mal, c’est mal.

Comment repère-t-on le bien comme bien et le mal comme mal ? Là encore, les critères ne sont pas exactement ceux que l’on pense. Le vrai critère c’est celui-ci : le mal limite et enferme, et le bien ouvre et diffuse. Et ce n’est pas de l’ordre de l’appréciation subjective. Quand je fais le mal, d’une manière ou d’une autre, j’entre toujours dans une spirale qui me prend et qui me fait tomber de plus en plus dans le défaut que j’ai pris. On finit toujours par tomber du côté où l’on penche et c’est le problème du mal. Ce que Jésus veut dire du mal, et ce que l’humanité antique a beaucoup mieux perçu que l’humanité moderne qui là-dessus est loin de s’être débattue dans le problème, ce que l’humanité antique a perçu, c’est que le mal vous lie. Quand vous regardez dans la Bible ou dans les textes anciens, la présentation du mal, la présentation de Satan, du diable, c’est toujours quelqu’un qui vous lie, qui vous ligote, qui vous prive de votre liberté. Quand on rentre dans une économie du mal, au bout du compte, on se trouve complètement victime et pris dans le chemin sur lequel on s’était engagé. Il n’y a pas d’auto-libération possible. Quand vous êtes ficelé depuis le haut du buste jusqu’au bout des pieds, et que les mains sont prises aussi, il n’y a pas de solution.

C’est la réalité du mal, c’est ce qui vous limite, c’est ce qui fait que votre liberté a posé un acte dans lequel elle s’est reniée comme liberté. Au fur et à mesure qu’elle se renie, vous perdez votre liberté. Evidemment, quand on est dans ce système-là, la seule réaction possible est d’essayer de faire des calculs : oui, je fais cela mais est-ce que je peux me libérer d’un autre côté ? Si j’arrive à sortir le poignet gauche, peut-être que le droit sortira aussi, et on commence à calculer : tu me dois ceci, et tu me dois cela, et on entre ainsi dans une économie de calculs et de mesures qui enferrent un peu plus, ce qui généralement a pour conséquences d’enferrer aussi les autres.

Ce que Jésus veut nous faire percevoir dans le bien, c’est le côté de la surabondance. Il y a une chose que l’on peut toujours percevoir dans l’acte bon, c’est qu’on a été véritablement plus que soi-même, et tout est dans le « plus ». On n’a pas été simplement quelqu’un comme on dit parfois, qui obéit à sa conscience, même si à certains moments il faut passer par un processus de formation de la conscience pour savoir ce que l’on doit faire et trouver la meilleure solution. C’est très utile, mais il faut quand même le pratiquer, ne serait-ce que pour faire du bien intelligemment ce qui est plus agréable que lorsque ce n’est pas fait intelligemment. Donc, il y a une dose de discernement de conscience, d’éducation, et c’est pour cela qu’il faut éduquer la conscience des enfants et des jeunes à la perception de cela. Mais en même temps, il faut savoir qu’au moment même où je pose un acte de bien, non seulement je ne me laisse pas ficeler comme lorsque le mal diminue et étreint ma liberté, mais au contraire je me laisse grandir et ouvrir, et je me laisse devenir plus grand par la force du bien qui part de moi.

Jésus reprend ici un des aspects les plus fondamentaux qui était déjà dans la Loi mais en lui donnant une analyse, un perception plus vive, plus claire pour nous faire comprendre que lorsqu’on pose un acte bon, on devient plus que soi-même. Et ce plus que soi-même, c’est la grâce. A ce moment-là, vous me direz que je suis trop gentil pour les païens qui font du bien, c’est comme s’ils étaient sous la mouvance de la grâce. Il y a pas mal de théologiens qui ont discuté sur ce sujet, et la question est loin d’être tranchée. Ce que je veux dire, c’est que Jésus fait appel à cette réalité fondamentale qui est de dire que lorsque je pose un acte bon, je deviens plus que moi-même. Et là où le mal agissait dans spirale qui me lie et me ligote et m’emprisonne, ici le bien joue dans le sens de la spirale qui me libère et me fait devenir non seulement plus que moi-même mais qui fait devenir les autres plus qu’eux-mêmes.

Il y a là plus que deux poids et deux mesures, puisque ce n’est pas mesurable. C’est incommensurable le bien et le mal. Le mal c’est le mal et le bien c’est le bien, mais dans le bien, il y a un moment où l’on entre dans une autre économie, dans une autre attitude qui est celle qui nous fait devenir plus que nous-mêmes. Ce que Jésus dit tout au long du sermon sur la montagne, c’est que lorsqu’on est devant cette situation de choix, et là précisément la situation de choix, c’est le fait que les auditeurs sont devant le Christ et que le sermon sur la montagne c’est le moment où le Christ leur dit : « Est-ce que vous me suivez, ou est-ce que vous ne me suivez pas ? » A partir de ce moment-là, quand on est dans la situation du choix, d’une certaine manière, pardonnez-moi l’expression, on n’a plus le choix. Ou bien vous dites « non », il ne reste plus qu’à vous confier à la miséricorde de Dieu et à faire dire des messes après votre enterrement, ou bien vous dites « oui » et vous entrez dans cette spirale de ce que le Christ a apporté et qui s’appelle le bien. Il est venu effectivement apporter le bien sur la terre.

Pour conclure, je crois que Jésus ne pouvait pas dire cela s’il n’avait pas été lui-même la mesure du Bien. C’est dans la mesure où Jésus est celui qui peut nous livrer la réalité même du bien plénier, dans la mesure où il se donne comme le Fils de Dieu, le Messie Sauveur, qu’à ce moment-là il peut nous dire que lorsque nous choisissons à sa suite et pour lui, il est le garant de la liberté, de l’épanouissement et de l’enrichissement de notre être que peut apporter la grâce, puisque cette grâce, c’est lui, c’est sa présence, et qu’elle nous est donnée par le fait de le suivre. Amen.




7ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Aimez vos ennemis … »

 

Un passage de l’évangile qu’on a bien du mal à admettre … et à mettre en pratique !

Un passage dans la suite de celui de dimanche dernier : ’’Œil  pour œil’’, non !, et ’’ne ripostez pas au méchant’’

Jésus nous invite à toujours aller plus loin que la loi de Moïse avec le commandement de l’Amour : pas seulement aimer ceux que l’on aime, mais aussi tout ceux qui ne nous aiment pas :’’Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent’’.

Et Notre-Dame de Lourdes, que nous avons fêté la semaine dernière, disait à Bernadette :’’Priez pour les pécheurs !’’, et ce message nous concerne tous : priez pour les pécheurs, tous les pécheurs, nous d’abord, et même ceux qui nous ont fait du tort.

Tout cela nous surprend, car c’est à l’inverse de toute la pensée humaine dominante.

Par définition, un ennemi est quelqu’un qui nous veut du mal, qui cherche à nous nuire. Mais cela ne veut pas dire que nous devons nécessairement devenir son ennemi. Il n’y a pas réciprocité de l’action.

Il est toujours difficile de prier pour quelqu’un qui ne nous aime pas, de pardonner à quelqu’un qui nous a fait une ’’crasse’’. Et pourtant, dans le Notre Père, nous disons bien :’’Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés’’. Est-ce à dire que, si nous ne pardonnons pas, nous ne serons pas pardonnés par Dieu ? Non, car Dieu est miséricorde, mais plutôt :’’Puisque Dieu te pardonne toutes tes offenses, alors toi, tu dois pardonner aussi à ceux qui t’ont offensés’’.

Et là aussi, Jésus nous a donné l’exemple, surtout pendant sa Passion. Quand il a été arrêté, il n’a pas voulu que les apôtres utilisent les épées ; plus même, il a recollé l’oreille arrachée d’un garde. Quand Pierre l’a renié, il ne s’est pas fâché contre lui, mais d’un regard il lui a fait comprendre son erreur. Quand il a été accusé faussement, il n’a pas répondu, il s’est tu. Quand on a craché sur lui, qu’on l’a giflé, qu’on l’a flagellé, qu’on s’est moqué de lui, il n’a pas réagi, il s’est tu. Et quand on l’a cloué à la croix, il s’est seulement tourné vers sont Père pour lui dire :’’Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font’’ (Lc 23,34).

On peut se dire :’’Oh, bien sûr, lui, il était le Fils de Dieu, Dieu lui-même, alors pour lui, c’est normal …’’. Sans doute, mais il était homme aussi, et terriblement homme pendant sa Passion.

Alors pour nous : impossible ?

Par nous seulement, sûrement ; mais avec l’aide de Dieu, avec la prière, c’est possible. Et il y a des exemples : une femme qui pardonne à son violeur, un couple qui pardonne au meurtrier de sa fille, une mère qui accueille chez elle son fils vagabond, un couple où l’amour est plus fort que l’alcoolisme …

Tous les jours, nous disons Notre Père. C’est dire que nous voulons être ses fils. Alors,  c’est une obligation d’aimer ses ennemis et de prier pour eux, ’’afin d’être vraiment les fils de [notre] Père qui est aux cieux’’.

Seigneur Jésus,

tu veux que nous mettions

l’amour au-dessous de tout,

que nous aimions même nos ennemis

et que  nous prions pour eux.

C’est vraiment difficile,

mais avec ton exemple et ton aide,

je vais essayer de le faire.

 

Francis Cousin

 




7ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 

« Aimez-vous les uns les autres

comme je vous ai aimés » (Mt 5,38-48)…

En ce temps- là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Œil pour œil, et dent pour dent’.
Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau.
Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui.
À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos ! »
Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.’
Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,
afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

 

           

                     « Écoutez ma parole », disait Lamek ; « j’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. Lamek est vengé soixante dix fois sept fois » (Gn 4,24) ! Pour un mal commis, aussi futile soit-il, la vengeance des hommes peut donc se montrer terrible et disproportionnée… La Loi du Talion visait à la contenir : « Œil pour œil, dent pour dent » (Dt 19,21). C’était un progrès.

            Mais le Christ invite à aller bien plus loin… Non seulement ses disciples ne doivent jamais répondre au mal par le mal, au coup reçu par un coup donné, mais ils doivent encore se tenir prêts à en recevoir d’autres en s’interdisant toujours de répondre à la violence par la violence… « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5,39). Mais cela ne veut pas dire pour autant  « subir sans réagir ». L’injustice doit être dénoncée avec force. Et le Christ donnera l’exemple au moment de sa Passion, lorsque les soldats le gifleront : « Un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : « C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre ! » Jésus lui répliqua : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,22-23).

            Vis-à-vis des biens de ce monde, il invite également à un détachement complet… « Si quelqu’un te prend ta tunique, laisse-lui encore ton manteau » (Lc 6,29). Il en est sûr, « votre Père sait bien ce qu’il vous faut avant que vous le lui demandiez » (Mt 6,8). Alors, « si vous cherchez » avant tout « son Royaume » d’Amour et de Paix, tout le reste, tunique et manteau, « vous sera donné par surcroît » (Lc 12,22-31)…

            « Aimez vos ennemis »… Et c’est bien ce que Jésus fait lorsqu’il appelle les scribes et les Pharisiens « ses amis et ses voisins » alors qu’ils murmurent et chercheront plus tard à le tuer  (Lc 15,1-7). « Priez pour ceux qui vous persécutent »… « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », dira-t-il sur la croix à l’intention de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à sa mort (Ac 3,26)… Et plus tard, Pierre leur dira : « C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et il l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Lc 23,34). « La pluie » de la bénédiction tombe ainsi sur « les justes et sur les injustes »… Accueillie par celles et ceux qui sont de bonne volonté, cherchant la justice et la paix, elle fera leur bonheur. Pour les autres, c’est par elle que Dieu frappe avec douceur à la porte des cœurs fermés (Ap 3,20). Car « il veut que tous les hommes soient sauvés », et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait », inlassablement, en se donnant à tous pour leur seul bien (1Tm 2,3-6 ; Ps 135,6)… 

                                                                                                                                              DJF




6ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

« Je ne suis pas venu abolir [la loi], mais l’accomplir. »

 

Opposer la loi de Moïse et ce que dit Jésus a été dès le départ un sujet de discussion entre les scribes et les pharisiens et Jésus et ses disciples. C’est pourquoi Matthieu insère ce long passage dans son ’’sermon sur la montagne’’. La loi de Moïse, c’est-à-dire les dix commandements, avait été étoffée au fur et à mesure, sans doute par difficultés d’interprétation, de beaucoup de préceptes qui l’avaient dénaturée, notamment concernant le sabbat. La ’’loi’’ de Jésus reprend l’ancienne, et il ajoute : ’’Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres’’ (Jn 13,34).

C’est-à-dire que Jésus va plus long que l’ancienne loi, il lui donne de nouvelles exigences : faire toute chose par amour des autres et de Dieu, alors que pour l’ancienne, il fallait respecter scrupuleusement ce qui avait été écrit par les hommes. C’est toute la différence entre ce qui est ‘juste’ aux yeux des hommes et ce qui est ‘juste’ aux yeux de Dieu : ce qui compte, ce n’est pas l’action en elle-même, mais le désir dans son cœur qui précède (ou non) l’action ; si l’action mauvaise n’est pas faite, on est ‘juste’ aux yeux des hommes, mais si auparavant on avait pensé à faire cette action, on n’est pas ‘juste’ aux yeux de Dieu :’’ c’est du cœur que proviennent les pensées mauvaises : meurtres, adultères, inconduite, vols, faux témoignages, diffamations. C’est cela qui rend l’homme impur’’ (Mt 15,19-20), et donc pécheur, en pensée, et parfois en action.

La première lecture nous dit la même chose :’’ Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle … La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix … Il (le Seigneur) n’a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne la permission de pécher’’. Dieu nous laisse toujours libre. A nous de faire le bon choix, en pensée et en action.

On voit encore une fois toute la différence qu’il y a entre la pensée du monde et la pensée de Dieu, entre la sagesse du monde et la sagesse du mystère de Dieu :’’C’est bien de sagesse que nous parlons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde…’’ (2° lecture).

On voit alors que la conception de la loi par Jésus est beaucoup plus pointue que ne le pensaient les scribes et les pharisiens, et plus délicate à mettre en œuvre, contrairement à ce que ceux-ci pensaient. Et Jésus donne quelques exemples, dont :’’ Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, … Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement’’. Jésus nous demande plus que ce que dit la loi, il nous demande de garder toujours le contrôle de nous-même pour éviter d’aller jusqu’à l’extrême, le meurtre. Parce que la colère est déjà une rupture de l’amour des autres. Même une colère qui ne s’extériorise pas, qui reste en nous !

Cette loi d’amour va beaucoup plus loin qu’une loi ‘permis-défendu’ ou d’une loi ‘pas-vu, pas-pris’, car c’est chacun en soi-même qui se rend compte de ses fautes sans qu’il soit nécessairement besoin de l’intervention d’un tiers.

‘’Tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle’’.

Seigneur Jésus,

tu accomplis la loi de Moïse

en y ajoutant l’amour,

 et toute rupture d’amour,

en pensée, en parole, par action et par omission,

est un péché, envers les autres et envers toi.

Sans toi, je ne suis rien !

 

Francis Cousin

 

 




5ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 Lumière du monde et sel de la terre

« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde, vous êtes une ville située sur une montagne ».

Le texte de l’évangile de ce dimanche fait partie de ce discours programme du « sermon sur la montagne » dans lequel Jésus, au début de son ministère public, s’adresse aux foules et leur dit ce qu’est exactement l’existence nouvelle de quiconque veut vivre avec Lui, en Lui et par Lui. Ce sont donc les bases et les points de repère fondamentaux de notre existence chrétienne qui nous sont ainsi donnés. Le texte que nous venons d’entendre fait suite immédiatement aux Béatitudes qui nous indiquent le but à atteindre : « Bienheureux », l’homme est fait pour vivre « au bonheur de Dieu ». Mais le fait d’être ainsi orienté, dynamisé par la grâce de Dieu vers le bonheur de Dieu implique un certain mode de vie, une certaine manière d’être disciple du Christ. Et c’est pourquoi les trois paraboles qui s’enchaînent immédiatement : celles sur le sel, la lumière et la ville située sur une montagne, nous donnent les critères de notre existence de chrétiens. Et j’aimerais simplement aujourd’hui, avec vous, réfléchir sur ce qu’elles nous invitent à être. Ce que je vais vous dire n’est pas très original, mais il est bon, à un moment ou l’autre, de faire le point et de nous rappeler comment se traduisent dans notre vie les exigences de Dieu sur nous.

Le premier point de repère nous est fourni par l’image du sel. « Vous êtes le sel de la terre », et je dirai que le sel c’est le problème du paradoxe de l’existence chrétienne. Le sel dans un plat représente une quantité infime, généralement il ne faut pas en mettre trop sous peine de dénaturer la saveur de ce qu’on va manger. Mais il est absolument indispensable en petite quantité. Ainsi, les chrétiens sont-ils le sel de la terre, le sel de l’humanité, car l’existence chrétienne est toujours un paradoxe. Elle est peu de chose au départ. Le Christ vient de dire : « Bienheureux ceux qui pleurent », mais qu’est-ce que ceux qui pleurent dans le monde ? Ils n’ont aucun pouvoir dans le monde ? « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice », mais à quoi sert la faim et la soif de la justice dans le monde ? Est-ce qu’elles ont du poids auprès des puissants de ce monde ? « Bienheureux les pauvres ». Est-ce que la pauvreté comme telle a du poids dans le monde, comparée à notre désir de richesse ? Tout cela apparemment n’est rien, rien de plus que la toute petite pincée de sel jetée dans le plat que l’on veut assaisonner. Pourtant elle est absolument indispensable. L’existence chrétienne, dans sa pauvreté même, dans sa détresse et dans son désarroi, reste cependant le sel de la terre. Et nous sommes, à travers toutes les expériences de souffrance, de mal, de soif et de faim de justice que nous éprouvons à un moment ou l’autre de notre vie, nous sommes vraiment le sel de la terre au sens où si peu que nous soyons, si peu que nous représentions par rapport au désir de soi-même que ce monde peut porter en lui, nous sommes pourtant là et nous existons dans ce monde de façon paradoxale et décisive, non pas par nous-mêmes, mais parce que Dieu nous fait sel de la terre.

Il y a même davantage. Ce sel de la terre peut se dénaturer. Ceci fait allusion au paradoxe de notre liberté. Le Christ seul peut donner à ce monde, par nous, la saveur de Dieu. Mais notre liberté est fragile. Et comme le sel peut perdre sa saveur, ainsi nous-mêmes pouvons faire perdre au monde sa saveur. Nous ne sommes rien, et pourtant s’il n’y a pas de sel dans le plat, la nourriture n’est pas mangeable. Et le paradoxe de l’existence chrétienne, le voici tout en n’étant pratiquement rien humainement, c’est pourtant notre existence et notre liberté chrétiennes qui donnent au monde sa profondeur, sa vérité et son mouvement vers Dieu. Elles sont ce « sel » qui à travers l’exercice de notre liberté pour Dieu constitue le signe du salut.

La deuxième marque de notre existence chrétienne est signifiée par la parabole de la ville placée sur une montagne. La foi chrétienne, la vie chrétienne ont une existence publique. Cela, nous l’oublions peut-être aujourd’hui. Nous n’avons pas à rougir de notre foi, non pas que nous ayons à l’imposer aux autres de force, comme certaines générations de chrétiens ont cru bon de le faire, mais nous n’avons pas à rougir de notre foi. Nous n’existons pas simplement, individuellement, comme chrétiens, ainsi que spontanément nous le pensons aujourd’hui. Nous imaginons que la vie chrétienne est une « affaire de conscience », non : nous existons publiquement. L’Église a une existence publique, elle est un peuple, elle est un peuple de Dieu. Et cela échappe à notre sens chrétien contemporain, nous avons tellement réduit notre appartenance au Christ à une affaire purement individuelle et purement personnelle que nous en avons oublié la vérité et la réalité publiques : l’Église est quelque chose qui existe sur la place publique.

Elle n’est pas faite pour être cachée, elle est faite pour être là, pour être vue, elle est signe de l’amour de Dieu pour le monde, ce signe ne s’accomplit pas simplement à l’intérieur de nous-mêmes, mais parce que l’homme est un « animal politique », on n’avait pas attendu la révélation chrétienne pour le savoir ! Et quand la révélation vient sauver l’homme tout entier, elle vient aussi faire du chrétien un animal politique, mais d’une autre manière : il s’agit de la politique du Royaume de Dieu. L’Église comme telle n’existe pas en vertu d’un pouvoir temporel, qui, par exemple, ferait pression sur les instances publiques des pouvoirs de ce monde, mais elle existe cependant parce qu’elle est un peuple, une communion et une assemblée.

Le troisième trait est évoqué par la parabole de la lumière. La lumière, elle est ce qui enveloppe et irradie, mais elle est aussi ce qui fait voir. Et que fait-elle voir ? Elle fait voir Dieu. La lumière que nous sommes pour le monde n’est en réalité rien d’autre que la lumière de Dieu donnée par la grâce du baptême qui s’appelle d’ailleurs pour cette raison précisément l’illumination. Nous devons mener une existence de lumière : la lumière n’est pas contemplée pour elle-même, mais elle fait voir. Et c’est la raison pour laquelle le Christ enchaîne aussitôt : « Ainsi les hommes voyant vos bonnes œuvres en rendront grâce à Dieu le Père ». Le chrétien ne se pose pas lui-même comme lumière, il est lumière par grâce, et tous les actes qu’il pose renvoient au-delà de lui-même, ils renvoient à l’amour du Père. Le chrétien est lumière non pas parce qu’il essaie de se saisir lui-même et de se bâtir un statut de perfection, un idéal qu’il voudrait se sculpter pour sa propre satisfaction et dans l’admiration de tous, non, il est lumière au sens où il fait voir autre chose que lui-même, car dans son comportement dans l’amour et dans la charité qu’il peut manifester pour ses frères, il ne renvoie pas à lui-même, à sa vertu ou à des qualités supérieures, il renvoie au Père. Et l’un des aspects de la foi et de l’existence chrétienne que le Christ nous demande de mener est celui de la transparence, au sens où la lumière ne coupe pas le mouvement du regard, mais au contraire le guide, et le porte plus loin que là où, par ses propres forces, il pourrait aller. Nous sommes le support du regard de nos frères pour qu’ils voient Dieu. C’est là ce que Dieu veut nous donner par grâce, c’est là ce que le Christ attend de ses témoins au cœur de ce monde. Rien à voir avec de l’exhibitionnisme, avec le fait de se montrer, mais il faut beaucoup d’humilité et une très grande sagesse pour nous laisser saisir par Dieu afin que nous soyons nous-mêmes le guide du regard de nos frères vers le mystère même de leur existence et de la nôtre vers cette source de lumière qui est Dieu.

Cela implique en dernière instance que cette lumière et ce sel aient une saveur de sagesse. Le sel est ce qui donne du goût, la lumière est ce qui illumine et fait comprendre, permettant à l’intelligence de s’ouvrir à la présence de ce qui est. Vous le savez, dans des pays ensoleillés, la grande différence avec les cultures du nord est très sensible : dans les pays ensoleillés, on aime comprendre dans la lumière alors que dans les cultures nordiques, on croit comprendre quand c’est obscur. Puisque nous sommes d’un pays de soleil, nous devons en profiter pour essayer de comprendre toute la vérité de l’évangile dans sa lumière, ne pas nous noyer dans l’obscurité, qu’il s’agisse des ténèbres de soi-même ou des ténèbres de ce monde, mais au contraire que notre foi rayonne cette simplicité de sagesse et d’intelligence dont le monde a tellement besoin aujourd’hui. Or sans entrer dans les détails, j’ai parfois l’impression qu’aujourd’hui une certaine attitude chrétienne, un peu frileuse et peureuse se retranche derrière des jugements et des positions obscurs, inexplicables et inexpliqués dans lesquels on imagine que moins on comprend, mieux c’est. Il faut le dire cela n’est pas la foi, mais de l’obscurantisme et si certains philosophes, au dix-huitième siècle, se sont déchaînés contre cet obscurantisme, ils n’avaient peut-être pas, dans certains cas, tous les torts. Il faut que notre foi ait quelque chose de lumineux, de simple, je ne dis pas simpliste, ce qui la ferait tomber dans un rationalisme de bas étage, il faut que notre foi ait quelque chose de clair, de limpide, qui parle au cœur, à l’intelligence et au désir de nos frères. Nous en avons le devoir, c’est de cette façon que nous pouvons être les témoins de cette intelligence et de cette sagesse de Dieu.

Qu’en relisant ces paraboles du sel, de la lumière et de la ville située sur la montagne, nous puissions voir renaître en nous ce désir d’être toujours mieux dans notre existence des témoins du Christ afin qu’au milieu de ce monde, nous soyons en vérité les serviteurs, les témoins lumineux, sages et simples de la présence et de l’amour sauveur du Christ pour tous les hommes. Amen.




5ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 « Vous êtes le sel de la terre,

… la lumière du monde. »

 

 Vous êtes le sel de la terre. Cette parole de Jésus s’adresse à nous directement, et elle a une implication immédiate : elle n’a de sens que si le sel est mélangé avec les aliments. Ce qui veut dire que nous ne pouvons être sel de la terre que si nous nous mélangeons avec les autres, que si nous vivons avec eux, que nous partageons leur travail, leurs soucis, leur vie, que si nous discutons avec eux, que si nous faisons entendre notre voix de chrétiens dans la vie du monde, la voix de l’évangile …

Sans doute, individuellement, certains le font. Mais si on regarde à une plus grande échelle, on est loin du compte : Combien de nos paroisses ont une vie collective uniquement tournée sur elle-même, et n’ont aucun rapport (ou presque) avec le monde qui l’entoure : le quartier, la commune … Et quand il y a quelques relations, c’est plutôt pour demander une aide plutôt que pour proposer une aide dans tel ou tel domaine, pour se mettre au service de la population locale.

Quel goût alors nos paroisses peuvent-elles donner à leur quartier ? Une Église, l’ensemble des paroissiens, qui ne vit que tournée sur elle-même, qui ne va pas ’’vers les périphéries’’ chères à notre pape François, est hors-jeu.

Il y a une autre manière de dénaturer le sel, de manière plus individuelle : c’est de ne pas croire suffisamment à la force de la Parole de Dieu et de se laisser influencer par des ’philosophies’ où l’homme est premier et sans avoir besoin de Dieu, ou par un discours laïciste qui veut que la religion reste du domaine privé et que les chrétiens n’ont rien à dire sur la vie politique, économique, sur les lois etc, alors on ne dit plus rien, on a peur de donner le goût de l’Évangile à notre entourage.

On comprend alors pourquoi, aussitôt après avoir dit cela, Jésus prévient : ’’Mais si le sel devient fade, …il ne vaut plus rien : on le jette dehors pour être piétiné’’.

Dehors … de quoi ? Du royaume éternel ? Si c’est le cas, il y a du souci à se faire pour beaucoup.

Mais peut-on ’’rendre de la saveur’’ au sel ? Pour le sel culinaire, impossible.

Par contre pour le sel chrétien, oui, on peut, et heureusement !

Comment ? Se retourner vers Dieu, dans la prière, personnelle et collective, dans la participation aux sacrements, et principalement l’eucharistie, dans la lecture de la Parole de Dieu, dans son approfondissement, dans sa méditation, en la ruminant de telle manière qu’elle puisse devenir nôtre et qu’elle nous fasse agir pour être ses témoins.

Et la première lecture de ce dimanche nous donne quelques exemples : ’’Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abris, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable’’. On retrouve là une partie des œuvres de miséricorde que maintenant nous connaissons bien. Et qui sont en quelque sorte un minimum pour entrer dans le Royaume des Cieux (voir Mt 25, 31-46).

Et Isaïe nous dit : ’’Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite …Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi’’.

En redonnant du goût à notre sel (et nous avons tous besoin de le faire), c’est la lumière qui sort de nos ténèbres, et pas n’importe laquelle, celle de midi, là où la lumière est la plus forte, celle qui ’’brille pour tous ceux qui sont dans la maison,… qui brille devant les hommes’’.

Seigneur Jésus,

je veux bien être ton sel

qui donne de la saveur

à notre monde bien souvent insipide,

mais il faut que tu m’aides,

et que tu secoues la salière.

 

Francis Cousin

 

 

 




5ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 

« Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde » (Mt 5,13-16)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.
Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

 

            « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel se dénature, comment redeviendra-t-il du sel ? Il n’est plus bon à rien : on le jette dehors et les gens le piétinent ».

            Dans l’Evangile selon St Jean, Jésus parle à ses disciples d’une manière semblable, mais avec une autre image, celle de la vigne et des sarments : « Je Suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu’on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent » (Jn 15,5-6). La vigne est la source de la sève pour les sarments. Et ce n’est que grâce à cette sève reçue de la vigne que les sarments peuvent rester verts et porter du fruit… Or Jésus s’est déjà présenté comme une source : « « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : Des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint, l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui » (Jn 7,37-39).

            Cette sève de la vigne est donc « l’Esprit Saint », Plénitude de Lumière et de Vie que le Fils reçoit éternellement du Père et qui l’engendre en Fils. Si le sarment reçoit lui aussi, par sa foi en Jésus, ce Don de l’Esprit, alors et alors seulement, il pourra porter du fruit : « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi » (Ga 5,22).

            Le sel de notre Evangile renvoie donc lui aussi à « l’Esprit Saint », ce Don de Dieu que le Fils est venu nous offrir au Nom du Père pour que notre vocation à tous puisse s’accomplir : « devenir des fils à l’Image du Fils » (Rm 8,29 ; Jn 1,12 ; 1Jn 3,1-2) en nous laissant engendrer à notre tour à la Plénitude des fils par ce Don de l’Esprit (Rm 8,14-17)…

            « Dieu est Esprit » (Jn 4,14), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5)… Recevoir le sel de l’Esprit Saint, c’est donc aussi recevoir la Lumière de l’Esprit. « Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière. Or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité » (Ep 5,8‑9). « Que votre Lumière brille donc devant les hommes : alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux », ce « Père des Lumières » (Jc 1,17) qui donne aux pécheurs repentants de pouvoir devenir des « fils de la Lumière » (Jn 12,36). Dans ce monde si souvent dénaturé, ils pourront alors y semer le sel de la tendresse et de la miséricorde, et contribuer ainsi à lui redonner un goût d’humanité… DJF




4ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Heureux les pauvres de cœur … »

Les béatitudes, tout le monde connaît ou presque ; Mais pour beaucoup, le discours de Jésus passe comme une utopie, quelque chose qu’on ne peut pas atteindre. Et puis, dans la mentalité du monde d’aujourd’hui, cela sonne comme quelque chose de fou : « Heureux … » ! Ce n’est pas comme cela qu’on obtient le bonheur ! Pour avoir le bonheur, il faut de l’argent, pour avoir du confort, ceci, ou encore cela …

Parce qu’on confond le bonheur avec les plaisirs !

Les trois lectures vont dans le même sens : la rencontre de Dieu à travers notre petitesse. Dieu nous attend tels que nous sommes. Mais il nous faut faire un pas vers lui.

Cherchez ! nous dit Sophonie : « Cherchez le Seigneur,… Cherchez la justice (celle de Dieu, être reconnu comme juste devant Dieu, et pour cela il faut pratiquer la justice des hommes),… cherchez l’humilité ».

Et le plus important, c’est le dernier terme : l’humilité. « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé » (Mt 23,11). Avec l’humilité, on peut être reconnu comme juste devant Dieu, et ainsi rencontrer le Seigneur.

C’est l’attitude devant Dieu qui importe. Saint Paul nous le dit bien dans la 2° lecture : « Parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni des gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, (…) ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi… ».

Dieu préfère les petits, Dieu préfère les faibles, ceux qui ne s’enorgueillissent pas devant lui. Comme il le dit à saint Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Co 12,9). Laisser Dieu faire à travers nous …

Finalement, tout cela revient à dire : « Heureux les pauvres de cœur … », ceux qui gardent une foi humble dans le Seigneur quelques soient les épreuves, qui mettent leur espoir en lui, qui restent toujours assurés de la fidélité de Dieu, « car le Royaume des cieux est à eux. ».

Saint Matthieu nous donne une liste de huit béatitudes qui s’adressent à tous, plus une neuvième pour certains. Si on prend les huit premières, on se rend compte que Jésus détaille différents aspects de vie, mais qu’elles sont toutes contenues dans la première : si on a un cœur de pauvre, devant Dieu et devant les hommes, on peut pleurer, on est doux, on a faim de justice, on est miséricordieux, on a un cœur pur, on est artisan de paix, et on peut aussi être persécuté pour la justice…

Avoir un cœur de pauvre est un préalable à toutes les autres situations. Et pour bien montrer cette unité, la première et la huitième béatitude ont la même conclusion : « car le Royaume des cieux est à eux. », avec le verbe au présent, alors qu’il est au futur pour les six autres.

Être pauvre de cœur, être faible, être humble, … voila ce qui nous conduit à Dieu, et qui permet à Dieu d’œuvrer à travers nous.

C’est sans doute différent de la mentalité du monde, mais c’est le plus sûr chemin pour aller vers Dieu. Retenons ce conseil : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser pour trouver grâce devant le Seigneur, car grande est la puissance du Seigneur, mais il est honoré par les humbles. » (Si 3,18-20).

Nombre de saints ont suivi ces préceptes : François d’Assise bien sûr, mais aussi Charles de Foucauld, ou encore Thérèse de l’Enfant Jésus : « Rester petit, c’est reconnaître son néant, attendre tout du Bon Dieu, ne pas trop s’affliger de ses fautes, ne point gagner de fortune, ne s’inquiéter de rien,… vouloir ne pas se suffire à soi-même,… se sentir incapable de gagner sa vie, la Vie éternelle… »

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier

ni le regard ambitieux ;

je ne poursuis ni grands desseins,

ni merveilles qui me dépassent.

Non, mais je tiens mon âme en paix et silence ;

mon âme est en moi comme un enfant,

comme un petit enfant contre sa mère.

Mets ton espoir dans le Seigneur, Israël,

 maintenant et à jamais.

Psaume 131                                     

 

Francis Cousin




3ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Convertissez-vous,

car le royaume des cieux est tout proche. »

C’est Jésus qui dit cela, et c’est la reprise de ce qui disait Jean-Baptiste (Mt 3,2). Et il le dit au moment où Jean-Baptiste est ‘livré’, arrêté. Cela fait penser à la phrase de Jean-Baptiste :’’Il faut qu’il grandisse, et que moi, je diminue’’ (Jn 3,30).

On a comme un passage de témoin. On est juste après le baptême de Jésus et son séjour au désert, dans l’évangile de Matthieu.

Jean-Baptiste est arrêté, Jésus s’établit à Capharnaüm, en Galilée, la Galilée des nations que le Seigneur a couvert de gloire (cf 1° lecture), montrant ainsi dès le début de sa mission l’intérêt qu’il prend pour tous, et pas simplement pour celui des juifs. Si cela avait été le cas, il aurait commencé sa mission en Judée, à Jérusalem, la ville du Temple de Dieu. Et il aurait fait un grand coup d’éclat, ameutant tous les juifs à se révolter contre l’envahisseur Romain, tel que les juifs attendaient le Messie.

Et non ! Au lieu d’un coup d’éclat communautaire, il reprend la formule de Jean-Baptiste :’’Convertissez-vous !’’. Une injonction personnelle, une invitation à la réflexion et à la remise en cause de chacun :’’Revenez vers Dieu, apprenez qui est Dieu, non pas celui qu’on vous a appris faussement, mais le vrai Dieu, que vous connaissez, mais que vous avez oublié : un Dieu plein d’amour et de miséricorde, qui vous aime, qui grave votre nom dans la paume de ses mains parce que vous êtes importants pour lui (cf Is 49,16), qui prend soin de chacun de nous comme la prunelle de ses yeux (Cf Ps 17,8)’’.

Jésus n’a rien d’un va-t-en-guerre, il commence sa mission selon sa nature, humblement, sans faire de grands discours, mais en allant vers les gens, surtout les pauvres, les petits, ceux qui ne sont pas très estimés …

C’est ainsi qu’au cours d’une promenade, il rencontre des pécheurs, Pierre et André. Il ne fait pas de grand discours. Il les regarde, dans les yeux, et ce regard est tel que les deux pécheurs ne quittent plus ce regard : ils n’avaient pas l’habitude d’être regardés ainsi, avec humilité et amour, eux, deux pauvres gens qu’on voit sans les regarder …

Alors, quand Jésus dit :’’Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes’’, ils disent oui aussitôt, en réponse à ce regard qui les a pris au cœur, un regard vrai qu’ils veulent encore voir.

Et il en fut de même pour Jacques et Jean.

Tout tient dans le regard de Jésus.

La grande aventure de l’Église a commencé par un regard ! Mais quel regard !

Alors on peut se poser la question : Quel est le regard que j’ai vis-à-vis de mes semblables ?

Est-ce le regard de Jésus ?

Un regard qui regarde … ou simplement qui voit ?

Un regard sûr de soi (mais sans être obséquieux) … ou un regard craintif ?

Un regard humble, à l’image de Jésus, … ou un regard apeuré ?

Un regard qui montre de l’intérêt pour la personne elle-même … ou parce qu’elle peut m’être utile ?

Un regard aimant, avec toutes les nuances positives ou négatives qui peuvent être associées à ce type de regard … ?

Un regard qui parle au cœur … ou qui n’a rien à faire des gens ?

Cela dépend des circonstances, ainsi que des personnes rencontrées, mais la question est de savoir si l’image de mon regard pour les autres peut me permettre de rallier les gens autour de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

C’est vrai tout le temps. Et c’est encore plus vrai cette semaine qui est celle de l’unité des Chrétiens.

Et n’oublions pas que ’’se convertir’’, c’est ’’changer son regard’’.

C’est ce que nous demande le Christ.

Seigneur Jésus,

Tu m’appelles à te suivre.

Je ne te vois pas,

mais je sens ton regard

qui me scrute et me connaît.

Saurai-je soutenir ton regard,

accueillir tout ce qu’il y a de bon en lui

pour marcher à ta suite ?

 

Francis Cousin