3ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN
« Convertissez-vous,
car le royaume des cieux est tout proche. »
C’est Jésus qui dit cela, et c’est la reprise de ce qui disait Jean-Baptiste (Mt 3,2). Et il le dit au moment où Jean-Baptiste est ‘livré’, arrêté. Cela fait penser à la phrase de Jean-Baptiste :’’Il faut qu’il grandisse, et que moi, je diminue’’ (Jn 3,30).
On a comme un passage de témoin. On est juste après le baptême de Jésus et son séjour au désert, dans l’évangile de Matthieu.
Jean-Baptiste est arrêté, Jésus s’établit à Capharnaüm, en Galilée, la Galilée des nations que le Seigneur a couvert de gloire (cf 1° lecture), montrant ainsi dès le début de sa mission l’intérêt qu’il prend pour tous, et pas simplement pour celui des juifs. Si cela avait été le cas, il aurait commencé sa mission en Judée, à Jérusalem, la ville du Temple de Dieu. Et il aurait fait un grand coup d’éclat, ameutant tous les juifs à se révolter contre l’envahisseur Romain, tel que les juifs attendaient le Messie.
Et non ! Au lieu d’un coup d’éclat communautaire, il reprend la formule de Jean-Baptiste :’’Convertissez-vous !’’. Une injonction personnelle, une invitation à la réflexion et à la remise en cause de chacun :’’Revenez vers Dieu, apprenez qui est Dieu, non pas celui qu’on vous a appris faussement, mais le vrai Dieu, que vous connaissez, mais que vous avez oublié : un Dieu plein d’amour et de miséricorde, qui vous aime, qui grave votre nom dans la paume de ses mains parce que vous êtes importants pour lui (cf Is 49,16), qui prend soin de chacun de nous comme la prunelle de ses yeux (Cf Ps 17,8)’’.
Jésus n’a rien d’un va-t-en-guerre, il commence sa mission selon sa nature, humblement, sans faire de grands discours, mais en allant vers les gens, surtout les pauvres, les petits, ceux qui ne sont pas très estimés …
C’est ainsi qu’au cours d’une promenade, il rencontre des pécheurs, Pierre et André. Il ne fait pas de grand discours. Il les regarde, dans les yeux, et ce regard est tel que les deux pécheurs ne quittent plus ce regard : ils n’avaient pas l’habitude d’être regardés ainsi, avec humilité et amour, eux, deux pauvres gens qu’on voit sans les regarder …
Alors, quand Jésus dit :’’Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes’’, ils disent oui aussitôt, en réponse à ce regard qui les a pris au cœur, un regard vrai qu’ils veulent encore voir.
Et il en fut de même pour Jacques et Jean.
Tout tient dans le regard de Jésus.
La grande aventure de l’Église a commencé par un regard ! Mais quel regard !
Alors on peut se poser la question : Quel est le regard que j’ai vis-à-vis de mes semblables ?
Est-ce le regard de Jésus ?
Un regard qui regarde … ou simplement qui voit ?
Un regard sûr de soi (mais sans être obséquieux) … ou un regard craintif ?
Un regard humble, à l’image de Jésus, … ou un regard apeuré ?
Un regard qui montre de l’intérêt pour la personne elle-même … ou parce qu’elle peut m’être utile ?
Un regard aimant, avec toutes les nuances positives ou négatives qui peuvent être associées à ce type de regard … ?
Un regard qui parle au cœur … ou qui n’a rien à faire des gens ?
Cela dépend des circonstances, ainsi que des personnes rencontrées, mais la question est de savoir si l’image de mon regard pour les autres peut me permettre de rallier les gens autour de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.
C’est vrai tout le temps. Et c’est encore plus vrai cette semaine qui est celle de l’unité des Chrétiens.
Et n’oublions pas que ’’se convertir’’, c’est ’’changer son regard’’.
C’est ce que nous demande le Christ.
Seigneur Jésus,
Tu m’appelles à te suivre.
Je ne te vois pas,
mais je sens ton regard
qui me scrute et me connaît.
Saurai-je soutenir ton regard,
accueillir tout ce qu’il y a de bon en lui
pour marcher à ta suite ?
Francis Cousin
3ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER
Jésus, Lumière et Vie
(Mt 4,12-23)…
Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée.
Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe :
‘Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations !
Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée.’
À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »
Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.
Jean-Baptiste quitte la scène comme tant de prophètes avant lui : persécuté, emprisonné, exécuté… Jésus prend le relais… Le moment est venu pour lui de manifester le désir de Dieu qui « veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Alors, même si la Bonne Nouvelle devait être d’abord annoncée à Israël (Mt 15,24 ; 10,6), le Peuple de l’Alliance et des Promesses (Ep 2,12), Jésus va s’installer non pas à Jérusalem, la capitale, mais à Capharnaüm (en hébreu : ‘Village de Nahum’, ‘Nahum’ signifiant ‘Dieu console’), une petite ville frontière au nord de la Galilée juive, entourée de provinces païennes : la Syro-Phénicie, la Trachonitide et la Décapole. Nous sommes vraiment ici à « un carrefour », avec d’un côté les régions Juives de « Zabulon et de Nephtali », et de l’autre « la route de la mer et le pays d’au-delà du Jourdain », le pays des païens… Ce « peuple » qu’évoque St Matthieu juste après est donc l’humanité tout entière constituée des Juifs et des païens. Et tous « habitent dans les ténèbres », ce qui signifie, Dieu étant Lumière (1Jn 1,5), que les hommes lui ont fermé la porte de leur cœur et de leur vie. Ils vivent sans Lui… Or, la Lumière de Dieu est tout à la fois Esprit (Jn 4,24) et Vie (Jn 1,4 ; 8,12). Être privé de cette Lumière, c’est vivre en étant privé d’une Plénitude de Vie spirituelle : c’est être spirituellement mort… « Habiter dans les ténèbres », c’est donc « habiter le pays de l’ombre et de la mort »…
Le ministère public de Jésus commence donc par une allusion à ce péché qui touche tout homme. « Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu… Et le salaire du péché, c’est la mort ; mais le Don gratuit de Dieu, c’est la Vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 3,9-26 ; 6,23). Et St Matthieu, en quelques mots, va nous résumer ici tout l’Evangile. Dieu, tout en ne cessant jamais de respecter notre liberté, car il n’y a pas d’amour vrai sans liberté, s’est fait homme, avec le Fils et par le Fils, pour nous rejoindre dans nos ténèbres et nous appeler à passer avec Lui des ténèbres à la Lumière, de la mort à la Vie. Telle est bien la démarche de Celui qui Est Amour (1Jn 4,8.16), de Celui qui n’est qu’Amour et qui ne pense, ne veut, ne désire que notre bien : « Je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien. Je trouverai ma joie à leur faire du bien, de tout mon cœur » (Jr 32,40-41). Alors, avec Jésus, le Fils, « vrai Dieu né du vrai Dieu, Lumière née de la Lumière », et aussi vrai homme, « le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande Lumière ». « Je suis la Lumière du monde », dira-t-il. « Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12), gratuitement, par amour, alors que nous en étions tous privés par suite de nos fautes. « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » ? « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour que là où je suis, eux aussi soient avec moi » (Jn 17,22-24), pour toujours… DJF
2ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)
Celui sur qui tu verras l’Esprit
Il m’avait été dit : »Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre, c’est Lui qui baptisera dans l’Esprit ! » et moi je baptise dans l’eau.
En entrant dans le mystère du baptême du Seigneur, on pourrait se poser la question qui, je crois, n’est pas tout à fait gratuite : pourquoi datons-nous ou fixons-nous le début du ministère public de Jésus au baptême qu’Il a reçu des mains de Jean ? Il y a de fort bonnes raisons théologiques pour cela, c’est généralement celles que l’on développe. Mais aujourd’hui, j’aimerais vous donner une raison « physique », à la charnière entre la géographie sacrée, la cosmologie et ce qu’on appelait les sciences naturelles. Je m’explique.
Dans le monde ancien, on avait une certaine manière de comprendre les choses, de comprendre le monde, comment le monde était organisé. Vous avez remarqué, surtout à travers certains psaumes, que le monde est organisé d’une certaine manière. Les éléments du monde ont entre eux un certain nombre de rapports et notamment il y a toujours une chose qui revient : c’est que l’eau est le domaine du « désorganisé » et de ce qui désorganise. Chez les anciens, l’eau a quelque chose de traumatisant parce qu’on ne peut pas la maîtriser. On ne savait pas encore faire des barrages en béton, on ne savait pas canaliser les fleuves, par conséquent, l’eau avait quelque chose de terrifiant. Et surtout l’eau, c’est quelque chose que vous ne pouvez pas modeler, vous ne pouvez pas la transformer, vous ne pouvez pas la maîtriser.
Le deuxième élément, c’est l’air, tout ce qui a rapport à l’esprit, au souffle. Vous savez comment, à plusieurs reprises dans la Bible, il y a une sorte d’antinomie, une sorte d’opposition entre l’eau et le souffle. Dès le début, les eaux du chaos primordial sont dominées par un souffle, un Esprit, un souffle d’Esprit de Dieu qui tournoie au-dessus d’elles. Au moment où Moïse doit faire franchir la mer Rouge au peuple, c’est un vent violent qui souffle sur la mer et qui l’ouvre devant le peuple.
Et entre les deux, il y a généralement la terre. La terre c’est ce domaine humain de l’organisable. On construit des maisons, on trace des routes, on plante des vignes. Par définition, la terre c’est le monde habitable. Le souffle, on ne peut pas trop vivre en l’air, c’est plutôt dangereux, il y a bien quelques personnes qui s’y essaient. L’eau, vivre comme des poissons ou des crabes, ce n’est pas très profitable. Mais par contre, vivre dans l’espace de la terre habitée ou habitable, c’est fondamental. C’est là que se déroule toute la vie sociale de l’homme.
Or, dit le psaume 28, « la voix du Seigneur sur les eaux ». Comment exprime-t-on la puissance de Dieu ? C’est une voix qui vient sur les eaux et qui les domine. La voix, c’est un élément du souffle, c’est un élément spirituel, à la fois parce qu’il met en jeu l’air qui vibre mais aussi l’esprit qui met en œuvre une pensée qu’elle traduit et exprime. Or, quand la voix vient sur les eaux, c’est le symbole de la maîtrise de ce monde chaotique et inorganisable, précisément par la voix de Dieu. On a déjà la même manière de voir dans les récits de création. Quand Dieu parle, Il parle « sur la masse des eaux » et sa voix sépare les eaux d’avec la terre, pour que les eaux laissent apparaître la terre. Donc, dans l’Antiquité, dans la pensée juive, cette coexistence des eaux, par définition désorganisées, fluentes, non maîtrisables, et de la voix, l’élément spirituel, le souffle, le vent, cette coexistence est le lieu même des interventions divines, la création, l’Exode, le passage du Jourdain. Qu’est-ce qui ouvre les eaux du Jourdain ? C’est la voix de Dieu répercutée à travers l’arche, c’est la Parole de Dieu qui ouvre les eaux du Jourdain. Par conséquent le moment où le peuple franchit le Jourdain pour entrer dans l’existence nouvelle de la terre promise c’est la voix du Seigneur qui est littéralement descendue sur les eaux et qui a eu prise sur les eaux.
Vous voyez pourquoi je vous parlais de sciences naturelles. C’est parce que, dans ce monde-là, la conjonction du souffle, de l’Esprit, de la voix et des eaux, c’est un indice certain de révélation divine. Et au moment-même où les deux éléments se mélangent, si la voix est divine, si « elle taille des éclairs de feu » (ce sont les éclairs et le tonnerre, c’est pour cela que le tonnerre c’est la voix de Dieu, c’est parce que c’est un bruit qui maîtrise tout l’univers, qui traverse le ciel), quand la voix est divine, elle maîtrise la puissance des eaux. C’est pour cela que le psaume 73 dit : « Toi qui as réussi à organiser le monde, par quoi as-Tu commencé ? Par fracasser la tête du dragon dans les eaux » c’est-à-dire par détruire dans les eaux le pouvoir de dispersion et de désorganisation qu’elles portent en elles. Et à partir de ce moment-là, tu as pu agencer, rythmer la lumière du soleil, agencer les saisons et faire que tout le monde devienne habitable et vivable.
Si on y réfléchit, le baptême du Christ, c’est exactement cela. Il y a conjonction entre la voix du Père et le fleuve du Jourdain. La « voix du Père retentit sur les eaux » et les eaux du Jourdain, habituellement symbole de la mort, de la désorganisation, de la menace, de l’inorganique, sont subitement maîtrisées. Parce que la voix du Père résonne sur les eaux du Jourdain, la conjonction des deux éléments s’opère. Mais, alors que dans les autres créations, création du monde, création du peuple, la terre était l’élément intermédiaire qui apparaissait entre les deux, ici, entre les deux c’est la chair du Christ qui se présente. Le peuple n’entre plus dans la Terre Promise, mais ce qui est à la jonction de la voix du Père, de l’Esprit qui tombe et de l’eau, c’est la personne, c’est la chair du Christ, c’est le Messie. Autrement dit, le baptême c’est notre création messianique, c’est la re-création messianique de l’univers. Et c’est pour cela que ce baptême est si central. C’est le premier moment où l’univers surgit, par la chair du Christ, à l’existence messianique. On comprend qu’alors la personne même de Jésus devient le centre de convergence d’une part du Jourdain symbolisant l’inorganique avec la tête du dragon qu’Il est en train de piétiner dans les eaux, et d’autre part de la voix du Père qui tombe du ciel, « des cieux qui s’ouvrent » et du souffle de l’Esprit qui s’empare de la chair du Christ pour qu’Il devienne Celui qui va annoncer à tout homme que la création recommence. Maintenant, c’est l’aventure de la nouvelle création. Et au lieu qu’apparaisse simplement une terre sèche, comme au début du monde, au lieu qu’apparaisse simplement une terre pour le passage de l’Exode, au lieu qu’apparaisse simplement une terre qui est promise par le passage du Jourdain, ici, la nouvelle terre, c’est la personne même du Fils de Dieu incarné.
C’est pour cela que Jean-Baptiste peut dire que c’est un baptême d’eau et d’Esprit. C’est à nouveau la conjonction du ciel et de la terre et c’est une nouvelle création qui commence. Et vous comprenez pourquoi, dans la conscience primitive des chrétiens, le moment du baptême du Christ était le moment de la re-création du monde. Mais une création qui, au lieu d’avoir pour principe la pure et simple séparation des éléments, était le rassemblement et la concentration de tous les éléments dans la chair du Christ.
Vous voyez pourquoi « c’est là que tout commence », non pas que les choses d’avant n’aient pas eu de l’importance, non pas que l’Incarnation dans le sein de la vierge Marie n’ait pas eu de l’importance, mais on comprend que, pour les chrétiens primitifs, à cause de toutes les résonances de cosmologie qu’elle pouvait avoir, cette scène du baptême du Christ évoquait vraiment le moment même du commencement de la nouvelle création. Et l’on comprend pourquoi un évangile comme celui de saint Marc a pratiquement gardé comme manière d’annoncer le Christ, le moment où, plongé dans les eaux du Jourdain et baptisé par Jean, c’était le début de la nouvelle création messianique.
Que cette simple méditation sur les rapports de l’eau, de la voix, de l’Esprit, du souffle et surtout de la chair du Christ comme cette terre nouvelle qui surgit des eaux, que cette simple réflexion nous rappelle la puissance de la grâce de notre baptême. Car si on nous a baptisés, car si chacun d’entre nous, dans son corps, dans sa chair, dans son existence est devenu, comme le dit saint Paul, et vous comprenez maintenant toute la force que l’expression peut avoir, « une créature nouvelle » c’est-à-dire la conjonction dans les eaux mêmes du baptême, de notre condition humaine encore soumise au mal et à la tête du dragon et d’autre part de la puissance même de l’Esprit qui nous apporte la vie. Amen.
2ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN
« Je ne le connaissais pas. »
Par deux fois Jean-Baptiste le dit, … et pourtant il parle de son cousin ! Car, quand bien même Jésus habitait en Galilée et Jean-Baptiste en Judée, ils ont quand même dû se rencontrer à plusieurs reprises lors de rencontres familiales. Alors, pourquoi cette affirmation ?
Peut-être faudrait-il lire :’’Je ne le connaissais pas … comme ça’’. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose de nouveau qui se passe lors de cette rencontre sur les bords du Jourdain, quelque chose à laquelle Jean-Baptiste ne s’attendait pas, et qui lui fait découvrir un autre visage de son cousin.
C’est un cas qui nous est certainement arrivé avec quelques unes de nos connaissances : nous croyons bien les connaître, et puis un jour ils font quelque chose qui nous surprend, en bien ou en mal, et nous avons l’impression de nous trouver devant quelqu’un de nouveau, quelqu’un qu’on ne connaissait pas !
Quel est donc cet évènement qui fait apparaître Jésus comme quelqu’un de nouveau à Jean-Baptiste ?
Il le dit plus loin : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel … et il demeura sur lui (…).’Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit-Saint’. … c’est lui le Fils de Dieu’ »
Jean-Baptiste se rend compte que son cousin, charpentier de son état, est celui dont il parle depuis quelques temps, et dont il demande de préparer la venue : Le Messie tant attendu par les juifs.
La venue de l’Esprit sur Jésus est pour Jean-Baptiste une véritable épiphanie : Jésus se manifeste à lui comme le Fils de Dieu, et il en est bouleversé !
Et il repense à ce qu’il annonce, à la prophétie d’Isaïe (Is 40,3-5), et d’autres textes d’Isaïe, dont le serviteur souffrant qu’on compare à un agneau qu’on mène à l’abattoir (Is 53).
C’est pourquoi il peut dire : « Voici l’agneau de Dieu »
Par deux fois aussi, Jean fait dire à Jean-Baptiste : « J’ai vu ! ».
Pour Jean, Jésus se révèle par la vision de ce qu’il fait : « Venez et voyez » (Jn 1,39). Et le matin de la résurrection, Jean dit, en parlant de lui : « Il vit et il crut » (Jn 20,8). Il comprend que Jésus est l’agneau offert en sacrifice au Golgotha, mais aussi Fils de Dieu, Dieu lui-même (Jn 1,1). C’est l’affirmation que Jésus est homme et Dieu. Dès le début de son évangile, Jean nous montre Jésus comme l’agneau du sacrifice (cf Gn 22,8). Jésus ne peut se concevoir sans la croix.
Et c’est bien ce qui déconcerte tant de gens aujourd’hui : ils veulent bien du Jésus qui délivre son message d’amour, de partage, d’attention aux pauvres, aux faibles, aux malades … mais ils ne veulent pas du Jésus souffrant, mort sur la croix … et parfois aussi de sa résurrection.
Et pourtant, ces deux Jésus ne font qu’un.
D’autant que Jésus nous dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » (Mc 8,34). Alors là …
Au début de ce temps ordinaire, pour que ce soit bien présent dans nos esprits, l’Église nous rappelle par ce passage de l’évangile que Jésus est à la fois homme et Dieu, et qu’il est venu pour racheter tous les péchés des hommes par son sacrifice sur la croix : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Seigneur Jésus,
L’Esprit Saint qui descend sur toi à ton baptême
est pour Jean-Baptiste la révélation que
tu es le Messie, le Fils de Dieu.
Mais aussi que tu es l’Agneau de Dieu,
celui qui enlève le péché du monde
en s’offrant en sacrifice pour nous.
Merci d’être venu pour nous.
Francis Cousin
2ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER
La Mission de Jésus : donner l’Esprit
(Jn 1,29-34)…
En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ;
c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était.
Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »
Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui.
Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.”
Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Dans l’Évangile selon St Jean, c’est ici que Jésus entre en scène : « Jean-Baptiste voit Jésus venir vers lui », et c’est bien ce qu’il fait envers tout homme, pour son salut…
Dans ce cadre historique, la première phrase de Jean-Baptiste a une importance toute particulière : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », un titre qui sera le seul à apparaître deux fois en ce chapitre… L’agneau était l’animal immolé la veille de la fête de Pâque, « le jour de la Préparation », ce jour où Jésus sera cloué sur une Croix (Jn 19,14.31.42). Le sang de l’agneau immolé a protégé les Israélites du Fléau Destructeur (Ex 12,1-14), et juste après, la longue marche de l’Exode vers la Terre promise a commencé. Or, c’est par son offrande sur la Croix que l’Amour a vaincu la haine, que la Lumière de la vie (Jn 8,12) a triomphé des ténèbres de la mort, que Dieu a manifesté sa Victoire sur le Prince de ce monde, Satan (‘L’Accusateur’ en hébreu) : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! Car l’accusateur de nos frères a été rejeté, lui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu. Et eux, ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau » (Ap 12,10-12). En effet, en accueillant le Christ Sauveur par leur foi, « ils ont lavé leur robe », ils ont purifié leur cœur et leur vie, « et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (Ap 7,13-17). Tel est bien « le sang versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28), ce « sang qui purifie notre conscience de toutes les œuvres mortes » que nous avons pu accomplir (Hb 9,14). Il est le témoignage, jusqu’à la fin des temps, de l’Amour infini du Christ pour chacun d’entre nous : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). « Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre : il nous aime, et nous a délivrés de nos péchés par son sang » (Ap 1,5)…
Le Christ a ainsi donné sa vie pour notre salut. Or que signifie être sauvé ? Nous avons tous été créés pour vivre en relation avec Dieu, notre Père à tous, un Père qui de toute éternité est Source de Vie par le Don éternel qu’il ne cesse de faire de Lui-même. « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et « l’Esprit est vie » (cf. Ga 5,25) ? Le Père est Esprit ? Il ne cesse de donner au Fils la Plénitude de son Esprit qui est vie, l’engendrant ainsi en « Dieu né de Dieu ». « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même… Je vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57).
Jean Baptiste nous dit ici : « J’ai vu l’Esprit descendre et demeurer sur lui ». Cette affirmation renvoie en fait à une réalité éternelle. Et le Fils est tout simplement venu nous proposer de recevoir à notre tour ce que Lui reçoit du Père de toute éternité : l’Esprit Saint qui est vie, et qui nous introduira nous aussi dans la Plénitude des fils. DJF
Epiphanie du Seigneur par Francis COUSIN
«Tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui.»
L’évangile de ce jour est l’un des plus connus, avec son aspect mystérieux (l’étoile, des mages), son intrigue (Qui est ce Roi ?), les convocations en secret du (méchant ?) roi Hérode, la réapparition de l’étoile, les cadeaux somptueux, et finalement le songe des mages qui les renvoient chez eux ’’par un autre chemin’’.
On se croirait en raccourci dans un roman policier comme le ‘Da Vinci Code’ avec l’intrigue, les bons et les méchants, la découverte du trésor : Jésus, et les méchants ‘punis’ à la fin.
Mais il ne faut pas en rester à cet aspect superficiel, et ce passage a beaucoup à nous apprendre pour notre vie de chrétien.
Regardons ces mages : ils viennent d’orient ! C’est vague, ils viennent de loin, des pays étrangers. Ce sont des non-juifs (cf Ga 3,28-29, Col 3,11-12). Des gens instruits, cultivés. Ils ont quitté leur famille, leurs occupations, leurs pays, leurs certitudes pour suivre une étoile qui les mène dans l’incertitude, dans le doute quand elle disparaît à leur yeux.
Nous aussi, nous avons vu une étoile se lever à un moment de notre vie : Ce Jésus dont nous ont parlé nos parents, les catéchistes, des prêtres. Nous l’avons suivi, avec nos moments de doutes, d’incertitude, peut-être de rejet … et nous avons peut-être, par moment, perdu cette étoile, Jésus. Faisons comme les mages : ils enquêtent, ils vont aux renseignements, pour avoir des explications. Allons rencontrer un prêtre, discutons avec un ami, essayons de retrouver cette étoile qui n’est que cachée à nos yeux en écartant les nuages : prions Jésus qui est toujours là prés de nous, à nos côtés … et qui n’attend que l’on revienne vers lui.
Et le renseignement vient : il faut aller à Bethléem ! Les mages reprennent leur chemin … et l’étoile réapparaît :’’Alors ils se réjouirent d’une très grande joie’’. La joie de la rencontre avec Jésus, réelle ou attendue avec impatience !
Cette joie est pour nous aussi !
Il faut se remettre en route, à chaque instant. Ne croyons pas que tout est arrivé pour nous, ’’ça y est, j’ai la foi, je suis tranquille, je ne bouge plus’’. Non, Dieu ne veut pas des hommes assis au fond d’un fauteuil, mais ’’des hommes debout’’, comme le disait Saint Irénée (Et comme le rappelait le pape François aux jeunes des JMJ de Cracovie :’’Le temps qu’aujourd’hui nous vivons n’a pas besoin de jeunes-canapés, mais de jeunes avec des chaussures, mieux encore, chaussant des crampons’’.). Des chrétiens toujours prêts à partir, là où Dieu les envoient, et d’abord vers lui. Car c’est à son contact que notre esprit s’ouvre, à lui, puis aux autres, quels qu’ils soient.
Regardons encore les mages : ils s’attendaient à voir un Roi, et ils ne trouvent qu’un petit emmailloté avec ses deux parents qui ne respirent pas la richesse. Ils auraient pu se dire :’’On a du se tromper, il y a erreur !’’. Non, ils sont allés jusqu’au bout de leurs certitudes : ce petit est un Roi ! et ils se prosternent devant lui. Et ils lui offrent ce qu’ils avaient préparé pour un fils de Roi, des cadeaux précieux… Regardons et admirons l’humilité des mages qui s’agenouillent devant l’enfant Jésus …
En aurions-nous fait autant ?
Pas sûr ! Ne nous arrive-t-il pas parfois d’hésiter à donner ce que nous avons, de peur de ‘’donner des perles aux pourceaux’’ (Mt 7,6), ou comme on dit maintenant, de ‘’donner de la confiture aux cochons’’ ?
Et pourtant c’est ce que Jésus a fait envers les gens de son temps, envers les apôtres. Mais petit à petit, en prenant son temps, et parfois en s’exaspérant des réactions des apôtres … qui ne l’ont compris qu’après sa mort et sa résurrection …
Ce passage de l’évangile nous demande d’aller vers la lumière, de suivre le chemin de la lumière qui est Jésus (Jn 8,12), cette lumière qui nous bouscule, qui nous fait changer notre regard sur les autres, qui nous convertit, et qui finalement nous fait prendre ’’un autre chemin’’ … , qui nous demande d’être nous-mêmes lumière pour les autres, en étant toujours attentif à l’autre dans ses convictions, mais en ayant l’assurance de la Vérité qui nous est donné par Jésus.
’’Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’’ (Mt 25,40)
Soyons des hommes debout !
Seigneur Jésus,
tu es l’étoile qui nous guide,
vers toi et vers ton Père.
Mais ta Parole nous renvoie vers les autres,
ceux que nous connaissons,
et aussi ceux qui nous sont plus lointains,
en mentalité plus qu’en distance.
Soyons toujours prêts à partir, avec toi.
Francis Cousin
Epiphanie du Seigneur par le Diacre Jacques FOURNIER
« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés »
(Mt 2,1-12)
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ »
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ;
puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Mi-savants, mi-magiciens, les « mages » de l’Antiquité pratiquaient la divination et l’astrologie… Or la Loi était claire : « On ne trouvera chez toi personne qui pratique divination ou magie » (Dt 18,10) « car c’est une rébellion le péché de divination, c’est de la présomption ! » (1Sm 15,23). Mais ces mages ne connaissaient pas encore leur Dieu et Père, Celui qui s’est révélé à Abraham, à Jacob et à Moïse… Ils ont été élevés dans la culture de leur pays, avec ses croyances, ses idoles… Mais ils sont de bonne volonté, ils cherchent la vérité… Aussi, Dieu va-t-il leur parler un langage qu’ils peuvent comprendre : une « étoile » nouvelle s’est levée dans le ciel… Aussitôt, ils l’interprètent selon leurs habitudes comme annonçant la naissance d’un grand roi et décident d’aller lui rendre hommage. Le Livre de la Sagesse présentait déjà l’exemple de ce marin païen qui s’engage sur les flots en « invoquant à grands cris un bois plus fragile que le bateau qui le porte » : son idole qu’il a sculptée à l’avant ou à l’arrière. « Mais c’est ta Providence, ô Père, qui le conduisait », comme ici pour les mages (Sg 14,1-3).
Magnifique visage d’un Dieu Père de tous les hommes, qui s’occupe de tous avec Amour et leur parle le langage qu’ils peuvent comprendre… « La divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires au salut à ceux qui ne sont pas encore parvenus, sans qu’il y ait de leur faute, à la connaissance claire de Dieu et s’efforcent, avec l’aide de la grâce divine, de mener une vie droite. En effet, tout ce que l’on trouve chez eux de bon et de vrai, L’Église le considère comme un terrain propice à l’Évangile et un don de Celui qui éclaire tout homme, pour qu’il obtienne finalement la vie » (Concile Vatican II, LG 16).
Guidés par l’étoile et l’Esprit de Lumière qu’ils n’ont pas encore reconnu, les mages ont marché vers le Christ « Lumière du monde », « Astre d’en Haut venu nous visiter pour nous donner de connaître le salut par la rémission de nos péchés » (Jn 8,12 ; Lc 1,76-79)… Les Ecritures leur donneront le lieu précis où il est né : Bethléem (Mi 5,1). Et l’étoile le confirmera en s’arrêtant au dessus du lieu où le Christ se trouvait. L’Esprit leur donnera alors d’éprouver une très grande joie… Et par sa Lumière, ils verront la Lumière de Dieu rayonner de cet enfant… Ils tomberont à genoux, ils se prosterneront, ils adoreront et offriront de l’or au Roi, de l’encens à Celui qui tout en étant vrai homme est vrai Dieu, et de la myrrhe, une gomme-résine aromatique qui annonce déjà sa Passion : les soldats lui en proposeront sur la Croix, mélangée à du vin, et Nicodème apportera pour sa sépulture « un mélange de myrrhe et d’aloés d’environ cent livres » (330 kg ; Mc 15,23 ; Jn 19,39)…
Cette fois, ils vivent le précepte de la Loi : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et à lui seul tu rendras un culte » (Dt 6,13). Ils étaient venus en mages idolâtres, guidés par une étoile. « Ils regagneront leur pays par un autre chemin », celui de la confiance et de la foi en ce Dieu Père de tous les hommes qui vient de se révéler à eux dans son Fils, et qui leur parle désormais en songe, un des multiples dons de l’Esprit Saint… DJF