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4ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Heureux les pauvres de cœur … »

Les béatitudes, tout le monde connaît ou presque ; Mais pour beaucoup, le discours de Jésus passe comme une utopie, quelque chose qu’on ne peut pas atteindre. Et puis, dans la mentalité du monde d’aujourd’hui, cela sonne comme quelque chose de fou : « Heureux … » ! Ce n’est pas comme cela qu’on obtient le bonheur ! Pour avoir le bonheur, il faut de l’argent, pour avoir du confort, ceci, ou encore cela …

Parce qu’on confond le bonheur avec les plaisirs !

Les trois lectures vont dans le même sens : la rencontre de Dieu à travers notre petitesse. Dieu nous attend tels que nous sommes. Mais il nous faut faire un pas vers lui.

Cherchez ! nous dit Sophonie : « Cherchez le Seigneur,… Cherchez la justice (celle de Dieu, être reconnu comme juste devant Dieu, et pour cela il faut pratiquer la justice des hommes),… cherchez l’humilité ».

Et le plus important, c’est le dernier terme : l’humilité. « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé » (Mt 23,11). Avec l’humilité, on peut être reconnu comme juste devant Dieu, et ainsi rencontrer le Seigneur.

C’est l’attitude devant Dieu qui importe. Saint Paul nous le dit bien dans la 2° lecture : « Parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni des gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, (…) ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi… ».

Dieu préfère les petits, Dieu préfère les faibles, ceux qui ne s’enorgueillissent pas devant lui. Comme il le dit à saint Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Co 12,9). Laisser Dieu faire à travers nous …

Finalement, tout cela revient à dire : « Heureux les pauvres de cœur … », ceux qui gardent une foi humble dans le Seigneur quelques soient les épreuves, qui mettent leur espoir en lui, qui restent toujours assurés de la fidélité de Dieu, « car le Royaume des cieux est à eux. ».

Saint Matthieu nous donne une liste de huit béatitudes qui s’adressent à tous, plus une neuvième pour certains. Si on prend les huit premières, on se rend compte que Jésus détaille différents aspects de vie, mais qu’elles sont toutes contenues dans la première : si on a un cœur de pauvre, devant Dieu et devant les hommes, on peut pleurer, on est doux, on a faim de justice, on est miséricordieux, on a un cœur pur, on est artisan de paix, et on peut aussi être persécuté pour la justice…

Avoir un cœur de pauvre est un préalable à toutes les autres situations. Et pour bien montrer cette unité, la première et la huitième béatitude ont la même conclusion : « car le Royaume des cieux est à eux. », avec le verbe au présent, alors qu’il est au futur pour les six autres.

Être pauvre de cœur, être faible, être humble, … voila ce qui nous conduit à Dieu, et qui permet à Dieu d’œuvrer à travers nous.

C’est sans doute différent de la mentalité du monde, mais c’est le plus sûr chemin pour aller vers Dieu. Retenons ce conseil : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser pour trouver grâce devant le Seigneur, car grande est la puissance du Seigneur, mais il est honoré par les humbles. » (Si 3,18-20).

Nombre de saints ont suivi ces préceptes : François d’Assise bien sûr, mais aussi Charles de Foucauld, ou encore Thérèse de l’Enfant Jésus : « Rester petit, c’est reconnaître son néant, attendre tout du Bon Dieu, ne pas trop s’affliger de ses fautes, ne point gagner de fortune, ne s’inquiéter de rien,… vouloir ne pas se suffire à soi-même,… se sentir incapable de gagner sa vie, la Vie éternelle… »

Seigneur, je n’ai pas le cœur fier

ni le regard ambitieux ;

je ne poursuis ni grands desseins,

ni merveilles qui me dépassent.

Non, mais je tiens mon âme en paix et silence ;

mon âme est en moi comme un enfant,

comme un petit enfant contre sa mère.

Mets ton espoir dans le Seigneur, Israël,

 maintenant et à jamais.

Psaume 131                                     

 

Francis Cousin




3ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

 

« Convertissez-vous,

car le royaume des cieux est tout proche. »

C’est Jésus qui dit cela, et c’est la reprise de ce qui disait Jean-Baptiste (Mt 3,2). Et il le dit au moment où Jean-Baptiste est ‘livré’, arrêté. Cela fait penser à la phrase de Jean-Baptiste :’’Il faut qu’il grandisse, et que moi, je diminue’’ (Jn 3,30).

On a comme un passage de témoin. On est juste après le baptême de Jésus et son séjour au désert, dans l’évangile de Matthieu.

Jean-Baptiste est arrêté, Jésus s’établit à Capharnaüm, en Galilée, la Galilée des nations que le Seigneur a couvert de gloire (cf 1° lecture), montrant ainsi dès le début de sa mission l’intérêt qu’il prend pour tous, et pas simplement pour celui des juifs. Si cela avait été le cas, il aurait commencé sa mission en Judée, à Jérusalem, la ville du Temple de Dieu. Et il aurait fait un grand coup d’éclat, ameutant tous les juifs à se révolter contre l’envahisseur Romain, tel que les juifs attendaient le Messie.

Et non ! Au lieu d’un coup d’éclat communautaire, il reprend la formule de Jean-Baptiste :’’Convertissez-vous !’’. Une injonction personnelle, une invitation à la réflexion et à la remise en cause de chacun :’’Revenez vers Dieu, apprenez qui est Dieu, non pas celui qu’on vous a appris faussement, mais le vrai Dieu, que vous connaissez, mais que vous avez oublié : un Dieu plein d’amour et de miséricorde, qui vous aime, qui grave votre nom dans la paume de ses mains parce que vous êtes importants pour lui (cf Is 49,16), qui prend soin de chacun de nous comme la prunelle de ses yeux (Cf Ps 17,8)’’.

Jésus n’a rien d’un va-t-en-guerre, il commence sa mission selon sa nature, humblement, sans faire de grands discours, mais en allant vers les gens, surtout les pauvres, les petits, ceux qui ne sont pas très estimés …

C’est ainsi qu’au cours d’une promenade, il rencontre des pécheurs, Pierre et André. Il ne fait pas de grand discours. Il les regarde, dans les yeux, et ce regard est tel que les deux pécheurs ne quittent plus ce regard : ils n’avaient pas l’habitude d’être regardés ainsi, avec humilité et amour, eux, deux pauvres gens qu’on voit sans les regarder …

Alors, quand Jésus dit :’’Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes’’, ils disent oui aussitôt, en réponse à ce regard qui les a pris au cœur, un regard vrai qu’ils veulent encore voir.

Et il en fut de même pour Jacques et Jean.

Tout tient dans le regard de Jésus.

La grande aventure de l’Église a commencé par un regard ! Mais quel regard !

Alors on peut se poser la question : Quel est le regard que j’ai vis-à-vis de mes semblables ?

Est-ce le regard de Jésus ?

Un regard qui regarde … ou simplement qui voit ?

Un regard sûr de soi (mais sans être obséquieux) … ou un regard craintif ?

Un regard humble, à l’image de Jésus, … ou un regard apeuré ?

Un regard qui montre de l’intérêt pour la personne elle-même … ou parce qu’elle peut m’être utile ?

Un regard aimant, avec toutes les nuances positives ou négatives qui peuvent être associées à ce type de regard … ?

Un regard qui parle au cœur … ou qui n’a rien à faire des gens ?

Cela dépend des circonstances, ainsi que des personnes rencontrées, mais la question est de savoir si l’image de mon regard pour les autres peut me permettre de rallier les gens autour de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

C’est vrai tout le temps. Et c’est encore plus vrai cette semaine qui est celle de l’unité des Chrétiens.

Et n’oublions pas que ’’se convertir’’, c’est ’’changer son regard’’.

C’est ce que nous demande le Christ.

Seigneur Jésus,

Tu m’appelles à te suivre.

Je ne te vois pas,

mais je sens ton regard

qui me scrute et me connaît.

Saurai-je soutenir ton regard,

accueillir tout ce qu’il y a de bon en lui

pour marcher à ta suite ?

 

Francis Cousin

 




3ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 

Jésus, Lumière et Vie

(Mt 4,12-23)…

 Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée.
Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe :
‘Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations !
Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée.’
À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »
Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

           

Jean-Baptiste quitte la scène comme tant de prophètes avant lui : persécuté, emprisonné, exécuté… Jésus prend le relais… Le moment est venu pour lui de manifester le désir de Dieu qui « veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Alors, même si la Bonne Nouvelle devait être d’abord annoncée à Israël (Mt 15,24 ; 10,6), le Peuple de l’Alliance et des Promesses (Ep 2,12), Jésus va s’installer non pas à Jérusalem, la capitale, mais à Capharnaüm (en hébreu : ‘Village de Nahum’, ‘Nahum’ signifiant ‘Dieu console’), une petite ville frontière au nord de la Galilée juive, entourée de provinces païennes : la Syro-Phénicie, la Trachonitide et la Décapole. Nous sommes vraiment ici à « un carrefour », avec d’un côté les régions Juives de « Zabulon et de Nephtali », et de l’autre « la route de la mer et le pays d’au-delà du Jourdain », le pays des païens… Ce « peuple » qu’évoque St Matthieu juste après est donc l’humanité tout entière constituée des Juifs et des païens. Et tous « habitent dans les ténèbres », ce qui signifie, Dieu étant Lumière (1Jn 1,5), que les hommes lui ont fermé la porte de leur cœur et de leur vie. Ils vivent sans Lui… Or, la Lumière de Dieu est tout à la fois Esprit (Jn 4,24) et Vie (Jn 1,4 ; 8,12). Être privé de cette Lumière, c’est vivre en étant privé d’une Plénitude de Vie spirituelle : c’est être spirituellement mort… « Habiter dans les ténèbres », c’est donc « habiter le pays de l’ombre et de la mort »…

            Le ministère public de Jésus commence donc par une allusion à ce péché qui touche tout homme. « Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu… Et le salaire du péché, c’est la mort ; mais le Don gratuit de Dieu, c’est la Vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 3,9-26 ; 6,23). Et St Matthieu, en quelques mots, va nous résumer ici tout l’Evangile. Dieu, tout en ne cessant jamais de respecter notre liberté, car il n’y a pas d’amour vrai sans liberté, s’est fait homme, avec le Fils et par le Fils, pour nous rejoindre dans nos ténèbres et nous appeler à passer avec Lui des ténèbres à la Lumière, de la mort à la Vie. Telle est bien la démarche de Celui qui Est Amour (1Jn 4,8.16), de Celui qui n’est qu’Amour et qui ne pense, ne veut, ne désire que notre bien : « Je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien. Je trouverai ma joie à leur faire du bien, de tout mon cœur » (Jr 32,40-41). Alors, avec Jésus, le Fils, « vrai Dieu né du vrai Dieu, Lumière née de la Lumière », et aussi vrai homme, « le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande Lumière ». « Je suis la Lumière du monde », dira-t-il. « Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12), gratuitement, par amour, alors que nous en étions tous privés par suite de nos fautes. « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » ? « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour que là où je suis, eux aussi soient avec moi » (Jn 17,22-24), pour toujours…                                                                          DJF




2ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Celui sur qui tu verras l’Esprit

Il m’avait été dit : »Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre, c’est Lui qui baptisera dans l’Esprit ! » et moi je baptise dans l’eau.

En entrant dans le mystère du baptême du Seigneur, on pourrait se poser la question qui, je crois, n’est pas tout à fait gratuite : pourquoi datons-nous ou fixons-nous le début du ministère public de Jésus au baptême qu’Il a reçu des mains de Jean ? Il y a de fort bonnes raisons théologiques pour cela, c’est généralement celles que l’on développe. Mais aujourd’hui, j’aimerais vous donner une raison « physique », à la charnière entre la géographie sacrée, la cosmologie et ce qu’on appelait les sciences naturelles. Je m’explique.

Dans le monde ancien, on avait une certaine manière de comprendre les choses, de comprendre le monde, comment le monde était organisé. Vous avez remarqué, surtout à travers certains psaumes, que le monde est organisé d’une certaine manière. Les éléments du monde ont entre eux un certain nombre de rapports et notamment il y a toujours une chose qui revient : c’est que l’eau est le domaine du « désorganisé » et de ce qui désorganise. Chez les anciens, l’eau a quelque chose de traumatisant parce qu’on ne peut pas la maîtriser. On ne savait pas encore faire des barrages en béton, on ne savait pas canaliser les fleuves, par conséquent, l’eau avait quelque chose de terrifiant. Et surtout l’eau, c’est quelque chose que vous ne pouvez pas modeler, vous ne pouvez pas la transformer, vous ne pouvez pas la maîtriser.

Le deuxième élément, c’est l’air, tout ce qui a rapport à l’esprit, au souffle. Vous savez comment, à plusieurs reprises dans la Bible, il y a une sorte d’antinomie, une sorte d’opposition entre l’eau et le souffle. Dès le début, les eaux du chaos primordial sont dominées par un souffle, un Esprit, un souffle d’Esprit de Dieu qui tournoie au-dessus d’elles. Au moment où Moïse doit faire franchir la mer Rouge au peuple, c’est un vent violent qui souffle sur la mer et qui l’ouvre devant le peuple.

Et entre les deux, il y a généralement la terre. La terre c’est ce domaine humain de l’organisable. On construit des maisons, on trace des routes, on plante des vignes. Par définition, la terre c’est le monde habitable. Le souffle, on ne peut pas trop vivre en l’air, c’est plutôt dangereux, il y a bien quelques personnes qui s’y essaient. L’eau, vivre comme des poissons ou des crabes, ce n’est pas très profitable. Mais par contre, vivre dans l’espace de la terre habitée ou habitable, c’est fondamental. C’est là que se déroule toute la vie sociale de l’homme.

Or, dit le psaume 28, « la voix du Seigneur sur les eaux ». Comment exprime-t-on la puissance de Dieu ? C’est une voix qui vient sur les eaux et qui les domine. La voix, c’est un élément du souffle, c’est un élément spirituel, à la fois parce qu’il met en jeu l’air qui vibre mais aussi l’esprit qui met en œuvre une pensée qu’elle traduit et exprime. Or, quand la voix vient sur les eaux, c’est le symbole de la maîtrise de ce monde chaotique et inorganisable, précisément par la voix de Dieu. On a déjà la même manière de voir dans les récits de création. Quand Dieu parle, Il parle « sur la masse des eaux » et sa voix sépare les eaux d’avec la terre, pour que les eaux laissent apparaître la terre. Donc, dans l’Antiquité, dans la pensée juive, cette coexistence des eaux, par définition désorganisées, fluentes, non maîtrisables, et de la voix, l’élément spirituel, le souffle, le vent, cette coexistence est le lieu même des interventions divines, la création, l’Exode, le passage du Jourdain. Qu’est-ce qui ouvre les eaux du Jourdain ? C’est la voix de Dieu répercutée à travers l’arche, c’est la Parole de Dieu qui ouvre les eaux du Jourdain. Par conséquent le moment où le peuple franchit le Jourdain pour entrer dans l’existence nouvelle de la terre promise c’est la voix du Seigneur qui est littéralement descendue sur les eaux et qui a eu prise sur les eaux.

Vous voyez pourquoi je vous parlais de sciences naturelles. C’est parce que, dans ce monde-là, la conjonction du souffle, de l’Esprit, de la voix et des eaux, c’est un indice certain de révélation divine. Et au moment-même où les deux éléments se mélangent, si la voix est divine, si « elle taille des éclairs de feu » (ce sont les éclairs et le tonnerre, c’est pour cela que le tonnerre c’est la voix de Dieu, c’est parce que c’est un bruit qui maîtrise tout l’univers, qui traverse le ciel), quand la voix est divine, elle maîtrise la puissance des eaux. C’est pour cela que le psaume 73 dit : « Toi qui as réussi à organiser le monde, par quoi as-Tu commencé ? Par fracasser la tête du dragon dans les eaux » c’est-à-dire par détruire dans les eaux le pouvoir de dispersion et de désorganisation qu’elles portent en elles. Et à partir de ce moment-là, tu as pu agencer, rythmer la lumière du soleil, agencer les saisons et faire que tout le monde devienne habitable et vivable.

Si on y réfléchit, le baptême du Christ, c’est exactement cela. Il y a conjonction entre la voix du Père et le fleuve du Jourdain. La « voix du Père retentit sur les eaux » et les eaux du Jourdain, habituellement symbole de la mort, de la désorganisation, de la menace, de l’inorganique, sont subitement maîtrisées. Parce que la voix du Père résonne sur les eaux du Jourdain, la conjonction des deux éléments s’opère. Mais, alors que dans les autres créations, création du monde, création du peuple, la terre était l’élément intermédiaire qui apparaissait entre les deux, ici, entre les deux c’est la chair du Christ qui se présente. Le peuple n’entre plus dans la Terre Promise, mais ce qui est à la jonction de la voix du Père, de l’Esprit qui tombe et de l’eau, c’est la personne, c’est la chair du Christ, c’est le Messie. Autrement dit, le baptême c’est notre création messianique, c’est la re-création messianique de l’univers. Et c’est pour cela que ce baptême est si central. C’est le premier moment où l’univers surgit, par la chair du Christ, à l’existence messianique. On comprend qu’alors la personne même de Jésus devient le centre de convergence d’une part du Jourdain symbolisant l’inorganique avec la tête du dragon qu’Il est en train de piétiner dans les eaux, et d’autre part de la voix du Père qui tombe du ciel, « des cieux qui s’ouvrent » et du souffle de l’Esprit qui s’empare de la chair du Christ pour qu’Il devienne Celui qui va annoncer à tout homme que la création recommence. Maintenant, c’est l’aventure de la nouvelle création. Et au lieu qu’apparaisse simplement une terre sèche, comme au début du monde, au lieu qu’apparaisse simplement une terre pour le passage de l’Exode, au lieu qu’apparaisse simplement une terre qui est promise par le passage du Jourdain, ici, la nouvelle terre, c’est la personne même du Fils de Dieu incarné.

C’est pour cela que Jean-Baptiste peut dire que c’est un baptême d’eau et d’Esprit. C’est à nouveau la conjonction du ciel et de la terre et c’est une nouvelle création qui commence. Et vous comprenez pourquoi, dans la conscience primitive des chrétiens, le moment du baptême du Christ était le moment de la re-création du monde. Mais une création qui, au lieu d’avoir pour principe la pure et simple séparation des éléments, était le rassemblement et la concentration de tous les éléments dans la chair du Christ.

Vous voyez pourquoi « c’est là que tout commence », non pas que les choses d’avant n’aient pas eu de l’importance, non pas que l’Incarnation dans le sein de la vierge Marie n’ait pas eu de l’importance, mais on comprend que, pour les chrétiens primitifs, à cause de toutes les résonances de cosmologie qu’elle pouvait avoir, cette scène du baptême du Christ évoquait vraiment le moment même du commencement de la nouvelle création. Et l’on comprend pourquoi un évangile comme celui de saint Marc a pratiquement gardé comme manière d’annoncer le Christ, le moment où, plongé dans les eaux du Jourdain et baptisé par Jean, c’était le début de la nouvelle création messianique.

Que cette simple méditation sur les rapports de l’eau, de la voix, de l’Esprit, du souffle et surtout de la chair du Christ comme cette terre nouvelle qui surgit des eaux, que cette simple réflexion nous rappelle la puissance de la grâce de notre baptême. Car si on nous a baptisés, car si chacun d’entre nous, dans son corps, dans sa chair, dans son existence est devenu, comme le dit saint Paul, et vous comprenez maintenant toute la force que l’expression peut avoir, « une créature nouvelle » c’est-à-dire la conjonction dans les eaux mêmes du baptême, de notre condition humaine encore soumise au mal et à la tête du dragon et d’autre part de la puissance même de l’Esprit qui nous apporte la vie. Amen.




2ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis COUSIN

« Je ne le connaissais pas. »

Par deux fois Jean-Baptiste le dit, … et pourtant il parle de son cousin ! Car, quand bien même Jésus habitait en Galilée et Jean-Baptiste en Judée, ils ont quand même dû se rencontrer à plusieurs reprises lors de rencontres familiales. Alors, pourquoi cette affirmation ?

Peut-être faudrait-il lire :’’Je ne le connaissais pas … comme ça’’. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose de nouveau qui se passe lors de cette rencontre sur les bords du Jourdain, quelque chose à laquelle Jean-Baptiste ne s’attendait pas, et qui lui fait découvrir un autre visage de son cousin.

C’est un cas qui nous est certainement arrivé avec quelques unes de nos connaissances : nous croyons bien les connaître, et puis un jour ils font quelque chose qui nous surprend, en bien ou en mal, et nous avons l’impression de nous trouver devant quelqu’un de nouveau, quelqu’un qu’on ne connaissait pas !

Quel est donc cet évènement qui fait apparaître Jésus comme quelqu’un de nouveau à Jean-Baptiste ?

Il le dit plus loin : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel … et il demeura sur lui (…).’Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit-Saint’. … c’est lui le Fils de Dieu’ »

Jean-Baptiste se rend compte que son cousin, charpentier de son état, est celui dont il parle depuis quelques temps, et dont il demande de préparer la venue : Le Messie tant attendu par les juifs.

La venue de l’Esprit sur Jésus est pour Jean-Baptiste une véritable épiphanie : Jésus se manifeste à lui comme le Fils de Dieu, et il en est bouleversé !

Et il repense à ce qu’il annonce, à la prophétie d’Isaïe (Is 40,3-5), et d’autres textes d’Isaïe, dont le serviteur souffrant qu’on compare à un agneau qu’on mène à l’abattoir (Is 53).

C’est pourquoi il peut dire : « Voici l’agneau de Dieu »

Par deux fois aussi, Jean fait dire à Jean-Baptiste : « J’ai vu ! ».

Pour Jean, Jésus se révèle par la vision de ce qu’il fait : « Venez et voyez » (Jn 1,39). Et le matin de la résurrection, Jean dit, en parlant de lui : « Il vit et il crut » (Jn 20,8). Il comprend que Jésus est l’agneau offert en sacrifice au Golgotha, mais aussi Fils de Dieu, Dieu lui-même (Jn 1,1). C’est l’affirmation que Jésus est homme et Dieu. Dès le début de son évangile, Jean nous montre Jésus comme l’agneau du sacrifice (cf Gn 22,8). Jésus ne peut se concevoir sans la croix.

Et c’est bien ce qui déconcerte tant de gens aujourd’hui : ils veulent bien du Jésus qui délivre son message d’amour, de partage, d’attention aux pauvres, aux faibles, aux malades … mais ils ne veulent pas du Jésus souffrant, mort sur la croix … et parfois aussi de sa résurrection.

Et pourtant, ces deux Jésus ne font qu’un.

D’autant que Jésus nous dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » (Mc 8,34). Alors là …

Au début de ce temps ordinaire, pour que ce soit bien présent dans nos esprits, l’Église nous rappelle par ce passage de l’évangile que Jésus est à la fois homme et Dieu, et qu’il est venu pour racheter tous les péchés des hommes par son sacrifice sur la croix : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».

Seigneur Jésus,

L’Esprit Saint qui descend sur toi à ton baptême

est pour Jean-Baptiste la révélation que

tu es le Messie, le Fils de Dieu.

Mais aussi que tu es l’Agneau de Dieu,

celui qui enlève le péché du monde

en s’offrant en sacrifice pour nous.

Merci d’être venu pour nous.

 

Francis Cousin




2ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

 

La Mission de Jésus : donner l’Esprit

(Jn 1,29-34)…

 

 En ce temps-là, voyant Jésus venir vers lui, Jean le Baptiste déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ;
c’est de lui que j’ai dit : L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était.
Et moi, je ne le connaissais pas ; mais, si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté à Israël. »
Alors Jean rendit ce témoignage : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui.
Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint.”
Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »

            Dans l’Évangile selon St Jean, c’est ici que Jésus entre en scène : « Jean-Baptiste voit Jésus venir vers lui », et c’est bien ce qu’il fait envers tout homme, pour son salut…

            Dans ce cadre historique, la première phrase de Jean-Baptiste a une importance toute particulière : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », un titre qui sera le seul à apparaître deux fois en ce chapitre… L’agneau était l’animal immolé la veille de la fête de Pâque, « le jour de la Préparation », ce jour où Jésus sera cloué sur une Croix (Jn 19,14.31.42). Le sang de l’agneau immolé a protégé les Israélites du Fléau Destructeur (Ex 12,1-14), et juste après, la longue marche de l’Exode vers la Terre promise a commencé. Or, c’est par son offrande sur la Croix que l’Amour a vaincu la haine, que la Lumière de la vie (Jn 8,12) a triomphé des ténèbres de la mort, que Dieu a manifesté sa Victoire sur le Prince de ce monde, Satan (‘L’Accusateur’ en hébreu) : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! Car l’accusateur de nos frères a été rejeté, lui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu. Et eux, ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau » (Ap 12,10-12). En effet, en accueillant le Christ Sauveur par leur foi, « ils ont lavé leur robe », ils ont purifié leur cœur et leur vie, « et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (Ap 7,13-17). Tel est bien « le sang versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28), ce « sang qui purifie notre conscience de toutes les œuvres mortes » que nous avons pu accomplir (Hb 9,14). Il est le témoignage, jusqu’à la fin des temps, de l’Amour infini du Christ pour chacun d’entre nous : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). « Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre : il nous aime, et nous a délivrés de nos péchés par son sang » (Ap 1,5)…

            Le Christ a ainsi donné sa vie pour notre salut. Or que signifie être sauvé ? Nous avons tous été créés pour vivre en relation avec Dieu, notre Père à tous, un Père qui de toute éternité est Source de Vie par le Don éternel qu’il ne cesse de faire de Lui-même. « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et « l’Esprit est vie » (cf. Ga 5,25) ? Le Père est Esprit ? Il ne cesse de donner au Fils la Plénitude de son Esprit qui est vie, l’engendrant ainsi en « Dieu né de Dieu ». « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-mêmeJe vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57).

Jean Baptiste nous dit ici : « J’ai vu l’Esprit descendre et demeurer sur lui ». Cette affirmation renvoie en fait à une réalité éternelle. Et le Fils est tout simplement venu nous proposer de recevoir à notre tour ce que Lui reçoit du Père de toute éternité : l’Esprit Saint qui est vie, et qui nous introduira nous aussi dans la Plénitude des fils.                                                                                                                    DJF




Epiphanie du Seigneur par Francis COUSIN

«Tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui.»

L’évangile de ce jour est l’un des plus connus, avec son aspect mystérieux (l’étoile, des mages), son intrigue (Qui est ce Roi ?), les convocations en secret du (méchant ?) roi Hérode, la réapparition de l’étoile, les cadeaux somptueux, et finalement le songe des mages qui les renvoient chez eux ’’par un autre chemin’’.

On se croirait en raccourci dans un roman policier comme le ‘Da Vinci Code’ avec l’intrigue, les bons et les méchants, la découverte du trésor : Jésus, et les méchants ‘punis’ à la fin.

Mais il ne faut pas en rester à cet aspect superficiel, et ce passage a beaucoup à nous apprendre pour notre vie de chrétien.

Regardons ces mages : ils viennent d’orient ! C’est vague, ils viennent de loin, des pays étrangers. Ce sont des non-juifs (cf Ga 3,28-29, Col 3,11-12). Des gens instruits, cultivés. Ils ont quitté leur famille, leurs occupations, leurs pays, leurs certitudes pour suivre une étoile qui les mène dans l’incertitude, dans le doute quand elle disparaît à leur yeux.

Nous aussi, nous avons vu une étoile se lever à un moment de notre vie : Ce Jésus dont nous ont parlé nos parents, les catéchistes, des prêtres. Nous l’avons suivi, avec nos moments de doutes, d’incertitude, peut-être de rejet … et nous avons peut-être, par moment, perdu cette étoile, Jésus. Faisons comme les mages : ils enquêtent, ils vont aux renseignements, pour avoir des explications. Allons rencontrer un prêtre, discutons avec un ami, essayons de retrouver cette étoile qui n’est que cachée à nos yeux en écartant les nuages : prions Jésus qui est toujours là prés de nous, à nos côtés … et qui n’attend que l’on revienne vers lui.

Et le renseignement vient : il faut aller à Bethléem ! Les mages reprennent leur chemin … et l’étoile réapparaît :’’Alors ils se réjouirent d’une très grande joie’’. La joie de la rencontre avec Jésus, réelle ou attendue avec impatience !

Cette joie est pour nous aussi !

Il faut se remettre en route, à chaque instant. Ne croyons pas que tout est arrivé pour nous, ’’ça y est, j’ai la foi, je suis tranquille, je ne bouge plus’’. Non, Dieu ne veut pas des hommes assis au fond d’un fauteuil, mais ’’des hommes debout’’, comme le disait Saint Irénée (Et comme le rappelait le pape François aux jeunes des JMJ de Cracovie :’’Le temps qu’aujourd’hui nous vivons n’a pas besoin de jeunes-canapés, mais de jeunes avec des chaussures, mieux encore, chaussant des crampons’’.). Des chrétiens toujours prêts à partir, là où Dieu les envoient, et d’abord vers lui. Car c’est à son contact que notre esprit s’ouvre, à lui, puis aux autres, quels qu’ils soient.

Regardons encore les mages : ils s’attendaient à voir un Roi, et ils ne trouvent qu’un petit emmailloté avec ses deux parents qui ne respirent pas la richesse. Ils auraient pu se dire :’’On a du se tromper, il y a erreur !’’. Non, ils sont allés jusqu’au bout de leurs certitudes : ce petit est un Roi ! et ils se prosternent devant lui. Et ils lui offrent ce qu’ils avaient préparé pour un fils de Roi, des cadeaux précieux… Regardons et admirons l’humilité des mages qui s’agenouillent devant l’enfant Jésus …

En aurions-nous fait autant ?

Pas sûr ! Ne nous arrive-t-il pas parfois d’hésiter à donner ce que nous avons, de peur de ‘’donner des perles aux pourceaux’’ (Mt 7,6), ou comme on dit maintenant, de ‘’donner de la confiture aux cochons’’ ?

Et pourtant c’est ce que Jésus a fait envers les gens de son temps, envers les apôtres. Mais petit à petit, en prenant son temps, et parfois en s’exaspérant des réactions des apôtres … qui ne l’ont compris qu’après sa mort et sa résurrection …

Ce passage de l’évangile nous demande d’aller vers la lumière, de suivre le chemin de la lumière qui est Jésus (Jn 8,12), cette lumière qui nous bouscule, qui nous fait changer notre regard sur les autres, qui nous convertit, et qui finalement nous fait prendre ’’un autre chemin’’ … , qui nous demande d’être nous-mêmes lumière pour les autres, en étant toujours attentif à l’autre dans ses convictions, mais en ayant l’assurance de la Vérité qui nous est donné par Jésus.

’’Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’’ (Mt 25,40)

Soyons des hommes debout !

Seigneur Jésus,

tu es l’étoile qui nous guide,

vers toi et vers ton Père.

Mais ta Parole nous renvoie vers les autres,

ceux que nous connaissons,

et aussi ceux qui nous sont plus lointains,

en mentalité plus qu’en distance.

Soyons toujours prêts à partir, avec toi.

 

Francis Cousin




Epiphanie du Seigneur par le Diacre Jacques FOURNIER

« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés »

(Mt 2,1-12)

 

 Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
‘Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël.’ »
Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ;
puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Mi-savants, mi-magiciens, les « mages » de l’Antiquité pratiquaient la divination et l’astrologie… Or la Loi était claire : « On ne trouvera chez toi personne qui pratique divination ou magie » (Dt 18,10) « car c’est une rébellion le péché de divination, c’est de la présomption ! » (1Sm 15,23). Mais ces mages ne connaissaient pas encore leur Dieu et Père, Celui qui s’est révélé à Abraham, à Jacob et à Moïse… Ils ont été élevés dans la culture de leur pays, avec ses croyances, ses idoles… Mais ils sont de bonne volonté, ils cherchent la vérité… Aussi, Dieu va-t-il leur parler un langage qu’ils peuvent comprendre : une « étoile » nouvelle s’est levée dans le ciel… Aussitôt, ils l’interprètent selon leurs habitudes comme annonçant la naissance d’un grand roi et décident d’aller lui rendre hommage. Le Livre de la Sagesse présentait déjà l’exemple de ce marin païen qui s’engage sur les flots en « invoquant à grands cris un bois plus fragile que le bateau qui le porte » : son idole qu’il a sculptée à l’avant ou à l’arrière. « Mais c’est ta Providence, ô Père, qui le conduisait », comme ici pour les mages (Sg 14,1-3).

            Magnifique visage d’un Dieu Père de tous les hommes, qui s’occupe de tous avec Amour et leur parle le langage qu’ils peuvent comprendre… « La divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires au salut à ceux qui ne sont pas encore parvenus, sans qu’il y ait de leur faute, à la connaissance claire de Dieu et s’efforcent, avec l’aide de la grâce divine, de mener une vie droite. En effet, tout ce que l’on trouve chez eux de bon et de vrai, L’Église le considère comme un terrain propice à l’Évangile et un don de Celui qui éclaire tout homme, pour qu’il obtienne finalement la vie » (Concile Vatican II, LG 16).

            Guidés par l’étoile et l’Esprit de Lumière qu’ils n’ont pas encore reconnu, les mages ont marché vers le Christ « Lumière du monde », « Astre d’en Haut venu nous visiter pour nous donner de connaître le salut par la rémission de nos péchés » (Jn 8,12 ; Lc 1,76-79)… Les Ecritures leur donneront le lieu précis où il est né : Bethléem (Mi 5,1). Et l’étoile le confirmera en s’arrêtant au dessus du lieu où le Christ se trouvait. L’Esprit leur donnera alors d’éprouver une très grande joie… Et par sa Lumière, ils verront la Lumière de Dieu rayonner de cet enfant… Ils tomberont à genoux, ils se prosterneront, ils adoreront et offriront de l’or au Roi, de l’encens à Celui qui tout en étant vrai homme est vrai Dieu, et de la myrrhe, une gomme-résine aromatique qui annonce déjà sa Passion : les soldats lui en proposeront sur la Croix, mélangée à du vin, et Nicodème apportera pour sa sépulture « un mélange de myrrhe et d’aloés d’environ cent livres » (330 kg ; Mc 15,23 ; Jn 19,39)…

            Cette fois, ils vivent le précepte de la Loi : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et à lui seul tu rendras un culte » (Dt 6,13). Ils étaient venus en mages idolâtres, guidés par une étoile. « Ils regagneront leur pays par un autre chemin », celui de la confiance et de la foi en ce Dieu Père de tous les hommes qui vient de se révéler à eux dans son Fils, et qui leur parle désormais en songe, un des multiples dons de l’Esprit Saint…        DJF

 




Solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu par le Diacre Jacques FOURNIER

Marie, Mère du Sauveur (Lc 2,16-21)

 En ce temps-là, les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.
Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.
Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.

Un peu plus de neuf mois se sont écoulés depuis la visite de l’Ange à Marie, chez ses parents, à Nazareth… « Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus », un nom qui, en araméen, signifie « Dieu sauve »… Cette rencontre fut, pour Marie, un moment intense de Lumière et de Joie. Elle s’en souviendra avec sa cousine Elisabeth en disant : « Mon esprit a tressailli de joie en Dieu mon Sauveur ». Et elle le louera, car il lui a été donné de percevoir « Qui » Il Est : « Miséricorde Toute Puissante » (Lc 1,46-55)…

Mais maintenant, cet instant de Lumière est fini, et Marie chemine comme nous tous, « dans la foi et non dans la claire vision » (2Co 5,7)… En toute liberté, elle a dit « Oui ! » à l’Ange et Dieu a commencé son œuvre… Avec elle et par elle, le Fils, présent au monde depuis qu’il existe, est entré dans l’histoire en vrai homme, et Marie, fidèle servante du Seigneur, a obéi aux Paroles transmises par l’Ange et l’a appelé « Jésus », « Dieu sauve »… Maintenant, son cœur est brûlé d’attention, ses yeux sont tournés vers ce Mystère de Salut qui, pas à pas, s’accomplira avec son enfant et par lui. Mais elle le découvrira au fur et à mesure qu’elle le vivra. Et l’aventure tout commence tout de suite avec les bergers…

Voici donc des bergers qui viennent la visiter. Les Pharisiens les méprisaient car ils les considéraient comme des voleurs. Ils disent avoir vu eux aussi un Ange qui leur a dit : « Voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le Peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur »… Cette fois, Marie n’a rien vu, rien entendu, mais elle se souvient de la joie qu’elle a vécue elle aussi en accueillant l’Ange, et de ce nom qu’il fallait donner à l’enfant à naître : « Jésus, Dieu sauve »… Alors, « elle médite dans son cœur »… Littéralement, elle « met ensemble tous ces éléments » : déjà, alors même que son Fils vient de naître, et qu’il n’est encore qu’un tout petit bébé dans ses bras, des bergers viennent à lui et commencent à vivre en leur cœur la lumière et joie du salut. Oui, vraiment, Dieu le Père est déjà à l’œuvre avec et par son Fils, pour sauver tous les hommes qu’il aime. Plus tard, Jésus dira : « Nul ne peut venir à moi si mon Père qui l’a envoyé ne l’attire » (Jn 6,44). Et lorsque Pierre lui dira : « Tu es le Christ », le Messie, le Sauveur, Jésus lui répondra : « Bienheureux es-tu Pierre, car cette révélation ne t’est pas venue de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les Cieux » (Mt 16,17). Et « c’est bien la volonté de mon Père que quiconque », Pierre, les bergers, « voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle » (Jn 6,40). Il aura suffi aux bergers de voir ce petit bébé qui ne pouvait encore que gazouiller, de lui ouvrir leur cœur, et la joie du salut les inondait… Joie des bergers, joie de Marie qui constate déjà à quel point son Fils est « le Sauveur du monde »…                          DJF




Solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

SOUHAITS, VŒUX ET BENEDICTION

Frères et sœurs,
Pourquoi formulons-nous des souhaits ou des vœux au début de l’année ? C’est une coutume relativement récente, qui remonte à la fin du XIXème siècle environ. Mais pourquoi une telle démarche à la fois affective et/ou protocolaire ?
À mon avis, elle vient d’un sentiment fondamental qui hante le fond de notre cœur : au moment où une nouvelle tranche de temps s’ouvre à nous, nous sentons bien que nous n’en sommes pas les maîtres. L’homme a conscience du temps, mais n’en a pas la maîtrise. Et c’est d’ailleurs parce qu’il est livré à cette incapacité radicale qu’il passe son temps à chercher à le reconquérir, à le maîtriser, à se le réapproprier et à l’orienter selon ses prévisions et qu’il n’y arrive heureusement jamais… Le pire des totalitarismes et sa pire forme, c’est précisément la planification, la gestion du temps à venir pour ne laisser aucune place à l’imprévisible. Nous avons vu ce que ça peut donner. Et même si le totalitarisme dans sa forme la plus radicale a pratiquement heureusement été extirpé de notre monde, (mais pas encore tout à fait), en réalité, il reste toujours un petit coin de totalitarisme au fond de notre être, qui à défaut de gérer la société, la vie culturelle et l’économie mondiale ou tout simplement le taux de son livret A, voudrait au moins maîtriser totalement notre temps.
Or, nous ne le pouvons pas. Par conséquent, il ne nous reste qu’une chose à faire : c’est de nous dire les uns aux autres qu’on espère, qu’on voudrait, qu’on va tout faire pour que ça se passe le mieux possible. Voilà donc ça le sens de ces vœux que nous formulons. En fait, ils traduisent au moins autant nos limites, notre finitude, et notre incapacité que notre bonne volonté et notre bienveillance. Ou plus exactement, notre bonne volonté et nos bonnes intentions sont mises en œuvre pour rappeler mutuellement : « Courage, on espère que ça ira mieux en 2017 qu’en 2016 », vœux qui sont la plupart du temps hélas déçus, mais nous n’y pouvons rien puisque précisément nous ne pouvons pas maîtriser l’avenir et le temps.

Vous devez penser que je commence l’année par des réflexions bien pessimistes et bien sombres. Non, je crois qu’elles sont simplement réalistes. Il est impossible de nous cacher que même si nous pensons profondément ce que nous disons, par exemple : « Je te souhaite vraiment une année où tout se passe le mieux possible pour toi, que tu sois éclatant de santé, de réussite, de sécurité et de bonheur », malgré tout, nous savons qu’il peut toujours nous arriver quelque chose qui bouleversera notre vie. C’est inévitable. Et on a beau, à un plan plus global se souhaiter que ce monde retrouve la paix, on sait bien que ce n’est pas tout à fait pour demain. On le souhaite quand même, mais sans illusion.
Tout ce que je viens de dire représente notre point de vue humain : on appelle cela des vœux ou des souhaits. Il y a même des langues qui avaient inventé une conjugaison spéciale, un mode verbal spécial pour exprimer les souhaits. Je veux parler d’une langue d’une rare finesse et d’une grande intelligence que l’on veut effacer de la culture française : le grec. C’est dommage de supprimer le grec parce qu’on supprimerait ce qu’on appelait l’optatif, c’est-à-dire le temps des souhaits. Et Dieu sait que les Grecs qui étaient des pessimistes invétérés, gardaient quand même au cœur au moins l’espoir et le mode verbal de l’optatif qui le disait avec clarté et élégance. Essayons de retrouver, non pas simplement dans la grammaire mais d’abord dans la vie, l’espérance du souhait ou des vœux ! C’est déjà quelque chose. Mais si nous en restions là, nous en serions réduits à ce constat désolé du monde tel qu’il va et auquel on ne peut pas changer grand chose.
Pourtant, si nous sommes ici ce matin, ce n’est pas à cause des vœux – ou des souhaits –, c’est à cause de la bénédiction. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais les textes de cette messe et la fête que nous fêtons aujourd’hui, la maternité de la Vierge Marie, nous mettent non pas dans l’optique des bons vœux ou des vœux pieux, elle se situe dans une optique différente, qui se concentre sur un thème : la bénédiction. La bénédiction, c’est un retournement de situation. Sachant nos limites, notre finitude et notre incapacité à gérer le temps à venir, nous proclamons et nous croyons que ce temps peut être béni, c’est-à-dire chargé de la bénédiction de Dieu. Quand nous disons la plupart du temps machinalement « le Dieu qui est, qui était et qui vient », ou « le Seigneur des siècles » ou « le Dieu du monde à venir », nous disons précisément que Dieu est celui qui bénit le temps.
Nous, nous nous souhaitons un temps heureux et paisible ; Dieu le veut et le réalisera coûte que coûte comme un temps béni, chargé de sa présence, de son amour et de son Salut. Voilà ce que disaient les prêtres et surtout le grand prêtre et que nous avons entendu dans la première lecture, cette première grande formule rituelle de bénédiction dans l’histoire biblique. Notez que c’est par une bénédiction analogue que nous terminons chaque célébration eucharistique ; si Dieu a donné son corps et son sang, c’est par ce bienfait et cette bénédiction que sera rythmé le temps que nous allons vivre ensuite. Tel est le sens de la bénédiction.
Et d’une certaine manière, voilà qui éclaire pour nous le sens de ce premier jour de l’année. L’Église, il y a déjà très longtemps de cela, avec un sens très affiné de ce que peut être la bénédiction, avait fait du premier janvier la fête de la Vierge Marie dans son rôle de Mère de Dieu. Puis cette fête a été oubliée ; avec le concile Vatican II, on l’a rétablie. Pourquoi l’honorer plus spécialement sous le vocable de Mère de Dieu ? Parce qu’elle a été comblée de cette bénédiction divine : « Réjouis-toi Marie, comblée de grâce ». Cette bénédiction divine ne veut pas dire que sa vie a été rose tous les jours, mais qu’elle s’est déroulée sous la puissance de l’amour de Dieu qui voulait se communiquer par elle, en s’implantant jusque dans sa chair de femme à travers l’enfantement.
Voilà donc ce qui est offert à notre prière et à notre méditation aujourd’hui. Non pas simplement le constat lucide et nécessaire des limites de notre emprise sur le temps et sur l’avenir, mais surtout la confiance qui, au cœur même de notre radicale incapacité à gérer l’avenir, nous assure qu’il existe une providence capable d’ouvrir notre histoire collective et personnelle vers le Royaume : cet acte de confiance nous dit que Dieu peut de cette année, de ce temps qui nous paraît si incertain, faire surgir une source de bienfaits, de bénédiction et de sagesse. Du coup, le fait de présenter des vœux et de croire à la bénédiction de Dieu sur la création constitue une des choses les plus nécessaires et les plus précieuses aujourd’hui. Quand vous regardez la manière dont on parle de « notre » temps, de l’année qui vient de s’écouler, de celle qui s’ouvre aujourd’hui, on a l’impression vraiment que ce discours est vraiment standardisé, qu’il est dépourvu d’imagination, et qu’il constitue un aveu d’incapacité. Que cela vienne des hommes politiques (et parfois même des ecclésiastiques de tous poils qui ne font pas beaucoup mieux), on sait bien que ces vœux sont formulés par des hommes qui ne savent pas ce que va devenir notre monde et qui cherchent pourtant à nous dire qu’ils sont capables de le changer ! On a posé en 2016 un certain nombre de gestes, on a supporté un certain nombre d’événements qui posent infiniment plus de questions sur l’avenir qu’ils n’en résolvent. No comment ! Et effectivement, faire des vœux, ce peut être d’une certaine manière, un regard païen, sans foi ni espérance. Un regard qui semble suggérer : « Ah, vous êtes dans une situation difficile, mais moi je vais vous protéger »… Bien sûr, vos actes sont tellement convaincant en ce domaine ! Je ne connais pas de moyen plus facile pour convertir l’espérance en cette morosité qui est en train de miner notre société occidentale.
Et c’est pourquoi nous avons, comme chrétiens, une responsabilité supplémentaire. Le monde n’est pas ce que notre regard humain en voit, veut en voir ou espère en voir. Heureusement que non ! Notre monde est sous la bénédiction de Dieu, envers et contre tout. Et c’est pourquoi il attend de nous une autre lucidité qui s’appelle la foi : une telle lucidité consiste à croire que, quoi qu’il arrive, Dieu est capable de faire surgir dans n’importe quelle situation la puissance de sa bénédiction et de son salut. Cela ne va pas de soi quand il faut tenir jour après jour ; mais s’il n’y avait pas cela, comme disait saint Paul, « nous serions alors les plus malheureux de tous les hommes » et c’est précisément ce qu’aucun homme n’a envie de se souhaiter ni à lui-même ni aux autres. Amen !