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29ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 22, 15-21

 

« Rendez à César ce qui est à César,

et à Dieu ce qui est à Dieu. »

 

Certains ont voulu voir dans cette affirmation de Jésus une volonté de séparation entre ce qu’on appelle le domaine temporel et le domaine spirituel. Et c’est une idée qui prend de plus en plus d’importance.

Nous vivons dans un monde où certains voudraient que le monde politique soit totalement séparé du Royaume des Cieux ou de l’Église, un monde où on voudrait opposer la vie publique et la vie privée, la vie communautaire et la vie personnelle, la vie sociale et la vie spirituelle.

Or c’est impossible ! On ne le peut pas, aussi bien personnellement, pour chacun, que collectivement, pour la paroisse ou l’Église.

Parce que chacun d’entre nous vit sa vie privée à l’intérieur de la vie publique, avec d’autres personnes, et que notre foi doit rejaillir dans tout ce que nous faisons, c’est-à-dire y compris ce que nous faisons avec ceux qui ne croient pas en Dieu, ou à notre Dieu.

Il en est de même pour notre vie communautaire, en paroisse ou en mouvements. Elle se vit aussi dans l’espace public, et on ne peut rester côte à côte comme des « chiens de faïence », sans se parler ou faire des choses ensemble. Nous sommes obligés de travailler avec les autres, pour les autres, y compris avec ceux qui représentent le fonctionnement du monde : les hommes politiques, les élus, les administrations.

Combien de paroisses du diocèse ont mis en place des « groupes » de solidarité, ouverts à tous, parfois même mis en place conjointement par la paroisse et la commune, utilisant les locaux de la paroisse, et tous travaillant en lien avec les Caisses Communales d’Actions Sociales …

Combien de mouvements s’occupent de personnes en difficulté, des chômeurs, des drogués, des alcooliques, des personnes en perte de repères, des personnes seules, des familles quelques soient leurs « liens » … y compris des mouvements classés comme « mouvement en prière » !

Le Secours Catholique aide les personnes en difficulté qui viennent les voir, mais ne demande pas leur certificat de baptême … et son action est reconnue par les pouvoirs publics puisque beaucoup de CCAS y envoient des personnes, et que depuis quelques années les bénévoles sont invités à participer au défilé du 14 juillet.

De même les écoles catholiques et les aumôneries … qui acceptent ceux qui viennent les voir, et qui cheminent avec eux, remplissant leurs rôles formels mais étant aussi des témoins et des missionnaires vis-à-vis de ceux qui ne croient pas à notre Dieu.

On ne peut pas, et on ne doit pas, vivre côte à côte sur des chemins parallèles. Cela ne peut pas exister, parce qu’il y a trop d’interconnections, de points communs, de carrefours entre le monde ‘public’ et le monde catholique. D’autant que parmi les hommes (femmes) politiques il y a des catholiques, que dans les administrations publiques il y a des catholiques … Nous ne pouvons pas vivre les uns sans les autres.

Ce qui ne veut pas dire que nous devons accepter n’importe quoi, histoire de ne pas ’’froisser’’ ceux qui ne pensent pas comme nous.

Parce que pour nous, Dieu est premier. Comme le disait sainte Jeanne d’Arc : « Messire Dieu, premier servi ». Et on pourrait reprendre pour chacun de nous les paroles de saint Paul dans la deuxième lecture, en les mettant sous forme impérative : « Que votre foi soit active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tienne bon en notre Seigneur Jésus-Christ, en présence de Dieu notre Père … avec la puissance, l’action du Saint-Esprit. ».

Ce qui nous oblige parfois à affirmer notre différence, comme par exemple pour dire notre opposition à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) non médicale, mais de confort, pour avoir droit à un enfant même si c’est impossible biologiquement … Pour dire notre opposition à la Grossesse Pour Autrui (GPA) parce que c’est réduire un enfant à une marchandise qui se paye, au lieu d’être le fruit d’un amour de deux personnes complémentaires … Pour dire notre opposition à l’avortement et à l’euthanasie parce que c’est supprimer une vie …

Et dire cela, et il faut le dire haut et fort, c’est aussi d’une certaine manière être missionnaire … et c’est important de la rappeler en cette fin de semaine missionnaire !

Seigneur Jésus,

si ta phrase peut surprendre,

elle ne veut pas dire qu’il n’y a aucun lien

entre le monde de César et celui de ton Père.

On peut vivre dans le monde

sans être du monde.

L’important est de mettre Dieu en premier

pour le bien de tous.

 

Francis Cousin                     

          

              

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28ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

On ne met pas Dieu dans son agenda

 

Ce qui est étonnant dans cette parabole, c’est son côté extrêmement contrasté. A la fois, elle est faite de délicatesse et d’insistance de la part de Dieu. C’est Lui, le Roi, qui donne un festin pour les noces de son Fils, c’est Lui qui prépare la banquet, c’est Lui qui prend soin des invitations, Il n’envoie pas de cartons, mais des serviteurs auprès des invités pour obtenir leur réponse. C’est Lui qui pousse la délicatesse jusqu’à fournir la tenue nuptiale à tous ceux qui participent au festin, c’est Lui qui se donne la peine de venir dans la grande salle du festin et de passer à travers les rangs pour saluer les invités. Voilà pour le côté positif auquel nous sommes sensibles.

Mais il y a un autre côté qui nous semble terriblement dur : ce roi, qui par ailleurs est si délicat, quand il voit les premiers invités qui n’ont pas accepté l’invitation et ont tué ses serviteurs a agi avec rigueur, il envoie ses troupes pour détruire les villes et raser les maisons de ceux qui ont refusé. C’est objectivement juste et mérité, mais son attitude nous paraît dure. Et par ailleurs, il est intraitable sur le protocole puisque celui qui ne porte pas la tenue souhaitée est immédiatement jeté dans les ténèbres extérieures.

Il y a donc le mélange d’une très grande bonté et délicatesse, et d’une très grande exigence qui se traduit par la vengeance. C’est pourquoi cette parabole nous intrigue. On comprend que Dieu irrite les hommes, on comprend qu’il n’y ait que Lui qui puisse nous combler d’un festin, mais au fond de nous-mêmes, nous sommes tellement « accommodants », tellement habitués à ce qu’on ne réponde pas à nos invitations, nous avons de telles complicités avec l’indifférence qu’on a envie de se plaindre devant ce maître dont les invitations sont si pressantes que si l’on n’y répond pas c’est la peine de mort à coup sûr.

Il faut donc essayer de retrouver la manière dont le Christ nous parle du Royaume de Dieu : le Royaume de Dieu est une affaire d’invitation. Et je crains que nous ne le comprenions pas. En effet, il existe un petit ouvrage fondamental pour comprendre la mentalité de notre époque, un petit livre répandu chaque année à des millions d’exemplaires qu’on appelle un agenda. Dieu agit à notre égard en nous envoyant des invitations, et nous, nous gérons notre vie et nous l’organisons au moyen d’un agenda, ce qui fait que généralement nous ne comprenions rien au Royaume de Dieu.

En effet, Dieu veut que nous soyons invités. Invités, cela veut dire, lors d’une rencontre avec quelqu’un, se proposer soi-même à la rencontre. Mais si l’on se propose soi-même à la rencontre, le partenaire invité doit y venir lui-même. Que voulez-vous, on n’arrivera jamais à mettre le temps d’un repas de noces entre deux séances de travail, ou entre deux rendez-vous. Ce n’est pas possible. Pour aller à la noce, il faut du temps, il faut avoir du temps à donner. Il faut du loisir et de la gratuité dans le cœur qui nous permettent d’être vraiment à la noce, et non pas d’y assister. Or, c’est précisément le sens de la parabole.

Dieu invite, c’est-à-dire qu’Il se propose Lui-même comme hôte, Il ne nourrit pas, Il invite à la noce. Il n’organise pas notre temps, Il invite. Alors que nous, nous comprenons son invitation sur le même mode que le reste de nos occupations. De même que nous avons un champ, un commerce, nos affaires et nos soucis, eh bien, de même il faut ajouter à cette panoplie de « choses à faire », une chose supplémentaire qui est de répondre aux invitations.

Or, ce n’est pas du tout sur ce plan qu’il faut situer l’invitation de Dieu. Nous-mêmes nous ne vivons pas d’abord spontanément dans l’ordre de la relation personnelle, à cause de notre péché, la plupart du temps nous envisageons tout à partir de nos disponibilités, de notre temps, de notre capacité d’agir, nous calculons et nous mesurons en fonction de ce que nous pouvons faire pour les autres et avec les autres. Et dès lors, nous nous formons effectivement un sens de la vie qui devient de plus en plus fonctionnel, de plus en plus mesuré, alors que ce que Dieu veut, ce pourquoi Il nous a créés, c’est d’abord le mystère et la joie de la relation personnelle. Tout amour est essentiellement fondé sur ce roc, et si l’on ne vit pas un amour, et déjà un amour humain, de cette manière, il est sûr qu’à un moment ou à un autre, il risque de s’effondrer ou d’être brisé : si ce n’est pas le mystère de l’autre qui nous passionne, si ce n’est pas l’autre en tant qu’il est là, qu’il est lui, que trouverez-vous qui soit capable de satisfaire et de rassasier vraiment notre cœur ? Si nous n’essayons pas en vérité, au plus intime de nous-mêmes, de découvrir quel est le secret de l’autre, de celui qu’on aime, que croyez-vous pouvoir récolter ? Ce qu’il est capable de faire ? Mais il le fait plus ou moins bien, et nous savons bien que nous sommes tous pécheurs. Telle ou telle qualité qu’il a ou qu’elle a ? Mais cela ne dure pas toujours, nous connaissons bien notre fragilité. Alors, si nous n’essayons pas de remonter au secret intime de chaque personne qui jaillit dans sa spontanéité et sa liberté, dans son désir de rencontrer, nous ne rencontrons rien et nous ne moissonnons que du vent. C’est pourquoi le comportement du Maître est si net dans cette parabole, si l’on n’a pas répondu à l’invitation, que voulez-vous qu’il reste ? Il ne nous reste rien que la mort. Si l’on n’a pas découvert le mystère de Dieu dans sa personne, que voulez-vous que nous rencontrions au jour de notre mort ? Simplement quelques œuvres méritoires que nous traînerons au fond de nos poches, mais n’est-ce pas dérisoire ? Au cours de votre vie, si vous n’avez pas traité Dieu comme une affaire religieuse, que voulez-vous que nous ayons à porter dans notre cœur ? Rien du tout, un peu « d’occupation », pour nos passe-temps dominicaux, c’est si peu de chose même si on calcule au quart d’heure près la durée des offices. Si vraiment nous n’avons pas essayé de saisir ce regard de Dieu sur nous, et ce cœur de Dieu tel qu’il se propose à nous, que trouverons-nous ? Quelques grandes idées généreuses de philanthropie et de fraternité universelle qui sont proclamées à tous les coins de rue et qui n’ont jamais rien changé à la misère du monde.

Frères et sœurs, c’est cela être invité. C’est n’être pas plein de soi, ou plein de temps à donner, ou plein de générosité à manifester, c’est être en quête d’un trésor, le trésor de la seule personne qui nous aime vraiment, le trésor du cœur de Dieu. Et c’est pourquoi si nous ne sommes pas revêtus du trésor de la grâce qu’est la robe nuptiale, comment voulez-vous que nous participions à la noce ? Ce pauvre homme que dans un premier mouvement de pitié romantique nous plaignons, parce que nous avons l’impression qu’il est mis brutalement dehors, en réalité, il était le seul à ne pas être revêtu de Dieu, c’est-à-dire qu’il assistait simplement à la noce pour manger mais non pour se réjouir de la joie des convives et le fait qu’il soit jeté dehors n’est que la sanction et la manifestation de ce qu’il était déjà dedans. Ainsi, la seule question qui se pose à nous est de savoir si nous voulons vraiment être invités par Dieu, et si le but de notre vie, c’est Dieu en personne. Si ce n’est pas cela, notre vie n’est que du vent, et nous ne vivons que pour la mort. Si Dieu n’est que l’objet de nos générosités, si Dieu n’est pas l’objet d’une sorte d’amour fasciné et fascinant, ce n’est qu’une occupation de plus dans l’agenda de nos activités, et une réalité fort encombrante, vis-à-vis de laquelle nous nous sentons toujours en porte-à-faux.

Voilà le sens de l’invitation qui nous est adressée : c’est Dieu, et Dieu en personne, non pas quelque chose autour de Lui ou quelque chose autour de nous mais Dieu Lui-même. Maintenant, nous sommes invités chaque fois que nous célébrons l’eucharistie ou que nous recevons le corps et le sang du Christ, c’est-à-dire Dieu Lui-même. La plupart du temps nous le faisons dans l’inconscience. Peut-être que pour nous aujourd’hui, c’est le moment de savoir si oui ou non, nous savons qui nous invite et comment Il nous invite. Amen.




28ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 22, 1-14

 

« Mon ami, comment es-tu entré ici ? »

 

Les lectures de ce jour sont plutôt portées sur les repas, et quels repas : des festins.

Isaïe parle d’un festin préparés par Dieu « sur sa montagne », le lieu de la rencontre avec lui, sous-entendu dans son Royaume, avec des viandes succulentes et de bons vins. Mais surtout, il fera disparaître le voile du deuil, de la mort ; il essuiera les larmes.

Et le psaume nous fait dire de Dieu : « Tu prépares la table pour moi,… J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. ».

Alors on pense à l’Apocalypse : « Je vis la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendais du ciel d’auprès de Dieu … Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car l’ancien monde s’en est allé. » (Ap 21, 2.4).

Et dans l’Évangile, Jésus nous parle d’un festin de noces.

Pour aller à un festin, généralement, il faut y avoir été invité. Et on se prépare : on s’habille en dimanche, on ne mange pas trop auparavant pour avoir faim …

Dans le cas du festin Royaume des Cieux, là aussi il faut se préparer, et suivre la Parole de Dieu, de Jésus dans l’Évangile, car on sait ce qui nous attend : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), en bien ou en mal !

Dans l’Évangile, il est clair que le festin de noces représente l’accueil dans le Royaume de Dieu, le festin des noces de l’Agneau (cf Ap 19,7). Et les noces, le mariage du fils du roi, du Fils de Dieu, de Jésus avec … Ce n’est pas dit, mais avec tous ceux qui accepteront d’entrer, ou qui seront admis à entrer dans le Royaume de Dieu. Cette noce est l’Alliance entre Jésus et les hommes, entre Jésus et l’Église. « Heureux les invités au repas du Seigneur » qui préfigure le festin des noces de l’Agneau.

Dans la parabole, le roi demande à ses serviteurs d’appeler les invités. Qui sont-ils ? Peut-être Jésus pense-t-il aux grands-prêtres, aux pharisiens, mais certainement plus généralement à tous les juifs, au peuple d’Israël, le peuple de Dieu préparé pour entrer dans le Royaume de Cieux.

Ils refusent. Une seconde invitation : même chose, ils ont leurs propres préoccupations et se moquent du roi et de son fils, de Dieu et de Jésus.

Une noce sans invités, ce n’est pas possible ! Alors le roi, Dieu, invite tout le monde, sans discrimination, les bons, les mauvais, les riches, les pauvres, les estropiés, les mal-fagotés, … nous quoi !

Et la salle fut remplie !

Le roi était contant. Alors il va saluer les invités … et il en voit un qui n’a pas le vêtement de noce ! « Mon ami, comment es-tu entré ici ? ». Tous les gens qui sont là sont arrivés dans la salle en urgence, au débotté, comme ils étaient, sans se changer. Quel est donc ce vêtement de noce réclamé ? L’homme ne comprend pas et ne dit rien. Et il se fait jeter dehors.

Quel est donc ce vêtement de noce ? Quel est ce vêtement que Dieu nous demande d’avoir, nous tous, et de tout temps, et en tout temps ?

Ce vêtement n’est pas un vêtement au sens propre ! Car Dieu ne regarde pas l’apparence, mais le cœur. C’est la disposition d’esprit de répondre à l’amour de Dieu, d’accueillir Dieu qui m’appelle « Mon ami », de répondre à Dieu : « Toi aussi, tu es mon ami, et je t’aime ».

Et ce n’est pas toujours facile ! En parole, oui, … mais en acte ?

Pouvoir toujours dire à Dieu, « Je t’aime », ce n’est possible que si on accepte de se laisser vêtir de l’amour de Dieu, que si on peut dire comme saint Paul : « C’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20), que si on vit vraiment son baptême : « En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Gal 3,27).

Et c’est d’autant plus important pour nous, à chaque fois que nous allons communier, et que le prêtre nous dit : « Heureux les invités au repas du Seigneur ». On est bien conscient qu’on n’est pas digne de le recevoir, mais quand nous recevons le corps de Jésus dans nos mains, que notre « Oui » veuille dire en même temps « Seigneur, je t’aime ».

Le vêtement des noces de l’Agneau, c’est l’amour de Dieu qui vit en nous.

Seigneur Jésus,

Tu es tellement bon que tu nous invites tous

 à ton banquet de noce,

tels que nous sommes,

avec nos défauts et nos qualités.

Il n’y a qu’une condition :

que nous voulions vivre de ton amour.

Avec ton aide, je le pourrai.

 

Francis Cousin                     

          

              

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27ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 21, 33-43

 

« Le Royaume de Dieu vous sera enlevé … »

 

La parabole de Jésus de ce dimanche ne pouvait laisser les auditeurs indifférents. Dès le début, ils ne manquent pas de faire le parallèle avec le texte d’Isaïe qu’ils connaissent parfaitement (1° lecture). Ils n’ont pas besoin d’explications, et ils savent que le propriétaire de la vigne, « l’homme », représente Dieu, et la vigne le peuple hébreux, la « maison d’Israël ».

Mais la fin n’est pas la même. En Isaïe, c’est le raisin, le fruit de la vigne qui est mauvais : il n’y a plus de droit, plus de justice, la loi du Seigneur est bafouée, avec pour conséquence l’enlèvement de la clôture, de la protection du peuple juif par Dieu et l’annonce de l’envahissement de Canaan  et de la déportation à Babylone.

Dans l’Évangile, la situation est différente. Ce n’est pas la vigne, le raisin qui est mauvais, mais les vignerons engagés par le maître pour s’occuper de la vigne qui sont mauvais. Le maître qui avait tout préparé avant de partir : la plantation, la clôture, le pressoir, la tour de garde … ils n’avaient qu’à entretenir la vigne et assurer la vendange. Mais le maître était loin. Et ils se sont dit que ce serait bien de s’approprier la vigne. Alors quand le maître envoie des émissaires, ils les battent, ou les tuent. Même le propre fils du maître qu’ils ne voient que comme l’héritier ! C’est l’égoïsme, le désir de puissance, de pouvoir, l’argent … qui amènent la violence !

Alors Jésus leur demande de donner la conclusion de la parabole, à eux, les chefs des prêtres, les anciens du peuple, des pharisiens. Et la réponse est terrible : « Le maître les fera périr misérablement ! ». On reste dans le domaine de la violence. La violence qui entraîne la violence.

Réaction bien humaine, mais qui n’est sans doute pas celle que Jésus attendait. C’est lui le fils du maître, de Fils de Dieu. « Mais le monde de l’a pas reconnu » (Jn 1,10), les chefs des prêtres, les anciens, ne l’ont pas reconnu ! Mais Jésus ne veut pas la violence, il est venu pour les pécheurs, pour les amener à reconnaître leurs fautes, pour les pardonner.

Mais eux ne parlent que de mise à mort ! Eux qui seront à l’origine de la mise à mort de Jésus sur la croix ! Ils n’ont pas compris que la parabole les concernait, eux qui se comportaient comme les vignerons en se prenant comme les propriétaires du peuple juif, fixant les règles de ce qu’il faut faire ou ne pas faire, se mettant loin de Dieu.

Vraiment, « les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes » et vice-versa.

Jésus fait alors une autre référence à l’Écriture : « La pierre qu’on rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. ». Cette pierre qui est Jésus, déjà rejetée et qui le sera encore plus par la suite lors de sa Passion. Elle sera la pierre d’angle de l’Église lorsque Jésus sera ressuscité par son Père, elle sur qui se fonderont tous les apôtres : « Jésus le Nazaréen, … Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort » (Ac 2,24).

Et il continue : « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits ».

Et il n’y a pas de date pour cette prédiction, ni qu’elle ne sera utilisée qu’une seule fois concernant le peuple juif.

Peut-être que cela concerne aussi notre propre Église locale, mais aussi toutes les Églises d’Europe, voire de l’hémisphère nord. Peut-être trop de certitudes dans nos Églises qui sont peut-être trop sûres d’elles, peut-être trop hautaines …Elles sont encore vivantes, différemment d’autrefois, mais on sent bien le problème du manque de vocations, principalement sacerdotales. Alors que dans d’autres régions du globe, les vocations ne diminuent pas, et même augmentent. Dans les Églises d’Afrique, d’Amérique du Sud ou de l’Asie. Quand on lit il y a un mois que le Diocèse de Manado, en Indonésie, qui compte 106 600 catholiques, dispose de 157 prêtres pour 61 paroisses, que le grand séminaire avait 81 élèves l’an dernier, plus de cent cette année, et prévoit 190 élèves en 2018-2019, au point de devoir s’agrandir, on se dit qu’ils ont bien de la chance.

Sans doute, mais il faudrait aller plus loin, et ne pas se contenter d’un constat. Prions, non pas pour que Dieu appelle des jeunes de chez nous, ça il le fait tout le temps, mais pour que de nombreux jeunes acceptent de répondre à son appel, pour que les parents acceptent les désirs vocationnels  de leurs enfants, pour que de nombreuses personnes soient des incitateurs de vocations (et pas seulement les prêtres ou les religieuses).

En ce mois d’octobre, dédié à Notre-Dame du Rosaire, n’ayons pas peur de demander l’aide de Marie pour susciter des vocations de prêtres, religieux, religieuses. C’est elle qui a dit à Pontmain : « Mais priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher. »

Seigneur Jésus,

tu viens à nous comme un frère,

et nous, nous agissons

comme si nous étions supérieurs à toi,

nous prenant comme les propriétaires de ton Église.

Pardonne-nous,

nous sommes si peu devant toi.

 

Francis Cousin                     

              

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26ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 21, 28-32

 

« Lequel des deux à fait la volonté du père ? »

L’évangile de ce dimanche nous parle d’une situation que tous les pères ou mères de famille connaissent bien. Combien de fois disent-ils à leur enfant « Viens mettre la table. » et entendent « J’arrive ! » sans qu’il n’y ait de réaction un quart d’heure après ! Ou qu’au contraire ils demandent à leur enfant de ranger leur chambre et s’entendre répondre : « Wouais non, elle est bien comme ça ! », et sont tout surpris de la voir bien nette quelques temps après.

Cette Parole de Jésus nous concerne tous, que nous soyons dans le rôle du père ou dans celui de l’enfant. Et quand nous sommes dans celui de l’enfant, selon les cas, nous pouvons dire « oui » et ne rien faire, ou dire « non » et faire quand même. Et nous sommes tous (ou presque) confrontés à ce genre de situation.

Pourtant nous savons que Jésus a dit : « Que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. » (Mt 5,37), et parlant des scribes et des pharisiens : « ils disent et ne font pas » (Mt 23,3). Serions-nous comme les pharisiens ?

Prenons l’attitude du premier enfant : il commence par dire « non » puis va à la vigne. Pourquoi ce changement d’idée ? Avant de regarder l’enfant, voyons le comportement du père. Jésus n’en dit rien, parce que justement, il ne dit rien. Il “n’engueule” pas son fils, ce qui risquerait de le conforter dans son refus, dans son obstination. Il laisse son fils devant son problème, et il continue à l’aimer, comme le père du fils prodigue : il attend qu’il revienne sur sa décision.

Devant l’amour de son père, le fils se ravise et pars à la vigne, non pas par amour de la vigne, dont il n’a sans doute que faire, mais par amour, peut-être inconscient, ou par respect pour son père. L’amour entraîne l’amour.

Pour le second enfant, il dit « oui », peut-être par habitude, sans réfléchir, peut-être sans même savoir ce que son père lui a dit. Il répond par réflexe mais se moque complètement de son père, il ne pense qu’à lui et à ses habitudes. Il n’y a aucun lien d’amour entre lui et son père.

Le passage à l’action est une réponse à l’amour du père (du Père !), est une question d’amour filial. Si celui-ci existe, l’action se fera, même après un refus. Si celui-ci n’existe pas, l’action ne se fera pas malgré une acceptation de pur formalisme, qui n’est qu’une parole sans fondement, détachée du cœur.

Une fois de plus, Jésus nous montre que les paroles ne suffisent pas, mais que l’important est l’action qui en découle : « Ce n’est pas en (…) disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21). Saint Jacques dit aussi la même chose : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. (…) par les œuvres, la foi devint parfaite. » (Jc 2,18.22).

Il faut donc mettre en conformité le dire et le faire.

La Parole de l’Évangile nous met-elle en route, en déplacement pour nous changer, nous convertir, nous ouvrir à Dieu et aux autres ?

Est-ce que nous nous posons la question : « Que devons-nous faire ? » comme le faisaient les auditeurs de Jean-Baptiste pour changer leur cœur, pour passer à l’action. Est-ce que nous la posons à d’autres, dans nos groupes, dans nos équipes, nos mouvements ? Est-ce que nous la posons à un prêtre ?

Que répondons-nous à Dieu qui nous dit, à nous aussi : « Va travailler à ma vigne », et qui le fait sans arrêt, comme dimanche dernier, pour que nous puissions aller dans le Royaume des Cieux ?

« N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ, laisse-toi regarder car il t’aime. »

Laisse-toi regarder par le Christ jusqu’au fond de ton cœur, et laisse-le faire … pas de manière passive, mais active. Alors, il changera « [ton] cœur de pierre … [en] un cœur de chair. » (Ez 36,26).

Seigneur Jésus,

tu nous demandes de mettre en corrélation

nos paroles et nos actes,

notre foi et nos œuvres.

Mais c’est parfois difficile.

Donne-nous de rester fidèle à tes paroles.

 

Francis Cousin                     

              

                   

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25ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

Évangile selon Saint Matthieu 20, 1-16

 

Le poison de la comparaison.

Chômage, recherche d’emploi, …et d’un autre côté difficultés et faillites d’entreprises …

Ce mal actuel n’est pas nouveau, et déjà au temps du Christ se posait le problème des journaliers qui cherchait désespérément du travail pour pouvoir nourrir, vêtir et donner un minimum de confort à leur famille, et surtout ne pas rester oisifs, sans rien faire de la journée.

Alors, dans l’évangile, quelle aubaine pour ces hommes de trouver un maître qui accepte de les embaucher pour la journée ou une partie de celle-ci …

Et qui les paye tous le même montant, quelque soit la durée de leur travail, contre toute logique économique, au risque de faire faillite !

Ce qui entraîne des reproches de la part des premiers embauchés … qui mettent en avant des salaires égaux pour un temps de travail beaucoup plus long pour eux et dans des conditions plus difficiles.

Et a-priori, on est plutôt d’accord avec eux.

Mais que veut nous dire Jésus dans cette parabole ?

Dés le début de la parabole, il donne un élément essentiel pour la compréhension : « Le Royaume des Cieux est comparable … ».

Le Royaume des Cieux est ce qui vient à la fin de notre vie sur la terre, à la fin de notre journée (à l’échelle de l’éternité), et le maître, Dieu, donne à tous le même salaire, la même récompense : l’accueil dans le Royaume des Cieux.

Que nous soyons baptisés à notre naissance ou à la fin de notre vie, ou pas du tout ; que nous soyons convertis ou pas ; que nous soyons engagés dans l’Église ou pas ; que nous soyons évêque, prêtre ou laïcs, que nous soyons riches ou pauvres, intelligents ou non  … Dieu nous accueille tous dans le Royaume des Cieux, sauf si nous le refusons.

Mais nous, les hommes, comme les ouvriers de la première heure, nous faisons des comparaisons : « J’ai fait plus que untel pour l’Église … je suis meilleur(e) que lui … alors j’entrerai avant, ou je serai mieux placé(e) dans le Royaume des cieux » , ou dans le sens contraire : « Je ne suis qu’un(e) pauvre fidèle, je n’ai pas fais grand-chose pour l’Église, je ne prie pas tous les jours…. j’espère qu’il y aura une petite place pour moi, un strapontin. » comme le disait à Jésus la mère de Jacques et Jean : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. » (Mt 20,21).

            Mais Dieu n’est pas homme, comme il le disait au prophète Isaïe : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemin, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. » (1° lecture).

La bonté de Dieu est inconditionnelle. Elle n’est pas proportionnelle à l’importance de nos engagements, de nos efforts, de nos temps de prière … La seule chose que Dieu voit et retient, lui qui sonde les reins et les cœurs (Cf Jr 17,10), c’est si nous avons aimé, comme il nous l’a demandé. « Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » (1 S 16,7).

Arrêtons donc de nous comparer les uns les autres. Ce n’est pas facile, surtout que tout dans notre monde nous incite à le faire.

Remercions plutôt Dieu dans notre prière d’avoir donnée aux autres des talents que nous n’avons pas, et à nous-même des talents que n’ont pas les autres. Ainsi, en nous mettant ensemble, nous pourrons faire plus de choses et mieux que si nous sommes seuls … pour la Gloire de Dieu et le salut du monde.

Seigneur Jésus,

tu aimes tout le monde de la même manière,

et tu veux donner à chacun

indépendamment de ses mérites …

Et nous qui faisons tout

pour nous mettre en avant,

pour paraître aux yeux des autres …

qui n’arrêtons de faire des comparaisons …

Alors que seul l’amour compte …

 

Francis Cousin                      

                  

              

                   

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25ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

Lecture : Matthieu 20, 1-16

 

Frères et sœurs,

Voilà au moins une page d’évangile qu’on ne peut pas soupçonner d’être adaptée ou adaptable à la mentalité contemporaine. Cela n’a rien à voir avec le célèbre slogan: « Travailler plus pour gagner plus ! » Le moins qu’on puisse dire est que c’est un démenti absolument formel et qu’il y a désaccord et incompatibilité radicale.

Cela dit, même si l’évangile nous invite à penser autrement, bon nombre de questions sont posées par ce texte. Nous les avons présentes à l’esprit. C’est quand même un peu étrange que Dieu – car vous l’avez reconnu, c’est bien le Père propriétaire, le maître de la vigne – se comporte de cette façon-là. En fait, qu’on le veuille ou non, il y a bien une justice. Quand on a travaillé douze heures – c’est le système horaire des Romains où la première heure est à six heures et la onzième est à dix-sept heures –, il est évident que c’est un peu plus fatigant et onéreux que quand on travaille simplement de dix-sept à dix-huit heures. C’est vrai qu’il y a là une injustice flagrante. On peut donc vraiment soupçonner Dieu, le maître de la vigne, d’arbitraire absolu. C’est d’ailleurs un soupçon qu’il pressent de la part des ouvriers qui réclament, car Il dit : « S’il me plaît de donner à ces derniers autant qu’à vous, pourquoi ne le ferai-je pas ? » Alors, Dieu est-Il l’arbitraire absolu ?

Il ne faut pas être dupe. Il y a eu beaucoup de commentaires de théologiens très avisés pour aller dans ce sens : l’évangile, la vérité du salut, ce que Dieu nous a révélé, vont nécessairement à rebrousse-poil de ce que nous pensons. Cette parabole est bien l’illustration radicale du paradoxe des chrétiens. Finalement, Dieu se plaît à semer la panique et le désordre dans ce qu’on croit devoir être l’ordre établi pour justifier un comportement arbitraire. Cela renvoie au bon larron qui a travaillé moins d’une heure et a obtenu le Royaume des cieux dans les dernières minutes de sa vie. Comme le disait Jean Chrysostome : le larron est un voleur, – à savoir sa philosophie –, il a volé jusqu’au bout puisqu’il a même volé le Royaume de Dieu. Le larron est la parfaite illustration de la parabole. Alors, faut-il se comporter de cette manière pour entrer le premier en gloire dans le Royaume de Dieu ? Reconnaissons quand même que le premier à être entré dans le ciel, c’est le larron, accompagné du Christ. Non seulement il a gagné sa place, mais il a gagné la première place avant tous les apôtres !

Le comportement de Dieu est-il l’arbitraire ? Cela peut encore conduire à une célèbre formule : « Pèche fortement mais crois plus fortement encore ». C’est l’arbitraire de Dieu qui finalement ne tiendrait pas compte de ce qu’on se soit donné du mal ou que l’on ait été pécheur. Tout le monde hérite du paradis et comme le dit la chanson : « On ira tous au paradis ». Laissons faire, laxisme absolu, plus d’effort ni de concentration sur les qualités et les exigences de la vie chrétienne, de toute façon, rendez-vous au point d’orgue !

Ce point de vue-là n’est pas défendable. Si Dieu a vraiment introduit l’arbitraire du comportement par rapport aux hommes, Il n’est pas juste et il y a quelque chose qui ne va pas. D’autre part, il faut bien reconnaître que dans la parabole, le comportement des ouvriers de la première heure, ceux qui ont bossé douze heures, leur récrimination n’est pas tout à fait fondée. La parabole est assez habile, on nous dit que le maître va voir les premiers ouvriers à six heures pour l’embauche et il leur dit : « Venez à ma vigne, je vous donnerai un denier« . Mais ensuite, la parabole se garde bien de dire à quel tarif les suivants sont embauchés. C’est un peu l’astuce de la parabole. Les autres ont été embauchés, c’est tout. Comme il n’y a pas de salaire convenu, on ne peut pas non plus trop récriminer. Il y a même des exégètes qui par souci de justice sociale ont dit : « C’est bien connu, ceux qui viennent travailler seulement en une heure abattent parfois plus de travail que ceux qui ont travaillé pendant douze heures ». Je n’irai pas jusque-là et cela m’étonnerait que la parabole ait eu cette teneur dans l’esprit de Jésus : plus on est embauché tard, plus il faudrait travailler vite pour réussir.

Toujours est-il qu’il est vrai que la récrimination des ouvriers de la première heure tombe un peu à plat. Sur quelle base de convention syndicale s’appuient-ils ? Aucune, puisque eux-mêmes ont leur dû et reçoivent ce qui était convenu. Le maître d’ailleurs ne se fait pas faute de le leur rappeler : « Je ne t’ai pas lésé« . Il n’a pas imposé des choses qui n’étaient pas convenues au préalable. Il a convenu avec eux d’un denier, c’est terminé !

Où est la pointe de la parabole ? Si les récriminations en fonction de la justice ne sont apparemment pas respectées, si d’autre part ce n’est pas arbitraire de la part de Dieu, où est la solution ? C’est pour cela que cette parabole est un peu délicate et difficile à interpréter.

Je crois que le fond du problème est à chercher ailleurs. « Pourquoi faut-il que tu regardes avec un œil jaloux parce que je suis bon ? » En fait, le maître, propriétaire de la vigne, fait à chacun, quels que soient les horaires, la grâce de venir travailler à la vigne. Par rapport au salaire, à la récompense, à la justice comprise au sens de la rétribution, il y a avant cela une convention préalable qui aujourd’hui n’existe plus dans les entreprises, à savoir le fait d’être invité à la vigne. La première chose, c’est l’invitation. Ce qui est fondamental, c’est la grâce qui est faite à toute heure de pouvoir venir travailler à la vigne. C’était cela le souci du maître, il aimerait pouvoir trouver tout de suite, dès le matin, tous ceux qui doivent travailler à la vigne. De fait, cela ne se passe pas exactement ainsi. Il suffit de regarder l’histoire du monde pour s’apercevoir que l’appel au salut retentit dans l’histoire. Cet appel a commencé avec Abraham et il continue. Nous ne sommes peut-être pas les ouvriers de la onzième heure, nous sommes peut-être ceux de trois heures ou de midi.

La première chose qu’il faut considérer, c’est la grâce par laquelle nous sommes appelés. Avant le système de rétribution induit par l’invitation, c’est l’invitation qui est première, le contrat de confiance avant la manière concrète de le réaliser par un salaire. C’est fondamental. Dans toutes les grandes décisions de notre vie, le contrat de confiance est la réalité première par rapport à la suite des modalités dans lesquelles il va être appliqué.

Voici la pointe de la parabole : quand les premiers appelés récriminent, que font-ils ? Ils n’ont pas vu la grâce qui était faite à leurs autres frères de venir eux aussi travailler à la vigne. Ils n’ont considéré le travail de la vigne que sous leur aspect personnel : c’est nous les premiers, c’est nous qui avons travaillé. Eux ? Ils ne sont rien ! La pointe de la cette parabole, c’est le moment où les ouvriers disent au maître : « Nous sommes les vrais ouvriers, eux, ce ne sont pas des vrais. Ils sont venus trois heures, neuf heures, une heure, ils ne sont rien ». Le péché des ouvriers à travers la récrimination, c’est de considérer qu’il y a une catégorie d’hommes qui ne compterait pas, qui ne serait pas très sérieux. A ce moment-là, ce sont les ouvriers de la première heure qui créent la rupture et la séparation entre eux et les autres. C’est comme s’ils disaient au maître : « Il n’y a que nous qui avons le droit au salaire. Les autres, Tu les as appelés mais bien après nous et ce n’est pas sérieux ».

Ce problème est fondamental, c’est celui de l’élection au sens théologique du terme, le fait d’être appelés. Est-on appelé par souci de se distinguer des autres, de se mettre dans la différence avec les autres et de créer la rupture ? La religion elle-même devient alors l’occasion d’une séparation et d’une rupture. Ou bien au contraire, quand on voit les autres qui sont appelés, même plus tard, on devrait avoir le réflexe de se réjouir en disant : « Nous avions été appelés, mais c’est magnifique que d’autres soient aussi appelés plus tard ! »

Frères et sœurs, cette parabole est traditionnellement comprise comme le rapport d’Israël avec la mission auprès des païens. C’est vrai que dans les premières communautés il y a eu des problèmes de cet ordre. Peut-être qu’un certain nombre d’interprètes stricts de la Loi disaient : « Cela fait douze heures que nous avons travaillé sous la Loi, depuis Abraham et Moïse et les autres, vous les dispensez de la circoncision, des observances etc. ? » Et pourtant, l’Église avec la Parole de son Seigneur a dit : « C’est ainsi. Si les païens sont appelés, on n’a pas à les regarder de loin ou de haut, ils sont appelés et la grâce vaut pour eux comme pour nous ». A aucun moment la perspective religieuse que l’on a ne peut justifier une coupure à l’intérieur de l’humanité.

Rendons-nous compte de ce qu’impliquent la profondeur et l’exigence de cette parabole. Elle veut dire que toute la tradition, aussi bien juive que chrétienne, présente la foi et la relation avec Dieu comme un don, une grâce. Cela ne permet en aucun cas que la grâce et la religion créent une coupure à l’intérieur de l’humanité. Même si pour l’instant il y a des gens qui ne sont pas encore appelés, cela ne justifie pas de la part de ceux qui sont appelés de les traiter comme s’ils n’étaient « rien » parce qu’ils ne sont pas croyants ou qu’ils n’ont pas répondu à l’appel.

Frères et sœurs, il y a là quelque chose pour nous aujourd’hui d’absolument fondamental. C’est vrai qu’il faut tenir que l’appel que nous avons reçu exige que nous soyons véritablement des membres qui travaillons à la vigne de Dieu, que nous portions le poids du jour et de la chaleur si effectivement depuis l’enfance nous avons été baptisés. Mais en même temps, cette grâce, ce travail à la vigne ne nous donnent aucune supériorité, aucun motif de nous couper et de nous considérer comme supérieurs aux autres. Les autres sont potentiellement appelés, ils le restent et si nous ne les regardons pas comme ceux qui doivent aussi toucher le dernier la résurrection, alors c’est nous qui cassons tout le plan de Dieu sur sa vigne, la vendange, la récolte et tout simplement le bonheur de se retrouver ensemble dans cette vigne. Amen.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

 

Frères et sœurs,

La parole qui nous a été donnée aujourd’hui dans l’évangile est une parole de miséricorde et de pardon. C’est cette parabole d’un serviteur qui devait à son maître une grande somme. Le maître lui en fait remise, mais ensuite, lorsque ce serviteur a rencontré un de ses débiteurs sur le chemin, alors même qu’il venait d’être acquitté de sa dette, il va jusqu’à faire enfermer ce débiteur qui lui devait beaucoup moins. Par ce geste, il a encouru la colère et le châtiment de celui qui lui avait auparavant remis sa dette. Les termes de la parabole sont clairs. Le premier, le Maître qui pardonne à son serviteur, c’est Dieu. Le serviteur à qui est remise la dette si importante, c’est chacun de nous. Le troisième personnage, c’est le prochain à qui nous devons pardonner et faire miséricorde parce que le Seigneur Dieu nous a Lui-même fait miséricorde. Seulement, il s’agit de bien entendre ce que signifie le pardon.

En effet, nous avons une si curieuse appréhension de notre vie chrétienne que nous pensons qu’elle comporte plusieurs degrés. Il y aurait d’abord l’amour du prochain, ceux que nous aimons bien ; puis un peu d’amour pour ceux qui nous sont indifférents, puis très peu d’amour pour ceux que nous ne connaissons pas et enfin pas du tout pour ceux qui ne nous aiment pas. Ou plutôt on admet un degré extrême qui est une sorte d’idéal proposé par le Christ à chacun de nous et qui est censé manifester une sorte de supériorité de la foi chrétienne sur les autres religions. C’est que nous, chrétiens, nous allons jusqu’au pardon des offenses et qu’ainsi, le pardon serait cette espèce de prouesse exceptionnelle que les chrétiens doivent manifester de temps en temps vis-à-vis de ceux qui leur ont fait du mal. Ou encore, nous avons une compréhension du pardon qui elle, serait beaucoup plus psychologique : le pardon vu comme une sorte de lâcheté, le fait de pardonner consistant simplement à passer l’éponge sur telle ou telle offense, à oublier et ne plus tenir compte, à « faire comme si rien ne s’était passé » et à laisser passer tel ou tel évènement par profits et pertes. Dans un cas comme dans l’autre, je crois que le sens de la miséricorde et du pardon est un sens purement humain. C’est soit une prouesse morale mais humaine, soit une faiblesse morale mais également humaine. Dans un cas comme dans l’autre on ne voit pas pourquoi Dieu se serait dérangé pour venir nous enseigner cela.

C’est que, pour comprendre la vérité même du pardon, il faut la saisir à partir de la manière dont l’homme a été voulu et créé par Dieu. Dès les premières pages de la Genèse, nous savons que l’homme a été créé à l’image de Dieu et que cette image ne passera jamais. Même si l’homme pèche, il reste au plus profond de lui-même image de Dieu, une image ternie, abîmée et dépouillée, mais une image quand même. Or cette image de Dieu qui, au sixième jour de la création, sort des mains de Dieu, c’est l’homme devant lequel s’émerveille tout l’Ancien Testament, l’homme qui reflète la gloire de Dieu, l’homme fait pour vivre dans l’amitié de Dieu, dans l’amour et dans la joie d’un amour partagé. Mais voilà que l’homme a renoncé à vivre ainsi. L’homme a renoncé à partager l’amour de Dieu et il a pris l’initiative de ce que nous appelons le péché, c’est-à-dire d’abîmer cette image de Dieu.

Et une des conséquences de ce péché, est d’avoir, en quelque sorte, contraint l’amour de Dieu à être pardon et miséricorde. Certes, depuis toujours cet amour, si j’ose dire, de la part de Dieu était capable de miséricorde. Mais, à partir du moment où nous avons repoussé cet amour merveilleux que Dieu nous a offert, nous avons contraint Dieu à être pour nous miséricorde et pardon. Non pas un pardon qui laisse les choses aller, mais un pardon qui n’a qu’une envie, c’est de ressusciter et de renouveler, de l’intérieur, ce qui a été défiguré.

A partir de ce moment-là, la miséricorde et le pardon de Dieu sont une source sans cesse jaillissante qui empêche, jour après jour, que le monde ne s’écroule sous la pression de la haine, de la violence et du péché. Ainsi cette miséricorde de Dieu, à laquelle nous l’avons contraint, c’est le monde nouveau dans lequel nous prenons vie. Dieu est miséricorde et pardon parce que nous l’y avons contraint. Mais c’est l’imagination extraordinaire de Dieu, que, voulant nous sauver, Il ait voulu retourner en nous l’image et la restaurer pleinement. Il l’a restaurée non seulement en nous donnant d’aimer, mais Il l’a restaurée en nous donnant d’aimer comme Lui nous aime. Parce qu’Il est devenu un amour miséricordieux et qui pardonne, voici que nous-mêmes nous sommes « contraints » à devenir miséricorde, à devenir un amour qui pardonne. Et désormais, nous aussi, nous sommes pris au jeu. Dieu nous contraint à la miséricorde si nous voulons vraiment vivre à son image et à sa ressemblance. Le pardon et la miséricorde ne sont donc pas quelque chose de facultatif, une prouesse qu’on arriverait à faire de temps en temps, mais ils constituent la véritable et unique manière dont nous devons nous situer toujours les uns par rapport aux autres. Si nous voulons vraiment, intimement, refléter la gloire de Dieu et l’amour de Dieu qui pardonne, nous ne pouvons être que miséricorde. Et c’est ainsi que nous devons être, les uns avec les autres, devenant source de grâce et d’espérance les uns pour les autres.

C’est extrêmement difficile à vivre et ce n’est pas sans problème, mais c’est fondamental pour notre existence de chrétiens. Si nous ne sommes pas des chrétiens qui pardonnons, nous ne sommes pas des chrétiens.

Je sais toute la difficulté qu’il y a à vivre ainsi aujourd’hui. Nous vivons, plus que jamais, dans un monde qui méconnaît au plus profond de son cœur, la réalité de cette image de Dieu, comme amour de pardon et comme miséricorde. C’est une raison supplémentaire pour nous, qui avons reçu par notre baptême la grâce de la miséricorde, d’en témoigner au milieu des pires violences, au milieu des situations les plus déconcertantes, les plus absurdes. Il faut que nous sachions que la seule chose qui réponde à la violence c’est la vérité du pardon qui n’est ni lâcheté, ni prouesse morale extraordinaire, mais qui est le resplendissement de la gloire miséricordieuse de Dieu sur notre monde déchiré. Amen.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

 Évangile selon Saint Matthieu 18, 21-35

 

« Combien de fois dois-je lui pardonner… ?»

La question de Pierre peut surprendre. Parce que pour la plupart d’entre nous, la question n’est pas le nombre de fois qu’il faut pardonner, mais de pardonner, ne serait-ce qu’une fois. Pierre propose à Jésus d’aller jusqu’à sept fois, ce qui veut dire, dans le langage biblique, tout le temps.  Mais pour Jésus, cela lui semble insuffisant : 70 fois sept fois : c’est un super-superlatif, plus que tout le temps, sans arrêt. C’est une dimension qui n’est pas concevable pour un humain et qui est du seul domaine de Dieu.

Parce que Dieu ne cesse de nous pardonner, depuis tout le temps jusqu’à tout le temps. Dieu, qui est tout amour, ne peut faire autrement, tant il veut que nous soyons dans le bonheur, libérés de nos fautes.

Nous sommes tous pécheurs, et Dieu nous pardonne tout, hormis le péché contre l’Esprit (« Si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné. » Lc 12,10), et il nous pardonne gratuitement, sans rien demander en compensation. Dieu n’est que pardon, on pourrait dire, en utilisant un néologisme, que Dieu est LE pardonneur.

Et son Fils Jésus nous l’a montré de manière très forte quand il était sur la croix : malgré tout ce qu’il venait de subir, sa Passion, son crucifiement, il peut dire : «  Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34).

Comme il nous l’a demandé (« Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait » Mt 5,48), nous devons nous aussi suivre son exemple, et pardonner gratuitement, sans attendre que ’’l’offenseur’’ se présente devant nous pour demander notre pardon. C’est à nous à aller vers lui pour lui donner notre pardon, voire lui pardonner sans même aller vers lui. Dans ce cas, il ne saura pas que nous l’avons pardonné, mais l’essentiel est que nous, nous savons que nous l’avons pardonné, et que nous soyons en paix dans notre cœur.

C’est dur de pardonner,  car nous avons plutôt tendance à vouloir nous venger, en rajouter, ne pas passer pour une mauviette … Pardonner n’est pas vraiment dans la nature humaine. Mais c’est dans la nature divine, et nous devons nous en approcher.

Cela fait partie de nos croix : quitter nos rancœurs, notre fierté, passer par-dessus les apparences, la peur de passer pour un faible … pour être à l’image de Jésus.

Pardonner aux autres le tort qu’ils nous ont fait.

Mais aussi demander pardon du tort que nous-même avons fait envers les autres.

Et par conséquence envers Dieu, puisque toute faute est une rupture d’amour, envers les autres et envers Dieu, envers le commandement d’amour que Jésus nous a donné et que nous n’avons pas respecté.

Le pardon de Dieu, il nous est donné par le sacrement de la réconciliation, par l’intermédiaire d’un prêtre qui nous donne le pardon au nom de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. « Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. » (Ps 50,4).

Dieu nous pardonne toujours. Même nos grosses fautes (10 000 talents dans l’Évangile, soit l’équivalent de plus de 300 millions d’euros, plus que tout ce que nous pourrons gagner dans notre vie !!!).

Mais attention. Dans le Notre Père, que Jésus nous a donné, on dit : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. ». Ce n’est pas « Je pardonnerai comme tu m’as pardonné », ce qui n’aurait pas de sens puisque Dieu pardonne tout et que nous nous savons pécheurs. Cette demande de pardon met en avant une exigence préalable pour nous : pardonner aux autres. Ce qui nous engage fortement. Et notre demande ne peut que compter sur la miséricorde de Dieu à la fin des temps. Et si je ne pardonne pas, je suis dans une position fausse, et dans ce cas les deux dernières phrases de l’évangile de ce jour sont très claires : « Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait. C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. ».

Il s’agit donc d’avoir une attitude de pardon au fond de son cœur (une attitude qui n’est pas passive, mais totalement active). Ce qui ne peut se faire que si on passe par-dessus son orgueil : « Purifie-moi [des erreurs] qui m’échappent. Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil : qu’il n’ait sur moi aucune emprise. Alors je serai sans reproche, pur d’un grand péché. »  (Ps 18,13-14).

Seigneur Jésus,

il nous est bien difficile de pardonner

à celui qui nous a fait du tort.

Mais tu nous as montré l’exemple sur la croix.

Aide-nous à pardonner …

et à demander pardon pour nos fautes.

 

Francis Cousin                     

              

                   

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23ième Dimanche du Temps Ordinaire par Francis Cousin

 Évangile selon Saint Matthieu 18, 15-20

 

« Si ton frère a commis un péché contre toi…   

… va lui faire des reproches seul à seul. »

Voilà une parole de Jésus qu’on a du mal à entendre, et à laquelle on ne s’attend pas vraiment.

Pourquoi irai-je le voir ? Lui donner mon pardon alors que je suis la ’’victime’’ ? Et on a plutôt envie de dire que c’est à lui de venir de voir pour demander mon pardon…

Réaction bien humaine ! « Les chemins de Dieu ne sont pas ceux des hommes. »

Mais l’autre, même s’il se rend compte qu’il a mal fait, bien souvent, il n’ose pas bouger, parce qu’il a honte, parce qu’il ne sait comment s’y prendre pour renouer les liens (au même titre que nous), par respect-humain … Et peut-être tout simplement ne s’est-il pas rendu compte qu’il avait mal fait ou qu’il avait blessé quelqu’un … Cela arrive !

Mais si quelqu’un nous a fait du mal, si lui ne s’en rend pas compte, nous, nous le sentons, et parfois vivement. On peut avoir des sentiments de stupéfaction, de colère, de haine, voire des désirs de vengeance …

Et on tombe dans l’engrenage de la violence …

Et on risque de faire supporter aux autres le ’’mal-vécu’’ qui est en nous !

Pour un chrétien, ce n’est pas possible.

Au nom de l’amour que Dieu a pour nous, qui est de toujours et qui restera pour toujours.

Dieu nous a aimés le premier, et ne cesse de nous aimer.

Et il nous demande de faire de même : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ce que saint Paul nous rappelle en disant : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. » (2° lecture).

Alors on comprend la parole de Jésus : « Va lui faire des reproches seul à seul. ».

Ce n’est pas une suggestion (« Ce serait bien que tu ailles le voir… »), ce n’est pas facultatif : c’est un ordre ! Un Commandement !

A nous, victimes, de remettre les autres dans le droit chemin ! Pour que vive la paix !

Au risque de passer pour des « pères ou des mères-la-morale »,  des gens qui se veulent vertueux, ce qui, en toute honnêteté, nous ne sommes pas puisque le péché est en chacun de nous.

Pour suivre ce commandement de Jésus, il nous faut d’abord nous pardonner à nous-même ce que nous avons fait de mal, pour pouvoir aller dire aux autres le mal qu’ils nous ont fait. Reconnaître ses propres fautes, c’est nous réconcilier avec nous-même, et en même temps se réconcilier avec Dieu, se retourner vers lui, une façon de reprendre contact (ou de le maintenir) avec lui, et partant, dans la prière, recevoir le courage d’aller vers l’autre.

Non pour lui ’’dire son fait’’, comme on le dit parfois avec hargne, mais pour lui dire, calmement, qu’il nous a fait du mal, et que nous sommes prêts à lui accorder son pardon s’il reconnaît ses fautes.

Ce commandement de Jésus est dit de manière encore plus claire dans la première lecture : « [Si] tu ne l’avertis pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. ». Si on ne va pas vers celui qui nous a fait du tort, pour Dieu, on se fait complice de son péché, et on ne sera pas reçu dans le Royaume des Cieux. Par contre, si on va vers lui, s’il se repent, les deux pourront aller aux Cieux, et s’il ne se repent pas, lui seul sera déchu. C’est pour nous, clairement, une condition pour aller dans le Royaume des Cieux.

Et c’est toujours une occasion de promouvoir la paix. Dans l’Évangile, Jésus termine en disant : « Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. ».

Essayons toujours de nous mettre d’accord avec les autres, autant qu’il est possible.

Seigneur Jésus,

tu nous demandes toujours des choses difficiles

pour nous les humains,

mais qui pour toi sont naturelles,

parce que tu es tout amour.

Pour nous, il faudra d’abord passer

par-dessus notre amour propre.

 

Francis Cousin                     

              

                   

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