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La Sainte Trinité par Francis COUSIN

 

« Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. »

Au début et à la fin de chaque moment de prière ou de célébration, nous faisons le signe de la croix qui est devenu le signe de reconnaissance des chrétiens du monde entier, en disant en même temps ces paroles qui nous rappellent les trois personnes de la Trinité.

Après Pâques, résurrection de Jésus par son Père, l’Ascension de Jésus pour retrouver son Père, et la Pentecôte qui est la venue de l’Esprit Saint sur les disciples, l’Église nous invite ce dimanche à prier ensemble ces trois personnes qui ne forment qu’un seul Dieu, et qu’on appelle la Trinité.

Les textes de ce dimanche ne parlent pas de ’’La Trinité’’ puisque ce terme a été utilisé pour la première fois par Tertullien au début du 3° siècle. Mais cette notion était déjà présente auparavant. Jésus lui-même associe les trois personnes de la Trinité lors de l’envoi en mission des apôtres : « Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit… » (Mt 28,19), de même que saint Paul dans la dernière phrase de sa seconde lettre aux Corinthiens : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient toujours avec vous tous ». Phrase qu’on connaît bien puisqu’elle ouvre habituellement la célébration de la messe, avec cependant cette précision « Dieu le Père… » pour éviter toute confusion.

Les lectures nous parlent de ce qui fait l’essence même de la Trinité : l’Amour, le pardon et la paix.

Dans la première lecture, Dieu, après avoir dit son nom à Moïse lors qu’une première rencontre, se définit en ce qui est son essence : « Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ». Et il dit cela alors que le peuple hébreux, trouvant l’attente de Moïse trop longue, avait créé et adorait un veau d’or, entraînant la colère de Moïse et le bris des tables de la loi, l’obligeant à remonter avec de nouvelles tables. Entendant cela, Moïse excuse le peuple et s’enhardit à dire : « Tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage.  Tu ne peux pas nous laisser tomber, si tu es plein d’amour ! »

Un amour tellement fort pour qu’après bien des péripéties, Dieu envoie son Fils, donne son Fils unique pour que ceux qui croiront en lui aient la vie éternelle. Et la vie éternelle nous est donnée par Jésus sur la croix, en mourant pour nous. « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » (Jn 17,3). Qu’ils te connaissent, c’est-à-dire soient avec Dieu, qu’ils participent à l’Amour divin qui est l’amour du Père et l’amour du Fils, et donc aussi l’amour du Saint-Esprit qui est l’amour réciproque du Père et du Fils.

Tout est une question d’amour.

C’est ce qui fait l’unité de trois personnes de la Trinité.

Et c’est ce que Dieu souhaite pour nous : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jn 17,23-25).

Cette unité dont parle aussi la deuxième lecture : « Soyez d’accord entre vous, soyez UN ». Et cela vous donnera la paix et l’amour, au minimum, puisqu’en trois phrases, le mot paix revient trois fois, et le mot amour deux fois.

 

Trinité Sainte,

Père, Fils et Esprit,

unis par l’Amour entre vous

et pour nous les humains,

tu es toujours avec nous,

dans les bons moments comme dans les épreuves.

Fais que nous soyons unis comme vous l’êtes

dans l’amour des uns et des autres.

 

 

Francis Cousin




La Sainte Trinité – par le Diacre Jacques FOURNIER

  L’Amour ne condamne jamais, il sauve…

 (Jn 3, 16-18)

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »
Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

 

   « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) répète St Jean par deux fois. Chaque Personne de la Trinité est donc Amour, en tout son être. Et il écrit encore : « Le Père aime le Fils », un présent qui a, pour Dieu, valeur d’éternité, « et il a tout donné », et il donne encore tout  « en sa main » (Jn 3,35). Telle est l’action éternelle du Père vis-à-vis du Fils que St Jean précise ici comme étant « l’unique », l’unique éternellement engendré par le Don du Père, « engendré non pas créé, de même nature que le Père »…

            Ainsi, le Père est Amour, et puisqu’il est Amour, il est tout entier Don de lui-même. Et c’est par ce Don éternel qu’il fait de lui-même, qu’il engendre « le Fils unique », « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu ». « Le Fils unique » reçoit ainsi éternellement du Père d’être Dieu, d’être Amour, et donc d’être lui aussi Don de lui-même… « Père, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ». Ainsi, le Fils nous donne ce qu’il a reçu du Père : la vie éternelle. « Comme le Père, en effet, a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir, lui aussi, la vie en lui-même »,  et « je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait surabondante » (Jn 17,1-2 ; 5,26 ; 10,10).

            Tout l’agir du « Fils unique » ne sera donc que l’expression de ce qu’il est, Amour, Don de lui-même… Et l’Amour cherche toujours et partout le meilleur pour l’être aimé, un meilleur qui n’est possible, pour nous pécheurs, que par ce Don éternel que l’Amour fait de lui-même, tout simplement parce qu’il est Amour… Par son péché, le pécheur court à sa perte ? Dieu, de son côté, ne cessera de vouloir pour lui le meilleur, et donc de lui proposer, lui proposer et lui proposer encore sa vie éternelle « pour qu’il ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle ». « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23).

            Et si, pour les hommes, juger c’est « faire la vérité et condamner à être enfermé en prison », pour Dieu, juger, ce sera toujours « faire la vérité », mais « celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3,21), la lumière du « Père des lumières » (Jc 1,17), du « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) dont la seule attitude sera l’offrande illimité de son pardon, pour libérer le pécheur de toutes les entraves du mal, et le conduire dans « la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,21). Ainsi, « qui croit en lui n’est pas jugé » au sens de condamné, mais « sauvé » : il vit, par la Miséricorde de Dieu accueillie par sa foi et dans la foi, ce qu’il n’aurait jamais pu vivre par lui-même…                                              DJF




La Pentecôte par Francis COUSIN

 

« Les disciples furent remplis de joie… »

La première lecture nous raconte la venue de l’Esprit Saint sur les disciples de Jésus : les douze apôtres (Matthias remplaçant Judas), quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et quelques frères dans la foi. C’était le jour de la Pentecôte, une grande fête juive pour célébrer le don de la loi par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, qui rassemblait des juifs venus de tout le bassin Méditerranéen. Soudain, un grand bruit, du vent, et des langues de feu qui se posent sur chacun des présents dans la salle haute, et aussitôt, ils parlent en d’autres langues. C’est la venue de l’Esprit Saint sur les disciples, promis par Jésus avant qu’il ne monte vers son Père. Enhardi par la force de l’Esprit, les disciples annoncent la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité, et tout le monde peut les comprendre. L’Évangile est pour tous, de toute langue et de toute nation, de toute catégorie sociale, juifs, païens, esclaves, hommes libres, tous sont destinataires de la Bonne Nouvelle, grâce à l’Esprit qui conduit chacun « dans la vérité toute entière » (Jn 16,13).

L’Évangile nous ramène cinquante jours en arrière, le soir de Pâques. Les disciples étaient enfermés dans la salle haute, « par peur des juifs », quand Jésus ressuscité se trouve au milieu d’eux : « La paix soit avec vous », il se fait reconnaître par ses blessures, et tout de suite trois moments :

1- « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Jésus a été envoyé pour faire la volonté de son Père, pour dire et faire ce qu’il voulait ; de la même manière, Jésus envoie les disciples pour qu’ils fassent sa volonté, c’est-à-dire annoncer la Bonne Nouvelle. Et comme le Père était avec Jésus, celui-ci sera avec ses apôtres.

2- « Il souffla sur eux et leur dit :’’Recevez l’Esprit Saint’’ ». On assiste à une re-création de l’homme, à l’image de la Genèse : « Dieu insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7), et comme l’avait dit Ézéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau » (Ez 36,26). Comme si Jésus voulait remettre les disciples dans l’état d’avant le péché originel, avec la force de l’Esprit Saint.

3- « A qui vous remettrez les péchés, ils seront remis… ». Les disciples sont envoyés dans le monde pour annoncer que Jésus est ressuscité, mais surtout pour expliquer pourquoi Jésus est venu sur terre : pour montrer la grandeur de l’amour de Dieu pour tous les hommes et pour les sauver du péché, pour dire à tous que, vraiment, Dieu est un « Dieu plein d’amour et de miséricorde » (cf Ps 85,5), pour dire que « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1) et que sur la croix, il versa son « sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Mt 26,28).

Le pardon des péchés est une preuve d’amour de Dieu pour les hommes.

Tous les péchés ont pour origine un manque d’amour, pour Dieu ou pour les hommes. Pardonner les péchés, c’est remettre de l’amour, d’abord dans le cœur de celui qui a péché, mais aussi dans le cœur de ceux qui ont ‘subi’ le péché par la réconciliation.

On comprend alors que ce soit la première mission qui soit donnée aux disciples : pardonner les péchés, pour que chacun puisse se tourner vers le Père et soit accueilli par lui dans son paradis.

Mais il n’y a pas que les prêtres qui peuvent pardonner les péchés. Sacramentellement, oui, au nom de la Trinité. Mais pour le pardon ordinaire (même si souvent cela n’a rien d’ordinaire…), cela concerne tout le monde, et pas seulement les chrétiens.

Et non seulement il faut pardonner les fautes des autres et demander le pardon des nôtres, mais il nous faut aussi prier pour la conversion des pécheurs, ainsi que nous le rappelle Marie lors des apparitions de Lourdes ou de Fatima, ou comme on le dit dans le Je confesse à Dieu.

Que l’Esprit Saint nous aide à devenir ‘pleins d’amour et de miséricorde’, à l’image de Dieu, dans la paix et dans la joie de Pâques … qui dure tout le temps.

Seigneur Jésus,

Tu nous envoie l’Esprit Saint

 pour qu’il soit avec nous tous les jours,

pour nous aider à aller

vers ton Père et vers les autres, 

unis dans ton Église,

dans la diversité de chacun.

Francis Cousin

 




7ième Dimanche de Pâques – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Frères et sœurs, il vous est sans doute arrivé à l’un ou l’autre moment grave de votre vie, de vous trouver face à un être proche, très intime, un ami, une épouse, un fils, un père, une mère, qui à ce moment-là était accablé d’un immense chagrin ou bien au contraire, débordant d’une joie profonde et pratiquement inexplicable. Et il vous est peut-être arrivé, généralement ces instants-là sont très profondément gravés dans notre mémoire, de tenir cette personne que vous aimiez ainsi, et dont vous compreniez toute la peine et toute la joie, de la tenir dans vos bras parce qu’alors il n’y a plus d’autre geste qui soit à la mesure de l’événement. Vous avez alors senti tout le poids d’un être, d’une existence qui vous est chère, s’abandonner tout d’un coup à vous, s’appesantir sur vous, comme si ce que cette personne portait en elle était trop lourd à porter pour elle seule, comme s’il fallait que d’une manière ou d’une autre, elle partage ce poids de souffrance écrasante ou cette joie débordante, poids qui de toute façon ne pouvait plus rester dans son cœur, ni dans sa chair, il fallait ce geste pour que soit communiquée la lumière d’une ineffable tendresse d’une amitié, d’un amour, et que dans l’impossibilité où nous sommes d’y communier totalement et parfaitement, parce que nous sommes autres que celui qui est en face de nous, nous recevions ce poids, ce fardeau que l’autre nous confie.

Et vous vous souvenez sans doute de ceci : dans un tel moment, on ne sait plus qui soutient l’autre. A la fois on a conscience de porter le poids de la présence, un poids que nous ne sommes pas capables de porter, et nous sommes comme éblouis par le fait que la personne que nous aimons et nous-mêmes, sommes trop petits et comme démunis, nous sentons que normalement nous devrions être écrasés, brûlés, réduits à rien. En fait, nous percevons tout à coup dans un simple acte de communion, dans un geste simple et inexprimable d’amitié, une sorte de ressource inespérée, une foi et une espérance qui nous permettent de tenir debout et de recevoir le fardeau comme si on était porté par lui.

En même temps, nous sentons bien que ce geste ne peut pas être autre chose que ce geste d’amitié échangé l’un vers l’autre : il semble que les mots et les phrases seraient tellement de trop. Il semble qu’alors, seule une lueur imperceptible dans le regard, une certain expression du visage, la manière dont la main se pose amicalement sur vous peuvent dire la vérité de ce qui se passe et que si on ajoutait quoique ce soit, ce serait la réalité même de ce qui est en jeu. Lorsqu’on veut parler de la gloire de Dieu, c’est à ce genre d’expérience qu’il faut se référer. Parfois entraînés dans un certain sens du spectacle ou du visible, nous avons tendance à penser que la gloire est d’abord la lumière, la lumière aveuglante et éblouissante qui vous envahit de l’extérieur pour vous brûler. Mais dans la réalité de l’expérience d’Israël en quête de son Dieu et dans la foi que les disciples ont eue en la révélation du nom de Dieu par le Christ, ce n’est pas d’abord à ce registre de lumière qu’ils faisaient allusion. En effet, « gloire » en hébreu veut dire quelque chose comme poids, pesanteur, une réalité qui vient sur vous et pèse sur vous sans que vous l’ayez demandé, et qui paradoxalement vous fait sentir tout son poids et toute sa force sans vous écraser. Les deux registres d’images ne sont pas contradictoires, ils sont même extraordinairement complémentaires, car quoi de plus illuminant que cette expérience d’une présence de Dieu qui s’abat sur vous et vous terrasse comme saint Paul sur le chemin de Damas, ou comme le Christ au moment de son agonie, qui ne peut plus prier que prostré à terre ? Or, c’est précisément au moment où la personne se sent la plus lourde, la plus accablée dans sa condition de chair, la plus affectée dans son cœur, que la présence et la gloire de Dieu pèsent sur elle de tout leur poids.

Frères et sœurs, la prière que nous venons d’entendre : « Père, glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie », c’est uniquement cela, ce moment où le Christ s’étant avancé dans la chair, ayant dit à son Père : « Tu n’as voulu ni holocauste ni victime, mais Tu m’as façonné un corps, alors j’ai dit voici, je viens vers Toi et je passe de ce monde à Toi », ce moment où le Christ dans sa chair est comme accablé et comme écrasé par l’amour de son Père, parce qu’Il sait que maintenant cette chair sera meurtrie, déchirée et mise à mort par le poids immense et immonde du péché du monde. Or, cette chair, il n’y a plus qu’une personne à qui Il peut la confier dans ce geste de confiance filiale et absolue : la personne du Père. « Père, il n’y a que Toi qui peux porter le poids du péché qui m’accable actuellement dans la force et le poids de ton amour. Tout le poids de cette inconscience, de cette malveillance du péché, de la récolte du monde, voici qu’il est marqué dans ma chair. C’est pourquoi je te la confie et je te la donne pour que Tu y fasses resplendir le poids même de ton amour ».

Aujourd’hui, une des choses qui nous manque le plus, c’est la gloire de Dieu. C’est vrai que nous l’avons caricaturée dans ce qu’on appelle habituellement le triomphalisme. C’est vrai à certains moments, nous avons voulu traduire d’une manière sans doute maladroite et innocente, mais à la limite un peu fausse, une fausse grandeur de Dieu qui n’a rien à voir avec cette grandeur de Dieu qui n’est pas « distance », mais qui est « présence infinie ». Cependant, ce n’est pas une raison pour ne plus voir les choses en face, car la gloire de Dieu c’est le fait que non seulement Il est quelqu’un, mais que cette existence, cette réalité pèsent de tout leur poids sur l’Église, sur chacun d’entre nous, sur le destin de chaque homme, et que cette gloire de Dieu ne pèse pas comme un fardeau qui écraserait, mais qu’il s’agit au contraire du geste d’un ami qui vient nous accueillir et nous ouvrir les bras parce qu’il voit dans quelle détresse nous sommes plongés, à quelle mort nous sommes voués, à quelle désespérance nous sommes condamnés. La gloire de Dieu, c’est la réalité de Dieu qui rayonne de cette manière infiniment proche jusqu’à peser sur nous comme les mains et les bras d’un ami qui veut nous dire sa confiance au milieu de sa détresse, comme le dit ce verset du psaume 138 : « Tu as posé ta main sur moi ».

Voilà le secret de la gloire de Dieu. Il n’a pas peur de la pauvreté et de la détresse dans laquelle nous sommes. Il n’a pas peur de se salir les mains en posant sa main sur nous, car sa main est à la fois lumière et tendresse qui pardonne. Et la gloire de Dieu, c’est précisément la manière extrêmement confiante et pleine de tendresse avec laquelle Dieu, dans ce geste de son amour paternel et infini pose la main sur chacun d’entre nous. Cela nous l’avons vu dans la mort et dans l’exaltation du Christ. Cette chair crucifiée, lacérée, meurtrie, tournée en dérision, voici que le Père dans son amour, y a fait resplendir sa gloire pour manifester qu’il n’est rien dans ce monde et dans cette création qui, lorsqu’il est touché, atteint dans ce contact étroit et cette pesanteur du réalisme avec lequel Dieu se saisit de nous, il n’est pas d’être qui immédiatement au plus profond de son cœur, et plus tard, lorsque la gloire de Dieu se révèlera en plénitude, ne soit transfiguré radicalement en un corps et une existence de gloire.

Nous n’avons que cela à dire au monde d’aujourd’hui, nous sommes pécheurs comme les autres, nous ne valons pas mieux. Nous ne sommes pas pire non plus, mais il est une chose que nous savons et que le monde ne connaît pas, c’est que Dieu pour nous donner son salut, a posé sa main sur nous, que la gloire, dans ce monde de péché et de détresse, resplendit encore aujourd’hui, et que si elle ne resplendit pas assez, c’est parce que nous n’ouvrons pas suffisamment notre cœur au poids de cet amour qui vient peser sur nous.

Et nous qui nous préparons à l’effusion de l’Esprit nous devons laisser peser sur nous l’amour de Dieu dans toute sa force, Lui qui sait à quel point, et nul ne le sait mieux que Lui, nous pouvons être accablés par la souffrance, l’angoisse et le péché. Même si nous avons du mal à le reconnaître, Lui nous connaît et ne cesse de poser la main de son Esprit pour que nous soyons transfigurés et glorifiés. Il faut donc que nous ayons de plus en plus, à travers toute notre vie, le souci de laisser se manifester ce réalisme de la gloire de Dieu, cette pesanteur de sa présence, cet enracinement de l’amour dans notre chair, dans notre cœur, dans notre vie, puisque c’est à cela que nous sommes destinés. Amen.




7ième Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

 

« L’heure est venue.

Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. »

L’évangile de ce jour est une partie de la grande prière que Jésus adresse à son Père avant sa Passion.

« L’heure est venue. Glorifie ton Fils… ». Pourquoi ? Pour que le Fils puisse rendre gloire à son Père, ce qu’il a fait tout au long de sa vie sur la terre.

A vue humaine, c’est une raison qui n’est pas une raison, et qui ne nous satisfait pas vraiment. Si Jésus avait tout fait auparavant pour la gloire de son Père, pourquoi demander maintenant qu’il soit glorifié dans ce but, et surtout en quoi ce qui va suivre, sa Passion, va le glorifier ? La gloire de Jésus sera montrée quand, jusqu’au bout, il aura tout fait par amour pour les hommes : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13) : c’est sa Passion, ses souffrances, sa mort sur la croix qui vont donner du poids à sa vie, qui vont faire qu’il n’est pas un simple philosophe et qu’on pourra croire en lui, après la manifestation de la gloire de Dieu le Père qui le ressuscitera : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc,24,26).

La gloire de Jésus se manifestera dans son abaissement, basé sur l’amour et le don de soi, jusqu’à l’ultime, basé que la justice et la vérité. Ce qui est tout le contraire de notre vision de la gloire dans le monde : la gloire, pour beaucoup, c’est quand on se met au-dessus des autres, par des événements futiles, sans lendemain, quitte parfois à utiliser des moyens frauduleux, le mensonge ou la triche … et on en a un bel exemple avec la plupart de ceux qui se présentent actuellement aux élections législatives, ou d’autres faits divers. Jésus bâtie sa gloire sur sa relation avec son Père, sur la transcendance. Les hommes sur l’évanescence (pas tous …).

Faut-il faire alors comme le Christ ?

Être dans l’abaissement, dans l’humilité : oui. Rechercher la gloire : non. Rechercher la souffrance comme le Christ lors de sa Passion : non !

C’est dans ce sens qu’il faut entendre le passage de saint Pierre dans la deuxième lecture. « Bien-aimés, dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera ». Il s’agit ici de la gloire du Christ, qui se révélera à la fin des temps, et pas de la nôtre. On retrouve ici la dernière Béatitude : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » (Mt 5,11). D’ailleurs, Pierre ne parle pas d’une quelconque gloire qui rejaillirait sur les personnes concernées, mais de la gloire de Dieu qu’il invite à remercier : « Mais si c’est comme chrétiens … qu’il rende gloire à Dieu ».

La gloire n’est jamais pour nous.

La gloire est toujours pour Dieu. Car c’est lui qui nous fait agir comme chrétiens.

Rendre gloire à Dieu dans la prière. On voit combien pour les premiers chrétiens, la prière, la relation à Dieu était importante. Ainsi, dans la première lecture : « Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière ».

Il faut dire qu’avec Jésus, ils avaient appris combien est importante cette relation avec le Père : « Tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l’avez obtenu, et cela vous sera accordé. » (Mc 11,24).

La prière avant l’action, pour demander. La prière pendant l’action, pour demander l’aide de l’Esprit, la prière après l’action, pour remercier Dieu de son aide.

Jésus était tellement sûr que son Père accueillerait sa prière qu’il le remerciait même avant que l’action ne soit réalisée, notamment avant que Lazare ne fut revenu à la vie : « Je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours » (Jn 11, 41-42).

Cette certitude, cette foi en la réponse de Dieu à nos prières, est-ce que nous l’avons toujours ?

Seigneur Jésus,

Tu nous invites à rendre gloire à ton Père,

comme toi tu l’as fait,

dans toutes les circonstances,

joyeuses ou douloureuses.

Avec l’Esprit Saint,

nous y arriverons.

Francis Cousin




7ième Dimanche de Pâques – par le Diacre Jacques FOURNIER

 « Le seul désir de Jésus : que nous recevions la Vie éternelle (Jn 17,1-11)…

En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.»

 

            « Père, l’heure » de la souffrance, de la Passion et de la mort « est venue, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie ». C’est ce que le Père fait déjà pour lui depuis toujours, « je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai » (Jn 12,28). Et le Père le glorifie en lui donnant « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de Gloire » (1P 4,14), un Esprit par lequel il l’engendre en Fils « né du Père avant tous les siècles ». Mais Jésus prie ici avec une intensité toute particulière car il sait que le chemin qui l’attend est redoutable : déchainement de violence, de méchanceté, de barbarie à son égard, Lui qui pourtant « a passé en faisant le bien » (Ac 10,38)… Aussi, « Père, glorifie ton Fils », donne-toi à ton Fils dans toute la Puissance de ton Amour, pour que ton Fils puisse se donner à son tour… Cet « Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7) donnera à Jésus de ne pas répondre à l’insulte par l’insulte (cf. 1P 2,21-25). Bien au contraire, à tous ceux qui lui infligeront tant de maux et de souffrances, il répondra par de l’amour, « Père, pardonne-leur » (Lc 23,34), et il aura la force de tout offrir pour leur salut… « Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie et que selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés », et le Père a donné à son Fils le monde à sauver (Jn 3,16‑17), c’est-à-dire « tous les hommes » (1Tm 2,3-6), tous, sans aucune exception. Et c’est ainsi que, ressuscité, il viendra à la rencontre de tous ceux qui ont contribué à sa mort, non pas pour les punir, mais pour les bénir : « C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur, et il l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,26).

Pendant toute sa vie, Jésus avait manifesté en paroles et en actes à quel point « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), « Dieu n’Est qu’Amour » (P. François Varillon). « J’ai manifesté ton Nom aux hommes, je t’ai glorifié sur la terre », Père, « en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’as donnée de faire ». En effet, avait-il déjà déclaré, « le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement, car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait » (Jn 5,19-20). Les œuvres de Jésus étaient donc avant tout celles du Père (Jn 10,37 ; 14,10). En serviteur du Père, obéissant de tout cœur à son Père, Jésus le laissait accomplir avec Lui et par Lui ce qu’il voulait, et tel était toute sa joie. Maintenant, il prie pour ses disciples, pour nous tous, afin que nous suivions ses traces, en vivant comme Lui il a vécu, en serviteurs de Dieu et des hommes…   DJF

         

 




Rencontre autour de l’Évangile – 7ième Dimanche de Pâques

« La vie éternelle, c’est de te connaître,

toi le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. »

 

 

 

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Jean 17, 1-8)

Saint Jean est le seul à nous rapporter cette grande prière de Jésus, au moment où il va entrer dans sa Passion et sa mort pour passer de ce monde à son Père. C’est la prière sacerdotale de Jésus. Il se tourne vers son Père en faisant comme un bilan de sa mission terrestre, et il s’en remet à lui avec confiance.

 

 

Soulignons les mots importants

Père : Dans la bouche de Jésus, ce mot exprime une relation particulière qu’il vit avec Dieu : laquelle ?

L’heure est venue : De quelle « heure » Jésus parle-t-il ? Rappelons-nous ce qu’il répond à sa mère aux noces de Cana.

« Glorifie ton Fils, comme ton Fils te glorifie » : La gloire du Fils et la gloire du Père dépendent l’une de l’autre : c’est la vie éternelle communiquée aux hommes par la victoire du Fil sur le péché et la mort.

La vie éternelle : quelle est cette vie dont parle Jésus ?

Te « connaître» et « connaître » celui que tu as envoyé : Que veut dire connaître quelqu’un ? Comment connaître le vrai Dieu et Celui qu’il a envoyé ? Qu’est-ce que cela doit changer dans notre vie ?

L’œuvre que tu m’as confiée : Quelle a été l’essentiel de l’œuvre accomplie par Jésus ?

Avant le commencement du monde : En tant que Fils de Dieu, Jésus existe depuis toujours. Quel est ici le sens du mot « monde »

J’ai fait connaître ton « nom » : De quel nom Jésus parle-t-il ?

Quels sont les mots ou les expressions employés par Jésus pour dire la foi de ses apôtres ?

Le mot « monde » : Jésus dit qu’il ne prie pas pour « le monde » et pourtant ses disciples sont envoyés « dans le monde ». Essayons de comprendre ce que veut dire Jésus.

Pour l’animateur   

  • – Père : La prière de Jésus commence par une invocation filiale : le mot « abba », c’est un terme familier de l’araméen, la langue de Jésus, pour dire papa.

    – L’Heure  de Jésus. Dans l’évangile de Jean il est souvent question de « l’heure ». A Cana, il dit à Marie :  « Mon heure n’est  pas encore venue »

    L’heure d’un général, c’est le moment où il défile avec son armée victorieuse. L’heure d’une mère, c’est le moment où elle met au monde son enfant.

    Jésus révèle qu’aucun croyant ne peut faire une expérience directe de Dieu. Le Père se rencontre dans la foi en Jésus et l’écoute de sa Parole. Philippe est invité à croire, c’est-à-dire à reconnaître dans l’homme Jésus la manifestation du Père parmi les hommes. L’heure de la religieuse ou du prêtre, c’est le moment du pas décisif qui change l’orientation de leur vie …

    Toute la vie de Jésus a été tendue vers « son heure » : C’est l’heure décisive : à la fois l’heure de sa mort et de sa victoire sur la mort ; l’heure de son humiliation et de sa glorification par le Père. L’heure du passage de ce monde vers le Père. L’heure où Jésus sauve toute l’humanité en la faisant passer en lui de la mort à la vie éternelle.

    – La vie éternelle : c’est précisément le fruit, le résultat, la conséquence de cette  « Heure ». C’est la vie même de Dieu qui transforme totalement l’humanité de Jésus dans la Résurrection et que Jésus, solidaire de toute l’humanité, veut communiquer à tous ses frères. Cette vie éternelle est donnée dès maintenant sur terre.

    – C’est le sens du mot « connaître » = naître avec. Etre uni, être dans l’intimité du Père en étant uni à Jésus. C’est une expérience intime et forte. Comme deux époux se connaissent.

    – L’œuvre du Fils c’est justement de faire connaître le Père : c’est son Nom.

    – Pour un chrétien, avoir la foi c’est : vivre une expérience personnelle de relation avec le Christ et en lui avec le Père qui l’a envoyé. C’est cela « connaître Dieu ». C’est la foi des apôtres : garder fidèlement la Parole du Père ;  reconnaître que les paroles de Jésus sont les paroles du Père et les accueillir ; reconnaître que Jésus vient du Père.

    – Dans la prière de Jésus, le mot monde veut dire tantôt « la création » Jésus comme Fils du père existe « avant le commencement du monde » ; tantôt, le mot monde désigne tout ce qui entraîne le monde loin de Dieu « je ne prie pas pour le monde » ; tantôt  c’est  le monde des hommes que Dieu aime. « Dieu a tant aimé le monde… » (Jn3, 16)

   

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Jésus, fais-nous entrer dans ta prière filiale. Fais-nous entrer avec toi dans l’intimité du Père. Apprends-nous à prier avec tout ce qui fait notre vie, comme toi. Rends-nous accueillants à tes paroles, car elles sont les paroles du Père qui t’a envoyé. Tu as les paroles de la vie éternelle.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie

Þ Comment cette prière filiale de Jésus peut-elle nous aider à renouveler notre manière de prier ?

Þ Comment notre vie peut-elle « glorifier » le Père.

Þ Si nous appartenons à Jésus et si Jésus nous a donné la vie éternelle, qu’est-ce que cela change ou doit changer dans notre vie de tous les jours ?

Þ Gardons-nous fidèlement la Parole du Christ ? Quelle place donnons-nous à la lecture personnelle de l’Evangile pour approfondir notre connaissance du Christ et du Père ?

Þ Sommes-nous dans le monde les témoins du seul et vrai Dieu ? Qu’est-ce que nous faisons pour aider nos frères à le connaître ?

 

Ensemble prions

Chant : O Père, je suis ton enfant (Carnet des paroisses p.287)

 

Dieu Père,

nous te louons et nous te bénissons parce que tu es le Père de Jésus,

et que tu veux être aussi notre Père selon ton amour et ta miséricorde.

Dieu Fils,

nous te louons et nous te bénissons

parce que tu es le Fils de son amour,

et que tu veux être aussi le frère premier-né de tous les enfants de Dieu.

Dieu Saint-Esprit,

nous te louons et nous te bénissons

parce que tu es l’amour du Père et du Fils jaillissant comme un feu de leur tendresse, et que tu veux aussi habiter en nos cœurs comme un brasier d’amour.

Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, nous te louons et nous te bénissons

parce que tu es le Dieu au-delà de toute louange et que tu acceptes cependant les balbutiements de notre adoration.

A toi notre amour pour les siècles des siècles. Amen

 

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6ième Dimanche de Pâques – Claude WON FAH HIN

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ». Pour savoir si j’aime le Christ, je dois donc me demander si j’obéis à ses commandements. Commandements d’aimer essentiellement. Thérèse d’Avila [1], nous dit : Il  importe beaucoup que nous comprenions l’étroite obligation où nous sommes de nous conformer à trois points pour posséder la paix intérieure et extérieure: l’amour, le détachement de toutes les créatures, et la véritable humilité, vertu qui, bien que nommée la dernière, est cependant la principale et embrasse toutes les autres.

Saint Bernard distingue quatre degrés  de l’amour[2] :

  1. Au premier, l’homme s’aime lui-même

  2. Au second, il aime Dieu…pour

  3. Au troisième, il aime Dieu pour Lui

  4. Au quatrième, il ne s’aime plus soi-même que pour Dieu

Et il ne suffit de dire : « j’aime Dieu et j’aime mon prochain ». Dire c’est facile, le faire c’est autre chose. Difficile aussi d’avancer si on le fait par « force ». Sainte Baouardy nous rapporte ces paroles de la Vierge Marie : « l’âme ne doit pas dire : « je voudrais…Je désirerais …parce que la volonté propre gâche tout. L’essentiel est d’accepter, avec amour … tout ce qu’il plaira au Seigneur de nous envoyer ».  Bien sûr, chacun peut demander, dans toutes ses prières, la grâce d’aimer davantage, aimer Dieu et son prochain, mais toujours en passant par la prière, les sacrements, la méditation, les bonnes actions… Aimer, cela demande de passer par Dieu lui-même qui est Amour. Dans le cas contraire, Saint Bernard aura raison de dire que l’homme aime Dieu pour qu’il en tire profit pour sa propre personne. Il va se servir de Dieu pour son intérêt propre. Il ne pense qu’à lui-même. On tombe alors dans l’orgueil et dans la recherche d’une sorte de gloire, caché peut-être, mais gloire recherché en secret malgré tout. Ce que Padre Pio dénonce quand il dit[3] : « Attention à l’orgueil!…Gardez-vous aussi de l’amour de la vaine gloire, défaut propre aux personnes dévotes. Celui-ci nous pousse,  sans nous en apercevoir, à paraître toujours plus que les autres, à conquérir pour nous l’estime de tous. Contre ce maudit vice, véritable ver, véritable teigne de l’âme pieuse, opposez le mépris de cette vaine gloire. N’acceptez pas que l’on parle beaucoup de vous ; la piètre opinion de soi-même, en croyant tout le monde supérieur à soi, est l’unique remède pour nous protéger de ce vice. Sans compter que c’est là la source  et le germe de toute division. L’humilité, au contraire, nous rendra semblables au Seigneur qui, dans son Incarnation, s’est abaissé et s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave ».

Et l’abbé Pierre Descouvemont  complète en disant[4]: « Il arrive que Dieu accorde – c’est Dieu qui accorde – parfois à ses enfants  ce que Thérèse d’Avila appelle une grâce d’ « humilité infuse » : « Quand l’Esprit de Dieu agit en nous, il n’est pas nécessaire de rechercher péniblement des considérations  pour nous exciter à l’humilité et à la confusion de nous-mêmes. Le Seigneur met en nous une humilité bien différente de celle que nous pouvons nous procurer par nos faibles pensées. La nôtre, en effet, n’est rien en comparaison de cette humilité vraie et éclairée que Notre Seigneur enseigne alors, et qui produit en nous une confusion capable de nous anéantir…Plus ses faveurs sont élevées, plus cette connaissance est profonde». Aimer demande de l’humilité. Et c’est parce que l’humilité est présente, en se plaçant au bas de l’échelle, en restant très simple, quasi anonyme, sans aucune prétention, avec en soi une prière continuelle pour que le Christ nous tienne compagnie,  que l’on peut aimer tout le monde sans jamais avoir le sentiment d’être supérieur à tous.

Si nous gardons ses commandements, c’est-à-dire si nous les appliquons, en aimant réellement en pratique et non pas du bout des lèvres, le Christ priera son Père pour nous envoyer un autre Paraclet, l’Esprit Saint, l’Esprit de Vérité, pour qu’il soit avec nous à jamais. Et L’Esprit de Vérité nous permettra de vivre dans le vrai personnellement et envers les autres et non pas dans le faux, dans le mensonge envers soi-même. 

Cela pourrait être ainsi pour le monde, c’est-à-dire le monde qui semble ne pas avoir besoin de Dieu pour vivre, mais ce monde ne veut pas de l’Esprit de Vérité parce qu’il ne le voit pas, parce qu’il n’a pas la foi. Le monde désire voir pour croire, il veut des preuves scientifiques et historiques de l’existence de Dieu,  sans pour autant vouloir aller les chercher, ces preuves historiques car il y en a, bien sûr, alors que le disciple du Christ n’a pas besoin de voir pour croire : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Le monde dans lequel nous vivons est un monde difficile, qui tient Dieu pour rien, où seul compte la réussite sociale. Thérèse d’Avila[5] : « Il faut beaucoup de vertus pour traiter avec le monde, vivre au milieu du monde, s’occuper des affaires du monde, s’adapter à la conversation du monde, et demeurer intérieurement étranger au monde, ennemi du monde, se conduire comme si l’on vivait au fond d’un désert … pour être des anges bien plus que des hommes ». Et c’est ce défi là qu’il nous appartient de relever pour être disciples de Jésus et que ce dernier nous dise : « c’est celui-là qui m’aime ».

A nous donc de rester vrai dans cet amour de Dieu. Sans triche, sans faire semblant, sans honte, montrant ainsi que nous sommes témoins du Christ. Car si quelqu’un a l’Esprit en lui, il agira selon la vérité, pas de mensonge en lui, pas de fausseté, pas d’hypocrisie, ni de sournoiserie. Ainsi, nous agirons en chrétien aussi bien intérieurement qu’extérieurement. Restons ouverts à l’Esprit de Dieu pour que nous puissions nous abandonner totalement au Christ, et avoir en Lui une confiance totale, sans limite. C’est à cause de cette confiance en Jésus que ce dernier vient vers nous et en nous. Mais le chemin que nous propose Jésus n’est pas toujours facile. C’est ce que nous Pierre dans la deuxième lecture d’aujourd’hui : mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si telle était la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal. Padre Pio nous dit en plusieurs fois[6] : « Ce serait une grossière erreur de concevoir l’amour de Dieu sans la Croix, …car la Croix a été l’unique moyen choisi par Dieu pour réconcilier l’humanité avec Lui » ; «  La Croix, c’est toujours le chemin le plus sûr pour aller vers Dieu[7] » ; « Veillons à ne pas séparer la Croix de l’amour pour Jésus, cette Croix sans cet amour deviendrait un poids que notre faiblesse ne pourrait supporter »[8] ; « suivre Jésus n’a jamais été chose facile. Mais lorsque Dieu appelle une âme à le rejoindre, c’est toujours pour la fixer avec Lui sur la Croix[9]… ». Padre Pio nous fait comprendre  que Dieu ne se laisse chercher que par le dépouillement total, qu’il nous attire que par la souffrance purificatrice, qu’Il ne se laisse trouver que par la Crucifixion…Et le chrétien qui lutte à chaque instant de sa vie, pour contrer l’influence du malin tout en restant uni au Christ, vit une forme de calvaire et en même temps source de joie, qui le fait devenir à la ressemblance du Christ. Padre Pio nous dit[10] : « La lumière divine qui éclaire l’âme va le purifier et va le disposer à être unie le plus étroitement possible à elle. Le feu divin de l’amour avant de s’unir l’âme, avant de la transformer en soi, va tout d’abord les purifier de tous les éléments contraires. Cette flamme d’amour va détruire dans cette âme tout ce qui est humain. Au fur et à mesure qu’elle se dépouille et qu’elle se purifie, l’âme est transformée en Dieu, elle devient de plus ne plus divine ». « Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui ». Le chrétien, lié ainsi au Christ, a alors une autre vision du monde. Ce qui est grave pour lui, c’est la possibilité de s’éloigner du Christ, autrement dit la possibilité de pécher, de ne pas assez aimer le monde. Sa relation avec le monde qui l’entoure sera autre. S’il a les capacités, il rendra le maximum de service sans retirer aucun avantage, aucun intérêt, ne désirant aucune reconnaissance de qui que ce soit. A cause de son humilité, il restera incognito, et s’il a une mission à remplir, il le fera du mieux qu’il pourra et repartira sans bruit, sans rien demander, sans rien attendre. Il est juste pressé d’aller remercier le Seigneur et de le retrouver dans le silence de la prière, dans les textes bibliques, dans la méditation tout en étant toujours prêt à accueillir quiconque veut bien le rencontrer pour une raison ou pour une autre. Il ne fuira pas ses responsabilités, mais ne recherchera pas non plus à en avoir plus que tout le monde. Il s’effacera autant que possible, tout en étant présent quand on aura besoin de lui. Il n’aura besoin d’ailleurs que de peu de chose, mais il veillera surtout à rester en lien permanent avec le Christ Jésus. Le chrétien doit être en paix parce le Christ est en lui,  même si le corps peut souffrir à cause d’une mauvaise santé possible. Heureux le chrétien en paix.

[1] Chemin de la Perfection P.64

[2] Saint Bernard » – Philippe Barthelet – P.80

[3] Saint Pio de Pietrelcina – P.194

[4] Guide des difficultés de la foi catholique – P.483

[5]  Chemin de la Perfection – P.58

[6] Padre Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu-  P.235

[7] ib. P.256

[8] ib. P. 256

[9] ib.P.303

[10] Padre Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu – P.547-548




6ième Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

« Si vous m’aimez … »

On sent bien, à travers l’évangile de ce jour, que nous nous approchons de l’Ascension (« D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus. ») et de la Pentecôte ([Le Père] vous donnera un autre Paraclet l’Esprit de vérité.).

« Si vous m’aimez …». Il ne s’agit pas ici d’aimer de manière sentimentale. Jésus n’a que faire des fans ou des groupies, ou du nombre de ‘j’aime’ sur un compte facebook ; L’amour qu’on a pour lui doit se traduire dans nos comportements, pour nous-mêmes et envers les autres : « … vous garderez mes commandements »,  « …vous garderez mes paroles ». Et garder, cela ne veut pas dire mettre dans un placard, ou enfouir dans la terre comme le ‘mauvais serviteur’ de la parabole des talents. Il s’agit de faire fructifier ces paroles, les garder pour les redonner, pour les mettre en pratique.

Et pour Jésus, c’est tellement important qu’il redit la même chose d’une autre manière : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ». Et il va encore le redire, en positif et en négatif un peu plus loin. L’amour qu’on a pour Jésus ne peut se manifester que dans l’observance de ses commandements.

Et ses commandements sont principalement : « Aimez-vous les uns les autres », « Faites cela en mémoire de moi », « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19), qui sont tournés vers les autres.

Pour aider ses disciples, Jésus demandera au Père de nous envoyer « un autre Paraclet qui sera toujours avec vous : l’Esprit de vérité ».

Un autre Paraclet, l’Esprit-Saint, qui vient pour soutenir les humains dans leur démarche de témoins de Jésus, envoyé à la demande de celui-ci, qui est le premier Paraclet venu dans le monde par la volonté du Père et la puissance du Saint Esprit. Le premier Paraclet, Jésus, nous a donné la Bonne Nouvelle, par sa Parole et pas ses actes, et il est « avec [nous] tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20). Le second est là qui « [nous] enseignera tout, et [qui nous] fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14,26).

L’un et l’autre Paraclet, le Fils et l’Esprit, sont toujours avec nous, avec ceux qui aiment Jésus, avec ceux qui croient en lui, tous les deux envoyés par le Père. Jésus dit : « Je suis en mon Père, (que) vous êtes en moi, et moi en vous. », et que l’Esprit « sera en vous ». Alors cela revient à dire que les disciples de Jésus deviennent pratiquement les Temples de la Trinité. Lourde responsabilité !

Parce que si les deux Paraclets sont avec nous, en nous, UN avec le Père, ce n’est pas pour qu’on se dire ‘Je suis bien’, pour qu’on ne pense qu’à soi, mais qu’au contraire nous nous tournions vers les autres pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, en paroles et surtout en actions. Et il est important que tous les chrétiens soient, non seulement baptisés, ayant avec eux le premier Paraclet, mais qu’ils soient aussi confirmés pour recevoir en plénitude l’Esprit de Dieu en eux.

Comme ce fut le cas avec le diacre Philippe dans une ville de Samarie (1° lecture) où les gens « entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient », mettant « dans cette ville une grande joie ». Il n’avait pas eu peur d’aller dans une région où les habitants étaient mal vus des juifs qui considéraient leur religion comme bâtarde, mélange de paganisme et de judaïsme, et il avait eu grand succès, baptisant beaucoup de personnes. Mais celles-ci n’avaient pas reçus la plénitude de l’Esprit, que seuls les apôtres, ancêtres des évêques, avaient la possibilité de donner. C’est pourquoi Pierre et Jean allèrent dans cette ville pour leur donner l’Esprit par l’imposition des mains.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’avoir l’audace d’affirmer sa foi. Même si c’est sans doute moins dangereux que dans les premiers temps de l’Église. Encore que, dans certains pays, il faut vraiment avoir la foi pour oser s’affirmer chrétien, au risque de se retrouver en prison, ou pire, de trouver la mort. C’est pour encourager ces premiers chrétiens que Pierre (2° lecture) leur demande d’être fermes dans la foi, avec « une conscience droite », leur demandant d’être « prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous (…) Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. »

Voilà des recommandations que nous avons sans doute du mal à entendre, parce que nous sommes bien trop englués dans notre train-train quotidien, avec son confort et ses mirages. Nous avons oubliés que « le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête » et que la plupart des apôtres sont morts en martyrs.

C’est une grande invitation à nous bouger, à nous remuer, à quitter nos ‘basses eaux’, … en fait, à être de vrais chrétiens !

Seigneur Jésus,

heureusement que tu nous envoies

ton Esprit Saint

pour nous obliger à partir sur les chemins

pour être les témoins de ton amour.

Aide-nous à ne pas rester

sourds à ses incitations.

 

Francis Cousin




5ième Dimanche de Pâques – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Je suis le Chemin, la Vérité, et la Vie ».

Frères et sœurs, on pourrait dire que dans cette affirmation du Christ, chemin, vérité et vie, se trouve toute notre foi, tout notre être de croyant : plus encore que ce que nous pensons, toute notre vie, toute notre existence est comprise dans ces trois mots. Et je voudrais éclairer le sens de ces trois mots, en commençant par le dernier : la vie.

La vie : peut-être les découvertes biologiques de ces dernières décennies peuvent-elles nous aider à comprendre cette phrase de saint Jean avec une plus grande profondeur encore qu’on ne pouvait la comprendre auparavant. Qu’est-ce que la vie ? C’est un mystère à la foi d’unité : un vivant est une réalité qui est rassemblée sur elle-même, qui a une unité et fonctionne à partir de sa propre initiative, et en même temps, un vivant est une réalité composée d’une multitude de petites cellules attachées les unes aux autres, et chacune de ces cellules a sa place, chacune a sa fonction. Et la vie dans tout cela, c’est le lien mystérieux qui unit chacune des cellules aux autres, qui leur donne sa fonction, son pouvoir d’agir. Et la vie permet que cette multiplicité de cellules ne soit pas désorganisée, ne s’en aille pas dans tous les sens, mais que tout au contraire concoure de façon sans cesse mouvante, pleine d’initiative et d’imagination à former un seul être vivant qui se déplace, qui réfléchit, qui bouge, qui mange, qui assimile, qui grandit, qui sent et qui se transforme. La vie est une présence mystérieuse à travers notre corps, et nous sentons très bien, à certains moments si cette présence est plénière ou au contraire, à d’autres moments, nous la sentons comme affaiblis. La vie est le mystère d’une présence qui passe, irrigue et circule à travers tout notre être. C’est pourquoi notre vie, notre âme se trouvent aussi bien dans notre tête que dans nos doigts, ou dans nos jambes pour marcher. La vie est cette présence mystérieuse qui fait que nous ne sommes pas simplement des automates, des moteurs ou des machines. C’est une réalité profondément liée à notre corps et qui cependant le dépasse infiniment par son jaillissement perpétuel de spontanéité et d’initiative. Ainsi donc, quand le Christ dit : « Je suis la Vie », Il nous dit qu’Il est notre vie, et que tous ensemble, nous sommes son corps, et le Christ est Celui qui anime ce grand corps que nous formons, car nous sommes tous ensemble attachés, soudés les uns aux autres, comme les cellules d’un même corps. Et ce qui fait notre unité c’est cette vie mystérieuse qui circule et nous donne de devenir tous ensemble, progressivement l’unique corps du Christ. C’est par là que, progressivement, nous trouvons notre unité, tous ensemble et à l’intérieur de nous-mêmes, même si nous sommes tous très différents, comme les cellules sont très différentes dans un corps. Chacun a sa fonction, et les cellules nerveuses ne sont pas du tout les mêmes que les cellules des muscles. Mais chacun de nous est unifié en lui-même, et nous sommes attachés, soudés, mystérieusement les uns aux autres. Et tout comme on pourrait croire qu’un corps vivant n’est simplement qu’une collection de cellules juxtaposées les unes aux autres, mais alors, nous n’aurions encore rien compris, car des cellules juxtaposées peuvent ne former qu’un cadavre. Or dans un corps vivant, ce sont ces mêmes cellules, mais traversées mystérieusement par la vie. Car la vie, le chirurgien ne la voit pas au bout de son scalpel. De la même façon, nous-mêmes, visiblement, nous sommes simplement juxtaposés dans nos assemblées, mais en réalité, il y a une vie extraordinaire qui circule entre nous tous, et cette vie c’est le Christ, c’est « Je suis la vie ». Et cette vie nous donne d’exister, de vivre et d’aimer.

Mais cela ne suffit pas. Le Christ dit encore « Je suis la vérité ». Et là, je voudrais encore faire appel à ce que nous connaissons par la biologie. Vous savez qu’une cellule a toujours une sorte de code selon lequel elle se développe et grandit. Un homme devient un homme parce qu’il y a dès le moment de sa conception une sorte de programme à l’intérieur des cellules primitives qui le fait grandir et se développer selon l’être d’homme. A l’image du code génétique, la vérité est ce qui nous fait devenir vraiment nous-mêmes. Le Christ est vérité parce qu’Il est présent invisiblement dans tout ce corps que nous sommes, et dans l’être de chacun de nous, il nous donne d’être telle cellule, tel homme, telle femme, et pas un autre. Il est notre vérité, Il nous donne d’être ce que nous sommes vraiment, et pas autre chose. Et si, à certains moments, par notre péché nous dévions par rapport à cette vocation profonde, alors nous ne sommes pas dans la vérité, nous nous trahissons nous-mêmes et nous trahissons la vie. Le Christ est la vérité et la vie, Il est notre « code génétique », Il est ce qui nous fait devenir vraiment ce que nous avons à être, à travers bien des vicissitudes et des difficultés, il n’est pas toujours très facile de connaître quelle est la vérité à laquelle Dieu nous appelle. Il n’est pas toujours très facile d’ailleurs de savoir où nous allons, mais précisément, c’est bien cela qui est important : même si nous ne savons pas nous-mêmes, Lui Il sait. Et voilà pourquoi nous confessons qu’Il est notre vérité. Lui Il sait où Il nous conduit. Et même si parfois, la vie nous semble trop pesante et même si nous ne savons pas pourquoi le Seigneur nous mène par ces chemins-là, Lui sait qu’à travers le chemin de nos souffrances, à travers les difficultés que nous traversons, Il est là, Il porte et Il assure la vérité de notre cœur, la vérité de notre vie, la vérité de notre être.

Enfin Il est le chemin. Le chemin, cela signifie que nous avons encore beaucoup de pas à faire, car le chemin qu’Il est, il nous faut en Lui, le gravir et le parcourir. Notre vie est un chemin, non pas parce que nous partirions à l’aventure et n’importe comment : notre vie est un chemin parce que le Christ seul nous donne de marcher en Lui et avec Lui. Cela constitue peut-être l’aspect le plus mystérieux de la vie. La vie ne s’arrête jamais, il faut faire un pas et encore un autre, sinon, à certains moments, on a l’impression de piétiner et l’on se demande ce que nous faisons. Or dans la vie avec Dieu, c’est la même chose. Jésus est un chemin parce qu’Il nous prend par la main et nous fait faire un pas et encore un pas. Souvent nous avons envie de ne plus avancer et de dire : « Seigneur, c’est fini. Maintenant j’en ai trop vu, j’ai trop souffert. La vie est difficile, je ne « marche » plus », à tous les sens du mot. Dans de tels moments, le Christ est vraiment le Chemin et Il nous dit : « Écoute il ne faut pas te décourager, tu ne marches pas tout seul. Moi, Je marche avec toi. Je suis le chemin qui te guide, te conduit là où tu ne sais pas aller. Et lorsque par tout ton être, tu te révoltes et tu refuses de marcher, Je viens Moi-même à ta rencontre, Je te conduis et Je te prends, garde confiance ». Où donc va ce chemin ? Il nous mène au cœur de la vie : il nous conduit au Père, car le cœur de Dieu, c’est l’amour du Père, du Fils et du Saint Esprit. Dieu est Lui aussi comme une cellule vivante dans laquelle la vie circule infiniment plus profondément, de façon infiniment plus plénière que dans notre propre être et dans notre propre corps. Mais la vie circule entre le Père et le Fils : le Père qui donne au Fils, le Fils qui se donne au Père et c’est cela la vie de Dieu. Et voilà où nous conduit le chemin. Le chemin c’est Jésus, Dieu fait homme qui nous conduit au cœur du Père, la vie jaillit comme une source, la vie de Dieu.

Alors que nous soyons malades ou bien-portants, que nous souffrions, que nous soyons révoltés ou découragés, ou que nous ayons l’impression d’être assis sur le bord du chemin et de ne plus pouvoir avancer, après tout, aucune de ces situations n’est irrémédiable : la seule chose qui compte, c’est de reconnaître que le Christ est là, qu’Il est notre vie, notre vérité notre chemin. Cette vie circule en nous et nous lie à tous nos frères et fait que, tous ensemble, nous nous donnons la main pour marcher vers le cœur de Dieu. La vie est là pour faire apparaître notre vérité, et même si nous ne voyons pas encore ce que nous sommes ni même ce que nous allons devenir, le Christ est là et nous dit : « Je te prends par la main, Je suis ta vérité, et ce que tu es n’est pas encore manifesté. Tu le verras vraiment un jour, mais pour l’instant, tu ne peux pas encore connaître le secret de ton être et le secret de ton cœur, c’est en moi qu’Il est caché ». Et finalement, Il est le chemin au sens où tous ensemble, nous avons à nous avancer dans la paix, dans la confiance vers le cœur de Dieu. Tel est le sens de notre vie : c’est parfois très dur, mais c’est tout simple.

Que le Seigneur dans cette eucharistie qui nous rassemble tous, si différents les uns des autres, et nous constitue en un grand corps dans lequel Il fait circuler et couler la vie, de cellule en cellule, de personne en personne, nous emmène et nous conduise tous ensemble vers le lieu où nous serons manifestés. Le chemin de notre vie que nous connaissons si mal encore, c’est le Christ, et le but vers lequel Il nous conduit, c’est le cœur de Dieu. Amen.