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Rencontre autour de l’Évangile – 7ième Dimanche de Pâques

« La vie éternelle, c’est de te connaître,

toi le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. »

 

 

 

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Jean 17, 1-8)

Saint Jean est le seul à nous rapporter cette grande prière de Jésus, au moment où il va entrer dans sa Passion et sa mort pour passer de ce monde à son Père. C’est la prière sacerdotale de Jésus. Il se tourne vers son Père en faisant comme un bilan de sa mission terrestre, et il s’en remet à lui avec confiance.

 

 

Soulignons les mots importants

Père : Dans la bouche de Jésus, ce mot exprime une relation particulière qu’il vit avec Dieu : laquelle ?

L’heure est venue : De quelle « heure » Jésus parle-t-il ? Rappelons-nous ce qu’il répond à sa mère aux noces de Cana.

« Glorifie ton Fils, comme ton Fils te glorifie » : La gloire du Fils et la gloire du Père dépendent l’une de l’autre : c’est la vie éternelle communiquée aux hommes par la victoire du Fil sur le péché et la mort.

La vie éternelle : quelle est cette vie dont parle Jésus ?

Te « connaître» et « connaître » celui que tu as envoyé : Que veut dire connaître quelqu’un ? Comment connaître le vrai Dieu et Celui qu’il a envoyé ? Qu’est-ce que cela doit changer dans notre vie ?

L’œuvre que tu m’as confiée : Quelle a été l’essentiel de l’œuvre accomplie par Jésus ?

Avant le commencement du monde : En tant que Fils de Dieu, Jésus existe depuis toujours. Quel est ici le sens du mot « monde »

J’ai fait connaître ton « nom » : De quel nom Jésus parle-t-il ?

Quels sont les mots ou les expressions employés par Jésus pour dire la foi de ses apôtres ?

Le mot « monde » : Jésus dit qu’il ne prie pas pour « le monde » et pourtant ses disciples sont envoyés « dans le monde ». Essayons de comprendre ce que veut dire Jésus.

Pour l’animateur   

  • – Père : La prière de Jésus commence par une invocation filiale : le mot « abba », c’est un terme familier de l’araméen, la langue de Jésus, pour dire papa.

    – L’Heure  de Jésus. Dans l’évangile de Jean il est souvent question de « l’heure ». A Cana, il dit à Marie :  « Mon heure n’est  pas encore venue »

    L’heure d’un général, c’est le moment où il défile avec son armée victorieuse. L’heure d’une mère, c’est le moment où elle met au monde son enfant.

    Jésus révèle qu’aucun croyant ne peut faire une expérience directe de Dieu. Le Père se rencontre dans la foi en Jésus et l’écoute de sa Parole. Philippe est invité à croire, c’est-à-dire à reconnaître dans l’homme Jésus la manifestation du Père parmi les hommes. L’heure de la religieuse ou du prêtre, c’est le moment du pas décisif qui change l’orientation de leur vie …

    Toute la vie de Jésus a été tendue vers « son heure » : C’est l’heure décisive : à la fois l’heure de sa mort et de sa victoire sur la mort ; l’heure de son humiliation et de sa glorification par le Père. L’heure du passage de ce monde vers le Père. L’heure où Jésus sauve toute l’humanité en la faisant passer en lui de la mort à la vie éternelle.

    – La vie éternelle : c’est précisément le fruit, le résultat, la conséquence de cette  « Heure ». C’est la vie même de Dieu qui transforme totalement l’humanité de Jésus dans la Résurrection et que Jésus, solidaire de toute l’humanité, veut communiquer à tous ses frères. Cette vie éternelle est donnée dès maintenant sur terre.

    – C’est le sens du mot « connaître » = naître avec. Etre uni, être dans l’intimité du Père en étant uni à Jésus. C’est une expérience intime et forte. Comme deux époux se connaissent.

    – L’œuvre du Fils c’est justement de faire connaître le Père : c’est son Nom.

    – Pour un chrétien, avoir la foi c’est : vivre une expérience personnelle de relation avec le Christ et en lui avec le Père qui l’a envoyé. C’est cela « connaître Dieu ». C’est la foi des apôtres : garder fidèlement la Parole du Père ;  reconnaître que les paroles de Jésus sont les paroles du Père et les accueillir ; reconnaître que Jésus vient du Père.

    – Dans la prière de Jésus, le mot monde veut dire tantôt « la création » Jésus comme Fils du père existe « avant le commencement du monde » ; tantôt, le mot monde désigne tout ce qui entraîne le monde loin de Dieu « je ne prie pas pour le monde » ; tantôt  c’est  le monde des hommes que Dieu aime. « Dieu a tant aimé le monde… » (Jn3, 16)

   

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Jésus, fais-nous entrer dans ta prière filiale. Fais-nous entrer avec toi dans l’intimité du Père. Apprends-nous à prier avec tout ce qui fait notre vie, comme toi. Rends-nous accueillants à tes paroles, car elles sont les paroles du Père qui t’a envoyé. Tu as les paroles de la vie éternelle.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie

Þ Comment cette prière filiale de Jésus peut-elle nous aider à renouveler notre manière de prier ?

Þ Comment notre vie peut-elle « glorifier » le Père.

Þ Si nous appartenons à Jésus et si Jésus nous a donné la vie éternelle, qu’est-ce que cela change ou doit changer dans notre vie de tous les jours ?

Þ Gardons-nous fidèlement la Parole du Christ ? Quelle place donnons-nous à la lecture personnelle de l’Evangile pour approfondir notre connaissance du Christ et du Père ?

Þ Sommes-nous dans le monde les témoins du seul et vrai Dieu ? Qu’est-ce que nous faisons pour aider nos frères à le connaître ?

 

Ensemble prions

Chant : O Père, je suis ton enfant (Carnet des paroisses p.287)

 

Dieu Père,

nous te louons et nous te bénissons parce que tu es le Père de Jésus,

et que tu veux être aussi notre Père selon ton amour et ta miséricorde.

Dieu Fils,

nous te louons et nous te bénissons

parce que tu es le Fils de son amour,

et que tu veux être aussi le frère premier-né de tous les enfants de Dieu.

Dieu Saint-Esprit,

nous te louons et nous te bénissons

parce que tu es l’amour du Père et du Fils jaillissant comme un feu de leur tendresse, et que tu veux aussi habiter en nos cœurs comme un brasier d’amour.

Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, nous te louons et nous te bénissons

parce que tu es le Dieu au-delà de toute louange et que tu acceptes cependant les balbutiements de notre adoration.

A toi notre amour pour les siècles des siècles. Amen

 

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6ième Dimanche de Pâques – Claude WON FAH HIN

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ». Pour savoir si j’aime le Christ, je dois donc me demander si j’obéis à ses commandements. Commandements d’aimer essentiellement. Thérèse d’Avila [1], nous dit : Il  importe beaucoup que nous comprenions l’étroite obligation où nous sommes de nous conformer à trois points pour posséder la paix intérieure et extérieure: l’amour, le détachement de toutes les créatures, et la véritable humilité, vertu qui, bien que nommée la dernière, est cependant la principale et embrasse toutes les autres.

Saint Bernard distingue quatre degrés  de l’amour[2] :

  1. Au premier, l’homme s’aime lui-même

  2. Au second, il aime Dieu…pour

  3. Au troisième, il aime Dieu pour Lui

  4. Au quatrième, il ne s’aime plus soi-même que pour Dieu

Et il ne suffit de dire : « j’aime Dieu et j’aime mon prochain ». Dire c’est facile, le faire c’est autre chose. Difficile aussi d’avancer si on le fait par « force ». Sainte Baouardy nous rapporte ces paroles de la Vierge Marie : « l’âme ne doit pas dire : « je voudrais…Je désirerais …parce que la volonté propre gâche tout. L’essentiel est d’accepter, avec amour … tout ce qu’il plaira au Seigneur de nous envoyer ».  Bien sûr, chacun peut demander, dans toutes ses prières, la grâce d’aimer davantage, aimer Dieu et son prochain, mais toujours en passant par la prière, les sacrements, la méditation, les bonnes actions… Aimer, cela demande de passer par Dieu lui-même qui est Amour. Dans le cas contraire, Saint Bernard aura raison de dire que l’homme aime Dieu pour qu’il en tire profit pour sa propre personne. Il va se servir de Dieu pour son intérêt propre. Il ne pense qu’à lui-même. On tombe alors dans l’orgueil et dans la recherche d’une sorte de gloire, caché peut-être, mais gloire recherché en secret malgré tout. Ce que Padre Pio dénonce quand il dit[3] : « Attention à l’orgueil!…Gardez-vous aussi de l’amour de la vaine gloire, défaut propre aux personnes dévotes. Celui-ci nous pousse,  sans nous en apercevoir, à paraître toujours plus que les autres, à conquérir pour nous l’estime de tous. Contre ce maudit vice, véritable ver, véritable teigne de l’âme pieuse, opposez le mépris de cette vaine gloire. N’acceptez pas que l’on parle beaucoup de vous ; la piètre opinion de soi-même, en croyant tout le monde supérieur à soi, est l’unique remède pour nous protéger de ce vice. Sans compter que c’est là la source  et le germe de toute division. L’humilité, au contraire, nous rendra semblables au Seigneur qui, dans son Incarnation, s’est abaissé et s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave ».

Et l’abbé Pierre Descouvemont  complète en disant[4]: « Il arrive que Dieu accorde – c’est Dieu qui accorde – parfois à ses enfants  ce que Thérèse d’Avila appelle une grâce d’ « humilité infuse » : « Quand l’Esprit de Dieu agit en nous, il n’est pas nécessaire de rechercher péniblement des considérations  pour nous exciter à l’humilité et à la confusion de nous-mêmes. Le Seigneur met en nous une humilité bien différente de celle que nous pouvons nous procurer par nos faibles pensées. La nôtre, en effet, n’est rien en comparaison de cette humilité vraie et éclairée que Notre Seigneur enseigne alors, et qui produit en nous une confusion capable de nous anéantir…Plus ses faveurs sont élevées, plus cette connaissance est profonde». Aimer demande de l’humilité. Et c’est parce que l’humilité est présente, en se plaçant au bas de l’échelle, en restant très simple, quasi anonyme, sans aucune prétention, avec en soi une prière continuelle pour que le Christ nous tienne compagnie,  que l’on peut aimer tout le monde sans jamais avoir le sentiment d’être supérieur à tous.

Si nous gardons ses commandements, c’est-à-dire si nous les appliquons, en aimant réellement en pratique et non pas du bout des lèvres, le Christ priera son Père pour nous envoyer un autre Paraclet, l’Esprit Saint, l’Esprit de Vérité, pour qu’il soit avec nous à jamais. Et L’Esprit de Vérité nous permettra de vivre dans le vrai personnellement et envers les autres et non pas dans le faux, dans le mensonge envers soi-même. 

Cela pourrait être ainsi pour le monde, c’est-à-dire le monde qui semble ne pas avoir besoin de Dieu pour vivre, mais ce monde ne veut pas de l’Esprit de Vérité parce qu’il ne le voit pas, parce qu’il n’a pas la foi. Le monde désire voir pour croire, il veut des preuves scientifiques et historiques de l’existence de Dieu,  sans pour autant vouloir aller les chercher, ces preuves historiques car il y en a, bien sûr, alors que le disciple du Christ n’a pas besoin de voir pour croire : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Le monde dans lequel nous vivons est un monde difficile, qui tient Dieu pour rien, où seul compte la réussite sociale. Thérèse d’Avila[5] : « Il faut beaucoup de vertus pour traiter avec le monde, vivre au milieu du monde, s’occuper des affaires du monde, s’adapter à la conversation du monde, et demeurer intérieurement étranger au monde, ennemi du monde, se conduire comme si l’on vivait au fond d’un désert … pour être des anges bien plus que des hommes ». Et c’est ce défi là qu’il nous appartient de relever pour être disciples de Jésus et que ce dernier nous dise : « c’est celui-là qui m’aime ».

A nous donc de rester vrai dans cet amour de Dieu. Sans triche, sans faire semblant, sans honte, montrant ainsi que nous sommes témoins du Christ. Car si quelqu’un a l’Esprit en lui, il agira selon la vérité, pas de mensonge en lui, pas de fausseté, pas d’hypocrisie, ni de sournoiserie. Ainsi, nous agirons en chrétien aussi bien intérieurement qu’extérieurement. Restons ouverts à l’Esprit de Dieu pour que nous puissions nous abandonner totalement au Christ, et avoir en Lui une confiance totale, sans limite. C’est à cause de cette confiance en Jésus que ce dernier vient vers nous et en nous. Mais le chemin que nous propose Jésus n’est pas toujours facile. C’est ce que nous Pierre dans la deuxième lecture d’aujourd’hui : mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si telle était la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal. Padre Pio nous dit en plusieurs fois[6] : « Ce serait une grossière erreur de concevoir l’amour de Dieu sans la Croix, …car la Croix a été l’unique moyen choisi par Dieu pour réconcilier l’humanité avec Lui » ; «  La Croix, c’est toujours le chemin le plus sûr pour aller vers Dieu[7] » ; « Veillons à ne pas séparer la Croix de l’amour pour Jésus, cette Croix sans cet amour deviendrait un poids que notre faiblesse ne pourrait supporter »[8] ; « suivre Jésus n’a jamais été chose facile. Mais lorsque Dieu appelle une âme à le rejoindre, c’est toujours pour la fixer avec Lui sur la Croix[9]… ». Padre Pio nous fait comprendre  que Dieu ne se laisse chercher que par le dépouillement total, qu’il nous attire que par la souffrance purificatrice, qu’Il ne se laisse trouver que par la Crucifixion…Et le chrétien qui lutte à chaque instant de sa vie, pour contrer l’influence du malin tout en restant uni au Christ, vit une forme de calvaire et en même temps source de joie, qui le fait devenir à la ressemblance du Christ. Padre Pio nous dit[10] : « La lumière divine qui éclaire l’âme va le purifier et va le disposer à être unie le plus étroitement possible à elle. Le feu divin de l’amour avant de s’unir l’âme, avant de la transformer en soi, va tout d’abord les purifier de tous les éléments contraires. Cette flamme d’amour va détruire dans cette âme tout ce qui est humain. Au fur et à mesure qu’elle se dépouille et qu’elle se purifie, l’âme est transformée en Dieu, elle devient de plus ne plus divine ». « Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui ». Le chrétien, lié ainsi au Christ, a alors une autre vision du monde. Ce qui est grave pour lui, c’est la possibilité de s’éloigner du Christ, autrement dit la possibilité de pécher, de ne pas assez aimer le monde. Sa relation avec le monde qui l’entoure sera autre. S’il a les capacités, il rendra le maximum de service sans retirer aucun avantage, aucun intérêt, ne désirant aucune reconnaissance de qui que ce soit. A cause de son humilité, il restera incognito, et s’il a une mission à remplir, il le fera du mieux qu’il pourra et repartira sans bruit, sans rien demander, sans rien attendre. Il est juste pressé d’aller remercier le Seigneur et de le retrouver dans le silence de la prière, dans les textes bibliques, dans la méditation tout en étant toujours prêt à accueillir quiconque veut bien le rencontrer pour une raison ou pour une autre. Il ne fuira pas ses responsabilités, mais ne recherchera pas non plus à en avoir plus que tout le monde. Il s’effacera autant que possible, tout en étant présent quand on aura besoin de lui. Il n’aura besoin d’ailleurs que de peu de chose, mais il veillera surtout à rester en lien permanent avec le Christ Jésus. Le chrétien doit être en paix parce le Christ est en lui,  même si le corps peut souffrir à cause d’une mauvaise santé possible. Heureux le chrétien en paix.

[1] Chemin de la Perfection P.64

[2] Saint Bernard » – Philippe Barthelet – P.80

[3] Saint Pio de Pietrelcina – P.194

[4] Guide des difficultés de la foi catholique – P.483

[5]  Chemin de la Perfection – P.58

[6] Padre Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu-  P.235

[7] ib. P.256

[8] ib. P. 256

[9] ib.P.303

[10] Padre Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu – P.547-548




6ième Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

« Si vous m’aimez … »

On sent bien, à travers l’évangile de ce jour, que nous nous approchons de l’Ascension (« D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus. ») et de la Pentecôte ([Le Père] vous donnera un autre Paraclet l’Esprit de vérité.).

« Si vous m’aimez …». Il ne s’agit pas ici d’aimer de manière sentimentale. Jésus n’a que faire des fans ou des groupies, ou du nombre de ‘j’aime’ sur un compte facebook ; L’amour qu’on a pour lui doit se traduire dans nos comportements, pour nous-mêmes et envers les autres : « … vous garderez mes commandements »,  « …vous garderez mes paroles ». Et garder, cela ne veut pas dire mettre dans un placard, ou enfouir dans la terre comme le ‘mauvais serviteur’ de la parabole des talents. Il s’agit de faire fructifier ces paroles, les garder pour les redonner, pour les mettre en pratique.

Et pour Jésus, c’est tellement important qu’il redit la même chose d’une autre manière : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ». Et il va encore le redire, en positif et en négatif un peu plus loin. L’amour qu’on a pour Jésus ne peut se manifester que dans l’observance de ses commandements.

Et ses commandements sont principalement : « Aimez-vous les uns les autres », « Faites cela en mémoire de moi », « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19), qui sont tournés vers les autres.

Pour aider ses disciples, Jésus demandera au Père de nous envoyer « un autre Paraclet qui sera toujours avec vous : l’Esprit de vérité ».

Un autre Paraclet, l’Esprit-Saint, qui vient pour soutenir les humains dans leur démarche de témoins de Jésus, envoyé à la demande de celui-ci, qui est le premier Paraclet venu dans le monde par la volonté du Père et la puissance du Saint Esprit. Le premier Paraclet, Jésus, nous a donné la Bonne Nouvelle, par sa Parole et pas ses actes, et il est « avec [nous] tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20). Le second est là qui « [nous] enseignera tout, et [qui nous] fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14,26).

L’un et l’autre Paraclet, le Fils et l’Esprit, sont toujours avec nous, avec ceux qui aiment Jésus, avec ceux qui croient en lui, tous les deux envoyés par le Père. Jésus dit : « Je suis en mon Père, (que) vous êtes en moi, et moi en vous. », et que l’Esprit « sera en vous ». Alors cela revient à dire que les disciples de Jésus deviennent pratiquement les Temples de la Trinité. Lourde responsabilité !

Parce que si les deux Paraclets sont avec nous, en nous, UN avec le Père, ce n’est pas pour qu’on se dire ‘Je suis bien’, pour qu’on ne pense qu’à soi, mais qu’au contraire nous nous tournions vers les autres pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, en paroles et surtout en actions. Et il est important que tous les chrétiens soient, non seulement baptisés, ayant avec eux le premier Paraclet, mais qu’ils soient aussi confirmés pour recevoir en plénitude l’Esprit de Dieu en eux.

Comme ce fut le cas avec le diacre Philippe dans une ville de Samarie (1° lecture) où les gens « entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient », mettant « dans cette ville une grande joie ». Il n’avait pas eu peur d’aller dans une région où les habitants étaient mal vus des juifs qui considéraient leur religion comme bâtarde, mélange de paganisme et de judaïsme, et il avait eu grand succès, baptisant beaucoup de personnes. Mais celles-ci n’avaient pas reçus la plénitude de l’Esprit, que seuls les apôtres, ancêtres des évêques, avaient la possibilité de donner. C’est pourquoi Pierre et Jean allèrent dans cette ville pour leur donner l’Esprit par l’imposition des mains.

Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’avoir l’audace d’affirmer sa foi. Même si c’est sans doute moins dangereux que dans les premiers temps de l’Église. Encore que, dans certains pays, il faut vraiment avoir la foi pour oser s’affirmer chrétien, au risque de se retrouver en prison, ou pire, de trouver la mort. C’est pour encourager ces premiers chrétiens que Pierre (2° lecture) leur demande d’être fermes dans la foi, avec « une conscience droite », leur demandant d’être « prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous (…) Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. »

Voilà des recommandations que nous avons sans doute du mal à entendre, parce que nous sommes bien trop englués dans notre train-train quotidien, avec son confort et ses mirages. Nous avons oubliés que « le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête » et que la plupart des apôtres sont morts en martyrs.

C’est une grande invitation à nous bouger, à nous remuer, à quitter nos ‘basses eaux’, … en fait, à être de vrais chrétiens !

Seigneur Jésus,

heureusement que tu nous envoies

ton Esprit Saint

pour nous obliger à partir sur les chemins

pour être les témoins de ton amour.

Aide-nous à ne pas rester

sourds à ses incitations.

 

Francis Cousin




5ième Dimanche de Pâques – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

« Je suis le Chemin, la Vérité, et la Vie ».

Frères et sœurs, on pourrait dire que dans cette affirmation du Christ, chemin, vérité et vie, se trouve toute notre foi, tout notre être de croyant : plus encore que ce que nous pensons, toute notre vie, toute notre existence est comprise dans ces trois mots. Et je voudrais éclairer le sens de ces trois mots, en commençant par le dernier : la vie.

La vie : peut-être les découvertes biologiques de ces dernières décennies peuvent-elles nous aider à comprendre cette phrase de saint Jean avec une plus grande profondeur encore qu’on ne pouvait la comprendre auparavant. Qu’est-ce que la vie ? C’est un mystère à la foi d’unité : un vivant est une réalité qui est rassemblée sur elle-même, qui a une unité et fonctionne à partir de sa propre initiative, et en même temps, un vivant est une réalité composée d’une multitude de petites cellules attachées les unes aux autres, et chacune de ces cellules a sa place, chacune a sa fonction. Et la vie dans tout cela, c’est le lien mystérieux qui unit chacune des cellules aux autres, qui leur donne sa fonction, son pouvoir d’agir. Et la vie permet que cette multiplicité de cellules ne soit pas désorganisée, ne s’en aille pas dans tous les sens, mais que tout au contraire concoure de façon sans cesse mouvante, pleine d’initiative et d’imagination à former un seul être vivant qui se déplace, qui réfléchit, qui bouge, qui mange, qui assimile, qui grandit, qui sent et qui se transforme. La vie est une présence mystérieuse à travers notre corps, et nous sentons très bien, à certains moments si cette présence est plénière ou au contraire, à d’autres moments, nous la sentons comme affaiblis. La vie est le mystère d’une présence qui passe, irrigue et circule à travers tout notre être. C’est pourquoi notre vie, notre âme se trouvent aussi bien dans notre tête que dans nos doigts, ou dans nos jambes pour marcher. La vie est cette présence mystérieuse qui fait que nous ne sommes pas simplement des automates, des moteurs ou des machines. C’est une réalité profondément liée à notre corps et qui cependant le dépasse infiniment par son jaillissement perpétuel de spontanéité et d’initiative. Ainsi donc, quand le Christ dit : « Je suis la Vie », Il nous dit qu’Il est notre vie, et que tous ensemble, nous sommes son corps, et le Christ est Celui qui anime ce grand corps que nous formons, car nous sommes tous ensemble attachés, soudés les uns aux autres, comme les cellules d’un même corps. Et ce qui fait notre unité c’est cette vie mystérieuse qui circule et nous donne de devenir tous ensemble, progressivement l’unique corps du Christ. C’est par là que, progressivement, nous trouvons notre unité, tous ensemble et à l’intérieur de nous-mêmes, même si nous sommes tous très différents, comme les cellules sont très différentes dans un corps. Chacun a sa fonction, et les cellules nerveuses ne sont pas du tout les mêmes que les cellules des muscles. Mais chacun de nous est unifié en lui-même, et nous sommes attachés, soudés, mystérieusement les uns aux autres. Et tout comme on pourrait croire qu’un corps vivant n’est simplement qu’une collection de cellules juxtaposées les unes aux autres, mais alors, nous n’aurions encore rien compris, car des cellules juxtaposées peuvent ne former qu’un cadavre. Or dans un corps vivant, ce sont ces mêmes cellules, mais traversées mystérieusement par la vie. Car la vie, le chirurgien ne la voit pas au bout de son scalpel. De la même façon, nous-mêmes, visiblement, nous sommes simplement juxtaposés dans nos assemblées, mais en réalité, il y a une vie extraordinaire qui circule entre nous tous, et cette vie c’est le Christ, c’est « Je suis la vie ». Et cette vie nous donne d’exister, de vivre et d’aimer.

Mais cela ne suffit pas. Le Christ dit encore « Je suis la vérité ». Et là, je voudrais encore faire appel à ce que nous connaissons par la biologie. Vous savez qu’une cellule a toujours une sorte de code selon lequel elle se développe et grandit. Un homme devient un homme parce qu’il y a dès le moment de sa conception une sorte de programme à l’intérieur des cellules primitives qui le fait grandir et se développer selon l’être d’homme. A l’image du code génétique, la vérité est ce qui nous fait devenir vraiment nous-mêmes. Le Christ est vérité parce qu’Il est présent invisiblement dans tout ce corps que nous sommes, et dans l’être de chacun de nous, il nous donne d’être telle cellule, tel homme, telle femme, et pas un autre. Il est notre vérité, Il nous donne d’être ce que nous sommes vraiment, et pas autre chose. Et si, à certains moments, par notre péché nous dévions par rapport à cette vocation profonde, alors nous ne sommes pas dans la vérité, nous nous trahissons nous-mêmes et nous trahissons la vie. Le Christ est la vérité et la vie, Il est notre « code génétique », Il est ce qui nous fait devenir vraiment ce que nous avons à être, à travers bien des vicissitudes et des difficultés, il n’est pas toujours très facile de connaître quelle est la vérité à laquelle Dieu nous appelle. Il n’est pas toujours très facile d’ailleurs de savoir où nous allons, mais précisément, c’est bien cela qui est important : même si nous ne savons pas nous-mêmes, Lui Il sait. Et voilà pourquoi nous confessons qu’Il est notre vérité. Lui Il sait où Il nous conduit. Et même si parfois, la vie nous semble trop pesante et même si nous ne savons pas pourquoi le Seigneur nous mène par ces chemins-là, Lui sait qu’à travers le chemin de nos souffrances, à travers les difficultés que nous traversons, Il est là, Il porte et Il assure la vérité de notre cœur, la vérité de notre vie, la vérité de notre être.

Enfin Il est le chemin. Le chemin, cela signifie que nous avons encore beaucoup de pas à faire, car le chemin qu’Il est, il nous faut en Lui, le gravir et le parcourir. Notre vie est un chemin, non pas parce que nous partirions à l’aventure et n’importe comment : notre vie est un chemin parce que le Christ seul nous donne de marcher en Lui et avec Lui. Cela constitue peut-être l’aspect le plus mystérieux de la vie. La vie ne s’arrête jamais, il faut faire un pas et encore un autre, sinon, à certains moments, on a l’impression de piétiner et l’on se demande ce que nous faisons. Or dans la vie avec Dieu, c’est la même chose. Jésus est un chemin parce qu’Il nous prend par la main et nous fait faire un pas et encore un pas. Souvent nous avons envie de ne plus avancer et de dire : « Seigneur, c’est fini. Maintenant j’en ai trop vu, j’ai trop souffert. La vie est difficile, je ne « marche » plus », à tous les sens du mot. Dans de tels moments, le Christ est vraiment le Chemin et Il nous dit : « Écoute il ne faut pas te décourager, tu ne marches pas tout seul. Moi, Je marche avec toi. Je suis le chemin qui te guide, te conduit là où tu ne sais pas aller. Et lorsque par tout ton être, tu te révoltes et tu refuses de marcher, Je viens Moi-même à ta rencontre, Je te conduis et Je te prends, garde confiance ». Où donc va ce chemin ? Il nous mène au cœur de la vie : il nous conduit au Père, car le cœur de Dieu, c’est l’amour du Père, du Fils et du Saint Esprit. Dieu est Lui aussi comme une cellule vivante dans laquelle la vie circule infiniment plus profondément, de façon infiniment plus plénière que dans notre propre être et dans notre propre corps. Mais la vie circule entre le Père et le Fils : le Père qui donne au Fils, le Fils qui se donne au Père et c’est cela la vie de Dieu. Et voilà où nous conduit le chemin. Le chemin c’est Jésus, Dieu fait homme qui nous conduit au cœur du Père, la vie jaillit comme une source, la vie de Dieu.

Alors que nous soyons malades ou bien-portants, que nous souffrions, que nous soyons révoltés ou découragés, ou que nous ayons l’impression d’être assis sur le bord du chemin et de ne plus pouvoir avancer, après tout, aucune de ces situations n’est irrémédiable : la seule chose qui compte, c’est de reconnaître que le Christ est là, qu’Il est notre vie, notre vérité notre chemin. Cette vie circule en nous et nous lie à tous nos frères et fait que, tous ensemble, nous nous donnons la main pour marcher vers le cœur de Dieu. La vie est là pour faire apparaître notre vérité, et même si nous ne voyons pas encore ce que nous sommes ni même ce que nous allons devenir, le Christ est là et nous dit : « Je te prends par la main, Je suis ta vérité, et ce que tu es n’est pas encore manifesté. Tu le verras vraiment un jour, mais pour l’instant, tu ne peux pas encore connaître le secret de ton être et le secret de ton cœur, c’est en moi qu’Il est caché ». Et finalement, Il est le chemin au sens où tous ensemble, nous avons à nous avancer dans la paix, dans la confiance vers le cœur de Dieu. Tel est le sens de notre vie : c’est parfois très dur, mais c’est tout simple.

Que le Seigneur dans cette eucharistie qui nous rassemble tous, si différents les uns des autres, et nous constitue en un grand corps dans lequel Il fait circuler et couler la vie, de cellule en cellule, de personne en personne, nous emmène et nous conduise tous ensemble vers le lieu où nous serons manifestés. Le chemin de notre vie que nous connaissons si mal encore, c’est le Christ, et le but vers lequel Il nous conduit, c’est le cœur de Dieu. Amen.

 




5ième Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

 « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »

Alors que nous sommes encore dans la joie de la résurrection, voici que l’évangile de ce jour nous ramène au soir du jeudi saint, dans cette ambiance trouble où Jésus lave les pieds de ses disciples ’’en exemple’’, où il partage le pain et le vin en signe de ’’la nouvelle alliance’’, où on parle de trahison, de reniement, et où Judas s’éclipse sans qu’on sache pourquoi …

Jésus essaie de mettre un peu d’espoir dans le cœur des apôtres, et il leur parle de l’avenir, cet avenir si proche et en même temps si lointain. Avec amour : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1).

Encore une fois, il les mets en confiance : « N’ayez pas peur, ne soyez pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi, Ayez confiance en moi … ».

« Dans la maison de mon Père … ». Cette maison qu’on imagine aisément avec une porte, des fenêtres … n’est pas un lieu, un espace, encore moins un immeuble avec beaucoup d’appartements. Cette maison est une personne…

Avant, quand Jésus est allé pour la première fois à Jérusalem, il parle de la maison de son Père comme étant le temple de Jérusalem : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2,49). Maintenant, c’est Jésus lui-même, UN avec son Père (Jn 17,22 ) « qui demeure en moi », intimement lié à lui : « Je suis dans le Père, et le Père est en moi ».

La maison du Père est la maison de Jésus. Mieux, c’est le cœur de Jésus.

Jésus qui a souffert sa Passion et qui est ressuscité, et qui ouvre aux apôtres, et à chacun de nous, son cœur transpercé offert par amour pour tous les hommes (« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Jn 15,13) Son cœur d’où coule du sang et de l’eau. Son cœur source de l’amour et de l’Esprit Saint, cœur de miséricorde, comme il est montré à sainte Faustine : « Jésus, j’ai confiance en toi ». Son cœur transpercé pour que nous puissions y entrer et y demeurer, comme il voudrait que nous fassions nous aussi : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap 3,20).

Et Jésus donne aux apôtres un message d’espoir : « Je pars vous préparer une place … Je reviendrai vous chercher … afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi.». Message d’espoir : Jésus n’abandonne pas ses apôtres, ne nous abandonne pas. Mais il y a une condition : « Croyez en moi ; Ayez confiance en moi ! Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grande, parce que je pars vers le Père. »

Mais quel est le chemin pour aller vers le Père ?

Jésus lui-même ! Encore Jésus ! : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »

Jésus qui est le chemin, et en même temps le bout du chemin !

Jésus qui nous demande d’être toujours en compagnonnage avec lui sur ce chemin qui conduit vers le Père, vers la Vie éternelle :

Il nous indique le chemin, par sa Parole et ses actes,

Il nous y rejoint (Emmaüs)

Il nous y conduit (Le Bon Pasteur)

Il nous l’explique (Paroles, prières), avec l’Esprit Saint qu’il nous envoie par le Père

Il nous y précède (Je vous prépare une place)

Il y est toujours avec nous (l’Emmanuel)

Lui … qui nous appelle des ténèbres à son admirable lumière. (2° lecture).

Seigneur Jésus,

tu es le chemin qui nous mène vers le Père,

et tu es en même temps le bout du chemin.

Sans toi, nous ne pouvons rien faire.

Jésus,

Je crois en toi.

J’ai confiance en toi. 

Francis Cousin

 




4ième Dimanche de Pâques – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Sans jeux de mots, et surtout sans malveillance, vous allez me dire que les disciples étaient bien bêtes puisqu’ils n’ont pas compris la parabole que Jésus leur expliquait, parabole selon laquelle Il était un berger et eux-mêmes étaient les membres du troupeau. Pourtant je ne suis pas sûr que cette parabole soit aussi évidente qu’on pourrait le croire au premier abord. En tout cas, je ne suis pas sûr qu’elle doive être interprétée dans ce sens spontané dans lequel nous orientons peut-être notre propre compréhension de la parabole, je veux dire cette atmosphère un peu feutrée, un peu laineuse dans laquelle les moutons sont rassemblés les uns contre les autres, au chaud, en sécurité autour de leur pasteur.

Car, si vous avez remarqué, il n’est pas du tout question d’un berger qui couverait son troupeau. Au contraire, la parabole, et je crois que c’est très important, porte précisément sur le fait que, au lieu de garder ses brebis dans une espèce de fausse sécurité un peu bêlante dans la bergerie, le pasteur vient, ouvre la porte et emmène le troupeau. Tout le mystère du bon pasteur, ce n’est pas un mystère de sécurité ou de fausse protection. La relation du bon pasteur avec les brebis, c’est une aventure. C’est que le Christ est là. Il vient dans la bergerie, mais pour faire sortir les brebis de la bergerie, et pour les emmener à l’aventure, « au plaisir de Dieu ». C’est très exactement cela le sens de la parabole du bon pasteur.

Le Christ explique bien que, au fond, si ses brebis peuvent prendre le goût de l’aventure, c’est précisément parce qu’elles peuvent avoir confiance, qu’elles reconnaissent la voix du berger, qu’elles peuvent avoir confiance en ce berger qui les guide et les conduit. En ceci Jésus reprend tout le thème de l’Ancien Testament, si admirablement évoqué par le psaume 22 : « Le Seigneur me conduit vers de gras pâturages. Près des eaux tranquilles, Il me fait reposer ». En tout ceci, le problème n’est pas celui de rester enfermé dans la bergerie et de ne pas bouger. Mais au contraire, le problème est celui de s’avancer et de partir à l’aventure. Etre du troupeau de Dieu, ce n’est pas avoir ce comportement de mouton de Panurge qui consiste simplement à s’assurer que le mouton qui est en tête du troupeau fait bien une chose et qu’ensuite, tous ensemble nous faisons la même chose. Non.

Le rapport qui existe entre nous et le berger est un rapport d’émancipation et de liberté. Et c’est en ceci que l’Église est le troupeau de Dieu. Non pas qu’elle bêle à la suite de ceux qui ont bêlé avant, mais parce qu’elle est ce peuple qui a été appelé à aller chercher les gras pâturages de la liberté des enfants de Dieu, parce qu’elle est ce peuple appelé à vivre selon le véritable appel de Dieu, à ne pas rester entre quatre murs, mais à entrer dans l’aventure de la Pâque. Et c’est pour cela que, ultimement, le Christ dit à la fin de cette parabole : « Je suis la porte ! » c’est-à-dire « Je suis Celui qui permet d’entrer et de sortir », « Je suis celui qui donne la véritable liberté de mouvement à mes brebis, qui leur permet de ne pas rester enfermées dans leur égoïsme ou dans les limites de l’horizon un tout petit peu borné de leur vie habituelle de moutons ». Et, à ce moment-là, le sens profond, c’est que le Christ étant la porte, nous permet d’entrer mais d’entrer dans le mystère même où Il est entré, c’est-à-dire le mystère de sa Pâque. C’est pour cela que tous ces jours-ci, nous allons méditer le mystère du bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Car le Christ est véritablement celui qui, dans sa chair, a ouvert la porte du ciel, la porte de la véritable aventure. Une aventure qui ne se déroule plus simplement dans la bergerie de nos quatre murs de la terre, mais une aventure qui est entre ciel et terre, car le Christ est désormais la porte entre le ciel et la terre. Il a ouvert le ciel pour nous. Et, en même temps, Il a ouvert notre cœur, notre liberté, pour être vraiment à Dieu, pour que nous ne soyons plus des moutons selon la compréhension humaine de ce terme, mais pour être vraiment les brebis du troupeau selon ce projet de liberté que Dieu, le seul et unique pasteur, a sur nous et qu’Il nous a révélé en Jésus-Christ. Amen.




4ième Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

« Je suis la Porte. »

Dès le début de cet évangile, Jésus, qui s’adresse aux pharisiens, oppose deux manières d’entrer dans une bergerie, image familière pour tous ceux qui connaissent la Bible. La première, pour les pharisiens, c’est d’entrer par un autre chemin que la porte ; celui qui fait cela est un voleur et un bandit. La seconde, plus normale, est d’entrer par la porte ; c’est le pasteur, le berger des brebis. A l’époque, le berger ramenait chaque soir ses brebis dans un enclos commun à plusieurs troupeaux, et les laissait à la garde d’un veilleur de nuit, le portier. Le matin, à son appel, le portier lui ouvrait et il appelait ses brebis, qui connaissent et écoutent sa voix ; alors, elles sortent et il le mène vers les pâturages où elles peuvent aller et venir.

A-priori, on comprend que Jésus est le pasteur, qui fait les choses justement, et que les voleurs et les bandits sont les pharisiens qui ont confisqué et interprété la Loi à leurs manières. Mais, surprise, Jésus ne se présente pas d’abord comme le pasteur (du moins pour le moment), mais comme la porte.

« Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé. »

Pour entrer dans la bergerie, il faut passer par Jésus, et non par les pharisiens : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer ! » (Mt 23, 13).

Pour ’’habiter dans la maison du Seigneur’’ (Ps 23,6), il faut entrer dans la bergerie, pour pouvoir en sortir à sa guise, en passant la porte, en passant avec Jésus qui appelle chacun par son nom.

Comme l’a fait pour nous à notre baptême le prêtre ou le diacre, en nous appelant par notre nom : « N…, je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. »

Un appel pour entrer dans la famille de Dieu, mais aussi pour vivre de l’évangile, en suivant le pasteur, le Bon Pasteur, qui les mène ’’sur des près d’herbe fraiche, … vers les eaux tranquilles … par le juste chemin pour l’honneur de son nom’’ (Ps 23).

Chaque jour, chaque matin, le berger vient appeler ses brebis.

Chaque jour, nous sommes appelés à suivre Jésus, à vivre comme lui,

                                                           à mettre en œuvre son Évangile,

                                                           à aimer Jésus comme il nous a aimés,

                                                           à écouter sa Parole et la mettre en pratique (Mt 7,24), notamment son commandement d’amour : « Vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Et celui qui garde ses commandements, « c’est celui-là qui m’aime … et je l’aimerai. » (Jn 14,21).

Tout est une question d’amour, entre les brebis et le pasteur, et entre les brebis entre elles.

Bien sûr, malheureusement, il peut arriver que l’on doute, que l’on se perde. Mais Jésus ne nous laissera pas tomber. Au contraire, il fera tout ce qui est en son pouvoir « pour s’en aller après [la brebis] qui s’est perdue jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée » (Lc 15,4).

Jésus est bien la porte, qui nous ouvre à sa Parole, qui est en fait la Parole du Père (« le Père lui-même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer. » Jn 12,29), et qui nous mène vers lui : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6).

Comme toutes les portes, Jésus permet d’aller d’un lieu vers un autre, il est l’interface entre nous et le Père, l’unique médiateur : « il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus » (1 Tim 2,5).

Ainsi, si nous écoutons l’appel de Jésus, si nous suivons ses commandements, il nous mènera à Dieu son Père. Alors, nous pourrons entendre un autre appel, lors du jugement dernier : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » (Mt 25,34).

N’ayons pas peur de passer la porte, c’est le seul chemin qui mène à la vraie Vie.

Seigneur Jésus,

tu es la porte

qui nous permet de passer

 des ténèbres à la lumière,

qui nous permet d’aller vers la vraie Vie,

auprès de ton Père.

Viens nous chercher

si nous nous égarons.

Francis Cousin




3ième Dimanche de Pâques par Francis COUSIN

 

« Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. »

Jésus est mort et enterré depuis trois jours … Quelques femmes disent qu’il a disparu du tombeau où on l’avait mis, mais que des anges leur ont apparu pour dire qu’il est vivant !

MAIS …

Ces deux disciples sur le chemin d’Emmaüs ne sont pas sûrs que ce soient vrai. Ils sont fatigués, déçus, eux qui croyaient que Jésus allait délivrer Israël  de l’envahisseur romain. Ils sont désappointés, et ils retournent chez eux …

L’espoir s’en est allé !

Et voilà qu’un homme les rejoint, Jésus, « mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ». Il les fait parler de ce qui les préoccupe, puis leur explique, « dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. »

L’écoute attentive des uns, et la parole donnée en réponse à ce qui a été dit par l’autre, est bien souvent un remède pour remettre les choses en place, pour clamer les esprits, et finalement pour remettre une lueur d’espoir dans la conscience des gens.

Et cette écoute puis cette parole ne sont pas réservées à Jésus, ou à un prêtre, mais peuvent être utilisés avec efficacité par beaucoup de  chrétiens (et peut-être même par tous), que ce soit dans les domaines familial, professionnel, social …, mais aussi dans le domaine religieux et spirituel. Mais, dans ce dernier domaine, on peut dire que la plupart des chrétiens sont très en retrait, et n’osent pas s’exprimer devant les autres, par respect-humain plus que par respect de la liberté de pensée des autres ou d’une idée qu’ils se font de la laïcité.

Nous sommes bien trop timorés à ce sujet, et même si beaucoup ont reçu le sacrement de confirmation, la plénitude du Saint Esprit, comme l’ont reçu les apôtres le jour de la Pentecôte, permettant à Pierre d’affirmer : « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous tous, nous en sommes témoins » (Première lecture).

Si saint Pierre et les autres apôtres avaient été aussi peureux et craintifs que nous, il y a de fortes chances que nous n’aurions jamais entendu parler de Jésus-Christ. « Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende. » (Mc 4,23).

L’écoute de Jésus a redonné un peu d’espoir aux deux disciples d’Emmaüs, les a réconfortés, si bien qu’arrivés chez eux, dans la grande tradition hébraïque, ils invitent Jésus à entrer chez eux.

Là, au cours du repas, Jésus, « ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent. »

On peut penser que cet épisode a tellement marqués les esprits que, dès le départ, la fraction du pain est devenue importante pour tous les chrétiens, comme signe de reconnaissance, peut-être autant qu’à cause de l’injonction de Jésus « faites ceci en mémoire de moi ».

Alors, eux qui étaient fatigués, n’hésitent pas une seconde, et revigorés, plus spirituellement que matériellement, ils retournent à Jérusalem « à l’instant même » pour annoncer cette bonne nouvelle de Jésus ressuscité aux apôtres.

Le message ne peut pas attendre ! Il doit être donné tout de suite !!

Et nous, sommes-nous aussi pressés que ces premiers chrétiens à annoncer aux autres les bienfaits que Dieu nous donne ?

Pas sûr ! Et pourtant ce ne sont pas les moyens de communication qui nous manquent pour cela !

Seigneur Jésus,

bien souvent, tu nous parles en notre cœur,

mais nous n’y faisons pas attention.

Parfois, on reconnait que c’est toi qui parle,

mais cela ne nous fait pas changer

notre manière de vivre.

Nous sommes de bien piètres témoins

de ton évangile !

Francis Cousin




3ième Dimanche de Pâques – par le Diacre Jacques FOURNIER

 « Christ est Ressuscité ! Le crois-tu ? »

(Luc 24, 13-35)  

 

 Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem,
et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.
Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »
Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :
comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.
Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.
À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,
elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant.
Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !
Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin.
Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.
Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »
À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent :
« Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »
À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.

 

          

 

            Après les événements de la Passion et de la mort de Jésus, deux disciples quittent Jérusalem pour un village appelé Emmaüs, distant d’environ une douzaine de kilomètres. Ils sont « tout tristes ». Mais le Christ Ressuscité les rejoint, et il entame la conversation avec eux… C’est bien lui, mais dans une condition « tout autre », insaisissable par nos seuls sens corporels. Pour le reconnaître, il faut un regard de foi, un regard du cœur…

            Pour l’instant, ce n’est pas le cas… Ils ont pourtant bien entendu le témoignage des « femmes de leur groupe » qui les « ont remplis de stupeur. Dès l’aurore, elles sont en effet allées au tombeau et elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont ensuite venues leur dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant ». Mais ils ne les ont pas crues… Les Apôtres eux aussi avaient trouvé leurs propos « délirants » !

            « Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau », lui disent-ils, « et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Et comme eux, ils n’ont toujours pas cru…

            Le Christ « leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ». Et pendant qu’il leur parlait, l’Esprit Saint, « l’Esprit de Vérité, lui rendait témoignage » (Jn 16,26), en communiquant à leur cœur un « quelque chose » propre à Dieu, un « quelque chose » de l’ordre de sa Vie, de sa Paix, de son Amour (1Jn 5)… Plus tard, ils s’en souviendront en disant : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » 

            Mais pour l’instant, s’ils vivent bien ce « quelque chose », ils ne le comprennent pas encore… Et pourtant quel bonheur d’être avec lui… Aussi, quand Jésus fit mine d’aller plus loin, ils le supplièrent : « Reste avec nous, le soir tombe »… Jésus n’attendait que cela… Comme lors de son dernier repas, juste avant sa Passion, « il prit le pain, prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. » Cette fois, « leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards ». Qu’importe ! Ils ont reconnu l’impensable : Christ est Ressuscité, il est avec eux jusqu’à la fin du monde. Et leur regard de foi, leur regard du cœur, désormais bien ouvert, saura reconnaître dorénavant sa Présence à leurs côtés, bien au delà des seules apparences…                                                DJF




2ième Dimanche de Pâques – Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

L’Eglise, lieu de naissance de notre foi

« Thomas appelé le Jumeau n’était pas avec les douze ou avec les Onze quand Jésus était venu au soir de sa Résurrection ». Ce petit détail dans le récit peut nous paraître anecdotique ou comme le ressort littéraire qui fait le lien entre la première apparition et la seconde. Cette absence de Thomas nous paraît mentionnée ici naturellement puisqu’il faut bien rendre compte du fait qu’il était incrédule et que lors de la seconde apparition, en voyant Jésus, parce qu’il était à ce moment-là au milieu des douze, il a accueilli la grâce même de la foi au Christ ressuscité. Pourtant ce petit détail en apparence banal me paraît propre à nous faire réfléchir sur la manière dont nous croyons.

Pourquoi Thomas était-il resté incrédule ? C’est tout simplement parce qu’il n’était pas avec les autres disciples, parce qu’on ne peut pas avoir la foi tout seul, et qu’on ne peut pas être croyant en roulant pour son propre compte. Thomas était incrédule parce qu’il n’était pas avec la communauté croyante.

Et, comprenez-moi bien, cela ne signifie pas que quand on est ensemble, « on se chauffe », pour croire plus facilement. Il ne s’agit pas d’un processus de « dynamique de groupe » appliqué à l’Église et à la foi. Il s’agit vraiment de la foi. On ne peut pas être croyant si l’on est en dehors de l’Église. Thomas ne pouvait pas croire au Christ ressuscité, car il n’y a pas d’autre lieu que l’Église où le Christ ressuscité se donne à croire aux hommes.

Thomas n’ayant donc pas été saisi par le Christ au moment même où Il apparaissait pour la première fois à la petite communauté des disciples qu’Il rassemblait dans la puissance de l’Esprit saint en soufflant sur eux, ne faisait pas partie de la communauté croyante que le Christ venait de créer car c’est cela que signifie la parole du Christ : « Recevez l’Esprit Saint », ce qui peut se traduire : « Vous tous qui êtes là au soir de ma Pâque, désespérés, Je vous fais la communauté porteuse de ma présence, je vous crée comme Église ».

Par conséquent Thomas, en dehors de ce petit groupe dont Jésus s’emparait pour en faire la base, le fondement même de l’Église, ne pouvait pas croire. Et c’est la raison pour laquelle il affiche son incrédulité, et non pas parce qu’il a lu Descartes ou les philosophes modernes du soupçon. Il ne doute pas parce qu’il pense qu’une résurrection est impossible. Mais la foi étant le don même de l’Esprit, il ne peut pas croire. Et ce premier aspect de l’histoire de Thomas répond déjà à une de nos questions : pourquoi « les autres » ne croient pas ? Ce n’est pas parce qu’ils sont sceptiques ou blasés, ou parce que les découvertes de la science moderne leur ont appris que la résurrection serait une affaire capable d’intéresser les hommes naïfs ou crédules. Non, les gens ne croient pas parce qu’ils ne sont pas encore le cœur même de l’Église, parce qu’ils ne sont pas encore partie prenante de ce peuple sur lequel le Christ a envoyé son Esprit Saint. L’incrédulité n’est pas d’abord un péché, elle est le fait de ne pas être encore membres du peuple de Dieu. C’est cela la première réalité.

Allons plus loin : Thomas revient dans la semaine, les disciples lui disent : « Nous avons vu le Seigneur », ils ne disent pas : « Nous avons revu Jésus », ils disent : « Nous avons vu le Seigneur ». La communauté porte déjà le vrai témoignage de la foi. Et maintenant, Thomas est au milieu de l’Église, et pourtant il dit : « Je ne peux pas encore y croire ». Et vous voyez qu’ici encore, nous nous retrouvons devant des problèmes tout à fait contemporains. Il y a des gens qui font partie de l’Église, ils ont été baptisés, ils sentent plutôt « de ce côté-là », ils sont « plutôt croyants mais pas pratiquants », comme on dit si bien, mais en fait ils n’ont pas trouvé le vrai lieu de la foi. Car l’Église à elle seule ne suffit pas à susciter la foi, l’Église toute seule, même si elle est parfaitement « huilée », parfaitement « rodée » dans son fonctionnement, et Dieu sait qu’on n’en est pas là si l’on voit toutes les critiques qui lui sont adressées, mais l’Église par elle seule n’est pas suffisamment consistante, elle n’a pas par elle-même la force indispensable, elle ne suffit pas. Et précisément, ici encore, les disciples ont beau dire : « Mais nous, nous avons vu le Seigneur », Thomas ne peut pas croire sur ce seul témoignage.

Comprenez bien ! Ce n’est pas de la mauvaise volonté par rapport à ses compagnons qu’il connaît bien, il sait bien que Jean et Pierre ne vont pas lui conter des histoires ou des sornettes, « Mais, dit-il, si je ne vois pas, je ne croirai pas », comme si le témoignage de l’Église par elle-même, vue uniquement comme la communauté, ne suffisait pas. Et nous abordons ici des problèmes qui touchent à vif notre conscience de chrétiens modernes : combien de fois n’avons-nous pas dans nos milieux ecclésiaux ou ecclésiastiques, si vous voyez la nuance, essayé de cultiver cette mauvaise conscience ? Si souvent nous nous interrogeons : mais pourquoi notre témoignage n’est-il pas plus rayonnant ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à convertir les autres ? A l’intérieur d’une famille : « Pourquoi mon conjoint ne croit-il pas ? » Alors on culpabilise. Pensez à Thomas. C’étaient pourtant les plus grands témoins qui étaient autour de lui c’étaient Pierre, Jacques et Jean. Or quand Thomas n’avait affaire qu’à Pierre, Jacques et Jean, il ne croyait pas. Il posait encore des conditions, il n’arrivait pas à être convaincu. Donc l’Église à elle-même, si on la regarde comme ce peuple qui proclame la venue de Dieu, qui proclame le salut en Jésus-Christ, qui accomplit les sacrements, envisagée purement sur ce plan humain de sa réalité ne suffit pas.

Et c’est alors qu’on arrive au troisième moment de l’évangile. Thomas, au cœur de l’Église, rencontre le Christ ressuscité, ou plus exactement le Christ ressuscité vient, au cœur de l’Église, au-devant de Thomas. Il faut donc trois choses pour qu’il y ait la foi. Il faut qu’il y ait un homme appelé par Dieu, il faut qu’il y ait une communauté qui l’accueille et qui soit là pour proclamer : « Nous avons vu le Seigneur », mais il faut que le Seigneur Lui-même, en personne, vienne et dise : « Thomas, voici mes mains, voici mes pieds ». Comme dit l’admirable formule de saint Augustin : « Je connais tes blessures et j’ai gardé pour toi ma cicatrice ». Il faut qu’il y ait ce mouvement même de Dieu qui vient au-devant de l’homme, dans sa singularité personnelle. Et à ce moment-là, Thomas peut vraiment reprendre à son compte ce mouvement par lequel, au cœur même de l’Église, au cœur même des disciples rassemblés autour de lui, il confesse effectivement : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Thomas n’a rien inventé, il redit la même chose que ses frères lui avaient dite, mais maintenant il la dit autrement, il la dit parce qu’il croit, il la dit parce qu’il a été saisi lui-même, comme dit saint Paul. Et c’est effectivement l’ultime et troisième démarche de la foi, ce moment où le Christ dit : « Me voici, J’ai souffert pour toi, Je suis ressuscité pour toi et Je Me manifeste à toi ».

Que conclure de tout ça ? Plusieurs réflexions que je livre à votre jugement et à votre désir de vivre en membres de l’Église. La première, c’est qu’il ne faut jamais désespérer de l’Église, ni la surestimer. Et cela aujourd’hui, est très difficile. Il ne faut pas désespérer de l’Église parce que, comme vous l’avez remarqué, Jésus n’est pas apparu à Thomas tout seul. Et vous savez d’ailleurs que le seul témoin qui ait eu une apparition pour lui seul c’est Marie-Madeleine. La plupart des autres apparitions sont des apparitions collectives, ils sont au moins deux comme les disciples d’Emmaüs, et il y a peut-être une apparition à Pierre seul dont on ne sait rien, parce qu’elle ne nous est pas rapportée par les évangiles, et donc on ne sait pas si elle a été donnée à Pierre seul ou à Pierre en présence des autres disciples. En tout cas pour nous aujourd’hui, c’est la raison pour laquelle nous ne devons jamais désespérer de l’Église, car il n’y a pas d’autre lieu où nous puissions reconnaître le Christ ressuscité. C’est pourquoi l’Église est infiniment précieuse au cœur du monde et qu’on ne peut pas se passer d’elle. L’Église c’est le lieu même de la rencontre, un peu comme une famille est pour un enfant le lieu même normal de la découverte de sa propre identité et de l’identité des autres êtres humains qu’il apprendra à aimer et à connaître comme des humains. L’Église est le milieu naturel de la reconnaissance du Christ ressuscité. Et il faut toujours se méfier de toute forme de discours qui voudrait nous expliquer le Christ ressuscité en dehors de l’Église, soit par des fausses sciences, des fausses connaissances, des gnoses qui foisonnent aujourd’hui. Mais en même temps il ne faut pas la surestimer.

Qu’est-ce que je veux dire par là ? L’Église par elle-même ne peut pas établir, à elle seule, la foi au Christ ressuscité dans le cœur des croyants. Et aujourd’hui, nous devons être particulièrement attentifs à cet aspect des choses. Jamais l’Église dans son histoire, je vous le dis comme je le pense, n’a été aussi « nombriliste » qu’aujourd’hui, jamais l’Église ne s’est autant interrogée sur elle-même, sur ses structures, et là je vous passe les détails, surtout les structures de l’appareil où nous n’avions comme rival que le défunt parti communiste, sur tous les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour « conscientiser » les masses et le monde. Jamais l’Église n’a été autant préoccupée et soucieuse d’elle-même. Et tout cela ce n’est pas très juste, ça ce n’est pas très sain. L’Église n’a pas à se soucier d’elle-même. L’Église doit être ce lieu même de la transparence au Christ ressuscité, car elle n’a pas à affirmer un pouvoir, elle n’a pas à affirmer une force, elle a simplement à exister en disant pour la vie de chacun de ses membres : « Nous avons vu le Seigneur », mais il faut en même temps qu’elle laisse le Seigneur travailler dans le cœur des hommes qui cherchent et qu’elle ne vienne pas là, à certains moments, s’interposer comme une sorte d’écran, de filtre ou de « transformateur » de la puissance même du Christ ressuscité.

Par exemple, lorsque nous venons dans notre communauté paroissiale, dans une assemblée, c’est parce qu’effectivement nous savons que, tout seuls, nous ne pouvons pas croire et que nous avons besoin d’être accueillis les uns les autres, pour nous affermir, pour nous dire : « Oui, c’est vrai, le Seigneur est ressuscité », et que, ne sous-estimant ni ne surestimant l’Église, nous sachions qu’en réalité seul est Celui-là même qui nous fait exister pour Lui, qui nous fait être Église. Il faut donc qu’aujourd’hui, nous reprenions pour notre propre compte la parole de Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu », que nous en voyions toute la force, la manière même dont cette parole nous enracine et dans l’Église et dans le Christ, et que les deux choses ne sont ni à opposer ni à séparer, mais qu’en entrant dans la communauté chrétienne, nous n’entrons pas dans cette communauté pour elle-même, comme si elle était une fois en soi mais pour le Christ qui en est le Seigneur.

Ce que nous voyons c’est notre assemblée, mais ce que nous voyons ne suffit pas, ce que nous voyons est la porte ouverte à ce que nous croyons, « le Christ vivant, Premier-né d’entre les morts ». Amen.