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28ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Luc 17, 11-19

La petite musique du salut

 

Frères et sœurs,

Pour expliquer brièvement ce texte, car apparemment, il ne demande pas d’explication, je voudrais simplement poser une question aux musiciens. A quoi sert-il pour un musicien de murmurer dans son cœur ou sa tête la mélodie qu’il est en train de composer, ou bien simplement de se répéter mentalement le doigté d’une partie de flûte ou de piano, s’il n’y a aucune manifestation extérieure ? C’est peut-être un très grand musicien, il est capable de composer à la table, sans jamais entendre aucun son réel, il arrive par l’agencement des accords à se dire que cela doit être extraordinaire, car si les compositeurs de symphonies avaient besoin d’avoir à leur disposition tout un orchestre, les interprètes deviendraient fous. Un musicien qui ne jouirait qu’à l’intérieur de lui-même de la musique qui lui est donnée serait sans doute excellent du point de vue de son talent mais mauvais pour nous tous. Tout l’art du musicien, c’est de faire sortir ce qu’il a imaginé dans sa tête, dans sa sensibilité, et de le faire jaillir à travers la musique, le chant et les alternances de l’orchestre et des chorales.

la foiC’est exactement le sens de cet évangile. Ils ont tous été guéris, ils ont tous entendu la musique intérieure qui les réintégrait dans la société. Ces dix lépreux ont tous reçus la guérison par une certaine foi, dans le fait qu’ils se soient précipités vers Jésus et qu’ils lui aient demandé la guérison. Ils ont compris intérieurement le mouvement de la grâce vers eux. Et étant en chemin, ils se sont rendu compte qu’ils étaient guéris.

Un seul est venu jouer la musique du salut devant le Christ. C’est ce qu’on appelle l’action de grâces, rendre grâces ou remercier. Remercier ce n’est pas simplement assurer par une sorte de convention – dire merci –, remercier, c’est aller au devant de la source qui a été l’inspiration de cette guérison, et aller devant Dieu pour se montrer à lui guéri.

Mettez-vous à la place du Christ. Qu’est-ce qui pouvait lui faire plus plaisir lui qui avait vu ces lépreux défigurés, méprisés, bannis de la société des hommes, ces hommes qui n’étaient plus des hommes, que pouvait-il y avoir pour lui de plus beau que de retrouver ces hommes qui revenaient avec un visage recomposé, restitué à sa beauté et à sa vérité première ? C’est cela que les neuf autres lépreux n’ont pas compris. Ils n’ont pas compris qu’en gardant le bénéfice interne de leur guérison, ils n’ont pas eu l’idée de retourner à la source. Certes, Dieu est bon, il ne retire pas les bienfaits qu’il a donnés, les autres sont allés accomplir les rites au temple. Ils ont considéré que puisqu’ils avaient obtenu la guérison, cela leur suffisait ! Celui qui est revenu, il a été comme le musicien qui a reconnu que sa guérison était comme une musique intérieure et que le premier qui devait le voir, c’était Jésus, la source.

Frères et sœurs, c’est ce que cet évangile veut nous faire entendre. La foi chrétienne est certes un don intérieur, caché au plus intime de notre cœur, c’est une action secrète de Dieu en chacun d’entre nous, mais à quoi servirait ce trésor si on le gardait enfoui ? A quoi rimerait ce don si on le gardait uniquement pour soi ? C’est cela que veut nous dire l’épisode du Samaritain. Luc souligne que c’est un homme étranger au peuple élu, ce n’est pas une question d’élection, ni une question d’avoir un statut privilégié, mais quand je redécouvre que Dieu m’a redonné ma véritable identité, cela ne peut pas rester secret.

foi

L’Église aujourd’hui a à peu près la même composition que le groupe des lépreux qui est venu vers Jésus pour demander sa guérison. Un dixième qui retourne pour rendre grâces, et neuf dixièmes qui se disent : « J’ai été baptisé et comme on dit parfois, « j’ai tout fait », donc cela suffit, je ne bouge plus, je garde cela soigneusement dans mes lectures, mes petites oraisons, mes petites prières personnelles, de temps en temps, j’irai voir la statue de sainte Thérèse quand cela ira moins bien. Mais, c’est plus que cela. C’est vraiment le fait qu’à partir du moment où la foi a fait de nous une autre personne, ce n’est pas du « m’as-tu vu », ce n’est pas ostentatoire, ce n’est pas une atteinte à la laïcité, c’est une reconnaissance de ce que Dieu fait. C’est très différent.

Frères et sœurs, ce n’est pas la peine d’avoir la religion ou la foi tapageuse, il suffit de reconnaître ce que nous sommes devenus par cette petite musique intérieure qui s’appelle la guérison, la miséricorde, la douceur, le bonheur et la grâce. Si je porte cela dans mon cœur, il faut que j’aille pour rendre grâces devant Dieu et devant mes frères. Amen.




28ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

Jésus révèle « le Père des Miséricordes »

(Lc 17, 11-19)

 

En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée.
Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance
et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. »
À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » En cours de route, ils furent purifiés.
L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix.
Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain.
Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?
Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »
Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »

      amour de dieu

 A l’époque de Jésus, les Samaritains, lointains descendants des Israélites du Royaume du Nord, étaient les ennemis jurés des habitants de la Galilée et de la Judée. Et nous voyons ici le Juif Jésus « traverser la Samarie » pour aller à Jérusalem ! « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) et l’Humanité n’a qu’un seul Créateur et Père. Tout homme est enfant de Dieu, par le simple fait qu’il existe, et Jésus est venu reconstruire cette immense Famille pour lui donner de pouvoir se retrouver « là » où elle est si fortement attendue : dans la Maison du Père, conviée à s’asseoir à la table du Père pour une éternelle Fête de Famille…
 La maladie était regardée autrefois comme la conséquence du péché. Ces dix lépreux nous représentent donc tous. Ils s’approchent d’ailleurs de Jésus et lui disent, non pas « Guéris-nous », mais : « Jésus, Maître, fais-nous miséricorde ». Une telle prière ne peut qu’être exaucée : Jésus est venu pour cela, aussi grave que puisse être notre état. La Miséricorde de Dieu, en effet, est infinie, sans limite, inépuisable. Et ce sont les plus grands pécheurs, les plus grands blessés de la vie, qui, dans l’Amour, sont appelés à recevoir le plus. Les derniers sont déjà, pour Dieu, les premiers.
 Jésus ne va leur demander qu’une seule chose : la confiance. En effet, ils ne sont pas guéris tout de suite, et pourtant il va les inviter à partir vers les prêtres chargés de constater leur guérison (Lv 14) ! Et les dix vont croire et partir… Mais quel est l’objet de leur foi ? Croient-ils simplement que Jésus est un formidable guérisseur comme nous, nous pouvons faire confiance en tel médecin, en tel chirurgien ?
 « En cours de route, ils furent purifiés ». Jésus est réellement formidable, et l’aventure va s’arrêter là pour neuf d’entre eux… Un seul, un Samaritain – donné ici en exemple à un auditoire Juif ! – va revenir vers cet homme appelé Jésus « en glorifiant Dieu à pleine voix ». Avec lui, nous ne sommes donc plus dans la seule confiance humaine, mais dans celle qui, adressée à Dieu, s’appelle « la foi ». Et il se prosterne devant Jésus « la face contre terre » comme on le fait devant Dieu seul… A-t-il reconnu en Jésus ce Dieu Fils Unique venu nous rejoindre en notre humanité ? Le texte ne le dit pas… Mais quoi qu’il en soit, à travers sa relation avec le Christ, sa vie est maintenant tout entière tournée vers Dieu dans l’action de grâce. Il l’a reconnu à l’œuvre dans sa vie, il a été l’heureux bénéficiaire de sa Tendresse et de sa Bienveillance, il se tourne maintenant de tout cœur vers Lui pour lui dire : « Merci ! ». Et c’est dans cette attitude de cœur qu’il sera le seul parmi les dix lépreux guéris à entendre une parole qui va bien plus loin que la seule guérison physique : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. » Dorénavant, la Vie de Dieu, par sa foi et dans la foi, sera aussi quelque part la sienne, en attendant le plein accomplissement promis, au Ciel, dans la Maison du Père…            DJF

                          




Rencontre autour de l’Évangile – 28ieme dimanche du temps ordinaire

« Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé.. »

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons et comprenons les mots important (Luc 17, 11-19)      

 N’oublions pas que Jésus est en route vers Jérusalem où il va donner sa vie pour nous guérir de nos péchés et nous réconcilier avec le Père.

                 

Soulignons les mots importants

Lépreux : Réalisons-nous quel était le sort des lépreux dans la société juive du temps de Jésus ?

S’arrêtèrent à distance : Pourquoi ?

Crièrent : Quel est le sens de ce cri ?

Prends pitié de nous : Quand est-ce que l’Eglise nous fait faire cette supplication des lépreux ?

Allez-vous montrer aux prêtres: Jésus ne dit rien d’autre aux lépreux, il ne fait aucun geste de guérison. Et les lépreux suivent ses instructions  et en cours de route ils sont purifiés : qu’est ce que cela nous apprend de la Parole de Jésus, et de la foi des lépreux ?

Purifiés : De quelle purification s’agit-il ?

La face contre terre  aux pieds de Jésus : que signifie ce geste? Qu’est-ce qui est admirable chez cet homme qui fait demi-tour et revient vers Jésus ? Pourquoi Jésus est surpris ?

Samaritain : Jésus dit de lui : “cet étranger ” : est-ce que nous nous rappelons pourquoi ?

Que veut souligner Jésus en admirant la reconnaissance du Samaritain ? Est-ce que cela ne nous rappelle pas une parabole ?

Rendre grâce, Rendre gloire à Dieu : Ces deux expressions expriment deux attitudes importantes des chrétiens. A quel moment surtout nous les exprimons ?

Ta foi t’a sauvé : Seul le Samaritain entend  cette parole de Jésus.  Etre guéri et être sauvé : quelle différence ?

 

    

Pour l’animateur 

·      Les lépreux : c’était les exclus les plus malheureux de l’époque, considérés comme des pécheurs maudits par Dieu, des hommes impurs. Ils devaient avoir les habits déchirés, les cheveux dénoués et crier “ impur ! impur ! ” quand ils rencontraient quelqu’un. La lèpre n’était pas considérée comme une simple maladie, mais comme une impureté religieuse liée à une vie de péchés. Ils vivaient en dehors de la communauté d’Israël.

·      La guérison d’un lépreux s’appelaitpurification et la loi juive chargeait les prêtres de faire un constat de guérison pour tout lépreux purifié de sa lèpre.

·      Pourtant Jésus ne fait aucun geste de guérison et la purification n’est pas instantanée. Jésus se soumet docilement aux autorités de son pays. Il faut donc déjà beaucoup de foi (confiance) à ces dix malades pour se rendre au Temple et faire constater une guérison qui ne s’est pas encore produite.

·      Saint Luc souligne aussi la puissance de la Parole de Jésus. Et la purification signifie également  que ces hommes  sont désormais en paix avec Dieu.

·      Alors que neuf continuent leur marche vers le Temple pour se soumettre aux prescriptions de la Loi, un seul juge plus urgent d’aller d’abord remercier Dieu et Jésus. Il manifeste ainsi la vraie foi. Et surprise ! cet homme qui vient se prosterner devant Jésus et le remercier Jésus en glorifiant Dieu, c’est un Samaritain, un étranger, que les juifs méprisaient comme hérétiques. Nous pensons à la parabole (Lc 10, 29…) : c’est un samaritain qui est cité en exemple.

·      Et Jésus déclare que seul le Samaritain reconnaissant a été sauvé : car le salut est bien plus  que la guérison. Car la guérison ne débouche sur le salut complet de tout l’être humain que s’il reconnaît l’initiative gratuite de Dieu à son égard,  et s’il répond en s’engageant dans une relation avec Jésus : voilà  la vraie foi. Se contenter de jouir de la guérison corporelle, c’est s’arrêter en chemin.

·      Dans l’Eucharistie, nous crions vers le Christ “Jésus, Prends pitié de nous ” parce que nous sommes atteints par la “lèpre ” du péché, et nous glorifions le Père et nous lui rendons grâce parce que nous sommes purifiés et sauvés par Jésus qui s’offre pour nous. A chaque fois, Jésus nous dit : “ Relève-toi, va ta foi t’a sauvé ! ” Glorifier Dieu et rendre grâce, c’est l’attitude essentielle du sauvé !

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS          

Jésus n’est jamais indifférent aux détresses humaines. Il est le Dieu plein de d’amour pour ceux qui souffrent. Il voit. Il entend. Il répond. Avec toute l’humanité souffrante, nous crions : “ Jésus, Maître, prends pitié de nous ”.Il voit plus loin que nos maladies corporelles. Il veut guérir notre cœur du péché,  ce mal qui le défigure, comme la lèpre défigure le visage. Le salut nous est acquis et offert par Jésus. Encore nous faut-il le reconnaître et l’accueillir.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

La Parole aujourd’hui dans notre vie 

·         Savons-nous comme ces lépreux nous avancer vers Jésus et crier vers lui notre misère de pécheurs ? Comment vivons-nous cette supplication de l’assemblée adressée au Christ au début de chaque eucharistie ? Comment vivons-nous le sacrement de Réconciliation qui nous ramène vers le Sauveur ? Quelle est le niveau de notre confiance en Jésus Sauveur ?  

 ·         Nous sommes tous des hommes guéris par le Christ de la lèpre de nos péchés : comment lui manifestons-nous notre reconnaissance ? Quelle est la qualité de notre merci ? Le mot Eucharistie veut dire “Action de grâce ” : comment vivons-nous nos eucharisties ?

 ·         On ne compte plus aujourd’hui les groupes qui prétendent faire des guérisons, et nombreux sont ceux qui font le tour de ces groupes pour chercher une guérison miraculeuse ! Où est la foi au Christ dans tout cela ?

 ·         “ Relève-toi ”, dit Jésus au samaritain guéri : en quoi cette invitation nous concerne, nous,  aujourd’hui ?

           

Ensemble prions 

Seigneur, souvent nous sommes ingrat envers Toi : nous prions, nous communions, nous agissons, nous mangeons, nous jouissons d’une bonne santé, nous avons rencontré un bon médecin…mais nous savons si peu contempler, ni remercier 

Chant : Le Seigneur est notre secours (p.186 carnet des paroisses, c.1, 2, 4, 5)  

On peut aussi inviter à une action de grâce spontanée avec le refrain : “ Tu nous as sauvés, Seigneur, nous te rendons grâce à jamais. ” (p.312)

 

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27ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Lecture : Luc 17, 5-10

 

Serviteurs inutiles

 

seigneur-augment-en-nous-la-foi-2« Quand vous aurez fait tout ce qui vous est prescrit, vous direz : « Maître, nous sommes des serviteurs inutiles » ». Je vous propose ce matin qu’à travers les textes qui sont offerts à notre méditation, nous essayions d’affiner notre regard sur le mystère même de notre foi.

Nous sommes des croyants. Mais il se passe, surtout à notre époque, une sorte de flou dans la notion même de croyance, croire ce serait admettre l’existence de puissances supérieures au monde, de choses invisibles qu’on ne peut pas contrôler. Ainsi, le premier aspect par lequel la foi se manifeste à nous est le fait de donner son assentiment à un certain nombre de propositions qui nous sont données. Il faut croire que Dieu existe, même si on ne l’a jamais vu. Il faut croire aussi qu’il est Père, Fils et Saint Esprit, même si on ne comprend pas du tout comment trois personnes peuvent faire un seul Dieu. Il faut croire que Dieu s’est fait chair et qu’Il est venu parmi nous. Il faut croire en l’Église, une, sainte, catholique etc. Bref, autant de propositions que nous énonçons chaque dimanche dans le Credo et auxquelles nous essayons de donner notre assentiment. Mais il faut nous demander : la foi est-ce d’abord cela ? Est-ce d’abord le fait de donner son assentiment par sa pensée, par sa réflexion à un certain genre de propositions ou d’assertions indémontrables ? Je crois que si on le considère comme cela, on omet quelque chose qui est fondamental et qui nous est rappelé dans l’évangile d’aujourd’hui.

Les disciples demandent : « Augmente en nous la foi », et le Christ répond : « En ce qui concerne la foi, il n’est pas question d’augmentation ou de diminution ». Tel est le sens de sa réponse. Les disciples, quand ils posent leur question, donnent l’impression qu’il est possible d’améliorer progressivement la qualité même de sa foi, comme si à certains moments, adhérer aux mystères devenait de plus en plus facile à force d’exercices. Et le Christ répond d’une façon tellement déconcertante : « la foi, sans doute parce qu’il devait avoir des racines très ramifiées) de se déraciner et de se jeter dans la mer, alors il s’arracherait tout entier du sol et il irait se plonger dans la mer ». La réponse du Christ signifie : « La foi ne dépend pas d’une augmentation, d’une « culture » ou de l’exercice même de notre intelligence et de notre Sagesse ». C’est pourquoi il enchaîne immédiatement, dans l’évangile de Luc qui est le seul à nous rapporter cette parabole, en disant : « Quand des serviteurs travaillent, ils font ce que leur dit leur maître. Et par conséquent le travail qu’ils font est en réalité, par serviteurs interposés, le travail de leur maître », c’est une chose bien connue, mais que nous n’admettons pas très facilement. Lorsque le serviteur revient le soir, même s’il est fatigué, le maître peut encore lui dire : « Mets ta tenue de service pour me servir à table », à ce moment-là, le serviteur ne doit pas grommeler ni se plaindre. En réalité ce qu’il fait, c’est le travail que lui a ordonné le maître, il n’a qu’à s’exécuter et non pas à revendiquer en disant qu’il fait des heures supplémentaires. Cela signifie la même chose pour la foi. Nous murmurons toujours en disant que la foi, c’est difficile, qu’on n’y voit rien, qu’en réalité le Seigneur pourrait améliorer « la condition sociale » de notre existence de croyants. Certes on peut toujours se plaindre, mais ce que le Christ veut nous révéler, c’est la foi comme œuvre de Dieu en nous. Par conséquent, même si c’est difficile et même si nous sommes épuisés, nous n’avons pas le droit de nous plaindre, c’est le travail de Dieu en nous, c’est un travail qui nous dépasse. Ce n’est pas à nous de demander d’augmenter ou de varier l’indice de notre salaire de serviteur. En réalité la foi, c’est un don. Elle nous est donnée, elle est l’œuvre de la grâce.

dieu est amour

Vous allez dire : « Si la foi est simplement l’œuvre de la grâce, il en est peu qui ont la foi, car la plupart du temps la foi, c’est le « tunnel », l’épreuve de l’obscurité on ne voit rien, on ne comprend rien ». D’ailleurs, peut-être un certain nombre d’entre vous ont vu cet admirable film qui s’appelle Thérèse. Nous avons là un signe très beau, très simple, très pur de l’épreuve de la foi. Thérèse Martin a vécu sa foi, mais surtout dans les derniers mois de sa vie, les dix-huit derniers mois, dans une obscurité absolument totale. On a envie de dire « Admettons que le Seigneur nous dise de continuer à croire dans l’obscurité et sans murmurer ». Mais alors il faudrait au moins que nous ayons l’impression, le sentiment que l’œuvre de Dieu en nous est quelque chose qui s’accomplit réellement, qui nous soutient, et qui nous porte dans cette obscurité.

Nous avons trois indices qui nous manifestent la foi comme œuvre de Dieu en nous. Ce ne sont pas les seuls indices, il y en a bien d’autres, mais je vais insister sur ceux-ci parce qu’ils éclairent le texte que nous avons lu.

Le premier indice c’est que « ça tient ». C’est sans doute une des expériences que vous avez faites, à un moment ou à un autre de votre vie. Dans de très grandes épreuves ou de très grandes difficultés, on a l’impression qu’on va tout lâcher. Et, c’est très curieux, on constate pourtant qu’on ne lâche pas mais que ça tient. On a beau se dire qu’il y en a assez, en réalité on sent qu’il y a quelque chose de plus fort que nous qui fait qu’on ne peut pas lâcher, souvent, nous l’interprétons comme une ultime concession que l’on fait à Dieu. C’est très certainement une erreur. En réalité, ce n’est pas une concession de notre part, mais c’est l’ultime manière dont Dieu nous « accroche » et nous tient.

Man jump through the gap. Element of design.

Ce caractère de la foi qui nous dépasse, nous est encore confirmé par un second indice, le fait que notre foi est en sa racine une affaire de volonté. En effet, la foi n’est pas d’abord une affaire d’intelligence. Elle relève avant tout de notre vouloir et notre désir. Pourquoi ? Eh bien, je crois que c’est la manière dont Dieu nous fait comprendre que la foi vient de Lui. En effet si c’était une pure question d’intelligence, de sagesse, il y aurait un redoutable malentendu sur la foi. Lorsqu’on connaît bien quelque chose ou une personne, on a toujours l’impression de la tenir, de la posséder ou de la saisir. Tandis que, paradoxalement, dans l’exercice de notre volonté, nous faisons l’expérience inverse : le moment où le désir s’élance vers une réalité qu’il ne saisit pas encore et par laquelle il se sent attiré et subjugué. Si la foi d’abord est affaire de volonté, c’est précisément parce que nous ne possédons pas Dieu, mais que Dieu nous attire à Lui. Bien sûr nous avons le pressentiment du mystère de Dieu à travers la révélation mais fondamentalement le désir même qui nous porte vers Dieu, c’est le signe certain que nous sommes sous la mouvance de Dieu qui a suscité en nous ce désir, c’est reconnaître que nous ne sommes pas maîtres de cet élan. Nous essayons d’y adhérer de tout notre cœur, de nous couler dans le geste même de Dieu qui nous attire à Lui.

Enfin il y a un troisième indice de cette grandeur de la foi qui dépasse notre conscience individuelle ; ce troisième signe très important lui aussi, nous est livré à travers la lecture que nous avons entendue de l’apôtre Paul. L’apôtre Paul dit à son successeur Timothée : « Garde la foi dont tu as reçu le dépôt ». Cette injonction signifie que dans l’Église personne n’a la maîtrise ni la possession de l’existence de la foi, ni les évêques parce que ce n’est pas à eux de dire ce qu’ils croient ou ce qu’ils ne croient pas, car ceux qui exercent le magistère doivent dire ce qu’il faut croire ou ne pas croire, mais, ils ne « possèdent » pas la foi, ils n’en sont pas les maîtres, à tel point qu’un théologien a pu écrire au sujet de Pie XII : « Le pape est plus grand quand il croit à un dogme que quand il le promulgue », ce qui reste tout à fait vrai. Ainsi donc, dans l’Église il y a des serviteurs de la foi qui ont pour unique fonction de garder le dépôt, comme le demande saint Paul lorsqu’on est le gardien, on n’est pas le possesseur, lorsqu’un trésor nous est confié, nous avons à défendre l’intégrité de ce trésor, mais nous n’avons pas à le posséder ou à le manipuler à notre gré.

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Et c’est exactement dans l’Église le rôle du magistère, s’il y a un collège d’évêques avec à sa tête le successeur de Pierre, c’est pour manifester que la foi n’est la propriété de personne et qu’elle est entre les mains de serviteurs qui savent mieux que quiconque qu’ils ne sont pas les maîtres de ce trésor, qu’ils en sont simplement les gérants et que la réalité du mystère qu’ils proposent à tout homme les dépasse tous infiniment.

Ainsi ces indices nous livrent le sens profond et vrai de ce qu’est la foi. Elle est l’œuvre de Dieu en nous, elle nous dépasse infiniment. Elle est un don, une grâce. Elle est le travail que Dieu fait en nous. Comme le dit saint Jean : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyez ». Et c’est précisément dans la mesure où nous laissons progressivement notre cœur et notre volonté se laisser traverser et transfigurer par cette œuvre de grâce que nous pourrons véritablement avancer dans ce mystère de la connaissance de Dieu et que notre foi en sera augmentée. Amen.




27ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

«Oser la confiance en l’amour du Tout Puissant» (Lc 17, 5-10)

Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! »
Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi.
« Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : “Viens vite prendre place à table” ?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : “Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour” ?
Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.” »  

           seigneur-augment-en-nous-la-foi-2

 

                « Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : ‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’, et il vous obéirait ». Mais cela, Jésus ne l’a jamais dit, et rien de tel n’est jamais arrivé dans sa vie ! Un arbre est fait pour pousser dans la terre, et l’action de Dieu ne peut aller contre la nature qu’il a Lui-même créée, avec ses lois qu’il lui a données et que nous découvrons petit à petit… Cette parabole n’est donc pas à prendre au pied de la lettre ! Son message rejoint ce qu’il disait un jour au père d’un enfant épileptique : « Tout est possible à celui qui croit » (Mc 9,23).

            « Tout est possible », mais pas n’importe quoi ! « Tout est possible » par l’Amour Tout Puissant, et cela pour le « meilleur » de la personne aimée… Le démon, lui, comprend autrement cette Toute Puissance, notamment dans la seule perspective ‘d’en mettre plein la vue’, et cela pour la seule gloire, orgueilleuse, de la personne concernée… « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi du haut de ce Temple, car il est écrit : « Il donnera pour toi des ordres à ses anges, afin qu’ils te gardent ». Et encore : « Sur leurs mains ils te porteront » » (Lc 4,9-11 ; Ps 91,11-12).

            De plus, nous dit Jésus, « le Fils ne peut rien faire de Lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement… Moi, je ne peux rien faire de moi-même » (Jn 5,19-20.30). Jésus vivait donc parfaitement la foi au Père, il avait une totale confiance en Lui (Jn 11,41-42), il le laissait accomplir ce qui ne pouvait qu’être le meilleur pour cette mission qu’il ne s’était d’ailleurs pas donnée à lui-même, mais qu’il avait aussi reçue de son Père. Et, dans le contexte de l’époque, le Père a accompli des merveilles pour rendre témoignage à son Fils : « Les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11,5).

            Et Jésus, uni au Père dans la communion d’un même Esprit, dit à tous ses disciples, appelés à vivre le même Mystère de Communion : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais » (Jn 14,12). En effet, ce qui est vrai pour le Fils l’est d’autant plus pour le disciple : c’est le Père qui agira de la meilleure façon qui soit pour le bien de tous…

            Et Jésus termine son invitation à la foi, à la confiance, par un appel à l’humilité. Que les disciples ne s’enorgueillissent pas de tout ce qui peut se faire avec eux et par eux ! Qu’ils n’oublient jamais qu’ils ne sont que les serviteurs de Celui-là seul qui peut accomplir de telles merveilles… « Nous sommes des serviteurs quelconques »…                                    DJF




Rencontre autour de l’Évangile – 27ieme dimanche du temps ordinaire

« Seigneur augmente en nous la foi… »

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons et comprenons les mots important (Luc 17, 5-10)        

 Après les enseignements exigeants de Jésus sur l’argent, le chapitre 17 de saint Luc commence avec un enseignement sur la gravité du scandale et la correction fraternelle. Les apôtres s’inquiètent des moyens de vivre un tel programme. Ils se tournent vers leur Maître pour lui adresser une demande importante.

                 

Soulignons les mots importants

Apôtres : Que signifie ce mot par rapport au mot “ disciples ” ? Seigneur : Que signifie ce titre que les apôtres donnent à Jésus ?

Augmente en nous la foi : Que pensons-nous de cette demande des apôtres ?

Si vous avez de la foi : Comment comprendre cette foi dont parle Jésus ?

gros comme une graine de moutarde: Avons-nous déjà vu une graine de moutarde (comme une graine de chou de chine) ? C’est minuscule. Que veut nous dire Jésus ?

Déracine-toi : Jésus semble dire que la foi permet de réaliser des choses impensables! Qu’en pensons-nous ?

Serviteurs quelconques : Que veut nous faire comprendre Jésus dans cette parabole “du maître et de son serviteur ” ?

 

   

Pour l’animateur 

  • Les “ apôtres ” sont des “ envoyés ” du  “ Seigneur ”, chargés par lui de fonder des communautés qui doivent vivre le détachement par rapport à l’argent, l’amour des ennemis, le pardon sans fin…Cette mission leur paraît impossible.

  • Jésus ici est présenté par Luc, non plus seulement dans sa condition terrestre, mais comme le Seigneur de l’Eglise et les “apôtres” ce sont tous  les responsables de communautés  qui demandent au Seigneur comment faire pour vivre un programme aussi exigent. Ce qui explique leur prière Augmente en nous la foi ”.

  • Et Jésus leur répond que c’est justement une question de foi. Et Jésus répond en donnant un exemple inimaginable, l’arbre qui se déracine et va se jeter dans la mer. Il veut  enseigner à son Eglise que la foi contient une force que l’homme ne peut imaginer ; une puissance qui réalise des miracles : si un minuscule grain de foi peut déplacer des montagnes, combien plus l’homme qui, de toute sa foi, répond à Dieu dont l’amour est tout Puissant, peut réaliser avec lui des choses humainement impossibles.

Nous pensons à la foi de Marie au moment de l’Incarnation.

  • Les pharisiens s’imaginaient qu’ils étaient irréprochables et qu’ils avaient des droits sur Dieu pour l’avoir servi dans avec le plus grand soin, comme on sert un maître exigent !

  • Nous savons que Dieu est un Père, et non un Maître sévère et exigent : Mais cela ne nous donne pas le droit d’exiger de lui quoi que ce soit, même si nous croyons avoir rempli tous nos devoirs de chrétiens de façon irréprochable ! On ne met pas la main sur Dieu à coup de pratiques, de neuvaines, de chapelets…

  • C’est encore la foi, même gros comme une graine de moutarde, qui nous rend capables de nous mettre au service de Dieu, dans l’humilité. Si Jésus Christ veut avoir besoin de nous, c’est parce qu’il a pour nous une grande considération…Nous devons donc tout faire comme si cela dépendait de nous (pour ne rien négliger), mais tout en sachant que TOUT dépend de Dieu.

  • Nous comprenons alors que, selon la parole de Jésus,  nous ne sommes que des serviteurs  quelconques”.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS          

Oui, Seigneur, augmente en nous la foi. Nous en avons grandement besoin pour vivre selon ta Parole dans toutes ses exigences.

Si tu compares la foi à une graine de moutarde, c’est qu’elle est une force dans notre vie qui nous entraîne à dépasser nos limites humaines ; car ce qui est impossible aux hommes, est possible pour toi. Même très modeste, la foi peut produire de grandes choses : une démarche de réconciliation, un geste de  partage car c’est toi qui agis en nous, c’est ta puissance qui agis dans notre faiblesse.

Aide-nous à nous mettre à ton service, gratuitement, sans prétendre revendiquer un droit, ou mériter un honneur…

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

La Parole aujourd’hui dans notre vie 

       

Il y a des “ arbres ” profondément enracinés dans notre cœur que seule notre foi en Dieu peut déraciner : une situation de péché, une vieille rancune, une injustice à réparer…  quoi encore ? Comment j’accueille aujourd’hui la parole de Jésus ? Quelle est ma foi ?

Nous sommes tous des serviteurs du Seigneur, comme parents dans notre famille, dans la paroisse comme animateurs de liturgie, de groupes, de catéchèse, de mouvementsEst-ce que nous ne cherchons pas parfois à faire valoir des droits à l’amour de Dieu pour nous ?

 Peut-être même que nous nous croyons indispensables… peut-être que nous nous prenons tellement au sérieux que nous croyons que rien ne pourrait marcher sans nous… Peut-être que nous faisons parfois le compte de nos services rendus comme autant de mérites ?   

L’attitude du vrai serviteur : se faire humble pour accomplir dans la foi ce qu’il peut et demander dans la prière ce qu’il ne peut pas encore.

Est-ce que nous faisons parfois la prière des apôtres : “ Seigneur, augmente en nous la foi ” ?

     

Ensemble prions 

Pour ton amour, Seigneur, nous peinons tout le jour, pour ton Royaume, nous luttons toute notre vie.

Et maintenant, tu nous dis, vous êtes des serviteurs quelconques.

 

Nous nous réjouissons, Seigneur,

D’être de tels serviteurs.

Car nous pouvons maintenant te prier :

Donne-nous ton Royaume pour rien,

c’est à dire simplement parce que tu nous aimes

et que Jésus Christ est notre frère. (L.Deiss) 

 

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26e dimanche ordinaire – Année C – Claude WON FAH HIN

Luc 16 19–31

lazare-et-le-richeNous avons deux personnages : un riche inconnu qui aime le luxe, s’habille fastueusement et chaque jour, ne lésine pas sur la nourriture, la bonne chère. Il profite au maximum de chaque moment de la vie. C’est là, le rêve de bon nombre de personnes : être très riche, avoir une vie luxueuse, une vie dans l’abondance où rien ne manque. Et nous avons en face, Lazare, un SDF (sans domicile fixe),  qui git au portail, en réalité il gît près de la  grande porte de la maison de cet homme riche. Il est dans un dénuement extrême, malade, tout couvert d’ulcères, il ne reçoit pas de soins médicaux sinon ceux apportés par les chiens qui lui lèchent ses ulcères  et surtout, il a faim, si faim qu’il aurait bien voulu se rassasier simplement des restes tombés de la table du riche. Le texte ne dit pas que le riche est « mauvais », qu’il a de mauvaises intentions ou encore hautain.  Ils vivent simplement à quelques pas l’un de l’autre et ne vont jamais se rencontrer. Dt 15,7-11 : « 7 Se trouve-t-il chez toi un pauvre, d’entre tes frères, dans l’une des villes de ton pays que Yahvé ton Dieu t’a donné?  Tu n’endurciras pas ton cœur ni ne fermeras ta main à ton frère pauvre, 8 mais tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras ce qui lui manque. 9 Ne va pas tenir en ton cœur ces mauvais propos : Voici bientôt la septième année, l’année de remise, en regardant méchamment ton frère pauvre sans rien lui donner; il en appellerait à Yahvé contre toi et tu serais chargé d’un péché! 10 Quand tu lui donnes, tu dois lui donner de bon cœur, car pour cela Yahvé ton Dieu te bénira dans toutes tes actions et dans tous tes travaux. 11 Certes, les pauvres ne disparaîtront point de ce pays; aussi je te donne ce commandement : Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays ».
En fait, le riche, comme beaucoup d’autres riches, ne voit jamais ou rarement le pauvre, même et surtout quand il passe près de lui. Et c’est justement là sa faute : ne pas voir… ou encore ne pas vouloir le voir, et l’ignorer complètement, à l’inverse de Dieu qui, Lui, voit la misère de son peuple (Ex 3,7) : « 7…J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs; oui, je connais ses angoisses. 8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens… ». Nous avons ici le problème de bon nombre d’entre nous : on ne voit jamais le pauvre. On est dans l’indifférence. Si le regard porte sur les autres, c’est souvent pour les critiquer, pour en dénicher les défauts, les rabaisser parce qu’on s’estime soi-même bien supérieur à l’autre, et on se compare. Et c’est là, la ruse de l’Esprit du mal qui dit à Mariam Baouardy (« Mariam, sainte Palestinienne – La vie de Marie de Jésus Crucifié » – Père Estrate – P.108) : « Nous avons tout fait pour lui inspirer (à une personne) de l’antipathie pour une de ses compagnes. Nous avons exalté sa vertu solide ». P.138 : « Quand vous serez fidèles et que vous ferez quelque chose pour Dieu, Satan viendra vous faire croire que vous valez beaucoup, que vous faites bien toute chose, que vous êtes saintes. ». L’orgueil faisant le reste, l’autre lui devient inférieur  ou passe pour insignifiant. On regarde de haut. Le pauvre ne compte pour rien vis-à-vis du riche qui vit à deux pas de lui sans jamais le voir.

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L’un et l’autre finissent par mourir. Tandis que le pauvre Lazare est emporté par les anges dans le sein d’Abraham où se retrouvent les « justes » et « où d’une certaine manière il participe déjà au bonheur éternel, dans l’intimité du Seigneur » (Miche Hubaut), le riche, lui, est enseveli. Rappelons immédiatement que cette parabole ne reflète en rien la réalité de l’au-delà. C’est un récit purement imaginaire, qui n’a pas pour but de nous renseigner sur la réalité de la vie après la mort, mais pour nous dire qu’il nous faut accueillir, dès ici-bas, dans la foi, la Parole de Dieu pour avoir le salut.
Et voilà Lazare classé parmi les « justes » puisqu’il se retrouve avec Abraham. Dieu aime le pauvre, et dans l’évangile d’aujourd’hui, il n’est même pas dit que ce pauvre ait la foi ou non. C’est uniquement par le fait qu’il soit « pauvre » qu’il plait à Dieu de le secourir dans sa grande miséricorde. Lc 6,20 : « Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous ». Le pauvre est celui que Dieu aime particulièrement. Et tout l’enseignement du Christ nous invite à nous tourner vers le pauvre. Lc 14,13 : « invite le pauvre à ton festin » ; Lc 3,11 : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même » ; Ga 2,10 : « nous devons seulement songer aux pauvres » ; Lc 11,41 : « Donnez plutôt en aumône ce que vous avez… ». Alors que sur terre, le riche est un inconnu, le pauvre, lui, a un nom : il est déjà connu de Dieu puisqu’il le nomme. Jn 10, 3 : « … ses brebis à lui, il les appelle une à une… ». Lazare, sur terre, n’était donc pas seul et délaissé, il était déjà dans le cœur de Dieu tandis que le riche, enfermé dans son monde à lui, ne le remarquait même pas, à deux pas de chez lui. Nous aussi, nous sommes souvent fermés dans notre monde à nous, le monde du travail, le monde de la famille, le monde de notre paroisse, sans pour autant voir le pauvre parfois aux portes de nos églises. Et on veut se faire passer pour quelqu’un de bien.  Si nous n’aidons pas, par nos actes, les pauvres et les plus démunis, notre amour pour Dieu n’est qu’une illusion. Le Pape François nous dit dans la « Joie de l’Évangile » (§48) : « l’Évangile nous donne une orientation très claire, ce ne sont pas tant les amis, et voisins riches qu’il faut privilégier, mais surtout les pauvres et les infirmes, ceux qui sont souvent méprisés et oubliés, « ceux qui n’ont pas de quoi te le rendre » ( Lc 14,14). Aujourd’hui et toujours, « les pauvres sont les destinataires privilégiés de l’Évangile…Il faut affirmer sans détour qu’il existe un lien inséparable entre notre foi et les pauvres. Ne les laissons jamais seuls ». reuters610714_articolo
Dans l’Hadès ou Shéol, un lieu où, selon la pensée juive de l’époque, se retrouvent tous les morts, les justes comme les méchants, le riche a la langue sèche, il a soif et il souffre. Il voit Lazare dans le sein d’Abraham à qui il demande de l’envoyer chercher une goutte d’eau pour lui rafraîchir la langue. Abraham lui répond : « mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement ses maux; maintenant ici il est consolé, et toi, tu es tourmenté ». Ainsi, les biens du riche sont ici-bas, sur terre,  et les biens du pauvre sont au paradis. C’est donc durant la vie terrestre qu’il fallait chercher le Royaume de Dieu d’autant plus que le riche avait une vie plus que confortable et donc du temps pour Dieu tandis que le pauvre passe son temps à trouver un moyen pour survivre. – De plus, il y a entre Lazare, Abraham, et le riche un abîme impossible à franchir, la situation est donc irréversible, on ne peut plus revenir en arrière et personne ne peut plus aider le riche. Si cet abîme existe dans l’au-delà, c’est qu’il existait déjà sur terre entre le pauvre et le riche. Le pauvre qui a connu un énorme manque d’amour sur terre sera comblé d’amour dans l’au-delà. Mais si nous avons l’amour du prochain, nous connaitrons aussi l’Amour après la mort. L’amour appelle l’amour. Un choix doit se faire et c’est sur terre, de son vivant, que le destin va se jouer. C’est donc à nous de faire le choix, de notre vivant, si l’on veut être reçu comme Lazare dans le sein d’Abraham et être du bon côté de l’abîme.

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Le riche essaie alors de trouver une solution pour sauver son père et ses cinq frères vivant encore sur terre. Il demande à Abraham d’envoyer Lazare prévenir sa famille qu’il faut se convertir et qu’ils risquent aussi de ne pas être au rendez-vous avec Dieu. On pense alors que la résurrection de Lazare pourrait amener les gens à se convertir.  Or il n’en est rien (Lc 16,31) : « Du moment qu’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus ». En effet, après Moïse et les prophètes,  Dieu le Père lui-même a envoyé son Fils – Dieu prenant le corps d’un homme – et la grande majorité de l’humanité n’y croient pas et même un grand nombre de chrétiens sont de mal-croyants, sceptiques, étant à la suite du Christ parfois sans grande conviction. La conversion ne vient que de l’écoute et de l’observance de la Parole de Dieu : « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ». Abraham laisse ainsi entendre qu’habituellement, le riche est quelqu’un qui n’écoute pas  et « reste figé dans une attitude d’égoïste, de désinvolture, d’irréligion (de manque de conviction religieuse) et souvent de fermeture de cœur, incapable de lire les signes de Dieu » (Noël Quesson). Sa richesse ne pourra pas lui permettre d’acheter un billet pour le Royaume de Dieu et l’heure de la mort sera aussi son heure de vérité : restera-t-il attaché à sa richesse ou bien se tournera-t-il vers Dieu à l’heure de mourir ? C’est Timothée, dans la seconde lecture d’aujourd’hui (1Tm 6, 11-14) qui nous donne d’excellents conseils pour rester du bon côté de l’abîme : « Poursuis la justice, la piété, la foi, la charité, la constance, la douceur. 12 Combats le bon combat de la foi, conquiers la vie éternelle à laquelle tu as été appelé et en vue de laquelle tu as fait ta belle profession de foi en présence de nombreux témoins. 13 Je t’en prie devant Dieu qui donne la vie à toutes choses et devant le Christ Jésus …, 14 garde le commandement sans tache et sans reproche, jusqu’à l’Apparition de notre Seigneur Jésus Christ ». Le vrai riche n’est pas celui qu’on croit : le pauvre est riche de Dieu et le riche est pauvre de Dieu. « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Mt 6,24), un choix doit donc se faire et c’est maintenant qu’il faut le faire. Après, ce sera sans doute trop tard, car « après » peut se faire à l’instant même avec un AVC, un arrêt cardiaque, un accident mortel, un tremblement de terre etc…C’est maintenant qu’il faut être prêt pour passer du bon côté de l’abîme. Grande est cependant la miséricorde de Dieu qui probablement nous laissera, à chacun de nous, un temps de repentir même au tout dernier moment, mais nous sommes, malgré tout, tenu d’appliquer les commandements de Dieu. Et la deuxième lecture d’aujourd’hui nous supplie (1Tm 6,14) : « garde le commandement sans tache  et sans reproche, jusqu’à l’Apparition de notre Seigneur Jésus-Christ ». Ne perdons pas notre temps à des babioles terrestres, et vivons dans le Christ par les pauvres interposés. Dt 15,11 : « Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays ».




26ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Lecture : Luc 16, 19-31

 

Le repas du riche

 

Frères et sœurs,

lazare-et-lhomme-richeCette parabole n’a apparemment pas vraiment besoin d’explication. La seule chose qui pourrait peut-être nous choquer, c’est que cette parabole n’est pas une invention de Jésus. En effet, ces histoires de rétribution du comportement ici-bas dans l’au-delà étaient un lieu commun dans la littérature aussi bien de sagesse égyptienne, que dans la littérature de la Palestine. Un certain nombre de récits analogues sont conservés dans le Talmud, et même aussi dans la culture grecque où l’on se plaisait tellement à faire dialoguer les morts de l’autre côté, avec un certain nombre de souvenirs de leur vie passée (voir dans l’Iliade), et c’était devenu un véritable genre littéraire. Cette idée que la rétribution de nos actes, ou de nos omissions ou de nos duretés de cœur, va s’accomplir de l’autre côté, ne représente pas une idée originale dans l’évangile.

On peut se demander alors pourquoi Jésus a tenu à reprendre un vieux thème qui était à l’époque déjà un peu éculé, pour faire passer un message de rétribution. L’évangile est-il un message de rétribution ? Dieu est-il là avec Abraham comme intendant pour régler les comptes avec les hommes et rembourser à chacun d’entre nous la monnaie de notre pièce ? Je crois que non. Si ce petit passage de l’évangile était une reprise aménagée de la rétribution avec un petit clin d’œil à la résurrection des morts à la fin, ce serait un peu banal. Mais alors, que Jésus a-t-il voulu dire en reprenant cette histoire ?

Même dans la pensée la plus commune et la plus païenne, que voulait-on dire ? Une chose qui était spirituellement, religieusement et moralement très élevée, tout à fait respectable : chaque acte dans notre vie a une répercussion dans l’au-delà. Si l’on avait posé un acte de bonté, cela ne pouvait pas disparaître. Même les civilisations les plus étrangères à la tradition biblique ont toujours essayé de le manifester d’une façon ou d’une autre.

Réciproquement, si un acte était mauvais, il avait une répercussion éternelle. Les exigences du récit, l’arrangement de l’histoire exigent de simplifier en disant que la répercussion éternelle c’est précisément la rétribution. Cela mérite encore notre attention aujourd’hui, car nous vivons sur un fond que nous appelons la sécularisation, en croyant que chaque acte vaut pour lui-même et qu’il doit être réalisé pour lui-même.

Ce n’est pas si sûr que cela ! Contrairement à tout ce que les traités de morale et d’éthique disent aujourd’hui : ce n’est pas l’acte qui se justifie en lui-même. L’horizon est un peu limité. Oui, mais nos contemporains ne croient plus à la vie éternelle, il faut donc se trouver des codes éthiques qui essaient de maintenir un minimum de principes et de moralité. D’où la justification de l’acte bon par lui-même.

Dans l’évangile et dans la tradition ancienne, ce qui a fait un immense progrès, était de dire que chaque acte humain avait une sorte de répercussion, d’onde de choc qui débouchait dans l’éternité. Mais ce qui est original dans la parabole que Jésus nous a laissée, c’est autre chose. La plupart du temps, les paraboles de rétribution se contentaient de décrire parallèlement les deux destins : le destin du riche méchant, égoïste, et le destin du pauvre, gentil, aimable, victime, etc., et l’on concluait : chacun a son destin, et dans l’éternité, chacun recevra ce qui lui est dû.

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Ce qui est intéressant dans cette parabole, dès le début de l’histoire, c’est que les deux personnages sont en rapport l’un avec l’autre. Le pauvre vit à la porte de la maison du riche, il est dans une situation de souffrance, d’attente, d’espérance, vis-à-vis du riche auprès duquel il essaie de vivre pour faire remarquer sa présence et son besoin. Quant au riche, il vit à côté du pauvre, certes, il l’ignore, mais le pauvre est là. Ils sont en capacité d’entrer en relation l’un avec l’autre, l’un le comprend fort bien et l’autre refuse de le comprendre. Lorsque les deux sont passés par la mort, ils se retrouvent… ce qui n’était pas tellement évident dans les autres récits. Non seulement Jésus a insisté sur la proximité qu’il y avait entre les deux sur la terre, mais il insiste aussi sur la capacité qu’ils ont de se rencontrer dans l’éternité. Et la rencontre a vraiment lieu. Le riche, tout à coup, s’aperçoit que le pauvre a existé ! Ceux qui ont vécu côte à côte et qui avaient toutes les capacités de se rencontrer sur la terre, doivent attendre que la mort les fasse s’apercevoir. Dans les tourments de l’enfer (Jésus reprend là tous les symboles nécessaires pour évoquer l’enfer), malgré cela, le riche arrive enfin à repérer Lazare. C’est à ce moment-là qu’il comprend ce qui s’est passé : il y avait un pauvre à sa porte, et lui le riche, ne l’avait jamais vu. Il a fallu que par les tourments de l’Hadès, il découvre la situation du pauvre en état de manque pour voir maintenant le pauvre qui est de l’autre côté.

Que pouvons-nous en conclure ? Jésus ratifie la sagesse des nations. Il dit que chaque acte a une répercussion dans l’éternité. Mais comment se fait cette répercussion ? Par le lien ou le non-lien que nous aurons établi sur la terre. C’est très fort de dire que nos actes ont une portée éternelle. Et comment cela se fait-il ? Dans la manière dont nous avons accueilli ou non la présence du frère. Ce qui a ouvert le cœur du pauvre à la joie dans le Royaume, c’est le fait qu’étant en attente sur la terre, de l’autre côté il a découvert qu’il était réellement attendu et qu’Abraham a fait pour lui ce que le riche n’avait pas fait, alors que le riche qui avait fermé son cœur et sa porte se retrouve de l’autre côté dans un état de manque qui était pourtant constitutif de sa condition humaine ; et là il retrouve Lazare. La valeur d’éternité de nos actes se découvre, s’accomplit et se réalise par la présence de l’amour que nous portons à nos frères.

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C’est une parabole assez terrible, exigeante. Elle nous fait comprendre que notre éternité passe par la manière dont nous aurons agi vis-à-vis de nos frères. C’est la pointe de la parabole. Lorsque le riche dit qu’il faut aller s’occuper de sa famille restée sur terre pour leur ouvrir les yeux, Abraham rétorque : non, ils ont tout ce qu’il faut sur place, ils ont les prophètes, la Loi, Moïse, les pauvres. Si nous intervenons, cela « fausse le jeu ». L’ouverture à l’éternité passe par le cœur de ceux et celles qu’on aime et dont nous sommes aimés.

Frères et sœurs, cette parabole peut nous aider à réfléchir. Aujourd’hui on se demande toujours comment il se fait que nos actes aient une portée si profonde et si grande. Quand on pense que c’est notre frère qui peut ouvrir à nos actes cette dimension d’éternité, cela peut changer pas mal de choses dans notre comportement. Cela ne veut pas dire que la prédication de Jésus se dissout dans une philanthropie généralisée, mais c’est le fait que pour que notre acte puisque prendre sa valeur de plénitude, de charité et de communion, si cela ne commence pas ici-bas, cela ne s’accomplira pas de l’autre côté. Amen.




26ieme Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Jacques FOURNIER

«Aimer son frère c’est aimer Dieu»

(Lc 16, 19-31)

En ce temps-là,  Jésus disait aux pharisiens : « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux.
Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères.
Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra.
Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui.
Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.
– Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance.
Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.”
Le riche répliqua : “Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père.
En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !”
Abraham lui dit : “Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent !
– Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.”
Abraham répondit : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.” »

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            En invitant à « se faire des amis avec l’Argent trompeur » (Lc 16,1-13), Jésus s’adressait juste avant aux « Pharisiens, amis de l’argent » (Lc 16,14). Et pourtant, ils avaient la réputation d’être des hommes religieux : « Vous êtes, vous, ceux qui se donnent pour justes aux yeux des hommes ». Mais tout cela n’était qu’apparence : « Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des tombeaux blanchis à la chaux : à l’extérieur ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures. C’est ainsi que vous, à l’extérieur, pour les gens, vous avez l’apparence d’hommes justes, mais à l’intérieur vous êtes pleins d’hypocrisie et de mal » (Lc 16,15 ; Mt 6,2 ; Mt 23,27-28).

            Pourtant, ces Pharisiens étudiaient la Loi de Moïse et les Prophètes tous les soirs, après leur travail… Et il est pourtant bien écrit, dans le Livre du Deutéronome, le Livre de la Loi par excellence : « Se trouve-t-il chez toi un pauvre, d’entre tes frères, dans l’une des villes de ton pays que le Seigneur ton Dieu t’a donné?  Tu n’endurciras pas ton cœur ni ne fermeras ta main à ton frère pauvre, mais tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras ce qui lui manque ». Notons que le texte ne parle ici que de « prêter », mais peu après, il lance une invitation libre à aller plus loin, à donner, avec la perspective d’une récompense, pour encourager à l’action : « Quand tu lui donnes, tu dois lui donner de bon cœur, car pour cela le Seigneur ton Dieu te bénira dans toutes tes actions et dans tous tes travaux ». Quoiqu’il en soit : « Tu dois ouvrir ta main à ton frère, à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays » (Dt 15,7-11).

            Or Jésus met ici en scène « un homme riche », nouvelle allusion aux Pharisiens, « qui portait des vêtements de luxe  et faisait chaque jour des festins somptueux. » Et « couché devant son portail, couvert de plaies », gisait « un pauvre Lazare » que cet « homme riche » ne pouvait que voir et revoir lorsqu’il sortait de chez lui ou y rentrait. Et il ne lui donna jamais rien! Fermé à son prochain, son cœur ne pouvait qu’être aussi fermé à Dieu, une attitude qui demeure au moment de la mort… Incapable de recevoir cette Plénitude que Dieu veut donner à tout homme, il souffre terriblement : il lui manque le vrai Bonheur, d’autant plus que dès lors, il n’a plus accès à ses « vêtements de luxe » et à ses « festins somptueux »… Et pourtant, s’il avait vraiment écouté Moïse et les Prophètes (Am 6,1-7 ; Ez 16,49 ; Za 7,10), des Paroles de Dieu reprises par Jésus, il serait avec le pauvre Lazare, tous les deux comblés par cette Joie que le Père veut voir régner en tous ses enfants !                                        DJF




Rencontre autour de l’Évangile – 26ieme dimanche du temps ordinaire

« Le pauvre mourut, le riche mourut aussi…« 

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons et comprenons les mots important (Luc 16, 19-31)        

          Au chapitre 16 de l’évangile de Luc, nous entendons Jésus dénoncer l’usage l’égoïste des richesses, la séduction de l’argent, devenu pour beaucoup d’hommes une idole, un dieu. La Parabole du riche et de pauvre Lazare que nous allons méditer  termine ce chapitre.         

Soulignons les mots importants

Un homme riche : noter les mots qui décrivent la richesse.

Un pauvre nommé Lazare : comment est décrit sa pauvreté?

Est-ce que Jésus dans cette parabole porte un jugement sur le riche et le pauvre ?

Qu’est-ce qui est commun aux deux ?

Séjour des morts: Relever les mots qui décrivent ce séjour des morts. Est-ce que Jésus veut nous décrire ce que nous appelons “ l’enfer ” ?

Auprès d’Abraham : Que représente Abraham dans cette parabole ?

Un grand abîme : Qui est-ce qui a creusé cet abîme qui sépare le riche défunt et le Lazare ?

Ecouter “ Moïse et les prophètes ” : Que veut dire cette expression ?

Si quelqu’un vient de chez les morts…: Le riche réclame un miracle pour que ses frères se convertissent. Pour Jésus, qu’est-ce qui conduit à la conversion ?

Au fait de quelle conversion s’agit-il dans cette parabole ?           

   

Pour l’animateur 

  • Le riche dans la parabole est un personnage anonyme : il est seulement dit qu’il vit dans le luxe (vêtements de luxe et tous les jours de grands festins). C’est un profiteur égoïste du luxe et des richesses.

  • Le pauvre a un nom “Lazare”, un nom qui veut dire à peu près en hébreu “Dieu vient en aide”. Il est couvert de plaies et il connaît la famine. Jésus ne dit pas que le riche est mauvais et que Lazare est bon. Mais il n’y a pas de point de rencontre entre eux. Le seul point commun aux deux : leur condition mortelle.

  • Au lieu de les rapprocher, la mort scelle définitivement la séparation: un grand abîme les sépare pour toujours. Le pauvre est emporté auprès d’Abraham : c’est à dire à la place d’honneur auprès du plus grand des témoins de la foi de l’ancien testament. Il est dans le bonheur. Le riche, lui, se retrouve là où séjournent les morts que leurs fautes condamnent à être torturés par la chaleur brûlante et la soif (image très parlante pour celui qui connaît les déserts du Moyen-Orient).

  • Dans cette parabole, Jésus ne donne pas une description de l’au-delà. La leçon est claire : le malheur du riche vient de sa richesse : c’est elle qui lui a fermé les yeux et le cœur sur la pauvreté et les besoins de tous les Lazare qu’il a rencontré au cours de son existence terrestre. Il s’est jugé lui-même: l’infranchissable distance qui le sépare d’Abraham et de Lazare, n’est rien d’autre que celle qu’il a jadis. “Dieu comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.” (Magnificat)

  • Jésus renvoie ceux qui l’écoutent aux Ecritures (La Loi et les Prophètes) : c’est la Parole de Dieu qui indique clairement ce que Dieu veut : se servir de son argent pour créer des liens de justice et de fraternité, et faire disparaître les fossés entre ceux qui ont tout et plus qu’il n’en faut et ceux qui  n’ont rien.

  • Réclamer un miracle, un signe venant du ciel pour se convertir, c’est faire fausse route, dit Jésus. Recevoir dans la foi le message de la Loi et des Prophètes, c’est à dire la Parole de Dieu,  c’est cela qui conduit à la conversion : plutôt que de subir un renversement catastrophique à la mort, mieux vaut pour le riche faire un “ renversement” bénéfique dans cette vie, en partageant avec celui qui a faim.

 

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS          

Après la lecture et le partage, inviter les participants à faire silence.

Chacun, dans son cœur, est invité à demander à l’Esprit-Saint toute la lumière pour discerner ce qui doit changer dans sa vie et la force nécessaire pour le faire.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

La Parole aujourd’hui dans notre vie 

           

“ A l’affamé appartient le pain que tu gardes, à l’homme nu le manteau que tu conserves dans ton coffre ” (Saint Basile).

Etre chrétien, c’est sortir de l’égoïsme, de l’indifférence.

Où est-ce que nous en sommes dans notre vie personnelle, dans nos quartiers, dans notre communauté chrétienne ?

Quels sont les Lazare qui se trouvent à notre porte aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous avons plus que les prophètes; nous avons Jésus ressuscité, toujours vivant. Son enseignement est sous nos yeux.

Qui de nous n’a jamais rêvé de signes enfin visibles et bien concrets de  ce que Dieu veut pour nous ?

Ne sommes-nous pas tentés d’attacher une plus grande importance à un phénomène merveilleux qu’à l’Evangile du Ressuscité et au témoignage des apôtres,  qui sont pourtant là, jour et nuit, à notre portée pour nous faire changer de vie ?

Dans les Actes des apôtres en parlant de la première communauté chrétienne saint Luc nous dit qu’elle vivait dans la communion fraternelle et que parmi les chrétiens, personne n’était dans le besoin.

Et dans notre communauté paroissiale ?

     

Ensemble prions 

Chant : Laisserons-nous à notre table. Carnet des paroisses p.151

 

 

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