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Rencontre autour de l’Évangile – 3ième Dimanche de Pâques

« C’est le Seigneur ! »

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons (Jn 21, 1-19)

En lisant ce passage, repérons bien les différents moments de la scène. Faisons aussi attention aussi aux personnages : notons par exemple combien de fois on nomme Simon-Pierre.

 

Situons le texte

Nous sommes à la fin de l’Evangile selon saint Jean, après la mort de Jésus. Les disciples sont revenus en Galilée, et les pécheurs ont retrouvé leurs barques et leurs filets. Cette manifestation de Jésus ressuscité au bord du Lac se trouve seulement dans l’Evangile de Jean. C’est l’apôtre lui-même ou l’un de ses disciples qui a ajouté ce récit, tellement important, nous verrons pourquoi.

 

Soulignons les mots importants

Jésus “se manifesta” aux disciples sur le bord du Lac.

Il y avait là Simon-Pierre : Notons combien de fois Simon Pierre  est nommé. Quelle est l’intention de l’évangéliste ? 

“Je m’en vais à la pêche” : Après la mort de Jésus, les apôtres ont repris leur métier. Est-ce que tout serait fini ? 

“Ils passèrent la nuit sans rien prendre” : Quand Jésus est absent ou quand on le croit absent, est-ce que nous n’avons pas l’impression que rien ne marche, que nos efforts sont inutiles ? 

“Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage”. L’Evangéliste souligne que Jésus se manifeste “au lever du jour ” : quelle réflexion cela nous inspire ? 

“Les disciples ne savaient pas que c’était lui” : pourquoi Jésus ressuscité n’est pas reconnu par les disciples ? 

“Le disciple que Jésus aimait” : De qui Jean parle-t-il ?

Pierre “ se jeta à l’eau ” : Que penser de cette démarche de Simon Pierre ? 

“153 gros poissons” : pourquoi cette précision ? 

“Jésus prend le pain et le poisson et le leur donne” : A quoi fait penser ce repas ? 

« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » : Pourquoi Jésus pose  cette question à Pierre en trois fois ?  

“ Sois le berger de mes brebis ” : que signifie cette parole ?

 

 

 

Pour l’animateur

  • Jésus ressuscité se manifeste par un acte de puissance (la pêche miraculeuse) comme il s’est manifesté au début de son ministère en Galilée en changeant l’eau en vin (2,11). Il y a continuité entre le Jésus terrestre et le Jésus glorifié. 

  • Dans cette scène, Simon-Pierre tient une place particulière. Jean centre son récit sur le rapport de Jésus à Simon-Pierre et sur sa réhabilitation après son reniement. 

  • Le fait que les apôtres reprennent leur métier après la mort de Jésus montre bien que ce récit est indépendant et raconte la première apparition de Jésus après sa résurrection, tandis que pour les disciples avec la mort de Jésus tout était fini. 

  • Le fait que Jésus ressuscité n’est pas reconnu signifie la transformation que la résurrection a opérée en lui. C’est le même Jésus, et pourtant il est tout autre ! 

  • Cette nuit de pêche sans rien prendre symbolise la désillusion et l’infécondité, la stérilité de leurs actions en l’absence de Jésus.

  • Jésus se tient debout sur le rivage au lever du jour : Jésus ressuscité est le Soleil Levant. La nuit est finie. C’est le matin d’un monde nouveau.

  • A l’époque, on avait répertorié 153 espèces de poissons. Ce chiffre peut signifier que la mission et le salut sont pour tous les peuples  “ De toutes les nations faites des disciples ”. La précision du chiffre (qu’on ne peut inventer !) veut aussi exprimer l’exactitude du témoignage.

  • La solidité du filet qui ne déchire pas accentue le miracle. Symbolise l’unité de l’Eglise. Comme la tunique de Jésus. 

  • Le repas préparé par Jésus nous renvoie à l’Eucharistie qui prolonge et rend présent le Christ mort et ressuscité. Dès le début de l’Eglise, le pain et le poisson symbolisaient l’eucharistie.

  • La triple question de Jésus à Pierre reprend le triple reniement. Malgré la faiblesse de Pierre, Jésus lui confie l’autorité sur le troupeau. Il est clair ainsi pour Pierre qu’il n’est pas meilleur que les autres, et que son choix est un appel à servir et non une distinction pour ses mérites.

 

Ensemble regardons Jésus

Avec les yeux du cœur !

Il est vivant parmi nous. Chaque matin, il est là, Soleil de notre vie. Attentif à notre situation. Il nous invite à reprendre notre difficile travail de témoins, de “ pêcheurs d’hommes ”. Parfois notre cœur est loin de lui. Nous ne le reconnaissons pas toujours. Sans lui nos efforts sont stériles. Si nous obéissons à sa parole, c’est lui qui assure le succès de notre témoignage.

 

L’ Évangile aujourd’hui dans notre vie

  • La foi chrétienne c’est reconnaître en Jésus “ le Seigneur ”

  • Suis-je prêt à me “ jeter à l’eau” pour aller vers le Seigneur et le suivre quand un témoin de la foi, quand l’Eglise me dit en parlant de Jésus : “C’est le Seigneur” ?

  • Pierre a eu son expérience, expérience de faiblesse, expérience de la puissance du Christ ressuscité, de son amour et de sa miséricorde dans sa vie.

  • Et nous ? Chacun de nous a son histoire : Le Seigneur Jésus la connaît et il me pose à moi la même question : …m’aimes-tu ? C’est moi qui suis questionné, c’est moi qui suis concerné. Est-ce que j’ai fait le choix de vivre une véritable expérience avec le Christ ?

  • Pierre a reçu sa charge après avoir fait une “ profession d’amour ”. Peut-on s’engager, avoir une responsabilité dans la communauté chrétienne sans cette “ profession d’amour ” du Christ ? Que vaut une “ profession de foi ” sans une profession d’amour ” ?

  • Comme Pierre, si j’ai une responsabilité, ce n’est pas que je mérite ou que je sois meilleur. C’est pour répondre un appel du Christ à servir.

  • L’Eglise primitive a reconnu le rôle principal de Pierre pour la foi et la conduite de l’Eglise. Et nous ? Comment nous comprenons le rôle du successeur de Pierre ? Comment accueillons-nous ses enseignements ? Est-ce que nous aimons cette Eglise que Jésus a confiée à Pierre et aux apôtres, malgré ses faiblesses ?

 

Ensemble prions 

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu notre Père !

  • Alors que nous étions morts dans notre péché tu nous fais revivre avec le Christ, avec lui tu nous ressuscites, avec lui tu nous fais régner dans le ciel. 

  • Nous te prions : donne-nous de vivre désormais non plus comme des étrangers au Royaume, mais comme des familiers de la maison de Dieu. 

  • Que toute notre vie de ressuscités annonce l’amour que tu offres à tous les hommes et la joie dont tu veux illuminer leur vie, par ton Fils Jésus Christ, notre vie et notre résurrection.

 

 

 

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L’Annonciation du Seigneur par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures de la messe du lundi 4 Avril 2016

 

Isaïe 7, 10-16 (Voici que la Vierge concevra)

Rappelons d’abord que la solennité de «l’Annonciation» n’est pas une fête mariale, mais une fête du Seigneur Jésus, la célébration de son «incarnation» en Marie (le 25 mars et le 25 décembre se font chronologiquement pendant, évidemment).

Les circonstances historiques de l’oracle

«Les deux rois» (finale du texte) de Damas et de Samarie vont assiéger Jérusalem pour forcer le roi Acaz à se coaliser avec eux contre l’Assyrie. S’il refuse, ils le déposeront, le remplaceront par un inconnu de leur choix, et ce sera la fin de l’alliance de Dieu avec la «maison de David», la dynastie de David. Acaz a choisi de se soumettre à l’Assyrie. Dans la culture de l’époque, cela signifie que ce traité de vassalité soumet le Dieu d’Israël aux dieux assyriens.

La position du prophète Isaïe

La position d’Isaïe, qui s’affronte à son roi, est claire : Pas d’alliance avec l’Assyrie ! Il faut tenir bon dans la confiance envers le Dieu qui a juré fidélité à David. Et si Acaz doute, qu’il demande à Dieu un signe extraordinaire. Mais le roi ne veut pas faire marche arrière ; il se dérobe au conseil d’Isaïe par un argument de fausse piété : il ne faut pas tenter le Seigneur, dit-il, en lui demandant un signe.

La promesse de l’Emmanuel

Dans ce cas, répond le prophète, Dieu fournira son propre signe aux incrédules, puisque c’est le Seigneur lui-même qui propose son signe : «la jeune femme», la reine, femme d’Acaz, est enceinte. Le fils qui naîtra s’appellera *Emmanuel, car on verra que «Dieu est avec nous». Sa nourriture sera le lait et le miel, signe d’abondance et de paix pastorale. Il aura le discernement qui manque à Acaz, son père. Et avant même qu’il ait atteint l’âge de raison, l’Assyrie aura châtié Damas et Samarie. Pour nous, la promesse de l’Emmanuel trouvera tout son sens dans la venue de Jésus, né de la Vierge Marie.

* L’Emmanuel (en hébreu Immanou-El = «Avec nous Dieu») rendrait Dieu présent «avec nous» par ses qualités. Ainsi naquit Ézékias, fils et successeur d’Acaz ; mais il fut un souverain décevant. Pourtant, la Bible conserva l’oracle de l’Emmanuel. Si aucun roi, dans l’histoire, ne réalisait l’idéal annoncé par Isaïe, pensait-on, on devait encore attendre avec confiance celui qui serait le vrai Messie. Puis les Juifs d’Alexandrie traduisirent Isaïe en grec. «Voici que la jeune femme conçoit», lisait-on en hébreu. Ce qui devint, en grec : « oici que la vierge concevra.» Cette vierge est l’Israël idéal qui donnera le Messie au monde. La Bible grecque offrait aux évangélistes un dernier chaînon pour rendre compte de la conception virginale de Jésus (cf. Matthieu 1, 22-23 ; Luc 1, 31).

Hébreux 10, 4-10 (« Je suis venu pour faire ta volonté »)

L’auteur anonyme de la Lettre aux Hébreux s’adresse à des chrétiens qui fondaient trop leur foi sur le culte du Temple de Jérusalem ; il leur montre que la venue du Christ doit changer notre lecture de l’Ancien Testament. Dans ce passage, il raisonne ainsi, sur trois plans.

1) Selon notre auteur, dans le Psaume 39 [40], c’est le Christ qui, prophétiquement, parle par avance. Il dit que Dieu n’attend pas de lui, pour montrer la fidélité de sa mission terrestre, des sacrifices matériels, mais l’offrande de son corps, de toute sa personne, en totale obéissance à sa volonté : «Me voici, je suis venu pour faire ta volonté.» Dans ces quelques mots se résument le mystère et le sacrifice de la Croix, aboutissement de l’Incarnation.

2) L’auteur précise alors : les sacrifices du Temple de Jérusalem étaient prescrits par la Loi de Moïse. Or, avec la venue du Christ, Dieu «n’en a plus voulu». C’est donc qu’un nouveau culte, l’offrande de soi du Christ, remplace l’ancien.

3) De fait, par cette volonté de Dieu accomplie jusqu’au bout, par le don de soi du Christ en sa Passion, nous sommes «sanctifiés», c’est-à-dire de nouveau en relation vraie avec Dieu – et cela «une fois pour toutes», alors qu’avant, à Jérusalem, il fallait refaire chaque année les mêmes sacrifices pour obtenir le pardon divin, la restauration de bonnes relations avec lui.

Ainsi, l’Incarnation annoncée à Marie (évangile) inaugure la route du *sacrifice de la Croix qui aboutit à notre rédemption. Dieu n’attend plus que nous lui offrions «des choses», mais que nous nous offrions sans cesse à son vouloir, à la suite d’un Christ «frère des hommes».

* Le sacrifice de la Croix. « En souffrant pour nous, [le Fils de Dieu] ne nous a pas seulement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas, mais il a ouvert une route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau (Vatican II, Gaudium et Spes, n° 22).

 

Luc 1, 26-38 (Marie comblée par Dieu)

Pour présenter *l’incarnation du Messie et la mission de sa Mère, Luc utilise le schéma biblique des récits d’Annonciation (voir le même schéma dans l’Annonciation à Joseph, ci-dessus, le 19 mars). On en repère aisément les éléments principaux :

Manifestation du messager de Dieu.

L’ange Gabriel s’est présenté à Zacharie (Luc 1, 11.19). La seconde Annonciation, à Marie, ne se situe plus dans le Temple illustre de Jérusalem, mais dans un lieu retiré, en Galilée. Jésus sera le Messie des humbles, le Galiléen. Luc présente Marie comme une vierge (cf. 1ere lecture) et comme accordée en mariage à «un homme de la maison de David», la famille dont doit naître le Messie. Selon la coutume, un temps notable s’écoulait entre la conclusion du mariage et l’installation de l’épouse chez son époux. L’ange salue Marie en lui donnant pour nom «Comblée de grâce», un titre dans lequel la Tradition catholique voit le signe de sa conception immaculée. «Le Seigneur est avec toi» : cette formule, dans maints récits de vocation (Moïse, Exode 3, 12 ; Gédéon, Juges 6, 12), signifie que Dieu confie une mission à quelqu’un et lui apporte son soutien.

Réaction de Marie.

Zacharie était saisi de crainte (Luc 1, 12). Le bouleversement de Marie tient simplement à une interrogation sur ce que Dieu attend d’elle. Luc signale la non-foi de Zacharie (Luc 1, 20) et la foi de Marie (1, 45). Mais il serait vain de chercher les indices de ce contraste : le récit n’en livre aucun.

Le message de l’ange.

Voici en quoi Marie est «comblée de grâce» : Dieu la charge d’enfanter le Messie. Car l’ange assemble, dans son annonce, une mosaïque d’expressions qui renvoient notamment à la prophétie de l’Emmanuel : «Voici que la vierge enfantera et concevra un fils» (Isaïe 7, 14, selon la Bible grecque ; voir aussi Isaïe 9, 6). Le messager céleste s’exprime selon les clichés de l’Ancien Testament, même si, en profondeur, «le règne qui n’aura pas de fin» évoque déjà le règne du Christ ressuscité (Actes 2, 29-36).

Objection, réponse et don d’un signe.

Si Marie connaît, imaginons-le, les merveilleuses naissances de la Bible, comme celle d’Isaac (voir Genèse 17). Si elle sait que sa mission s’impose, son actuelle virginité n’est-elle pas un obstacle insurmontable au projet divin ? L’objection de l’élue permet à l’ange Gabriel d’approfondir, pour nous lecteurs, le mystère du Messie : nouvelle Ève, Marie enfantera le Vivant (Luc 24, 5) par un acte de l’Esprit qui présidait à la première création (Genèse 1, 2). La puissance de Dieu investira Marie, telle la nuée du désert «prenant sous son ombre» la Demeure de Dieu (Exode 40, 35). Et puisque l’Esprit créateur est «saint», l’enfant sera «Saint», consacré. Cet adjectif, chez les premiers chrétiens, est un des titres les plus anciens du Messie (cf. Luc 4, 34 ; Actes 3, 14).

Déjà – tel est le signe donné par l’ange et que Marie vérifiera par la bouche de sa cousine –, Dieu a réalisé pour Élisabeth, stérile et âgée, ce qu’il avait accompli pour Sara (cf. Genèse 18, 14). Marie croit-elle que Dieu peut faire plus encore, et introduire son Fils, grâce à elle, par une création qui enracine Jésus en «Adam, fils de Dieu» (Luc 3, 38) ?

La foi de Marie

Oui, selon le récit de Luc, elle le croit ! Elle est la figure de l’Église chargée d’enfanter son Sauveur au monde d’aujourd’hui. Elle est le modèle de tout croyant qui se fait serviteur de la parole du Seigneur, qui sait que «rien n’est impossible à Dieu».

* L’incarnation. «Parce que [dans le Christ] la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché» (Vatican II, Gaudium et Spes, n° 22).

 

 




2ième Dimanche de Pâques- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

LA CARESSE ET L’ADORATION

 

st thomas 3

« Thomas, avance ta main et mets ton doigt dans la marque des clous. Avance ta main et mets-la dans la plaie de mon côté. Et ne sois plus incrédule mais croyant ».

 

Frères et sœurs, il y a beaucoup de gens qui disent lorsqu’ils ont des doutes ou lorsqu’on leur donne une information qui n’est pas certaine : « Moi, je suis comme Thomas, je ne crois qu’à ce que je vois ». Personnellement, je trouve que cette interprétation de la réaction de Thomas est fausse. Car Jésus ne lui dit pas : « Vois », Il lui dit : « Mets ta main ». La première apparition, le soir de la Pâque, Jésus s’est montré à ses disciples, Il a été vu par eux. Et les disciples rapportent fidèlement l’événement à Thomas : « Nous avons vu le Seigneur ».

Mais Thomas entend ses frères, il demande quelque chose de plus. Non seulement il veut voir, mais il veut toucher, porter sa main dans la plaie du côté. Thomas n’est pas un homme qui veut voir, c’est un homme qui veut toucher. C’est tout différent. Mais avant d’aborder ce problème, demandons-nous ce qu’il veut voir ou plus exactement ce qu’il veut toucher ? De quoi s’agit-il dans les apparitions du Ressuscité ?

Les apparitions du Ressuscité ne sont pas des espèces de montages cinématographiques dans lesquels tout à coup, grâce à des « effets optiques », le Christ se serait manifesté. A ce titre-là, je n’aime pas beaucoup le mot « apparitions », car c’est le même mot que celui qu’on emploie, par exemple, pour désigner les apparitions de la Vierge à Lourdes. Or les apparitions de Jésus aux disciples et les apparitions de la vierge Marie à Lourdes n’ont pas, entre nous soit dit, grand-chose à voir entre elles, non pas que les apparitions de Lourdes soient fausses, mais précisément, dans les apparitions de Jésus ressuscité, il ne s’agit pas d’abord d’un spectacle, au sens de quelque chose qui se donne à voir. Dans les apparitions de Jésus ressuscité, ce n’est pas Jésus qui tout d’un coup était caché je ne sais où et qui se montre. C’est plutôt le fait que les yeux, l’esprit ou le cœur et toutes les capacités de rencontrer Dieu qu’ont les apôtres soient tout à coup mis en œuvre de telle sorte que les disciples soient mis en contact réel avec cette réalité toutefois inaccessible à notre faculté de connaissance dans son fonctionnement habituel, avec la réalité du Royaume nouveau, en la personne de Jésus ressuscité.

christ ressuscité

Voilà ce que sont les apparitions. Ce qui change dans les apparitions, ce n’est pas le Christ, Il est ressuscité, Il est à la droite du Père. Ce qui change, ce sont les apôtres qui, à certains moments après la Pâque, ont vu, ont été mis en contact réel avec la réalité que nous contemplerons, nous, seulement après notre mort, c’est-à-dire Jésus ressuscité, glorifié. Autrement dit, les apparitions de Jésus ressuscité ne sont pas des moments où le Christ se « ferait voir » pour prouver aux apôtres que le mauvais moment de sa crucifixion est passé et que désormais tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… Mais c’est le moment où il a été donné par grâce à des hommes qui, normalement constitués comme nous, ne peuvent pas connaître les réalités du Royaume, de les découvrir à ce moment-là. Les apôtres ont réellement été mis en contact avec la réalité même de Jésus dans sa gloire. Au cœur de ce monde, dans une vie de tous les jours, en allant à la pêche, en marchant entre Jérusalem et Emmaüs, ou bien en étant rassemblés dans un endroit où ils mouraient de peur, tout à coup, il leur a été donné de toucher, d’appréhender, d’être en contact avec la réalité même du Royaume de Dieu.

Tel est l’enjeu des apparitions de Jésus ressuscité. Et donc ce qui s’est accompli à ce moment-là c’est le remaniement, le bouleversement total de leur être, de leur existence. Ils croyaient qu’il n’y avait plus rien à attendre de Jésus ressuscité et voilà qu’ils ont reçu le Royaume ! Ils ont reçu les signes de l’existence réelle du Royaume. C’est pour cela que notre foi est apostolique : cette expérience n’est arrivée qu’à eux seuls. Nous, nous nous fondons simplement sur leur témoignage. Tout cela peut vous paraître extrêmement fragile, mais c’est pourtant là-dessus que tout repose. En réalité, quand les apôtres ont été saisis par la présence de Jésus ressuscité, ils n’ont pas été simplement fascinés par une vague forme ectoplasmique qui serait venue devant eux déguster quelques morceaux de poisson grillé. Mais ils ont été saisis par la présence totale de Jésus ressuscité, glorifié, du Seigneur de l’univers. Ils ont vu ce qu’était le Royaume de Dieu en la personne de Jésus. C’est précisément cela qui est important : à la différence du moment où ils ont connu Jésus durant son existence terrestre durant laquelle ils le reconnaissaient avec les contours précis d’une humanité qui était, comme la vôtre et la mienne, en train de se promener, de parler, de prier. Ici, ils ont été mis en contact avec une humanité tout à fait réelle, plus réelle encore, d’une certaine manière, que celle que Jésus avait sur la terre, car c’est une humanité parvenue totalement à sa plénitude glorifiée. Ils ont été saisis par cette humanité nouvelle et ils ont alors compris que Jésus était vraiment ressuscité.

st thomas 1Passons maintenant à ce qui est intéressant dans le cas particulier de l’apparition à Thomas, puisque c’est de cette apparition de Jésus à Thomas que nous faisons mémoire aujourd’hui et que nous célébrons. Je vous disais tout à l’heure qu’elle est très importante car, à la différence des autres, (même celle qui concerne Marie Madeleine qui essayait de saisir Jésus sans y parvenir), c’est la seule apparition où Jésus s’est laissé toucher.

Ici, vous me permettrez de faire un éloge de la caresse. En effet, la caresse est un mode tout à fait particulier de relation à autrui. La caresse et le toucher, à la différence de l’audition ou de la vision, impliquent une immédiateté de présence, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on voit ou lorsqu’on entend quelqu’un. Lorsqu’on voit, il y a dans le voir même une distance qui fait que les choses sont « les choses », posées là en face de nous, lorsqu’on entend quelqu’un, il est à distance et le sens de l’audition nous donne généralement une certaine notion de distance et d’éloignement. On entend si la voix de celui qui nous parle est proche ou au contraire lointaine. Or, dans le cas de la vision comme dans le cas de l’audition, il y a comme un intermédiaire entre la réalité que l’on voit et nous-mêmes. Il y a des images entre les « choses » et nous, il y a des sons, des mots et des paroles entre ceux qui nous parlent et nous.

Dans la caresse, il n’y a pas d’intermédiaire ; quand une mère touche son petit enfant (et c’est pour cela que les petits enfants ont grandement besoin de caresses), c’est la présence immédiate de la mère qui se donne à son enfant. Et en même temps, ce qui est tout à fait étonnant, c’est que dans la caresse et le sens du toucher, l’autre cesse d’être un « objet », un « corps posé en face de moi » pour être quelqu’un d’autre. C’est là le sens même du geste de donner une caresse, d’embrasser ou de toucher la main, à ce moment-là, l’autre n’est plus cet « objet posé en face de moi », il est quelqu’un qui rayonne à travers sa corporéité et qui est présent d’une présence qui est différente d’une boîte de conserve par exemple : c’est la raison pour laquelle on ne caresse pas les boîtes de conserve ! Elles ne sont que des choses tandis que s’il y a des êtres personnels et des corps, ils se donnent comme corps et ils se donnent non seulement comme corps, mais comme corps vivants. C’est pourquoi la caresse est liée par exemple à toutes les manifestations profondes de l’amour, car elle relève d’un registre lié à la fécondité, à la vie, à la relation de la sexualité, c’est-à-dire ce par quoi nous nous apparaissons les uns aux autres comme ce que nous sommes vraiment : des vivants sexués, hommes et femmes.

Alors, à moins de supposer que Thomas ait eu des gestes de kinésithérapeute ou de masseur musclé pour toucher les mains et le côté de Jésus, c’est-à-dire manipuler son corps comme si c’était une chose, il me semble qu’il faut au contraire imaginer le geste de Thomas comme une caresse d’une infinie délicatesse pour atteindre le mystère même de son Dieu. Si l’apparition de Thomas est si importante, ce n’est précisément pas parce que Thomas aurait essayé de faire une vérification de « leçon de choses » ou de physique nucléaire. Mais c’est plutôt parce que dans le geste même de toucher le corps de Jésus ressuscité, il lui a été donné d’être présent au mystère même de Jésus d’une façon infiniment plus proche, infiniment adorante dans la mesure où adorer veut dire poser sa bouche vers quelque chose, vers la réalité du mystère de l’adoration, c’est le contact, presque le corps à corps mystique et amoureux du disciple avec la gloire de Dieu. Et donc, dans ce geste de Thomas que nous taxons d’incrédule, que nous taxons d’esprit fort, sceptique, distant, c’est tout le contraire qui s’accomplit, c’est le geste même de la reconnaissance de la proximité du mystère. Le Christ ressuscité ne s’est jamais donné d’une façon aussi immédiate que lorsque la main de Thomas a touché le mystère de la gloire de son Seigneur. Encore faut-il ne pas comprendre ce geste comme une opération de « vérification des poids et mesures », mais précisément comme le geste même de l’adoration.

mains1Aujourd’hui encore, frères et sœurs, il nous est donné chaque jour, quand nous le voulons, de refaire ce geste lorsque nous ouvrons nos mains pour recevoir le corps du Christ. C’est pour cela d’ailleurs que je trouve ce geste si beau, même s’il y en a qui pensent que les mains sont faites pour autre chose que pour toucher le corps du Christ. En réalité, quand on comprend ce qu’a été le geste de Thomas, on comprend la beauté du geste qui consiste à recevoir le corps du Christ dans sa main. C’est la caresse de la gloire de Dieu, c’est la proximité même du mystère de Dieu qui se livre d’une façon absolument ineffable, car dans ce geste-là, il n’y a plus de mots. Et quand on vous donne le pain et qu’on vous dit : « le corps du Christ », c’est effectivement le mystère même par lequel, de tout votre être, vous touchez le mystère du Royaume. Et nous sommes pour ainsi dire dans la proximité infinie du Christ ressuscité.

Qu’à travers ce geste de Thomas, ce ne soit pas en nous le remue-ménage de ces vieux doutes ou de ce scepticisme fait de distance, de méfiance et de peur, mais que ce soit au contraire la beauté du geste de cette main qui s’avance, infiniment respectueuse, infiniment adorante du corps ressuscité et glorieux du Christ qui se donne à Thomas ! Essayons nous-mêmes, à notre tour, dans chaque geste eucharistique d’en retrouver toute la beauté et, surtout, toute la vérité. Amen.




2ième Dimanche de Pâques par P. Claude Tassin (3 Avril 2016)

Actes des Apôtres 5, 12-16 (La communauté des premiers chrétiens)

L’Église unit des gens qu’a priori rien ne rassemble, sinon le fait qu’ils vivent une communion sans pareille parce qu’ils éprouvent au milieu d’eux la présence de celui qui, depuis l’Ascension, est l’Absent. Dans les Actes des Apôtres, Luc résume cette expérience en *trois sommaires (égrenés au 2° dimanche de Pâques des années A, B, C) montrant comment les chrétiens découvrent cette présence de l’Absent. Le 3° sommaire, aujourd’hui, souligne trois traits :

Signes et prodiges

Les Apôtres continuent les «signes et prodiges» accomplis par Jésus. Le contact physique de Pierre guérit, et même son ombre, comme naguère le contact de Jésus (Marc 6, 56). Partout où l’Église s’occupe de la santé des humains, le Christ ressuscité révèle sa présence.

Crainte et attachement

La communauté, dit Luc, produit une double réaction dans l’environnement : de crainte sacrée (on n’osait pas se joindre à eux) et d’attirance (on s’attachait au Seigneur par la foi). Les vraies Églises révèlent toujours une présence mystérieuse et attirante, celle du Christ. Ce sentiment ambigu du sacré se traduit dans certaines traditions animistes par cette boutade (que j’ai entendue) adressée aux chrétiens : «Nos fétiches ne peuvent rien contre vous, car les vôtres sont plus forts que les nôtres.»

Le portique

Luc montre les croyants déambulant, au Temple de Jérusalem, sous le «portique» de Salomon. Les philosophes grecs les plus populaires de ce temps étaient ceux du Portique, ou stoïciens. Ils déambulaient sous les portiques pour délivrer leur enseignement à leurs adeptes. l’Église essaie toujours de participer aux meilleurs courants de pensée de son temps.

* Les trois sommaires sur la première Église. Luc parsème ses Actes des Apôtres de « sommaires », des résumés ou refrains, soit qu’il se trouve à court de documents pour présenter les premières Églises, soit qu’il veuille nous livrer par là, dans les années 80, son interprétation des origines chrétiennes. Ainsi a-t-il bâti trois sommaires sur l’Église de Jérusalem, trois tableaux subtils dont se serviront ensuite, parfois sans grand discernement, certaines Églises et maints instituts religieux. Le 1er sommaire (Actes 2, 42-47), année A, insiste sur la communion fraternelle. Le second sommaire, Année B, toujours au 2e dimanche de Pâques (Actes 4, 32-35), insiste sur le partage concret incarnant cet idéal de communion. Les trois sommaires reprennent une même expression : «d’un même cœur». Ces tableaux de l’Église primitive ne décrivent pas un l’âge d’or du christianisme. Cet âge d’or n’a jamais existé. Luc indique simplement à quelles conditions les Églises à venir seront des témoins authentiques du Christ ressuscité.

 

Psaume 117 (« Le jour que fit le Seigneur »)

Nous retrouvons ce psaume que nous chantions en la veillée pascale et au matin de Pâques. En ce dimanche, le poème a peu à voir avec la lecture des Actes qui le précède. Il s’agit d’une prière « phare » pour l’ensemble du temps pascal. Rappelons la mise en scène proposée par le livre des psaumes : un roi, après une victoire difficile, vient rendre grâce au Temple. Il converse rituellement avec le peuple qui l’entoure et les prêtres qui accueillent le souverain. Cette forme de dialogue apparaît mieux dans les versets retenus aujourd’hui :

Le roi : Oui, que le dise Israël !

Le peuple : Éternel est son amour !

Le roi : Oui, que le dise la maison d’Aaron [= les prêtres]^ :

Le prêtre  :  Éternel est son amour !

Le roi :  Qu’ils le disent ceux qui craignent le Seigneur [= le peuple et les prêtres] :

Tous :  Éternel est son amour !

Le prêtre :  La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle.

Tous : C’est là l’œuvre du Seigneur, La merveille devant nos yeux.

Le prêtre : Voici le jour que fit pour nous le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

Tous : Donne, Seigneur, donne le salut !  Donne, Seigneur, donne la victoire !

[Que] Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! [= Bénis-nous avec le roi sui vient.]

Le prêtre : De[puis] la maison du Seigneur, nous vous bénissons !

Tous : Dieu, le Seigneur, nous illumine !

Inutile d’expliciter le sens pascal chrétien de ce psaume, à moins d’une totale absence de sens poétique. Cependant, rappelons que dans le prêtre, nous entendons la voix de Dieu le Père ; que, par la voix du roi, c’est le Christ ressuscité qui s’exprime, et que, par le tous, c’est nous qui disons notre foi pascale.

Ajoutons un détail : l’expression «donne le salut» a été rendu curieusement dans la Bible grecque par Hosanna, une version conservée pour l’entrée de Jésus à Jérusalem, à savoir une annonce de la victoire pascale :  Hosanna au Fils de David !  Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (Matthieu 21, 9). Ce texte est passé dans notre liturgie eucharistique, avec une transposition. Car, au départ, il faut comprendre ceci : Que soit beni par le nom du Seigneur – par les prêtres – celui qui vient, c’est-à-dire le roi qui va entrer dans le Temple. La tradition juive et chrétienne a compris : «celui qui vient au nom du Seigneur», c’est-à-dire le Messie.

 

Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19 (« J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles »)

Les visions de l’Apocalyse présentent des icônes littéraires : elles dépeignent des tableaux du Christ ressuscité en collant ensemble, de manière inattendue et poétique, des citations de l’Ancien Testament.

Aujourd’hui, nous lisons la vision inaugurale qui éclaire tout le livre. Jean, auteur inconnu (ce n’est pas l’évangéliste du même nom), est déporté sur l’île de Patmos en raison de la persécution menée par l’empereur Domitien (81-96). L’assemblée eucharistique, «le jour du Seigneur», est pour l’auteur l’occasion d’une vision : derrière lui s’ouvre le Temple du ciel aux sept chandeliers (le Temple de Jérusalem n’avait qu’un chandelier à sept branches). Si Jean tombe «comme mort» d’émotion (un cliché des apocalypses juives), c’est en découvrant le «Fils d’homme» annoncé par Daniel 7, 13-14 et le grand prêtre céleste ; car la ceinture d’or barrant la poitrine est un insigne sacerdotal. Il s’agit surtout du Ressuscité qui détient les clés de la Mort et ouvre les portes de la vie à ceux qui meurent par fidélité à leur foi. Le dimanche, *«jour du Seigneur», nous n’avons sans doute pas de visions, mais la certitude répétée que notre foi au Ressuscité nous sauvera de la mort.

* Le jour du Seigneur. C’est le grand jour ! «Le jour de gloire est arrivé», chante la Marseillaise. Dans l’Ancien Testament, sous la plume des prophètes, le «jour du Seigneur», espéré comme un jour de victoire, devint un jour de jugement divin sans concession (voir Amos 5, 18). Chez les chrétiens, le dimanche, c’est-à-dire, selon l’étymologie latine (dominica dies), le jour du Seigneur redevient un jour d’espérance, dans la suite du Christ, premier-né de notre future résurrection.

 

Jean 20, 19-31 (« Huit jours plus tard, Jésus vient »)

Cette page d’évangile, lue chaque année en ce dimanche, constituait sans doute primitivement la fin de l’évangile de Jean et son sommet. Quatre séquences nous conduisent pas à pas à saisir notre situation de croyants.

Il était là

C’est l’apparition de Jésus aux disciples, le soir de Pâques. Jean ne précise pas l’identité du groupe : il vise toute la communauté chrétienne, et pas seulement les Onze. C’est une réunion liturgique, «le premier jour de la semaine» (cf. «le jour du Seigneur», 1ère lecture). Alors Jésus «vint», *«il était là» et se fait reconnaître comme le Crucifié. On dit pas qu’il traverse les portes verrouillées, mais qu’il se rend présent dans une totale liberté. C’est pour les disciples une bénédiction (ils sont «remplis de joie») et un acte de foi, car ils voient non pas seulement Jésus, mais «le Seigneur». Celui-ci apporte la paix qu’il avait promise (cf. Jean 14, 27) et les recrée : comme Dieu «insuffla dans les narines (d’Adam) le souffle de vie», Jésus répand sur eux son souffle et leur donne mission de remettre ou de maintenir les péchés, de discerner le bien et le mal dans ce monde divisé. Ce qui se réalisera, grâce au baptême et à la lutte contre le péché, par exemple par la prière (cf. 1 Jean 5, 16-17).

Ainsi s’accomplissent les grandes promesses de la Bible : la nouvelle création, **la venue de l’Esprit qui purifie (Ezékiel 36, 25-27) et le pardon des péchés inaugurant l’Alliance nouvelle (Jérémie 31, 31-34).

Une transition

Les disciples ont vu et ils ont cru. Ils communiquent à Thomas leur credo pascal : «Nous avons vu (celui qui est maintenant) le Seigneur». Thomas repousse leur témoignage ; il lui faut des signes miraculeux (voir le reproche de Jean 4, 40).

Avec Thomas

C’est la seconde apparition avec la présence de Thomas, «le huitième jour». Grâce à la parole de Jésus, Thomas accède à la vraie foi. Les païens saluaient l’empereur Domitien comme «notre Seigneur et notre Dieu» ; c’est Jésus que le disciple confesse ainsi : «mon Seigneur et mon Dieu», les titres mêmes du Dieu d’Israël. Les autres avaient reconnu le Seigneur ; lui confesse le Verbe de Dieu qui est retourné en Dieu, dans la gloire qu’il avait «avant le commencement du monde» (Jean 17, 5).

Thomas est béni comme le dernier de ceux qui ont vu et qui ont cru. Depuis que ces témoins ont disparu, nous sommes bénis comme «ceux qui croient sans avoir vu».

Conclusion

«il y a encore beaucoup d’autres signes…» Jean ne dit pas que le Christ se sépare des disciples. Car il nous reste une présence invisible, grâce à l’Esprit qui apporte le pardon, qui nous rappelle et nous fait comprendre ce que Jésus a fait et dit «en présence des disciples». Ce souvenir nous conduit à la foi en Jésus comme Fils de Dieu, et la foi nous conduit à la vie.

* «Il était là». Les récits d’apparitions pascales tentent de rendre ce qui dépasse l’expérience ordinaire. Les témoins constatent que Jésus est vivant, que sa présence s’impose et qu’il leur donne une mission. Leur vocabulaire est riche et varié : Il se fit voir, il vint, il se tint au milieu d’eux, il les rencontra, il s’approcha d’eux, il se manifesta. L’expérience des premiers témoins fut sans pareille ; mais les mots qu’ils emploient disent que, dans notre vie aussi, le Ressuscité se rend présent.

* La venue de l’Esprit. On ne date pas la venue de l’Esprit Saint sur un calendrier et les évangélistes cherchent seulement à déployer la richesse du don de cet Esprit. Si on traduit Jean 19,30 par «il transmit l’Esprit», alors cet Esprit, signifié par l’eau et le sang, est offert dans le don suprême de la croix. En Jean 20, c’est au soir de Pâques que le Christ souffle l’Esprit de la création nouvelle. La Pentecôte juive célébrant l’alliance du Sinaï, c’est ce jour-là que Luc situe l’irruption de l’Esprit de la nouvelle alliance (Actes 2).

 

 

 

 

 

 

 




2ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER

Vivre du Ressuscité (Jn 20,19-31) 

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.
Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.

           

suivre jésus christSt Jean connaît la distinction entre « les Douze », les colonnes de l’Eglise, et « les disciples » (Jn 6,66-67). Cette manifestation du Ressuscité s’adresse ici aux disciples, c’est-à-dire à toute l’Eglise, et à travers eux, ce sont tous les disciples de tous les temps qui sont concernés, et donc chacun d’entre nous…

            Jésus accomplit ici ses promesses… Il avait dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai vers vous »… Ici, « Jésus vint »… Il avait dit : « Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi, vous vivrez » (Jn 14,18-23). Ici, « il leur montra ses mains et son côté », une expérience fondatrice qui lancera l’Eglise sur les chemins de la mission universelle. Mais nous sommes tous appelés à vivre nous aussi une rencontre avec le Ressuscité. Certes, nous ne verrons pas « ses mains et son côté », mais « nous verrons qu’il vit ». Nous prendrons conscience, par une expérience qui engage toute notre vie, qu’Il est Vivant… Et cela se fera dans la mesure où « nous aussi, nous vivrons ». Autrement dit, c’est en vivant de la vie nouvelle du Ressuscité que nous pourrons reconnaître, sans le voir explicitement, qu’il est vivant.

            Cette vie nouvelle en nous sera le fruit de l’accueil par notre foi de l’Esprit Saint, le Souffle créateur et vivifiant de Dieu : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Le Christ Ressuscité reprend ici ce geste : « Il répandit sur eux son souffle et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » . Avec lui et par lui, le projet créateur de Dieu s’accomplit : l’homme participe à ce qu’Il Est, car « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et grâce à ce Don, il vit dès maintenant, dans la foi, de sa vie car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63).…

            Il aura fallu à Thomas l’expérience forte de la vision des plaies du Ressuscité pour entrer dans la foi. Mais St Jean sait que cette expérience est exceptionnelle. Par contre, il sait aussi que tous les disciples de Jésus sont appelés à vivre de sa vie, et par elle, à reconnaître sa Présence. Aussi conclut-il son récit par cette affirmation universelle : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! », car par leur foi, ils accueillent dès maintenant l’Esprit, source de la vraie vie et du vrai bonheur… DJF




Rencontre autour de l’Évangile – 2ième Dimanche de Pâques

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons (Luc 24, 1-12)

Nous prenons l’évangile du 2ème dimanche de l’Année A. On peut faire une lecture dialoguée du passage, afin de bien situer chaque personnage, et leurs attitudes.

Situons le texte

Le début du texte indique bien que cette rencontre de Jésus avec ses disciples se passe bien “après sa mort ”. Les disciples sont encore sous le choc de la Passion et de la mort. Ils ne sont pas fiers d’avoir lâché leur maître. Ils ont peur de subir le même sort.

Soulignons les mots importants

Le soir du premier jour de la semaine : De quel jour s’agit-il ? Que s’est-il passé le matin ?

Les portes sont “verrouillées” : Que signifie ces portes verrouillées ?

Par “peur” : Comment expliquer cette peur des disciples ? Que signifie-t-elle ?

“Jésus vint” et “il était là au milieu d’eux ” : Qu’est-ce qui nous frappe dans cette démarche de Jésus ?

“La paix soit avec vous”. C’est le mot “Shalom ” que signifie cette salutation ?

“Il leur montra ses mains et son côté ” : Quelle est l’intention de Jésus en faisant ce geste ?

“Comme le Père m’a envoyé, Je vous envoie” : Finalement dans quel but Jésus se montre vivant à ses disciples ?

“Il répandit sur eux son souffle” : Que signifie ce geste de Jésus ?

“Vous remettrez les péchés ” : Comment se fait-il que ces hommes qui hier avaient trahi ou lâché leur Maître aient maintenant le pouvoir de “ remettre les péchés ” ?

“Si je ne vois pas… je ne croirai pas” : Que penser de l’attitude de Thomas ?

“Mon Seigneur et mon Dieu” : C’est l’acte de foi le plus élevé.

“Heureux ceux qui croient sans voir vu” : Pour qui Jésus a dit cette béatitude ?

 

Ensemble regardons Jésus

Avec les yeux de la foi. Il est présent au milieu du groupe comme autrefois au milieu de ses disciples. Il porte dans ses mains et dans son côté les marques de sa Passion. Il est le même aujourd’hui. Vivant avec son corps d’homme transformé. Il nous a communiqué l’Esprit qui l’a ressuscité d’entre les morts, et déjà maintenant, nous vivons de sa vie.

 

Pour l’animateur

  • Nous sommes toujours le troisième jour après la mort de Jésus, jour de la résurrection de Jésus. Les femmes, de grand matin, ont trouvé le tombeau vide et ont un reçu un message des anges annonçant que Jésus est vivant. Mais les disciples ne les pas prises au sérieux.

  • Les disciples vivent dans la peur et l’enfermement. Il y a, certes, la peur des juifs, peur d’être arrêtés comme leur maître. Mais aussi, ces portes verrouillées et cette peur signifient que le cœur des disciples est encore prisonnier de l’incrédulité. Ils sont encore dans la “ mort ”. Il leur faudra faire l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité pour qu’ils passent de la peur et de l’incrédulité à la joie de la foi, qu’ils passent de la “ mort ” à “ la vie ” : ce sera leur expérience pascale.

  • C’est Jésus qui a l’initiative de la rencontre. Il vient au-devant de ses disciples pour se donner à voir par eux. La présence de Jésus n’est plus soumises aux lois physiques (pesanteur, distance, espace…) et aux contraintes qui sont les nôtres avec notre corps. Il n’est pas dit que Jésus ressuscité traverse les murs ! Simplement, qu’il peut se rendre présent autrement que nous les humains encore soumis aux lois physiques terrestres.

  • La venue de Jésus au milieu de ses disciples est source de paix. “Shalom” dans la bouche de Jésus, c’est plus qu’une simple salutation : c’est le don de la joie, de la paix, du salut que Jésus a mérité pour tous les hommes par sa mort et sa résurrection.

  • Jésus n’est plus présent physiquement de la même manière que durant sa vie terrestre. Mais celui qui est là au milieu de ses disciples, c’est le Seigneur Jésus, le même qu’ils ont connu et aimé, mais désormais transfiguré par la Résurrection. Jésus ressuscité n’est pas un esprit. Il reste l’homme-Dieu avec un corps divinisé. qui a mangé avec ses disciples et qui porte en sa chair les traces du supplice.

  • L’apparition du Ressuscité n’est pas une fin en soi. Elle débouche sur une mission. Le “comme” n’exprime pas seulement une comparaison. Il exprime que la mission des disciples est fondée, enracinée dans celle que le Christ a reçue de son Père. Les disciples sont “ faits apôtres ”, c’est à dire “ envoyés ” pour témoigner de Jésus ressuscité, Fils bien-aimé du Père. La mission des apôtres prolonge celle de Jésus.

  • Jésus communique la puissance de l’Esprit à ses disciples. Le “Souffle ” de Jésus est à rapprocher au “souffle ” de Dieu  sur Adam pour lui donner la vie (Gn 2,7) et à l’Esprit qui est descendu sur Jésus au moment de son baptême.

  • Nous mesurons la puissance de résurrection qui se passe dans le cœur de ces apôtres : l’Esprit que leur communique le Ressuscité les relie tellement à Dieu que lorsqu’ils pardonnent ou maintiennent les péchés, c’est Dieu qui pardonne ou maintient.

  • La faute de Thomas est double : il ne croit pas au témoignage des apôtres et il doute de Jésus ressuscité.

 

L’ Évangile aujourd’hui dans notre vie

Thomas a exigé de voir pour croire.

Et nous ? Quelle est notre réaction quand les apôtres affirment : “  Nous avons vu le Seigneur ! ” ?

Qui est Jésus-Christ pour moi ? (laisser les gens s’exprimer)

Jésus n’est pas seulement un idéal, un modèle, un maître de sagesse, celui qui révèle une religion d’amour, de pardon, de justice pour les petits… Il est tout cela, mais ce n’est pas suffisant pour se dire chrétien.

Il faut encore croire qu’il est Dieu avec nous, qu’il est mort et ressuscité, que je peux le rencontrer aujourd’hui, vivre de sa vie, me nourrir de sa parole et de son Corps ressuscité, pouvoir recevoir son pardon, et être libéré de l’angoisse de la mort par l’espérance qu’un jour il me ressuscitera.

Sinon, ma foi est vaine. Il est inutile d’aller partout à la recherche de sensations, de merveilleux, de révélations, de dévotions, de prières….

Nous qui croyons sans avoir vu, est-ce que nous sommes heureux de croire au Christ ressuscité ?

Qu’est-ce que je fais de mes dimanches ?

C’était le jour du rassemblement liturgique pour les premiers chrétiens. C’est le temps privilégié de la présence du Seigneur à sa communauté.  Même quand il n’y a pas de prêtres pour célébrer la messe, les chrétiens se font un devoir et une joie de se rassembler autour du Ressuscité pour se nourrir de sa Parole et de son Corps ressuscité, Pain de vie, et pour fraterniser…C’est ce qu’on appelle “ ADAP ” (Assemblée Dominicale en l’Absence/Attente de Prêtre).

Comment je réagis face à cela ?

Ensemble prions 

Seigneur Jésus, tu t’es manifesté à tes apôtres après la résurrection

et tu as rempli leur cœur de joie lorsque tu leur as dit : 

 “ La Paix soit avec vous ! ”

Viens aussi au milieu de ta communauté

Apporte-lui la paix de ta présence,

et que ta joie envahisse nos cœurs comme un soleil d’été.

 Alors avec Thomas, ton Apôtre, nous t’acclamerons en criant de joie :

“ Mon Seigneur et mon Dieu ! ”

Un Chant de Pâques.

 

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La Résurrection du Seigneur- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

La divine surprise

christ est vivant« Nous sommes ressuscités avec le Christ ».

Frères et sœurs, aujourd’hui Pâques, c’est littéralement la divine surprise. C’est divin parce que c’est Dieu qui agit. C’est une surprise parce que nous ne nous y attendions pas. En effet, qui aurait pu croire à une histoire pareille : un rabbi galiléen qui fait deux années de ministère public, qui se brouille avec les autorités du temple qui dictent la vérité des choses, et qui termine comme un prophète assassiné. C’est normalement le point final.

À cette époque-là, mourir sur la croix, c’était pire que mourir sur la chaise électrique aux Etats-Unis. Qui aurait pu croire qu’après une histoire pareille, pratiquement deux mille ans après, les églises seraient encore pleines ? Si nous sommes là, il n’y a pas d’autre raison, c’est parce que Dieu nous a fait une divine surprise. Dieu nous surprend toujours, mais là on ne pouvait pas s’y attendre. Comment un pauvre homme qui a subi un supplice pendant plusieurs heures, qui a été mis au tombeau, et dont on a considéré que l’affaire était terminée, dont les disciples pour la plupart se sont enfuis ou se sont cachés, comment croire que le matin de Pâques ils ont proclamé qu’il était vivant ?

Effectivement, frères et sœurs, ce n’est pas facile de croire. Pourquoi ? Parce que notre foi est un vrai paradoxe. C’est quelque chose que nous ne maîtrisons pas. Ce n’est pas simplement un système, et c’est cela la surprise. Ce ne sont pas des idées, ce n’est pas une idéologie, c’est un fait. Si dans la nuit et le jour de Pâques nous baptisons des catéchumènes, c’est parce que nous croyons que ce que disait l’apôtre Paul dans l’épître aux Colossiens (3, 1-4) est encore vrai aujourd’hui : nous sommes ressuscités avec le Christ. C’est cela qui est étonnant. La plupart du temps dans les religions, nous avons l’impression qu’on nous donne des idées que nous n’aurions pas pu avoir par nous-mêmes.

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Vous, nous, nous nous débrouillons avec l’informatique, avec la technique avec les biotechnologies, avec l’automobile, on gère tous les jours depuis les soucis les plus matériels du ménage jusqu’aux fusées qu’on envoie dans l’espace. Nous, nous considérons que c’est cela notre domaine. C’est le domaine de la terre et nous avons les pieds, les mains et les yeux sur terre. Nous considérons que la religion est une sorte de petit supplément d’imagination, de choses étranges, et la preuve c’est qu’il y a tellement de religions et chacun pense ceci et cela, on sera vivant après, notre âme sera immortelle, on sera réincarné dans un moustique etc. Les religions nous apparaissent comme des systèmes, des idées qui gèrent l’inconnu. Voilà les idées que nous nous faisons sur les religions : les religions, ce sont des idées.

Or, depuis que Paul a dit : « Nous sommes ressuscités avec le Christ », il a dit une chose inouïe que personne n’avait imaginée jusque-là. Désormais, la véritable relation avec Dieu n’est plus une idée, mais un transfert de vie. Que les messieurs me pardonnent, je vais parler plus spécialement aux dames qui ont eu un enfant. Ce mystère extraordinaire des premiers temps de la grossesse, lorsqu’elles sentent tout à coup qu’il y a quelque chose qui se passe. Il y a de la vie qui est née en soi, de la vie qui mystérieusement a germé. On y est pour quelque chose, on sait en général d’où cela vient, mais c’est vrai qu’il y a ce moment extraordinaire dans lequel j’imagine qu’une femme peut dire à celui qu’elle aime : « Je suis enceinte ». Quand elle dit cela, elle n’explique pas une idée ou une théorie, elle ne dit pas : « J’ai fait un nouveau petit citoyen français ! » Elle dit : « Je suis enceinte », c’est-à-dire « je suis prise par la vie, je suis saisie par quelque chose qui me dépasse ». Bien sûr on peut expliquer toutes les raisons physiologiques, la biologie, les cellules, l’ADN et la génétique, mais il y a ce moment où une femme se sent saisie par la vie.

Toutes proportions gardées, parce que nous les messieurs nous bénéficions du même avantage vis-à-vis de la résurrection : c’est la même chose. C’est comme si tout à coup nous étions, pardonnez-moi l’expression, enceints de Dieu. C’est comme si nous percevions tout à coup que la vie de Dieu, loin d’être une idée que nous projetons au-dessus de nous, loin d’être un projet de transformation du monde qu’on n’arrive d’ailleurs jamais à transformer, car c’est de plus en plus fatigant de transformer le monde, tout à coup, on s’aperçoit qu’on est ressuscités avec le Christ avec toutes les difficultés, les ennuis qu’on rencontre tous les jours, avec le mari qui n’a pas descendu les poubelles et la femme qui a raté son rôti, avec les enfants qui ont des mauvais résultats à l’école. C’est vrai qu’il y a tout cela, et pourtant, nous sommes ressuscités avec le Christ. Il y a quelque chose d’une vie nouvelle qui a germé en nous. Nous ne sommes pas à la hauteur, nous ne pouvons pas comprendre comme je pense la première fois qu’une femme a conçu, elle sait que l’événement la dépasse et surtout pour le premier, elle a des angoisses pour l’accouchement.

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Mais ici c’est la même chose. Nous sommes riches d’une vie, non pas d’une idée, mais d’une vie qui est passée en nous. Cette nuit, aujourd’hui – et c’est si bouleversant et si beau de pouvoir célébrer les baptêmes maintenant en pleine assemblée eucharistique –, les catéchumènes qui ne se rendront compte de rien, seront visités par une vie nouvelle. Eux-mêmes sont déjà rayonnants et heureux, ils ont des mines épanouies, resplendissantes, et ils jouissent de la vie humaine qu’ils ont reçue de leurs parents, mais tout à l’heure, ils vont recevoir comme une nouvelle vie. Une vie si discrète, si simple, si douce, si tendre qu’on ne la remarquerait pas et pourtant, elle est là. Vous comprenez bien que dès demain on ne va pas leur faire le catéchisme pour leur expliquer des idées sur Dieu. Mais dès aujourd’hui, ils sont déjà saisis par la réalité de la vie du Christ ressuscité.

Oui, frère et sœurs, quand nous célébrons la résurrection, nous célébrons notre propre résurrection, pas simplement celle du Christ il y a environ deux mille ans, mais nous célébrons notre résurrection. L’intuition, la certitude que les premières communautés chrétiennes ont eue, ce n’était pas que le Christ consistait simplement en une histoire à raconter, un projet sur le monde, mais que c’était tout à coup qu’il était vivant. C’est pour cela que lorsqu’ils se saluaient ils se disaient : « Christ est ressuscité », et ils se répondaient les uns aux autres : « Oui, vraiment il est ressuscité ». Ce « vraiment » ne signifiait pas qu’ils étaient d’accord l’un avec l’autre, cela signifiait : « Vraiment, en moi aussi, Il est ressuscité ». C’est la seule force du christianisme. Tout le reste, tout ce que l’on met habituellement sous l’étiquette de l’Église, la hiérarchie, les grands pouvoirs, les grandes idées, les grandes institutions, tout cela est très respectable et très important, l’Église essaie de défendre cela bec et ongles, et ce n’est pas très facile. Mais nous, à notre place, là où nous sommes, nous avons à laisser percer en nous ce mystère de vie.

Je voudrais ajouter une dernière petite réflexion. Nous avons parlé de bébés et de la naissance. Mais je voudrais parler aussi des membres de nos familles qui sont malades, peut-être de maladies graves, c’est la même chose. Nos frères qui sont sur leur lit de souffrance, qui s’interrogent sur leur avenir proche, qui se demandent comment cela va finir, ce qu’ils attendent de nous à ce moment-là, non pas de façon tapageuse, bruyante, avec des espèces de convictions un peu à la matraque, c’est simplement d’être auprès d’eux comme ceux qui leur disent en les accompagnant : « Pour toi aussi, Christ est ressuscité ».

Frères et sœurs, laissons-nous saisir par cette joie, laissons-la éclater en nous, laissons-la éclater dans nos familles, dans nos enfants, dans tous ceux et celles qui ont été touchés par ce mystère extraordinaire de la présence du Christ. Oui, Christ est ressuscité. Alleluia. Il est vraiment ressuscité. Alleluia.JESUS-CHRIST_EST_JOIE




La veillée Pascale par P. Claude Tassin (26 Mars 2016)

(Les trois premières lectures de l’Ancien Testament s’imposent normalement).

 

Genèse 1, 1 – 2, 2 (« Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon « )

Au seuil du carême, nous avons médité  sur les origines de l’homme. La veillée pascale propose le grand récit de la création, un joyau de la littérature mondiale. Le texte, dépourvu de toute prétention scientifique, a été composé par des prêtres juifs exilés à Babylone. Les Babyloniens adoraient le soleil et la lune. Ces astres sont ici ravalés au rang de luminaires, et la lumière naît, à l’origine et avant les astres, d’un simple mot de Dieu : « Que la lumière soit ». Sa Parole crée, en nommant les choses et en les séparant. Séparer, c’est distinguer ; distinguer, c’est comprendre. Ainsi, Dieu donne à l’homme un monde bien fait dont on peut comprendre l’ordre, *la beauté, pour s’en servir à bon escient. Les religions anciennes voient, dans les créatures de la nature, des images des dieux auxquelles l’homme se soumet avec crainte. Pour la foi d’Israël et la nôtre, au contraire, c’est l’homme qui est l’image de Dieu, chargé de gouverner la création avec sagesse.

  Mais celui qui a dit : « Que la lumière soit » a relevé le Christ d’entre les morts. C’est « le premier jour » d’une semaine nouvelle inaugurant un monde nouveau qui va vers le Sabbat de Dieu, la fête sans fin. Par le baptême, le Souffle de Dieu, l’Esprit Saint, nous recrée plus merveilleusement à l’image du Christ ressuscité, premier homme de la nouvelle création.

* La beauté. « Les cieux, l’air, la terre, les mers, sont revêtus de splendeur, et le cosmos tout entier doit son nom à sa magnifique harmonie. Nous apprécions cette beauté des choses d’instinct, naturellement, mais la parole qui l’exprime est toujours inférieure à ce que notre intelligence a saisi. À plus forte raison le Seigneur de la beauté est-il au-dessus de toute beauté ; et si notre intelligence ne peut concevoir sa splendeur éternelle, elle garde pourtant l’idée de splendeur… » (Saint Hilaire de Poitiers [4e siècle]).

  1. NB. Avant l’apparition des « cosmonautes », le terme grec kosmos, le monde, avait chez les anciens le sens de bel ordre et de beauté (ce sens a perduré dans notre mot « cosmétique »).

Genèse 22, 1-13.15-18 (Sacrifice et délivrance d’Isaac, le fils bien-aimé)

L’ordo liturgique impose cette lecture pour la veillée pascale. Les équipes liturgiques et les pasteurs qui l’omettent manifestent leur absence de culture théologique.

« Dieu mit Abraham à l’épreuve. » Épreuve barbare ! Sacrifier un fils unique ! Le Créateur de la vie se contredirait-il ?

  L’auteur compose ce récit bien des siècles après la mort d’Abraham. Il sait que son humour tragique interpellera ses lecteurs. Il sait que Dieu interdit tout sacrifice humain. Il suppose même qu’Abraham le sait. D’ailleurs, dans ce récit, Dieu empêche Abraham d’aller au bout de son obéissance. Alors, que veut dire notre conteur ?

1) La naissance d’Isaac était le moyen par lequel Abraham put se survivre dans l’histoire. Or, cette naissance miraculeuse était le don de Dieu. Si Abraham refusait de sacrifier l’enfant, il se constituait en propriétaire (il est à moi !) et oubliait que c’est Dieu qui donne tout. En même temps, il ne pouvait pas penser que Dieu annulait ce qu’il avait juré. Il ne lui restait qu’à « craindre Dieu », à s’en remettre à lui dans cette situation insensée.

2) Selon une lecture théologique correcte, nous devons tout à Dieu ; nous vivons par lui. C’est cela qu’exprimait le sacrifice juif de l’holocauste. Dieu nous demande de nous offrir nous-mêmes, non pas en nous tuant, mais en cherchant à chaque instant quelle est sa volonté (voir Romains 12, 1-2).

La tradition juive ancienne fait dIsaac un jeune adulte de trente-sept ans s’offrant lui-même librement à Dieu, en communion avec Abraham. Les auteurs du Nouveau Testament le savaient. Ils ont vu ainsi un parallèle entre le sacrifice d’Isaac et celui de Jésus, le « Fils bien-aimé » que le Père a tiré de la mort, lui « qui n’a pas épargné son propre Fils » (Romains 8, 32). L’expression fait écho à la déclaration divine adressée à Abraham : « Tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Genèse 22, 16 ; cf les versets 2 et 12). Les traditions légendaires juives anciennes faisaient d’Abraham le premier *croyant en la résurrection.

* Abraham, croyant en la résurrection. La légende juive humoristique, relayée par saint Éphrem, raisonnait en ces termes : Abraham, juste et saint, ne pouvait désobéir à Dieu. Il allait donc immoler son fils. Mais il ne pouvait pas non plus mentir. Si donc il dit à ses serviteurs, au pluriel : « Restez ici avec l’âne (…) puis nous reviendrons vers vous », c’est dans la conviction, à travers ce « nous », que Dieu ressusciterait son garçon. D’où cette formule, dans les Dix-Huit Bénédictions synagogales : « Béni es-tu, Bouclier d’Abraham ! Tu es puissant éternellement, Seigneur. Tu fais vivre les morts, débordant de salut. »

Exode 14, 15 – 15, 1a (« Les fils d’Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer »)

Pharaon s’est repenti d’avoir renvoyé les Israélites, et les voici coincés entre la mer Rouge et l’armée égyptienne. Certains reprochent à Moïse de ne pas les avoir laissés à leur esclavage, préférable à la mort qui les attend (cf. Exode 14, 11-12). Difficile apprentissage de la liberté ! Alors Dieu intervient.

  Ce récit biblique est une sorte d’acte de naissance de la communauté des sauvés ne s’est pas écrit en un jour : les auteurs sacrés l’a remanié d’âge en âge, tant l’événement semblait important, et les traditions ne s’y harmonisent pas toujours. Pour l’une, Dieu fait souffler un vent qui assèche la mer ; pour une autre, Dieu fend la mer en deux murailles, et cette dernière tradition domine l’état actuel du récit. Par là, Dieu agit en Créateur : il sépare la mer, symbole du Mal et du néant, comme il avait séparé les eaux d’en haut et les eaux d’en bas (cf. Genèse 1, 7), et dans cette fente créatrice, le peuple s’engouffre vers la vie. Quand Dieu nous sauve, c’est en nous recréant et en nous délivrant des forces de mort ; c’est pourquoi ce passage de la Mer est pour nous le symbole du baptême. Mais rappelons aussi la portée finale de l’Exode dans la foi juive, foi exprimée dans *la quatrième nuit du Poème des Quatre Nuits.

  Le Cantique qui suit la lecture est d’époque postérieure : il prolonge l’événement jusqu’à l’entrée en Terre promise, à l’ombre du Temple.

* « La quatrième nuit, quand le monde arrivera à sa fin pour être dissous : les jougs de fer seront brisés et les générations perverses seront anéanties. Et Moïse montera du milieu du déert et le Roi Messie viendra d’en-haut. L’un marchera à la tête du troupeau et sa Parole marchera entre les deux, et Moi et eux marcherons ensemble. »

Isaïe 54, 5-14 (L’amour de Dieu pour Jérusalem son épouse)

Dans ce chant d’amour de Dieu, l’épouse est Jérusalem, c’est-à-dire, à la fois, les habitants de la ville exilés à Babylone, et la cité elle-même, vidée par cette déportation.

  « Ton époux, c’est Celui qui t’a faite… » Le Créateur peut agir partout, jusqu’en Babylonie. Il est aussi « rédempteur ». Ainsi appelait-on celui qui avait la charge de venger l’honneur familial bafoué. Ce Dieu-là prend fait et cause pour l’épouse momentanément répudiée (le prophète caractérise l’exil comme une répudiation) et il ouvre l’ère d’une pleine réconciliation.

  Quand l’homme s’égare, il pense facilement que c’est Dieu qui s’écarte et lui cache sa face – qu’il est en « colère », selon nos mots humains. Mais, selon le Psaume 29 [30], 6, « sa colère ne dure qu’un instant, sa bonté, toute la vie. » C’est un amour éternel, inébranlable, une grande tendresse.

  Le poète se tourne vers la ville elle-même, « Jérusalem, malheureuse ». Elle va devenir une cité rutilante de pierres précieuses. Elle vivra dans une paix totale, ses enfants se laissant instruire par Dieu en personne, selon la prophétie de l’Alliance nouvelle* (Jérémie 31, 31-34). Dans cette épouse et cette cité renouvelée, l’Apocalypse verra l’Église, l’épouse de cet Agneau dont le sang versé a permis le mystère de paix et de réconciliation (cf. Apocalypse 21).

* L’Alliance nouvelle. Paul prolongera cette prophétie de Jérémie. Il dira aux nouveaux baptisés de Thessalonique : « Vous avez appris vous-mêmes de Dieu [littéralement : vous êtes des “théo-didactes”] vous aimer les uns les autres » (1 Thessaloniciens 4, 9).

Isaïe 55, 1-11 (Le mystère de l’eau et de la parole)

Voici l’épilogue du Livre de la Consolation (Isaïe 40 – 55). Le prophète a longuement annoncé la libération des Juifs déportés à Babylone. Il suffit maintenant d’y croire.

  1. « Vous tous qui avez soif… » C’est le cri du porteur d’eau. Sans argent, les assoiffés se fatiguent pour ne rien gagner. Tels sont les Exilés (cf. Isaïe 41, 17). Qu’ils aient simplement soif de Dieu, de sa parole, source de vie, et le bonheur viendra : vin, lait et viandes savoureuses. Qu’ils aient soif de sa Sagesse (comparer Proverbes 9, 1-5) qui s’exprime dans l’histoire des hommes.

  2. Dieu promet « une alliance éternelle ». Le peuple entier rayonnera de la grandeur qu’avait le roi David. il convoquera les nations à son gré car Jérusalem deviendra le centre de l’univers, résidence du « Saint d’Israël ».

  3. Ce Dieu si grand est proche, il se laisse trouver. Ceux qui, dans leur exil, s’étaient laissé aller à l’infidélité, par découragement, doivent se convertir. Nulle rancune possible en Dieu, tant ses pensées sont nobles et élevées.

  4. C’est par sa Parole que le Créateur agit, lorsqu’il fait pleuvoir et neiger pour donner à l’homme sa subsistance. C’est la même Parole qui annonce la délivrance : elle dit ce que Dieu veut, elle fera ce que Dieu dit.

  Exode et Exil sont les symboles de l’événement pascal. Par l’eau et l’eau vive du baptême, nous sommes recréés, selon les promesses annoncées par les prophètes.

Baruc 3, 9-15.32 – 4, 4 (Marche vers la splendeur du Seigneur)

Baruc, secrétaire du prophète Jérémie, est censé s’adresser aux Juifs déportés à Babylone. En réalité, sous ce pseudonyme, un sage juif du 2e siècle avant notre ère, s’adresse à ses frères dispersés dans les royaumes d’Orient, et qui s’interrogent : Pourquoi Dieu nous laisse-t-il vivre dans un environnement païen qui nous opprime et nous pervertit ? Comment survivre de manière intelligente dans ce milieu ?

  Une longue méditation répond à ces problèmes. Si vous en êtes arrivés là, dit-elle, c’est que vous avez oublié Dieu, « la Source de la Sagesse » ; vous la cherchez là où elle n’est pas. La véritable sagesse s’exprime dans la création d’un monde bien fait, bien rythmé par le mécanisme de la nature dont vous ne percez pas le mystère, mais qui vous révèle une pensée supérieure.

  La Sagesse, art de Dieu pour faire vivre, est aussi un art de vivre, puisque, depuis la manifestation du Seigneur au Sinaï (Exode 19 – 24), « la Sagesse est apparue sur la terre », elle se condense dans « le livre des commandements de Dieu ». Suivre ceux-ci, voilà la seule manière intelligente de vivre, le privilège des croyants.

  Pour nous, « la Sagesse apparue sur la terre » est le Christ qui nous invite à suivre ses commandements. Par le baptême, il nous tire « du séjour des morts », de tout ce qui, en ce monde, menace notre foi.

Ézékiel 36, 16-17a.18-28 (« Je répandrai sur vous une eau pure et je vous donnerai un cœur nouveau « )

Le prophète révèle trois choses aux « gens d’Israël » : pourquoi ils sont déportés à Babylone, pourquoi Dieu les ramènera sur leur terre, et comment il opérera.

  1. Le pays donné par Dieu, Israël, le Peuple l’a souillé par ses injustices (le sang versé) et sa perversion religieuse (ils installaient chez eux des cultes d’idoles). En conséquence, Dieu a nettoyé la Terre sainte en la débarrassant des pécheurs, en les dispersant dans les nations païennes.

  2. Mais Dieu ne peut pas laisser durer la situation. La présence des Israélites chez les païens signifie la victoire de ces derniers et la défaite de Dieu. C’est l’honneur de Dieu qui est en jeu, sa sainteté : « Je montrerai *la sainteté de mon grand nom, qui a été profané dans les nations. » En rassemblant de nouveau son Peuple sur sa terre, Dieu montrera qu’il est bien le plus grand.

  3. Mais Dieu doit aussi rendre son peuple digne de lui. Pour cela, il va le purifier, avec une eau pure, mais de l’intérieur. Il va mettre en l’homme « un cœur nouveau », une nouvelle intelligence, « un esprit nouveau », un nouveau souffle, et ce souffle sera l’Esprit de Dieu lui-même. Alors, l’homme sera comme un complice aimant du vouloir de Dieu, de ses commandements. Tel est le mystère de notre baptême qui, du péché, nous conduit vers la Terre promise de la Pâque de Jésus, pour l’honneur de Dieu.

* La sainteté de mon grand nom. Littéralement : « Je sanctifierai mon grand nom ». C’est ce que redit le Notre Père : « Que ton Nom soit sanctifié ». C’est-à-dire, fais-toi reconnaître, manifeste-toi comme le Dieu Saint qui accomplit ce qu’il dit. Dans la prière des baptisés, c’est avant tout l’honneur du Père qui nous tient à cœur.

 

 

Romains 6, 3b-11 (Le baptême nous donne la vie nouvelle du Christ mort et ressuscité)

En Romains 5, Paul disait que le Christ nous a introduits dans l’amour gratuit de Dieu. Alors comment nous situer vis-à-vis du péché ? Pour répondre à cette question, on partira de la fin du texte : « Pensez que vous êtes morts au péché. »

  C’est l’occasion pour l’Apôtre se redéfinir le baptême : l’eau ne donne pas le pardon ; elle y conduit, en nous plongeant dans la mort du Christ. De quelque manière, « notre mort ressemble à la sienne » : il est mort à cause du péché des hommes qui l’ont condamné. Nous, nous avons à faire mourir en nous « l’homme ancien », « notre être de péché ». De fait, dans le *baptême qui nous unit à la mort du Christ, nous tuons cet être ancien dominé par la puissance du mal.

  Ainsi « affranchis », rendus libres, nous nous tournons vers l’avenir : nous ressusciterons, nous vivrons avec lui. « Le Christ ne meurt plus » et il ne veut pas non plus que meure notre être nouveau, né au baptême et orienté vers Dieu. Pour Paul, le baptême est un point de départ, une libération pour que nous accédions à l’essentiel : nous laisser guider par l’Esprit Saint qui met dans nos cœurs l’amour de Dieu (cf. Romains 8) et qui nous libère de ces tendances égoïstes que Paul appelle « la chair ».

* Baptême et tombeau. « Vous avez été conduits par la main [par les parrains ?] à la piscine du baptême, comme le Christ est allé de la croix au tombeau qui est là devant vous [= au lieu du Saint Sépulcre].(..) Nous n’avons pas été véritablement morts ni véritablement ensevelis (…) Le Christ a été réellement crucifié, réellement enseveli, et il a ressuscité véritablement. Et tout ceci nous est accordé par grâce. Unis par la représentation de ses souffrances, c’est en toute vérité que nous gagnons le salut » (Catéchèse de Jérusalem aux nouveaux baptisés, vers l’an 350).

Psaume 117 ( » La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle « )

Ce psaume est un Te Deum, selon le titre proposé par la Bible de Jérusalem. La mise en scène est la suivante : le roi vient de remporter une difficile victoire (« on m’a poussé, bousculé pour m’abattre, mais le Seigneur m’a défendu », verset 13). Le voici à présent aux portes du Temple où il vient pour rendre grâce. Dans son ensemble, Le psaume a une forme dialoguée entre le discours du vainqueur, la réaction des assistants et les monitions des prêtres. Ainsi, au début, le souverain invite le peuple à s’unir à son triomphe qu’il doit à Dieu : « Que le dise Israël ; Éternel est son amour ! »

  Les versets retenus ici n’ont pas de rapport direct avec l’épître qui précède. Simplement, c’est un programme de louange du temps pascal, le partage de notre joie avec le Ressuscité qui, selon la lecture chrétienne, s’exprime en ces termes : « Non, je ne mourrai pas, je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur. » Oui ! Le Seigneur Dieu a ressuscité son Fils, notre roi. « La pierre », Jésus, que les autorités juives et romaines (les bâtisseurs) avaient mis au remblai, est devenue « la pierre d’angle », la clé de voûte de la foi chrétienne.

  Ce poème est champion ! Il n’est cité pas moins de seize fois dans le Nouveau Testament, toujours en lien explicite ou implicite avec la résurrection du Seigneur. Dans la liturgie des heures, ce psaume, soit à laudes, soit au milieu du jour, revient chaque dimanche, le jour qui célèbre la résurrection du Seigneur : « Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie » (verset 24).

Luc 24, 1-12 (« Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? « )

La Résurrection, mystère de foi

Certains voient dans la découverte du tombeau vide une scène de « preuve » : l’absence du corps prouverait la résurrection de Jésus. Après tout, cependant, d’autres explications de cette disparition sont possibles, comme celle de l’enlèvement du corps (cf. Matthieu 28, 11-15). En fait, le sommet de la scène se trouve dans le message des anges. Portant un « vêtement éblouissant », ils sont forcément des anges ! voir Luc 24, 23. Ce message s’adresse à nous et proclame ceci : seul le Ciel peut nous révéler comme un mystère la résurrection du Christ et son sens, et c’est à notre foi seulement, non à des preuves matérielles, que s’adresse cette révélation de Dieu.

Une révélation

Alors que les disciples masculins ont disparu de la scène, les femmes viennent honorer un défunt aimé. Elles l’ont suivi et servi en Galilée (cf. Luc 8, 3), elles étaient présentes au Calvaire et elles ont suveillé l’ensevelissement. C’est par elles que les disciples vont retrouver le chemin de la foi (Luc 24, 12.22-24). Entrées dans le tombeau, elles ne trouvent pas le corps « du Seigneur Jésus ». Ici la foi desaint Luc anticipe sur le cours du récit : qu’elles cherchent le corps de Jésus, soit ! Mais celui du Seigneur, non !

  La première parole des anges joint une révélation à un reproche : Il est le Vivant et ne peut se trouver chez les morts. Elles devraient le comprendre : « Rappelez-vous… » La suite du message reprend ce que diront les premières Églises confessant le Christ ressuscité ; réciproquement, cette mise en scène affirme que la foi pascale des Églises vient d’une révélation divine.

La foi pascale est mémoire

Selon la perspective de Luc, ces femmes auraient dû, au contact de Jésus et de son Évangile, se préparer à une telle révélation. Mais, en fin de compte, les anges réussissent leur mission : « Alors, elles se rappelèrent ses paroles. » Toujours dans l’optique de Luc, et à la différence de Marc et Matthieu, on ne trouve pas ici l’annonce d’apparitions du Christ en Galilée : c’est à Jérusalem qu’a commencé la Bonne Nouvelle du salut, avec l’annonce à Zacharie ; de même, c’est à Jérusalem, la ville du salut, que doit naître l’Église pascale et missionnaire.

Épilogue

D’abord les femmes rapportent leur expérience : on ne les croit pas. Il faudra que le Seigneur lui-même, dans cette journée pascale, réveille la foi de ses disciples. Pierre cependant veut bien constater, sans conclure, les signes rapportés. Sa découverte du linceul est mieux exploité par Jean 20, 6-7 qui semble dire symboliquement que le Seigneur n’a plus besoin de cette parure mortuaire.

  Au seuil du temps pascal, les anges nous renvoient à notre mémoire croyante, à la nécessité de retrouver sans cesse dans les paroles et les gestes de Jésus les bases de notre foi en sa résurrection.

 




La Résurrection du Seigneur par le Diacre Jacques FOURNIER

« Il est ressuscité ! » (Lc 24,1-12)

Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés.
Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau.
Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus.
Alors qu’elles étaient désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant.
Saisies de crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée :
“Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.” »
Alors elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites.
Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres.
C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres.
Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas.
Alors Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il vit les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé.

           

la résurrection1Le corps de Jésus avait été déposé dans un tombeau neuf, en toute hâte, avant le début du sabbat. Dès qu’il se termine, aux premières lueurs de l’aube, les femmes viennent avec les aromates, pour accomplir à son égard un dernier geste d’amour.

            Mais surprise : « la pierre » est « roulée sur le côté du tombeau » et le corps de Jésus n’est plus là… Deuxième surprise : elles pensaient être seules et voici que « deux hommes se présentent à elles », mais leur « vêtement éblouissant » rappelle « la blancheur fulgurante » (Lc 9,29) de celui de Jésus transfiguré… Ces êtres habillés de Lumière sont des messagers de ce Dieu qui est Lumière (1Jn 1,5). « Je suis la Lumière du monde », disait Jésus. Et au tout début de son Evangile, St Jean l’avait présenté en écrivant : « En lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes, et la Lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 8,12 ; 1,4-5).

            C’est exactement ce qu’il vient de se passer… Le Père vient « d’établir » Jésus « Fils de Dieu avec puissance, selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection d’entre les morts » (Rm 1,4). « Le Dieu de nos pères a ressuscité ce Jésus que vous, vous aviez fait mourir en le suspendant au gibet » (Ac 5,31), diront les Apôtres. Et il l’a fait en déployant en son Fils la Puissance de « l’Esprit de sainteté », « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), cet « Esprit » qui est tout à la fois « Lumière » et « Vie »… L’affirmation de Jésus sur son Mystère de Fils s’est pleinement vérifié jusqu’en son corps déposé au tombeau : « Comme le Père a la Vie en Lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la Vie en Lui-même ». « Je vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57). Et tout ceci se réalise par « l’Esprit qui vivifie ». Alors, diront les Anges aux femmes, « pourquoi cherchez vous le Vivant parmi les morts ? »

Initiative de Dieu, surprise de Dieu, Don gratuit de Dieu mis en œuvre au cœur des conséquences les plus dramatiques de ce mal qui nous habite tous… Voilà ce que Dieu veut aussi réaliser dans la vie de chacun d’entre nous : une surprise de Vie, de Gratuité, de Plénitude, toujours prête à jaillir au cœur de nos êtres blessés. « Moi, Lumière, je suis venu dans la monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres, mais ait la Lumière de la Vie » (Jn 12,46 ; 8,12). Accepterons-nous de nous laisser ainsi aimer, pour la plus grande joie de Dieu ?                         DJF

           




Messe Chrismale par P. Claude Tassin (Mercredi 23 Mars)

Isaïe 61, 1-3a.6a.8b-9 (La mission du Messie pour le salut des hommes)

L’auteur de la troisième partie du Livre d’Isaïe présente sa mission, puis il s’adresse à ceux qu’il vient secourir.

La mission du prophète prêtre

Le Deuxième Isaïe (42, 1.7) évoquait le Serviteur dont Dieu dit : « J’ai fait reposer sur lui mon Esprit (… Tu feras sortir les captifs de leur prison. » Dans le recueil du Troisième Isaie (56 – 66) le nouveau prophète, qui est sans doute aussi un prêtre, prend la relève, mais la situation a changé : la Bonne Nouvelle concerne « les humbles » au sens social, c’est-à-dire les pauvres. Car le pays est dans la misère, les cœurs sont brisés, les endettés jetés en prison. Le héraut proclame donc « une année de bienfaits », c’est-à-dire une *année jubilaire, dont le grand prêtre fixait la date et qu’il faisait ouvrir au son de la trompe rituelle, le shophar, en la fête du Kippour, jour des Expiations

Consacré lui aussi par l’Esprit des prophètes et des prêtres, Jésus s’appliquera ce poème, par son homélie, dans la synagogue de Nazareth (cf. évangile).

L’huile de joie

Ceux qui pleuraient vont alors connaître un revirement spectaculaire symbolisé par le diadème, les habits de fête et « l’huile de joie » l’huile d’olive parfumée qui s’imposait dans tous les repas de fête. Surtout, ils retrouveront leur dignité. Dieu les appellera « prêtres du Seigneur », selon la promesse faite lors de l’alliance du Sinaï : « Vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte » (Exode 19, 6).

En cette messe chrismale, nous nous rappelons que nous avons reçu cette consécration, cette onction, par notre baptême.

* L’année jubilaire, tous les cinquante ans, exigeait juridiquement le retour de chacun dans son patrimoine, l’extinction des dettes et la libération des esclaves (cf. Lévitique 25, 8-17). C’est l’année de « l’affranchissement » qui commençait avec la fête de Kippur ou « des Expiations » dans laquelle le grand prêtre oint obtenait pour le peuple le pardon de Dieu.

 

Psaume 88 (« Je l’ai sacré avec mon huile sainte »)

Le long psaume 88 chante la fidélité de Dieu envers la dynastie de David, malgré les aléas de l’histoire. Trois leaders, trois messies possibles, au long de l’Ancien Testament, étaient consacrés à Dieu par une onction : le roi, le prêtre et le prophète. Ce dernier n’était sans doute pas oint matériellement, mais il l’était « spirituellement », puisqu’il était l’homme de l’Esprit, l’onction conférant l’Esprit à ceux qui la recevaient.

À tout baptisé, l’onction qui achève le rituel du sacrement, confère la triple dignité de prêtre de prophète et de roi, une dignité offerte à tous les croyants, bien supérieure à la légion d’honneur. Et on ne le sait plus ! On notera surtout la formule de la dernière strophe du psaume retenue par notre liturgie : Il me dira : Tu es mon Père. C’est la première moitié d’un contrat d’alliance, supposant la réponse divine : Tu es mon Fils (comparer Psaume 2, 7). Car, au jour où le roi d’Israël était sacré, il devenait le fils adoptif de son Dieu. C’est ce qui nous arrive dans le sacrement du baptême. Et on ne s’en souvient plus.

 

Apocalypse 1, 5-8 («Il a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père»)

Dans la petite liturgie qui ouvre le livre de l’Apocalypse, on peut distinguer trois parties où reviennent tour à tour le lecteur et l’assemblée. C’est une préface à la grandiose vision du Fils de l’homme (1, 9-20).

La bénédiction initiale est donnée « de la part de » Jésus. Il est « le témoin fidèle », la preuve vivante, par sa résurrection, de la véracité de la promesse faite à David, à savoir que son descendant deviendrait « le prince des rois de la terre » (Psaume 89, 28).

L’acclamation de l’assemblée qui suit, conclue par un « amen », salue le Christ comme « lui qui nous aime » et nous l’a montré « par son sang ». Voici évoqués ainsi le sang de l’agneau pascal qui sauva les Hébreux (Exode 12, 23) et l’alliance du Sinaï où Dieu fit d’Israël un « royaume de prêtres » (Exode 19, 6 ; cf Apocalypse 5, 10 ; 20, 6).

Mais, reprend le lecteur, Jésus est aussi, à la fois, le Ressuscité et le Crucifié, le Fils de l’homme glorieux (Daniel 7, 13) qui vient « avec les nuées », et le pasteur transpercé par les siens (Zacharie 12, 10-14 ; cf. Jn 19, 37). Les païens le verront et se convertiront (« se lamenteront »). La conclusion est plus solennelle encore : « Oui ! *Amen ! »

Tout cela, dit l’oracle final à la première personne, est l’œuvre de Dieu, Alpha et Oméga (première et dernière lettre de l’alphabet grec), principe et aboutissement de toute chose. Il domine toute l’histoire, comme « celui qui est, qui était et qui vient ». Par cette expression, le judaïsme du 1er siècle développait la révélation d’Exode 3, 14 : « Je suis qui je suis. »

C’est dans ce grand projet du « souverain » de l’univers (en grec, Pantokrator, maître de tout, qui était aussi un titre de l’Empereur romain) que nous sommes « les prêtres pour Dieu », chargés par notre baptême d’assurer la vraie louange en ce monde, chargés par le sacrement de l’ordre d’annoncer aux hommes et aux femmes « le premier-né d’entre les morts ».

* Amen. Ce mot hébreu, passé dans toutes les liturgies chrétiennes, signifie : c’est vrai, c’est du solide, c’est ce que l’on doit souhaiter voir se produire (« ainsi soit-t-il »). C’est le nom même de Dieu, le « Dieu de l’Amen » (Isaïe 65, 16). C’est le nom du Christ : « Ainsi parle l’Amen, le Témoin fidèle et vrai… » (Apocalypse 3, 14). Notre « amen » liturgique nous consacre dans ce mystère de la solidité divine.

Luc 4, 16-21 (‘L’Esprit du Seigneur est sur moi ;  il m’a consacré par l’onction)

C’est après son baptême que Jésus se rend à Nazareth pour sa première prise de parole en public. Au centre de cette scène se trouve une citation du livre d’Isaïe qui éclaire aussi notre vocation chrétienne.

Jésus vint à Nazareth

Jésus enseigne en milieu ouvert, dans les synagogues (cf. Luc 4, 15), lieu habituel de rassemblement des communautés juives locales. Mais il vient cette fois dans sa propre patrie, c’est effectivement, selon Luc, sa première prise de parole en public, et ce discours éclaire non seulement tout l’évangile, mais encore les Actes des Apôtres écrits par le même évangéliste. C’est dans une scène synagogale analogue que Paul, citant aussi le livre d’Isaïe (49, 6) orientera sa mission vers les païens (Actes 13, 44-47).

La prophétie d’Isaïe

Le service du sabbat s’ouvrait par des prières, puis on lisait un chapitre de la Loi de Moïse, suivi d’un bref passage tiré des prophètes et de l’homélie. On confiait volontiers celle-ci à un visiteur important, tel Jésus (ou plus tard Paul, cf. Ac 13, 15). Ici, délaissant l’ensemble des rites, Luc se concentre sur le passage d’Isaïe choisi par Jésus (cf. 1ère lecture).

« L’Esprit du Seigneur est sur moi », dit le texte. Luc a insisté sur le lien entre Jésus et l’Esprit (Luc 3, 22 ; 4, 1.14). Le lecteur devine donc d’emblée que cette prophétie concerne Jésus. Ou, en d’autres termes, la prophétie éclaire le sens du baptême de Jésus, une scène de vocation. L’Esprit que Jésus a reçu l’a « oint », consacré pour une mission de prophète auprès des pauvres, des infirmes, des opprimés. C’est à eux d’abord qu’est destinée la Bonne Nouvelle, l’Évangile. Luc élimine du texte d’Isaïe la mention du « jour de revanche de notre Dieu ». Il ajoute au contraire : « apporter aux opprimés la libération ». Cette phrase d’Isaïe 58, 6 était lue à la synagogue à la fête du Grand Pardon (Kippur), celle qui ouvrait les années jubilaires (cf. 1ère lecture). C’est le grand prêtre qui ouvrait officiellement l’année sainte, et peut-être l’évangéliste veut-il suggérer que Jésus remplit cette fonction sacerdotale (cf. 1ère et 2e lecture).

Tout cela qui dessine la mission de Jésus, Pierre le résumera ainsi : « Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de force… Il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable » (Actes 10, 38). D’ailleurs, dans l’Ascension selon Luc 24, 50-52, le Ressuscité prend la posture du grand prêtre bénissant son peuple au jour du Kippur (cf Siracide 50, 20-21).

«Aujourd’hui»

Jésus ne dit pas : C’est de moi que parle le prophète, mais plus discrètement : «Cette parole de l’Écriture, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit.» Jésus appelle ses auditeurs à une démarche de foi : il leur revient d’écouter Jésus, de voir ses actes, et de découvrir eux-mêmes, au long des pages de l’évangile de Luc, que la prophétie s’accomplit en lui. La suite de l’épisode dira que cet accomplissement d’une vocation universelle engendre une crise grave entre Jésus et Israël.

Par notre baptême, nous participons à cette mission du Christ, à sa dignité. C’est ce que signifie *l’onction du saint chrême, comme le rappelle la bénédiction de la messe chrismale : «Tes enfants, après être renés dans l’eau du baptême, sont fortifiés par l’onction de l’Esprit, et, rendus semblables au Christ, ils participent à sa fonction prophétique, sacerdotale et royale.»

*L’onction. Les mots Christ, chrême, chrismal viennent de la même racine grecque qui signifie « oindre ». Le Messie est « l’Oint » (mot inélégant en français), et nous le sommes aussi par « l’onction » baptismale. Dans l’Ancien Testament, trois personnages sont bénéficiaires d’une onction : le Roi, le Prêtre, et le Prophète. Peut-être ce dernier ne recevait-il pas une onction matérielle (malgré 1 Rois 19, 16). Mais, puisque l’onction confère l’Esprit de Dieu et que le prophète est l’homme de l’Esprit, il est réellement un Oint. Quand le Nouveau Testament présente Jésus comme Oint (Messie), il insiste tantôt sur sa royauté, tantôt sur sa mission prophétique et, plus rarement, sur sa fonction sacerdotale (Lettre aux Hébreux).