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L’Ascension par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du jeudi 14 Mai 2015

 

Actes 1, 1-11 (« Tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva»)

Cette ouverture du Livre des Actes, lue chaque année à cette fête, assemble avec vivacité trois épisodes brefs : un prologue, un ultime dialogue, et l’enlèvement de Jésus.

1. Le prologue s’adresse à Théophile, destinataire du «premier livre», c’est-à-dire de l’évangile de Luc. Pour cet auteur, la mission du Christ a pour «commencement» son baptême par Jean. Dans l’évangile, Luc place l’Ascension au soir de Pâques. Au début des Actes, il la situe au bout de quarante jours d’apparitions qui préparent les disciples à leur mission en rappelant l’essentiel du message de Jésus : «le royaume de Dieu». Ce sont deux manières de présenter, dans le temps, un mystère qui échappe au temps. En d’autres termes, au-delà de ces incohérences chronologiques, la résurrection du Seigneur et son Ascension (Luc seul parle d’une ascension !) sont deux manières sublimes de raconter le même mystère pascal.

2. L’ultime dialogue s’articule ainsi : les Apôtres vont être baptisés dans l’Esprit Saint, comme Jésus le fut, au seuil de sa mission. Lecteurs des prophètes, ces témoins pensent que la fin des temps arrive, puisque l’Esprit revient, et que Jésus va restaurer le royaume pour Israël. Qu’ils se détrompent ! La fin des temps et de l’histoire relève de la seule décision du Père. Elle ne se calcule pas. Auparavant, l’Esprit fera d’eux des prophètes, témoins de Jésus, «jusqu’aux extrémités de la terre».

3. La scène de l’ascension est sobre : «* eux regardant il s’éleva», comme Élisée avait vu partir Élie et avait hérité de son Esprit (1 Rois 2). L’accent porte sur l’intervention des deux êtres «en vêtements blancs», des anges. Par eux, le Ciel confirme notre espérance (le Christ viendra), mais nous interdit toute attente béate et stérile.

* « Eux regardant…, à leurs yeux…, ils fixaient le ciel…, pourquoi… regarder vers le ciel…, de la même manière que vous l’avez vu. » Cinq mentions de «vision» pour treize lignes du lectionnaire. La clé de cette insistance se trouve dans la scène de l’ascension d’Élie en 2 Rois 2, 1-14, où se trouve la même insistance : Élisée recevra la plénitude de l’Esprit prophétique d’Élie s’il voit l’enlèvement céleste de son maître. Et il le voit ! Or, pour saint Luc, Jésus est le nouvel Élie. Comme Élisée hérita de l’Esprit prophétique d’Élie, de même les Apôtres hériteront, à la Pentecôte, de l’Esprit de Jésus.

 

Éphésiens 4, 1-13 (« Parvenir à la stature du Christ dans sa plénitude »)

La 1ère partie de la lettre (Éphésiens 1–3) exposait le «mystère» de Dieu, c’est-à-dire son plan de salut : par son Ascension, le Christ a reçu une stature cosmique et il réconcilie le monde avec le Père. Ce projet commence à se réaliser dans l’Église qui unit en son sein, au temps de l’Apôtre, des gens aussi opposés que des Juifs et des païens et, en notre temps, bien d’autres groupes encore.

Il reste à l’Église à devenir ce lieu de réconciliation qu’elle est déjà selon «la vocation à une seul espérance». Pour cela, qu’elle travaille d’abord à sa propre unité. Qu’elle donne au monde un témoignage de paix, dans l’unité d’un même Esprit, vibrant dans une même espérance, sous le regard du Père de tous. Et comment le peut-elle ?

Grâce à l’ascension du Christ. Ici, l’auteur reprend une lecture juive du Psaume 67 (68), 11 : Moïse «est monté sur la hauteur» (le Sinaï) ; il a entraîné à sa suite «des captifs», une désignation biblique du peuple en exode ; «il a fait des dons aux hommes» (les commandements). Mais l’Ascension de Jésus est supérieure à celle de Moïse. Ayant tout pouvoir sur l’univers, le Christ donne aux chrétiens leurs ministres (apôtres, prophètes, missionnaires [ou «évangélisateurs ). Ceux-ci aident l’Église, si elle est fidèle à sa vocation, à prendre sa place dans le monde et à former «l’Homme parfait», l’humanité adulte qui trouvera son unité dans le corps du Christ.

 

Marc 16, 15-20  (« Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu ») 

Pour savourer la richesse de cette page inspirée par Dieu, reçue comme telle par l’Église, et pour saluer l’humour (involontaire ?) du lectionnaire, il faut dire son statut particulier * d’appendice. Car, à l’origine, l’évangile de Marc s’achevait avec la peur des saintes femmes sortant du tombeau vide (cf. évangile de la veillée de Pâques B). D’ailleurs, de peur de choquer les fidèles, notre pudique lectionnaire propose pour la veillée pascale une lecture brève qui supprime Marc 16, 8 (vérifier !).

Cette nouvelle finale, lue aujourd’hui, vient d’un disciple chrétien anonyme du 2e siècle qui a complété le message de Marc en relisant les autres évangélistes, surtout saint Luc, mais aussi Matthieu et Paul. Trois aspects sont à souligner dans cette «compilation» éclairée.

La mission est une promesse toujours valable

Notre auteur organise soigneusement son discours. Pour lui, la mission chrétienne concerne le monde entier. Elle relève de l’ordre de proclamer la Bonne Nouvelle, en mettant les hommes devant un choix : « Celui qui croira…, celui qui refusera de croire. » Après l’ordre donné, viennent les conséquences de l’adhésion à l’évangile. D’une part, les croyants se trouveront eux-mêmes protégés des dangers mortels (serpents et poisons). D’autre part, ils continueront l’œuvre évangélique du Christ, en chassant l’esprit du mal et en guérissant les malades. L’Ascension du Seigneur, désormais «assis à la droite de Dieu», inaugure la réalisation de cette promesse. À l’époque où écrit cet évangéliste anonyme, les apôtres sont morts depuis longtemps. Pourtant, à ses yeux, la promesse reste valable jusqu’à nous, parce qu’il a vu que ces «signes» continuaient de s’accomplir chez les chrétiens de son temps.

La mission s’enracine dans une mémoire

Chaque expression de l’auteur s’enracine dans les évangiles qu’il a lus et qu’il réinterprète en fonction de l’Église de son temps : « Allez dans le monde entier », dit-il, en adaptant Matthieu 28, 19. Il se rappelle saint Paul insensible à la morsure d’un serpent (Actes 28, 1-6) et emprunte maints autres souvenirs aux Actes des Apôtres. Bref, «les signes» de la puissance de l’Évangile aujourd’hui ne se comprennent qu’en comparant l’histoire de ceux qui nous ont précédés dans l’apostolat.

La mission est une action de grâce

Le ton de cet évangéliste inconnu est empreint d’allégresse. Visiblement, il porte un regard émerveillé sur ce que Matthieu, Luc et Paul ont écrit et vécu au service de la mission qu’ils avaient reçu du Christ. Au fond, il se réjouit de ce que ces héros de la foi ont vécu depuis le moment où le Christ a disparu, assis désormais à la droite de Dieu (comparer Actes 2, 34). Cette disparition est le mystère que nous nommons «Ascension». L’auteur se réjouit d’une identité d’expérience entre, d’une part, ce qu’ont réalisé les apôtres qu’il n’a pas connus et, d’autre part, ce qui se vit dans l’Église pour laquelle il complète le manuscrit d’un Marc dont il juge la finale (Marc 16, 8) peut-être trop pessimiste.

À la suite de Luc (1ère lecture) et de l’auteur des Éphésiens (2e lecture), le Pseudo-Marc nous rappellerait donc que le départ du Christ est une chance extraordinaire pour que l’œuvre de Jésus prenne sa pleine dimension.

* L’appendice de l’évangile de Marc (Marc 16, 15-20). 1) On dit qu’un écrit biblique est «authentique» s’il vient bien de l’auteur que lui attribue la tradition ; par exemple si la 1ère lettre de Pierre est de la main de Pierre – ce qui, d’ailleurs, fait problème. En ce sens, on estime généralement que la finale «longue» de Marc – la page évangélique de cette messe – n’est pas authentique. 2) On dit qu’un écrit est «inspiré» si les Églises le reçoivent comme vraie Parole de Dieu, régissant la foi. 3) Selon la foi catholique, ces deux notions ne se recouvrent pas complètement : un écrit peut être «inauthentique», mais réellement «inspiré» par l’Esprit Saint. Suprême humour de la liturgie, c’est cette page d’évangile… qui n’est pas de Marc, qui est choisie pour la fête de saint Marc, le 25 avril. Pauvre saint Marc !

 

 

 




7ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 17 Mai 2015

 

Actes 1, 15-17.20a.20c-26 (« Il faut que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de la résurrection de Jésus »)

L’assemblée, après l’Ascension, prépare la Pentecôte. Le nombre « cent vingt » suppose une répartition de dix personnes autour de chacun des apôtres. Dans le judaïsme, ce groupe de dix (de sexe masculin) est le nombre minimal requis pour constituer une réunion synagogale (voir déjà Zacharie 8, 23).

La défection de Judas entraîne la nécessité de reconstituer le collège des Douze, selon la symbolique des douze tribus d’Israël (cf. Matthieu 19, 28). Pierre relit la démarche du traître à la lumière du livre des psaumes que l’on attribuait à David. Mais, aux yeux du croyant, ce livre est une prophétie de l’Esprit Saint concernant la destinée du Christ (cf. Luc 24, 44).

Puis, par la bouche de Pierre, Luc livre sa conception de l’apostolat. Sont apôtres ceux qui ont accompagné Jésus durant tout son ministère terrestre en « témoins oculaires » (Luc 1, 2) et qui, par leur prédication, deviennent « témoins de sa résurrection ». Cette définition insiste sur la continuité entre la mission terrestre de Jésus et la mission de l’Église. Elle ne concerne donc que les Douze et quelques autres, dont Matthias. Dans ce cadre et aux yeux de Luc Paul n’est pas un apôtre. Il est celui qui rejoint notre temps, de l’ère apostolique à l’ère post-apostolique. Mais ce dernier, pour légitimer sa fonction, a une conception de l’apostolat plus large (cf. Romains 1, 1-5 ; 1 Corinthiens 9, 1-2). L’Esprit Saint n’ayant pas encore été répandu, l’élection de Matthias procède par tirage au sort. Mais elle s’accompagne d’une prière, pour que le choix des hommes corresponde* à la volonté de Dieu. Il est plaisant de s’arrêter sur le nom du candidat évincé : Barsabbas signifie « fils du sabbat ». En effet, les pharisiens souhaitaient que le sabbat soit un jour de fête et que la nuit du sabbat, on fasse l’amour. Et si, par conjecture, les parents pensaient que le garçon avait été conçu un jour de sabbat, ils l’appelaient volontiers de ce nom. Un autre Basabbas (ou le même ?) est mieux honoré en Actes 15, 22.

* La volonté de Dieu. « Tous ensemble se mettent en prière : « Toi qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous. » C’était le moment de l’invoquer comme celui qui connaît les cœurs, car c’était à lui de faire l’élection, pas à eux. Ils parlaient avec confiance car il fallait absolument en élire un. Ils ne disent pas : Choisis, mais : Montre-nous l’élu, car ils savent que Dieu a tout décidé à l’avance. On tira au sort. Ils ne se jugeaient pas encore dignes de choisir eux-mêmes ; aussi veulent-ils être éclairés par un signe » (Jean Chrysostome).

 

1 Jean 4, 11-16 (« Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui »)

Dimanche dernier, l’Apôtre évoquait l’amour de Dieu que manifeste la Croix. « Puisque Dieu nous a tellement aimés », vivons dans l’amour fraternel. De nouveau, L’auteur de la lettre souligne le lien entre croire et aimer.

« Voir Dieu » est impossible à l’homme, même à Moïse (Exode 33, 20). Nous voyons Dieu à travers ce que Jésus nous révèle de lui (Jean 1, 18). Cette connaissance de Dieu n’est pas un ensemble de notions, mais une expérience que l’Apôtre envisage ainsi : quand nous aimons nos frères, nous réalisons ce que Dieu attend de nous. Alors il est en nous, comme l’hôte en sa demeure, avec tout son amour et avec son Esprit.

Comme en 1 Corinthiens 12, 3, l’Esprit Saint est ici celui qui «atteste» en nous la vraie foi et nous donne d’en témoigner. Certains considéraient Jésus comme un maître ou un prophète. Mais le vrai croyant doit voir en lui le Fils de Dieu et le Sauveur du monde (cf. Jean 4, 42).

Ce texte distingue et unit deux groupes. L’expression «nous qui avons vu» évoque les apôtres qui nous ont conduits à la foi. L’expression «nous qui avons reconnu» englobe la communauté qui partage la foi des premiers témoins.

Croire vraiment, c’est aimer, nous découvrir une certaine connivence entre l’amour de Dieu et nos efforts pour aimer.

 

Jean 17, 11b-19 (« Qu’ils soient un, comme nous-mêmes »)

Cette prière solennelle conclut le testament de Jésus selon saint Jean. Chronologiquement, elle précède la Passion. Mais, chez Jean, il faut souvent dépasser le cadre temporel. Le Christ qui prie ici est déjà le Fils de Dieu conversant, dans l’intimité céleste, avec son Père. Et, dès cette 2e partie du chapitre de ce discours, il intercède pour ses disciples de tous les temps.

Père saint !

Cette invocation (Père saint, garde mes disciples) et la phrase qu’elle introduit résument ce qui va suivre. Si Dieu est saint, il exige la sainteté des siens : «Soyez saints parce que je suis saint», disait le Lévitique 19, 2. Jésus a révélé Dieu comme le Père, mais aussi comme le Saint : tel est le «Nom» que Dieu a donné à son envoyé pour qu’il le fasse connaître. Ainsi, le Père et le Fils sont «un» et c’est dans la révélation de cette unité que les disciples trouveront leur propre unité. Car, avec la Croix et la glorification du Christ, voici le temps de l’absence (que comblera la présence de l’Esprit, inséparable du Ressuscité [cf. Jean 16, 7]) en laquelle Dieu devra continuer l’œuvre qu’il avait confiée à Jésus.

Garde-les !

Pour que le Père garde les disciples de Jésus «dans son Nom», c’est-à-dire en sa propre personne qui est aussi celle du Christ, il faudra aussi qu’il les garde «du Mauvais» (ou du Mal, selon la traduction liturgique du Notre Père) qui influence «le monde». Chez Jean, souvent, «le monde» est cette partie de l’humanité qui a mis et met en échec la parole de Jésus. Les disciples, eux, ont accueilli sa parole. En ce sens, «ils n’appartiennent pas au monde». Ils sont pourtant «envoyés dans le monde» pour y poursuivre la mission du Christ.

Parmi eux, au temps de Jésus, un seul est allé «à sa perte», lui-même, sous l’influence du diable (Jean 13, 2) et c’était pour que le plan de Dieu se réalise (Jean 13, 18). Mais le Père devra les garder du Tentateur qui cherchera sans cesse à les replonger dans «le monde» de l’incroyance.

La prière de Jésus est confiante. Il se réjouit parce que, par la croix, il va vers le Père. Les disciples doivent partager sa joie, en être «comblés». Sachant ce que Jésus demande au Père pour eux, les croyants de tous les temps pourront prier par lui pour s’assurer dans leur mission de sanctification (cf. Jean 16, 24).

Sanctifie-les !

* Sanctifie-les, ou : «consacre-les.» Dieu, le «Père saint» demande et donne à la fois aux siens la sainteté, surtout s’il leur confie une mission. Or, il s’agit de l’envoi des croyants dans le monde, à la suite du Christ envoyé en ce monde. Cette sanctification s’opérera «par la vérité». La vérité est ce à quoi il faut se fier pour ne pas s’égarer. Elle se définit ici comme la parole du Père offerte aux hommes par Jésus.

La sanctification attendue se nourrit donc de la fidélité à cette parole. Mais elle est stimulée par l’exemple de Jésus. Dieu l’a sanctifié,/consacré en vue de sa mission dans le monde (Jean 10, 36). Mais Jésus peut déclarer : «Je me sanctifie moi-même», puisqu’il persévère dans sa fidélité au Père jusqu’à la Croix. Entraînés par lui, nous irons aussi jusqu’au bout sur le chemin de la sainteté.

Le chrétien d’aujourd’hui veut être pleinement «dans le monde» pour contribuer à le sauver, selon l’autre sens que l’évangéliste confère à ce mot : «Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique» ‘(Jean 3, 16). Néanmoins, cette vocation implique bel et bien, une mise à part, un regard critique sur le monde, au nom des valeurs de la Bonne Nouvelle.

Sanctifie-les. Ce verbe biblique a un sens très riche. Il signifie que Dieu consacre quelqu’un à son service, le met à part, en le distinguant pour une mission. Ainsi Jérémie (1, 5) est-il «sanctifié» dès le sein maternel. Mais, fondamentalement, quand Dieu sanctifie quelqu’un, il l’appelle à partager sa propre sainteté, à se transformer, à s’écarter de tout mal, et de toute impureté. C’est là l’honneur du peuple de Dieu, qui s’entend dire : «Vous serez saints, parce que je suis Saint» (Lévitique 19, 2).

 




Rencontre autour de l’Evangile – 7ème Dimanche de Pâques

« Père Saint garde mes disciples dans la fidélité à ton Nom que tu m’as donné en partage, pour qu’ils soient un, comme nous mêmes ».

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX 

Situons le texte et lisons (Jn 17, 11b-19) 

Dans l’évangile de Jean, à la fin des discours d’adieu,  Jésus se tourne vers son Père pour lui adresser une longue  prière, appelée « prière sacerdotale », parce que Jésus paraît comme un prêtre s’offrant comme victime en faveur de ceux que Dieu lui a confiés. Il penseà ce que sera leur situation dans le monde. 

Le sens des mots

Père Saint : Jésus unit ces deux mots dans sa prière.

Qu’est-ce que le mot « Père » nous révèle de Dieu ?

Qu’est-ce que le mot  « saint » nous révèle de Dieu ?

Ton nom que tu m’as donné en partage : 

Dans la Bible que désigne le « Nom » ?

Quel est le Nom que Dieu révèle à Moïse au « buisson ardent » dans le désert ?

Qu’ils soient UN comme nous-mêmes : Quelle est la source de l’unité qui doit régner entre les disciples de Jésus ?

Qu’ils aient en eux ma joie :

Quelle est la joie de Jésus ?

Que tu les gardes du Mauvais :

De qui Jésus parle-t-il ?
Ils ne sont pas du monde :
Que signifie ici le mot « monde » ?
Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité : C’est donc en accueillant la Parole que les disciples ont été « consacrés », « mis à part » :Dans quel but ?
Je les ai envoyés dans le monde :
Quelle est la volonté de Dieu pour ce monde ?
Quelle est la mission des disciples ?
Pour eux, je me consacre moi-même :
Que veut dire Jésus par ces paroles ?

 

Pour l’animateur 

Père Saint : Jésus, le Fils du Dieu Saint, qui est appelé « le Saint de Dieu » (Jn 6,69), prie pour ses disciples qui, pour leur mission, doivent recevoir la même sainteté. Dieu seul est saint, c’est-à-dire le « tout Autre », mais il communique quelque chose de sa sainteté aux croyants.
Dieu est Père, cela dit qu’il est proche de nous. Il est Saint, cela dit qu’il est « tout autre » que nous ; l’innommable !
Le Père a partagé son Nom avec Jésus : le nom désigne ce qu’est la personne elle-même. Le nom du Père, c’est tout ce qu’est le Père.  Donc, Jésus reçoit tout de Dieu son Père ; il se reçoit tout entier de son Père et il communique à ses disciples la vie et la sainteté du Père.
Qu’ils soient « UN » comme nous-mêmes : c’est l’unité en Dieu à laquelle Jésus veut nous faire participer qui nous appelle à la  sainteté.
La joie de Jésus, c’est d’avoir fait tout ce que le Père lui a demandé.
Les chrétiens « ne sont pas du monde », c’est-à-dire qu’ils appartiennent au Royaume de Dieu ; Saint Paul, le disait à ses chrétiens : «vous êtes ressuscités avec le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut… » (Col 3, 1-2) « Vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Rm 6,11)
Le « Mauvais », c’est l’Adversaire, le Prince des ténèbres. A la fin du « Notre Père », Jésus nous fait demander au Père de nous délivrer du « Mal ». C’est le même personnage, celui qui veut faire obstacle au Projet de Dieu de sauver tous les hommes. Jésus a conscience de la grande difficulté dans laquelle il met ses apôtres en disparaissant.
Pourtant les chrétiens sont envoyés dans le monde à la suite de Jésus pour la même mission que la sienne : engager le combat contre le règne des ténèbres (c’est le monde avec ses mensonges et tout ce qui l’oppose à Dieu). Être « dans le monde » sans être « du monde », c’est la situation difficile du chrétien.
Jésus se consacre lui-même pour ses disciples : c’est à dire il fait de sa mort un don de sa vie pour les croyants. C’est dans la mort et la Résurrection de Jésus que les disciples sont consacrés.
 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS 

Prends pitié de nous, Seigneur Jésus. Et continue à prier pour que nous soyons vraiment consacrés. Nous ne sommes pas du monde, et pourtant c’est dans le monde que tu nous envoies pour y porter ta lumière, pour y vivre la sainteté de Dieu. Tu nous as mis à part pour la mission, mais pas pour être séparés de nos frères qui attendent ton Évangile. 
 

TA PAROLE DANS NOTRE VIE 

Est-ce que nous vivons avec la conscience d’être en communion avec le Dieu saint ?
Qu’est-ce que cela devrait changer dans notre vie ?
Quels sont les lieux où je dois vivre ma  présence au monde,  les lieux de mes engagements ?
N’avons-nous pas plutôt tendance à fuir le monde, à nous protéger du monde en nous réfugiant dans les dévotions et les prières ?
Nous sommes dans le monde, mais comment ?
Ne nous arrive-t-il pas d’être complices de ses mensonges, de ses injustices, son attachement égoïste à l’argent… ?
La vérité du Christ a démasqué le mensonge et l’hypocrisie. Acceptons-nous d’être haïs parce qu’en étant fidèles à l’Évangile nous sommes des  « empêcheurs de tourner en rond » ? 
 
ENSEMBLE PRIONS  
Chant : Tu nous appelles à t’aimer,  en aimant le monde où tu nous envoies. 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 




6ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 10 Mai 2015

 

Actes 10, 25-26.34-35.44-48 (« Même sur les nations païennes le don de l’Esprit Saint avait été répandu»)

Ce dimanche ne garde qu’un résumé squelettique de la visite de Pierre chez Corneille. Les ciseaux liturgiques sautent notamment le discours de l’Apôtre, que nous entendons chaque année le jour de Pâques. Contentons-nous de ce découpage et relevons quatre points.

1. La rencontre est riche : Pierre n’est « qu’un homme ». Mais le fait qu’il est un homme, comme Corneille, abat la barrière qui interdisait au Juif de fréquenter le païen. Pierre « relève » le centurion et il dit : « lève-toi ». Par ces verbes résurrection, une nouvelle vie s’offre à Corneille.

2. Pour la première fois, à cause de l’accueil d’un païen, Corneille, un officier romain qui a sous ses ordres de nombreux soldats samaritains, l’Apôtre découvre que Dieu est « impartial », ne fait pas de différence entre les humains. Pierre pouvait, selon le scénario de l’auteur des Actes des Apôtres, se rappeler Deutéronome 10, 17-19 et Isaïe 56, 6-7.

3. Quand on compare Actes 11, 18, on comprend mieux la logique du récit : si l’Esprit tombe sur Corneille et les siens, c’est parce qu’ils croient et se convertissent en « écoutant la parole » de Dieu proclamée par Pierre. Selon certains théologiens d’aujourd’hui et à partir de l’épisode de Corneille, l’Esprit saint précède l’annonce de l’Évangile. C’est une manière légitime de comprendre l’histoire du salut. Mais, pour les auteurs du Nouveau Testament, au contraire, le don de l’Esprit est le résultat et le couronnement de l’écoute de la Parole (comparer Actes 2,38 et 1 Corinthiens 12, 3).

4. Luc souligne la stupéfaction des chrétiens d’origine juive qui accompagnent Pierre. Car ce qui arrive aux païens est une nouvelle Pentecôte, produisant les mêmes effets. C’est ce que souligne l’expression « tout comme nous ». Ici le don de l’Esprit précède le *baptême. Dieu montre, par ce scénario insolite, qu’il veut absolument l’entrée des païens dans son peuple. Mais le rite baptismal reste nécessaire : il montre ici que l’Église comprend le signe donné par Dieu et elle l’accepte.

* Le baptême. Pierre « donna l’ordre de les baptiser ». Cette traduction liturgique trahit Luc qui évite toujours la voix active du verbe « baptiser » (sauf en Actes 8, 38). Il écrit, littéralement, au passif : « il ordonna qu’ils soient baptisés ». Mais baptisés par qui ? Certes, Luc sait bien que c’est un ministre de l’Église qui baptise. Mais, au sens profond, c’est le Christ qui baptise, comme Jean Baptiste l’avait promis (Luc 3, 3). Luc envisage ainsi le sacrement du baptême : l’homme écoute la parole de Dieu, il se convertit. Il est baptisé par le Christ, « par le nom de Jésus Christ », qui lui obtient le pardon des péchés et lui accorde le don du Saint Esprit (voir Actes 2, 38). Car le Père, lors de l’Ascension, a remis à Jésus la plénitude de l’Esprit, et cet Esprit fait du baptisé un prophète, membre à part entière du peuple de Dieu.

 

1 Jean 4, 7-10 (« Dieu est amour»)

Sous la douceur d’un style envoûtant, Jean mène un combat acharné. Rappelons sa première grande déclaration : «Dieu est lumière» ( 1 Jean 1, 5). Il visait des chrétiens errant dans la nuit, en raison d’une foi en Jésus, qu’il juge superficielle. Il proclame à présent que «Dieu est amour». Il vise les mêmes gens qui, dans leur suffisance, méprisent leurs frères à la foi simple et profonde. Ils ne connaissent donc pas le vrai Dieu.

1) l’amour (en grec agapè) véritable «vient de Dieu» qui nous l’a donné comme on transmet la vie à ses enfants. Ainsi, l’homme qui ne sait pas aimer n’a pas l’expérience de Dieu, ne peut pas connaître Dieu. Nous ne saurons jamais traduire correctement le grec agapè. Le terme charité peut être banal, voire méprisant («je ne te demande pas de me faire la charité») ; le mot amour, certes préférable, se heurte au registre ambiant des affections saisonnières, voire à l’érotisme.

2) «Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous» cet amour qui n’est pas un sentiment variable, mais un engagement sans retour : il a envoyé «son Fils unique», son autre lui-même. Et si nous croyons en cette mission, nous sommes sauvés, nous recevons une vie pleine. Et «voici en quoi» se reconnaît le total désintéressement de Dieu : il a pris l’initiative de nous aimer alors que, pécheurs, nous ne méritions pas cet amour. Voilà pourquoi, comme l’écrivait déjà Paul (Romains 3, 25-26 et 5, 6-8), la mort du Christ équivaut à un sacrifice offert pour le pardon de nos péchés.

 

Jean 15, 9-17 (« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »)

Rappelons-le, ce discours d’adieu de Jésus au soir du jeudi saint est à la fois, sous la plume de l’évangéliste, le bilan du ministère terrestre de Jésus et le discours pascal à nous adressé, en nos jours, par le Ressuscité.

Le passage d’aujourd’hui approfondit, en fait, l’image de la vigne et des sarments (cf. dimanche dernier) en langage plus direct. À présent, du début à la fin de cette page, tout est centré sur l’amour et Jésus ne s’adresse plus qu’à ses *« amis ». Il ne parle pas de l’amour dû à tous les hommes, même aux ennemis (cf. Matthieu 5, 44-45). Il vise la relation divine et intime – et c’est un commandement – qui soude les croyants entre eux. Par là se précise ce « fruit » que produisent les sarments. De ce sublime testament pascal du Seigneur, retenons trois aspects : le primat du commandement de l’amour, un amour fondé sur le don total de soi, un amour qui seul peut faire, dans le croyant, une vie fructueuse.

Le commandement de l’amour

Normalement, on attend ici un jeu simple de réciprocité : Le Père aime Jésus, et Jésus aime le Père. Tel n’est pas le mouvement du discours. Comme dans la 1ère  lecture, l’amour qui a sa source dans le Père, est un élan, une cascade d’eau vive qui descend du Père au Fils, du Fils aux disciples, et aboutit à l’amour des disciples entre eux.

Un tel amour ne se laisse pas conditionner par les hauts et les bas de notre affectivité. On « demeure dans l’amour » ; on s’y tient parce qu’il s’agit d’un engagement total. Bref c’est un «commandement». Jésus a gardé les commandements de son Père : Dieu lui a ordonné de révéler son amour. C’est ce qu’il a fait. Il nous invite à notre tour à manifester ce même amour.

La « joie » du Christ, c’est celle d’avoir accompli sa mission. Nous devons partager sa joie (cf. Jean 14, 28 ; 17, 13) en nous aimant les autres pour poursuivre cette même mission d’amour.

Le plus grand amour

L’amour suprême, qui va jusqu’à «déposer» sa vie pour ses amis (traduction littérale), comme Jésus «déposait» symboliquement son vêtement (Jean 13, 4.12) au soir du jeudi saint, à se dessaisir de soi-même, c’est l’amour qui se révèle au Calvaire. Car, en disant «comme je vous ai aimés», c’est bien la Croix que Jésus évoque. Il ne meurt pas parce que nous sommes ses amis («ce n’est pas vous qui m’avez choisi»), mais pour faire de nous ses amis et nous le manifester. Il fait ainsi de nous ses confidents : il nous a fait connaître, dit-il, ce qu’il a appris du Père, c’est-à-dire que l’amour de Dieu n’a pas de limite. Dans l’Ancien Testament, seuls Abraham et Moïse sont déclarés «amis» intimes de Dieu (Isaïe 41, 8 ; Exode 33, 11). Ce sont désormais tous les croyants que Jésus appelle «amis». Nous conservons ce titre d’honneur si nous faisons ce qu’il nous commande, c’est-à-dire de nous aimer mutuellement, à la lumière de la Croix.

Donner du fruit

Cette conclusion ramène à l’image de la vigne et des sarments. À première vue, ce fruit serait l’amour mutuel des croyants. Mais la raison pour laquelle les chrétiens s’aiment ne vient pas de leurs affinités mutuelles. C’est leur volonté de révéler au monde la source de leur charité : l’amour infini du Père, manifesté dans la croix de son Fils. C’est pour cette mission que Jésus nous a tous choisis, en tant que croyants. Il n’est pas question, malgré la traduction, d’ «aller» en mission au loin. Selon le génie sémitique de Jean, mieux vaudrait traduire : «afin que vous vous mettiez à porter du fruit». Il reste que certains, comme Pierre (1ère lecture), ont une mission plus précise et plus large.

* Amitié… et commandement. « L’affirmation de Jésus : « Vous êtes mes amis si vous faites de ce que je vous commande » n’est paradoxale que si l’on méconnaît le lien qui unit « commander » à « amis ». En vérité, obéissance et amour vont de concert. « Je ferai tout ce que tu voudras » n’est pas une parole de subordonné, mais d’amoureux » (X. Léon-Dufour).

 

 




6ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (10 Mai)

« Demeurez dans mon amour » (Jn 15,9-17)

 En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera.
Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. 

AIMER VOUS LES UNS LES AUTRES

 

Nous allons reprendre pas à pas ce passage pour en admirer la cohérence… Le point de départ nous ramène aux sources premières de notre foi, l’amour du Père : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». Comment le Père aime-t-il donc le Fils ? « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » ; « comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 3,35 ; 5,26), et c’est ainsi qu’il l’engendre de toute éternité en Fils « né du Père avant tous les siècles », en lui donnant tout ce qu’Il Est, jusqu’à sa vie même… Or « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Rm 8,2.11). Le Père aime donc le Fils en lui donnant la Plénitude de son Esprit, un Esprit qui est vie (Ga 5,25), un Esprit qui l’engendre en Fils éternel…

            Or le Fils nous aime comme le Père l’aime, c’est-à-dire en nous donnant, gratuitement, par amour, cette vie qu’il reçoit du Père depuis toujours et pour toujours : « Père, glorifie ton Fils afin que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés », et le Père a donné au Fils le monde à sauver (Jn 3,16-17). « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10). Cette vie de Dieu nous sera communiquée à notre tour par le Don de « l’Esprit qui vivifie ». C’est pourquoi le Christ Ressuscité dit à ses disciples : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), gratuitement, par amour… Mais bien sûr, pour le recevoir, il s’agit maintenant, avec son aide et son soutien, de nous retourner de tout cœur vers Lui en nous détournant au même moment de tout ce qui lui est contraire. « Repentez-vous » (Mc 1,15) !

            Et « demeurez en mon amour », accueillant instant après instant, de tout cœur, le Don de l’Amour, « l’Esprit qui vivifie »… L’aventure est possible car nous sommes aimés d’un Amour de Miséricorde infini, totalement pur, totalement gratuit, un Amour qui ne recherche que notre bien. Et puisque notre seul vrai bien est que nous soyons comblés de sa grâce et de sa vie, l’Amour ne cessera de nous proposer son pardon pour que, de miséricorde en miséricorde, nous puissions atteindre ce but pour lequel nous avons tous été créés…

            « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour ». Or, « son commandement est vie éternelle » (Jn 12,50). « Garder les commandements » c’est donc « garder sa vie », « garder l’Esprit qui vivifie », et l’Esprit de Dieu est aussi Lumière (1Jn 1,5). Ce qui revient à dire avec St Paul : « N’éteignez pas l’Esprit, mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez le ; gardez vous de toute espèce de mal » (1Th 5,19-22), ce mal de l’égoïsme ou de l’orgueil, contraire à la dynamique de l’Amour qui est de « donner sa vie » pour les autres… Si nous y adhérons, nous nous priverons nous-mêmes du Don de Dieu (Rm 3,23 ; Jn 17,22)… Et Dieu à nouveau nous poursuivra pour nous proposer son pardon (Lc 15)… « Je vous dis cela pour que ma joie », « la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6), « soit en vous et que votre joie soit parfaite »…                      DJF




5ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 

 

 Commentaires des Lectures du dimanche 3 Mai 2015

 

Actes 9, 26-31 («Barnabé leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur»)

Traditionnellement, après le 4e dimanche de Pâques orienté par la prière pour les vocations, le 5e dimanche, dans la première lecture tirée des Actes des Apôtres, dirige l’attention sur les ministères dans l’Église et ce, en l’année B, à travers la figure de Paul.
Actes 9, 1-25 racontait la vocation de Paul et sa première mission à Damas. Chassé de cette ville, le converti rejoint l’Église de Jérusalem qui l’accueille mal. Pudiquement, Luc voit dans cette hostilité une méfiance envers celui qui était naguère un persécuteur. Les confidences personnelles de Paul donnent un autre son de cloche : il s’agit de divergences avec les Douze au sujet du style de l’apostolat (voir Galates 2 ; 1 Corinthiens 9, 1-7).
Étienne (Actes 6–7) a payé de sa vie sa prédication missionnaire auprès des « Juifs de langue grecque » dans les synagogues de Jérusalem et les Douze n’ont guère soutenu ses positions. Paul (encore appelé « Saul ») avait participé à la persécution des amis d’Étienne qu’on appelle les « Hellénistes » (Actes 6, 1) et qui ont fondé l’Église d’Antioche (Actes 11, 19-21). Maintenant « retourné » par le Christ, il prend la relève de la mission d’Étienne auprès de ces mêmes Grecs. « Les frères » de Jérusalem, ne tenant pas à se trouver devant une seconde lapidation, expédient donc Paul à Tarse, sa patrie.
Paul n’a pas pu ou pas su s’intégrer à la communauté chrétienne de Jérusalem, malgré les efforts de *Barnabé. Bientôt, ce dernier comprendra que c’est dans l’Église d’Antioche que Paul pourra donner sa pleine mesure (Actes 11, 19-26). Car, dès les origines, la mise en place des ministères chrétiens, l’apparition de personnages hors pair, s’accompagne de conflits qui obligent l’Église à se remettre en question. En attendant, puisque Paul est devenu disciple, Luc conclut que la persécution est terminée. Donc, «l’Église était en paix».
* Barnabé (Actes 4, 36-37; 11, 19-26; 13, 1 – 15, 40) est un Juif chypriote qui s’est intégré à l’Église de Jérusalem, mais qui, sans doute ami d’Étienne, est allé jusqu’à Antioche. Cet homme généreux, conciliant, cousin de Marc (selon Colossiens 4, 10), fait le pont entre l’Église de Jérusalem et celle d’Antioche. C’est lui qui introduira Paul à Antioche. C’est lui qui, dans son sillage, fera de Paul un vrai missionnaire. Mais une tension entre eux se dessine dès leur premier voyage (Actes 13, 13 ; 15, 36-40). Et ce sera la rupture. Dans les services de l’Église, il y aura toujours des Barnabé pour lancer des Paul et se trouver dépassé par eux.

1 Jean 3, 18-24 (« Voici mon commandement : mettre notre foi dans le nom de Jésus Christ et nous aimer les uns les autres »)

En 1 Jean 3, 10-17, l’Apôtre rappelait le devoir de l’amour fraternel. Si nous remplissons ce devoir, prenons maintenant conscience de notre belle relation avec Dieu :
1. Aimons vraiment. L’amour fraternel n’est pas affaire de paroles ou de sentiment, mais d’actes et de vérité – vérité, c’est-à-dire à la manière de Jésus : (lire 3, 16). En aimant ainsi, nous savons que « nous appartenons à la vérité », à la vraie foi, laquelle n’est rien d’autre que l’amour qui retraduit l’amour de Jésus.
2. Alors, « devant Dieu nous apaiserons notre cœur ». Deux éventualités : Notre cœur nous dit que nous sommes pécheurs ; mais, en sa miséricorde, Dieu est plus grand que nos craintes. Il « connaît toutes choses », notre désir d’aimer selon sa volonté. Second cas, nous nous voyons fidèles aux commandements. Nous n’en tirons pas orgueil. Nous savons simplement que Dieu écoute notre prière, puisque nous lui demandons ce qui nous permet de faire ce qui lui plaît.
3. Ces commandements se résument en un seul : croire en Jésus comme au Fils qui a donné sa vie, et traduire cette foi par l’amour mutuel. Celui qui agit ainsi connaît une parfaite communion avec Dieu, traduite par le verbe « demeurer » qui, dans l’évangile, implique la communion avec le Christ. Cette communion relève pas du sentiment. Elle est une révélation de l’Esprit qui suscite notre foi et notre amour.

 

Jean 15, 1-8 (« Celui qui demeuire en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit »)

Chez Jean, les Adieux de Jésus après la Cène juxtaposent plusieurs discours d’origines diverses, de relectures successives, mises par la tradition sous l’unique nom de l’évangéliste Jean. Le second discours (15, 1 – 16, 4a) s’ouvre par l’image de la vigne et des sarments. Il s’adresse sans doute à des chrétiens rejetés par les synagogues juives, menacés dans la persévérance de leur foi en Jésus.
La vigne et le vigneron
Dans l’Ancien Testament, la vigne est un symbole fréquent pour désigner Israël, choyé par Dieu pour produire une belle récolte (ainsi Isaïe 5, 1-7 ; 27, 2-5 ; Jérémie 2, 21 ; Ézékiel 10 ; Psaume 79 (80), 9-12). Mais l’évangéliste enrichit l’image : si les croyants forment le peuple de Dieu, c’est en tant que sarments qui tirent leur vie de la vigne, ici identifiée à Jésus. Celui-ci est la vraie vigne, comme il est le vrai pain (6, 32) et le vrai berger (10, 11), c’est-à-dire le seul qui accomplisse pleinement cette fonction. Il y a beaucoup à méditer dans ces titres… À travers Jésus, c’est le Père qui déploie toute son œuvre pour la fécondité de la plante. D’emblée, le but est annoncé : donner du fruit.
Demeurez en moi
L’émondage en vue d’un fruit fécond est déjà accompli, puisque nous avons reçu la parole de Jésus, comme le rappelait l’épisode du lavement des pieds (Jean 13, 10). Il s’agit maintenant de persévérer dans le don reçu que traduit le verbe *demeurer employé en une relation de réciprocité (celui qui demeure en moi et en qui je demeure). Celui qui aime se repose sur l’autre, veut rester et durer avec lui, sans pour autant perdre son identité. De même, le croyant n’existe et n’est pleinement lui-même qu’en persévérant dans sa foi en Jésus, en son amour pour lui.
La vigne et les sarments
Revenant à l’image de la vigne, Jésus insiste : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (cf. Jean 1, 3) ni porter aucun fruit. La suite, dimanche prochain, aidera à préciser de quel « fruit » il s’agit. Disons que ce fruit consiste précisément à montrer, par notre amour (cf. 2e lecture, du même rédacteur), que le Christ habite en nous et se révèle au monde d’aujourd’hui à travers nous. La menace contre le sarment desséché, jeté dehors comme « le Prince de ce monde », le diable (Jean 12, 31), ne vise pas les flammes de l’enfer. Simplement, les chrétiens tentés par l’apostasie, par la perte de la foi, doivent savoir qu’en perdant leur relation au Christ, ils deviennent stériles et comme morts. L’avertissement valait d’abord pour des chrétiens sollicités par leurs frères juifs de rompre avec l’Église.
La gloire du Père
Demeurer en Jésus, c’est garder en nous ses paroles qui culminent dans le commandement de l’amour. Alors nous obtiendrons de Dieu tout ce que nous demanderons (cf. Jean 14, 12-13). Car ce que nous demanderons, c’est de donner le fruit que le Père attend de nous. Par là, nous témoignerons de celui dont nous voulons être les disciples. Par là, Dieu pourra être fier (ce qui fait la gloire de mon Père) de son œuvre à lui et de notre conduite fructueuse.
* Demeurer (celui qui demeure en moi et en qui je demeure). Curieuse image, si l’on prend le verbe «demeurer», comme il convient, au sens d’ «habiter» ! Qui habite chez ou en l’autre ? Mais, chez Jean, il faut aussi songer, chez lui, au verbe «rester» désignant ce qui est stable, apaisant, permanent, contre ce qui est provisoire et ne tient pas. C’est le langage de l’amour : en Jésus, Dieu est présent à jamais. Jésus nous envahit comme sa résidence privilégiée et amène Dieu chez nous, et nous trouvons en Jésus le havre espéré au milieu de nos errances. C’est, encore plus simplement, le langage des amoureux : «à chaque instant de la journée, tu habites mes pensées ; et toi, est-ce que j’habite aussi ta vie ?»

 

 




5ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (3 Mai)

« Je Suis la vigne, et vous les sarments » (Jn 15,1-8).  

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.
Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite.
Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent.
Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous.
Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples.

 vigne17

         « Nous avons contemplé sa gloire », dit St Jean de Jésus, « gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). Or, « si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ » (Jn 1,18). Toute la mission de Jésus consiste donc à nous inviter à recevoir ce dont il est rempli, ce qu’il tient de son Père de toute éternité en tant que « Fils unique », « engendré non pas créé »… « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17,22)…

            Au moment de son baptême par Jean-Baptiste, « le ciel se déchira et l’Esprit descendit sur lui comme une colombe. Et une voix partit du ciel : « Tu es mon Fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » » (Lc 3,21-22). Avec Jésus, cet « aujourd’hui » a valeur d’éternité. Il est en effet ce « Fils unique » que le Père engendre à sa vie « avant tous les siècles » en se donnant totalement à Lui par amour, en lui donnant tout ce qu’il a (Jn 16,15 ; 17,10), tout ce qu’il est, et il « Est Esprit » (Jn 4,24). Jésus est ainsi « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1) par le Père, et cela depuis toujours et pour toujours, un Don par lequel il est engendré en Fils. Et toute la mission de Jésus consiste à nous proposer de recevoir ce dont il est rempli : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22).

            « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26). Engendré par le Père qui lui donne la vie, sa vie, et cela de toute éternité, Jésus « vit par le Père » (Jn 6,57). Et toute sa mission consiste à nous aider à recevoir ce dont il est rempli : « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10). Mais nous, nous sommes pécheurs, blessés, notre cœur est compliqué et malade (cf Jr 17,9 ; Mc 7,21), il n’est pas toujours tourné vers le Père, comme l’est celui du Fils (cf. Jn 1,18). Mais « ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades ; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, pour qu’ils se convertissent » (Lc 5,31-32). Et cet appel, il ne cesse de le lancer à tout homme, partant à sa recherche comme s’il était le seul à s’être perdu, et cela « jusqu’à ce qu’il le retrouve » (Lc 15,1-7), jusqu’à ce qu’enfin, il se laisse retrouver en acceptant d’être aimé (cf. Ap 3,20). Et comme « revenir » à Dieu est encore au-delà de ses forces, c’est à nouveau Lui qui va se proposer de le ramener à la Maison du Père en le mettant sur ses épaules. Et c’est une joie pour Lui (cf. So 3,16-18) !

            « Dieu, fais-nous revenir, fais luire ta face et nous serons sauvés » (Ps 80,4). Oui, « aux païens aussi », à tout homme, « Dieu a donné la repentance », de pouvoir se repentir, une « repentance qui conduit à la vie » (Ac 11,18). Oui, « c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,19-20).

            Alors, grâce à Lui, le sarment peut de nouveau être rattaché à la vigne, et recevoir d’elle la sève de la paix et de la vie qui lui permettra de porter beaucoup de fruit… Et cela en s’abandonnant tout simplement à l’Amour, envers et contre tout, et en le laissant accomplir inlassablement, dans nos cœurs et dans nos vies, son œuvre de réconciliation et de Vie !

                                                                                                                                    DJF

 

 

 




4ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

 Commentaires des Lectures du dimanche 26 Avril 2015

 

Actes 4, 8-12 (En dehors du Christ, il n’y a pas de salut)

« Par quel Nom avez-vous fait cela » (Actes 4, 7) ? Cette question des grands prêtres renvoie à la guérison du paralytique opérée par Pierre au Temple (cf. Actes 3, 1-10) et met en avant le thème du *«Nom». Pour notre auteur, la comparution des témoins du Christ, «remplis de l’Esprit Saint», devant les tribunaux est moins l’occasion de se défendre que de donner à l’Évangile, c’est-à-dire au Christ ressuscité, toute la publicité qu’il mérite (cf. Luc 21, 12-15). Dans l’histoire ultérieure de l’Église, combien de témoins persécutés et traduits en justice ont fait de leur douloureuse expérience, involontairement sans doute, une digne tribune pour le message chrétien !

Dans le message de Pierre, les mots « salut » et « sauver » sont la clé de lecture. Dieu avait, littéralement, «relevé» Jésus (verset 10). De même, Pierre a «relevé» l’infirme (Actes 3, 7), en invoquant la puissance de Jésus, de son Nom. L’agir de Jésus en cet événement montre donc qu’il est vivant et qu’il sauve ceux que, par la maladie, la mort voudrait tenir en son pouvoir. Or, si le don de la vie est la prérogative de Dieu seul, c’est que, depuis Pâques, Dieu « a donné aux hommes » son Fils ressuscité pour qu’il les sauve de la mort.

Pierre en voit la prophétie dans l’image de la pierre qui, au Psaume 117 (118), 22, évoque le Messie. Celui-ci, selon le psaume en son sens premier, a failli périr au combat. Mais, Dieu lui ayant donné la victoire, il devient source de fête et de joie pour son peuple libéré.

* Le Nom. En certaines cultures, le nom, c’est la personne elle-même. Dans un pays d’Afrique, j’ai entendu sous ma fenêtre deux adolescents se battre. Au terme de la dispute, l’un a crié à l’autre : «Et maintenant, ne dis plus mon nom» Nous disons nous-mêmes : «Untel, c’est un nom !» Le nom que j’emploie («mon général» ou «mon ami»…) précise ma juste relation avec quelqu’un. Jésus (Ieshoua) signifie «Dieu sauve». En invoquant ce Nom, je m’adresse à celui par qui Dieu me sauve. Pour le judaïsme, on parle de Dieu en disant, entre autres termes : « le Nom», pour éviter, par respect, de prononcer directement le mot «Dieu». Pour le chrétien, Dieu se révèle dans le nom de Jésus, et il lui donne son propre nom, celui de «Seigneur», selon Philippiens 2, 9.

 

1 Jean 3, 1-2  (« Nous verrons Dieu tel qu’il est »)

Comment sauriez-vous que je ressemble à mon père si vous ne l’avez jamais rencontré ? Mais peut-être, en me voyant à côté de mon frère, découvrirez-vous que nous avons « un air de famille ». Dans la foi, le mystère est plus complexe encore. Je sais bien que, depuis mon baptême, le Christ me transforme à sa ressemblance, mais je ne l’ai pas encore vu face à face.

Les membres de la communauté de Jean se définissent comme « enfants de Dieu ». C’est le grand amour du Père qui, pour nous, a fait de cette dignité une vocation (« appelés ») et une réalité (« nous le sommes »), et c’est pour cette mission que Jésus est venu : « Ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jean 1, 12). Mais *« le monde » ne nous comprend pas, puisqu’il n’a pas découvert en Jésus le Dieu qui veut faire de nous ses enfants. Il reste qu’en cherchant à agir selon notre vocation filiale, nous étonnons le monde. En outre, les vrais croyants ne saisissent pas eux-mêmes combien ils ressemblent au Fils de Dieu.

Notre vocation comporte donc une ultime étape, lorsque paraîtra le Fils de Dieu, «quand cela sera manifesté». Nous serons alors transfigurés en sorte de le connaître tel qu’il est. Tel est le véritable aboutissement du temps pascal qu’est l’histoire des humains.

* Le monde. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jean 3, 14). Nous partageons donc son amour pour tous les humains. Cependant, chez Jean, le terme «monde» a souvent un sens négatif. Il représente ceux qui refusent le Fils de Dieu, la sphère de la non-foi. Au départ, il s’agit de ceux des Juifs qui refusent Jésus. En 1 Jean, «le monde» inclut même des chrétiens qui s’égarent, infidèles à l’esprit du fondateur de leur Église. La foi ne fait pas l’unanimité, rappelle l’Apôtre, et nous devons être lucides sur nos complicités possibles avec l’incrédulité.

 

Jean 10, 11-18 (« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »)

Chaque année liturgique, le quatrième dimanche de Pâques découpe en trois sections l’autoportrait de Jésus comme bon pasteur, selon l’évangile de Jean : année A : Jean 10, 1-10 ; B : 10, 11-18 ; C : 10, 27-30. À l’évidence, le rythme des lectures liturgiques ne permet pas de lire ce discours d’une seule traite. On peut le regretter. L’Église romaine fait de ce dimanche une journée de prière pour les «vocations». Le choix de ces textes évangéliques laisse entendre qu’il s’agit sans doute des vocations dites «pastorales» et que cette prière plaide pour un accroissement du nombre des séminaristes. En tout état de cause, on retiendra d’abord la dimension pascale du discours, selon la belle et concise demande de la prière d’ouverture du Missel «Que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux.»

Le roi pasteur

Dans la Bible, comme dans d’autres civilisations orientales, le berger est la figure du roi (ainsi en Ézékiel 34 ou Jérémie 23, 5) Dans ce chapitre 10 de Jean, Jésus a d’abord évoqué le rôle typique du berger (versets 1 à 6). À présent, il se présente comme ce vrai berger. Vrai berger parce que, sans poser de limites, il risque sa vie pour ses brebis. En fonction du génie de l’évangéliste, nous pouvons lire le texte deux fois : La première fois, on verra ce que fut la mission terrestre de Jésus allant vers sa Passion. La seconde fois, on entendra le Christ ressuscité nous disant qui il est aujourd’hui pour nous, si nous le suivons. Au cœur du temps pascal, c’est sur ce second aspect que nous devons insister.

Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis

Littéralement, selon l’esprit grec, Jésus est « le beau berger », c’est-à-dire l’idéal de ce qu’on attend d’un «vrai berger . Ce vrai berger «expose» sa vie (mieux que la traduction « donne sa vie »). Pensons au jeune David, figure du Messie, qui exposait sa vie pour les brebis de son père (1 Samuel 17, 34-35). La traduction « mercenaire » est excessive. Il s’agit plutôt de l’opposition entre le propriétaire du troupeau et le « salarié » qui n’a pas d’intérêt direct dans le cheptel. Mais la relation se complique. Celui qui connaît vraiment une personne, c’est celui qui aime cette personne. Jésus aime les brebis, non parce qu’il en est propriétaire, mais parce qu’il aime Dieu son Père et qu’il sait ce que ce Père attend de lui. En fait, la parabole rurale continue. Le berger qui a des moutons les connaît un par un, et ces moutons ont une réelle relation avec lui, en sorte qu’ils ne suivront pas un autre homme. La parabole s’estompe quand Jésus la fait passer à la relation entre lui et son Père, entre lui et les croyants, selon l’exigence de toute relation ministérielle et « pastorale ».

Que dire, en clair, quand Jean écrit son évangile, plus de cinquante ans après la Pâque ? Des « loups », pasteurs intéressés et cupides (cf. Matthieu 7, 15 ; Actes 20, 28-29), ne sont pas prêts à risquer leur vie pour défendre un visage du Christ qui suscite l’opposition des Juifs, la risée des Grecs, et l’irritation de certaines Églises à la foi ambiguë. Ils préfèrent abandonner leur troupeau…

Un seul troupeau, un seul pasteur

Quelles sont ces « autres brebis » qui ne connaissent pas encore leur vrai berger ? Pour maints commentateurs, il s’agit des païens, par rapport aux Juifs auxquels s’était adressé Jésus. Mais cette interprétation oublie que l’évangéliste écrit à la fin du 1er siècle.

L’Église à laquelle il s’adresse est, depuis longtemps, composée de Juifs et de Grecs. En Jean 21, 15-23, appendice de l’évangile, deux groupes se font face : ceux, d’une part, qui se réclament du « Disciple que Jésus aimait », l’auteur de cet évangile, et qui a maintenant disparu et, d’autre part, la grande Église qui suit Pierre. Mais tous peuvent à présent former un seul troupeau derrière Pierre, puisque celui-ci, par son martyre, a prouvé son amour de Jésus.

Le secret de la  « pastorale »

Le commandement particulier que Jésus a reçu de Dieu, c’est de donner sa vie librement pour la reprendre ensuite, comme le Maître « déposait » et « reprenait » son vêtement pour laver les pieds des siens, les servir jusqu’au bout (cf. Jean 13, 4.12). En Jésus qui dépose sa vie et la reprend, le Père montre son amour sans limites et le triomphe de cet amour qui donne la vie. Ce don de soi, que le Père aime, est le fondement même de la fonction pastorale.

 

 




4ième Dimanche de Pâques par le Diacre Jacques FOURNIER (26 Avril)

Jésus est le Bon Pasteur de l’Humanité tout entière (Jn 10,11-18)

En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis.
Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse.
Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.
Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent,
comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.
J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur.
Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau.
Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

bon pasteur1

            « Tout fut par Lui, et sans Lui, rien ne fut » (Jn 1,3). « Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui » (Col 1,16-17). Jésus, le Fils, est ainsi « la Lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9). Il est donc proche de tout homme, il vit en « alliance éternelle » avec « toute chair » (Gn 9), et cela, depuis que le monde existe. Et comme « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et qu’Il n’est qu’Amour, il ne cesse de rechercher le bien de « tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14), et cela gratuitement, par Amour. « Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24).

            Les hommes ne vivent pas une relation de cœur avec Lui, se privant du même coup de cette Plénitude de Vie qu’il voulait leur communiquer dans une relation d’amour librement consentie ? Le Père va envoyer son Fils dans le monde, avec une seule Parole à leur transmettre de sa part : « Revenez ! Car le Père lui-même vous aime » (Jr 3,22 ; Mc 1,15 ; Mt 4,17 ; Jn 16,27)… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Lc 2,14).

            Or aimer, c’est vouloir le bien profond de celui, de celle qu’on aime… Tel est le désir de Dieu pour chacun de ses enfants, pour tout homme ici-bas… « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43,4). Et « aimer » pour Dieu, c’est « rassasier de biens », combler de biens, pour le seul bien de l’être aimé : « Il te couronne d’amour et de tendresse », dit le Psalmiste, « il rassasie de biens ton existence » (Ps 103(102),4). Or le mot « bien » employé ici peut aussi prendre le sens de « beau », de « bon », de « bonheur »… Ainsi Dieu, qui Est « le Bon », « le Bien » par excellence, et la source de tout « bien », ne cesse-t-il de proposer à l’homme ce qui est « bien » pour lui, ce qui est « bon », et si ces « biens » sont effectivement accueillis, ils ne pourront que lui apporter le vrai « Bonheur », car Dieu nous a tous créés pour cela : nous partager sa Plénitude !

            « Je suis le Bon Pasteur » nous dit ici Jésus. Il « se soucie de ses brebis », c’est-à-dire de tout homme, quel qu’il soit, et il continue à faire en son humanité ce que Dieu ne cesse de faire de toute éternité : se donner par amour, se donner lui-même, donner sa vie pour ses créatures, cette vie qu’il reçoit du Père de toute éternité, et cela pour leur seul bien, pour les combler, gratuitement, par amour. « Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis », et il le fera jusqu’au don ultime de la Croix, pour le salut et la vie de tous…         DJF

 


 

 

 




3ième Dimanche de Pâques par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Commentaires des Lectures du dimanche 19 Avril 2015

 

Actes 3, 13-15.17-19 (Dieu a donné sa gloire à son serviteur Jésus)

 Au Temple, Pierre guérit un impotent, par la puissance de Jésus. Il a «relevé» l’infirme (3, 7), comme Dieu a «relevé» Jésus d’entre les morts. Il est temps pour l’Apôtre d’éclairer la foule assemblée. Son discours instruit le procès de la foi chrétienne : par sa bouche, Dieu plaide sa propre cause et son bon droit ; les accusés sont les gens de Jérusalem ; l’Écriture, l’Ancien Testament, est la preuve, la pièce à conviction du débat.

1. En donnant « sa gloire » à Jésus, « le Dieu de nos pères » n’a fait « qu’accomplir sa parole » qui promettait à son peuple « *le Prince de la vie ». Il avait même prévu que ce « Messie souffrirait » et qu’il devrait lui rendre justice par la résurrection.

2. Les gens de Jérusalem ont « livré » et « renié » Jésus. Il y a quelque ironie empathique, de la part de l’auteur, à placer dans la bouche de Pierre ce verbe qui dénonçait son propre reniement (Luc 22, 57). Tous, à commencer par Pierre, se sont trompés, aveugles aux prophéties.

3. Des titres résument ici l’Écriture : Jésus est « le Saint », le Messie consacré par Dieu. Il est « le Juste » persécuté, « le Serviteur » annoncé par le poème du Serviteur souffrant (Isaïe 53, 11).

À la différence des tribunaux, le procès de la foi ne condamne pas. Si nous ne savons pas lire l’histoire et le projet de Dieu, nous sommes toujours invités à changer notre regard, à faire demi-tour quand la puissance du Ressuscité nous interpelle dans les événements.

* Le Prince de la vie. Le mot grec archègos traduit par « prince » ne revient que quatre autres fois dans le Nouveau Testament, appliqué toujours au Christ ressuscité. Selon ses emplois divers dans l’Ancien Testament de langue grecque, la Septante, le terme désigne la tête, en tout cas un personnage de haut rang. Ici, tel un nouvel Adam, le Ressuscité ouvre une noucelle ère de vie. En Actes 5, 21, il est à la fois « Prince et Sauveur ». En Hébreux 2, 10, il est « le prince du salut » et Hébreux 12, 2 le salue, avec le même mot, comme « l’initiateur de la foi ».

1 Jean 2, 1-5a (« C’est lui qui obtient le pardon de nos péchés et de ceux du monde entier»)

La communauté à laquelle s’adresse cette lettre a ses dissidents. Ils prétendent connaître le Christ, ils discourent sur le Christ, mais leur vie morale laisse à désirer. Avec la tendresse d’un pasteur, l’Apôtre met en garde ses « petits enfants » contre ces mauvais exemples. L’expression « mes petits enfants » indique que la lettre est un testament, une manière pour l’auteur d’indiquer à ses adeptes comment sauvegarder son héritage spirituel. Jésus employait le même terme dans son discours d’adieu (Jean 13, 33). Jean situe d’abord le rôle présent de Jésus, puis il précise en quoi consiste la vraie connaissance du croyant.

Nul ne peut prétendre être sans péché. Mais Jésus a estimé qu’il valait la peine de mourir par amour pour les pécheurs que nous sommes. Sa mort est un sacrifice supérieur à ceux qu’offraient les Juifs pour obtenir le pardon de Dieu (voir Exode 29, 36-37). C’est un thème que développera la lettre aux Hébreux 9–10. Il est notre Défenseur *le Paraclet, parce que Dieu ne peut rien refuser au Juste.

Connaître Dieu comme étant vraiment Dieu, c’est savoir et faire ce qu’il attend de nous, c’est-à-dire ses commandements. Et ceux-ci se résument dans le commandement de l’amour. Or Dieu s’est exprimé totalement dans la mission de Jésus : c’est en lui que Dieu nous dit son amour. Cet amour, nous devons le traduire dans nos relations mutuelles (lire 1 Jean 4, 19-20). Si le croyant sort de cette logique de l’amour, si sa connaissance du Christ n’est qu’intellectuelle, il vit dans le mensonge.

* Le « paraclet » (Défenseur) est l’avocat défendant un accusé. Dans l’Évangile de Jean, le Paraclet est le Saint Esprit (cf. Jean 14, 16.26 ; 15, 26 ; 16, 7). Le croyant est en procès avec un « monde » qui conteste la foi. L’Esprit le soutient dans ce combat, il lui révèle un Jésus qui n’est plus limité par sa condition terrestre. Mais l’Esprit ne remplace pas Jésus. Il est « un autre Paraclet » (Jean 14, 16) qui ne fait rien de lui-même. Le premier Paraclet est toujours Jésus. L’Esprit prolonge sa mission.

Luc 24, 35-48 (« Aussi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait des morts le troisième jour »)

Chez Luc, l’Ascension du Seigneur se situe le soir de Pâques, avant qu’en Actes 1, il la situe quarante jours après Pâques.. Voici la dernière entrevue de Jésus avec les Apôtres que les disciples d’Emmaüs viennent de rejoindre. L’épisode se divise en quatre séquences.

La présence de Jésus ressuscité

Le vocabulaire de l’expérience pascale est riche : Jésus se fait voir, se rend manifeste, les rencontre…. Ici, comme chez Jean, le texte dit simplement : « Il se tint debout ». Jésus souhaite la paix aux siens. Cette paix est sérénité, pardon, réconciliation. C’était le message des anges de Noël (Luc 2, 14). Mais, pour les lecteurs de Luc, c’était aussi une formule de la liturgie. Les premiers chrétiens découvraient la présence du Ressuscité dans la paix qui caractérisait leurs célébrations.

La reconnaissance

Stupeur, crainte et bouleversement sont les réactions des humains devant le surgissement du surnaturel. Comme lors de la marche sur les eaux, annonce symbolique de la Résurrection (cf. Marc 6, 49-50), les disciples se croient en présence d’un fantôme. Dans la nouveauté de son être glorieux, Jésus doit se faire reconnaître. En montrant ses mains et ses pieds, il se révèle comme l’homme qui a été crucifié. Persiste le doute que, courtoisement, Luc attribue à la joie des disciples. La manducation du poisson insiste sur le réalisme de la résurrection, en des termes que d’autres auteurs sacrés éviteraient (comparer Tobie 12, 19). Il s’agit de souligner que le Ressuscité appartient bien à la condition humaine. Mais, s’il est permis de critiquer avec une grande et humble révérence l’évangéliste saint Luc, il faut remarquer que son insistance sur la présence physique du Ressuscité qui mange et boit aura contribué au long des générations chrétiennes à un malentendu sur le sens de la résurrection du Seigneur, par là assimilée à une reviviscence semblable à celle de Lazare en Jean 11, 44. Heureusement, certains des discours attribués à Pierre par ce même évangéliste dans les Actes des Apôtres corrigent cette myopie trop apologétique.

L’éclairage de l’Écriture

Au vrai, la foi au Christ ressuscité ne se fonde pas seulement sur ses apparitions. Jésus avait invité les Douze à comprendre sa Passion comme l’accomplissement des prophéties (Luc 18, 31-34) : « *Il ouvrit leur intelligence à la compreéhension des Écritures » (24, 31). Il insiste de nouveau : toute la Bible, l’Ancien Testament, en ses trois parties traditionnelles (la Loi, les Prophètes et les Psaumes), écrit la destinée du Christ. Aujourd’hui, Jésus nous ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures, pour que nous comprenions le projet de Dieu signifié par le verbe « il faut ».

La mission

La mission est inséparable de la foi qui fait de nous des témoins. Ici, l’envoi des disciples par le Christ « mord » par avance sur le temps présent de la proclamation de l’Évangile. L’Écriture nous révèle la Passion, la résurrection le troisième jour. C’est une vie nouvelle qui s’offre à tous les humains, « à toutes les nations ». Nous ne pouvons pas garder pour nous ce message. Tous sont appelés à changer de vie et à se libérer du péché. En fait, l’Église découvre la présence du Christ vivant lorsque, à son appel, des gens découvrent le bonheur de croire et de tourner la page sur une vie jusque là stérile. C’est bien pourquoi l’évangéliste ne craint pas de mettre sur les lèvres du Ressuscité ce que prêchent les apôtres (cf. 1ère lecture). C’est dans la mesure où nous sommes témoins que s’approfondit notre foi en un Christ vivant et agissant.

* Il ouvrit leur intelligence… Dans la synagogue ancienne, le mot « ouverture », en hébreu petihah, désigne d’abord le verset biblique et le thème par lesquels l’homéliaste commence sa prédication. Mais le terme en est venu à désigner l’homélie dans son ensemble, et c’est selon cette signification que Luc utilise quatre fois le verbe « ouvrir » : ouvrir les Écritures en leur sens actuel pour l’esprit des auditeurs ; ouvrir les cœurs au sens des Écritures (Luc 24, 31, 32, pour Jésus ressscité ; Actes 16, 14 ; 17, 3, pour les prédications de Paul.