30ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 34-40)- Homélie du Père Louis DATTIN
Le grand commandement
Mt 22, 34-40
Il faut bien l’avouer, frères et sœurs, le mot « commandement » n’est pas un mot sympathique.
N’est-ce pas tous les jours que nous voyons dans la rue et autour de nous, de multiples « commandements » qui semblent vouloir limiter notre liberté; partout autour de nous des interdits, des rejets, des exclusives: « défense de stationner », « défense de fumer », « défense de marcher sur la pelouse », « sens interdit », « sens obligatoire », « interdit aux démarcheurs et aux représentants », « propriété privée », « entrée interdite », « attention chien méchant », « avis à la population », …
Le nombre de panneaux vous commandant de faire ceci et de ne pas faire cela se multiplie et en même temps, nous voulons crier :
« Mais, après tout, je suis bien libre ! Je deviens une marionnette de la société : asseyez-vous ici ; attendez votre tour ; prenez un numéro d’ordre ; prenez la file de gauche ; allez au guichet n° 22 ; il vous manque tel papier ; signez à cet endroit ; revenez dans trois semaines ».
Nous sommes enfermés dans des codes, des règlements, des procédures, des marches à suivre, un peu comme une bouteille, dans une usine perfectionnée, qui est mise sur la chaine : on la remplit, on l’étiquette, on la capsule, on la couche sur le côté puis mise en boites, …
Nous sommes, nous aussi, enfermés, de moins en moins libres d’agir selon notre guise et à notre fantaisie et pourtant, nous avons un cœur, des jambes, une tête… et alors ? Et notre liberté dans tout cela ? Nos initiatives, nos désirs d’innover, de prendre des responsabilités, de créer, de découvrir ?
Jésus, avec la loi juive, a eu la même réaction : il avait en face de lui des pharisiens qui, à force de pratiquer la loi étaient devenus des automates, victimes de pratiques, de dévotions, de commandements de toutes sortes, à tel point qu’ils croient mettre Jésus dans l’embarras en lui demandant : « Maitre, quel est le plus grand commandement ? »
Il y en avait tellement ! En effet, les rabbins répartissent les 613 préceptes de la loi en 365 défenses : le nombre de jours de l’année et 248 commandements : le nombre, paraît-il, des composantes du corps humain … de quoi hésiter ? Non ? Ici encore, Jésus prend une position neuve, inattendue : il va en retenir deux, pas plus ! Et encore ce ne sont pas des commandements à proprement parler, mais des amours à cultiver : deux amours qu’il va souder : celui de Dieu – celui du prochain, mis sur le même plan et Jésus va encore plus loin.
Il ne s’agit plus d’une réglementation, il ne s’agit plus d’observer des articles, ni de m’aligner sur une conduite conforme à des commandements. Il s’agit seulement d’accueillir une présence : celle de Dieu, celle des autres. Jésus arrache les hommes à l’obsession des tabous, des observances : ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire, nos peurs et nos étroitesses.
Il nous rappelle que la sève de toute vie humaine, ce n’est pas un règlement, une conformité à des normes, c’est l’amour qui rejoint des êtres vivants et LE vivant. Il ne s’agit plus d’ordre ou d’obéissance, il s’agit de cœur, de visages, de contacts. En direct… Il ne s’agit plus de mettre sa conscience en règle, il s’agit d’aimer. Alors ? L’essentiel ?
L’essentiel a toujours un visage. Ce n’est pas quelque chose : un ordre, un avis, une interdiction, une loi. L’essentiel, c’est quelqu’un.
L’essentiel : le visage de mon époux, de mon épouse, de mes enfants, de mes voisins, de mes collègues de travail, tous ceux qu’il faut aimer et avec qui il faut vivre pour faire battre un cœur et promouvoir l’amour.