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26ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 21, 28-32)- par le Diacre Jacques FOURNIER

«Que votre Oui soit Oui »

(Mt 21, 28-32)

  En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple :
« Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.”
Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.
Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. » Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.
Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »

       

                       « Un homme avait deux fils ». L’un agira bien, l’autre mal, mais les deux sont ses fils et cela, rien ni personne ne pourra le changer. Le Père s’adresse donc ici à tous les hommes, quels qu’ils soient, quoiqu’ils fassent, et tous sont ses enfants, « créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28).

            « Il vint trouver le premier et lui dit : « Mon enfant » », et l’on pourrait continuer avec le prophète Isaïe : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43,4). « Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé » (Sg 11,24).

            S’adressant à son enfant, dans l’amour, le Père va solliciter sa liberté, et il la respectera infiniment : « Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne. » Personne d’autre que son enfant ne répondra à sa place… « Je ne veux pas » dit-il… Le Père ne lui proposait pourtant qu’un chemin de vie, pour son seul bien… « Je te propose la vie ou la mort… Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez ! » (Dt 30,19). Dieu, de son côté, ne veut que la vie pour son enfant, pour tous ses enfants, pour tout homme, et cela de tout son être ! Et il est infini ! La détermination et la force de son vouloir sont donc eux aussi infinis : rien ni personne ne le fera jamais changer d’avis ! Mais il ne peut contraindre qui que ce soit à recevoir son trésor (Mt 13,44), cette Plénitude qu’il veut donner à tous (Col 2,9-10 ; Ep 5,18 ; 1Th 4,8)… C’est à nous de lui dire librement : « Oui, je le veux ! » Dieu, de son côté, a déjà dit son « Je le veux ! », en nous créant… Et ce « Je le veux ! » est inaltérable, inébranlable : il ne peut qu’être éternel, comme Dieu lui-même… Mais il n’atteindra pleinement son but qu’au jour où nous lui donnerons enfin notre « Oui ! », de tout cœur… Ainsi, cet enfant qui avait commencé par dire « Je ne veux pas », « se repentit », et puisque, pour Dieu, la porte est toujours ouverte (Ap 21,25), et ses bras grands ouverts, « il y alla », enfin… Et c’est Dieu Lui-même qui, bouleversé d’amour et de compassion, va « courir se jeter à son cou et l’embrasser tendrement » (Lc 15,20).

            Mais nous ne le savons que trop bien : notre « Oui ! » est fragile, notre « Je veux ! » inconstant (Rm 7,14-25). Mais c’est justement ce tréfonds de notre être blessé, incapable de s’en sortir par lui-même, que Dieu attend et veut guérir, si nous acceptons de le lui offrir… Et ce que nous ne pouvons pas par nous-mêmes, Lui, il le peut et il le fera, il l’a promis, car il veut de tout son être notre salut, notre Plénitude, notre Bonheur éternel, avec Lui… DJF




25ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Alexandre ROGALA

« Allez à ma vigne, vous aussi,

et je vous donnerai ce qui est juste. »

Et qu’est-ce qui est juste ?

Il me semble que les textes proposés par la liturgie nous invitent à une conversion, c’est à dire à un changement de pensée. Ce dimanche nous sommes invités à dépasser notre conception humaine de la justice, qui est fondée sur le mérite. Les lectures que nous avons entendues nous font entrer dans la logique de la justice du Royaume des cieux, qui est une logique de gratuité et de miséricorde.

La première lecture est un extrait du chapitre 55 du Livre du prophète Isaïe. L’auteur écrit vers la fin de l’exil à Babylone aux alentours de 550-540 avant J.C. À cette époque, Cyrus le roi de Perse monte en puissance, et le prophète devine que le peuple d’Israël exilé va bientôt pouvoir rentrer en Terre Promise, quand l’empire babylonien sera défait par les armées de Cyrus. De fait, Cyrus permettra aux israélites exilés de rentrer chez eux en 538 av. J.C.

Dans le texte que nous avons entendu, le prophète s’adresse aux fidèles qui se préparent à repeupler Jérusalem pour leur préciser les conditions de leur bonheur. Il les exhorte à se convertir, et à faire confiance à la miséricorde de Dieu:

« Que le méchant abandonne son chemin, et lhomme perfide, ses pensées ! Quil revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. »

Le Seigneur pardonne toujours aux hommes gratuitement, sans aucun mérite de leur part, si ce n’est celui de Le chercher et de revenir à Lui. Cette gratuité totale est déconcertante. Elle peut même nous paraitre injuste. Isaïe en donne plus loin la raison :

« Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées. »

Dans le texte d’évangile de ce dimanche, Jésus veut parler à ses disciples de la justice du Royaume des cieux qui est bien différente de la justice humaine, pour ne pas dire contraire à celle-ci. Pour cela, Jésus leur propose d’écouter une parabole. Il s’agit de la parabole que nous avons l’habitude de désigner comme « la parabole des ouvriers de la dernière heure ».

Comme à son habitude, Jésus prend une image de la vie quotidienne de son temps. Au Ier siècle, dans la viticulture, il était assez courant d’embaucher des ouvriers journaliers quand on avait besoin de main-d’œuvre, notamment lors des vendanges.

Dans notre parabole, un accord sur le montant du salaire n’est conclu qu’avec le premier groupe de travailleurs. Il s’agit d’un denier, ce qui correspond au salaire habituel pour une journée de travail. Un denier (une pièce d’argent) n’est pas un salaire élevé, mais il assure ce qui est nécessaire pour vivre. On pourrait dire qu’un denier est le SMIC de l’époque de Jésus. Le maitre de la maison promet aux deux groupes de travailleurs suivants, de leur donner « ce qui est juste ». Au dernier groupe, le propriétaire de la vigne ne promet rien.

Au moment du versement de salaire, l’intendant a pour consigne de payer les ouvriers en commençant par les derniers à qui rien n’avait été promis. Les premiers travailleurs se scandalisent quand ils constatent que les ouvriers arrivés en dernier à la vigne reçoivent exactement le même salaire qu’eux. Il est possible que nous trouvions nous-aussi, la situation décrite dans la parabole injuste. Ce sentiment d’injustice que nous ressentons indique que nous avons encore besoin de conversion pour entrer dans la logique du Royaume.

Le personnage du maître de la vigne évoque le Christ à la fin des temps au jour du jugement, car le versement du salaire a lieu « le soir venu » (v. 8). Et puisque, nous sommes dans une parabole sur le Royaume des cieux, il est vraisemblable que la vigne dans laquelle le maître envoie des ouvriers, représente le Royaume.

Le maître de la vigne aurait pu avoir la paix s’il avait commencé par payer les premiers ouvriers, qui seraient partis avec leur salaire, sans savoir que les derniers recevraient la même somme d’argent. Mais si le maitre choisit de commencer par les derniers, c’est précisément parce qu’il veut leur enseigner quelque chose.

Apprenons donc du maître de la vigne en même temps que les premiers ouvriers.

Le premier enseignement de la parabole porte sur la façon dont Dieu, exerce sa justice. Le fait que les quatre groupes de travailleurs reçoivent le même salaire, signifie que ce salaire d’un denier est « ce qui est juste ». Comme nous l’avons dit plus haut, à l’époque de Jésus, le salaire d’un denier assurait ce qui était nécessaire pour vivre ; un denier permettait de subvenir à ses besoins quotidiens.                                                                                            Nous comprenons que la justice du propriétaire de la vigne, c’est à dire la justice de Dieu, est que chacun obtienne ce dont il a besoin pour vivre. C’est pourquoi, ce qui détermine la façon dont Dieu exerce sa justice, ce n’est pas la quantité de travail, ce n’est pas le mérite. Ce qui détermine la façon dont Dieu exerce sa justice, c’est la miséricorde.

Deuxièmement, si au jour du jugement, tous ceux qui ont travaillé à l’avènement du Royaume recevront exactement le même salaire, il est inutile de chercher à détenir une position ou un statut privilégié au sein de la communauté chrétienne.

Enfin, la fin de la parabole semble nous interroger personnellement: «  ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » (v. 15). Ne m’arrive t-il pas de me comparer aux autres ? Ne m’arrive t-il pas de me scandaliser de la bonté que Dieu manifeste à quelqu’un pour qui j’ai peu d’estime ? Ne m’arrive t-il pas de me demander pourquoi mon supérieur hiérarchique a choisi de donner telle opportunité à quelqu’un d’autre que moi, alors que j’étais plus méritant ? Toutes les questions de ce type sont inutiles. Elles ne sont que des reflets de notre méchanceté.

L’autre jour, je discutais avec une jeune fille qui est salariée dans la maison mère d’une congrégation religieuse. Cette jeune fille me disait qu’elle aimait tellement son travail, qu’elle se donnait à fond, et faisait des heures supplémentaires même si celles-ci n’étaient pas payées. Cette jeune fille est en CDD, et son contrat de travail se terminera en décembre. Je connais une autre fille qui travaille dans le même service et qui elle, est en CDI. Cependant pour celle-ci, ce travail n’est qu’un boulot alimentaire. Elle ne l’aime pas spécialement. C’est pourquoi, au travail elle ne fait que le strict minimum. Il y aurait de quoi crier à l’injustice ! Comment se fait-il que quelqu’un qui n’est pas motivé et qui ne fait pas grand chose au travail, ait un meilleur contrat de travail que quelqu’un de plus motivé et de plus méritant !? Et pourtant, quand j’ai discuté avec la première jeune fille, celle qui en CDD, à aucun moment, elle ne s’est comparée avec l’autre salariée. À aucun moment, elle ne l’a critiqué. Cette jeune fille se réjouissait simplement de pouvoir faire un travail qui lui plaisait.

C’est un bel exemple d’attitude évangélique : elle ne se compare pas inutilement aux autres, mais elle vit dans l’action de grâce.

À l’exemple de cette jeune fille, ayons nous aussi une vie digne de l’évangile. Nous avons entendu l’exhortation de saint Paul dans la deuxième lecture: « Quant à vous, ayez un comportement digne de l’Évangile du Christ » (Ph 1, 27).

Quand il écrit aux Philippiens, saint Paul est en prison. L’Apôtre est seul et sent sa mort prochaine. De plus, certains missionnaires chrétiens dénigrent Paul, ce qui rend vraisemblablement sa captivité encore plus pénible.

Saint Paul est dans l’incertitude, et se prépare au pire. Toutefois, il sait que depuis le jour où il a reçu sa vocation d’apôtre, il a tout donné pour l’Évangile du Christ. Il ne craint donc pas la mort. S’il sort vivant de sa captivité, il reprendra sa mission d’évangélisation, et s’il meurt, il a la certitude qu’il sera récompensé.

L’attitude de saint Paul est différente de celle des premiers ouvriers de la parabole qui récriminent contre le maître quand ils voient que les derniers arrivés reçoivent le même salaire alors qu’il n’ont presque pas travaillé. L’Apôtre ne compare son travail apostolique à celui des autres missionnaires chrétiens qui par jalousie, le discréditent. Saint Paul est simplement heureux du salaire qu’il est certain de recevoir le jour de sa mort. Que celle-ci soit lointaine, ou proche, l’Apôtre sait qu’il est sauvé et qu’il sera éternellement avec le Christ.

Que le Seigneur nous accorde de réaliser la grâce que nous avons d’être sauvés alors que nous n’avons pas plus de mérite que les ouvriers de la dernière heure, et qu’ainsi nous puissions toujours lui rendre grâce. Amen !




25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 20, 1-16) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

« Dieu ne pense pas et n’agit pas comme nous ! »

Les textes de ce 25ème dimanche nous invitent à convertir nos fausses idées de Dieu pour entamer de meilleurs chemins dans nos vies.

Le prophète Isaïe rappelait déjà à son époque[1] que les pensées et les voies des hommes ne sont pas celles de Dieu : « mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins » (première lecture).

Il y a bien un grand écart entre nos chemins et ceux de Dieu. Notre société prône de plus en plus la liberté absolue pour tous, où chacun serait le propre maître de sa vie et de ce fait, serait libre de faire ce qu’il veut. La tendance, à tort, serait de dire : « À chacun sa vie, selon son choix ! » Nous sommes indéniablement interrogés ce dimanche : Quelles sont les références sérieuses et solides sur lesquelles nous entreprenons les chemins de l’existence ?

Nous nous disons croyants mais quelle est notre véritable conception de Dieu ? Dans notre imagerie créole, l’hypothèse d’un Dieu vengeur ou punisseur est encore bien présente. Un mauvais syncrétisme religieux existant alimente -hélas- ces pensées… Isaïe nous donne des qualificatifs clairs concernant l’extrême bonté de Dieu : Dieu est « proche », « il se laisse trouver », il n’est que « miséricorde » et il « est riche en pardon ».

Le Dieu dont parle Isaïe exhorte fortement à fuir le chemin du mal : « Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! » Fuir les chemins de la méchanceté et de la perfidie[2], en nous rappelant que la seule norme reste l’Évangile du Christ.

Se dire chrétien, c’est faire sien ces qualificatifs d’Isaïe ! Toute pratique qui y serait contraire serait par conséquent à bannir. Demander à Dieu du mal envers son prochain serait de ce fait une véritable aberration. Pour bien entreprendre nos chemins, nous devons avant tout être en accord avec l’identité de Dieu à qui nous nous confions, pour mieux le prier…

Dans la deuxième lecture, extraite de sa lettre aux Philippiens, l’apôtre Paul se sait condamné à mort. Il affirme que pour lui, « mourir » serait « un avantage », ainsi, il serait toujours avec le Christ. Paul osera même dire : « c’est bien préférable ». Cependant, s’il doit rester dans ce monde, que ce soit pour « un travail utile », au service de l’Évangile. Paul se remet à l’unique volonté de Dieu. Il renonce à sa manière de penser pour s’ajuster à celle de Dieu…

Nous pouvons tirer une leçon de ce comportement de Paul : le Dieu, en qui nous croyons, n’est pas au service de notre volonté mais nous sommes au service de la sienne. Que nos demandes à Dieu se conforme à cette exigence, à l’image de la Vierge Marie : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1, 38).

Dans l’évangile, Jésus nous donne une parabole : « Les ouvriers de la onzième heure ». Dans cette parabole, nous avons à faire à une manière bien étrange du maître du domaine. Cela s’explique en partie par le fait que ce procédé n’est pas le nôtre. La parabole nous enseigne deux points majeurs :

  • Dieu n’agit pas selon nos calculs. Il est bon pour tous les hommes (tels qu’ils soient) et sa bonté ne se mesure pas : « Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » La bonté de Dieu envers l’homme pécheur peut nous déconcerter mais elle est réelle et incontestable ! Nous sommes trop sur le registre du mérite ou de la récompense, nous devons mieux consentir à celui de la gratuité !

  • La parabole pointe deux péchés qui empoisonnent nos relations humaines : la comparaison et la jalousie (c’est-à-dire le désir envieux de ce que l’autre possède). Chacun d’entre nous a ses talents et ses failles et personne n’est comparable… Nous devons renoncer au comparatif qui nous empêche de donner le meilleur de nous-même.

Par ailleurs, c’est bien la jalousie qui obstrue le regard des premiers ouvriers. Leur logique de l’accumulation les empêche de reconnaître la loyauté et la justesse du maître, selon pourtant ce qui était convenu : « Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. » L’évangile nous invite à dépasser clairement la logique marchande mise en place par l’homme… Lutter contre la tentation de la comparaison nous sollicitera davantage à fuir le marchandage.

Les textes de ce dimanche nous rappellent finalement que Dieu ne pense pas et n’agit pas comme nous. Si nous souhaitons suivre le Dieu de Jésus-Christ, nous ne pouvons que considérer à ces appels.

Prions le Seigneur :

Seigneur Jésus, tu nous montres quel est le chemin à suivre vers le royaume des Cieux.

Tu connais chacun de nous mieux que quiconque. Nous souhaitons, en ce dimanche, te confier chacune de nos vies.

Que ta Parole se grave dans nos cœurs. Donne-nous réellement de rechercher les réalités d’en-haut.

Guide nos chemins, apprends-nous à penser et agir comme toi. Fais de nous les derniers pour que nous devenions les premiers pour ta plus grande gloire. Toi notre Sauveur, aujourd’hui et pour les siècles des siècles. Amen.

 

[1] Le prophète Isaïe a vécu à Jérusalem, au VIIIème siècle avant Jésus-Christ.

[2] Perfide : Qui manque à sa parole, trahit la personne qui lui faisait confiance.




25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 20, 1-16) – par Francis COUSIN

« Justice des hommes … Justesse de Dieu ! »

Cette parabole que nous propose Jésus ce dimanche a de quoi nous surprendre … ou non !

Tout dépend comment on l’aborde, et surtout, quel est pour nous le personnage principal ?

Il y en a deux possibles : les ouvriers de la première heure … ou le maître du domaine …

Et bien souvent on pense en premier … aux ouvriers qui sont arrivés sur le chantier en premier …

Et là, dans notre société actuelle, et même depuis longtemps déjà, on n’est pas d’accord … on crie à l’injustice, comme l’un de ces ouvriers …

Comment accepter que quelqu’un qui a travaillé toute la journée … (et elle était longue la journée à l’époque : « Le maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. », c’est-à-dire à six heures du matin, jusqu’au « soir venu », c’est-à-dire à dix-huit heures, soit un total de douze heures …), soit payé la même somme, un denier, convenue d’avance, qu’un ouvrier n’ayant travaillé qu’une seule heure … eux qui avaient « enduré le poids du jour et la chaleur ! »

Et on ne parle pas de ceux qui ont commencer à travailler à neuf heures, midi, ou quinze heures …

Tous se sont sentis lésés par rapport à ceux de la dernière heure, leur travail a été dévalorisé … et eux se sont sentis rabaissés…

De manière générale, à l’heure actuelle, et même avant, le salaire est proportionnel au travail fourni ou à la durée du travail … et là, on est loin …

Les choses auraient été différentes si le maître du domaine avait payé les ouvriers dans leur ordre d’arrivée au travail, les premiers étant déjà partis n’aurait pas su combien les autres avaient été payés … Et il n’y aurait pas eu de récriminations … mais cela aurait complètement détruit l’intérêt de la parabole …

On voit mal Jésus donnant une parabole qui mettrait contre lui tous ceux qui l’entendraient.

Alors sans doute faut-il changer le centre d’intérêt de la parabole, et mettre le maître de domaine comme le personnage principal.

Et c’est tout-à-fait logique puisque la parabole débute par : « le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine. » …

Et le maître du domaine du royaume des Cieux, c’est Dieu, le père de Jésus …

Et il ne faut pas oublier que les voies de Dieu ne sont pas celle des hommes.

Dieu est amour, et il ne peut donner que de tout ce qui concours à l’amour … et certainement pas de l’amertume comme l’ont ressenti les ouvriers de la première heure …

Et qui est-ce qui ’’embauche’’ dans ce royaume, ou qui est-ce qui permet que certain soient   admis dans ce royaume ? c’est Jésus, qui y fera entrer tous ceux qui y ont été jugés dignes, à la fin des temps, à la Parousie …

Mais il y a une condition : se mettre d’accord sur le « salaire de la journée », c’est-à-dire sur le droit d’entrée dans le royaume des cieux : croire en Dieu, pour ceux qui l’ont connu, et vivre de sa Parole, … et pour ceux qui ne l’ont pas connu, avoir eu une vie de justice vis-à-vis de ceux qu’ils ont côtoyés.

Une vie qui ne soit pas marquée par la jalousie et l’égoïsme, comme les ouvriers de la première heure, mais une vie marquée par l’amour des autres, à l’image de Dieu …

Comme le dit saint Paul : « L’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil … ; il ne cherche pas son intérêt … ; il n’entretient pas de rancune … » (1 Cor 13,4-5).

À cela s’ajoute la miséricorde de Dieu, qui est de son seul ressort …

Alors les premiers de ce temps terrestre auront la même chose que les derniers du temps terrestre …, ceux qui ont plus de cent ans auront la même chose que les plus jeunes … de même ceux qui sont mort-nés … et même les enfants conçus dont les parents ont eu recours à l’avortement y seront accueillis dans la joie …

C’est la justice de l’amour de Dieu … ou plutôt sa justesse …

Seigneur Jésus,

certaines de tes Paroles

passent mal chez certains,

parce qu’ils réagissent un humains,

et non en chrétiens.

aide-nous à comprendre

le vrai sens de tes Paroles.

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 25°

 




Rencontre autour de l’Évangile – 25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 20, 1-16)

 » Vas-tu regarder avec un cœur mauvais parce que moi je suis bon ?« 

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mt 20, 1-16)

Après le discours sur l’Eglise, Matthieu place quelques passages dans lesquels Jésus souligne que la qualité des relations dans la communauté Eglise ne peut réussir sans une conversion profonde de chaque disciple : en particulier à propos du mariage, de la place des enfants, de la relation aux richesses.

Et aujourd’hui, c’est la parabole des ouvriers de la dernière heure, une parabole qui ne manquera pas d’étonner et même de déranger. Demander aux personnes de bien noter les personnages, leurs paroles, leurs réactions.  Noter aussi leurs propres réactions.

 

Soulignons les mots importants 

Pour entrer dans le texte ;

  • Quelles sont nos premières réactions devant la manière d’agir du « maître du domaine? (Noter comment on comptait les heures en Israël au temps de Jésus : 1ère h : 6h / 3è h : 9h /  6è h : midi / 9è h : 3h

  • Au deuxième groupe embauchés vers 9h, le maître dit qu’il va leur donner « ce qui est juste» :  c’est à dire ?

  • « Allez vous aussi à ma vigne» : comment recevons ces paroles ?

  • « Ces derniers venus, tu les traites comme nous… » : en quoi le dialogue qui s’engage entre les ouvriers du premier groupe et le maître est-il la clé de la parabole ?

  • Est-ce que leur réaction ne fait-elle pas penser à celle du fils aîné de la parabole du fils prodigue (Lc 15, 29-30) ?

  • Que veut nous enseigner Jésus sur Dieu son Père dans cette parabole ? Qui sont les « derniers » et les « premiers» ?

Pour l’animateur  

La parabole rapporte un cas choquant du point de vue de la justice sociale. Mais elle n’a pas pour but de nous enseigner quelle méthode un patron doit employer pour payer le juste salaire de ses ouvriers. Il est question du Royaume de Dieu où le Christ accueille avec la même bonté les premiers comme les derniers venus. Il nous révèle que Dieu n’est pas calculateur comme nous.

C’est ainsi que les ouvriers du deuxième groupe vont recevoir « ce qui est juste » : nous pensons naturellement à un salaire un peu plus faible, en stricte justice. Or la suite va montrer que Dieu n’est pas comme nous.

Le dialogue entre les ouvriers du premier groupe et Jésus donne la clé de la parabole : elle vise des gens qui ont une réaction comparable à celle du fils aîné dans l’histoire de l’enfant prodigue. Jésus veut répondre aux pharisiens et aux scribes qui lui reprochent de venir sauver les pécheurs. Eux, ils ont observé la Loi depuis toujours !  Les convertis de la dernière heure, eux, n’ont guère de mérites à faire valoir. Mais les pensées de Dieu ne coïncident pas avec les calculs des hommes.

Dieu a décidé de manifester sa tendresse envers les pécheurs ; voilà pourquoi Jésus, son envoyé, s’intéresse de si près à ces gens et cela choque ceux qui estiment avoir plus de droits aux attentions divines… comme si, en sauvant les pécheurs, Dieu enlevait quelque chose à ses fidèles.

Ceux que l’on serait tenté de considérer comme les derniers sont traités comme les premiers aux yeux de Dieu. (Matthieu pense à la femme répudiée par caprice, les enfants, le pauvre (chap.19) et aussi aux juifs qui ont répondu à l’appel du Christ, aux pécheurs et aux païens qui sont entrés en masse dans l’Eglise du 1er siècle et qui provoquaient des réactions négatives (colère et jalousie) chez les pharisiens.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Seigneur Jésus, une fois de plus tu nous révèles un visage, ton Père qui bouleverse nos petites idées étroites et fausses sur Dieu. Merci de nous redire que, quelle que soit notre situation de pécheurs, qui que nous soyons, ton Père nous offre à tous le même amour, la même grâce, avec la même générosité.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie  

Si nous sommes choqués par la parabole, n’est-ce pas parce que nous avons encore la mentalité des pharisiens, nous nous croyons plus méritants que certaines personnes que nous jugeons ?

Est-ce que notre œil n’est pas quelquefois mauvais parce que Dieu est bon, parce que l’Eglise se montre accueillante à l’égard de telle ou telle catégorie de gens… ?

En tant que baptisés-confirmés, nous avons été envoyés, chacun à son heure, à la Vigne (le domaine de Dieu, l’humanité appelée à devenir le Peuple de Dieu). Il y a de l’embauche pour tous, qui que nous soyons.

Dieu appelle sans arrêt ; sa générosité et sa bonté ne sont pas « limitées » par nos mérites.

Comment nous accueillons ce portrait merveilleux que Jésus nous trace de son Père ?

Quelle est ma part de travail dans le « domaine » de Dieu ?

 

Ensemble prions 

Chant : Dieu de tendresse  p. 257  c. 1 et 3

Père, dans ton immense bonté, regarde-nous, nous ces serviteurs de la parabole qui doivent à leur maître une somme énorme et se voient pourtant remettre toute leur dette.

A peine avons-nous reçu cette faveur, que nous saisissons à la gorge ceux qui ne nous doivent presque rien, pour commander qu’ils nous remboursent tout ; immédiatement.

Père, nous désapprenons vite que Tu nous nous as tout pardonné. Nous sommes des débiteurs à la mémoire courte, qui deviennent en un instant des créanciers impitoyables, exigeant d’être payés jusqu’au dernier sou.

Garde-nous, Père, d’une telle arrogance et d’un tel oubli, car Tu nous as tout pardonné. Amen.  (Cardinal Danneels)

 

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25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 20, 1-16)- Homélie du Père Louis DATTIN

 Les ouvriers de la 11e heure

Mt 20, 1-16

Vous vous en doutez bien, frères et sœurs, cette page d’Evangile n’est pas pour nous dire comment un chef d’entreprise doit payer son personnel. S’il en était ainsi, l’entreprise en question aurait vite fait de se mettre en faillite et d’envoyer au chômage tous ses employés avec l’accord unanime de tous les syndicats.

Le but de Jésus, dans cette parabole est tout autre : elle veut nous faire comprendre l’immense bonté de Dieu pour les pauvres, les déshérités, les marginaux et son amour gratuit, désintéressé à l’égard de ceux qui n’ont aucun mérite à faire valoir. « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui embauche des ouvriers pour les vendanges ».

– Le Royaume des cieux : c’est Dieu lui-même ; les ouvriers : c’est nous, les humains.

– Il embauche le matin puis à midi, à trois heures, à cinq heures du soir ! Il n’y a pas d’heure pour travailler à l’œuvre du Père : quel que soit le moment de la journée, Dieu embauche et ce n’est pas tant l’urgence du travail que la vision de ces gens affalés, oisifs, démobilisés et pauvres par voie de conséquence qui va inciter le maître à les envoyer à sa vigne : les ouvriers, c’est nous, les humains ; tous, quel que soit notre âge, notre condition, nos forces, nos capacités, nous sommes embauchés au travail du Père. A la fin de la journée, c’est la paye : et, surprise ! Indignation ! Il donne aux derniers embauchés le salaire d’une journée, comme à ceux qui avaient travaillé dès le matin alors que les derniers n’ont fait qu’une heure. Qu’est-ce-que ça veut dire ?

– Ces derniers embauchés représentent les paumés, les pauvres types, ceux qui n’ont pas eu de chance dans leur vie, ceux que l’on a envie d’ignorer : voyous, clochards, cagnards et vauriens de toutes sortes, ceux que l’Evangile appelle souvent « les publicains et les pécheurs ». Eh bien ! Ceux-là, Jésus nous dit que Dieu les aime autant que les autres. Ils gardent toute leur valeur à ses yeux : d’ailleurs, Jésus, non seulement les fréquente, mais il mange avec eux, comme avec des amis.

« La volonté de mon Père, dit-il, c’est que pas un seul d’entre eux ne se perde ! » Eh bien oui ! Dieu est comme ça ! Il ne pose aucune condition discriminatoire à l’amour qu’il porte aux pauvres et aux pécheurs. Tout homme, quel qu’il soit, est précieux à ses yeux.

Attention, frères et sœurs, à ne pas nous tromper de Dieu ! Le vrai Dieu révélé par Jésus-Christ, c’est celui qui nous a aimé le premier, sans initiative de notre part alors que nous ne le connaissions même pas ! C’est le Dieu généreux qui n’attend pas que l’on ait fait un premier geste à son égard, mais qui met son point d’honneur à offrir son salut à tous les pécheurs, à tous les malchanceux. L’obtention de la présence de Dieu n’est pas due à nos mérites, mais à sa miséricorde : Dieu est tellement différent de ce que nous pensons de lui ! Ses réactions, ses penchants sont si dissemblables des nôtres !

Rappelez-vous aussi la parabole de l’enfant prodigue : ce garnement, égoïste et ingrat qui quitte la maison familiale pour aller faire la noce dans un pays lointain et qui finit par revenir, non pas à cause de son père ! Mais parce qu’il n’avait rien à manger ! Son Père, notre Dieu, court au-devant de lui, dès qu’il l’aperçoit sur la route du retour, il l’embrasse, il lui a déjà tout pardonné : on fait la fête pour l’accueillir !

A travers ces paraboles, Jésus nous dit 3 choses :

– la 1ère, vous aussi, faites de même : ne soyez pas mesquins, vengeurs ; soyez généreux, magnanimes, miséricordieux comme votre Père du ciel ; ne calculez pas comme Pierre qui fait des comptes : « Combien de fois devrais-je pardonner ? Jusqu’à 7 fois ? »

« Mais non, répond Jésus, pas jusqu’à 7 fois, mais jusqu’à 77 fois sept fois ! Cesse donc de calculer ! Est-ce-que, moi, Dieu, je calcule le nombre de fois où je vous pardonne ? »

Rappelez-vous Jésus, avec Pierre justement, après la Résurrection : Pierre l’avait renié ; non seulement Jésus lui pardonne mais il lui redonne toute sa confiance, il en fait le premier pape de l’Eglise :

« Sois le pasteur de mon troupeau tout entier ». Folie de l’amour de Dieu !

– 2e chose à retenir : si Dieu regarde avec amour, comme ses enfants bien aimés, les plus pécheurs, les plus malchanceux, les plus voyous, à plus forte raison les étrangers, comoriens ou autres mahorais, sachons les regarder, nous aussi avec amour, avec respect et les considérer comme des frères, sans les juger ? Ce n’est pas facile d’avoir, à notre tour, sur eux, le même regard que Dieu.

– 3e chose à retenir surtout : souvenons-nous que nos rapports avec Dieu, ne sont pas des rapports de serviteurs à maître. Jésus nous a dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais ‘’ AMIS ’’ ».
Le serviteur attend de son patron un salaire pour le travail fourni, peut-être même un peu plus… un treizième mois, toujours prêt s’il est, en plus, un bon syndicaliste, à réclamer davantage, il va comparer son salaire avec celui des autres par jalousie, par dépit de voir ceux qui n’ont travaillé qu’une heure recevoir autant que lui. C’était la mentalité de ces bien-pensants du temps de Jésus, les pharisiens, puisqu’ils pratiquaient la loi, ils s’estimaient être quittes envers Dieu et Dieu se devait de les récompenser !

 

« J’ai fait ceci, tu me dois ça ! », « J’ai dit cette prière, j’ai fait cette neuvaine, j’ai fait plaisir à mon voisin ; maintenant, à mon tour : Paye-moi ! ».

Non ! Dieu n’est pas un commerçant dont nous sommes les clients.

 

 

Il n’est pas derrière un comptoir avec un grand livre où il fait le total de ce que j’ai fait pour lui. Il me prend dans ses bras et me dit : « Mais toi, tu es mon fils ».

Si nous avons cette mentalité du  » donnant-donnant  » avec le Père, nous sommes de ceux qui se croient  » les premiers  » et qui seront  » les derniers  » dans le Royaume des cieux, après les publicains et les prostituées qui se sont convertis au dernier moment. L’explication, voyez-vous, c’est que nous ne sommes plus sous le régime du droit et de la loi mais sous le régime de l’amour et de la grâce. Nous ne serons jamais quittes envers Dieu et jamais nous ne pourrons l’aimer comme il nous a aimés ! Alors ? Que faut-il faire ?

Il nous traite comme des fils parce qu’il est Père : aimons-le d’un cœur filial. Aimons Jésus de toutes nos forces puisqu’il nous a choisis comme Amis ! Passons d’une mentalité juridique à une mentalité affectueuse et nous serons dans le « vrai « .

A travers ces paraboles qui nous choquent parce que notre mentalité n’est pas celle de Dieu, nous n’aurons jamais fini de découvrir Dieu ! Isaïe, tout à l’heure, nous disait :

« Cherchez Dieu, cherchez le Seigneur, cherchez-le dans la prière filiale, cherchez-le dans la méditation de l’Evangile : vous verrez

 Dieu n’est pas celui que vous croyez, cherchez-le avec votre intelligence et aussi et surtout avec votre cœur… Et plus vous le chercherez, plus vous constaterez qu’il est différent de nos réactions humaines, mesquines, égoïstes, juridiques ».

« Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant ses chemins sont élevés au-dessus de vos chemins et ses pensées au-dessus de vos pensées ».

 Dieu nous dépassera toujours… heureusement pour nous ! AMEN




24ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Alexandre ROGALA

Dans l’extrait du chapitre 14 de la Lettre aux Romains que la liturgie nous propose comme deuxième lecture ce dimanche, saint Paul écrit:

« Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, cest pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants » (Rm 14, 8-9)

Celui qui, comme l’Apôtre, vit pleinement son appartenance au Christ Jésus, ne craint pas de mourir. La mort et la résurrection du Christ lui garantissent la présence de Dieu, non seulement dans sa vie, mais aussi dans sa mort. Celui qui appartient au Christ « a la certitude que rien ne pourra le séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur » (cf. Rm 8, 39)

Cette certitude, est-elle aussi la nôtre ? Si nous appartenons au Christ; si nous sommes chrétiens, nos vies ne devraient-elles pas refléter cet amour miséricordieux de Dieu pour nous ?  Alors que dimanche dernier, les lectures proposées par la liturgie nous rappelaient la nécessité de la correction fraternelle, celles de ce dimanche, nous invitent à la pratique du pardon fraternel.

La première lecture est tirée du Livre de Ben Sira. Ben Sira était un sage qui vivait à Jérusalem au IIe siècle avant J.C. Il tenait dans la Ville Sainte, une école dans laquelle il enseignait à des jeunes garçons vraisemblablement issus de bonnes familles. Ben Sira préparait ces jeunes aristocrates à la vie adulte, c’est à dire à exercer des responsabilités dans la société et dans la communauté, mais aussi à bien choisir leurs épouses et leurs amis.

Ben Sira était un homme de prière qui avait l’humilité de demander pardon pour ses fautes. Dans le magnifique texte que nous avons entendu aujourd’hui en première lecture, Ben Sira nous enseigne que le pardon du prochain est la condition pour que nous puissions recevoir le pardon divin:

« Pardonne à ton prochain le tort quil ta fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? Sil na pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses péchés à lui ? Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ; qui donc lui pardonnera ses péchés ? Pense à ton sort final et renonce à toute haine » (Si 28, 2-6a)

Dimanche dernier, Jésus nous a exhorté à pratiquer la correction fraternelle dans le but de gagner un frère qui s’égare (Mt 18, 15-20). Pierre a bien compris qu’il devait accorder son pardon au frère qui se repent suite à la réprimande qui lui a été adressée. Dans le texte d’évangile d’aujourd’hui, il pose maintenant la question de la limite du pardon, en la centrant sur le tort subi à titre personnel.

L’offre de Pierre de pardonner à son frère « jusqu’à sept fois » est généreuse comparée à la réponse à cette question la plus courante dans le judaïsme rabbinique qui était « quatre fois ». Toutefois, Jésus va encore plus loin en déclarant qu’au sein de la communauté chrétienne, le pardon ne connait aucune limite.

Pour expliquer à Pierre la raison pour laquelle le chrétien doit toujours pardonner à son frère, Jésus lui propose une parabole.

Dans la première scène de celle-ci, il est question d’un roi auquel un serviteur est incapable de rembourser sa dette de dix-mille talents. Dix-mille talents correspond au salaire de soixante millions de journées de travail pour un ouvrier. Il s’agit donc d’une somme colossale qu’il est impossible de rembourser. Face à cette situation, le maitre décide de vendre son serviteur, avec sa famille et toutes ses possessions. Dans un geste de soumission, le serviteur se jette aux pieds du roi et fait la promesse irréaliste de  rembourser sa dette astronomique. À ce moment là, coup de théâtre ! Le roi décide d’annuler la dette de son serviteur.

Dans la deuxième scène de la parabole, le débiteur qui vient d’être gracié, rencontre un compagnon de service qui lui doit une somme modique. Le compagnon de service supplie le premier serviteur de prendre patience en utilisant des termes identiques à ceux auxquels il avait eu lui-même recours devant le roi: « Prends patience envers moi, et je te rembourserai ». Contrairement à la dette initiale de dix-mille talents du premier serviteur, il est tout a fait possible de rembourser une dette de cent deniers. Mais le premier serviteur ne veut rien entendre, et fait emprisonner son compagnon.

Dans la dernière scène, quand le roi est informé de ce qui s’est passé, la sanction ne se fait pas attendre: le maitre livre son serviteur aux bourreaux.

Comment se fait-il qu’à l’instar des compagnons du premier serviteur, nous soyons nous-aussi, « profondément attristés » (v. 31), voire scandalisés, par sa décision de faire jeter en prison le compagnon qui lui devait cent deniers ? N’est-il pas normal d’exiger d’une personne qui nous a emprunté de l’argent, qu’elle nous rembourse ? Aujourd’hui encore, dans certains pays, la peine d’emprisonnement pour dette existe. Alors, comment se fait-il que l’application d’une justice sans-pitié par le premier serviteur soit intolérable pour l’auditeur de la parabole ?

C’est en répondant à ces questions que nous pouvons comprendre la raison pour laquelle, à l’intérieur de l’Église, le pardon est une obligation absolue. N’aurait-il pas été naturel qu’après avoir fait l’expérience d’un acte de miséricorde inouï, le premier serviteur entre lui-même dans le monde de la gratuité et de la miséricorde du roi ?

À la question de Pierre sur le nombre de fois où nous devons pardonner à un frère, Jésus répond qu’il n’y a aucune limite au pardon fraternel, parce que celui qui est prié de pardonner est quelqu’un qui vit lui-même du pardon infiniment plus grand de Dieu.

Enfin, si celui a qui je dois toujours pardonner est mon « frère », cela signifie que si je ne peux pas pardonner à quelqu’un qui m’a fait du mal, cette personne n’est plus mon « frère », mais mon « ennemi ».

Soyons honnêtes ! Nous avons tous des personnes dans notre entourage à qui nous n’arrivons pas à pardonner de tout notre cœur. Parfois même, ces personnes font partie de la même  communauté paroissiale que nous.

Il me semble que dans cette situation, nous devons appliquer un autre commandement du Seigneur Jésus: « Vous avez appris quil a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 43-44). Il est possible qu’à force de prier pour mon « ennemi », celui-ci redevienne un « frère » à qui je peux pardonner.

Par nos propres forces, il est évidemment impossible de vivre l’exigence évangélique du pardon fraternel. Demandons donc à Dieu notre Père de transformer nos cœurs afin que nous puissions voir tout homme, comme le frère (ou la sœur) à qui nous pouvons toujours accorder notre pardon.

Amen !




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

Lectures : Si 27, 30 – 28, 7 ; Mt 18, 21-35

 

La première lecture et l’Évangile de ce dimanche abordent la question du pardon. Le commandement du pardon est bien manifeste dans l’Ancien Testament (première lecture) : « Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. » Jésus ne fera qu’accomplir ce commandement, en le menant à sa perfection. Suivre Jésus, c’est désormais sortir de la loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent ».

La réponse de Jésus à la question de Pierre, dans l’Évangile, va bien dans ce sens : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. » Le chiffre sept dans la Bible est symbolique, il exprime la perfection. Nous devons pardonner indéfiniment…

Le terme « pardon » vient du latin per qui exprime l’idée de perfection et de donare qui signifie « donner ». Littéralement, le pardon est le don parfait. Le pardon vient de Dieu car Dieu est miséricordieux. La miséricorde exprime une attitude de l’être profond de Dieu qui remue comme aux entrailles. Dieu rejette le péché mais pas le pécheur. Sa miséricorde le pousse à agir pour secourir l’homme égaré. Jésus est l’incarnation de ce Dieu miséricordieux, le bon Pasteur.

De ce fait, le pardon est un devoir à accomplir. Il nous faut prendre le chemin de la réconciliation. Un chemin qui peut être long et plus difficile selon les cas… il n’y a pas de recette toute faite dans le chemin de la réconciliation mais nous pouvons souligner huit caractéristiques à considérer dans toutes les situations :

  • C’est d’abord une grâce à demander au Seigneur. C’est Dieu qui fera ce travail de pardon dans nos cœurs.

  • Pardonner ne signifie pas oublier. Le pardon n’est pas l’amnésie. Nous ne pouvons pas non plus faire semblant d’avoir oublié.

  • Il faut éviter de ressasser les évènements. Ressasser n’aide pas à la réconciliation. Ressasser alimente la douleur, la rancune, la colère et la haine. Ben Sira le Sage nous met en garde contre ces sentiments destructeurs : « Rancune et colère, voilà des choses abominables
    où le pécheur est passé maître. (…) Pense à ton sort final et renonce à toute haine, (…) Pense aux commandements et ne garde pas de rancune envers le prochain, (…) et sois indulgent pour qui ne sait pas. ».

  • Consentir à la rude épreuve de la patience. La réconciliation se fait sur le temps… Il faut opter pour la patience envers les autres mais aussi, en premier lieu, la patience envers soi-même.

  • Il faut sans cesse prier comme nous le demande Jésus : prier pour nos ennemis, nos persécuteurs, ceux qui nous haïssent et nous maudissent. La prière nous permet de recevoir la force de Dieu pour entreprendre le chemin de la réconciliation.

  • Faire la vérité sur les faits. Il est bon de reconnaître la responsabilité de l’autre mais sans occulter ou minimiser sa propre responsabilité. Cela est nécessaire pour un vrai acte de pardon.

  • Vivre le sacrement du pardon. Ce sacrement peut vraiment nous apporter une résurrection spirituelle. Le sacrement du pardon permet de parler de sa(ses) blessures, de recevoir des conseils et de discerner les appels de Dieu.

  • Consentir que notre démarche de réconciliation puisse être refusée par l’autre, même si dans les faits, nous ne sommes pas nos torts. Aussi dur que sera ce refus, nous aurons accompli ce que demande l’Évangile. Cela nous apportera une sérénité et une paix car nous aurons vécu le commandement du pardon jusqu’au bout. Poser cet acte dépend de chacun de nous en nous rappelant que le refus du pardon restera l’affaire de l’autre avec le Seigneur. Nous serons ainsi en accord avec notre conscience.

Ces quelques caractéristiques nous rappellent que pour entreprendre le chemin de la réconciliation, il nous faut faire preuve de beaucoup de compassion, d’indulgence, non pas comme le mauvais serviteur de la parabole. Il a pourtant bénéficié de la compassion de son maître mais il n’est pas capable d’en faire preuve envers son compagnon qui lui devait de l’argent, un cœur sans pitié. Ne relativisons pas trop vite nos duretés de cœur, Jésus nous met en garde : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

Les lectures de ce dimanche nous alertent sur le commandement du pardon. Aussi dure qu’il soit, il n’est pas impossible et c’est une exigence pour entrer dans le royaume des Cieux. Nous serons jugés sur les actes de miséricorde que nous aurons posés. C’est la grâce que nous demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie, que nous soyons davantage enveloppés de la compassion de Dieu envers notre prochain.

Pour conclure, rappelons-nous que pour pouvoir pardonner, il faut tout d’abord faire l’expérience du pardon de Dieu dans nos propres vies. C’est la base pour pouvoir vivre la réconciliation avec les autres. Et ce n’est pas non plus sans rappeler la nécessité de se pardonner soi-même en vue d’un vrai acte extérieur de réconciliation.

Seigneur Jésus, apprends-nous à pardonner. Nous te confions ces chemins de réconciliation encore difficiles à entreprendre. Fais que nous ressentions l’effet de ton pardon dans nos vies et donne-nous des cœurs plus compatissants et plus miséricordieux, des cœurs semblables au tien. Amen.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – par Francis COUSIN

« Pardon reçu … pardon donné … »

 

Le pardon … voilà un sujet bien difficile … mais qui ne devrait pas l’être …

Et de plus en plus, on parle de choses impardonnables …

Non pas comme certains qui font des remontrances et qui, sous le coup de la colère, s’écrient « Ce que tu as fait là est impardonnable ! » … mais quand ce sont des parents qui disent cela à leur enfant, on sait qu’ils ne le pensent pas vraiment … et qu’ils oublieront vite la faute …

Mais on en parle de plus en plus souvent même dans la législation … notamment en ce qui concerne des crimes de guerre … ou contre l’humanité …

Il y en a aussi qui disent : « Je te pardonne … mais je n’oublie pas ! » … ce qui, en fait, n’est pas un pardon dans la pensée de Dieu. Quand Dieu pardonne, il oublie tout ce qui a mené à son pardon … la faute n’est plus, car pardonnée !

Il y a même des personnes qui, en disant le Notre Père, passent au-dessus des paroles concernant le pardon : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », de peur d’être pris en otage par une parole qu’ils n’ont pas l’intention de mettre en œuvre … et d’autres qui les disent comme une sorte de chantage vis-à-vis de Dieu : « J’ai pardonné, donc tu devras me pardonner par la suite … ». Mais un pardon sans réelle volonté de pardonner n’est pas un réel pardon … Il n’a aucune valeur …

Dans le passage d’évangile de ce jour, c’est Pierre qui s’approche de Jésus pour lui demander combien de fois faut-il pardonner : « Jusqu’à sept fois ? », ce qui signifie l’achèvement du pardon … En donnant ce nombre, Pierre pensait sans doute faire preuve de grandeur d’âme …

La réponse de Jésus est différente et va bien plus loin : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. », c’est-à-dire tout le temps … Il n’y a pas de limite au pardon de Dieu, et donc aussi au pardon de chacun.

Et Jésus enchaîne sur une parabole, avec des nombres assez extravagants : un roi, qui représente Dieu, fait les comptes avec ses serviteurs. « Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent). ».

Le nombre n’a rien de possible, car on voit mal un serviteur qui puisse avoir une dette aussi énorme : si on considère que le prix d’une journée de travail est d’une pièce d’argent (cf les ouvriers envoyés à la vigne Mt 20,2), cette somme correspond à environ 166 667 années de travail sans jours de congés … mais cette somme impensable est là pour montrer la grandeur de l’amour de Dieu vis-à-vis des humains.

Bien entendu, le serviteur ne peut pas rembourser une telle somme, et devant la menace d’être vendu avec toute sa famille, et privé de tous ses biens, il promet ce qu’il ne peut tenir : « Je te rembourserai … prend patience. »

Et le maître, saisi de compassion, et plein de miséricorde, lui remet totalement sa dette.

Cela aurait pu en rester là … le serviteur est quitte de sa dette … et le roi (Dieu) a tellement d’amour en lui que le peu qu’il a concédé à son serviteur ne lui coûte rien, lui qui n’est qu’amour.

Mais voilà qu’en sortant de chez son maître, le serviteur tombe sur un de ses compagnons qui lui doit une somme dérisoire, tout au moins par rapport à la sienne, et sans doute vexé d’avoir été le premier à être convoqué par le maître, il lui saute dessus et lui demande de rembourser sa dette : pas grand-chose par rapport à sa dette à lui : cent pièces d’argent ! Soit 600 000 fois moins que sa propre dette. Il aurait pu abandonner sa créance, vu la largesse dont il avait bénéficié … mais il insiste et menace son collègue …

Mais le pauvre homme ne peut le rembourser. Il utilise les mêmes mots que lui-même avait utilisé : « Je te rembourserai … prend patience. ».

Mais lui, refuse et le fait jeter en prison.

C’est cette réaction, dépourvue de compassion, qui met en colère le roi : « Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? », et il livra aux bourreaux.

Il est condamné parce qu’il a refusé le pardon qu’il avait reçu en premier …

« C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. ».

Le vrai pardon ne peut être donné qu’avec un sentiment d’humilité et d’amour vis-à-vis de la personne à qui on pardonne.

Et cela n’est pas toujours facile …

Seigneur Jésus,

dans ton grand amour,

tu es toujours prêt

à pardonner nos fautes

si nous en faisons vrai contrition,

dans l’humilité et dans le respect

des autres, mais surtout

si nous pardonnons aux autres

leurs fautes envers nous.

Merci de ta miséricorde.

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 24°

 




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – par le Diacre Jacques FOURNIER

« Pardonner comme Dieu pardonne »

(Mt 18, 21-35)

  En ce temps-là, Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi,10 combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).
Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.”
Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : “Rembourse ta dette !”
Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai.”
Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait.
Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s’était passé.
Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : “Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié.
Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?”
Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

                    

           Dans sa question à Jésus, Pierre met une limite maximale au pardon : pas plus de « sept fois »… Et cela doit lui apparaître énorme… Mais Jésus lui répond « soixante dix fois sept fois », c’est-à-dire toujours… Le contraste entre la petitesse de nos visions humaines et l’infini de Dieu est ici saisissant… Et nous retrouverons ces proportions dans la parabole que Jésus donnera pour illustrer ce principe.

            Un serviteur devait 10 000 talents à son roi, soit environ 280 millions d’Euros… Bien sûr, il ne peut pas rembourser. S’applique alors la règle de l’époque : le vendre, lui, ses biens et toute sa famille en remboursement de sa dette. Il était libre, il sera esclave… Il vivait avec sa femme et ses enfants : ils seront séparés, dispersés, chacun étant promis à un avenir de souffrances et d’oppression… Cet homme est brutalement plongé dans la détresse : tout s’écroule autour de lui, et lui-même s’effondre aux pieds de son roi… Ce vocabulaire de la dette sera repris par Jésus dans le Notre Père (Mt 6,12) : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs ». Nous avons donc ici une belle image du péché et de ses conséquences souvent dramatiques : il détruit l’homme, et c’est cela que Dieu ne supporte pas…

            « Prends patience envers moi, et je te rembourserai »… Il a vraiment tout perdu, même son bon sens… A une époque où un employé agricole gagnait une pièce d’argent par jour (Mt 20,2), il faudrait qu’il reverse intégralement son salaire au roi pendant 165 000 ans ! Mais face à lui, le roi est « bouleversé jusqu’au plus profond de ses entrailles », il ressent « une viscérale compassion ». Il le comprend, il se met à sa place, sa détresse devient la sienne ; il a du cœur et il agit selon son cœur : « il lui fit remise de sa dette ». L’énormité de cette dette témoigne de l’infini de sa générosité…

            Mais en sortant, le serviteur rencontre un compagnon qui lui devait 100 deniers, soit 415 €. La somme est importante et correspond bien aux montants de nos échanges, mais quelle comparaison possible avec la précédente ? L’homme se montrera pourtant intraitable… Il n’a pas « remis à son débiteur comme Dieu lui avait remis ». Il n’a pas fait preuve de compréhension, de compassion, de miséricorde. Il n’a pas su donner un peu, alors qu’il avait reçu infiniment… En agissant ainsi, il se condamne en fait lui‑même en s’excluant de la logique de l’Amour, de la Lumière et de la Vie… DJF