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21ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Père Rodolphe EMARD

Homélie du dimanche 21 août 2022

Lectures : Is 66, 18-21 ; Ps 116 ; He 12, 5-7. 11-13 ; Lc 13, 22-30

Les textes de ce 21ème dimanche du Temps ordinaire donnent de réfléchir sur la question du nombre des sauvés : Combien seront sauvés ?

Le prophète Isaïe et le Psaume évoquent un salut largement offert à tous alors que l’Évangile semble nous dire le contraire. Jésus parle en effet d’une porte étroite. Que pouvons-nous en dire ?

Dans la première lecture, Isaïe évoque un salut universel : « Ainsi parle le Seigneur : (…) moi, je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire ». Isaïe invite à reconnaître la place des nations non-juives dans le projet de salut de Dieu. Nous avons sans doute l’un des textes les plus universels parmi les prophètes de l’Ancien Testament.

Le Psaume prolonge la première lecture. Le psalmiste invite tous les peuples à louer le Seigneur, à reconnaître son amour et sa fidélité envers tous.

Comment comprendre alors l’enseignement de Jésus qui pourrait sembler contradictoire ? Il y aurait-il « que peu de gens qui soient sauvés ? » comme le suggère ce passant que Jésus rencontre ? Ce serait ainsi donner raison aux Témoins de Jéhovah qui estiment le nombre de sauvés à 144 000. Un « maigre » chiffre pour toutes les générations passées, présentent et futures… La population mondiale actuelle approche le seuil de 8 milliards d’habitants… 144 000 places restent un chiffre très limité !

Penser ainsi serait faire du Salut une compétition, un concours qu’atteindraient uniquement les premiers de la classe. Jésus ne remet pas en cause l’universalité du Salut. Dans le projet de Dieu, il n’est pas question de triage. Un Salut réservé à quelques-uns serait-il un vrai Salut ?

Le Salut de Dieu est avant tout un don à accueillir. Personne ne pourrait se prévaloir une place au Royaume par ses propres forces. Sans le Christ, nous ne pourrons rien faire mais sans notre engagement, le Christ ne pourra rien faire non plus. Dieu, dans son amour infini pour l’humanité, veut que tous les hommes soient sauvés mais il ne peut pas les contraindre à être sauvés s’ils ne le veulent pas. L’amour infini de Dieu ne saurait obliger l’homme qu’il a créé libre.

C’est en ce sens que la porte est étroite. La porte c’est le Christ lui-même, le seul chemin qui mène au Père. Elle n’est fermée à personne mais elle est bien étroite. Jésus nous rappelle par-là les exigences de l’Évangile auxquelles nous devons répondre. Nous ne pourrons pas entrer dans le Royaume de Dieu remplis de nous-même, chargés de nos richesses matérielles d’ici-bas.

Être dans la gloire de Dieu, c’est être rempli de toute la vie de Dieu, de tout son amour. L’amour : voilà l’unique clé qui nous permettra de prendre la porte étroite ! Vivre l’amour c’est combattre l’injustice : « Éloignez-vous de moi, vous qui commettez l’injustice ».

L’appel de Jésus est sans équivoque : personne n’est privée du Royaume mais à tous de le désirer vraiment. Une remise en cause de soi est pour cela nécessaire. La deuxième lecture tirée de la lettre aux Hébreux nous invite à nous laisser corriger par Dieu. La correction de Dieu n’est pas arbitraire ou tortionnaire. L’auteur de la lettre aux Hébreux nous dit : « Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ».

La correction de Dieu ne punit pas mais elle fait grandir. La correction de Dieu est remplie de miséricorde. C’est en se laissant corrigé par Dieu, en vivant de son pardon, que nous saurons alors corriger nos frères avec douceur et bienveillance. Corriger sans jugement ni condamnation mais dans le souci d’aider, de relever ceux qui sont éprouvés.

Frères et sœurs, en ce début de rentrée scolaire, que la liturgie de la Parole de ce dimanche nous aide à mieux prendre au sérieux la question de notre propre salut. Que nous puissions nous désencombrer, nous dépouiller de ce qui est inutile pour saisir ce qui est utile pour être sauvé.

Je vous souhaite à tous une belle rentrée sous le regard du Christ. Je termine avec les versets du Psaume :

« Louez le Seigneur, tous les peuples ;
fêtez-le, tous les pays ! Son amour envers nous s’est montré le plus fort ;
éternelle est la fidélité du Seigneur ! »
Amen.




21ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

La porte étroite

Lc 13,22-30

            «  Seigneur, n’y aura- t- il que peu de gens à être sauvés ? » Jésus leur dit alors : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite car je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas ».

Si un jour, frères, vous allez à Bethléem, dans la basilique construite sur la grotte où Jésus est né, vous aurez une surprise : c’est une basilique sans façade, pas de portail ; seulement à l’entrée, un grand mur, et dans le bas, à gauche, une petite porte, toute petite, seul accès possible dans ce lieu où Dieu s’est dépouillé de tout pour devenir « petit enfant des hommes ». Certes, il y a des explications matérielles et historiques à l’exiguïté et l’étroitesse de cette porte : il était plus facile de contrôler qui entrait ; au temps des invasions, et Dieu sait s’il y en eut, la basilique était plus facile à défendre, mais les chrétiens, en voyant cette porte, se sont toujours rappelés la « Porte étroite » de l’Evangile d’aujourd’hui.

Les cavaliers du Moyen-Age étaient obligés de descendre de leur  monture et même d’enlever tout leur équipement pour pouvoir passer. Le touriste américain avec tous ses appareils de photos sur le ventre était obligé d’en faire autant.

Nous croyons naïvement que de grandes portes sont largement ouvertes pour accueillir tous les hommes dans le Royaume. Nous faisons entrer volontiers dans le paradis toutes les foules « de bonne foi ».

Aujourd’hui, Jésus déçoit notre optimisme. « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». Il y aura une foule massée devant cette petite porte, un jour fermée, car un jour elle sera fermée, alors cette foule se mettra à taper sur cette porte, à crier : « Seigneur, ouvre-moi ». Il y a erreur : nous t’avons bien connu, nous sommes des baptisés, nous avons mangé et bu en ta présence : la messe ; tu nous as enseigné sur nos places : les homélies. Rien à faire, pas d’erreur possible ; la réponse arrive, toujours la même : « Je ne sais pas d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal ».

Et de l’autre côté du mur, nous entendons les cris de joie de toute une foule de gens venus d’orient, du nord et du midi, ceux dont nous étions persuadés qu’ils étaient loin de Dieu : quelle surprise ! Quelle erreur !

En face d’un tel récit qui a de quoi nous faire peur, nous serions tentés de poser, nous aussi, cette question : « Seigneur, n’y aura- t-il que peu de gens à être sauvés ? », et Jésus refuse de répondre ou plutôt, il répond à côté, il renvoie le questionneur à lui-même :

« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ».

 Autrement dit, au lieu de nous demander s’il y aura beaucoup d’élus, nous devons nous efforcer, nous, d’être un de ces élus. Une certaine époque, pas si lointaine, celle du jansénisme, ne faisait entrer que quelques privilégiés dans ce Royaume, tandis que la tendance inverse prévaut aujourd’hui : on y enfourne tout le monde comme si la réponse était du côté de Dieu… ! Au lieu de s’interroger, de façon toute théorique sur le nombre des élus, nous ferions mieux de nous demander : « Et moi, qu’est-ce-que je fais pour en être ? »

La réponse est non pas du côté de Dieu, mais du côté de l’homme. Ce n’est pas « le Seigneur, va-t-il ouvrir ou non, le Royaume à peu ou à beaucoup de gens ? », mais bien plutôt : « les hommes vont- ils, oui ou non, passer  la porte étroite  pour entrer  dans  la maison du Père ? »

Au lieu de nous interroger sur le petit ou le grand nombre des élus, nous devons plutôt nous efforcer d’en faire partie !

Quelle est cette porte étroite ? C’est celle même que Jésus va franchir : il est en effet sur la route de Jérusalem et monte vers sa passion. La porte étroite, c’est la mort à soi-même, la lutte, l’effort, l’épreuve à surmonter, le scandale d’un échec, le Vendredi Saint. Et lorsque le Christ sera entré dans la salle du Royaume, il restera pour tous les croyants à suivre le même itinéraire : accepter réellement la passion pour marcher vers la Résurrection. Voilà la porte étroite, voilà par où nous devons passer : exigences austères, conditions sévères, trajet pas facile.

Dieu n’est pas plus démagogue avec nous qu’il ne l’a été avec son Fils : « Celui qui veut me suivre et qui ne prend pas sa croix, n’est pas digne de moi ». Notre salut ne se trouve nullement assuré d’avance et ce n’est pas Dieu qui est dur, mais l’homme qui résiste à sa bonté.

« Efforcez-vous », nous dit-il aujourd’hui. C’est pour nous l’acceptation « pratique » du Christ dans notre vie à nous, une fidélité rigoureuse à son message, une foi qui se traduit dans le concret, traçant une route sûre, mais dure qui nous mène au salut.

Nous ne pouvons pas évacuer le mystère de la Croix et de la mort du Christ dans son existence. Dans la nôtre non plus, notre religion n’est pas celle de la facilité : il ne suffit pas pour nous d’avoir côtoyé Jésus ou d’avoir entendu sa prédication pour qu’il ouvre la porte de sa maison à ceux qui frapperont.

Il faut, dès maintenant, mettre son enseignement en pratique, y conformer sa vie, sous peine de s’entendre répondre : « Je ne sais pas d’où vous êtes ».

Ce refus dramatique du peuple de la promesse, du peuple élu, qui a renié le message de Dieu, qui a refusé l’Evangile du temps de Luc, alors que  les  païens, en  grand  nombre, entraient  dans l’Eglise, était  déjà  la confirmation des paroles de Jésus : ils ont mangé  et bu en sa présence, ils ont  écouté  son  enseignement sur les places,… ces foules qui entouraient Jésus, qui s’entendent dire :

« Je ne sais pas d’où vous êtes, éloignez-vous de moi ».

Mais ces paroles ne s’adressent pas qu’à eux, elles s’adressent à tous les temps, elles s’adressent aussi au nôtre : c’est curieux, quand Jésus parle, on a toujours l’impression que c’est « pour les autres ».

Ne risquons-nous pas, à notre tour, de nous endormir dans une fausse assurance ? A notre époque où la facilité et le « relaxe », le « cool » et le « zen » sont si souvent vantés, où la publicité nous engage à avoir des muscles en trois semaines, apprendre l’anglais en deux mois, perdre des kilos ou maigrir en mangeant autant qu’avant, où ordinateurs et robots peuvent paraît-il, tout faire à notre place , il est bon que le Seigneur, dans cet Evangile, nous rappelle l’effort indispensable pour franchir la porte étroite.

Remarquons que, même aujourd’hui, rien ne se fait de valable, dans aucun domaine, sans travail, sans effort, sans sacrifice. Il n’y a qu’au loto, où c’est facile, pas cher ? Et rapportant gros ; mais, là aussi, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus !

Comment voulez-vous qu’il en soit autrement, alors qu’il s’agit de la plus grande affaire de notre vie : celle de notre salut, de notre vie éternelle ? L’Evangile, c’est vrai, est exigeant, et c’est à cause de cela qu’il y a de moins en moins de chrétiens. La porte pour eux est trop étroite  lorsqu’ils voient clair ou bien elle leur paraît très large lorsqu’ils voient mal. Mais ces exigences sont celles de l’amour.

Or, il n’y a pas d’amour, sans oubli de soi, sans don de soi, sans dépouillement de soi, sans pauvreté, sans miséricorde. Etre chrétien, c’est aimer comme le Christ a aimé : jusqu’au don de soi, jusqu’à la Croix : la passion qui mène à la résurrection.

Voilà la porte étroite qu’il s’agit de franchir.

Il s’agit, pour nous chrétiens, d’y mettre le prix, comme Jésus. Il s’agit de le suivre. Or « il s’est anéanti pour moi, il a pris la dernière place ».

Oui ! « Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers ».  AMEN




21ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (St Luc 13,22-30)

« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »

C’est la question qui a été posé à Jésus, sur le chemin qui l’amenait à Jérusalem … et donc à sa mort.

C’est une question qui préoccupent … ou du moins devrait préoccuper beaucoup de gens … même s’ils ne le disent pas comme cela …

On dit plutôt : « Qu’y a-t-il après la mort ? » ou bien : « La mort est-elle la fin de notre vie, sans rien après ? »

« N’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »

Avec peut-être cette autre question, sous-entendue, « Sont-ils nombreux ceux qui seront condamnés, qui iront à leur perte ? En enfer ? ».

Cela, c’est une question qu’on ne formule pas … On a trop peur de la réponse …

Alors on préfère dire, comme dans la chanson : « On ira tous au Paradis … »

Parce que, finalement, c’est une troisième question qui nous intéresse vraiment : « Est-ce que, moi, j’irai au Paradis ? »

Jésus ne répond pas directement, comme on dit, il semble botter en touche … « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. »

Parce qu’à côté de cette porte étroite, il y a un chemin très large, ou plutôt des chemins, bien larges, sans obstacles, sans pentes rudes, qui se présentent à nous, … et que bien souvent nous préférons emprunter : « Il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s’y engagent. » (Mt 7,13) … mais sans s’en rendre compte … ou trop tard …

On est souvent bien intentionnés, on s’engage dans l’Église ou des associations, on fait beaucoup de choses … comme Marthe de Béthanie … à qui Jésus déclare : « Marie a choisi la meilleure part, elle ne le lui sera pas enlevée. » (Lc 10,42) : écouter Jésus, et mettre en pratique ce qu’elle entend …

Pour trouver la porte étroite, il faut d’abord écouter Jésus, car c’est lui qui a dit : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé » (Jn 10,9).

Il faut donc que notre écoute ne soit pas une écoute distraite, comme c’est souvent le cas, mais une vraie écoute, avec deux éléments importants que l’on doit avoir dans notre cœur : se reconnaître faible et pécheur, et compter sur la miséricorde de Dieu.

Il est sûr que ce ne sont pas des qualificatifs qui soient très reconnus dans notre monde actuel … Je dirai même que c’est plutôt l’inverse : on néglige les faibles et on met en avant les forts, quant à se reconnaître pécheurs … ça le fait pas !

Jésus dit plus loin : « Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. ».

Et le premier qui est passé par la porte étroite, tout le monde le connaît : c’est le bon larron …

Il était à côté de Jésus, au Golgotha, et se reconnaît pécheur : « Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » et il ajoute « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » (Lc 23,41-42). Il se reconnaît pécheur, et il croit.

Mais on pourrait presque dire aussi que c’est Jésus qui vient vers lui et qui lui permet de dire cela.

La porte est étroite, mais elle est aussi basse. Comme celle de l’église de la Nativité à Bethléem. Pour pouvoir entrer dans l’église, il faut se baisser … (Heureusement, il y a aussi deux grandes portes pour accueillir la foule …)

Pourquoi basse ? parce que : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » (Mt 18,3). C’est l’apprentissage de l’humilité.

Pour trouver le chemin de la porte étroite, une seule solution : se rapprocher de Jésus, de son enseignement, approfondir de sens de ses paroles, lui qui est tout amour … et retenir ce que disait saint Paul : « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. » (1 Co 13,1), Être un bruit … alors que Jésus nous demande d’être un dispensateur d’amour.

« L’humilité, le dépouillement, l’esprit d’enfance, ce sont les conditions d’accès au Paradis. Manifestement, si nous voulons avoir quelque chance d’y entrer, il va falloir un peu dégraisser le mammouth… » (Père Guillaume de Menthière)

Seigneur Jésus,

la porte étroite, il faut la chercher,

et il est difficile de la trouver.

Heureusement pour nous,

tu nous dis ‘Efforcer-vous d’y entrer’

parce que seul, on ne peut la trouver,

et il faut que tu sois à nos côtés

pour qu’on la trouve.

Merci Seigneur.

 

Francis Cousin

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21ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (St Luc 13, 22-30)

« Efforcez-vous

d’entrer par la porte étroite »

(Lc 13,22-30)

En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant.
Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit :
« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas.
Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.”
Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.”
Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.”
Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors.
Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »

        

 

            « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? », demande-t-on à Jésus ? Du côté de Dieu, la réponse est claire : « Dieu, notre Sauveur, veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité. En effet, il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous » (1Tm 2,3‑6). Comme le chante la Vierge Marie, l’infini de la Miséricorde de Dieu est Toute Puissante (Lc 1,49-50). « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent » (Ste Thérèse de Lisieux).

            Mais le croyons-nous vraiment ? Ce Trésor du « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), infini en son Amour, est offert dès maintenant à notre foi. Osons-nous croire qu’il en est réellement ainsi ? La Foi est la réponse de l’homme à Dieu qui se révèle, et cette réponse ne peut que l’engager tout entier dans une démarche de repentir sincère, qui sera offrande à Dieu, en toute vérité, de tout ce qui, dans sa vie, porte la trace du mal… Si nous consentons à cette démarche, en toute liberté, alors Dieu qui de son côté l’attend, l’espère, la désire de tout son être, enlèvera vite toute trace du mal pour nous donner en retour la Plénitude de sa Vie. « Le Christ est Sauveur, sa mission est de pardonner… Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ : effacer le péché et emmener l’âme à Dieu » (Elisabeth de la Trinité).

            Alors, il s’agit de « lutter », jour après jour, avec sa Force même, appuyés sur sa Miséricorde toujours prête à nous venir en aide, pour dire « non » à tout ce qui, en nous, s’oppose à lui… Par nos propres forces, c’est impossible. « Voyez les petits enfants : ils ne cessent de casser, de déchirer, de tomber, tout en aimant beaucoup, beaucoup leurs parents. Quand je tombe ainsi, cela me fait voir encore plus mon néant et je me dis : Qu’est-ce que je ferais, qu’est-ce que je deviendrais, si je m’appuyais sur mes propres forces?!… Je comprends très bien que St Pierre soit tombé. Ce pauvre Saint Pierre, il s’appuyait sur lui-même au lieu de s’appuyer uniquement sur la force du bon Dieu » (Ste Thérèse de Lisieux, Carnet Jaune).

            Dans notre Evangile, certains frappent à la porte du ciel, mais elle ne s’ouvre pas… « Seigneur, nous avons mangé et bu devant toi, tu as enseigné sur nos places ». Mais de cœur, ils étaient toujours attachés au mal, refusant de se convertir. « Eloignez-vous de moi vous tous qui commettez l’injustice ». Mais ce langage est pédagogique. Ce n’est pas Dieu qui chasse qui que ce soit, Lui qui ne poursuit que le bien de tous les hommes qu’il aime. C’est l’homme qui, en commettant l’injustice, s’éloigne lui-même de Dieu. Alors, quel sera notre choix ? DJF




Rencontre autour de l’Évangile – 21ième Dimanche du Temps Ordinaire

“ Efforcez-vous d’entrer

 par la porte étroite ”

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons  (Lc 13, 22-30)

Au fur et à mesure que Jésus approche de Jérusalem, son enseignement devient de plus en plus exigent. Le passage que nous méditons aujourd’hui fait suite à deux petites paraboles : la graine de moutarde qui devient un grand arbre et le levain qui fait lever la pâte : Jésus annonce par là que, malgré les apparences modestes et les débuts difficiles, son œuvre de salut réussira. Mais pour l’heure, Jésus enseigne qu’il est urgent de se convertir.

Et soulignons les mots importants 

Entrer par la porte étroite : Que signifie cette “ porte étroite ” ?

Le maître de maison : Qui est ce maître de maison ?

Eloignez-vous de moi : Pourquoi il est impossible aux gens qui sont dehors  d’entrer dans la maison ?

Pleurs et grincements de dents : Que peut bien signifier cette expression qui est souvent employée par Jésus pour ceux qui se mettent en dehors du Royaume,

Le Royaume de Dieu :

Orient-Occident-Nord-Midi :

Festin

Derniers-premiers

 

Pour l’animateur 

On n’entre pas au festin du Royaume sans effort. Jésus ne répond pas directement sur le nombre des élus. L’important n’est pas là, mais de se demander comment faire pour être sauvé.

La porte étroite, c’est la fidélité, quoi qu’il en coûte, pour parvenir au Royaume. La porte étroite pour Jésus, ce fut le passage par la passion et la croix. Le salut est totalement offert par Dieu, et il l’accorde par pure grâce ; mais la porte étroite signifie qu’il y a un combat à mener, un effort à faire pour vivre selon l’Evangile du Christ.

Mais la porte, c’est aussi le Christ lui-même. Il est l’unique passage qui permet l’accès au Royaume de Dieu.

Le maître de la maison n’est autre que Jésus lui-même. Comment pourrait-il refuser l’entrée dans le Royaume à ceux qui le lui demandent ?

En fait dans la parabole Jésus dénonce ceux qui “ disent et ne font pas ”, ceux qui font valoir des titres, mais ne pratiquent pas l’amour.

Pour les juifs à qui Jésus s’adressait, beaucoup estimaient que le fait d’être fils d’Abraham suffisait pour être assuré du salut. La même tentation peut guetter le chrétien : ne suis-je pas baptisé ? Est-ce que je ne fais pas mes devoirs ? Je fais des prières, des pèlerinages ! Et puis Dieu n’est-il pas miséricordieux ?

Nul ne peut faire valoir un titre : juif, chrétien, prêtre, religieuse, catéchiste, membre d’une fraternité, d’un mouvement…

Ce qui compte, c’est notre manière de vivre aujourd’hui en tant que disciples du Christ. Nous n’aurons aucun mérite, aucun titre, à faire valoir quand nous arriverons à la porte du Royaume. Il faut que la conversion soit au rendez-vous. Il n’y a pas d’automatisme du salut !

Jésus parle de changer pour devenir comme des petits enfants (Mt 18,3)

Pleurs et grincements de dent, c’est une expression qui expriment le dépit le remords de ceux qui n’ont fait aucun effort pour entrer dans la vie nouvelle, éviter le mal et faire le bien.

Le Royaume de Dieu, autrement dit le bonheur du ciel, de la vie éternelle avec Dieu,  est proposé à toute personne qui vit dans la droiture, la justice et la charité. Il y aura des surprises au festin de Dieu. Jésus annonce que des derniers seront premiers et des premiers qui seront derniers. Cela veut dire que c’est Dieu seul qui juge de la valeur des uns et des autres.

TA PAROLE DANS NOS COEURS

Nous écoutons Jésus parler à notre cœur. Il nous appelle chacun à prendre au sérieux notre baptême,  notre vie de fils et de filles du Père. Nous sommes les invités de Dieu. Les invités au bonheur du Royaume. Et la porte d’entrée est étroite. Il est nécessaire de se faire petit. Jésus dit qu’il faut devenir comme des petits enfants. La porte, c’est Jésus mort et ressuscité. Le disciple n’est pas au-dessus du maître. Pour suivre le Christ, un combat est nécessaire pour refuser le mal et faire le bien quoi qu’il en coûte. Suivre le Christ, c’est porter chaque jour sa croix.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS

L’Evangile aujourd’hui dans notre vie

Il n’y aura pas davantage d’automatisme du salut pour les chrétiens qui remettront à demain la réforme de leur conduite. Pour tous, la porte est étroite.

Comment nous considérons  notre vie de chrétiens?

Le baptême que nous avons reçu est-il pour nous un engagement à être fidèle au Christ, une responsabilité vis-à-vis de nos frères ?

Est-ce que  nous ne sommes pas tentés de nous contenter d’un petit minimum ? Est-ce que nous nous efforçons d’entrer par la porte étroite : sommes-nous petits devant Dieu, sans prétentions, sans autre certitude que la miséricorde de Dieu ?

Il ne s’agit pas de dire “  Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ”  pour excuser nos infidélités, nos manques de sérieux dans notre vie de baptisés, pour nous permettre n’importe quoi, et trouver tout normal, même quand c’est mal !

N’avons- nous pas remplacé le jugement de Dieu par le nôtre ?

Sommes-nous attentifs à ceux qui ne sont pas chrétiens ? Est-ce que nous les considérons comme appelés eux aussi à entrer au festin du Royaume ? Sommes-nous pour eux des témoins de l’amour de Dieu ?

ENSEMBLE PRIONS   

Chant : O Seigneur, guéris-nous (carnet des paroisses p.189)

Les mains vides devant toi, Seigneur,

N’espérant que ton amour.

Le cœur lourd de nos refus d’aimer

Nous levons les yeux vers toi.

 

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21ième Dimanche du Temps Ordinaire

 

 




Assomption de la Vierge Marie – par Père Rodolphe EMARD

Homélie du lundi 15 août 2022

Frères et sœurs, nous célébrons aujourd’hui la Vierge Marie élevée au Ciel. Le peuple réunionnais a toujours voué un grand culte à Marie. Cela se vérifie dans le patrimoine religieux et l’organisation de l’Église à la Réunion. Près de 37% des églises, des chapelles et oratoires portent un vocable marial. Près de 32% des paroisses sont mises sous le patronage de Marie.

Si nous regardons notre secteur, le doyenné Saint-Denis Ouest, trois paroisses sont dédiées à Marie : Notre Dame de l’Assomption, Notre Dame de la Source et ici, Notre Dame de la Délivrance.

Marie est vénérée sous différents vocables. Sur l’île, nous avons notamment deux grands lieux de pèlerinages mariaux : La Vierge Noire à la Rivière des Pluies, Notre Dame de la Salette à Saint-Leu.

Rappelons-nous, tous ces vocables conduisent à un seul et principal vocable, celui de Marie, Mère de Dieu, Théotokos, cette affirmation du concile d’Éphèse en 431. C’est ainsi que nous vénérons Marie dans la prière eucharistique : « Permets qu’avec la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, (…), nous ayons part à la vie éternelle » (cf. prière eucharistique n°2).

Tout découle de la maternité divine de Marie. Sa conception immaculée, sa virginité perpétuelle, son Assomption, sa maternité sur l’Église sont des conséquences de sa maternité divine :

  • Marie, dans la gloire de sa virginité a enfanté le Sauveur du Monde, le Fils de Dieu. C’est la raison pour laquelle, elle a été conçue sans péché : « Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine selon laquelle la bienheureuse Vierge Marie fut dès le premier instant de sa Conception, par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute souillure de la faute originelle est révélée de Dieu, et que par conséquent elle doit être crue formellement et constamment par tous les fidèles »[1].

  • L’Assomption de la Vierge Marie que nous fêtons aujourd’hui, est la conséquence directe de la maternité divine de Marie : « Nous prononçons, déclarons, et définissons comme un dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, la Vierge Marie, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire céleste »[2]. Celle qui a porté le Corps du Sauveur, la toute pure, ne pouvait pas connaître la corruption du tombeau, la dégradation corporelle.

  • Par la volonté de son Fils, Marie continue d’exercer sa maternité divine sur l’Église parce que l’Église est le Corps du Christ, le prolongement du Christ. La préface de la messe souligne : « Aujourd’hui, la Vierge Marie, la Mère de Dieu, est élevée au ciel. Elle est le commencement et l’image de ce que deviendra ton [l’] Église en sa plénitude, elle est signe d’espérance et source de réconfort pour [le] peuple encore en chemin ».

Nous aimons chercher du réconfort auprès de la Mère de Dieu. C’est bien, faisons-le ! Marie nous soutient, elle nous accompagne sur le chemin de son Fils. Il est bon de prier Marie mais de bien la prier !

Si nous revenons à l’Évangile, le cantique de Marie nous révèle qui elle est et ce que nous devons demander en premier lieu, avant nos multiples demandes :

  • Marie nous invite avant tout à rendre grâce au Seigneur : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! » L’Eucharistie que nous négligeons parfois ne signifie-t-il pas « rendre grâce » ?

  • Marie nous invite à prendre le chemin de l’humilité et du service : « Il s’est penché sur son humble servante ». La grandeur de Marie se situe incontestablement dans son humilité. Nous prions souvent pour nous-même mais qu’en est-il de la prière pour mon prochain ? Nous prions souvent Marie mais nos prières sont-elles humbles ?

  • Le Magnificat de Marie exprime une confiance totale de Marie dans la toute-puissance de Dieu : « Le Puissant fit pour moi des merveilles ». La confiance de Marie porte en un Dieu riche en miséricorde et en amour, qui « élève les humbles », qui « comble de biens les affamés », qui relève son peuple. Nos demandes à Marie sont-elles animées de la même confiance ?

La prière d’ouverture de la messe du jour nous invite en cette fête de l’Assomption de Marie à nous tendre « vers les réalités d’en haut » pour que « nous obtenions de partager » la « gloire du ciel », à laquelle participe Marie dans son âme et son corps. Cette réalité, nous sommes tous appelés à y participer : « J’attends la résurrection des morts » disons-nous dans le Symbole de Nicée-Constantinople. « Je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle » disons-nous encore dans le Symbole des Apôtres. Le Christ ressuscité nous ressuscitera dans un corps glorieux, semblable au sien. Marie est l’image de l’Église à venir. Qu’elle tourne nos cœurs vers cette réalité.

Belle fête de l’Assomption !

« Pour ta gloire, on parle de toi, Marie : aujourd’hui tu es élevée bien au-dessus des anges, et tu partages le triomphe du Christ à jamais » (Antienne d’ouverture, messe de la veille au soir).

[1] Dogme de l’Immaculée Conception, par le pape Pie IX, le 08 décembre 1854. Constitution apostolique Ineffabilis Deus.

[2] Dogme de l’Assomption, par le pape Pie XII, 1er novembre 1950. Constitution dogmatique Munificentissimus Deus.




Assomption de la Vierge Marie, 15 août 2022 (DJF)

Le dogme de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie fut proclamé par le Pape Pie XII en 1950 : « La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort ».

« L’Assomption de la Sainte Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des autres chrétiens » (Catéchisme de l’Eglise Catholique).

Cette Assomption de Marie est la conséquence directe de son « Immaculée Conception » dont le dogme fut proclamé en 1854 par le Pape Pie IX : « La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel. »

En effet, lorsque St Pierre annonce la Résurrection du Christ à ses compatriotes juifs, il déclare, en citant le Psaume 16 : « Dieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de la mort. Aussi bien n’était-il pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir ; car David dit à son sujet : (…) ma chair elle-même reposera dans l’espérance que tu n’abandonneras pas mon âme à la mort et ne laisseras pas ton Saint voir la corruption. Tu m’as fait connaître des chemins de vie, tu me rempliras de joie en ta présence » (Ac 2,24‑28).

« Tu ne laisseras pas l’Immaculée Conception voir la corruption », « tu ne laisseras pas ta Sainte voir la corruption »…

Marie fut ainsi sanctifiée des les premiers instant de son existence, elle qui fut conçue par Anne et Joachim, selon la tradition, une femme, un homme qui étaient pécheurs, comme tout le monde… Il s’agit donc d’un acte totalement gratuit de salut dont Marie a été l’heureuse bénéficiaire et c’est bien ainsi qu’elle le comprend quand elle chante, au tout début du Magnificat, sa joie en Dieu « son Sauveur » : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur »…

Ce salut, cet acte de Création et de Rédemption opéré dans le sein de sa mère, Anne, selon la tradition, Marie l’attribue à la Toute Puissance de la Miséricorde de Dieu car tel est bien le « visage » de Dieu qu’elle nous présente au cœur de ce même Magnificat : « Le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. Saint est son nom, et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. »

Or, dans la Bible, Dieu est « saint » en tant qu’il est le seul à être ce qu’il est : « Je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi, je suis le Saint » (Os 11,9). « À qui me comparerez-vous, dont je sois l’égal, dit le Saint ? » (Is 40,25). A personne, car Dieu est le seul à être ce qu’il est, à tel point que lorsque Moïse lui demande son Nom, il répond : « Je suis… Je suis Celui qui est » (Ex 3,14). Et avec ce dernier verset, nous percevons que la notion de « Nom » dans la Bible renvoie elle aussi à ce qu’est la personne… Ainsi, lorsque Marie dit au sujet de Dieu « Saint est son Nom », elle renvoie, tout aussi bien par la notion de « sainteté » que par celle de « nom », à ce que Dieu Est en Lui-même. Et les deux précisions qui entourent cette expression dans le Magnificat, « le Tout Puissant fit pour moi de grandes choses… sa miséricorde s’étend d’âge en âge » nous permet de dire que pour Marie, « Dieu est Miséricorde Toute Puissante »

Nous sommes au cœur de notre foi, affirmée deux fois par St Jean : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). La Miséricorde est le visage de l’Amour face à notre misère

Et le P . François Varillon écrit : « En Dieu, il n’y pas d’autre puissance que la puissance de l’amour et Jésus nous dit (c’est lui qui nous révèle qui est Dieu) : « Il n’y pas de plus grand amour que de mourir pour ceux qu’on aime » (Jn15, 13). Il nous révèle la toute-puissance de l’amour en consentant à mourir pour nous… La mort du Christ nous révèle ce qu’est la toute-puissance de Dieu. Ce n’est pas une puissance d’écrasement, de domination, ce n’est pas une puissance arbitraire telle que nous dirions : qu’est ce qu’il mijote là-Haut, dans son éternité ? Non, il n’est qu’amour mais cet amour est tout-puissant… Qu’est ce qu’un amour qui est tout puissant ? C’est un amour qui va jusqu’au bout de l’amour. La toute-puissance de l’amour est la mort : aller jusqu’au bout de l’amour c’est mourir pour ceux qu’on aime. Et c’est aussi leur pardonner. » (Extrait de « Joie de croire, joie de vivre »).

St Paul déclare la même chose : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rm 5,8), pour tous les hommes, tous, sans aucune exception… En effet, il écrit aussi : « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés… et le Christ Jésus s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6)…

Or, « tout ce que veut le Seigneur, il le fait au ciel et sur la terre, dans les mers et jusqu’au fond des abîmes » (Ps 135(134),6). C’est pourquoi St Paul écrit encore : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé. En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu’Il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence…

Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! -, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions…

Le Christ a aimé l’Église », et à travers elle, l’humanité tout entière : « il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée » (Ep 1,3-14 ; 2,4-10 ; 5,25-27), comme l’est la Vierge Marie, sauvée par la Toute Puissance de la Miséricorde de Dieu dès les premiers instants de sa conception… Et comme « tu ne peux laisser ta sainte voir la corruption », Marie fut élevée par Dieu dès après sa mort à la Plénitude de la Gloire par son Assomption…

Et ce chemin de Marie est appelé à être le nôtre à tous…

Imaginons une balance, en mettant d’un côté toute notre misère, toutes nos fautes, tous nos péchés, tous nos actes manqués, tout, absolument tout, et de l’autre côté la Puissance Infinie de la Miséricorde de Dieu à notre égard, à l’égard de tout homme… Qui gagnera ?

Tel est le fondement de l’espérance de notre salut… « Pour les hommes, c’est impossible. Mais pour Dieu », pour l’Amour Infini et Inconditionnel, pour l’Amour Tout Puissant, « tout est possible » (Lc 18,27)… Dans la Basilique du Rosaire, à Lourdes, il est écrit au dessus du si beau visage de la Vierge Marie, Reine du Ciel et de la terre : « Par Marie, à Jésus », pour que tous, par la Miséricorde Toute Puissante de Dieu, nous soyons un jour comme Marie, saints et immaculés dans l’Amour…

                                                                                                 D. Jacques Fournier




L’Immaculée Conception de Marie et son Assomption…

« Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi », dit l’Ange à Marie (Lc 1,28). Le Nouveau Testament a été écrit en grec. Derrière ce « Comblée-de-grâce » se cache un seul mot, et il n’apparaît qu’ici dans tout le Nouveau Testament : « κεχαριτωμένη, kekharitôménê ». Au 4° siècle après Jésus Christ , St Jérôme l’a traduit en latin par : « gratia plena », qui a donné notre « pleine de grâce » dans la prière « Je vous salue Marie, pleine de grâce »…

 

Ce mot « κεχαριτωμένη, kekharitôménê » n’est pas facile à traduire, car le même St Luc emploie l’expression « πλήρης χάριτος, plêrês kharitos » pour présenter Etienne en Ac 6,8 comme étant « plein de grâce ». Alors, « κεχαριτωμένη, kekharitôménê » aurait-il exactement le même sens ? Pour répondre à cette question, nous ne pouvons que faire appel à une grammaire grecque, et avancer petits pas petits pas… Et nous aboutirons finalement à l’Immaculée Conception de Marie et à son Assomption…

Xεχαριτωμένη est le participe d’un verbe, « χαριτόω, kharitoô » :

1 – En grec, les verbes qui se terminent par « – όω » sont des « causatifs » : ils indiquent une action qui effectue quelque chose dans la personne ou l’objet concernés. Ainsi πληρόω, « rendre plein, remplir », λευκόω, « rendre blanc, blanchir », δουλόω, « rendre esclave, asservir », ἐλευyερόω, « rendre libre, libérer »… Ces verbes expriment donc un changement dans la personne ou l’objet concernés par l’action décrite. Or la racine du verbe χαριτόω est χάρις, «  kharis, la grâce », un terme qui a donné en français « charismatique ». Appliqué à la Vierge Marie, l’idée qu’il exprime est donc celle d’un changement opéré en Marie par la grâce…

2 – Ce participe, κεχαριτωμένη, est au passif : Dieu est donc, sous entendu, Celui qui accomplit cette action en Marie…

3 – D’autre part, cette forme verbale, en grec, est un « parfait » : ce temps décrit une action passée dont les conséquences se font toujours sentir dans l’aujourd’hui du texte. Une note de la Bible de Jérusalem y fait allusion : « comblée de grâce », littéralement « toi qui as été et qui demeures remplie de la faveur divine »…

Récapitulons : Dieu (2), à un instant du passé (3), a « totalement rempli » Marie de sa grâce, et cette action a opéré en elle un changement (1). Cet état « d’être rempli de grâce » et ce changement demeurent toujours au moment où l’Ange s’adresse à elle (3).

Remarquons maintenant que ce terme κεχαριτωμένη est employé par l’Ange comme un nom propre donné à Marie. La traduction liturgique met d’ailleurs une majuscule pour l’indiquer : « Comblée-de-grâce ». Or, le Nom, pour un Juif, n’est pas seulement une étiquette : il dit toujours quelque chose du mystère de la Personne qui le porte. Ainsi, lorsque Jésus révèle à Simon sa vocation, il lui donne un nom nouveau, il le transforme par un Don de l’Esprit Saint :

Mt 16,15-19 : Jésus demanda à ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? »

Alors Simon prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »

Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas :

ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.

Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ;

et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.

Je te donnerai les clés du royaume des Cieux :

tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux,

et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux»

En changeant le nom de Simon en « Pierre », Jésus lui révèle sa vocation et toute vocation est en fait un Don qui permet à la personne appelée de répondre à cet appel. Grâce à un Don particulier de l’Esprit qui va le transformer et lui donner des capacités nouvelles, Simon sera capable d’être cette « Pierre sur laquelle le Christ bâtira son Eglise. » Notons également que dans le récit de l’Annonciation, l’Ange dira à Marie, peu avant de la quitter : « Voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait ‘la stérile’ » (Lc 1,36). L’Ange nomme ainsi Elisabeth comme « ‘la stérile’ » car, de fait, elle n’avait jamais eu d’enfant. « La stérile » décrit donc ce qu’elle est depuis qu’elle existe : une femme qui ne peut pas avoir d’enfant. De même ce nom de « Comblée-de-grâce » donné par l’Ange à Marie décrit ce qu’elle est, elle aussi, depuis qu’elle existe : dans son amour, Dieu l’a « totalement remplie de sa grâce ». Marie est ainsi, déjà, Celle en qui Dieu est « tout », selon la formule de St Paul qui présente l’accomplissement final de l’humanité en ces termes : « Dieu sera tout en tous » (1Co 15,28)[1].

Ce nom, « κεχαριτωμένη, kekharitôménê, Comblée-de-grâce », décrit donc un état permanent qui évoque pleinement le mystère de Marie. Certes, le texte grec n’indique pas formellement qu’elle est ainsi dès le premier instant de son existence, mais cette notion biblique du nom et la généralité de l’expression pousse à le comprendre ainsi. Et précisons que le premier instant de notre existence ne renvoie pas à notre naissance mais à notre conception dans le sein maternel, neuf mois avant…

Des Pères de l’Eglise comme Origène et Ambroise ont fait remarquer que seule Marie, dans toute la Bible, est appelée κεχαριτωμένη : elle seule en effet est, depuis sa conception, la « Comblée-de-grâce »…

 

 

Regardons maintenant le deuxième texte du Nouveau Testament où intervient le verbe χαριτόω, mais sous une autre forme, en Ep 1,6-8 (Paul vient d’exposer en quelques mots le projet de Dieu sur l’homme) :

                 … εἰς ἔπαινον δόξης τῆς χάριτος αὐτοῦ ἧς ἐχαρίτωσεν ἡμᾶς ἐν τῷ ἠγαπημένῳ,

     à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-Aimé

(7) en qui nous avons la Rédemption par son sang, le pardon des péchés

selon la richesse de sa grâce qu’Il a fait abonder pour nous…

 

         Remarquons tout d’abord la forme verbale ἠγαπημένῳ identique à κεχαριτωμένη mais employée ici avec le verbe « ἀγαπάω, aimer ». Avec ce participe parfait passif, Paul nomme Jésus « le Bien Aimé », c’est à dire « Celui qui a été aimé par le Père et qui demeure l’objet de son amour »…

Là aussi, aucune précision n’est formellement donnée sur « le premier instant » où Jésus a été aimé par le Père. Seul le contexte peut l’apporter. Marie étant une créature surgie dans l’histoire à un moment précis, tout comme chacun d’entre nous, elle ne peut être appelée « Comblée-de-grâce » qu’à partir du premier instant de son existence, c’est à dire au moment de sa conception. Jésus, Lui, est une Personne divine qui existe de toute éternité. Avec Lui, il ne peut y avoir d’instant précis à partir duquel le Père l’a aimé : Il est Celui que le Père aime depuis toujours et pour toujours…

Notre verbe χαριτόω intervient donc en Ep 1,6. Le Père Ignace de la Potterie, dans son commentaire sur notre texte, cite St Jean Chrysostome, Père grec mort vers 407, qui a bien remarqué la présence ici de χαριτόω, avec toutes ses nuances que nous avons vues précédemment, et non pas celle d’un autre verbe de même racine, χαρίzomai, qui signifie tout simplement qu’une grâce a été donnée :

« « Notez-le bien », écrit St Jean Chrysostome, « Paul ne dit pas χαρίsato ±m›n » (du verbe χαρίzomai) « mais ἐχαρίτωσεν ἡμᾶς » (du verbe χαριτόω). « Voilà deux verbes qui se ressemblent beaucoup », écrit le P. Ignace de la Potterie, « mais dont le sens est différent. Le premier, χαρίzomai, signifie tout simplement qu’une grâce nous a été donnée. Paul aurait pu naturellement écrire aussi : « la grâce merveilleuse que Dieu nous a donnée ». Mais c’est précisément ce qu’il ne fait pas. Il emploie la deuxième forme verbale », avec notre verbe χαριτόω, « qui signifie : « Dieu nous a transformés par cette grâce merveilleuse ». Le second inclut une nuance de plus que le premier, notamment l’effet produit dans les personnes par la grâce donnée »[2]. Dans cette même Lettre aux Ephésiens, Paul évoque cette transformation opérée par la grâce de Dieu en ces termes : « Jadis, vous étiez ténèbres, mais à présent », de par votre baptême et le Don de l’Esprit Saint, l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), « vous êtes lumière dans le Seigneur » (Ep 5,8). Autrefois, de par le péché, vous étiez « privés de la gloire de Dieu », mais maintenant, par le Don gratuit du « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), vous avez été « justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la Rédemption accomplie dans le Christ Jésus » (Rm 3,23-24). Si autrefois ils étaient ‘souillés’ par le péché, maintenant « ils ont été lavés, ils ont été sanctifiés, ils ont été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Co 6,11). A ce titre, ils sont « des créatures nouvelles dans le Christ » (1Co 1,30 ; 2Co 5,17), « ils ont été purifiés par le bain d’eau qu’une parole accompagne » (Ep 5,26), ce sacrement du baptême où l’eau est le signe visible d’une réalité invisible : le Don de l’Eau Vive de l’Esprit Saint (Jn 7,37-39) qui lave, purifie et renouvelle les cœurs…

Marie, créature comme toutes les autres créatures, a bénéficié elle aussi de cette action transformante de Dieu qui, par sa grâce, purifie, sanctifie, justifie… et cette grâce, comme l’écrit St Paul, est un fruit de la Rédemption accomplie par le Christ, Fils de Marie, un salut mystérieusement efficace pour tous les hommes de tous les temps… Mais avec Marie, cette action salvatrice s’est pleinement accomplie dès sa conception : en la « comblant de grâce » dès ses premiers instants, Dieu l’a sauvée, sanctifiée, purifiée, justifiée, de telle sorte qu’il n’existe plus en elle aucune trace de péché. « La grâce » en effet « enlève le péché » tout comme la lumière chasse les ténèbres… « Chez les Pères de l’Eglise », affirme le P. Louis Bouyer, « il n’est pas question d’être sauvé sans être transformé. Et cette transformation est l’œuvre de Dieu et celle de la grâce… Chez St Thomas d’Aquin, la vision des choses est de cet ordre là. Dieu nous sauve par pure grâce, mais sa grâce est active. Elle nous recrée »[3].

Certes, pour nous, la grâce du baptême ne nous délivre pas totalement de toutes les conséquences du péché. Nous avons toujours à lutter, avec la grâce du baptême, contre tous ces désirs égoïstes qui peuvent naître en nos cœurs. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC), « donné le 11 octobre 1992 » par le Pape Jean Paul II, déclare ainsi (& 1263 – 1265) : « Par le Baptême, tous les péchés sont remis, le péché originel et tous les péchés personnels ainsi que toutes les peines du péché. En effet, en ceux qui ont été régénérés il ne demeure rien qui les empêcherait d’entrer dans le Royaume de Dieu, ni le péché d’Adam, ni le péché personnel, ni les suites du péché, dont la plus grave est la séparation de Dieu.

Dans le baptisé, certaines conséquences temporelles du péché demeurent cependant, tels les souffrances, la maladie, la mort, ou les fragilités inhérentes à la vie comme les faiblesses de caractère, etc., ainsi qu’une inclination au péché que la Tradition appelle la concupiscence, ou, métaphoriquement,  » le foyer du péché  » :  » Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, ‘celui qui aura combattu selon les règles sera couronné’ (2 Tm 2, 5)  » (Concile de Trente).

Le Baptême ne purifie pas seulement de tous les péchés, il fait aussi du néophyte «  une création nouvelle  » (2 Co 5, 17), un fils adoptif de Dieu (cf. Ga 4, 5-7) qui est devenu  » participant de la nature divine  » (2 P 1, 4), membre du Christ (cf. 1 Co 6, 15 ; 12, 27) et cohéritier avec Lui (Rm 8, 17), temple de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 6, 19) ».

Marie, elle, a été totalement sanctifiée par la grâce reçue au moment de sa conception, et cela pour lui permettre de répondre à l’appel que Dieu lui adressait : devenir la Mère du Sauveur, du Fils éternel, du « Saint » (Ac 3,14). Ainsi, de Marie sanctifiée par l’Esprit Saint dès le premier instant de sa conception, et de l’action de ce même Esprit Saint en elle (Lc 1,35), pourra naître celui qui ne peut qu’être Saint en tout son être, en toute son humanité « corps, âme et esprit » (1Th 5,23) : le Fils Bien Aimé du Père. Répétons-nous : Jésus va recevoir de Marie sa chair. Puisque le Fils éternel ne peut qu’être Saint en tout son Être, sa chair, assumée pour notre salut, ne pouvait qu’être sainte elle aussi. Pour qu’il en soit ainsi, il fallait que Marie, femme comme toute les femmes, née, selon la tradition, de l’union d’Anne et Joachim, pécheurs comme nous tous, soit sanctifiée totalement dès le premier instant de sa conception… C’est ce Mystère que St Luc évoque avec ce seul mot « κεχαριτωμένη », aux nuances si riches, nous l’avons vu…

Ce texte de St Luc « fournit donc le fondement le plus solide (mais non pas la preuve) en faveur du dogme de l’Immaculée Conception de Marie » (P. Ignace de la Potterie), proclamé le 8 décembre 1854 par Pie IX dans la Bulle « Ineffabilis Deus » :

« Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui tient que la Bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière de Dieu tout-puissant, en vertu des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles ».

Marie est ainsi toute pure grâce à l’action transformante de Dieu, qui, dans sa bonté totalement gratuite, a ainsi agi en elle par un Don tout particulier de l’Esprit Saint, et cela au premier instant de sa conception. Marie elle-même se comprend d’ailleurs comme « sauvée » en cet instant : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur » (Lc 1,47)…

Lors de la seizième apparition à Lourdes, le jeudi 25 mars1858, la jeune femme apparue à Bernadette va lui révéler son nom. Bernadette raconte : « Elle leva les yeux au ciel, joignant en signe de prière ses mains qui étaient tendues et ouvertes vers la terre et me dit :  » Que soy era immaculada councepciou, Je suis l’Immaculée Conception ».

Marie lève les yeux au ciel et dirige ainsi notre regard vers Celui dont elle a tout reçu, gratuitement, par Amour. Si elle est ce qu’elle est, elle le doit au Don gratuit de Celui qui n’Est qu’Amour (1Jn 4,8.16). Et nous aussi, pécheurs, toujours fragiles, nous sommes invités à nous tourner jour après jour vers ce Dieu Amour, ce Dieu qui, en tout son Être, n’Est qu’Amour et donc « Don gratuit de Lui-même », inlassablement, quels que soient les multiples aléas de notre existence blessée… « Lorsque nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste à jamais fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2 Tm 2,13), et Il Est Amour, Pur Amour, ne cessant de rechercher notre seul Bien, et le mettant en œuvre par le Don gratuit qu’il ne cesse de faire de Lui-même… « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23).

« Marie est importante », écrit André Boulet, « moins par ce qu’elle est que par ce que Dieu a fait en elle »[4]… Ainsi, « au premier instant de son existence humaine, elle bénéficie de la Rédemption »… « Pétrie par l’Esprit Saint… dans toutes les fibres de son être, … on ne peut trouver une pensée de Marie, un sentiment, une parole, une décision, un acte de Marie… qui ne soit à la fois de Marie et de l’Esprit Saint, qui ne soit inspiré par la personne humaine qu’est Marie et par l’Amour qui est Dieu »[5]

Maintenant, cette même grâce est offerte à tous les hommes par la foi au Christ Sauveur, afin que par Lui, chacun puisse devenir, petit à petit, de grâce en grâce, de miséricorde en miséricorde, ce que Marie est déjà… Marie nous est donc très proche… Elle est une créature de Dieu comme toutes les créatures de Dieu, une femme, comme toutes les autres femmes. Elle est sauvée gratuitement, comme toute l’humanité que Dieu appelle au salut… Mais Marie a reçu cette grâce du salut dès sa conception. En elle, le péché n’a fait aucun ravage. Marie est une femme en qui le projet de Dieu sur l’humanité s’est parfaitement accompli (cf. Ep 1,3-14)…

L’Assomption de Marie est la conséquence immédiate de son Immaculée Conception. Marie va ainsi passer par la mort physique, ce qui laisse supposer que cette dernière n’est pas la conséquence du péché, mais qu’elle appartient à la logique du projet créateur de Dieu, à son plein accomplissement. Par contre, son corps ne va pas connaître la désintégration du tombeau, mais il va être pleinement assumé par l’Esprit, transformé par sa Plénitude, totalement glorifié. Pour Marie, Sainte car sanctifiée dès le premier instant de sa conception, s’applique donc aussi ce Ps 16 appliqué par St Luc au Christ, « le Saint, le Juste » (Ac 3,14) :

Ac 2,22-33.36 : « Hommes d’Israël, écoutez les paroles que voici », dit Pierre.

« Il s’agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes. Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez supprimé en le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. En effet, c’est de lui que parle David dans le psaume :

« Je voyais le Seigneur devant moi sans relâche :

il est à ma droite, je suis inébranlable.

C’est pourquoi mon cœur est en fête, et ma langue exulte de joie ;

ma chair elle-même reposera dans l’espérance :

tu ne peux m’abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption.

Tu m’as appris des chemins de vie,

tu me rempliras d’allégresse par ta présence. »

 

« Frères, il est permis de vous dire avec assurance, au sujet du patriarche David, qu’il est mort, qu’il a été enseveli, et que son tombeau est encore aujourd’hui chez nous. Comme il était prophète, il savait que Dieu lui avait juré de faire asseoir sur son trône un homme issu de lui. Il a vu d’avance la résurrection du Christ, dont il a parlé ainsi : « Il n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas vu la corruption ».

Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l’entendez. (…) Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. »

Il en est donc de même pour la Vierge Marie. Après sa mort, son corps ne pouvait voir la corruption… Puisqu’elle était déjà sainte en tout son être, elle n’avait pas besoin d’une création totalement nouvelle, comme ce sera le cas pour nous lors de notre résurrection. Tel est le Mystère de son Assomption, accomplie en elle par le même Don de la Plénitude de l’Esprit Saint qui a ressuscité le Christ d’entre les morts… «  Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11).

« « La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort » (Concile Vatican II, Lumen Gentium 59). L’Assomption de la Sainte Vierge est une participation singulière à la Résurrection de son Fils et une anticipation de la résurrection des autres chrétiens : « Dans ton enfantement tu as gardé la virginité, dans ta dormition tu n’as pas quitté le monde, ô Mère de Dieu : tu as rejoint la source de la Vie, toi qui conçus le Dieu vivant et qui, par tes prières, délivreras nos âmes de la mort (Liturgie byzantine, Tropaire de la fête de la Dormition [15 août]) » (CEC 966).

D. Jacques Fournier

[1] RATZINGER J., BALTHASAR H.-U. Von, Marie, première Eglise p. 68-69: Marie « comblée de grâce » « pourrait se traduire par « Tu es remplie de l’Esprit Saint ». Tu es en relation existentielle avec Dieu. Pierre Lombard, l’auteur du manuel de théologie médiévale utilisé durant environ trois cents ans, a émis la thèse suivante : grâce et amour sont identiques ; et l’amour est « l’Esprit Saint ». La grâce, dans son sens véritable et le plus profond, n’est pas un quelque chose qui viendrait de Dieu, mais Dieu Lui‑même », ce que Dieu Est en Lui-même. « La Rédemption signifie que, dans sa relation proprement divine vis à vis de nous, Dieu ne nous donne rien de moins que lui-même », c’est-à-dire ce qu’Il Est en Lui-même. « Le don de Dieu, c’est Dieu », sa nature divine, « lui qui est par son Esprit Saint communion avec nous ».

[2] DE LA POTTERIE I., MARIE dans le MYSTÈRE de la NOUVELLE ALLIANCE p. 53.

[3] BOUYER L., « Accord avec les Luthériens sur la doctrine de la justification », France Catholique n° 2706 p. 9.

[4] BOULET A., Petite catéchèse sur Marie, Mère du Christ et Mère des hommes p. 41.

[5] Id p. 48-49.




20ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (St Luc 12,49-53)

« Je suis venu apporter un feu sur la terre,

et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »

Un feu … mais quel feu ?

Et Jésus continue : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. ».

On ne comprend pas vraiment !

Jésus nous est présenté comme le « prince de la Paix » (Is 9,5), mais aussi comme celui qui « sera un signe de contradiction » (Lc 2,34). Là encore deux expressions contradictoires, et qui ne reflètent pas ce que nous connaissons des paroles de Jésus …

En fait, Jésus est bien venu apporter la paix sur terre, … mais ses propos seront plus ou moins bien accueillis, et cela amènera la division entre les personnes, … mais pas du fait de Jésus, mais de l’interprétation de ses paroles par les humains…

Alors, de quel feu Jésus parle-t-il ?

S’agit-il de la guerre ?

On dit souvent que la guerre met les villes et les pays « à feu et à sang » … et les guerres sont la conséquence de la discorde, des affrontements, et de la haine …

Certains disent que les différentes religions sont le plus souvent à l’origine des guerres …

Mais ce ne sont-ils pas plutôt des prétextes qui soutiennent des visées politiques, des volontés de pouvoir politique, mais aussi économique, ou de l’égocentrisme de l’un ou l’autre …

La guerre Russo-Ukrainienne nous le montre bien …

Mais Jésus a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12), ou encore : « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. » (Mt 5,44) … et Jésus est « la Vérité » (Jn 14,6) …

Et à chaque fois, Jésus dit « Aimez-vous … Aimez »

S’agit-il du feu qui purifie ?

Le feu qui brûle tout ce qui est vieux, ou impropre, pour laisser apparaître l’or, les métaux précieux … et qui brûle dans nos cœurs tout ce qui est impropre pour laisser apparaître ce qui est pur …

Certainement !

Ce feu est alimenté par l’Amour de Dieu, le Père, qui est amour infini …

                               par l’amour du Fils, Jésus, dans son message de vie et dans les Paroles de son évangile … « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » (Jn 15,9)

         par l’amour du Saint Esprit, « qui procède du Père et du Fils », et qui nous pousse à faire le bien, qui nous incite à toujours vouloir aller plus loin dans la transmission de cet amour que nous avons reçu gratuitement à ceux qui nous entourent.

Ce feu de l’amour, qui est animé par toute la Trinité, qui conduit à la Charité (prendre soin du pauvre et du faible), qui conduit à la justice, au pardon, à la miséricorde (avec ses sept œuvres corporelles et ses sept œuvres spirituelles) …

C’est ce feu de l’amour que Jésus voulait « qu’il soit déjà allumé », et que peut-être maintenant, il regrette qu’il ne soit pas encore allumé partout ! …

Ce feu de l’amour, ce n’est pas Jésus lui-même qui va l’allumer …

Il nous a donné tout ce qu’il faut dans son évangile pour que ce soit nous qui l’allumions !

Pas tout seul … avec les autres chrétiens qui nous entourent … et surtout avec l’aide de chacun des membres de la Sainte Trinité !

Et puis, il y a encore un autre feu, que peut-être Jésus a partagé avec ses disciples au cours de ses pérégrinations en Palestine : le feu de camp, qui rassemble les gens, qui réchauffe les cœurs, dans la joie, dans la paix, dans la contemplation du feu, et aussi dans la prière …

Et puisqu’on parlait des scouts la semaine dernière, on peut continuer cette semaine avec ce feu qui termine chaque journée de camp, et qui finit toujours par cette prière :

Avant d’aller dormir sous les étoiles,

doux maître, humblement, à genoux,

tes fils t’ouvrent leurs cœurs sans voiles,

si nous avons péché, pardonne-nous.

 

Francis Cousin

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20ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Le feu sur la terre

Lc 12, 49-53

L’Evangile, frères et sœurs, n’a pas fini de nous surprendre et même de nous étonner… peut-être même de nous scandaliser ! Que de paradoxes, de contradictions apparentes dans ces déclarations de  Jésus ! C’est  le  même  qui  dit :

« Je vous donne la paix », « La paix soit avec vous »,  celui dont on a dit à sa naissance : « Il sera appelé « Le Prince de la paix » » et  dont  les  anges, dans  la  nuit  de  Noël,  chantaient «  Paix aux hommes de bonne volonté » et qui nous assure aujourd’hui : « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non… mais la guerre ! ».

Jésus chasse les vendeurs du temple avec une vigueur qui n’a rien de pacifique et ensuite il déclare : « Si l’on veut prendre ton manteau, laisse aussi ta tunique ». Il prêche l’amour de la famille : « Tu aimeras ton père et ta mère » et quelques instants plus tard : « Celui qui vient à moi sans haïr son père et sa mère et jusqu’à sa propre vie n’est pas digne de moi ».

On n’en finirait plus de relever les paradoxes de cette taille et, dans la vie même de Jésus, des manières d’agir qui semblent diamétralement opposées.

Mais, dîtes-moi, dans notre vie, n’est-ce-pas la même chose ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, très partagés ? N’avons-nous pas, nous aussi, des comportements assez différents selon les moments de notre vie, à cause de tendances intérieures que nous ne contrôlons pas parfaitement : tous ces courants opposés qui nous traversent et qui, en fin de compte, forment la richesse de notre personnalité ?

La  Loi  juive  était  gravée  sur  une  pierre :

« Les tables  de la Loi ». C’est commode d’obéir à une Loi qui reste extérieure à soi ! Maintenant ce n’est plus pareil ! L’Esprit évangélique, lui, bat dans un cœur qui oscille comme l’aiguille de la boussole, qui doit mettre du temps à discerner puis à se décider pour une solution qui, la plupart du temps, ne sera ni toute noire, ni toute blanche. C’est ce qui fait toute la différence entre une machine et un homme, entre un ordinateur et un homme, entre une secte et l’Eglise qui, elle, est attentive à toutes les situations humaines, très soucieux de ne rejeter aucune valeur au profit des autres. Tout, absolument tout, ce qui est humain et qui peut valoriser et épanouir l’homme, doit être assumé par l’Eglise qui a ensuite à le sanctifier et à l’intégrer dans une vie spirituelle.

L’Eglise est dans le monde, sans être du monde. Mais parce qu’elle est dans le monde, elle ne doit rien rejeter de ce qui est humain : au contraire, elle doit l’assumer pour le sanctifier, d’ailleurs cette Eglise est comme la torche actuelle du feu de l’Evangile. N’aurions-nous pas tendance, par peur du risque, par crainte de l’aventure, à domestiquer ce feu qui ne doit pas être enclos pour réchauffer un cœur solitaire, mais attisé par le vent de l’Esprit, devenir la tempête de la Pentecôte, pour gagner et brûler toutes les terres païennes, y compris les nôtres ?

N’avons-nous pas oublié un peu trop cette démarche fondamentale du chrétien : le changement, la conversion, le chambardement, la remise en cause… notre monde n’a t- il pas besoin d’être profondément modifié ?

N’est-il pas vrai que le pauvre continue à s’appauvrir et que le riche continue à s’enrichir ? Et que l’air de ce monde devient irrespirable pour beaucoup ? Ne sentons-nous pas la nécessité de changer en nous et autour de nous, plein de choses pour pouvoir devenir heureux ? « S’éclater », disent les jeunes, il y en a beaucoup parmi nous à qui ça ne risque pas d’arriver tout de suite !
Changer notre manière de prier par exemple ; l’Ecriture dit : « Dieu aime celui qui donne en riant ! ». Donner en riant, prier en dansant, « offrir des fleurs avant le pain » disaient le fondateur des petits frères des pauvres.

Tout cela, frères, n’est pas un programme pour l’an 2000 qui nous permettait d’ici-bas, une certaine tranquillité. C’est  le message  dont nous avons  besoin  aujourd’hui, ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui, c’est maintenant, pendant cette messe que nous apportons au Christ Jésus ces sentiments contradictoires qui habitent notre cœur. Devant lui, nous avons à poser nos désirs les plus étonnants ; devant lui aussi, déposons la pesanteur et la sclérose qui nous envahissent parfois.

De lui, nous recevons l’invitation à bouger, mais aussi l’invitation à accueillir ceux qui osent bouger, tous ceux qui osent changer.

L’Esprit souffle sur le feu, non pas pour l’éteindre, mais pour l’attiser. L’Evangile est un feu. L’Eglise n’est pas une bande de bons copains, ni un club de gentlemen, le baiser de paix que nous échangeons n’est pas une mondanité.

Nous, frères et sœurs, comme Jésus, nous devons être des incendiaires. « Je suis venu apporter un feu sur la terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Vous le savez, les agriculteurs, après la récolte précédente, ont l’habitude d’incendier le sol pour le renouveler. « Je suis venu apporter le feu sur la terre ». L’amour, allumé en nos cœurs doit se faire dévorant ! Nous devrions avoir pris  feu : l’amour  n’est-il pas une passion ?

Nous, nous sommes enflammés et l’amour veut tout.

Il est sans partage. Non seulement il ne faut pas éteindre la mèche qui fume encore, mais, précisément, il faut la ranimer, faire reprendre le feu et prendre les risques d’un nouveau brasier.