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Fiche n°7 : Le Salut du monde et son Jugement (Jn 3,11-21)

  • Noter comment apparaît Jésus en Jn 3,11-13 et noter son activité principale (cf. Ap 1,5 et 3,14) ? L’emploi du « nous » en 3,11 suggère que d’autres se joignent à lui : qui sont-ils (1– Jn 5,37 ; 15,26 ; 2– 15,27) ?

  • Lire Nb 21,4-9. Quel est ici le péché du Peuple d’Israël ? Comme souvent dans l’Ancien Testament, les conséquences du péché sont directement attribuées à Dieu : comment sont-elles évoquées ici ? Comment St Paul en parle-t-il (cf. Rm 2,9) ?

Le peuple a péché… Les conséquences sont douloureuses… Moïse intercède pour lui… Dieu va lui répondre et reprendre l’initiative :

Qu’est-ce qui doit être fait ? Bien noter l’expression employée au v. 8 : à quoi renvoie la notion de « brûlure », que décrit-elle en fait (Bible de Jérusalem : « un Brûlant » ; TOB : « un serpent brûlant ») ?

2 – Où doit-être placé le résultat de ce travail et pourquoi ?

3 – Quels sont ceux qui, ensuite, seront concernés par tout cela (fin du v.8) ?

Dans un premier temps, qu’avaient-ils fait (cf. Ba 1,18) ? Et maintenant, que doivent-ils faire (cf Dt 28,2 ; Jr 42,6) ? Que suppose ce changement d’attitude (cf. première moitié de Nb 21,7 ; Jr 2,23 ; 3,13) ?

5 – Cela sous-entend que Dieu respecte infiniment une dimension fondamentale de notre aventure humaine, laquelle (cf. 2Co 3,17) ? Et si cette valeur est bafouée ou blessée, il sera le premier à tout mettre en œuvre pour la rétablir (cf. Is 35,10 ; Jn 8,31-36 ; Ga 5,1 ; Jc 1,25)…

6 – Quel est donc le but poursuivi à travers ce « serpent d’airain » (cf. le v.6 de Sg 16,5-12) ?

7 – Et qui finalement agit avec lui et par lui pour qu’il en soit ainsi (cf. les v. 7-8, le v. 10 et le v. 12 de Sg 16,5-12 ; Is 45,22 ; Ps 34(33),6) ?

St Jean fait donc allusion en Jn 3,14-15 à ce passage du Livre des Nombres. Nous allons reprendre pas à pas les étapes précédentes pour essayer de percevoir toutes les richesses de ce parallèle :

1 – A quoi le Christ est-il directement comparé en Jn 3,14 ? Or, souvenons-nous de l’expression employée en Nb 21,8 et de ce qu’elle évoquait… Cette expression maintenant s’applique au Christ (Lire Ac 3,14 ; 1P 1,19 ; 2,22) ! Que suggère-t-elle ? Retrouver la réponse avec le v. 24 de 1P 2,21-25… Mais cette perspective peut-être comprise de deux façons… En silence, sans rien dire, le Christ a supporté tout le mal que nous, les hommes, avons pu lui faire… Et il l’a offert, par amour, pour la guérison de ceux-là mêmes qui lui faisaient tout ce mal. Ainsi, en se faisant homme, le Fils a voulu vivre toutes les difficultés et les souffrances que nous pouvons rencontrer sur cette terre… Il s’est vraiment fait l’un de nous… Et lui, l’innocent, a été écrasé par la méchanceté, la violence, la soif de pouvoir et la jalousie des hommes (cf. Lc 23,41)…

Mais le Christ a aussi voulu vivre tout cela pour rejoindre tous les souffrants quels qu’ils soient… St Paul parle ainsi de la communauté humaine qu’est l’Eglise en termes de « Corps du Christ » (1Co 12,27). Autrement dit, tout ce que vivent les femmes et les hommes qui forment cette communauté est aussi, quelque part, vécu par le Christ… Ce qui les caractérise ? Ils sont comme tout le monde, blessés comme tout le monde, fragiles comme tout le monde… Mais ils ont simplement dit « Oui ! » au Christ, tels qu’ils sont, avec leurs fragilités, leurs failles, leurs blessures… Et ce qu’ils vivent avec le Christ n’est simplement que ce que le Christ veut vivre avec tout homme de bonne volonté… Ils souffrent ? Le Christ est là, présent à leur souffrance, la portant avec eux, souffrant avec eux et en eux. Tel est l’Amour face à la souffrance de l’être aimé : sa « folie » l’a poussé jusqu’à prendre sur lui cette souffrance, pour la porter avec nous, pour nous soulager de son poids, ne pas permettre qu’il nous écrase, nous donner d’en triompher… Et cette souffrance peut être le résultat non seulement de la « méchanceté » des hommes, de leurs péchés, mais aussi de notre propre « méchanceté », de notre propre péché… Même si nous sommes responsables, par notre attitude, d’une souffrance qui nous accable, le Christ est toujours là, offert, pour vivre cette souffrance avec nous et nous permettre ainsi de la surmonter… Telle est l’infinie Miséricorde qui, envers et contre tout, poursuit le bien de tous les hommes qu’Il aime. Il suffit de lui dire « Oui ! ».

Le prophète Isaïe avait déjà, quelque part, perçu tout cela à travers la figure du Serviteur souffrant… Ce serviteur est tour à tour dans son Livre « Israël » (Is 41,8-9 ; 42,19 ; 43,10 ; 44,1-2), ce peuple appelé par Dieu et qui symbolise quelque part tout ce que Dieu veut vivre avec tous les hommes, et une mystérieuse figure individuelle qui sera pleinement accomplie par le Christ… Lire Is 52,13-53,12 et faire tout spécialement attention à la première moitié du v. 4, et à la deuxième des v. 6, 11 et 12… St Paul aura une phrase très forte : « Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait « péché » pour nous afin qu’en lui nous devenions « justice de Dieu » » (2Co 5,21). Dans la culture hébraïque, le mot « péché » renvoie aussi bien à l’acte commis qu’à ses conséquences : « Mon péché est trop lourd à porter », dit Caïn en Gn 4,13 après avoir tué son frère Abel. Par amour, le Christ a donc voulu être « péché » pour nous : il a pris sur lui toutes les conséquences de nos fautes, il a voulu les vivre lui-même en son âme et en son corps, pour nous en libérer et nous donner d’en triompher. Il a ainsi pris sur lui notre « péché » pour nous donner à la place « la justice de Dieu », « la justice qui vient de Dieu et donne au pécheur qui accepte de la recevoir de devenir juste »… Par amour, il est ainsi mort de notre mort pour que, tous, nous puissions vivre de sa vie…

Voilà ce que St Jean suggère également ici par le parallèle qu’il fait entre le Christ et le serpent d’airain. Le Christ est ce « Brûlant » qui, par amour pour tous les hommes, a voulu vivre en son âme et en son corps toutes leurs « brûlures », c’est-à-dire toutes les conséquences de leurs fautes… Envers et contre tout, il a ainsi poursuivi notre bien à tous… Alors, « si le salaire du péché, c’est la mort, le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23), lui qui a voulu mourir des conséquences mêmes du péché pour sauver tous ceux et celles qui l’avaient commis !

Et si le Fils peut agir ainsi, il le doit au Père qui lui donne de pouvoir se donner pour le salut de tous (cf. début de Jn 5,30)… Dieu donne ainsi son Fils au monde : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique » (Jn 3,16), Celui qui est tout pour lui, Celui vers lequel il est tourné de toute éternité, Celui à qui il se donne depuis toujours et pour toujours, Celui qui est « plus de prix » à ses yeux que lui-même (Is 43,4)… En St Jean, le Fils est ainsi le grand cadeau du Père… Si Jésus est en effet « le pain de vie » qui « descend du ciel » pour « donner la vie au monde », « c’est mon Père qui vous le donne, le pain qui vient du ciel, le vrai » (Jn 6,32).

2 – Où le Christ sera-t-il élevé et pourquoi (cf. Jn 19,37) ?

3 – Qui sera tout spécialement concerné par son offrande (cf. Lc 5,31-32) ? A quelle démarche sont-ils donc invités (cf. le 1° appel de Mc 1,15) ?

4 – Quelle attitude de cœur Dieu attend-il de chacun d’entre nous pour pouvoir accomplir son œuvre (cf. le 2° appel de Mc 1,15) ? Combien de fois intervient ce verbe en Jn 3,11‑18 ? Et le chiffre 7 dans la Bible est symbole de perfection : voilà donc « l’attitude parfaite » que Dieu attend tout spécialement de chacun d’entre nous… Noter l’expression que St Paul emploie en Rm 1,5 et 16,26 pour la décrire : qu’est-ce donc avant tout que la foi ? Et que signifie en fait une telle attitude face à Celui qui ne sait que donner, et donner encore (cf. le premier verbe de Jn 1,12) ? Et si nous consentons de tout cœur à une telle démarche, quel en sera pour nous le résultat final (cf. Jn 6,47 ; 3,16) ? Voilà ce que Dieu veut par dessus tout (cf. 1Jn 4,9)… Et pour cela, il est prêt à tout, prêt à mourir sur une Croix pour chacun d’entre nous…

5 – Retrouver la valeur évoquée précédemment au point 5 dans les versets suivants : Jn 6,67 ; 7,37-38 ; Ap 3,20 ; et hélas, en négatif, Jn 5,40 ; Mt 19,21-22…

6 – Quel est le but que le Père poursuit avec et par son Fils (cf. Jn 3,17 ; Jn 4,42 ; 1Jn 4,14) ? Noter combien de fois intervient le mot « monde » en Jn 3,14-18. Ce petit clin d’œil renforce l’universalité de la perspective, le chiffre 4 étant justement symbole d’universalité (Il renvoie aux quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest).

Noter également les autres expressions employées en ce sens au début du v. 15 et dans la seconde moitié du v. 16…

Ce désir de Dieu, cette volonté de Dieu, St Paul l’affirme lui aussi explicitement en 1Tm 2,4.

7 – Et qui, finalement, agit avec le Christ et par le Christ pour qu’il en soit effectivement ainsi (cf. Jn 5,17 ; 5,19 ; 6,44 ; 6,65) ?

Le thème qui intervient par la suite est celui du « jugement ». D’après Jn 3,17 ; 8,10-11 ; 8,15 ; 12,47, Dieu juge-t-il le pécheur au sens de « condamner » ? Nous allons donc regarder avec St Jean ce que signifie « juger » pour Dieu :

– La première étape est celle de la Présence de Dieu au monde. Depuis que le monde existe, sa « Lumière Véritable » (Bible de Jérusalem), sa « Vraie Lumière » (TOB)   « éclaire tout homme » (Bible de Jérusalem), « illumine tout homme » (TOB). Cette Présence de Dieu a été manifestée en Jésus Christ avec une intensité inégalée. Il est « la Lumière » car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) : « Je suis la Lumière du monde », dit-il (Jn 8,12 ; 9,5 ; 12,46). Mais il est aussi en même temps « Vérité » car Dieu est « le Véritable » par excellence (cf. Jn 17,3) : « Je suis (…) la Vérité (…) » (Jn 14,6).

2 – Cette Lumière qui environne tout homme et qui est en même temps Vérité, l’appelle, par sa simple Présence, à se déterminer par rapport à elle…L’acceptera-t-il ?

  1. a) Si « oui ! », puisqu’elle est en même temps Vérité, il ne pourra, avec elle, que « faire la vérité » dans sa vie… Et la vérité est que tout homme a péché : « Tous sont soumis a péché, comme il est écrit : Il n’est pas de juste, pas un seul… Tous, ils sont dévoyés, ensemble pervertis » (Rm 3,10-11). Ainsi, « celui qui fait la vérité vient à la Lumière» (Jn 3,21). Il accepte dans sa vie la Présence de cette Lumière et il consent à tout ce que cette Lumière met en lumière : en vérité, il est pécheur, injuste, malade, blessé… Mais si « Dieu est Lumière », il est aussi « Amour» (1Jn 4,8.16). Cette Lumière est celle de la Vérité de l’Amour… En Dieu, « Amour et Vérité se rencontrent » (Ps 85,11), ils sont indissociables… Et cet Amour pur de Dieu, qui ne se recherche jamais en rien, mais qui ne cesse de poursuive le bien de celles et ceux qu’il aime, prend, face au péché, le visage de la Miséricorde. Amour toujours… « Dieu des Pères, et Seigneur de Miséricorde », toi qui « gouvernes l’univers avec Miséricorde », « ta Miséricorde vint en aide » à ceux qui avaient péché « et les guérit » (Sg 9,1 ; 15,1 ; 16,10). Autrement dit, la vérité de notre misère, reconnue et acceptée à la Lumière Véritable de ce Dieu qui n’est qu’Amour, ne peut que rencontrer la Vérité de la Miséricorde et donc le pardon, le salut, la surabondance de Paix, de Vie et de Joie…

Ainsi, la notion de « jugement » pour Dieu renvoie à sa simple Présence qui est Lumière et Vérité pour tout homme. Quiconque l’accepte de tout cœur reconnaîtra avec elle sa misère, son péché… Mais cette Lumière est aussi celle de l’Amour, de la Miséricorde qui ne désire que le bien du pécheur. Aussi, « le Père des Miséricordes » nous offre-t-il largement son pardon et avec lui la Plénitude de Vie dont nous étions privés par suite de nos fautes. Le résultat final est le salut de l’homme… Ainsi, pour Dieu, juger c’est faire la vérité pour pardonner et donc sauver… Pour lui, juger, c’est sauver… Quiconque accueille cette démarche que Dieu lui-même nous supplie d’accepter en Jésus Christ ne pourra que connaître avec Lui le salut, le bonheur, la Plénitude de Vie et de paix…

 

  1. b) Si « Non ! », l’homme pécheur, en refusant de faire la vérité dans sa vie à la Lumière de la Miséricorde, se condamne lui-même… Il se prive du pardon que Dieu veut lui offrir pour son bien… Il se prive de la Plénitude de Vie et de Joie que Dieu désire lui communiquer depuis toujours… Ainsi, Dieu ne condamne jamais qui que ce soit ! Bien au contraire, il ne cesse de désirer, d’attendre et d’espérer le retour du pécheur, comme le père dans la parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32)… C’est l’homme qui, en refusant Dieu, se condamne lui-même… En refusant de croire au Christ, il refuse l’Unique Sauveur du monde, celui qui, jour après jour, marche à ses côtés, main tendue, pour l’arracher à ses ténèbres, à sa tristesse, à sa mort… Malheur, malheur, malheur pour lui, et Dieu est le premier à s’en désoler ! Mais par contre, quelle joie au ciel s’il accepte enfin cette main toujours tendue : « C’est ainsi, je vous le dis, qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir » (Lc 15,7 ; 15,10).… Oui, dès maintenant, dans la foi, « le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, en héros sauveur ! » Si tu consent à sa Présence, si tu acceptes d’accueillir tous ses bienfaits, « il exultera pour toi de joie, il tressaillira dans son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie » (So 3,17), heureux de ton bonheur…

            Telle est donc la notion de « jugement » en St Jean. C’est pourquoi, « celui qui croit en lui n’est pas jugé » au sens de condamner, car Dieu ne désire que son salut. Mais « celui qui ne croit pas est déjà jugé » par le simple fait « qu’il n’a pas cru au Nom du Fils Unique de Dieu », qui n’est qu’Amour, Miséricorde et Pardon… Ce n’est donc pas Dieu qui juge au sens de condamner… C’est l’homme qui, en refusant Dieu, se condamne lui-même…

Ce thème revient en Jn 5,26-27 où le Christ déclare : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même, et il lui a donné »… ‑ la suite logique serait : « de donner la vie » à « toute chair », comme il le déclare en Jn 17,2. Mais non ; la suite est : « il lui a donné pourvoir d’exercer le jugement ». On le voit bien : pour Dieu, « exercer le jugement », c’est « donner la vie » et triompher ainsi de cette « mort » qui « est entrée dans le monde » par notre liberté mal employée (cf. Rm 5,12). Pour Dieu, juger, c’est sauver… Le prophète Ezéchiel l’avait écrit depuis longtemps (vers 600 av JC) : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu – et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? (…) Je ne prends pas plaisir à la mort de qui que ce soit, oracle du Seigneur Dieu. Convertissez-vous et vivez ! Dis-leur : Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir, maison d’Israël ? » (Ez 18,23.32 ; 33,11). Voilà la prière que Dieu ne cesse d’adresser jour après jour à tous les hommes…

En choisissant le Christ, l’homme choisit donc son Créateur qui n’a pour lui qu’un seul désir : qu’il participe à la Plénitude de sa Vie. Mais si, dans sa liberté de choisir mal employée, il « préfère » d’autres réalités, il se prive lui-même de tous ces bienfaits… C’est ce que St Jean déclare par la suite : « Et tel est le jugement : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière » (Jn 3,19)… De plus, le péché étant mise à l’écart de Dieu, volonté de tout décider par soi-même, prétention de se réaliser tout seul, il est donc « orgueil ». Et bien sûr, celui qui est dans une telle logique ne peut envisager de reconnaître une seule seconde qu’il pourrait avoir tort… « Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables » (Jn 3,20)… Terrible prison de laquelle Dieu seul peut nous faire sortir, notamment lors de ces multiples épreuves que la vie nous réserve au moment où nous nous y attendons le moins. Nous nous découvrons alors dans la vérité de notre être : profondément démunis… Démunis ? Oui, par nous-mêmes… Mais riches alors du secours de Dieu, si nous l’acceptons…

Jacques Fesch, un des derniers condamnés à mort en France, écrivait peu de temps avant son exécution : « Au bout d’un an de détention, il m’est arrivé une douleur affective très forte qui m’a fait beaucoup souffrir et brutalement, en quelques heures, j’ai possédé la Foi, une certitude absolue. J’ai cru et ne comprenais plus comment je faisais pour ne pas croire. La grâce m’a visité, une grande joie s’est emparée de moi et surtout une grande paix. Tout est devenu clair en quelques instants. C’était une joie sensible très forte que j’ai peut-être trop tendance à rechercher maintenant alors que l’essentiel n’est pas l’émotion, mais la foi »…

« Je m’aperçois que la foi est vraiment un don de Dieu. On croit par le cœur, sans savoir pourquoi, et sans même chercher à savoir. La certitude intime qui vous emplit suffit. L’amour est le plus fort »…

Jacques Fournier

 

Correction de la fiche N° 7 :

CV – 7 – Jn 3,11-21




Fiche n°9 : Le don de l’Eau Vive par Jésus Christ, le Sauveur du Monde (Jn 4)

La volonté de Dieu sur les hommes est qu’ils accomplissent pleinement leur vocation d’enfants de Dieu par la foi en son Fils envoyé dans le monde (Jn 1,12) : qu’ils vivent de sa Vie, qu’ils partagent avec Lui la Plénitude de son Esprit, qu’ils entrent dans sa Lumière et dans sa Joie. Pour atteindre ce but, le Christ va leur proposer de « naître de nouveau de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3) par le sacrement du baptême (Mt 28,18-20). En Jn 1,33, St Jean avait déjà fait allusion à ce baptême apporté par Jésus: « C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint ». Souvenons-nous de la note de la Bible de Jérusalem pour ce verset : « Cette expression définit l’œuvre essentielle du Messie, annoncée dès l’Ancien Testament : régénérer l’humanité dans l’Esprit Saint. Parce que l’Esprit repose sur lui », cet Esprit qu’il reçoit lui-même de son Père, « le Messie pourra le donner aux hommes »…  Puis, en Jn 3,22-26, St Jean avait de nouveau évoqué ce baptême proposé par Jésus : « Après cela, Jésus vint avec ses disciples au pays de Judée et il séjourna avec eux, et il baptisait… (Ainsi), le voilà qui baptise et tous viennent à lui ». Et au tout début de notre texte, St Jean évoque à nouveau ce baptême de Jésus (Jn 4,1-2). Tout tourne donc ici autour du baptême, du don de Dieu (« l’eau vive », symbole de l’Esprit Saint (Jn 7,37-39)) et de sa conséquence la plus importante, la relation avec Dieu « en Esprit et en vérité » (Jn 4,24).

Jésus parle ici avec une Samaritaine, un nom qui vient de « Samarie », l’ancienne capitale du Royaume du Nord fondée par le Roi Omri (886-875 av. JC). A la mort de Salomon (931 av JC), le Royaume d’Israël s’était en effet divisé en deux : le Royaume du Nord (appelé parfois « Israël ») et le Royaume du Sud (« Juda », capitale Jérusalem). En 722 av JC, les Assyriens s’emparent du Royaume du Nord et s’y installent. Depuis lors les Juifs du Sud voient d’un mauvais oeil ce peuple à moitié païen. Ils refusent leur aide pour reconstruire le Temple de Jérusalem après sa destruction par Nabuchodonosor, roi de Babylone, en 587 av JC. Les Samaritains construiront alors le leur sur le mont Garizim. Mais en 129 av C, il sera détruit par le Juif Jean Hyrcan. A partir de cet instant, la rupture est totale…

 

Introduction

« Jésus quitte la Judée et s’en retourne en Galilée ». Se référer à une des cartes situées à la fin de nos Bibles. Repérer la Galilée au nord, la Judée au sud, et la Samarie au milieu. Constater que pour aller de la Judée à la Galilée, il était possible de prendre un bateau et de passer par la mer, ou de longer par la rive Est le Jourdain en passant par la Pérée et la Décapole. Pourtant, St Jean écrit de Jésus qu’il « lui fallait traverser la Samarie » ? D’après ce que nous venons de voir avec une carte, est-ce bien exact ? Que se cache-t-il derrière ce « il faut » ? Pour répondre à cette question, lire dans un premier temps Jn 4,34 ; 5,30 ; 6,38 ; 9,4 ; 10,16 ; 12,34 ; 13,18 ; 14,31 ; voir aussi Lc 17,25 ; 22,37 ; 24,7.44 ? Préciser quelle est « la volonté du Père » avec Jn 3,16-17 ; 6,37-40 ; 1Tm 2,3-7) (•) ? Que ne cessera alors de faire Jésus (cf. Lc 4,42-44) ? Et que feront ensuite ses disciples (Marc 16,15‑18) ? Avec eux et par eux, qui continuera « d’aller vers » les hommes pour leur offrir le Salut (Mt 28,18-20 ; 2Co 2,14-16 ; 5,20 ; Actes 14,27 ; 15,4) ? Quelle sera donc, jusqu’à la fin des temps, la mission première de l’Eglise ?

Jésus a tout d’abord commencé par se tourner vers le seul peuple d’Israël (Mt 15,24). Il voulait en effet l’appeler au repentir pour qu’il redevienne ce que Dieu avait toujours voulu qu’il soit : un Peuple comblé de sa bénédiction pour devenir ensuite un Serviteur de cette bénédiction, afin que toutes les familles de la terre en soient à leur tour comblées. Telle est la vocation qu’il avait donnée à Abraham et à ses descendants au jour où il l’avait appelé : « Yahvé dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction ! Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront toutes les familles de la terre. » Abram partit, comme lui avait dit Yahvé » (Gn 12,1-4)…

Or, à l’époque de Jésus, écrit Gerhard Lohfink (« L’Eglise que voulait Jésus »), le système des Douze tribus d’Israël avait depuis longtemps cessé d’exister. « Les contemporains considéraient qu’il n’y avait plus que deux tribus et demie : Juda, Benjamin et la moitié de Lévi. On espérait que le temps du salut provoquerait le rétablissement définitif de toutes. Déjà la fin du livre d’Ezéchiel, sous forme de programme prophétique, montrait comment, lors de la fin des temps, les douze tribus retrouveraient leur portion de territoire (Ez 37 ; 39,23-29 ; 40-48). Sur fond de cette espérance toujours très vivante, on ne peut désormais comprendre l’institution des douze apôtres par Jésus que comme un signe prophétique : les Douze montrent que Jésus inaugure le réveil et le rassemblement du peuple saint », pour lui redonner ensuite sa mission première : aller dans le monde entier pour annoncer à tous les hommes que Dieu ne cesse de les bénir en leur donnant son Esprit de Vie, de Lumière et de Paix… Les Samaritains étaient les lointains héritiers du Royaume du Nord. Les réconcilier avec ceux du Sud allait donc dans le sens de ce rétablissement d’Israël tout entier (cf. Is 11,12 ; Os 2,2 ; Jr 3,18 ; Ez 37,15-28). Puis Israël rassemblé devait ensuite travailler, avec les païens qui auraient accueilli cette Bonne Nouvelle, au rassemblement de l’humanité tout entière, cette immense famille d’enfants de Dieu que le Père invite à la table de son Royaume (cf. Jn 11,51-52 ; Ep 1,9-10) ? Telle est aujourd’hui la mission de l’Eglise. Au départ, elle n’était constituée que de fils d’Israël. Puis, des païens accueillirent l’Evangile qu’ils proclamaient et se joignirent à eux. Le résultat est l’Eglise que nous connaissons actuellement. Et les Israélites qui n’ont pas reconnu en Jésus Christ le Messie annoncé par les Ecritures, demeurent nos frères aînés dans la foi, des frères très chers vis-à-vis desquels nous ne pouvons qu’avoir de la reconnaissance… Avec Marie, le Christ est né de leur communauté, tout comme Pierre, Marc, Matthieu, Paul etc… C’est donc grâce à eux que nous avons pu découvrir aujourd’hui en Jésus Christ un trésor de Miséricorde et de Vie (2Co 4,5-7)… Et régulièrement, nous lisons avec eux les mêmes Ecritures, l’Ancien Testament…

Jacob, le fils d’Isaac (Gn 25,26), lui-même fils d’Abraham (Gn 17,19.21 ; 21,3), était une figure importante pour les Samaritains : d’après eux, c’est sur le mont Garizim que Dieu lui était apparu en songe (Gn 28,10-22). C’est là aussi, pensaient-ils, que reposait la bénédiction de Dieu sur Israël (Dt 11,29 ; 27,12). Voilà pourquoi ils choisirent cette « montagne » comme lieu d’adoration (Jn 4,20).

Le don de l’Eau Vive (Jn 4,7-15)

Notons tout d’abord comment St Jean nous présente Jésus au v. 6 ? « C’était environ la sixième heure ». D’après les notes de nos Bibles, quelle heure est-il en fait ? Toutes ces circonstances conditionneront la première parole de Jésus à la Samaritaine…

Entre Jésus et la Samaritaine, qui engage le dialogue en premier ? Quand il lui dit « Donne-moi à boire », comment se présente-t-il : comme un riche venu pour donner ou un pauvre qui a besoin de recevoir ? Et pourtant, que se passera-t-il par la suite d’après St Paul (cf. 2Co 8,9) ?

Mais en agissant ainsi, Jésus transgresse deux règles importantes de l’époque. Les retrouver avec Jn 4,9 et Jn 4,27. Voilà bien une attitude caractéristique de Jésus, laquelle d’après Ep 2,14-16 (les « deux peuples » sont : les Juifs et les païens) ?

Dans l’Evangile selon St Jean, le thème de la soif renvoie au désir profond qui habite une personne. Ainsi, sur la Croix, Jésus dit « J’ai soif » (Jn 19,28-30) pour que l’Ecriture soit parfaitement accomplie, et de fait les soldats lui donneront du vinaigre, comme le prédisait le Ps 69(68),22. Or les Ecritures révèlent la volonté de Dieu qui est le salut de tous les hommes (cf. (•)). Ainsi, Jésus avait soif de « faire la volonté de Celui qui l’a envoyé » (Jn 4,34), c’est-à-dire d’accomplir le salut du monde par son offrande sur la Croix… Derrière la question de Jésus à la Samaritaine en Jn 4,7, de quoi Jésus a‑t‑il en fait « soif » (cf. Jn 10,10 ; 3,17) ? Le verra-t-on d’ailleurs boire ou manger en ce chapitre 4 (cf. Jn 4,31-34) ? Et dès la première moitié de Jn 4,10, Jésus éveillera la curiosité de la Samaritaine sur deux points essentiels, lesquels ((a) et (b)) ?

Le deuxième (b) sera ici l’occasion de tout un cheminement ; en noter toutes les étapes en relevant en Jn 4 tous les titres et expressions qui disent quelque chose du Mystère de Jésus. Quelle progression constatez-vous ? Noter l’universalité de la perspective avec le v. 42.

Le premier (a ; cf Ac 8,20) sera précisé par une image dès la fin du verset 10, laquelle ? Quelle est d’après Jn 7,37-39 la réalité évoquée (cf. Ac 2,38 et 10,45) ? D’où vient-elle (cf. Jn 15,26) et par qui nous rejoint-elle (Ac 2,32-33) ? Pour recevoir ce don promis, que suffit-il de faire d’après Jn 4,10 (cf. Lc 11,9-13) ? Or qui est Dieu de son côté (cf. Jr 2,13 ; 17,13 ; image différente mais semblable au niveau du sens au Ps 84(83),12) ? Conclusion : est-il possible que celui qui demande de tout son cœur ne soit pas exaucé ? Et de même, celui qui demanderait la Lumière, pourrait-il d’après le Ps 84(83),12 ne pas être exaucé ? Et recevra-t-il cette Lumière parce qu’il a bien prié ? « Il suffit de demander », comme disait Ste Thérèse de Lisieux, notre demande n’étant que l’expression de notre liberté qui consent à recevoir ce que Dieu veut nous donner… Remarquons en passant qu’avec le parallèle entre Jn 4,24 et 1Jn 1,5, demander la Lumière, c’est demander l’Esprit Saint… Quels seront les effets de ce don de Dieu au cœur de l’homme qui accepte de l’accueillir (cf. Jn 4,13-14 ; 6,63 ; Ga 5,25) ? Mais pour le recevoir, il sera invité à se tourner sans cesse vers le Donateur en se détournant de tout ce qui pourrait s’opposer à cette démarche ; comment appelle-t-on dans le Nouveau Testament une telle attitude (Mc 1,15 ; début d’Ac 2,37-38. Et d’après Ac 3,26 (TOB), Ac 5,31 et Ac 11,18, cette attitude même est un don de Dieu ! Elle est le fruit de Jn 12,32, Jn 6,44 et Jn 6,65 et 17,6…

Souvenons-nous : comment Jésus a-t-il entamé la conversation avec la Samaritaine ? Et que lui demande-t-elle maintenant en Jn 4,15 ? Même si sa demande est encore imparfaite, Jésus a-t-il atteint son but ?

Adorer Dieu en Esprit et en vérité (Jn 4,16-24)

 Jésus reprend à nouveau l’initiative. En posant sa question au v. 16, qu’attend-il avant tout de la Samaritaine (cf. Jn 3,21)? A-t-elle répondu à son attente ? Une note de la Bible de Jérusalem permet d’éclairer la réponse de Jésus en 4,17‑18 : « Les Juifs expliquaient l’origine des Samaritains (2 R 17,24-41), par l’immigration forcée de cinq peuplades païennes, restées en partie fidèles à leurs dieux, que symbolisent les “ cinq maris ” ». Or 2R 17,33 affirme « qu’ ils révéraient le Seigneur et servaient leurs dieux, selon le rite des nations d’où ils avaient été déportés ». D’après la déclaration de Jésus en Jn 4,18 et 4,22, que vaut un tel culte de Dieu mêlé d’éléments idolâtriques ?

Quelle est la notion (nom et verbe) qui revient le plus souvent en Jn 4,20-24 ? La Samaritaine nomme-t-elle Celui qui est objet d’adoration ? Et Jésus ? Que retrouve-t-on indirectement (cf. Jn 1,18 ; le début de Jn 17,6 ; Jn 17,26) ? Comment se vivra l’adoration véritable ? Est-elle déjà pour l’aujourd’hui de notre foi ? Qui est le premier à la désirer ? Qui sera donc le premier à la mettre en œuvre et par qui agira-t-il (Jn 14,15‑17 ; Rm 8,26-27) ? Son travail sera de nous communiquer « le bien » de Jésus, « ce qui est à » Jésus (Jn 16,14). Or, « le bien » suprême de Jésus, c’est son Être, sa Vie de Fils qu’il tient de son Père (Jn 5,26), la Plénitude divine de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité et qui fait qu’il est ce qu’il est : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Cette « Plénitude divine de l’Esprit » peut encore évoquer par l’expression « nature divine », car « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et d’après 2P 1,4, c’est justement ce que le Père veut que nous recevions par notre foi en son Fils qu’il a envoyé dans le monde. Et ce sera tout le travail de l’Esprit Saint Troisième Personne de la Trinité de nous communiquer « l’Esprit Saint nature divine », cette Eau Vive qui sera en nous Source de Vie éternelle, Plénitude d’Être et de Vie. En acceptant de recevoir cet Esprit nous entrerons alors dans un Mystère de Communion et de Vie avec Dieu et avec tous ceux qui auront vécu la même démarche de foi (1Co 1,9 ; 2Co 13,13 ; Ph 2,1 ; 1Jn 1,3 ; Ep 2,18 ). Tel est le Mystère de l’Eglise…

Jésus est le Messie, vrai homme et vrai Dieu (Jn 4,25-26)

La Samaritaine, face à Jésus, se pose la question du Messie… Quel est, d’après Jn 4,25 sa mission principale (cf. Lc 4,15.31.43 ; 5,3 ; 6,6 ; 13,10 ; 20,1) ? Qui permet à cette mission d’atteindre son but (cf. 1Co 2,3-5 et 9-12 ; 1Th 1,4-7 ; Jn 14,26 ; 16,12-15 ; 15,26 ; 1Jn 2,27 ; 4,13) ? Nos Bibles traduisent souvent la réponse de Jésus en fonction du contexte : « Je le suis, moi qui te parle », sous entendu « le Messie, celui qu’on appelle Christ » (Bible de Jérusalem ; TOB ; se souvenir que « Messie » et « Christ » viennent tous les deux du verbe « oindre », en hébreu pour le premier, en grec pour le second). Mais St Jean fait ici, et pour la première fois dans son Evangile, une allusion au Nom divin révélé à Moïse dans l’épisode du Buisson Ardent (Ex 3,14-15) : « Je suis celui qui est » (Bible de Jérusalem), « JE SUIS QUI JE SERAI » (TOB). La traduction grecque de la Septante a : Egô eimi o ôn (litt. : « Je Suis l’Etant »). Et Jésus dit à la Samaritaine : Egô eimi o lalôn soi » (litt. : « Je Suis le Parlant à toi »). Remarquer la similitude des deux expressions. La première emploie le participe présent du verbe « être », la seconde le participe présent du verbe « parler ». Ainsi, en Jésus Christ « l’Êtant » s’est fait pour nous « le Parlant ». Il est vraiment « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), la Parole faite chair. Avec Lui et par Lui Dieu Lui-même est venu nous rejoindre et nous parler avec une bouche de chair…Ainsi, cette si belle réponse de Jésus à la Samaritaine nous le présente, dans le contexte immédiat des termes employés par la Samaritaine, comme étant « le Messie » promis par les Ecritures, « le Christ ». Mais l’expression employée nous invite à aller plus loin : il est Dieu Lui-même en la Personne du Fils venu nous transmettre les Paroles qu’il a reçues de son Père (cf. Jn 8,28 ; 12,50 ; 17,7‑8)… Le premier verset de l’Evangile de Marc résume lui aussi de manière semblable le Mystère de Jésus : « Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu »…

La Samaritaine devient missionnaire par son témoignage (Jn 4,27-42)

La Samaritaine abandonne sa cruche : quelle est maintenant sa priorité, l’eau du puits ou l’Eau Vive donnée par le Christ ? Puis elle court à la ville, et là, que fera-t-elle (cf. Jn 4,29 ; 15,27 ; 19,35) ? Elle devient missionnaire de la Joie qu’elle a elle-même expérimentée…

Jésus demeurera deux jours chez les Samaritains. Parfois, dans les Evangiles, nous lisons que « beaucoup crurent en lui à cause des nombreux miracles qu’il faisait » ? Est‑ce le cas ici ? Qu’est-ce qui a « emporté » leur foi (cf. Jn 4,41)? Et qui est Celui qui, discrètement mais avec puissance, a agi en leur cœur pour les inviter à cette adhésion, à cette confiance (cf. 1Co 12,3 ; 1Th 1,4-7) ? Nous avons vu que la mission première du Christ est d’enseigner, de transmettre à tous les hommes cette Parole de Vie qu’il a reçue de son Père. Nous avons vu également que la mission première de l’Eglise est de marcher sur les traces du Christ pour accomplir avec Lui et par Lui la même œuvre. Aussi, quand nous annonçons aujourd’hui la Parole, d’une manière ou d’une autre, sur quoi devons-nous compter nous aussi avec confiance pour que cette Parole puisse porter du fruit ?

Noter la perspective universelle de Jn 4,42 (cf. Jn 1,4-5.9 ; 1,29 ; 3,16 ; 11,52 ; 17,2 à la lumière de Gn 9,8-17 ; 1Jn 2,2). Et le Catéchisme de l’Eglise Catholique déclare : « Si le Baptême est nécessaire au salut pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé et qui ont eu la possibilité de demander ce sacrement (cf. Mc 16, 16),  » Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé(s) au mystère pascal « . Tout homme qui, ignorant l’Évangile du Christ et son Église, cherche la vérité et fait la volonté de Dieu selon qu’il la connaît, peut être sauvé » (& 1257 et 1260).

La guérison du fils du fonctionnaire royal (Jn 4,46-54)

Jn 4,46-54 complète le panorama commencé en Jn 3. Avec Nicodème et Jean‑Baptiste, Jésus s’était d’abord adressé au Peuple d’Israël. Puis il a poursuivi son œuvre de Révélation et de Salut avec la Samaritaine, qui représente le peuple le plus proche de celui d’Israël. Enfin, il s’adresse ici, à travers ce fonctionnaire royal, aux païens appelés eux aussi à partager la Plénitude de Dieu grâce au pardon des péchés que le Christ est venu nous offrir. Nous retrouvons ainsi le plan missionnaire esquissé dans la Parole du Christ Ressuscité à ses disciples en Ac 1,8 : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».

Un fonctionnaire royal a donc un fils malade, et il vient trouver Jésus pour le prier de « descendre guérir son fils, car il allait mourir ». Retrouver ce verbe « descendre » en Jn 3,13 ; 6,32-35 ; 6,50-51 ; 6,58. A la lumière de tous ces textes, « qui » descend ? « D’où » descend-il et pourquoi ? La guérison de ce fils malade en sera le signe visible…

Mais en Jn 4,48, de quoi Jésus semble-t-il se désoler ? En effet, quel est le but premier qu’il poursuit avec tous ceux et celles qu’il rencontre (cf. Jn 11,42) ? Et ce but a lui-même un « but » : lequel (cf. Jn 20,30-31) ? Jésus ne fait donc pas des miracles pour faire des miracles… Il n’est pas venu enlever toutes nos difficultés d’un coup de baguette magique, et il sait que la foi qui ne recherche que le merveilleux est encore superficielle et fragile (cf. Jn 2,23-25). Lui est venu nous introduire dans le Mystère de sa Vie, pour que nous vivions unis à Lui dans un Mystère de Communion dont le fondement est l’Esprit de Force et de Paix… Alors, si tel est bien le cas, la maison de notre vie sera construite sur le Roc et rien ni personne ne pourra la démolir (cf. Mt 7,24-27).

Cette guérison du fils du fonctionnaire est l’exemple type d’un signe il est la rencontre de deux évènements apparemment indépendants, mais qui apparaissent en fait invisiblement liés par le Christ et son œuvre :

1 – A la prière de ce fonctionnaire, « Seigneur, descends avant que ne meure mon petit enfant », Jésus répond : « Va, ton fils vit ». L’homme accueille cette Parole avec foi. Il quitte Jésus et se met en route pour rentrer chez lui…

2 – Alors qu’il est encore en chemin, ses serviteurs viennent à sa rencontre. Ils ne savent pas qu’il a demandé à Jésus la guérison de son enfant… Ils lui disent qu’il est vivant… Bien noter l’expression : Jésus est venu pour que nous soyons tous comme lui : des « vivants » de sa Vie qu’il reçoit lui-même de son Père. « Il s’informa auprès d’eux de l’heure à laquelle il s’était trouvé mieux. « C’était hier à la septième heure que la fièvre l’a quitté » », à l’instant même où Jésus lui avait dit : « Ton fils vit ».

Pourtant, ces deux évènements sont matériellement indépendants… Mais non, un lien spirituel invisible, mystérieux, les unit : « Dieu Esprit » qui a entendu la prière de ce père et guérit son fils qui était au loin… Le père croit et raconte ce qu’il a vécu : son témoignage est missionnaire et toute sa maison croit avec lui (Jn 4,53 ; Ac 16,33)…

Un signe est souvent la rencontre de deux évènements apparemment indépendants, le deuxième correspondant pourtant parfaitement aux circonstances ou à l’attente exprimées dans le premier… Et Jésus continue d’agir ainsi tous les jours pour chacun d’entre nous. Mais seul un regard de foi, dans la lumière de l’Esprit Saint, peut le reconnaître… « Heureux sommes-nous » si tel est le cas, nous dit Jésus, car lui ne cherche, ne désire, ne poursuit que la Plénitude de notre vie…

Mt 13,16-17 : « Quant à vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient ; heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent. En vérité je vous le dis, beaucoup de prophètes et de justes ont souhaité voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! »

                                                                                                                              D. Jacques Fournier

Correction de la fiche N°9

CV – 9 – Jn 4 correction




Fiche n°10 : L’œuvre du Fils : « juger-sauver », ressusciter (Jn 5).

Le chapitre 5 de l’Evangile selon St Jean comprend deux grandes parties : un signe et un discours, qui s’éclairent mutuellement.

La guérison d’un infirme à la piscine de Béthesda (Jn 5,1-18)

Des fouilles récentes ont mis au jour, au nord-est de Jérusalem, une piscine trapézoïdale constituée de deux grands bassins profonds de 14 mètres séparés par une digue large de 6,50 m. Le bassin sud, le plus grand, faisait 55 m sur 48. L’autre mesurait environ 40 m sur 50. Des colonnades entouraient l’ensemble ; la digue en était aussi pourvue, d’où peut-être la mention des « cinq portiques » dans notre texte. On a également découvert, près de ces bassins, des petits bains qui faisaient partie d’une installation cultuelle dédiée au dieu guérisseur égyptien Sérapis. Comment les scribes et les Pharisiens devaient-ils considérer cet endroit consacré à une idole ? Y seraient-ils entrés (cf. ­­situation semblable en Jn 18,28) ? De plus, la maladie était perçue à l’époque comme la conséquence du péché (cf. Jn 9,1-2), et le péché comme la source de toute impureté. Comment les scribes et les Pharisiens regardaient-ils ces « infirmes, aveugles, boiteux, impotents » ? Seraient-ils allés vers eux ? Et pourtant, où Jésus est-il ici et que fait‑il (cf. Mc 1,41 ; 2,15-17…) ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de son attitude ?

Que représente d’ailleurs pour St Jean « cette multitude d’infirmes, aveugles, boiteux, impotents » (se souvenir que le chiffre 4 est symbole d’universalité (les quatre points cardinaux)) ? Et que fait Jésus vis-à-vis d’elle (Luc 15,4-7 ; Jean 3,16-17) ? Quelle situation tragique a-t-il tout de suite remarquée (cf. Jn 5,5-7) ? De plus, la croyance de cet homme exposée en 5,7 était-elle juste ? Jésus lui fait-il par la suite des reproches à ce sujet ? Dit-on d’ailleurs que cet homme a « foi en Jésus » ? Dans sa croyance, qu’espère-t-il de lui ?

Pourtant, il arrivera ce qu’il n’aurait peut-être jamais osé demander ou même imaginer… Quel est en effet le désir profond qui l’habite ? Et Jésus l’abordera en disant : « j Veux-tu k devenir l bien portant (sain) ? »

C’est toujours Jésus qui a l’initiative. Tout vient de lui, lui qui « veut » déjà notre bien le plus profond (cf. 1Tm 2,4 avec Mt 18,14 ; Jn 17,24 ; Dt 30,19 ; Ez 18,23 ; 33,11). Mais que suggère ce « veux-tu » (cf. Mc 10,51 ; Mt 19,17.21; Ga 5,13 ; 1P2,16 ; Lc 15,18) ? Que représente ici cet « infirme » couché sur son « grabat » (cf. Rm 3,9 ; 6,23) ? Dans le grec des Evangiles, le verbe traduit par « se lever » est le même employé pour décrire la résurrection du Christ ; que suggère-t-il ici ? Si le grabat peut symboliser le péché et le fait d’être couché dessus ses conséquences, avant l’intervention du Christ qui portait qui, et donc qui dominait sur qui ? Et après l’intervention du Christ, qu’en est-il (cf. 1Co 10,13)[1] ?

Jésus dit à tous ses disciples : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et me suive » (Mc 8,34). Que signifie notamment, d’après ce que nous venons de voir, « se renier soi-même » et « prendre sa croix » ? Sommes-nous seuls pour porter notre fardeau (cf. Mt 8,17 ; 11,28-30 ; 2Co 12,9) ? Tout malade ne peut qu’espérer bien sûr une guérison totale. Mais n’oublions jamais que la maladie représente ici celle du péché, cette blessure intérieure qui nous habite tous, d’une manière ou d’une autre. Or Jésus ne dit pas ici « Veux-tu être bien portant ? », mais « Veux-tu devenir bien portant ? » Quelle nuance apporte l’utilisation par Jésus de ce verbe « devenir » ? Sa guérison physique, qu’il expérimente très concrètement en son corps, est-elle alors un point d’arrivée ou un point de départ ? Retrouver la réponse avec le troisième verbe employé par Jésus en Jn 5,8. Dans quel processus sommes-nous engagés (Ep 4,15 ; Ph 1,9-11 ; 3,12-16 ; 1Th 3,12 ; 2P 3,18) ?

 Enfin, n’oublions pas que dans la Bible, l’homme est « un ». Il n’a pas un corps, il est corps ; il n’a pas une âme, il est âme ; il n’a pas un esprit, il est esprit. L’homme ici a retrouvé la santé en son corps. Mais ce résultat visible de l’action de Dieu manifeste une transformation qui l’a atteint dans son être tout entier : corps, âme et esprit (cf. 1Th 5,23).

De plus, Jésus a accompli cette guérison sans utiliser l’eau de ce temple dédié à Sérapis, le dieu guérisseur. Dans un tel contexte, comment se présente-t-il indirectement ((a) Lc 5,31-32 ; (b) Jn 4,42 ; 1Jn 4,14 ; Lc 2,11 ; sans jamais oublier Jude 1,25 et Ac 5,31 ; 13,23 et donc Lc 1,47 ; 1Tm 2,3-4 ; 4,10 ; conclusion avec Tt 3,4-7) ?

Jésus agira par sa seule Parole ; que nous suggère cette manière de faire (cf. Gn 1,1-25 avec Jn 5,19-20) ? Quel but poursuit-il (2Co 5,17-21 ; Jn 17,24 ; Jn 14,1-4) ? De quoi cette guérison sera-t-elle donc le signe ? Et de fait, où Jésus retrouvera-t-il par la suite cet homme guéri (cf. Jn 5,14 ; se souvenir aussi de l’expression employée au début de Jn 14,2, lue avec Jn 20,17) ?

Cet infirme guéri a-t-il vraiment compris au moment de sa guérison qui est Jésus et le don incroyable qu’il vient de recevoir (cf. Jn 5,13) ? Les mariés des Noces de Cana avaient-ils eux aussi demandé quelque chose à Jésus, le connaissaient-ils, croyaient-ils en Lui, ont-ils pris conscience de tout ce qu’ils ont reçu (cf. Jn 2,1-12) ? La veuve de Naïn (Lc 7,11-17) et l’aveugle-né (Jean 9,1-7) connaissaient-ils eux aussi Jésus, avait-ils foi en Lui, lui ont-ils demandé quelque chose ? Et pourtant, que fera Jésus pour eux ? A partir de tous ces exemples, quelles conclusions pouvons-nous tirer sur Jésus, sa Présence auprès des hommes, son action à leur égard ? Ceci est-il toujours valable dans l’aujourd’hui de notre histoire (cf. Mt 28,20 ; Hb 13,8) ? Quel regard de foi sommes-nous donc invités à porter sur tous ceux et celles qui nous entourent, qu’ils soient croyants comme nous, ou croyants différemment ou encore incroyants ? La base de tout, en fin de compte, est la bonne volonté… Avec elle et par elle, que nous en soyons conscients ou pas, le Père guide ses enfants sur les chemins qui mènent à sa Maison…

Or en quel jour Jésus a-t-il accompli ce miracle ? Cela posera deux problèmes pour les scribes et les Pharisiens, lesquels (cf. j Jn 5,10 ; k Jn 5,15-16 ; Lc 13,14) ? De fait, que demande la Loi de Moïse pour le sabbat (Ex 20,8-11 ; Dt 5,12-15) ? Mais le but d’une telle demande est de se mettre dans les meilleures conditions possibles pour vivre sa relation avec Dieu. Or, qu’est-ce qui nous empêche de vivre pleinement cette relation (Rm 7,14-25)? Et d’après ce que nous venons de voir, de quoi les guérisons accomplies par Jésus sont-elles le signe ? Jésus s’oppose-t-il donc au commandement du sabbat, ou au contraire en permet-il le meilleur accomplissement possible (cf. Jn 7,19-24) ?

A l’époque de Jésus, les maladies et la mort étaient donc comprises comme des châtiments que le Dieu Juge envoyait du ciel pour punir les pécheurs (cf. 1R 8,32). Et puisque l’on pouvait tomber malade ou mourir un jour du Sabbat, on en avait déduit que l’activité du Dieu Juge ne cesse jamais… Or, pour expliquer son action, que dit Jésus en Jn 5,17 ? Quelle prétention y voient aussitôt les scribes et les Pharisiens ?

Le discours de Jésus (Jn 5,19-49)

             Au début de son discours, Jésus va tout de suite rebondir sur ces reproches que ses interlocuteurs viennent de lui faire. Ils l’accusent de « se faire l’égal de Dieu », de se mettre en avant… Mais dans ses toutes premières paroles en 5,19-20 et plus tard en 5,30, comment Jésus se présente-t-il ? Retrouver ce principe fondamental dans les versets suivants pour sa Parole (7,16-17 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10 ; 14,24 ; 17,7-8) et ses œuvres (5,36 ; 9,1-4 ; 10,36-38 ; 14,10-11). Quel est d’après Jn 14,10-11 le fondement sur lequel le Fils construit toute sa vie ? D’après les tout premiers mots de Jn 5,20, quel en est le contexte ? Et comment le Christ répond-il (cf. Jn 14,31 ; 4,34 ; Ph 2,8 ; Hb 5,8) ? Quelle devrait donc être, à l’exemple du Fils, l’attitude de base de tout chrétien « fils ou fille de Dieu » au plus profond de son cœur (Ac 5,29 ; 6,7 ; Rm 6,16 ; 16,19 ; 2Co 9,13 ; 10,4-5 ; Ph 2,12 ; 1P 1,1-2 ; 1,14.22). Par quelle expression St Paul résume-t-il cette attitude (cf. Rm 1,5 ; 16,26) ?

Dieu appelle ainsi l’homme au plus profond de lui-même, au plus profond de son être. Nous sommes ici à la source de ce que nous appelons notre « conscience »… En effet, celle-ci est la conséquence directe de l’action créatrice de Dieu qui nous a suscités dans l’existence par son Souffle, l’Esprit Saint (Gn 2,4b-7), et qui nous maintient en vie, instant après instant, par ce même Souffle (Job 34,14-15)… C’est donc une réalité de l’ordre de l’Esprit qui est à la racine la plus profonde de notre être, de notre vie… L’Esprit de Dieu a créé notre esprit, et il le maintient dans l’existence instant après instant. Et cet « esprit » participe, de par ce qu’il est, à la nature même de Dieu (Jn 4,24). Il porte donc en lui toutes les richesses divines : amour, vérité, justice, droiture, loyauté, compassion, sagesse… Et ces richesses s’expriment spontanément dans ce que nous appelons notre « conscience ». Etre fidèle à sa conscience, l’écouter, c’est donc en fin de compte être fidèle à Dieu, écouter Dieu, même si cette conscience a besoin d’être éclairée, purifiée, fortifiée… Combien vivent sans faire attention à ce trésor qui les habite déjà… C’est pour cela que découvrir le Mystère de Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ est au même moment une découverte de soi-même, de ce que nous sommes tous : des êtres spirituels qui vivent déjà de la Plénitude même de Dieu, et qui sont appelés à partager cette Plénitude en acceptant librement de la recevoir de Celui qui ne cesse de vouloir nous la communiquer ! Nous avons tous été créés pour cela… Mais avant de recevoir, il faut d’abord prendre conscience de l’existence de Dieu, cet Être éternellement bienveillant et toujours offert. Ensuite, il faut accepter librement de se tourner vers lui pour recevoir le Don de sa Vie, de sa Paix, un Don qu’il veut voir régner en nous pour notre bien. Telles sont toutes les étapes d’une « conversion » à laquelle Dieu travaille, patiemment, inlassablement, pour que nous puissions connaître la Plénitude, la sienne ! Tel sera alors notre bonheur profond. En prendre conscience ne pourra donc qu’être pour nous synonyme de lumière, d’émerveillement, d’intensité de vie inégalée… « Heureux ceux qui croient »… Le paradoxe des paradoxes est que les hommes cherchent tous le bonheur en courant après l’argent, les biens matériels, les honneurs, alors que Dieu de son côté court après chacun de nous pour nous inviter au seul vrai bonheur pour lequel il nous a tous créés, le sien… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,10)… Prendre du temps pour s’arrêter et se placer sous la lumière de cette Parole que le Fils est venue nous adresser au Nom de son Père, c’est découvrir avec lui, avec elle, dans l’invisible de l’Esprit, une réalité intense et paisible de l’ordre de la vie, qui suffit déjà à nous combler dès ici-bas ! Sa Présence en nous sera le fruit de la Miséricorde de Dieu qui veut notre bien plus que nous-mêmes. En effet, quel que soit notre « état », la gravité et l’étendue de nos blessures, « Dieu ne cesse pas de nous suivre pour nous faire du bien »… Et l’on pourrait même dire que cette Présence se fera d’autant plus insistante que nous sommes blessés, plongés dans les ténèbres, et donc finalement, sans en avoir peut-être pleinement conscience, profondément malheureux… Et voilà justement ce que notre Père à tous ne supporte pas ! Alors, s’il nous appelle à l’aimer « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit » (Mt 22,37), c’est bien parce que Lui est le premier à le faire depuis toujours : « Je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement dans ce pays » (ce Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit) « de tout mon cœur et de toute mon âme » ! Et là, le prophète Jérémie évoque l’infini du cœur de Dieu (Jr 32,39-41) !

Accepterons-nous enfin de prendre du temps pour lui, de nous tourner vers Lui, d’écouter ce qu’il nous a dit par son Fils, et de le laisser agir en nous ? Nous ne pourrons alors que reconnaître, en la vivant, cette Plénitude de Vie et de Paix qu’il désire nous communiquer… Heureux serons-nous alors… Jésus est venu nous rejoindre pour cela : « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10)… Et il est le Bon Pasteur qui cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve (Lc 15,4-7). Combien de fois dans notre vie n’allons-nous pas être des « perdus », et à chaque fois… il nous retrouvera et nous donnera de vivre et de revivre sa vie, sa paix… en attendant ce jour tout à la fois désiré et redouté où, enfin, nous le verrons !

D’ailleurs, quelle notion intervient deux fois en Jn 5,26 ? A la lumière de cette insistance, lorsque le Christ va ensuite parler d’un « pouvoir » reçu de son Père, de quel « pouvoir » pourrait-on s’attendre (cf. Jn 17,1-2 ; 10,10 ; 5,40) ? Et pourtant, c’est la notion de « jugement » qui intervient en Jn 5,27 ! Conclusion : en mettant en parallèle la réponse précédente et cette notion de jugement, que veut donc dire pour Dieu « exercer le jugement » ? Retrouver la réponse avec Jn 3,14-18. Dieu juge-t-il donc au sens de « condamner » (cf. Jn 5,22 ; 5,45 ; 8,10-11 ; 1Jn 2,1-2 ; Rm 8,31-34) ? Quelle est son unique préoccupation (1Tm 2,3-6) ? Et de fait, si le thème du jugement apparaît aux versets 22, 24, 27, 29, 30, quel autre thème se croise continuellement avec lui (versets 21, 24, 25, 28-29) ? Retrouver ainsi une nouvelle fois ce que veut dire pour Dieu « exercer le jugement » (voir aussi Col 1,12-14 ; Jn 12,31-32). Ainsi, celui qui, jour après jour, accepte le Christ Sauveur dans son cœur et dans sa vie, reçoit « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19), Celui qui a versé tout son sang sur la Croix pour que nous puissions être libérés du mal et de ses conséquences (1Jn 1,7 ; Ap 1,5 ; 7,13-17 ; 12,10-12 ; Hb 9,14) et vivre ainsi de sa vie (Jn 6,53-57), en communion de vie avec lui (1Jn 1,1-4)… Car le sang dans la Bible symbolise la vie… En nous donnant « son » sang (Lv 17,11 ; 17,14), Jésus nous donne « sa » vie, pour que nous vivions de « sa » vie… Et cette vie sera le fruit, en nous, de l’action de l’Esprit car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), c’est « l’Esprit qui est notre vie » (Ga 5,25)…

Quels sont donc « les morts » évoqués en Jn 5,25, des « morts » qui « entendent la voix du Fils de Dieu » et qui ne sont donc pas si morts que cela (cf. Lc 5,31-32 ; Rm 6,23) ? Souvenons-nous que nous avons rencontré ce thème de « la voix » en Jn 3,8 : « Le vent (ou l’Esprit, même mot en grec, pneûma) souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3,8). Cette « voix » est donc celle de l’Esprit… Entendre « la voix du Fils de Dieu », c’est entendre « la voix » silencieuse de l’Esprit qui se joint à sa Parole et touche les cœurs… En effet, souvenons-nous encore de Jn 3,34 : « Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure ». En donnant la Parole du Père, Jésus donne l’Esprit sans mesure. Accueillir la Parole de Jésus de tout cœur, c’est donc au même moment accueillir l’Esprit. Les disciples qui entendaient de leurs oreilles la voix de chair de Jésus, percevaient donc au même moment, au plus profond d’eux-mêmes, un « je ne sais quoi », comme dirait Ste Thérèse de Lisieux : la voix de l’Esprit qui « parlait » par sa simple Présence en eux. Avec lui, ils vivaient donc de la vie de Dieu, car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)… Et puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et que « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), avec lui encore, ils faisaient en même temps une expérience de Lumière, que l’on peut aussi traduire en terme de Joie (cf. 1Th 1,5-6). Jésus, conscient qu’ils accueillaient à travers sa Parole la réalité même de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité, pouvait leur dire : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez et les oreilles qui entendent ce que vous entendez » (Mt 13,16‑17). Ils vivaient ce que lui aussi vivait… « A cette heure même, il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir » (Lc 10,21).Heureux étaient-ils parce qu’ils accueillaient avec sa Parole l’Esprit donné sans mesure, l’Esprit qui vivifie, l’Esprit qui est Lumière et Joie… Ils entendaient « la voix de l’Esprit ». C’est pourquoi Jésus parle ici, en Jn 5,25, de ces « morts », de ces pécheurs, qui vont accepter librement de l’accueillir, de l’écouter, de lui ouvrir leur cœur : ils vont « entendre la voix du Fils de Dieu » et donc avec lui « la voix » de l’Esprit… Alors, ils ne peuvent que vivre, car « l’Esprit vivifie » (Jn 6,63). D’où l’affirmation de Jésus : « et ceux qui l’auront entendue vivront »…

Par contre, quels sont « les morts » qui interviennent ensuite en Jn 5,28 ? On peut lire Ez 37,1-14 en pensant au même thème… Bien noter qu’en Jn 5,28-29, tous les morts ressusciteront, tous, sans aucune exception, « ceux qui auront fait le bien » et « ceux qui auront fait le mal »… Or, celui qui a fait le bien, avant de l’accomplir, a dit « oui » au bien dans son cœur. Peut-être n’en était-il pas conscient, mais au même moment, il disait « oui ! » à Dieu et son « faire le bien » était déjà habité par la Présence de Celui qui est le Bien par excellence, et qui se plait « à faire le bien » pour les uns et pour les autres, par les uns et par les autres… « Dieu est Amour » (1Jn 4,8), il est le Bien, il est « la Vérité » (Jn 14,6). Ainsi, « celui qui fait la vérité » du bien et de l’amour, « vient à la lumière afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu » (Jn 3,21). Dieu le soutient dans le bien qu’il accomplit, il l’entoure, il l’encourage, mystérieusement il le guide, et ce bien fait « en Dieu » devient l’œuvre de Dieu lui-même…

« Ceux qui auront fait le mal » sortiront des tombeaux « pour une résurrection de jugement » (Jn 5,29). A la lumière de la notion de « jugement » rencontrée précédemment, que sera pour eux cette « résurrection de jugement » ? Quelle énorme espérance pouvons-nous donc avoir à leur égard ? Encore faudra-t-il, une fois de plus, qu’ils acceptent, librement, de se laisser aimer par « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3)… L’Amour, en effet, peut se faire pressant, suppliant, dans son ardeur à vouloir le bien pour celui et celle qu’il aime… Mais il ne peut s’imposer, il ne peut « forcer » qui que ce soit… Le Seigneur nous aidera, il nous encouragera, il insistera pour que nous acceptions d’entrer dans sa Maison, mais il ne nous obligera jamais à le faire… D’où l’importance de lui dire « Oui ! » dès maintenant, en lui offrant tout, toutes nos misères, nos mauvaises volontés, nos manques d’amour… Et lui fera ce qu’il ne cesse de faire de toute éternité : face au mal, l’Amour prend le visage de la Miséricorde qui, inlassablement, enlève le péché du monde, pardonne, lave, purifie, sanctifie… « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent » (Ste Thérèse de Lisieux).

Ps 103(102),1-18 : « Bénis le Seigneur, ô mon âme,

bénis son nom très saint, tout mon être !

Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ;

il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse ;

il comble de biens tes vieux jours : tu renouvelles, comme l’aigle, ta jeunesse.

Le Seigneur fait œuvre de justice, il défend le droit des opprimés.

Il révèle ses desseins à Moïse, aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ;

il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ;

il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.

Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ;

aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ;

comme la tendresse du père pour ses fils,

la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

Il sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière.

L’homme ! ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit :

dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore.

Mais l’amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, *            et sa justice pour les enfants de leurs enfants,

pour ceux qui gardent son alliance et se souviennent d’accomplir ses volontés »…

Quelle notion prépondérante apparaît ensuite en Jn 5,31-40 ? On peut dire que le principe est énoncé en Jn 5,31-32. Apparaissent ensuite tous les acteurs qui mettront en œuvre cette notion : les indiquer. Et qui en est, à chaque fois, le bénéficiaire ? Nous le voyons, nous sommes ici en plein procès de Jésus accusé par les autorités religieuses d’Israël de « se faire égal à Dieu » (Jn 5,18). Or, d’après la Loi de Moïse, quel était le nombre de témoins nécessaires pour « convaincre un homme de quelque faute ou délit que ce soit » (cf. Dt 19,15) ? Ce chiffre n’est-il pas atteint ici, et même dépassé ?

D’après Jn 5,44, quelle attitude s’oppose à l’accueil du Christ ? Quelle en est la conséquence (cf. Jn 12,37-41 ; Mc 8,17-18) ? Leur cœur est-il donc ouvert ou fermé ? Et puisque Dieu est Amour et Source d’Amour et de Vie (1Jn 4,8.16 ; Jr 2,13 ; 17,13 ; Jn 7,37-39 avec Rm 5,5), qu’auraient-ils aussitôt en eux-mêmes si leur cœur lui était ouvert (cf. Jn 5,42 et Jn 5,40 en notant que « venir à » en St Jean équivaut à « croire » (cf. Jn 6,35)) ? Après avoir reconnu cette Présence vivifiante en eux de l’Esprit, que se passerait-il alors (cf. deuxième partie de 1Co 12,3 ; puis Jn 5,23 car Jn 10,30) ?

En effet, s’ils avaient en eux « l’amour de Dieu », c’est bien parce ce que « un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27). En effet, « Dieu est Amour  » (1Jn 4,8). Or, « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux). Ainsi Dieu, de toute éternité, est Source de ce qu’Il est lui-même. Il ne cesse de tout donner, tout ce qu’Il Est… Il Est Lumière (1Jn 1,5) ? Il donne la Lumière… Il Est Amour ? Il donne l’Amour… Il Est Esprit (Jn 4,24) ? Il donne l’Esprit… Et son Esprit, bien sûr, est Amour et Lumière… Voilà pourquoi, en nous donnant l’Esprit, il nous donne aussi l’Amour, une force pour aimer : « L’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné », dit St Paul (Rm 5,5). Mais avec l’Esprit, nous recevons aussi la Lumière… « N’éteignez pas l’Esprit », dira St Paul (1Th 5,19)… Alors, si les interlocuteurs de Jésus étaient vraiment ouverts à Dieu de tout cœur, comme ils le prétendent, ils auraient en eux sa lumière. Or, dit le Psalmiste, « par ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36(35),10). Jésus est la « Lumière du monde » (Jn 8,12) ? Ils l’auraient aussitôt reconnu et aimé… Mais puisqu’ils refusent d’accueillir en eux cette Lumière de l’Amour en faisant la vérité dans leur vie, vérité de leur misère qui pourrait accueillir la Vérité de la Miséricorde de Dieu, ils n’accueillent pas Jésus (Jn 5,43). Pire, ils vont aller jusqu’à le haïr (Jn 15,18-27).

Et dans la même foulée, s’ils croyaient vraiment en Moïse (Jn 5,46), puisque Moïse n’a fait que transmettre les Paroles qu’il avait reçues de Dieu, et notamment « les Dix Paroles » (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-22), c’est Dieu à travers lui qu’ils auraient accueilli… Et si tel avait été vraiment le cas, ils auraient reconnu que la Parole de Jésus jaillit de la même source : toutes les Paroles qu’il nous transmet viennent aussi du Père… Et puisque Jésus, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), est Dieu (Jn 1,1 ; 20,28), en accueillant Dieu par Moïse, ils auraient accueilli en même temps le Mystère du Fils éternel « unique engendré » (Jn 1,18)… Il n’est donc pas possible de dire que l’on croit en Moïse et au même moment qu’on ne croit pas en Jésus… Mystère de ce péché qui est résistance à Dieu, refus de Dieu… Jésus, « vrai Dieu né du vrai Dieu » va l’affronter dans toute son intensité et se laisser broyer par lui… Mais rien, absolument rien ne peut empêcher Dieu d’être ce qu’Il Est, et Il Est Amour… A la mort de son Fils, il répondra par l’Amour… L’Amour qui arrache à la mort le Fils Bien-Aimé et qui l’envoie bénir tous ceux qui l’ont tué !

« Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,25-26).

Dieu ne sait en effet que bénir, c’est-à-dire vouloir et accomplir par ses dons le bien de tous les hommes qu’il aime… Tous, sans exception, et tout particulièrement ceux qui sont pris fans les filets du mal, de la violence et de la haine, un mal qui les prive de la Plénitude de Dieu et ne peut donc que les plonger dans la souffrance intérieure et la détresse (Rm 2,9). Voilà, justement, ce que Dieu n’acceptera jamais.

                                                                                                                             D. Jacques Fournier

[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique & 405 ; 418 ; 1264 ; 1426 : « La nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée  » concupiscence « ). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel ».« Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, « celui qui aura combattu selon les règles sera couronné » (2 Tm 2, 5). » « La vie nouvelle reçue dans l’initiation chrétienne n’a donc pas supprimé la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclination au péché que la tradition appelle la concupiscence, qui demeure dans les baptisés pour qu’ils fassent leurs preuves dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ. Ce combat est celui de la conversion en vue de la sainteté et de la vie éternelle à laquelle le Seigneur ne cesse de nous appeler ».

Correction de la fiche N°10

CV – 10 – Jn 5 correction




Fiche n°11 : Jésus « Pain de Vie » par sa Parole et par sa chair offerte (Jn 6). (1)

Comme le chapitre 5, le chapitre 6 de l’Evangile selon St Jean est construit en deux grandes parties : deux signes (I) et un discours (II) qui s’éclairent mutuellement.

La multiplication des pains (Jn 6,1-15) 

  • D’après Jn 2,23-25, comment Jésus regarde-t-il ceux qui viennent à Lui uniquement « à la vue des signes qu’il opérait sur les malades » (Jn 6,2) ? Que peut-on dire de leur foi ? Et pourtant, à quoi servent les signes (cf. Jn 11,42 ; 20,30-31 ; 2,11 ; 4,46-54) ? Aussi que va faire Jésus : rejeter cette foule qui vient à Lui avec une foi imparfaite ? Que lui donnera-t-il au contraire ? Et qu’espèrera-t-il à nouveau (cf. Jn 14,8‑11 ; 1Jn 1,1-4 ; 1Jn 4,9 avec 4,14‑16) ?

  • Où Jésus va-t-il en Jn 6,3 ? Dans la Bible, ce lieu est traditionnellement celui de la prière, de la rencontre avec Dieu qui « se tient au ciel » (Ps 12,1). Symboliquement, on se rapproche ainsi de lui… Symboliquement, car le ciel n’est « pas un lieu » mais un état, et par suite « une manière d’être » (Catéchisme de l’Eglise Catholique & 2794). Le ciel, « le Royaume des Cieux » est en effet « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Il est Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité d’un même Esprit. C’est pour cela que, mystérieusement, dans la foi, il est déjà commencé dès ici-bas par le Don de l’Esprit. Elisabeth de la Trinité, Carmélite, écrivait : « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais… J’ai trouvé le ciel sur la terre puisque le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme… Vous êtes vous-mêmes la retraite où Il s’abrite, la demeure où il se cache ». Il est en effet possible, dès ici-bas, de reconnaître, de percevoir « quelque chose » de cette Vie du Ciel qui nous est promise en plénitude par-delà notre mort. En effet, Jésus a dit à Nicodème : « L’Esprit souffle où il veut et tu entends sa voix. Mais tu ne sais pas ni d’où il vient, no où il va » (Jn 3,8)… « Tu entends sa voix »… « La vie est bien mystérieuse », écrivait Ste Thérèse de Lisieux. « Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ». C’est ce « je ne sais quoi », synonyme de densité de vie et de paix profonde qu’il s’agit de « voir », « d’entendre », de reconnaître… Jésus aurait pu dire en regardant Ste Thérèse et la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité : « Quant à vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient ; heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13,16). Tel est le fruit de la prière, dans la foi…

Mais en indiquant ce lieu précis en Jn 6,3, St Jean veut comparer Jésus à une grande figure de l’Ancien Testament, laquelle (cf. Ex 19,20) ? Ce parallèle était déjà intervenu au tout début de l’Evangile (Jn 1,17), puis dans la présentation de Jésus (Jn 1,45), puis en Jn 3,14-15, juste avant de résumer le cœur de sa mission (Jn 3,16-17), et enfin en Jn 5,45-46, quelques lignes avant le début de notre chapitre 6, où nous le retrouverons en Jn 6,32… Il est vrai que nous allons beaucoup parler de pain en Jn 6 : que s’était-il donc passé pendant l’Exode du Peuple d’Israël de l’Egypte vers la Terre Promise vers 1250 avant JC (cf. Ex 16,11-16)…

St Jean insiste sur ce parallèle. En effet, quelle prophétie Moïse avait-il faite en Dt 18,15 et 18,18 ? Qui accomplira, une fois de plus, cette prophétie (cf. Jn 4,19) ? Et de fait, que dira la foule en Jn 6,14 ?

  • A l’occasion de quelle grande fête Jésus mourra-t-il sur une Croix pour le salut du monde (cf. Jn 13,1 ; 18,28.39.19,14.31.42) ? En quels termes parlera-t-il alors de son offrande (cf. Jn 6,51 ; Mt 26,26-29) ? C’est donc pour évoquer sa Passion prochaine, là où toutes ses Paroles s’accompliront pleinement, que St Jean mentionne cette fête au tout début de ce récit de la multiplication des pains (Jn 6,4). Il nous met ainsi déjà sur la voie : ce pain multiplié représentera Jésus lui-même… A son époque, la Pâque commémorait la libération de l’oppression d’Egypte et le départ du Peuple hébreu vers la Terre Promise… Nous pouvons relire cette histoire ancienne et l’appliquer à nos vies en pensant non plus au Pharaon d’Egypte mais au prince des ténèbres, non plus à la Terre Promise mais au Royaume des Cieux déjà offert à notre foi par le Don de l’Esprit Saint. Le péché et le mal sont en fait des tyrans qui nous plongent dans « le mal-être », « la souffrance, l’angoisse » (Rm 2,9)… Un pécheur est donc avant tout un souffrant, un malheureux au plus profond de lui-même, un esclave de toutes sortes de plaisirs qui se révèlent en fait mensongers et destructeurs… Et voilà justement ce que Dieu ne supporte pas : tout ce qui abîme sa créature… Il est donc venu avec son Fils Jésus Christ et par lui, pour nous combler de tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes (Relire Rm 3,23 puis Jn 17,22). L’Exode de notre vie sera donc de quitter petit à petit le mal, ce qui nous rend mal, ce qui nous blesse, pour découvrir avec le Christ la Plénitude de l’Être et de la Vie (cf. Jn 8,31-36 ; 8,12 avec 12,46 ; Colossiens 1,13-14 et Ac 26,15-18 ; Jn 3,3 et 3,5 avec 14,1-4 et 17,24 ; et finalement Jn 5,24 avec 6,49-51 et 6,58)…

  • La foule demande-t-elle quelque chose à Jésus ? Qui prendra l’initiative de la multiplication des pains et pourquoi (cf. Mc 8,1-3 ; Mt 15,32) ? Que retrouve-t-on ici très concrètement (cf. Mt 6,8 et Lc 12,29-31) ? Et d’après Hb 13,8, qu’en est-il pour nous, dans l’aujourd’hui de notre vie ? Mais bien sûr, cela demande un regard de foi… D’où l’appel répété de Jésus dans les Evangiles : « Veillez, priez »…

  • Puis Jésus dit à Philippe : « Où achèterons-nous des pains pour que mangent ces gens ? » Puisque Jésus est venu « accomplir les Ecritures » (Jn 17,12 ; 19,23-37) et qu’il ne se préoccupe pas habituellement « d’argent » ou « d’achats », à quoi Philippe aurait-il pu penser (Is 55,1‑3 ; Jn 7,37-39) ? De plus, Philippe remarque bien que «  deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau » (Jn 6,7 où un denier correspond au salaire journalier d’un ouvrier agricole). Et il savait que Jésus et ses disciples ne marchaient pas sur les routes de Palestine avec une somme pareille ! Là encore, cette simple constatation aurait dû éveiller son attention, car Jésus ne parle jamais pour ne rien dire ! Enfin, où se trouvent-ils (Mc 6,35-36) ? Etait-il donc concrètement possible de faire ce que Jésus semblait suggérer : « acheter du pain pour la foule » ? Encore une fois, Jésus ne le savait-il pas ? Et malgré tout cela, le déclic que Jésus attendait de Philippe n’arrivera pas…

  • En Is 55,2b-3, « manger » a une portée symbolique, laquelle : quelle est « la réalité » qu’il faut manger d’après le verset 3 (cf. Am 8,11 ; Dt 8,3 ; Ne 9,29 ; Ez 3,1-3) ? Et qu’est-ce que Jésus est venu nous donner (cf. Jn 17,7-8 ; 5,24 ; 6,63 ; 6,68) ? Voilà notre nourriture par excellence… En effet, la lecture de la Parole de Dieu est « nourriture de vie éternelle », car l’Esprit se joint à elle pour lui rendre témoignage au plus profond des cœurs : « Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu, car », en les prononçant, « il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Et, « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Ainsi, ouvrir son cœur à la Parole de Dieu, c’est s’ouvrir à l’Esprit. Et sa Présence en nos cœurs sera « vie », « vie nouvelle », « vie éternelle »… C’est pour cela qu’on ne se lasse pas de lire la Parole de Dieu : avec elle, il nous est donné de vivre de la vraie vie, celle qui nous attend en Plénitude par-delà notre mort… « Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie » (Ste Thérèse de Lisieux)…

  • En 6,9, un enfant a cinq pains et deux poissons. Est-il humainement possible de nourrir une foule de cinq mille hommes avec cela ? Quelle attitude « raisonnable » aurait-il pu adopter ? Et pourtant, que fait-il ? Quelle leçon nous donne-t-il ?

Le mot « orge » n’intervient qu’ici dans les Evangiles, et une seule autre fois dans le Nouveau Testament en Ap 6,6. St Jean a ainsi précisé par deux fois la nature de ces pains (Jn 6,9.13) pour faire allusion à la multiplication des pains opérée par Elisée (2R 4,42-44). Quelles informations sur Jésus peut-on retirer de ce parallèle ?

Qu’était ce pain d’orge d’après 2R 4,42 ? Il était utilisé dans un cadre liturgique, en obéissance à la Loi de Moïse, la Loi de l’Alliance (Si 39,8 ; 44,20) pour rendre grâce à Dieu à l’occasion d’une nouvelle récolte (Dt 26,1-11). Ce « pain d’orge » symbolise donc ici pour St Jean « l’Ancienne Alliance », et sa manière de faire, selon la Loi de Moïse. Ce pain d’orge va maintenant passer dans les mains de Jésus, être transformé, multiplié et distribué à toute la foule. Jésus prend ainsi « le pain de l’Ancienne Alliance » pour le transformer en « pain de la Nouvelle Alliance », ce pain que nous recevons encore aujourd’hui au cours de nos Eucharisties. Nous constatons ainsi une fois de plus que Jésus ne détruit pas l’Ancienne Alliance ; au contraire, il la mène à sa perfection, il lui permet d’atteindre ce qu’elle annonçait (Mt 5,17 ; Hb 8,6-13 ; 9,15) : l’Alliance Nouvelle et éternelle que Dieu veut vivre avec tout homme. A nous maintenant de lui dire oui ! Dans le miracle des Noces de Cana (Jn 2,1-12), la symbolique était identique. Jésus avait employé l’eau qui servait habituellement aux ablutions rituelles dans le cadre de l’Ancienne Alliance, en obéissance à la Loi de Moïse. En transformant cette eau-là, il montrait que l’Ancienne Alliance est accomplie et qu’il est venu en établir une Nouvelle. « L’eau de la Loi » cède alors la place au « bon vin de l’Esprit Saint », cadeau par excellence de l’Alliance Nouvelle (cf. Lc 11,9-13)…

  • « Alors Jésus prit les pains et, ayant rendu grâces, il les distribua (En grec : « diadidômi » ; donner se dit « didômi ») aux convives Quand ils furent repus, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux (littéralement : les « rompus ») en surplus, afin que rien ne soit perdu » » (Jn 6,11-12). Comparer les verbes employés en ces deux versets avec ceux utilisés en Lc 22,19 : à quoi St Jean fait-il ici allusion ?

De plus, le texte grec officiel a, comme la TOB, en Jn 6,23 : « … près de l’endroit où ils avaient mangé le pain après que le Seigneur eut rendu grâces » ; quel verbe retrouve-t-on ici ? Et « rendre grâces » se dit en grec « eukharistéô »…

Dans les récits de multiplication des pains en St Matthieu (14,16.19 ; 15,36), St Marc (6,37.41 ; 8,6) et St Luc (9,13.16), qui distribue le pain à la foule ? Et ici, en St Jean, qui le fait ? St Jean prépare ainsi le discours qui suivra où Jésus donnera à ce pain une signification toute nouvelle : cf. Jn 6,35 (6,48). Que représente donc ce pain multiplié en Jn 6,1-15 ? Et lorsque nous vivons une Eucharistie, c’est le Christ Ressuscité en personne qui continue à venir se donner mystérieusement à nous pour nous communiquer sa vie. Et il le fait par les serviteurs qui nous distribuent le pain de vie.

De quoi le rassasiement des convives en 6,12 est-il le signe (cf. Jn 6,35 ; 10,10 ; Col 2,9-10) ?

Puis Jésus dit : « Rassemblez les morceaux en surplus afin que rien ne soit perdu ». Quel est le sens premier, immédiat, de cet ordre ? Mais ce verbe « perdre » (apollumi en grec), traduit parfois par « périr », a une connotation toute particulière en St Jean ; d’après les contrastes employés en Jn 3,16 ; 6,39-40 ; 10,10 ; 10,27-28 ; 12,25 que signifie « être perdu » pour St Jean ? A la lumière de cette petite enquête, quel sens nouveau prend l’expression « afin que rien ne soit perdu » ? Comment l’Eucharistie est-elle alors présentée ?

  • Un dernier point sur la symbolique des chiffres. La première partie des Ecritures Hébraïques s’appelle « la Torah » (la Loi). Elle est composée de cinq Livres (Gn ; Ex ; Lv ; Nb ; Dt) où ont été rassemblés tous les textes de Loi qui régissent la vie d’Israël. Tout le Peuple de Dieu se devait alors d’obéir à la Loi pour vivre en Alliance avec Dieu (cf. Ex 24,7-8) et trouver ainsi le chemin de la vie (cf. Ps 119(118),25.37.93.107 ; Dt 30,15-20 ; Ac 7,37-38) ? « Mille » évoque en hébreu « la multitude ». Les « cinq mille hommes » représentent ainsi dans notre texte « la multitude » du Peuple d’Israël appelée à trouver le chemin de la vie en obéissant aux cinq livres de la Loi. Et le cœur de la Loi est composé des « Dix commandements » (Ex 20,1-17), plus précisément dans l’hébreu de l’Ancien Testament, « les Dix Paroles ». En multipliant « cinq pains », Jésus suggère à nouveau par ce chiffre « cinq » que désormais, ce n’est plus la Loi qui sera la référence première, mais la Parole du Père qu’il est venu nous transmettre, ce Père qui avait déjà donné à Moïse « les Dix Paroles ». Mais avec le temps, les hommes les avaient surchargées de toutes sortes de préceptes et de commandements qui n’étaient bien souvent que des traditions humaines allant jusqu’à trahir parfois l’intention même de la Loi (cf. Mc 7,6-13). Jésus est donc venu la purifier en la recentrant sur l’essentiel : l’amour de Dieu et du prochain (Mt 22,34-40). Maintenant, le disciple du Christ est invité à aimer « comme » le Christ a aimé (Jn 15,12). S’il le fait, il accomplira « les Dix Paroles » car « celui qui aime autrui a de ce fait accompli la Loi. En effet, le précepte : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude » (Rm 13,8-10).

Mais reconnaissons-le, laissés à nous‑mêmes, à nos propres forces, nous n’arrivons pas à aimer « comme » Jésus a aimé. Aussi avons-nous besoin du secours de Dieu : le Don de l’Esprit Saint qui est avant tout une force d’aimer. Avec lui et grâce à lui, en tant que nous le recevons par la prière, il devient alors possible d’aimer « comme » le Christ a aimé, car le disciple a alors part à l’Amour même qui remplit le cœur de Dieu. En effet, « l’Amour de Dieu », l’Amour avec lequel Dieu nous aime, « a été versé en nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,25)…

Enfin, le chiffre « douze » renvoie aux douze tribus d’Israël, un symbole qui rejoint les « cinq » pains de la Loi, nourriture de vie pour la multitude du Peuple de Dieu. Mais maintenant, une nouvelle symbolique se dessine : chaque Apôtre, et ils sont Douze, recevra bientôt une de ces corbeilles pleines avec pour mission d’aller offrir ce pain de vie à la multitude des hommes appelés au salut… C’est ce que l’Eglise continue de faire jour après jour, au Nom de son Seigneur…

 

La marche sur la mer (Jn 6,16-21)

  • A l’époque de Jésus qui, pensait-on, habitait dans la mer (cf. Is 27,1 ; Ps 74,13‑14 ; 148,7 ; Lc 8,30-33) ? Et dans l’Evangile de Jean, « la nuit » représente souvent elle aussi les forces du mal (cf. Jn 13,21-30; 8,12 ; 12,35)… Dans quelle situation se trouvent donc les disciples en pleine « nuit » au cœur de « la mer » ?

  • Mais contrairement à St Marc (6,45-52) et à St Matthieu (14,22-33), St Jean ne s’attarde pas sur le péril qui les menace, car c’est le Christ qui l’intéresse. Dans quelle attitude ce dernier apparaît-il en 6,19 ? Or, d’après Jb 9,8 (cf. Ps 77(76),20), qui est Celui-là seul qui peut « fouler les hauteurs de la mer » ? Et qu’est-ce que cela signifie ? Que suggère donc l’attitude de Jésus (1), et que préfigure-t-elle (cf. 1Co 15,20-28) ?

  • Les disciples « ont peur » de Jésus, et ce sera la seule et unique fois dans l’Evangile de Jean où cela se produira. Dans quel contexte cette « peur » intervient-elle très souvent dans l’Ancien Testament (Gn 3,10 ; 28,16-17 ; Ex 3,6 ; 20,18 ; Is 2,10.20‑21 ; Lc 9,34) ? Et que dit Dieu à chaque fois (Gn 15,1 ; 26,24 ; Jg 6,22-24 ; Dn 10,7-12 ; cf. Lc 1,12-13 ; 2,9-10 ; Mc 9,6…) ? A la lumière de tous ces textes, que suggèrent la peur des disciples et la réponse de Jésus (2) ?

En Jn 6,20, dans le contexte immédiat des relations de Jésus avec ses disciples, toutes nos Bibles ont choisi de traduire la parole de Jésus par : « C’est moi ! ». Mais St Jean a écrit littéralement en grec : « Égô éïmi », une expression que l’on retrouve dans la Traduction Grecque du Livre de l’Exode, lorsque Dieu révèle son Nom à Moïse : « Je Suis » (Ex 3,14). Or, le Nom dans la Bible renvoie directement au mystère de la personne qui le porte. « Je Suis » évoque donc le mystère de Celui-là seul qui peut se nommer ainsi… Que suggère donc, en deuxième lecture, ce « Égô éïmi » dans la bouche de Jésus (cf. Notes de nos Bibles) (3) ? Retrouver la réponse avec Jn 8,56-58 ; 8,23-30 ; 1,1-2 ; 20,28…

  • Dès que les disciples sont disposés à le prendre dans la barque, St Jean écrit que « le bateau, aussitôt, toucha terre là où ils se rendaient »… Ils avaient pourtant ramé 25 ou 30 stades (1 stade = 185m) et l’historien juif Flavius Josèphe décrit le lac de Tibériade comme long de 140 stades, et large de 40… Ils étaient donc « en plein cœur de la mer »… Cette arrivée subite et inopinée « là où ils se rendaient » est une allusion au Ps 107(106),23-32. Mais, dans le Psaume, qui conduit ces marins « au port de leur désir » (BJ) ? Même question avec l’Evangile de Jean. Que suggère alors ce parallèle (4) ? Or, quel est le grand « désir » qui habite le cœur de tout homme ? Si les disciples de Jésus arrivent tout de suite « au port de leur désir » en accueillant Jésus avec foi et confiance, qu’est-ce que cela signifie : que trouvent-ils avec lui dès qu’ils acceptent de l’accueillir dans la barque (cf. Jn 15,11 ; Mt 13,16 ; Jn 20,29…) ? Ainsi en est-il pour chacun d’entre nous, dès que nous acceptons de le recevoir dans la barque de notre cœur, de notre vie…

En récapitulant les réponses (1), (2), (3), (4), quel est donc le message premier de cette marche de Jésus sur la mer. Quelle expression apparaît alors comme étant centrale ? La reprendre et l’associer à la révélation principale sur Jésus exprimée en actes par la multiplication des pains ; le résultat est repris par deux fois dans le discours qui suit, en Jn 6,35 et 6,48, au début de chacune des deux grandes parties qui le constituent… Nous percevons mieux avec quel soin ce passage a été écrit…

                                                                                                                              D. Jacques Fournier

Correction de la fiche N°11

CV – 11 – Jn 6,1-21 correction




Fiche n°12 : Jésus « Pain de Vie » par sa Parole et par sa chair offerte (Jn 6,22-47). (2)

Après avoir étudié la première partie de ce chapitre 6 (les deux signes de « la Multiplication des Pains » et de « la Marche de Jésus sur la Mer »), nous allons maintenant aborder la seconde, « le Discours de Jésus dans la Synagogue de Capharnaüm » où il dira par deux fois : « Je Suis le Pain de Vie » (Jn 6,35.48). Nous avons vu qu’avec « la Marche sur la Mer », Jésus s’est révélé comme étant Celui qui peut pleinement dire de Lui-même « Je Suis », comme Dieu autrefois dans le Buisson Ardent (Ex 3,14). Et avec « la Multiplication des pains », il s’est présenté comme étant « le Pain » que Dieu offre à l’humanité pour lui donner de participer à sa Vie. En mettant ces deux expressions ensemble, « Je Suis », et « le Pain », nous retrouvons l’affirmation centrale du discours qui suivra, « Je Suis le Pain de Vie ». Cette constatation est d’autant plus forte que St Jean reprendra dans ces deux versets l’écriture grecque particulière utilisée dans la révélation du Nom divin : « Égô éïmi, Je Suis » (Ex 3,14)… En effet, en grec, pour dire « je suis », « éïmi » suffit… Ainsi, Dieu se révèle en son Fils comme étant « Pain », c’est-à-dire un Etre totalement donné pour la Vie de celui qui acceptera de le recevoir, un Etre qui n’existe que pour le bien de l’autre…

 Les préliminaires du discours de Jésus (Jn 6,22-34)

       En Jn 6,22-25, quel problème se pose à cette foule qui a vécu la multiplication des pains ? De quoi Jésus se désole-t-il en 6,26 ? La foule a-t-elle reconnu qu’un miracle venait de se produire (cf. Jn 6,30 !) ? Quelle invitation lance ici Jésus (Voir aussi Lc 12,29-31 car Lc 12,32 ! Lc 12,33 ; Mt 13,44-46 ; Ep 5,18 ; Col 3,1-4 ; 1Jn 2,15‑17) ? Et comment se présente-t-il en Jn 6,27 ? Les bases de tout ce qui suivra sont déjà posées :

1 – Quel est le grand don que Jésus est venu nous communiquer (Jn 10,10) ?

2 – Où s’enracine le mystère de ce don (Jn 5,26 ; 6,57 ; 17,1-2) ? Retrouver la réponse en Jn 6,32-33 : que dit ici Jésus avant de se présenter comme étant « le Pain de Vie » ? Noter dans ce dernier texte les temps des verbes : conclusion ?

3 – A qui renvoie l’image du sceau (2Co 1,22 ; Ep 1,13-14 ; 4,30) ? Par qui le don de Dieu nous sera-t-il donc concrètement transmis (Jn 6,63 TOB ; 7,37-39 ; Rm 8,9-11 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25) ?

– Et, de notre côté, que nous demande Jésus pour le recevoir (Jn 6,47) ? En Jn 6,27, Jésus dit littéralement : « œuvrez »… Ce vocabulaire sera repris en Jn 6,28 dans le sens de « faire une œuvre », selon la logique de la Loi. Mais quelle est la seule œuvre que Jésus nous presse d’accomplir en Jn 6,29 ? Avec elle, en effet, tout commence… Ce verset peut d’ailleurs être compris de deux façons : trouver le second sens à la lumière de Jn 6,37 ; 6,44 ; 6,65 ; 1Co 12,3 et le début de 1Co 12,9.

       Un détail sera important pour la suite : en Jn 6,32, le verbe donner est conjugué en grec au parfait, un temps qui renvoie à une action passée dont les conséquences se font toujours sentir dans le présent du texte : « Non, ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel, ce pain que vous avez toujours aujourd’hui »… Or Moïse a vécu vers 1250 avant Jésus Christ ! Et il était bien clair, depuis longtemps, que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,3). « Vivifie-moi par ta parole », demande le psalmiste (Ps 118(118),37), et il constate, comme en action de grâce : « Ta Loi fait mes délices » (Ps 119(118),72.77.92). Ainsi, la Loi, dont le cœur était constitué par « les Dix Paroles » données par Dieu à Moïse au sommet du mont Sinaï (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6‑22), était-elle considérée depuis longtemps comme un « Pain de Vie ». Quiconque l’écoutait et lui obéissait trouvait avec elle un chemin de vie… « Prêtez l’oreille et venez vers moi, écoutez et vous vivrez, dit le Seigneur » (Is 55,3). Et cette Loi était toujours en vigueur à l’époque du Christ. C’est donc à elle que Jésus fait allusion lorsqu’il évoque « ce pain qui vient du ciel », « donné autrefois par Moïse » et qui est toujours pour eux un « Pain de vie »…

I – Jésus « Pain de Vie » par sa Parole (Jn 6,35-47)

       Nous la trouvons au tout début de la première partie de ce discours, et au tout début de la seconde (Jn 6,48). Cette première partie se divise en deux sections séparées par un murmure des auditeurs (Jn 6,41-42) ; et comment sera construite la seconde partie (Jn 6,48-58 ; cf. 6,52) ?

a) Un appel à la foi pour accueillir Jésus Pain de Vie par sa Parole (6,35-40)

  • Nous avons vu en 6,32 le sens symbolique donné à l’époque de Jésus à « ce pain qui vient du ciel », « donné par Moïse ». En se présentant dans la foulée comme étant « Pain de Vie », quel est, dans un premier temps, le sens que prendra ce mot « Pain » dans la bouche de Jésus (cf. Jn 6,68 ; Ph 2,16) (1) ? Et d’où vient-il (cf. Jn 17,7-8 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10‑11.24) ? A-t-il la même origine que pour Moïse (Ex 20,1 ; Jos 24,26 ; Ba 4,12) ? Conclusion : celui qui croit en Moïse peut-il ne pas croire en Jésus (Jn 5,45‑47) ? Que révèle donc le non-accueil de Jésus pour ceux qui prétendaient être « les disciples de Moïse » (Jn 8,47 ; 9,28-29) ?

  • A part les verbes « être » et « avoir » quels sont les deux verbes qui reviennent le plus souvent en Jn 6,35-40. A la lumière du parallèle en Jn 6,35, sont-ils équivalents ? La présence prédominante de ces deux verbes conforte-t-elle le premier sens du mot « pain » mis en lumière précédemment (1) ? Combien de fois interviennent-ils tous les deux ? Or si « sept » symbolise dans la Bible la perfection, « trois » est « le chiffre de Dieu en tant qu’il agit » ; l’action décrite par ces deux verbes est donc avant tout le fruit d’une œuvre de Dieu ( Se souvenir de Jn 6,37 ; 6,44 ; 6,65 ; 1Co 12,3 et 1Co 12,9).

  • En Jn 6,36 et 6,40 (2), le verbe « voir » est associé à un autre verbe, lequel ? Quel est donc ici le sens de « voir » pour St Jean (cf. Notes de la Bible de Jérusalem pour 6,40, et de la TOB pour 6,30 et 6,36 ; voir aussi Jn 1,32 ; 14,6-11.18-20) ?

  • Nous avons vu avec Jn 6,12 que le verbe « perdre » décrit en St Jean la situation de celui qui est privé de la vie éternelle par son refus de croire. Il est ici mis en parallèle avec « jeter dehors » (3) ; quel est donc ce « dedans » où le Christ désire que nous entrions tous (cf. Jn 14,1-4 ; 17,24 avec 17,20-23 ; 1Co 1,9 ; 2Co 13,13 ; Ph 2,1-2 ; 1Jn 1,3.7 ; retrouver ce verbe « entrer » en Mt 19,17 ; Mc 9,43-47) ?

            • A la lumière des deux points précédents (2), (3), repérer les répétitions en symétrie en Jn 6,35-40, et trouver l’expression placée en son cœur, en inclusion. Elle est centrale pour St Jean : qu’affirme-t-elle indirectement (Jn 1,1)? Et les auditeurs de Jésus ne s’y tromperont pas : cette expression sera au cœur de leur murmures en 6,41-42 (Regarder comment ces deux versets sont à nouveau construits) ? Combien de fois intervient-elle d’ailleurs en Jn 6,32-58 ; conclusion ?

A – v. 35-36 : …………………..

B – v. 37 : ……………………

C – v. 38 : ……………….

B’ – v. 39 : ………………….

A’ – v. 40 : ……………………..

  • Quelle est « la volonté de Dieu » d’après Jn 6,39. La préciser à la lumière de Jn 3,14-17 ; 4,42 ; 12,46-47 ; 17,1-2 ; 1Jn 2,2) ? Retrouve-t-on l’affirmation de 1Tm 2,3‑6 ? Mais quelle est la condition pour que ce projet de Dieu puisse s’accomplir de la meilleure façon possible (Jn 3,14-15 ; 3,18…) ? Qu’est-ce qui est alors nécessaire d’après Rm 10,11-17, un principe illustré en Ep 1,13-14 ? Quelle devrait donc être notre première préoccupation à tous ? Et de fait, qu’est-ce que le Christ demande à son Eglise, et que lui promet-il (cf. Mt 28,18-20 ; Mc 16,15-20 ; avec Ac 14,3.27 ; 15,4 ; 16,14 ; 21,19 ; Rm 15,17-19 ; 1Co 2,1-5) ?

Relever enfin les temps des verbes en Jn 6,35-40. Que pouvons-nous vivre et recevoir dès maintenant, et que pouvons-nous espérer « au dernier jour » ?

b) Le murmure des auditeurs de Jésus (Jn 6,41-42)

La notion de « murmure » n’intervient dans l’Ancien Testament qu’en Ex 15,24 ; 16,2.7.8.9.12[1] ; 17,3 ; Nb 14,2.27.29.36 ; 16,11 ; 17,6.20.25. Où se trouve le Peuple d’Israël dans tous ces textes ? Et dans le Livre de l’Exode, à part la première et la dernière référence où la soif est à l’origine des murmures, dans quel contexte apparaissent toutes les autres ? Les compter : conclusion ? A quel parallèle sommes-nous donc à nouveau invités en Jn 6,41-42 avec cette notion de murmure ?

Qu’est-ce qui, en St Jean, en est à l’origine (cf. Mt 13,53-58) ? L’affirmation en Jn 6,42 est-elle parfaitement exacte (cf. Lc 1,26-38) ? Retrouver une situation semblable en Jn 7,45-52 : les Pharisiens connaissent Mi 5,1, Lc 2,39-40.51-52[2] et 4,16, mais ils ignorent Lc 2,1-7. Comment peut-on qualifier une telle attitude ? Une réalité demeure en tout cas invisible à leurs yeux et à leur cœur, laquelle (cf. Jn 14,10-11) ? Conclusion : à travers ces murmures, qui est en fait rejeté (Ex 16,7-8 ; Lc 10,16 ; 1Jn 5,10) ?

c) Celui qui écoute le Père vient à Jésus (Jn 6,43-47)

            • Les versets 6,43-47 sont à nouveau très bien construits, avec des éléments qui se répondent en A et A’, et au cœur une affirmation centrale. Une seule citation explicite de l’Ancien Testament apparaît d’ailleurs en Jn 6,35-47 : où est-elle ?

• v. 43 :Jésus rebondit sur la notion de murmure.

A – v. 44 : ………………………

B – v. 45 ab : …………….

A’ – v. 45cd : ………………….

• v. 46 : Précision suite à l’affirmation du v. 45cd

• v. 47 : Conclusion de la 1° partie.

            Quel est le personnage central de ce passage ? Que fait-il en Jn 6,44 ? Et que se passera-t-il alors (Jn 17,7-8 ; 7,16-17 ; 3,33-34) ? Qui sera à nouveau l’acteur principal (Jn 6,45ab) ? Que fera-t-il (Jn 5,37 ; 1Jn 5,9) et par qui (Jn 15,26 ; 1Jn 5,6) ? Quelle attitude est alors nécessaire du côté de l’homme (Jn 1,12 ; 10,37-38 ; 20,30-31) ? Et quel sera le fruit de cette action en son cœur (1Jn 5,11 ; Jn 6,63TOB ; Ga 5,25) ? La conclusion, Jésus la donne en 6,47… Et tout ceci s’accomplira dans l’invisible de la foi, car un homme a-t-il déjà « vu » Dieu (Jn 1,18 ; 5,37 ; 6,46 ; 1Jn 4,12 ; Ex 33,20) ? D’ailleurs, qui est Dieu d’après 1Jn 4,8 et 4,16 ? N’avons-nous jamais vécu cette réalité dans nos relations humaines ? Et pourtant, là aussi, l’avons-nous déjà vue ?

            « Nul n’a jamais vu Dieu » : nous sommes dans la foi… Mais d’après (Jn 1,18 ; 8,19 ; 14,7) qu’est-ce qui est possible, pour nous, dès maintenant? En quels autres termes peut-on en parler d’après Jn 17,3 et 14,19-20) ? Nous retrouvons que ce qui ne se voit pas avec nos yeux de chair se vit… C’est donc en vivant la rencontre avec Dieu que nous reconnaîtrons sa Présence et son action en nos vies… L’important, c’est la vie…

            Jn 6,45b cite Is 54,13 où « les enfants de Jérusalem » sont les Israélites évoqués par le biais de leur capitale ; comparer le texte écrit par St Jean avec celui qui se trouve dans le Livre d’Isaïe lui-même : au-delà des traductions toujours aléatoires, existe-t-il une différence, une expression qui manque, et si oui, peut-on deviner pourquoi St Jean a‑t-il introduit cette modification ?

       D’après ce même verset, Jn 6,45, suffit-il « d’écouter » Jésus pour répondre à son attente (cf. Mt 7,21-23 ; Lc 6,46 ; Jc 1,22-25 ; Jn 8,51 ; 14,15-17.21-24 ; 15,10-11) ?

            Ainsi se termine la première partie de ce discours de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm : il se présente comme étant « Pain de Vie » par sa Parole. Autrefois, la Loi donnée par Moïse, avec en son cœur « les Dix Paroles », était « le Pain » que Dieu avait donné à son Peuple pour lui indiquer le Chemin de la Vie. Mais toute cette période n’était qu’une préparation à la venue du Fils qui, en donnant les Paroles reçues de son Père, s’est présenté comme étant « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). La révélation commencée avec la Loi de Moïse a atteint maintenant sa perfection avec Jésus, le Fils Unique, « la Parole fait chair » (Jn 1,14). Ce même message est dit de façon différente par St Matthieu lorsqu’il présentela Loi Nouvelle du Royaume des Cieux, les Béatitudes (Mt 5,1-12). Cette Loi nouvelle n’annule pas la précédente, mais l’accomplit (Mt 5,17-19). Puis, Jésus reprend quelques points importants des Dix Paroles et de la Loi (Mt 5,20-48) pour nous entraîner plus loin : « Vous avez entendu qu’il a été dit… Eh bien ! Moi, je vous dis »… Il s’agit de dépasser une obéissance qui ne pourrait s’en tenir qu’aux apparences, pour aller jusqu’aux racines du cœur… Autrement dit, suivre Jésus nous engage tout entier…

            La prochaine fois, nous verrons comment Jésus se présente comme étant « Pain de Vie » par sa chair offerte… Nous retrouvons ainsi les deux grandes parties de la Messe : la proclamation de la Parole, puis le Pain Consacré sur l’autel… Dans les deux cas, Jésus nous donne d’avoir part à sa Vie si nous nous tournons vers Lui de tout cœur pour l’accueillir dans la foi… Cette Vie ne se voit pas, elle se vit… Et « heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29) car ils vivent déjà « quelque chose » de cette éternité qui nous attend tous, par delà notre mort…

Jacques Fournier

Correction de la Fiche N°12

CV – 12 – Jn 6,22-47 correction

 

[1] N’oublions pas que cette manière d’écrire renvoie aux versets 2, 7, 8, 9 et 12 du chapitre 16 du Livre de l’Exode.

[2] Sont concernés ici les versets 39, 40 et les versets 51, 52 du chapitre 2 de l’Evangile selon St Luc.




Fiche n°13 : Jésus « Pain de Vie » par sa Parole et par sa chair offerte (Jn 6,48-71). (3)

Jésus « Pain de Vie » par sa chair offerte (Jn 6,48-58)

 

 a) Du Pain « Parole » au Pain « chair » (Jn 6,48-51)

Nous assistons ici à un nouveau commencement. Quelle grande affirmation retrouve-t-on au tout début (Jn 6,48) ? Puis quelle allusion réapparaît en Jn 6,49 après être intervenue dans l’introduction du discours (Jn 6,31-32) ? Quel thème, déjà présent en cette même introduction (Jn 6,32-33) est-il ensuite repris (Jn 6,50-51ab) ? Quel mot est répété cinq fois en ces quelques lignes (Jn 6,48-51) ? Et comment sera-t-il nouvellement redéfini dans la dernière partie du v. 51 ? Compter combien de fois ce mot intervient dans cette dernière partie du discours, en Jn 6,48-58 ; en incluant Jn 6,63 qui fait allusion à cette dernière partie, à quel résultat arrive-t-on ? 7 étant symbole de perfection, conclusion ?

Et puisque nous sommes dans la symbolique des chiffres, comptez le nombre de fois où le mot « pain » apparaît dans les sections suivantes :

1 – « Le pain multiplié » (Jn 6,1-27).

2 – « Le Pain Parole de Dieu » (Jn 6,28-47),

en se souvenant, qu’à l’époque de Jésus, la manne en était venue à   évoquer le don de la Loi fait à Moïse…

3 – « Le Pain Chair offerte de Jésus » (Jn 6,48-58).

Rappelons que le chiffre 7 est symbole de perfection, et 3 renvoie à Dieu en tant qu’il agit : conclusion générale pour ce chapitre 6 ? Et plus largement encore, puisque le mot pain intervient à nouveau en Jn 13,18 ; 21,9 et 21,13, combien de fois apparaît-il en tout dans l’Evangile selon St Jean ? Sachant que le chiffre 8 évoque l’infinie perfection[1], et 3 « Dieu en tant qu’il agit », quelle conclusion pouvons-nous tirer de ce résultat global sur tout l’Evangile ? St Jean y a-t-il pensé, l’Esprit Saint l’a-t-il voulu, nous leur demanderons quand nous les verrons…

Dans la Bible, « la chair » n’est pas simplement un élément constitutif de l’homme au même titre que son âme ou son esprit. L’homme est vu en effet comme un être à la fois « un » et « multiple ». Ainsi, il est tout à la fois « chair », « esprit » et « âme », autant de facettes par lesquelles on aborde un seul et même mystère : celui de l’homme… Lorsque Jésus donne sa chair pour la vie du monde, c’est donc lui tout entier qui se donne à chacun d’entre nous, ce « Verbe fait chair » qui vit et s’exprime « dans la chair » et qui finalement mourra sur la Croix pour notre salut à tous… « Chair » en St Jean, renvoie donc à Jésus Vivant tout entier. Il est ce Pain Vivant qui possède la Plénitude de la Vie car il la reçoit de son Père de toute éternité (Jn 5,26). Et il se donne tout entier en sa chair à chacun d’entre nous dans le seul but de voir grandir sa Vie au cœur de chacune de nos vies. Et notons bien tout de suite que cette Vie nous est communiquée aussi bien par « Jésus Pain de Vie par sa Parole » que par « Jésus Pain de Vie par sa chair offerte », les deux grandes parties de chacune de nos Eucharisties. Dans les deux cas, nous le verrons, cette Vie nous est communiquée par l’Esprit Saint : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les Paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie » (Jn 6,63). Or Dieu est Esprit (Jn 4,24). La Vie communiquée par le Don de l’Esprit est la propre Vie de Dieu, sa Vie éternelle… Voilà ce que le Christ est venu offrir gratuitement, par amour, à tous les hommes de tous les temps… Ne pas être tourné vers Celui qui est Source d’Eau Vive (Jr 2,13 ; 17,13), Source de Vie, Celui qui donne, donne et donne sans cesse la Vie, c’est se priver de la recevoir… Et « être privé de la Vie éternelle », tel est ce que le Nouveau Testament appelle « la mort ». Que ses créatures, faites pour partager sa Vie, en soient privées tout simplement parce que leur cœur n’est pas tourné vers la bonne direction, voilà ce que Dieu ne supporte pas. Aussi est-il venu en Jésus Christ nous inviter à nous détourner du mal pour nous retourner de tout cœur vers Lui. Alors, et alors seulement, nous pourrons recevoir sa Vie…

« Je suis le Pain de Vie » nous dit par deux fois Jésus dans ce discours. Et St Jean insiste en reprenant la formulation grecque particulière employée en Ex 3,14 lorsque Dieu révèle son Nom à Moïse : « Je suis ». C’est elle que nous retrouvons ici en Jn 6,35 et Jn 6,48. Autrement dit, en Jésus Christ, Dieu Lui-même se donne en nourriture… Il se fait « pain », prêt à disparaître tout entier pour que nous puissions vivre en le mangeant ! Mais si, c’est une image, nous mangeons « Je Suis », alors, nous allons devenir « Je Suis » par ce que nous recevons. Nous allons participer nous aussi à ce « Je Suis » et chacun d’entre nous, s’il accepte de recevoir Jésus, le Pain Vivant, pourra dire lui aussi pleinement, à sa mesure de créature : « Je Suis »… Tel est le projet de Dieu sur chacun d’entre nous : il nous appelle à participer à ce qu’Il Est en Lui-même… Et tout ceci n’est que le seul fruit de son Amour… Il suffit de consentir à le recevoir et le laisser nous transformer, petit à petit, de miséricorde en miséricorde…

Insistons sur ce point : Dieu nous appelle tous, sans aucune exception, à partager sa Vie. L’Eglise, dans certaines situations particulières, et nous pensons ici aux divorcés remariés, peut demander de s’abstenir de communier à « Jésus Pain de Vie par sa chair offerte ». Comme ce pain consacré est le sacrement de l’Alliance par excellence et que le sacrement du mariage est lui aussi « le sacrement de l’Alliance », elle désire seulement nous mettre en face de nos responsabilités, tout en sachant que quantité de souffrances peuvent nous atteindre sans que nous l’ayons nous-mêmes cherché… Mais ceci étant dit, nous pouvons tous, et de tout cœur, recevoir par notre foi et dans la foi, « Jésus Pain de Vie par sa Parole offerte ». Avec elle et par elle, nous est donnée la même Vie que celle qui est communiquée par « la Chair offerte », les hosties consacrées ! Nous retrouvons ainsi les deux tables de nos Eucharisties où la même nourriture nous est offerte sur chacune d’entre elles : « Jésus Pain de Vie » venu nous communiquer la Vie de l’Esprit.

Personne ne peut donc prétexter de ses misères, de ses faiblesses, de sa situation matrimoniale pour ne pas aller à Jésus « Pain de Vie » offert aux pécheurs, gratuitement, par amour, pour enlever justement le péché du monde. Et c’est bien parce que nous sommes pécheurs que nous avons besoin de le recevoir ! « Vous péchez tous les jours ? », disait St Augustin, « alors, communiez tous les jours ! »… Avec bien sûr le désir d’un repentir sincère, de tout cœur…

Répétons-nous : nous sommes tous invités à la table de l’Eucharistie, tous, sans aucune exception, pour nous nourrir de la Vie de Jésus qui nous sera transmise par son Esprit. « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir » (Lc 5,31-32). L’Eucharistie est ce remède que Jésus médecin est venu offrir au pécheur, pour les guérir petit à petit de ce mal qui, trop souvent nous domine, pour finalement nous blesser, nous opprimer, et le pire, nous priver de la Plénitude de la Vie. Et c’est bien parce que nous sommes encore trop souvent si faibles que nous avons besoin de sa force pour nous lever et grandir sur les chemins de la Vie en choisissant, librement, par amour, de dire « non » au mal…

Concluons par une remarque. Le Père intervenait très souvent en Jn 6,35-47 ; en sera-t-il de même en Jn 6,48-58 ? Sur qui le regard va-t-il donc se focaliser ? De plus, qui donnait le pain en Jn 6,32-33 ? Qui le donne maintenant en Jn 6,51 ? Autrement dit, Jésus adhère de tout cœur à la volonté du Père qui n’a d’autre but que « la vie du monde » (Jn 6,33.51)… Le Père le donne (Jn 6,32) ? Le Père lui donne la force de se donner ? Jésus dit « Oui ! », de tout cœur, et il adhère totalement à cette invitation du Père jusqu’à dire « Je »… « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde » (Jn 6,51). Ma vie, « personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même » (Jn 10,18). « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne », chantons-nous, mais cela ne se fera pas sans combat (Mt 26,39 ; Mc 14,36 ; Lc 22,42 ; et Jn 14,30-31 ; 8,29 ; 4,34 ; 6,38-40)…

b) Les fruits reçus du « Pain Chair » (Jn 6,53-58)

  • La seconde partie du discours de Jésus (Jn 6,48-58) est donc, comme la première (Jn 6,35-47), coupée en deux par « un murmure » des auditeurs, « une discussion violente entre eux »… St Jean reprend ici sa technique du quiproquo pour faire avancer le dialogue. Les interlocuteurs de Jésus vont prendre en effet le mot « chair» en son sens premier de « viande », une méprise semblable à celle des Juifs dans le Temple (Jn 2,18‑21), de Nicodème (Jn 3,4), de la Samaritaine (Jn 4,11-12.15)…

  • Que désigne en général le couple « chair et sang » dans la Bible (Si 14,18 ; 17,31 ; Mt 16,17 ; Jn 1,13 ; 1Co 15,50 ; Ga 1,16 ; He 2,14) ? A quelle réalité renvoie donc ici « la chair » de Jésus ? De plus, que croyaient les anciens à propos du sang (cf. Lv 17,11.14 ; Dt 12,23) ? Toutes ces remarques vont dans le même sens, souligné encore par l’insistance déployée en Jn 6,53-54 : Jésus se donne tout entier à chacun de nous pour qu’en le recevant, nous puissions devenir à notre tour, tout entiers, ce que Lui seul Est… Alors, et alors seulement, nous vivrons pleinement de sa Vie… Tel est son seul but… « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10)…

  • St Jean emploie ici deux verbes grecs différents pour exprimer l’idée de « manger ». Le premier, « esthiô », peut se comprendre aussi bien à un niveau concret (6,5.23.26…) que symbolique (Ez 2,8-3,3 ; Is 55,1-3). Celui qui « mange la Parole » la reçoit alors avec foi. Le second verbe, « trôgô » (Jn 6,54.56.57), signifie « manger, croquer, se mettre sous la dent » et renvoie alors clairement au « Pain chair ». Mais la démarche qui permet de recevoir le Pain-Parole est-elle différente pour le Pain-chair : qu’est-ce qui est important dans les deux cas (Jn 6,47) ? Autrement dit, notre foi s’exprime dans un premier temps par une écoute attentive de la Parole de Dieu, un cœur ouvert, abandonné, confiant… La foi accueille alors la Vie donnée… Et cette même foi s’exprime ensuite dans un deuxième temps par toute l’attitude corporelle qui consiste à se lever à l’appel de Jésus, à marcher et à ouvrir nos mains et notre bouche pour recevoir le pain consacré qui nous est gratuitement offert… Nos mains ouvertes sont alors le signe visible de ce qui, en nous, ne l’est pas : notre cœur, ouvert, abandonné, confiant… Et la foi accueille la Vie donnée… Que disons-nous d’ailleurs lorsque le pain consacré nous est présenté ? « Amen ! » C’est-à-dire, en hébreu : « C’est vrai ! ». « C’est du solide ! ». Autrement dit, nous disons : « Oui, nous croyons ! ».

Quels sont les trois fruits, accompagnés de verbes au présent, que le croyant est invité à recevoir dès maintenant, dans l’aujourd’hui de sa foi :

(1) Jn 6,53-54 ;

(2) Jn 6,56 ;

(3) qui précise (1) : Jn 6,57.

Et que retrouvons-nous comme objet de notre espérance « au dernier jour » (Jn 6,54) ? Néanmoins, que peut-on dire de cette Vie qui sera alors la nôtre : sera-t-elle différente, en sa nature, de celle que nous recevons dès maintenant dans la foi (Jn 6,58 ; 11,25-26) ? D’où la formidable aventure qu’il nous est possible de vivre dès maintenant, dans la foi… « Je ne vois pas trop ce que j’aurai de plus après ma mort… C’est vrai, je verrai le bon Dieu, mais pour ce qui est d’être avec lui, j’y suis déjà tout à fait sur cette terre » (Ste Thérèse de Lisieux).

C’est la première fois dans l’Evangile selon St Jean que le verbe utilisé en Jn 6,56 (2) pour décrire les conséquences de l’accueil de la chair et du sang du Christ apparaît en ce sens : à quel mystère renvoie-t-il (Jn 14,10-11.17.20.23[2] ; 15,4-10 ; 10,38 ; 17,20-26) ? Quel est donc le grand fruit de l’Eucharistie (1Jn 1,1-4 et tout spécialement le verset 3) ? Quelle conséquence immédiate en déduit-on sur le mystère de l’Eglise (1Co 10,16-17) ? Noter que ce point (2) est au cœur de notre passage ; les points (1) et (3) en précisent la nature… Il ne s’agit pas en effet d’une « communion » comme peuvent la vivre ceux qui partagent des mêmes goûts, une même passion, une même vision de la société ou du monde… Il s’agit d’une communion « existentielle » au sens où tous les disciples de Jésus sont unis les uns aux autres par une même Vie qui vient, de l’intérieur, animer, soulever, éclairer, dynamiser toute leur vie, et les lancer tous ensemble dans une seule et même direction : celle de l’Amour, de la Miséricorde, de la Vérité, de la Justice et de la Paix (Ps 85(84),11 ; Ga 5,22-23 ; Ep 5,8-11)… Cet Esprit reçu du Christ, dont la Présence est renouvelée et fortifiée à chaque Eucharistie, est donc à la racine du mystère d’Unité qui unit entre eux tous les disciples de Jésus (1Co 12,13), et plus largement encore tous les hommes de bonne volonté, tous ayant été créés « à l’image et ressemblance de Dieu » par la Présence en eux du Souffle de l’Esprit (Gn 1,26‑27 ; 2,4b‑7)…

Enfin, par rapport à la relation que le Christ vit avec son Père, que réalise en nous l’Eucharistie vis-à-vis du Christ (Jn 6,57) ? Retrouver cette dynamique en Jn 10,14-15 ; 15,5 avec 5,19 ; 15,9-10 ; 17,18.21 ; 7,37-39 avec 4,13-14.

  • Jn 6,58 est la conclusion générale du discours de Jésus ; on y retrouve :

1 – Le thème principal de la première partie : Jésus « descendu du ciel » en tant qu’originaire du ciel. Il est venu accompli la volonté du Père : sauver le monde (Jn 3,16-17), « ne rien perdre » de tous les hommes…

2 – L’allusion au Livre de l’Exode et à la marche d’Israël au désert pendant 40 ans, nourri par la manne (Ex 16). Cette allusion avait ouvert le discours (Jn 6,31-32).

3 – Enfin, le but suprême poursuivi inlassablement par le Christ : que nous « vivions à jamais » en participant à sa vie…

Conclusion (Jn 6,60-61)

La clé d’interprétation de tout le discours, déjà rencontrée précédemment, est : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie » (Jn 6,63).

Mais la réalité spirituelle présente en Jésus se propose à la foi et ne peut être reçue que par la foi et dans la foi… Que se passe-t-il alors, même parmi les disciples de Jésus ? Quelle confession de foi Pierre donne-t-il au nom de toute l’Eglise ? Quel thème, apparu au tout début de Jn 3,19, retrouvons-nous ici indirectement (Jn 3,18-21 ; 7,12.43 ; 9,16 ; 10,19-21) ? Et pourtant, quel est le seul désir qui habite le cœur de Dieu (Jn 5,22 ; 3,16‑17 ; 17,24…) ?

 

                                                                                                                             D. Jacques Fournier

Correction de la fiche N°13 :

CV – 13 – Jn 6,48-71 correction

[1] En effet, 8 c’est 7 + 1 : on ajoute « quelque chose » à la perfection, ce qui évoque « l’infinie perfection », celle qui ne peut qu’appartenir à Dieu et à Dieu seul. A chaque lettre grecque était traditionnellement affecté un chiffre. Si l’on prend ce code universel, le total des lettres de « Jésus » est : 888.

[2] Rappel : cette manière d’écrire renvoie, dans le chapitre 14, aux versets 10 et 11, puis au verset 17, au verset 20, au verset 23.




Fiche n°14 : Le Christ, Source d’Eau Vive (Jn 7)

1 – La Fête des Tentes était l’une des trois grandes fêtes de pèlerinage où les Israélites étaient invités à monter à Jérusalem (Dt 16,16). « Ces temps forts marquaient la vie du Peuple et donnaient toute son importance au Temple »[1]. D’après Lv 23,33-36 et 23,39-43, de quoi se souvenait-on lors de la fête des Tentes et combien de temps durait-elle ? Quels en étaient les jours chômés ? Tel est donc le contexte religieux du chapitre 7 sur lequel nous reviendrons au verset 37… De plus quel est le climat général qui régnait en Judée, et donc à Jérusalem sa capitale, vis-à-vis de Jésus (Jn 7,1) ?

2 – Préciser le sens du mot « frère » en :

– En Mc 1,16.19.

2 – En Mc 6,17, on apprend qu’Hérode Antipas, fils d’Hérode le Grand et de Malthace, avait épousé Hérodiade, la femme de Philippe « son frère ». Or Philippe était l’enfant d’Hérode le Grand et d’une certaine Cléopâtre. Quel sens précis a donc ici le mot « frère » ?

3 – D’après Mc 15,40.47, la mère de Joset est-elle aussi la Mère de Jésus ? Conclusion : quel sens donner au mot « frère » en 6,3 ?

4 – En Mc 3,34-35.

Conclusion : qui sont « les frères » de Jésus en Jn 7,3 ? Croyaient-ils en lui ? Quelle critique lui font-ils ? En Jn 7,4, ils lui disent : « Manifeste-toi au monde ». Mais Jésus peut-il faire quelque chose de lui-même pour lui‑même (cf. Jn 5,19-20.30) ? Quelle est son unique préoccupation (cf. Jn 4,34 ; 8,49 ; 14,13.31 ; 17,4) ? Et de fait, qui « manifestera-t-il » (cf. Jn 17,6 ; 1,18) ? En se manifestant lui-même, Jésus se glorifierait lui-même ; mais qui en fait le « glorifie » (cf. (1) Jn 8,54 ; 12,28 ; 17,1.5 ; et tout ceci s’accomplit par (2) : Jn 16,13-14), ou lui « rend témoignage » (cf. (1) Jn 5,37 ; par (2) Jn 15,26) ? A quel langage s’apparente donc celui des « frères de Jésus » (cf. Jn 7,18a ; Rm 8,19-21 ; 1Tm 3,6 ; Lc 4,1-4) ? Or, d’après Jn 18,37, pourquoi Jésus est-il venu dans le monde ? Face à quelqu’un qui fait le mal, que lui dira-t-il donc (Jn 8,45) et dans quel but (8,31-36 ; 12,46) ? Mais reconnaître ses erreurs demande de l’humilité, alors que le péché qui blesse le monde est justement l’orgueil… Et quelle est la première réaction de l’orgueil vis-à-vis de celui qui « témoigne que ses œuvres sont mauvaises » (Jn 7,7 ; 15,18-27) ? Quelle est donc l’attitude fondamentale que Jésus attend de nous tous (Jn 3,21 ; exemple en 4,16-18) ? Que fera-t-il alors (Jn 1,29 ; Lc 5,20) et où nous entraînera-t-il (Jn 14,1-6 ; Ep 2,18) ?

 

3 – Ce but, nous le retrouvons de manière sous-entendue en 7,11, avec cette question si importante en St Jean : « Où est-il ? », une question que ses deux premiers disciples lui avaient tout de suite posée en 1,38 : « Où demeures-tu ? ». Y répondre à nouveau en reprenant les expressions employées en Jn 10,38 ; 14,10-11 ; 17,21. Mais n’oublions jamais qu’elles renvoient en St Jean à un Mystère de Communion que le Fils vit de toute éternité avec le Père. Le Fils est le Fils, et il est le seul à être le Fils. De même, le Père est le Père, et il est le seul à être le Père. Mais le cœur du Fils est rempli par le même Esprit que celui qui remplit le cœur du Père. Car de toute éternité, écrit littéralement St Jean, « le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35). Le temps particulier employé en grec (le parfait) suggère que les conséquences de cette action demeurent dans le présent du texte. Le Père « a tout donné » au Fils, de telle sorte que le Fils a « tout » dans sa main… Et cette action est éternelle… Depuis toujours et pour toujours, le Père aime le Fils. Or, « aimer, c’est tout donner et se donner soi‑même », un principe de Ste Thérèse de Lisieux à appliquer littéralement au Père. « Le Père aime le Fils »… Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même… Le Père se donne donc tout entier au Fils. Par amour, il lui donne tout, tout ce qu’il est… Le Père est Esprit (Jn 4,24) ? Tel est le don qu’il fait au Fils : ce qu’il est, l’Esprit qui remplit son cœur… Et voilà que le Fils, en se laissant aimer par le Père, se trouve à son tour rempli par le même Esprit qui remplit le cœur du Père… Et cet amour entre le Père et le Fils est vécu de toute éternité… Depuis toujours et pour toujours, Le Père est donc face au Fils, et il se donne au Fils, il lui donne tout, tout ce qu’il est… Le Fils, lui, est face au Père, et il se reçoit entièrement du Père en tout ce qu’il est… C’est ainsi que l’Esprit qui remplit le cœur du Fils est le même que celui qui remplit le cœur du Père… Le Père et le Fils vivent ainsi en face à face et au même moment en communion l’un avec l’autre, unis l’un à l’autre dans l’amour et la communion d’un même Esprit. Et cet Esprit est « tout » en Dieu : il est Amour (1Jn 4,8.16), Lumière (1Jn 1,5), Vérité (Jn 16,13), Vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25), Paix (Ga 5,22), Joie (1Th 1,6)… C’est pour cela que celui qui « a vu le Fils », c’est-à-dire sa Lumière, « a vu » au même moment « le Père » (Jn 14,9). Car cette Lumière du Fils est celle de l’Esprit du Fils qu’il reçoit de toute éternité de son Père. Ce même Esprit remplit donc le cœur du Père qui rayonne donc de la même Lumière… C’est ainsi que depuis toujours et pour toujours, le Fils est « Lumière née de la Lumière » (Crédo)… Et c’est ce Mystère de Communion que le Fils vit avec son Père qu’il est venu nous partager… Par notre foi au Fils, nous sommes tous invités à recevoir l’Esprit du Fils, cet Esprit que lui-même reçoit de son Père… Et c’est par cet Esprit reçu du Fils que notre vocation commune s’accomplira : devenir des enfants de Dieu (Jn 1,12), à l’image du Fils (Rm 8,28-30), vivants de la Vie même du Père et du Fils…

Alors, précisons-le à nouveau : quel est, pour nous, le Chemin qui conduit à cette vie de communion (cf. Jn 14,6) et la Porte qui nous permet d’y entrer (cf. Jn 10,7.9) ? Mais que faut-il « faire » pour entrer par cette « porte » et s’engager sur « le chemin » (Jn 9,38 ; 11,27 ; 6,29 ; Lc 8,50) ? De quelle autre démarche cette dernière est-elle inséparable (cf. Mc 1,15 ; Lc 5,32) ? A quelle sphère d’influence s’ouvre-t-on alors aussitôt (cf. Lc 1,78 ; Mc 5,19 ; 2Co 1,3 ; Ep 2,4 ; Tt 3,4-7) ? Et que reçoit-on tout de suite (cf. Rm 5,5 ; 1Th 4,8) de Celui qui est Soleil, Don de Soi (Ps 84(83),12-13), Amour ? Et c’est ce Don qui accomplira tout en nous : le pardon de toutes nos fautes, la guérison progressive de nos blessures intérieures, la communication de la vie éternelle… Mais dans quelle logique tombe, par contre, celui qui refuse de faire humblement la vérité dans sa vie (cf. Jn 15,22‑25 ; 7,7 ; 3,20 ; 15,18-19 ; 17,14) ? Quelle est la racine d’une telle attitude (cf. Si 10,12-13.21 ; Os 7,10 ; Jr 13,17) ?

Certains acceptent ainsi l’Amour, la Miséricorde et sa Vérité qui ne désire que le Bien de ceux qu’Il aime, et d’autres refusent… En quels termes St Jean parle-t-il de cette séparation qui s’opère alors parmi les hommes en Présence du Christ Lumière (cf. Jn 3,18‑19) ? Apparaît-elle en Jn 7,12 ? Et la retrouvera-t-on plus tard en 7,40-43 ?

4 – Quelle mission première du Christ retrouve-t-on en Jn 7,14 (cf. Lc 4,15.31.43‑44 ; 5,3 ; 6,6 ; 13,10 ; 20,1…) ? Et quelle mission première donnera-t-il à l’Eglise tout entière (cf. Mt 28,16-20 ; Mc 16,14-20) ? Où s’enracine le message reçu et transmis (cf. Jn 7,16 ; 3,34 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10 ; 14,24 ; 17,7-8) ? Que faut-il faire, d’après Jn 7,17 pour vérifier par soi-même la véracité de ces Paroles (7,19 y fait aussi allusion puisque le rôle premier de la Loi était d’indiquer la volonté de Dieu) ?

5 – En Jn 7,21-24, Jésus fait allusion à Jn 5,1-18 ; comme le fait remarquer une note de la Bible de Jérusalem, il emploie pour la septième fois (signe de perfection !) le mot grec « hugiès, sain » renforcé par l’expression « tout entier », un mot qui n’apparaît en St Jean que dans l’épisode de la guérison de cet infirme qui nous représente tous (cf. Jn 5,4.6.9.11.14.15)… Ses interlocuteurs lui reprochent de « travailler » le jour du Sabbat en guérissant les malades (cf. Lc 13,14) ? Jésus va leur répondre en s’adaptant une fois de plus à leur manière de penser. En effet, ils trouvaient normal que les prêtres « travaillent » ce jour-là en pratiquant la circoncision qui était considérée comme la guérison d’un membre particulier. Alors, pourquoi trouvent-ils anormal que lui guérisse « un homme tout entier le jour du Sabbat » ? Et n’oublions jamais que les guérisons physiques accomplies par Jésus n’étaient que des signes visibles de cette guérison profonde qu’il est venu offrir à tout homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,16-27), un « Dieu qui n’est qu’Amour » (1Jn 4,8.16). Il s’agit donc de guérir de l’orgueil, de l’égoïsme, du repli sur soi qui empêche de s’ouvrir à Dieu et donc de recevoir gratuitement de l’Amour d’avoir part à la Plénitude de sa Vie… Les maladies étant perçues à l’époque comme les conséquences du péché, « guérir » révélait, en actes, le grand cadeau que le Christ est venu nous offrir : le pardon inconditionnel de toutes nos fautes… Car Dieu, qui nous a créés et donné la vie, ne désire qu’une seule chose pour chacun d’entre nous : que nous vivions pleinement… Notre vie fera sa joie…

6 – Quelle est la grande question que beaucoup se posent sur Jésus (cf. Jn 7,25-27 ; 7,31-32 ; 7,41-42) ? Une deuxième apparaît également, laquelle (cf. Jn 7,40.52 ; accomplissement de Dt 18,15.18) ? Retrouver ces deux points dans les questions adressées à Jean-Baptiste en 1,19-21.

Or, à l’époque, le Peuple d’Israël savait, grâce aux Ecritures, que le Messie devait naître à Bethléem (cf. Jn 7,42 ; Mt 2,4-6 qui cite Mi 5,1) « mais la croyance commune », précise en note la Bible de Jérusalem, « était qu’il devait demeurer caché en un lieu inconnu (cf. Mt 24,26) jusqu’au jour de son avènement. Par son origine céleste, Jésus répond à cette croyance, mais à l’insu de ses interlocuteurs  (cf. Jn 8,14.23 ; 1,26 ; 3,13…)…

7 – Comme tout homme sur cette terre, que peut-on dire de ceux qui s’opposent à Jésus en Jn 7 (cf. Is 1,2 ; 1,4 ; Rm 3,23) ? Mais pour qui le Fils de Dieu est-il venu avant tout en ce monde (cf. Lc 5,31-32) ?  Va-t-il les condamner (cf. Jn 8,11) ? Que va-t-il essayer de faire au contraire (cf. Jn 3,16-17) ? Et pour cela, que leur offrira-t-il en premier (cf. Lc 5,20 ; Ep 4,32 ; Col 3,13 ; 1Jn 1,9) ? Et quel don de Dieu mettra tout cela très concrètement en œuvre dans leur cœur (cf. 1Co 6,9-11 ; Jn 20,22-23) ? Et que recevront-ils aussitôt avec ce don (cf. Jn 6,63 (TOB) ; Gal 5,25 ; Rm 8,10-11) ? Dans l’Ancien Testament, quelle image était déjà utilisée pour évoquer ce don de Dieu (cf. Is 44,3 ; Ez 36,25-27) ? Aussi, quel appel Jésus lance-t-il à tous ceux et celles qui l’écoutent, notamment à ceux qui ne croient pas encore en lui (cf. Jn 7,37-39 ? Remarquez à quel point Jésus s’adapte à nouveau à son auditoire, car pendant la fête des Tentes, on allait chaque matin en grande procession à la fontaine de Gihon, au sud-est de la montagne du Temple de Jérusalem, cette fontaine qui alimente les eaux de la piscine de Siloé (cf. Jn 9,1-7). On remplissait alors un flacon d’or et, de retour au Temple, on versait solennellement cette eau sur l’autel des holocaustes, juste devant le bâtiment abritant le Saint des Saints, ce lieu où, croyait-on, Dieu avait fixé sa demeure (cf. Jn 4,21-24). En accomplissant ce rite, tout le Peuple priait pour demander à Dieu de faire tomber la pluie (cf. Zac 14,16-17). Septembre-Octobre correspond en effet en Israël à la fin de la saison sèche, le moment où, la pluie revenue, le Seigneur redonnait la vie au pays assoiffé… Mais ce rite ne se limitait pas seulement à demander la pluie pour l’année à venir ; on implorait aussi ce renouvellement spirituel qu’Ezéchiel avait annoncé avec le symbole de l’eau jaillissant du Temple et fécondant la terre entière sur son passage (Ez 47,1-12). Et d’après Raymond Brown, le flacon d’or utilisé pour ce rite de l’eau était rempli au chant d’Is 12,3 : « Ivres de joie, vous puiserez de l’eau aux sources du salut »…

Or en St Jean, quel est le Temple Nouveau (cf. Jn 2,21) ? Et qu’est ce qui jaillira de ce Temple en Plénitude et pour tous (cf. Jn 7,37-39) ? Cette promesse est accomplie, en actes, en Jn 19,33-34. Le cœur de chair de Jésus était rempli de sang. De plus, d’après les spécialistes, lorsque que quelqu’un vit une souffrance très forte, la membrane qui entoure le cœur, le péricarde, peut se décoller du muscle cardiaque. L’espace se remplit alors de sérum… Aussi, lorsque le soldat perce le côté de Jésus, sa lance va d’abord percer le péricarde… Le sérum va s’écouler… Puis, elle arrivera au muscle lui-même qui, transpercé, se videra de son sang… St Jean qui était présent au pied de la croix verra alors « du sang et de l’eau » sortir su côté ouvert de Jésus. Le sang symbolise la vie, car, à l’époque, on croyait que « la vie de la chair est dans le sang » (Lv 17,11), « la vie de toute chair, c’est son sang » (Lv 17,14). Jésus reprendra ce symbolisme dans le sacrement de l’Eucharistie en nous invitant à « boire son sang », c’est-à-dire, dans la foi, à recevoir sa vie : «  En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,53-54). Et, nous l’avons vu au chapitre 6, c’est l’Esprit Saint qui accomplira ces Paroles au cœur de celui ou celle qui acceptera d’obéir avec confiance à son invitation. Accepter de manger ce pain et ce vin consacrés par l’Esprit manifestera sa foi. Et c’est par ce « oui » libre et confiant que son cœur pourra recevoir le Don de « l’Esprit qui vivifie » : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie » (Jn 6,63).

Ainsi, sur la Croix, de « l’eau » sort du cœur transpercé de Jésus, l’eau qui lave, qui purifie, qui vivifie… Et son cœur se vide de tout son sang… Jésus répand sur l’humanité tout ce dont il était rempli… Il se donne entièrement… Signe visible de la réalité invisible qui s’accomplit… L’Esprit qui remplit son cœur est répandu en surabondance, l’Esprit qui lave, qui purifie, qui vivifie… Voilà donc ce qu’annonce ici Jésus en cette circonstance particulière de la Fête des Tentes…

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi »… Le thème de la soif renvoie en St Jean à celui du désir… Ici, cette soif exprime le désir premier qui habite le cœur de tout être humain : désir de vivre pleinement, d’être heureux… Or, dit St Augustin, « tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi ». Dieu nous a créés pour que nous vivions de sa vie… Nous ne serons pleinement heureux que lorsque nous accepterons de nous tourner vers lui et de nous laisser aimer par lui en acceptant le plus simplement possible ce qu’il désire nous donner… « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance… Heureux ceux qui croient »… Car « celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 10,10 ; 20,29 ; 6,47).

Se souvenir du parallèle de Jn 6,35 et retrouver avec lui le deuxième sens du verbe « venir à » en St Jean. L’appliquer à Jn 7,37. Ce sens n’apparaît-il pas alors de nouveau au début du v. 38 ? Une telle insistance de la part de Jésus manifeste son désir : il veut que nous croyons en lui, que nous lui fassions confiance, que nous nous abandonnions à son amour… Car il veut par dessus tout nous combler de sa vie, comme lui-même est comblé par le Père de cette même vie… Alors, nous vivrons nous aussi ce qu’il vit : un Mystère de Communion avec le Père, dans l’unité d’un même Esprit, « l’Esprit qui vivifie » et donne, au même moment, la vraie joie… « Père, je veux que là où je suis », uni à toi dans la communion d’un même Esprit, « eux aussi soient avec moi » (Jn 17,24). Alors, si vous l’acceptez, une fois mort et ressuscité, « je viendrai à nouveau et je vous prendrai près de moi afin que là où je suis, vous aussi vous soyez » (Jn 14,3). « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Voilà quelle est la volonté de Dieu ! Voilà pourquoi Jésus nous supplie de « croire en Dieu » et de « croire en lui » (Jn 14,1).

La grande promesse de l’Ancien Testament va donc s’accomplir avec le Christ et par le Christ. La retrouver en Is 44,3 ; Jl 3,1-5 ; Ez 36,25-27… Littéralement, Jean parle ici d’une « eau vivante » (participe présent grec du verbe vivre), une expression qui apparaît trois fois dans son Evangile pour décrire « l’eau vivante de l’Esprit » (Deux fois en Jn 4,10-11 et une fois en Jn 7,38). Ce participe « vivant » intervient encore trois fois ; préciser à chaque fois la personne concernée (1- Jn 6,57 ; 2 – Jn 6,51 ; 3 – Jn 11,26 où l’on a littéralement : « Tout (homme) vivant et croyant en moi »…). Nous retrouvons à quel point Dieu veut que nous soyons comme lui, à « son image et ressemblance » : des vivants du Souffle de sa vie (Gn 2,4b-7), c’est-à-dire de son Esprit. Et cela se fera si nous croyons en lui, si nous lui faisons confiance, si nous nous laissons aimer par lui jour après jour, tels que nous sommes…

Qui en Jr 2,13 ; 17,13 ; Ps 42,2-3, est « Source d’Eau Vive » ? Même question avec Jn 4,10.13 et 7,37-39. Mais n’oublions pas : tout ce qu’est le Fils, tout ce qu’il fait, tout ce qu’il peut faire, il le reçoit de son Père… En effet, « comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5,26). Et si le Fils peut donner la vie, il le doit encore au Père : « Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit : Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » (Jn 17,1-2). Et « donner la vie éternelle », c’est donner « l’Esprit » car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)… Nous retrouvons ici « quelque chose » de notre Crédo lorsque nous disons que nous croyons « en l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils »… En effet, « s’il procède » également « du Fils », c’est que le Père a donné au Fils « le pouvoir » de faire en sorte qu’il en soit ainsi…

Que se passe-t-il d’après Ez 47,8-12 pour ceux et celles qui acceptent de recevoir par leur foi au Fils cette « Eau Vivante » de l’Esprit ? Bien relever, avec les expressions employées par Ezéchiel, à quel point tout va dans le sens de la vie : guérison de la vie, croissance et développement de la vie, pour ensuite nourrir la vie des autres par les fruits rendus possibles par la vie reçue, et aussi les guérir par les feuilles… Jésus adressera plus tard un message semblable par l’image de la vigne (Jn 15,1-17)…

Enfin, il existe une deuxième possibilité de comprendre Jn 7,37-39, car dans les manuscrits grecs les plus anciens, il n’y a pas de ponctuation.

1 – Nous avons lu jusqu’à présent : « Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive,

celui qui croit en moi! » selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive »… Il s’agit alors du sein de Jésus…

2 – Mais on peut aussi lire, comme le fait le Texte Grec officiel du Nouveau Testament : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme a dit l’Ecriture, de son sein couleront des fleuves d’eau vive »… La traduction anglaise officielle a adopté cette possibilité : « If any one thirst, let him come to me and drink. He who believes in me, as the scripture has said, « Out of his heart shall flow rivers of living water. » »

De quel « sein » parle-t-on alors ? Cette perspective rejoint-elle Jn 4,13-14 ? Que dit-elle alors de la vocation de chaque croyant en ce monde ? La retrouve-t-on, avec un autre symbole, en Mt 5,14-16 ? Mais cette seconde possibilité a du mal à s’imposer, car la référence aux Ecritures est alors difficile à trouver. Seule Is 58,9-11 s’en approche, tandis qu’elles abondent dans le premier cas…

Is 58,9-11 (BJ) : « Alors tu crieras et le Seigneur répondra,

            tu appelleras, il dira : Me voici !

            Si tu bannis de chez toi le joug, le geste menaçant et les paroles méchantes,

(10)    si tu te prives pour l’affamé et si tu rassasies l’opprimé,

            ta lumière se lèvera dans les ténèbres,

            et l’obscurité sera pour toi comme le milieu du jour.

(11)    Le Seigneur sans cesse te conduira,

            il te rassasiera dans les lieux arides

            il donnera la vigueur à tes os,

            et tu seras comme un jardin arrosé,

            comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas. »

Jacques Fournier

Correction de la fiche 14 :

CV – 14 – Jn 7 correction

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[1] « Le monde où vivait Jésus », H. Cousin ; J.-P. Lémonon ; J. Massonet (Ed. Cerf 2004) p. 339.




Fiche n°15 : Le Christ Miséricordieux, Lumière du Monde (Jn 8,1-12)

1 – Jn 8,1 : l’unique mention du « Mont des Oliviers » en St Jean…

            Lire Jn 7,53-8,2 (cf. Lc 21,37-38 ; 22,39) ; conclusion à la lumière de Lc 9,58. C’est la seule fois où apparaît, dans l’Evangile de Jean, la mention du Mont des Oliviers ; que prépare-t-elle (cf. Jn 18,1-2) ? Elle intervient aussi chez le prophète Zacharie (vers 500 avant JC) en Za 14,4 : lire Za 14,1-11. Cette prophétie annonce de suite la venue du « Jour du Seigneur » (14,1). Dans l’Ancien Testament, il renvoie à une intervention décisive de Dieu en personne, notamment pour mettre en place le jugement qui sera « combat » contre l’injustice et le mal (14,3)… Pour l’évoquer et souligner sa portée, son impact, les auteurs ont souvent recours aux images des bouleversements cosmiques. Nous les retrouvons ici en 14,4-5. Certes, la Toute Puissance de Dieu sera à l’œuvre… Mais nous sommes encore dans l’Ancien Testament, magnifique mais si souvent imparfait… Cette Puissance se manifestera en Jésus Christ comme étant avant tout Douceur, Humilité (Mt 11,29 ; Lc 9,51-56), Tendresse, Miséricorde, Force d’Amour capable de répondre au mal par le bien… « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Et lorsque Pierre s’adressera à ceux-là même qui avaient contribué à crucifier le Christ, il leur dira : « C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et il l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,26). Dieu, dans sa Toute Puissance d’Amour, offre ainsi aux « puissants » de ce monde une apparence qu’ils qualifient de faiblesse (2Co 13,4), de « pauvreté » (2Co 8,9). Mais c’est Lui qui, en silence, sans bruit, dans la discrétion, la douceur et la paix, se révèle être finalement le plus fort (1Co 1,25)… C’est ce que Jésus manifestera ici avec l’épisode de la femme « surprise en adultère »…

            Qui foulera le Mont des Oliviers d’après Zac 14,4 ? Mais qui le foule en Jn 8,1 ? Ce parallèle, fréquent dans les Evangiles, montre que la promesse de la venue de Dieu s’est accomplie avec le Christ. Cela ne peut que poser la question de son identité… Mais qui est-il donc pour qu’il en soit ainsi ? D’autant plus que « Dieu, Yahvé, LE SEIGNEUR (TOB) » dans l’Ancien Testament renvoient le plus souvent à Celui que nous appelons dans le Nouveau Testament « Dieu le Père »… Et le Père n’est pas le Fils ! Et le Fils n’est pas le Père ! Et pourtant, la venue du Père s’accomplit avec celle du Fils… Nous retrouvons indirectement la grande affirmation de Jn 10,30 : « Moi et le Père », dit Jésus, « nous sommes UN ». Et souvenons-nous, St Jean a bien pris soin, dans le grec des Evangiles, de ne pas écrire « UN » au masculin singulier (eis), qui renverrait à une personne de sexe masculin… Il n’emploie pas bien sûr le féminin singulier (mia), qui renverrait à une personne de sexe féminin, mais il utilise le neutre (en) qui désigne en général, les réalités inanimées… Le Père et le Fils sont « UN » car ils partagent tous les deux la même nature divine qui est tout à la fois « Esprit » (Jn 4,24), « Amour » (1Jn 4,8.16), « Lumière » (1Jn 1,5)… « Qui m’a vu a vu le Père », dira Jésus (Jn 14,9)… La Lumière, l’Esprit, l’Amour… qui remplit le cœur du Père est identique à la Lumière, l’Esprit, l’Amour… qui remplit le cœur du Fils car « le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,34), tout ce qu’Il Est… Alors, par ce Mystère de Communion unique en son genre que le Fils vit avec le Père dans l’Amour, là où est le Fils, là est le Père. Qui écoute le Fils, écoute le Père… Qui voit les signes accomplis par Jésus voit « les œuvres du Père » (Jn 10,37-39 ; 5,36)… La venue du Fils parmi les hommes accomplit donc toutes les promesses faites dans l’Ancien Testament de la venue de Dieu parmi les hommes, un Dieu par le Fils qui se révèlera comme étant « mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu »… Avec le Fils, « le jour de Dieu » est arrivé… Constater d’ailleurs que Jésus reprend cette notion de « jour » en Jn 8,56 pour se l’appliquer à lui-même… Le jour de Dieu est aussi son jour… D’autant plus que lui aussi est « Dieu » (cf. Jn 1,1), au sens où il partage pleinement, et de toute éternité, la même nature divine que son Père…

            Qu’arrivera-t-il ce Jour-là, d’après Zac 14,7-9 ? Relire ce texte à la lumière des passages suivants de St Jean et préciser ainsi comment il s’accomplira :

1 – Zac 14,7 avec Jn 8,12 ; 12,46… C’est ainsi que grâce au Christ et par Lui, St Jean peut faire l’affirmation de 1Jn 2,8, car le grand cadeau que le Christ est venu proposer à tous les hommes est celui décrit en 1Th 4,8… Sans jamais oublier           Jn 4,24 et 1Jn 1,5…

2 – Zac 14,8 avec Jn 19,33-35 et 7,37-39 ; 4,10-14.

3 – Zac 14,9 avec Jn 18,37 ; et, une fois ressuscité, il promettra à ses disciples d’être toujours avec eux (Mt 28,19-20). L’affirmation de Mt 4,17 s’accomplit alors pleinement avec lui et par lui, d’autant plus que … Lc 22,29 ! Le Christ désire donc faire de chacun de nous des reines et des rois en nous partageant ce qui est à la racine du Mystère de sa Royauté : le Don de son Esprit (cf. Rm 14,17), Lumière qui règne sur les ténèbres (Jn 1,5), grâce de Miséricorde qui règne sur nos péchés pour la vie (Rm 5,21), force qui règne dans notre faiblesse (2Co 12,7-10), paix qui règne dans nos cœurs (Col 3,15)… Heureux alors les pécheurs qui acceptent cette démarche de repentir à laquelle le Christ nous appelle tous, en le laissant tout simplement régner dans nos cœurs, dès maintenant, dans la foi (Jn 20,29).

2 – La femme surprise en flagrant délit d’adultère (Jn 8,1-11)

En Jn 8,2, où est Jésus (cf. Lc 2,49) ? Ces simples circonstances géographiques sont bien le signe que, par le Fils, Dieu le Père lui-même s’adresse aux hommes dans « sa Maison » (Jn 2,16), le Temple (Jn 8,28-29 ; 12,49-50 ; 14,10-11 ; 14,24 ; 17,7-8)…

Bien repérer en Jn 8,1-11, les positions des différents personnages :

            1 – Comment est Jésus et « le peuple » en Jn 8,2 ? Il ne faudra jamais oublier ce « peuple » qui sera témoin silencieux de tout ce qui suivra…

            2 – Comment sont les scribes, les Pharisiens et la femme surprise en flagrant délit d’adultère ?

            3 – Le geste de Jésus décrit en 8,6 suppose qu’il s’est levé pour les accueillir ; et là, justement, que fait-il donc ?

            4 – Puis que fera-t-il en Jn 8,7 ? La parole prononcée en cette occasion en aura d’autant plus de force…

            5 – Puis, que fait-il de nouveau en Jn 8,8 ?

            6 – Enfin, même question en Jn 8,10… Mais cette fois, il reste Jésus, la femme, et tout le peuple qui est resté assis du début jusqu’à la fin…

« Les scribes et les Pharisiens » arrivent donc avec « une femme surprise en adultère ». A propos, où est l’homme qui était avec elle ? Pourtant que dit la Loi en pareil cas (cf. Lv 20,10 ; Dt 22,22-24) ? Noter déjà l’injustice de la situation…

La question des scribes et des Pharisiens est un piège pour Jésus, quelque soit sa réponse :

1 – En effet, s’il dit « Oui ! Il faut appliquer la Loi », il perdra vis-à-vis des foules sa réputation de Bonté, de Douceur, de Miséricorde et de Tendresse… De plus, ils pourront le dénoncer aux Romains en disant qu’il pousse Israël à se rebeller contre l’ordre établi par Rome, car seul Ponce Pilate, Procurateur de Judée, d’Idumée et de la Samarie, de 26 à 36 après JC avait le droit de mettre à mort, « le droit du glaive »…

2 – S’il dit : « Non ! Il est écrit : « Tu ne tueras pas ! » (Ex 20,13 ; Dt 5,17), sans aucune autre précision… », ils pourront toujours l’accuser de pousser le Peuple à désobéir à tous ces préceptes rajoutés au fil des siècles à « la Loi de Moïse », et qui ne sont finalement que « tradition des hommes ». Et quiconque pousse à désobéir à la Loi mérite la mort (cf. Dt 13 ; Dt 17,1-7)…

Mais Jésus va déjouer leur piège… En venant avec cette femme surprise « en adultère », ils étaient dans l’attitude de juges qui ne peuvent que prononcer une condamnation à la lumière de la Loi… Jésus s’était baissé, refusant d’entrer dans une telle discussion, et manifestant, par son attitude corporelle, qu’il se retirait de ce débat. Mais comme « ils persistaient à l’interroger », il va se lever, revenir dans la conversation, et leur dire : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre. » Or, la Loi disait justement que « les témoins mettront les premiers la main à l’exécution du condamné » (Dt 17,7). Jésus s’adresse donc tout spécialement aux témoins de cet adultère qui, les premiers, auraient dû, en dehors de la juridiction romaine, lapider cette femme. Mais il élargit ici la notion de témoin. Certes, certains ont pu être « les témoins » du péché commis par cette femme, mais n’ont-ils pas été aussi « les témoins » d’autres méfaits, notamment dans leur vie ? Et ceux-là, comment vont-ils les juger ? Avec la même dureté, la même rigueur implacable ?

Et là, surprise, ils se révèlent être des juges d’une clémence extraordinaire ! Et ce sont « les plus vieux » qui partiront les premiers, eux qui ont eu tout le temps de faire l’expérience de cette faiblesse humaine qui nous est commune à tous… Certes, il n’est pas dit qu’ils ont eux aussi commis ce péché là, mais ils en ont fait d’autres, ils ne sont pas « sans péché »… Et ils seront « ces témoins qui, les premiers, ne mettront pas la main à l’exécution du condamné. » Puis les plus jeunes feront de même, aidés dans cette démarche de vérité par l’exemple de leurs aînés… Nous retrouvons, en actes, cette phrase de Jésus en St Luc : « Du jugement dont vous jugez on vous jugera, et de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous » (Mt 7,2). Et St Jacques écrira : « Le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde ; mais la miséricorde se rit du jugement ».

Par son intervention, Jésus les a donc aidés à « faire la vérité » dans leur vie, et « quiconque fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3,21), cette Lumière qui, en Dieu, est celle de la Miséricorde et du Pardon…

Une note de la Bible de Jérusalem indique à propos de Jésus se baissant et écrivant avec son doigt sur le sol : « Le sens de ce geste reste obscur ». Mais St Ambroise, St Augustin et St Jérôme ont proposé de l’interpréter à la lumière de Jr 17,13 : « Espoir d’Israël, SEIGNEUR, tous ceux qui t’abandonnent seront honteux, ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la terre, car ils ont abandonné la source d’eaux vives, LE SEIGNEUR ». Jésus écrirait donc sur le sol le nom de ces scribes et de ces Pharisiens qui accusaient cette femme… Imaginons la scène et la stupeur de ceux qui voyaient leur nom s’inscrire dans la poussière, alors qu’ils savaient bien ne l’avoir jamais dit à Jésus ! Nous assistons alors à un beau renversement… « Toi qui te reposes sur la Loi, qui te glorifies en Dieu, qui connais sa volonté, qui discernes le meilleur, instruit par la Loi, et ainsi te flattes d’être toi-même le guide des aveugles, la lumière de qui marche dans les ténèbres, l’éducateur des ignorants, le maître des simples, parce que tu possèdes dans la Loi l’expression même de la science et de la vérité » (Rm 2,17-20), toi qui penses donc être le meilleur, le saint, ta situation est peut-être pire que celle de cette femme « surprise en adultère »… Oui, « malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela » (Mt 23,23). La dureté de leur cœur, froid comme la pierre, manifeste à quel point ils ont abandonné depuis longtemps « la Source d’Eaux Vives, le Seigneur » Tendre, Miséricordieux et Doux… Or, « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23) ? Leurs noms ne peuvent donc qu’être « inscrits dans la terre », comme ceux des morts…

Puis Jésus se redresse et, cette fois, il s’engage pleinement dans la relation avec la seule personne qui soit restée, la femme. Tous se sont ainsi reconnus coupables, mais une seule entendra la Parole libératrice de Jésus, avec tout le Peuple, ne l’oublions pas, qui est demeuré assis, à l’écoute du Christ, en témoin silencieux de la scène… Cette Parole libératrice en Jn 8,11 se divise en deux parties, lesquelles ? Que nous dit la première sur le Mystère de Dieu (cf. Jn 3,16-18 ; 5,22 ; Ez 18,23 ; 33,11 ; 1Jn 2,1-2 ; Rm 8,31-39 ; 9,16 ; Ep 2,4-10…) et la seconde sur ce que Dieu attend de l’homme (cf. Mt 3,2 ; 4,17 ; Lc 5,32 ; 24,46-48 ; Ac 2,38 ; 3,19). Mais l’homme laissé à ses seules forces d’homme est incapable de répondre à cet appel de Dieu. Il a besoin pour cela de sa grâce, de son soutien, de sa force qui lui permettra de s’arracher à ses ténèbres… Il s’agit donc avant tout pour lui de s’abandonner activement à cette Présence de Dieu qui l’accompagne sans cesse et s’offre à son cœur, à sa foi (cf. Ap 3,20). S’il consent à elle, il recevra avec elle la grâce de « la repentance et de la rémission des péchés » (Ac 5,30‑31 ; 11,18). Car c’est Dieu qui, le premier, avec le Christ et par le Christ, vient à nous en Bon Pasteur qui cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve. Et quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules et la ramène à la maison, la maison du Père (Lc 15,4-7 ; Jn 14,1-3). Il suffit alors de lui dire « Oui ! », ou du moins, de ne pas lui dire « Non ! »…  Et sa grâce nous apprendra, patiemment, petit à petit, jour après jour, « à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde pour vivre en ce siècle présent dans la réserve, la justice et la piété » (Tt 2,11-14). Nous expérimenterons alors la vraie Paix (Jn 14,27) et la vraie Joie (Jn 15,11), en un mot, la vraie Vie (Jn 10,10), celle pour laquelle Dieu nous a tous créés…

Ainsi, tout est grâce mais rien ne se fera sans le consentement libre et responsable de notre liberté, sans notre réponse personnelle, profonde (cf. Lc 15,18-20), à cet appel que Dieu ne cesse de nous lancer pour que nous acceptions enfin de revenir à Lui (Is 44,22 ; Jr 3,12-14 ; 15,19 ; 31,21-22 ; Os 1,2-4 ; Si 17,24-26) Le salut jaillit ainsi de la rencontre de deux libertés, celle de Dieu qui désire l’homme, sa vie et son bonheur, et celle de l’homme qui, en cherchant le bonheur dans l’obscurité de ce monde, cherche finalement Dieu, le plus souvent à tâtons… Car « tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi » (St Augustin).

Mais soulignons que Dieu devance toujours l’homme (cf. 1Jn 4,19) : c’est Lui qui a pris l’initiative de créer ce monde et de nous créer, tels que nous sommes… C’est Lui qui accompagne jour après jour sa création à son plein accomplissement, même si l’humanité a du mal à se tourner vers son Créateur et Père et à le reconnaître tel qu’il est : « Esprit » (Jn 4,24) et « Amour » (1Jn 4,8.16), invisible à nos yeux de chair mais présent à notre cœur en « densité » de Vie et de Paix… Et puisqu’il ne poursuit que notre Plénitude (il nous a tous créés pour que nous partagions la sienne), c’est encore Lui qui en venant à nous, jour après jour, va nous aider à prendre conscience de nos pas malheureux qui ne nous conduisent pas au vrai bonheur, à la vraie vie… Puis il va nous aider encore à les lui offrir, et c’est Lui qui, par son pardon, effacera tout et nous donnera de connaître enfin le but de notre vie : sa Vie… Ainsi, tout vient de Lui, mais rien ne se fera sans notre « oui » libre et responsable…

2 – Jésus Lumière du monde (Jn 8,12)

            Cette déclaration arrive juste après le récit mettant en scène cette femme surprise en flagrant délit d’adultère, juste après cette phrase que Jésus lui adresse : « Je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pèche plus. » Ainsi, la Lumière dont parle Jésus est celle qui jaillit des « entrailles de Miséricorde » de notre Dieu, ce Dieu qui en Jésus Christ est venu courir après les pécheurs pour leur proposer son pardon, et avec lui, la vraie Paix, la vraie Joie, la vraie Vie (cf. Lc 1,76-79).

            Faisons deux remarques. La première : St Jean a écrit ici « Je Suis » comme dans la traduction grecque d’Ex 3,14 (relire Ex 3,13-15). Avec le Fils et par Lui, Dieu se révèle… Avec « le Verbe fait chair » (Jn 1,14) et par Lui, il se dit…

            De plus, Dieu se présente souvent dans l’Ancien Testament comme étant Lumière : Ps 27(26),1 ; 36(35),10 ; 84(83),12 ; 89(88),16 ; Ha 3,3-4 ; Is 2,5 ; 60,1 ; 60,19-20 ; Ba 5,9… En disant de lui-même « Je Suis », comme en Ex 3,14, et en reprenant cette image de la lumière, nous constatons une nouvelle fois que Jésus, indirectement, discrètement, à la « lumière » des Ecritures, se présente comme étant pleinement Dieu (cf. Jn 1,1 ; 20,28)… Mais seuls ceux qui l’accueillent de tout cœur sauront reconnaître qu’il dit vrai (cf. Mt 11,15 ; 13,9 ; 13,15-16 ; 13,43 ; Ap 2,7 ; 2,11 ; 2,17 ; 2,29 ; 3,6 ; 3,13 ; 3,22)…

            Quelle association retrouve-t-on à la fin de ce verset 12 (cf. Ps 36,10 ; Jn 1,4) ? La retrouver en combinant les versets suivants : Jn 4,24 ; 1Jn 1,5 ; Ga 5,25 ; Jn 6,63 (Bible de Jérusalem : « c’est l’Esprit qui vivifie ») ; 2Co 3,6 ; Rm 8,11. D’après Lc 4,1, de quoi Jésus est-il rempli ? Et quel est le don qu’il est venu communiquer aux hommes (cf. 1Th 4,8 ; Jn 1,33 ; 7,37-39) ? Le retrouver en associant Jn 10,10 avec Jn 6,63 ; Jn 14,27 et 15,11 avec Ga 5,22 ; Lc 12,49 avec Lc 3,16 ; Col 2,9-10 avec Ep 5,18. En quel Mystère nous entraînera-t-il alors (cf. 1Jn 1,3 ; 1Th 5,9-10 ; 1Co 6,17 ; Jn 17,20‑23) ? Pour recevoir ce « don de Dieu » (cf. Jn 4,10 ; Ac 8,19-20), quelle est la seule attitude qu’il nous demande (Reprendre les différents verbes employés en Is 45,22 ; Jr 3,12 ; Ac 2,38 ; Jn 20,31 ; Ac 5,32) ? Cette attitude est-elle accomplie une fois pour toutes ? Par quel verbe est-elle exprimée en Jn 8,12 ? Par quelle autre expression peut-on la décrire (Jn 8,51 ; 12,47 ; 14,15 ; 14,21 ; 14,23-24 ; 15,10 ; 17,6) ? Quelle autre expression Jésus emploie-t-il en Mc 13,33‑36 ? Cela revient à faire quoi d’après 1Th 5,16-22 ? Nous retrouvons ainsi l’importance de la prière, prière du cœur nourrie par l’écoute de la Parole de Dieu, car lire la Parole de tout cœur, c’est accueillir l’Esprit Saint qui se joint toujours à elle (Jn 3,34), un Esprit qui, en nous, sera Vie, Lumière et Paix… Heureux alors, bienheureux, tous ceux et celles qui l’accueillent…

                                                                                                                             D. Jacques Fournier

Correction de la fiche N°15 :

CV – 15 – Jn 8,1-12 correction

 




Fiche N°16 : La révélation de la divinité de Jésus (Jn 8,12-59)

Souvenons-nous… Au tout début de ce chapitre, les scribes et les Pharisiens ont amené à Jésus une femme surprise en flagrant délit d’adultère pour lui tendre un piège… Mais Jésus l’a déjoué et il a révélé en cette occasion « les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78). « Je ne te condamne pas », lui a-t-il dit. « Va, désormais ne pèche plus ». Et juste après il a déclaré : « Je Suis la lumière du monde »…

En effet, avec Lui et par Lui, la Lumière de la Miséricorde est venue éclairer tous les pécheurs que nous sommes… Et si nous acceptons de la recevoir, elle nous purifiera, jour après jour, et par elle le projet de Dieu sur chacun d’entre nous s’accomplira : « Que nous soyons tous saints et immaculés en sa présence dans l’Amour » (Ep 1,4). Et « être dans l’Amour », c’est « être dans la Lumière », car « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et il est aussi « Lumière » (1Jn 1,5). Nous retrouvons ainsi par ces parallèles que la Lumière dont nous parlons est celle de l’Amour. Etre dans la Lumière, c’est ouvrir son cœur à l’Amour, c’est accepter de se laisser aimer tels que nous sommes. Et cette aventure est toujours possible, car Dieu, de son côté, ne cesse de nous aimer, quelque soit l’état de notre misère. Dieu, en Jésus Christ, s’est en effet révélé comme étant « Pur Amour » : il ne désire, il ne veut, il ne cherche que notre bien… C’est ainsi que face à la misère du péché, l’Amour prend le visage de la Miséricorde qui aime le pécheur tel qu’il est, désirant encore et toujours son seul bien… Si le péché nous prive de la Plénitude de la Vie, le meilleur qu’il puisse arriver à un pécheur est de se repentir, de renoncer au mal qu’il commet pour justement pouvoir accueillir cette Plénitude dont il est privé par suite de ses fautes et que Dieu désire toujours pour Lui… C’est pourquoi le Fils est venu dans le monde comme « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) en proposant « le pardon des péchés » (Lc 5,20) et avec lui « la vie en surabondance » (Jn 10,10). Il suffit juste de consentir de tout cœur à ce Pur Amour, instant après instant, en se laissant aimer tels que nous sommes… Et « si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13). Alors, de pardon en pardon, de guérison intérieure en guérison intérieure, « ce qui est impossible pour les hommes » se réalisera, « car tout est possible à Dieu » (Mc 10,27)…

 

Le témoignage de Jésus (Jn 8,13-59)

Jésus vient donc de dire « Je Suis la Lumière du monde ». Pourquoi les Pharisiens, en Jn 8,13, n’acceptent-ils pas son témoignage (cf. Dt 17,6 ; 19,15 ; Nb 35,30) ? Pourtant, que ne cesse de dire Jésus (cf. Jn 8,45-46) ? Et que se passe-t-il alors (cf. Jn 15,26 ; 1Jn 5,6) ? Or 1Jn 5,6 renvoie à 1Jn 5,9-10 ; conclusion (cf. Jn 5,36-38 ; 8,54). Mais pour accueillir l’action de ce dernier, que faut-il faire ? Que prouve alors le refus de croire des Pharisiens (cf. Jn 8,47) ? En quels termes Jésus en parle-t-il en Jn 8,19 ? Ils sont donc dans les ténèbres, privés de la Lumière de Dieu sans laquelle on ne peut reconnaître la Lumière…

Ces Pharisiens prétendent qu’ils sont « des fils d’Abraham » (cf. Jn 8,33.39), que Dieu est leur Père (cf. Jn 8,42), mais quel est en fait le maître à qui ils obéissent (cf. Jn 8,44) ? Noter toutes ses caractéristiques (voir aussi Jn 8,50 ; 10,10) ; puis, en en prenant systématiquement le contre pied, retrouver l’attitude qui caractérise Jésus (1 – Jn 4,34 ; 6,38-40 ; 14,31 ; 2 – Jn 10,10 ; 6,33-35 ; 6,47-48 ; 6,54.57 ; 20,30-31 ; 3 – Jn 14,6 ; 4 ‑ Jn 8,26.28-29 ; 5,19-20), et donc celle de tout fils de Dieu…

En Jn 8,21, où va donc Jésus (cf. Jn 14,12.28 ; 16,10.17.28) ? Or que désire-t-il (cf. Jn 17,24) ? Mais pour que ce désir s’accomplisse, qu’attend-il des hommes (cf. Jn 14,1) et pourquoi (cf. Lc 18,26-27 ; 15,1-7 ; 14,3) ? En effet, quel est le seul désir de Dieu (cf. 1Tm 2,3-6) ? Que va-t-il mettre en œuvre pour arriver à ses fins (cf. Jr 32,41) ? En tout ce qu’Il Est – Lui qui s’appelle « Je Suis » ! – qu’Est-il alors pour chacun d’entre nous (cf. Jn 4,42 et donc 8,51 ; Lc 1,47 ; 2,11 ; Ac 5,31 ; 13,23 ; Ph 3,20 ; 1Tm 1,1 ; 4,10 ; 2Tm 1,8-11) ? Et s’il est ainsi, qu’Est-il alors en Lui-même (cf Tt 3,4‑7 ; 1Jn 4,8.16 ; et donc 2Co 1,3) ? Que se passera-t-il donc pour celui qui refuse de s’ouvrir à la Révélation que Dieu fait de Lui-même en Jésus Christ (cf. Jn 8,24 ; 3,16-18) ?

Nous retrouvons donc ici « la Vérité » de Dieu qui vient se révéler et s’offrir en Jésus Christ à notre vérité ; si nous acceptons ainsi de faire la vérité sur nous-mêmes à la lumière de cette Vérité de Dieu, que se passera-t-il d’après Jn 8,31-36 (cf. Lc 4,18-19 ; Ga 5,1.13) ? Et de quelle Présence sera-t-elle le fruit (cf. 2Co 3,17) ? Retrouver ainsi la racine de l’expression employée en 8,32 : « connaître la vérité » (mettre ensemble Jn 17,3 ; 6,63a ; 16,13).

Noter enfin une des plus belles affirmations de la divinité du Christ en Jn 8,56-58 ; ses auditeurs hostiles ne s’y sont pas trompé : comment jugent-ils cette Parole et que font-ils aussitôt (cf. Mt 9,3 ; 26,65-66) ? Mais en agissant ainsi, que révèlent-ils à nouveau (cf. Jn 8,47 car Ps 36,10) ? Et que fera encore et toujours le Seigneur par son Eglise (cf. Ac 3,12-26) ? Comment répondra-t-il en effet à tout le mal qu’ils lui ont fait (cf. Ac 3,26) ? Car Dieu est le Père de tous les hommes, sans exception (cf. Jn 20,17‑18), et il n’a qu’un seul désir : qu’ils soient tous sauvés…

                                                                                                                     Diacre Jacques Fournier

Correction de la fiche N°16 :

CV – 16 – Jn 8,12-59 correction




Fiche N°17 : La guérison de l’aveugle né (Jn 9)

« En passant » (Jn 9,1)… Une fois de plus, Jésus est en marche, pour aller vers les uns et vers les autres et leur annoncer en paroles et en actes la Bonne Nouvelle de cette Vie éternelle que Dieu veut communiquer à tous les hommes… A la piscine de Bethzatha, quelle détresse Jésus avait-il su remarquer (cf. Jn 5,5-6) ; et ici (cf. Jn 9,1.8) ? Nous retrouvons ainsi un Jésus tout spécialement attentif à ceux et celles qui connaissent la souffrance. Et ici encore, par amour, c’est lui qui va prendre l’initiative de la rencontre avec cet aveugle-né, pour son bien, pour sa vie…

D’après la question des disciples, comment comprennent-ils la maladie, d’où vient-elle pour eux (Voir Fiche n°8 : « Jn 3,22-36 ») ? Souvenons-nous et résumons : cette conception s’enracine dans les temps les plus anciens de l’histoire d’Israël… Lors de la libération d’Egypte, Israël vit la Toute Puissance de Dieu à l’œuvre. Mais comme leur foi était en train de naître, ils en eurent une conception naïve et imparfaite : ils ont pensé que Dieu était tellement « tout puissant » que rien ne pouvait lui échapper, pas même le mal… Ils le voyaient donc derrière toute chose, directement impliqué dans tout ce qui pouvait leur arriver dans la vie… Notons que cette conception existe encore aujourd’hui : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour qu’il m’arrive une chose pareille ? »

A côté de cela, ils avaient aussi une intuition vive de la justice de Dieu : « Dieu » est « le juste » (Ps 7,10) par excellence, la source de toute justice. Si donc un mal arrive à quelqu’un, et si ce mal vient de Dieu, puisque Dieu est juste, cette personne devait donc le mériter : elle avait dû faire quelque chose de mal… Et voilà comment Israël s’est représenté Dieu : un « juste Juge » (Ps 7,12 ; 9,5 ; 58(57),12 ; Gn 18,25 ; Tb 3,2) qui punit celui qui fait le mal et qui récompense celui qui fait le bien. « Toi, écoute au ciel et agis ; juge entre tes serviteurs : déclare coupable le méchant en faisant retomber sa conduite sur sa tête, et justifie l’innocent en lui rendant selon sa justice » (1R 8,32). Mais non ! Dieu n’est pas ainsi ! Et la mission première de Jésus sera de nous révéler son vrai visage de Père, rempli de tendresse, et désirant toujours le meilleur pour tous ses enfants.

Telles étaient donc les croyances en ce Dieu « Juste Juge », des croyances toujours vives à l’époque de Jésus… Et cela d’autant plus que d’après le cœur même de la Loi (Le Décalogue, « les Dix paroles », Ex 34,28 ; Dt 4,13 ; 10,4), Dieu « punit la faute des pères sur les enfants, les petits enfants et les arrières petits enfants » (Ex 20,5). Et si l’on ajoute à cela que l’on pensait qu’il était possible de pécher dès le sein de sa mère (cf. Gn 25,21-22), on comprend la question des disciples à Jésus : «  Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? »… En effet, si cet homme est aveugle depuis sa naissance, sa cécité ne peut que venir de Dieu en punition d’un mal. Mais alors, qui a commis ce mal, lui ou ses parents ?

Quelle est la réponse immédiate de Jésus ? Voilà qui répond clairement à beaucoup d’interrogations de nos contemporains, nous l’avons vu : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour qu’il m’arrive tout cela ? » Rien… dirait le plus souvent Jésus. Dans le jeu complexe des relations humaines, des interdépendances de toutes sortes, nous sommes loin de pouvoir rendre compte de tout… Et nous nous retrouvons dans la position de Job qui après toutes ses accusations lancées contre Dieu, tous ses cris de colère si compréhensibles, accepte de ne pas avoir une réponse pleinement satisfaisante au problème du mal et de la souffrance car il découvre à quel point Dieu est présent à sa vie, à quel point il veille sur lui et prend soin de lui… Alors il s’abandonne à cette Présence Bienveillante… « Lui », il sait tout et il est Dieu… Cela lui suffit, il fait confiance… Notons enfin que Dieu n’a pas fait semblant en créant l’homme libre de ses choix, et c’est Lui le premier qui, par ses prophètes, lui court après en lui demandant : « Après tous les bienfaits dont je t’ai comblés, pourquoi m’abandonnes-tu ? » (cf. Is 5,4 ; Jr 2,29 ; 2,31 ; 8,5 ; 8,19 ; 8,22). Et quand Jérémie regarde la terre et toutes ces destructions, il semble lui aussi en être désorienté : «  Pourquoi le pays est-il perdu, incendié comme le désert où nul ne passe ? » (Jr 9,11). Et la réponse vient aussitôt, soulignant la responsabilité de nos actes qui peuvent, parfois, avoir des répercussions collectives inouïes : « Le Seigneur dit : C’est qu’ils ont abandonné ma Loi, que je leur avais donnée ; ils n’ont pas écouté ma voix, ils ne l’ont pas suivie ; mais ils ont suivi l’obstination de leur cœur, ils ont suivi les Baals (les idoles) que leur pères leur avaient fait connaître » (Jr 9,12-13 ; notons la responsabilité des parents dans l’éducation de leurs enfants et la transmission ou non de valeurs ou de contre-valeurs…).

La détresse de ce mendiant aveugle va donc donner à Jésus l’occasion de poursuivre sa mission : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils Unique-Engendré, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18). Mais nous retrouvons ici les fondements de la vie du Fils (cf. Jn 5,19-20). En effet, sa guérison est déjà présentée ici comme étant l’œuvre de qui (Jn 9,3-4) ? Jésus est bien le Serviteur du Père (Mt 12,18 ; Lc 22,27 ; Ac 3,13 ; 3,26 ; 4,27 ; 4,30), qui agit avec Lui et par Lui pour manifester sa Miséricorde et sa Tendresse infinies (2Co 1,3).

Une image est employée en Jn 9,4-5, laquelle ? N’oublions pas que la nuit, « les ténèbres », représentent souvent dans la Bible les conséquences du mal, du péché (cf. Dt 28,15 avec 28,28-29 ; 1Sm 2,9 ; Si 11,16 ; Pr 20,20 ; Job 5,13-15 ; Is 29,15 ; Jr 23,10-12 ; Ac 13,6-12 ; 2Co 6,14 ; Ep 6,12 ; 2P 2,4…). N’oublions pas aussi que Jésus parle aux hommes en les prenant tels qu’ils sont, avec un langage qu’ils peuvent comprendre, en tenant compte de leurs croyances, même si elles sont inexactes… D’après la conception des disciples sur l’origine de la cécité de cet homme, quelle sera, dans un tel contexte, la signification de sa guérison (cf. Jn 1,4-5 ; 12,46 avec 8,12 ; Col 1,12-14 ; Ep 5,5-9 ; 5,14…) ?

Tout ceci sera redit avec l’image de la boue : que représente-t-elle (cf. 2P 2,1‑3 et 2,17-22 ; Is 57,20 ; Ps 106(105), 39) ? Que symbolise donc cet aveugle-né aux yeux recouverts de boue (cf. Ez 12,2 ; Jr 5,20-25 repris en Mc 8,17-18 ; Is 6,9-10 repris en Mt 13,10-15 et en Jn 12,37-40) ? N’oublions donc pas par la suite que sa situation nous représente tous : elle est comme une image visible de notre réalité spirituelle invisible… Quelle invitation Jésus lui adresse-t-il ? St Jean donne lui-même la signification de « Siloé » en hébreu : « Envoyé ». A qui ce terme renvoie-t-il dans son Evangile (cf. Jn 3,17.34 ; 4,34 ; 5,22‑24.30.36.37.38…) ? « Va te laver à la piscine de l’Envoyé »… Que jaillira-t-il donc de lui en Jn 19,34 ? Ce « visible » qui semble jaillir de son cœur de chair transpercé est à nouveau une image de la réalité spirituelle invisible qui remplit son cœur, son intériorité : quelle est-elle d’après Jn 7,37-39 (Voir aussi Lc 4,1) ? Que se passera-t-il donc au cœur de ceux et celles qui, comme cet aveugle-né, accepteront de répondre à l’invitation de Jésus (cf. Ez 36,24-28 ; 1Co 6,9‑11) ? Et tout ceci arrivera notamment à quelle occasion (cf. Ac 2,37-39) ? Cette occasion a-t-elle été inventée par l’homme ou est-elle demandée par le Seigneur (cf. Mc 16,15-16 ; Mt 28,16‑20) ? Si tel est le cas, quelle est la seule attitude que Dieu attend de nous (cf. Rm 10,16 ; Ac 5,29.32 ; 1P 1,1-2 ; 1,22 ; Rm 6,15-19 ; 15,18 ; 16,19 ; 2Co 9,13 ; 10,4-5) ? Quelle expression apparaît d’ailleurs en Ac 6,7 ; Rm 1,5 ; 16,26 ? Quel pourrait donc être un synonyme du verbe « croire » ? Que fait d’ailleurs ici l’aveugle né ? Cela suppose, bien sûr, de la confiance envers celui qui nous invite à accomplir une telle démarche. Mais, « c’est par la confiance et rien que la confiance que l’on va à l’Amour » (Ste Thérèse de Lisieux). Et de tout cœur, on s’abandonne à Lui, tels que nous sommes… Le vase blessé, abîmé, souillé se remet entre les mains de son potier (Is 64,7) qui fera alors « toutes choses nouvelles » (Is 43,19 ; Jr 18,1-6). Le pécheur, dans ses mains, est alors « un vase de miséricorde » auquel Dieu va accorder toute son attention (Lc 15,4-7) et en qui il va déployer la toute puissance de sa bonté, pour le guérir intérieurement et le rendre ainsi capable de recevoir l’insondable richesse de son Esprit. Et cet Esprit est la réalité spirituelle qui « remplit » le Père, et qui « remplit » aussi le Fils, car le Fils la reçoit du Père de toute éternité… Et c’est cette même réalité spirituelle que reçoivent tous ceux qui font confiance à Jésus, qui répondent concrètement à son invitation de recevoir le baptême et tous les sacrements, de lire sa Parole en essayant, avec sa grâce, d’y conformer leur vie… Noter les expressions employées par Sr Paul en Rm 8,9 à propos de ces chrétiens qui essayent de vivre leur foi : « L’Esprit de Dieu habite en vous. Qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas »… « L’Esprit de Dieu », c’est l’Esprit de Dieu le Père, l’Esprit qui remplit le Père, l’Esprit qui constitue le Père… Et l’on s’attendrait ensuite à lire : « Qui n’a pas l’Esprit de Dieu ne lui appartient pas »… Mais non… St Paul écrit non pas « l’Esprit de Dieu » mais « l’Esprit du Christ », car, si le Père n’est pas le Fils, c’est un même Esprit qui les remplit, qui les constituent, qui fait qu’ils sont ce qu’ils sont… Et cet Esprit, le Père, dans son Amour, le donne au Fils de toute éternité, et c’est ainsi qu’il l’engendre en Fils… Et voilà ce que le Père est venu nous offrir en Plénitude par son Fils, pour que nous aussi nous devenions des fils et des filles de Dieu (Jn 1,12), à l’image du Fils (Rm 8,29), vivants du même Esprit qui remplit le cœur du Fils… Cette réalité spirituelle invisible à nos yeux de chair se propose dès ici‑bas à notre foi, pour être, par la Miséricorde de Dieu, le fondement de notre vie (Ga 5,25 ; Rm 8,11) et de notre paix intérieure, envers et contre tout…

Et notre passage révèle à quel point tout jaillit ici de l’initiative et de la gratuité de Dieu, car cet homme ne connaît pas encore Celui qui lui parle. Sa réponse ne peut donc pas être ce « oui » libre et responsable au Christ reconnu comme étant vraiment le Fils envoyé par le Père pour notre salut… Mais sa bonne volonté a suffi à l’accomplissement de celle de Dieu pour lui… Qui était-il d’ailleurs prêt à reconnaître en Jésus Christ (cf. Jn 9,17) ? A qui, à travers lui, attribuait-il donc déjà sa guérison (cf. Jn 9,33 ; 3,2) ? Et puis, un peu plus tard, qui sera une nouvelle fois à l’origine de son cheminement vers une foi plus parfaite (cf. Jn 9,35) ? Quelle question lui posera-t-il ? Que désire donc le Christ à notre égard (cf. Jn 6,28-29 ; 20,30-31) ? Mais d’après la réponse de l’aveugle guéri, que faut-il pour croire ?

Même si le texte ne le dit pas explicitement, nous pouvons deviner ce qu’il s’est passé en cet instant. En effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), invisible à nos yeux de chair. Et il est aussi « Lumière » (1Jn 1,5), Lumière spirituelle… Et nul ne peut « voir » cette Lumière si elle n’éclaire pas déjà son cœur, car c’est « par ta lumière que nous voyons la lumière » (Ps 36(35),10). Au tout début, cet homme, ne connaissant pas Jésus, ne pouvait pas croire en lui. Mais il était de bonne volonté, et il a tout simplement accepté d’obéir au Christ et d’aller se laver à la Piscine de l’Envoyé. Autrement dit, cet homme était disposé à ouvrir son cœur à la vérité… Or, le « Dieu de vérité » (Is 65,16 ; Ps 31(30),6) « est Esprit » (Jn 4,24) et il est aussi « Lumière » (1Jn 1,5). Le Psalmiste le disait déjà avec l’image du soleil : « le Seigneur Dieu est un Soleil : il donne la grâce » (Ps 84(83),12), la grâce de l’Esprit, cet Esprit qui est Lumière… Alors, par la Lumière de l’Esprit que sa bonne volonté a su accueillir, cet homme peut voir la Lumière spirituelle qui jaillit de Jésus « Lumière du monde » au moment où il lui dit : « Tu l’as vu et tu le vois : celui qui te parle, c’est lui » (Jn 9,37). Il la reconnaît en ce Jésus et peut donc la « confesser » par son acte de foi : « Je crois, Seigneur »… Nous retrouvons ainsi ce principe de St Paul : « Nul ne peut dire « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint » (1Co 12,3) qui « illumine les yeux du cœur » et permet de « voir les trésors de gloire » (Ep 1,17-20) qui habitent le Christ, « insondable richesse » (Ep 3,8) qui est celle de Dieu lui-même… Cet aveugle-né, guéri, a donc vécu ici comme une Transfiguration : le Mystère spirituel du Christ, vrai homme mais aussi vrai Dieu, invisible aux yeux de chair, s’est révélé au regard de son cœur… Et il l’a reconnu … En se souvenant du parallèle que St Jean fait entre « vie » et « lumière » (« En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes » Jn 1,4 ; « la lumière de la vie » Jn 8,12), nous pouvons relire le début de sa première Lettre, car voilà ce que cet aveugle-né a vécu lui aussi… Il a reçu l’Esprit du Christ en son cœur, l’Esprit qui, par sa Présence, lui a communiqué la Vie de Dieu. Et il l’a perçue en termes de vie nouvelle, d’intensité de vie. Dans cette « vie », il a donc vécu la rencontre avec le Christ. Mais au même moment, cette Vie était Lumière en son cœur, perception nouvelle d’une réalité qui échappe à l’emprise de nos sens… Et alors, il a vu… St Jean dira : « Nous avons vu la Vie »… Il l’a perçue par tout son être, en la vivant, et au même moment, il a aussi perçu comme une Lumière qui rayonnait du Christ… « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la Vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » (1Jn 1,1‑4).

Le Nom divin « Je Suis » (Ex 3,14) est très souvent appliqué au Christ dans l’Evangile selon St Jean pour exprimer le Mystère de sa Divinité, de sa pleine participation à la nature divine (cf. Jn 8,24.28.58 ; 8,12 ; 6,35.48 ; 14,6…). En grec, il a une forme particulière, « Égô éimi ». Nous l’a trouvons ici appliquée à un homme, et cela pour la seule et unique fois dans tout l’Evangile. Dans le contexte des relations entre cet homme et ceux qui s’interrogent sur son identité, elle est traduite en général dans nos Bibles par « C’est moi ! » ou « C’est bien moi ! » (Jn 9,9). Nous retrouvons la même traduction lorsque Jésus marche sur la mer et s’adresse à ses disciples : « C’est moi ! » (Jn 6,20). Pourtant, nous l’avons vu, il vaudrait mieux traduire en cette circonstance « Je Suis » car Jésus révèle en cet instant le Mystère de sa Divinité en faisant ce que Dieu seul peut faire : marcher sur la mer, c’est-à-dire, dans le contexte de l’époque, dominer le mal… Appliquer cette même expression « Égô éimi » à un homme ouvre donc une interprétation possible que St Pierre énoncera explicitement dans une de ses lettres : Dieu nous appelle tous, par grâce, à participer à ce qu’Il Est par nature. « Sa divine puissance nous a donné tout ce qui concerne la vie et la piété : elle nous a fait connaître Celui qui nous a appelés par sa propre gloire et vertu. Par elles, les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de la Divine Nature, vous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (2P 1,3-4). La TOB a comme traduction : « … pour que vous entriez en communion avec la nature divine »… Comment parler de cette « nature divine » ? Tout simplement en reprenant les grandes affirmations de St Jean : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). En nous donnant « l’Esprit » (1Th 4,8), Dieu nous donne d’avoir part à sa propre nature…

« Vous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » : notons bien que l’homme n’est pas capable de s’arracher par lui-même à cette « convoitise » : c’est Dieu qui le fera, avec sa collaboration (cf. Col 1,11-14). Et ces « grandes promesses » dont parle St Pierre sont toutes accomplies dans le Don de « l’Esprit de la Promesse », l’Esprit promis, l’Esprit Saint (Cf. Ep 1,13 ; Ga 3,14 ; Ac 2,32-33 ; 2,37-41), cet Esprit que le Christ a répandu en Fleuves sur cette terre (Jn 7,37-39) en mourant pour chacun d’entre nous sur la Croix.

St Paul de son côté écrit : « En lui », le Christ, « habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité », la Plénitude de l’Esprit qu’il reçoit de toute éternité de son Père. « Et vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude » (Col 2,9-10)…

St Pierre parle donc de « devenir participants de la Divine Nature » ; St Paul d’être « associés à sa Plénitude ». St Jean le dira avec le vocabulaire de la gloire. Dans la Bible, ce mot « gloire » vient d’un verbe qui signifie « peser, être lourd ». La gloire renvoie donc à ce qui donne du poids à un être. Pour les hommes, cela peut être la richesse (Gn 13,2 : Abraham « très riche », littéralement « très glorieux »), ou une haute position sociale (La gloire du roi), ou un talent particulier… Pour Dieu, l’expression renvoie directement à son Être. « La gloire de Dieu est la splendeur de l’Etre par excellence. Dieu seul possède par lui-même valeur et puissance » (P. Deseille). « Le fondement de cette gloire, c’est l’essence divine elle‑même, laquelle est la perfection absolue » (A. Michel).  La Gloire de Dieu est donc la manifestation, d’une manière ou d’une autre, de ce que Dieu Est en lui-même. Tout comme il n’y a pas de feu sans lumière et chaleur, de même il n’y a pas de gloire sans Dieu Lui-même, sans ce que Dieu est en Lui-même… Autrement dit, quand Jésus donne la Gloire, il donne ce que Dieu Est en Lui-même, c’est-à-dire « l’Esprit » « nature divine » puisque « Dieu est Esprit ». « Donner la Gloire », c’est donc donner de « devenir participant de la Nature Divine » (St Pierre), c’est « associer à la Plénitude » divine (St Paul)… Jésus dit ainsi en parlant de ses disciples : « Père, je leur ai donnés la Gloire que tu m’as donnée » « parce ce que tu m’as aimé avant la fondation du monde ». Ainsi, le monde reconnaîtra que « tu les as aimés comme tu m’as aimé » (cf. Jn 17,22.24.23).

Ste Thérèse de Lisieux disait : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». C’est ce que le Père fait de toute éternité pour le Fils : il l’aime et lui donne tout, tout ce qu’Il est en lui-même… Et c’est ainsi que le Fils est « Dieu né de Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de même Nature que le Père » (Crédo). Alors, si le Père nous aime comme il aime le Fils de toute éternité, il ne cesse donc de se donner à chacun d’entre nous, gratuitement, par amour, avec une intensité d’autant plus forte que nous pouvons être blessés, pécheurs, spirituellement malades (Lc 5,31-32)… « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Et voilà que la grâce de l’Esprit surabonde pour les pécheurs, pour les arracher à leurs ténèbres (Col 1,13), leur donner la vie (Jn 10,10) et leur permettre d’être par grâce, par amour, ce que Dieu Est par nature… « Tu les as aimés comme tu m’as aimé », tu t’es donné à eux comme tu te donnes à moi de toute éternité, tu leur communiques cette Plénitude de l’Esprit dont tu me combles depuis toujours et pour toujours… Mais ce n’est que par-delà notre mort que nous découvrirons pleinement tout cela : « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! (…) Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3,1-2). Pour l’instant nous sommes dans la foi. « Nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu » (1Co 13,12). « Car notre salut est objet d’espérance ; et voir ce qu’on espère, ce n’est plus l’espérer : ce qu’on voit, comment pourrait-on l’espérer encore ? » (Rm 8,24).

Cet aveugle-né est donc guéri… Les faits sont là… Mais quelle est à nouveau la pierre d’achoppement sur laquelle butent les scribes et les Pharisiens (cf. Jn 9,14 ; Lc 13,14) ? Pourtant, quelle invitation, en des circonstances semblables, le Christ leur avait-il déjà lancée (cf. Jn 7,20-24 ; Lc 6,6-11) ? Quelle conclusion les Pharisiens en tirent-ils (cf. Jn 9,16) ? Mais à quelle autre conclusion le Pharisien Nicodème était-il arrivé (cf. Jn 3,1-2) ?

Ces Pharisiens n’arrivent donc pas à accéder au monde de la foi… Un verbe intervient souvent dans notre chapitre à leur égard en Jn 9,20.21.24.29.31, quel est-il ? Il leur est tout spécialement bien adapté ici car il illustre le problème principal qui est le leur : lequel (voir aussi Lc 18,9-14 ; et leur déclaration en Jn 9,41 ; cf. Jr 13,15-17) ? Pour vaincre cet obstacle, avec la grâce de Dieu, quelle attitude Jésus nous propose-t-il (cf. début de Jn 3,21) ? Et nous sommes tous des pécheurs, des blessés (Rm 3,19 ; 3,23). Si nous acceptons cette démarche, quelle vérité allons-nous aussitôt découvrir avec le Christ (cf. Jn 1,29 ; 3,16-17 ; Lc 1,76-79 ; 5,31-32) ? Et alors, que se passera-t-il (cf. Jn 9,39) ? En effet, noter à chaque fois les conséquences du péché en Rm 3,23 ; 6,23 ; Jn 3,19 ; Rm 2,9 et celles de l’agir du Christ Sauveur en tous ceux et celles qui acceptent de s’abandonner avec confiance, tels qu’ils sont, entre ses mains : Jn 17,22 ; 6,47 ; 12,46 et 8,12 ; 14,27 et 15,11. Tel est le fruit de l’agir du « Père des Miséricordes et du Dieu de toute consolation » (2Co 1,3) qui ne poursuit qu’un seul but : que nous soyons tous comblés de la Plénitude de sa Vie par le Don de son Esprit…

Nous pouvons alors relire en conclusion (Lc 10,21-22) :

« Jésus tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit :

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,

d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits.

Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.

Tout m’a été remis par mon Père,

et nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père,

ni qui est le Père si ce n’est le Fils,

et celui à qui le Fils veut bien le révéler » »…

Jacques Fournier

 

Correction de la fiche N° 17 :

CV – 17 – Jn 9 correction