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PAPIAS DE HIERAPOLIS

         Pour l’historien, Papias de Hiérapolis est à la fois un personnage extrêmement intéressant et terriblement frustrant. Au-delà du fait que reconstituer son existence s’avère difficile en raison du caractère lacunaire des sources, son importance pour comprendre les racines de la foi chrétienne encore nazaréenne est incontournable. Florissant au début du IIème siècle, il est à l’heure actuelle impossible de proposer des dates précises quant à son existence. La majorité des renseignements dont nous disposons nous viennent de l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée (IVème siècle) ainsi que de fragments très épars dans l’ensemble de la littérature chrétienne de langue grecque (jusqu’à l’époque byzantine avec le patriarche Photius). Il fut probablement épiscope de Hiérapolis (Phrygie) et est qualifié d’ « Ancien » par Irénée de Lyon. Nous savons qu’il fut disciple des apôtres et semble avoir principalement gravité dans la zone du Johannisme. Il rédigea un ouvrage – aujourd’hui perdu – en cinq volumes intitulé Explication des paroles du Seigneur. Rien ne nous renseigne sur sa mort. Papias reste très estimé mais n’a pas joui d’un statut de Père de l’Église en raison de ses conceptions explicitement millénaristes (ce qui était fort mal perçu dans les premiers temps de l’Église). Il est néanmoins considéré comme Bienheureux.

         Son enseignement présente un fort intérêt, de par sa proximité avec les premières générations de disciples auxquelles il puise ses connaissances de l’enseignement de Jésus. Il nous apporte de précieuses indications quant à la transmission de la Tradition droite, privilégiant la force de l’oralité, se référant uniquement aux témoignages attestés provenant des Apôtres. Chaînon hélas manquant de notre tradition patristique, Papias est un personnage injustement méconnu nous illustrant la diffusion de la foi aux premières époques de la communauté chrétienne encore largement judaïsante.

         Le peu de citations dont nous disposons est un trésor, illustrant un esprit concis et solide, complétant ainsi nos maigres connaissances de la période apostolique et postapostolique.

N.B. : il ne peut exister à proprement parler d’édition de l’œuvre de Papias, celle-ci étant perdue et ne se résumant qu’à quelques citations indirectes. Notons cependant l’activité intense de M. Enrico Norelli dans l’optique de valoriser son apport à notre appréhension des origines du Christianisme.

Bibliographie élémentaire

 

  • Les Pères apostoliques. Texte intégral, trad. Dominique Bertrand, Cerf, coll. « Sagesses chrétiennes », Paris, 2001.

  • E. NORELLI – C. MORESCHINI, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine. I, Labor et Fides, Genève, 2000, pp. 197-199.

Extraits

 

Papias, lui aussi un auditeur de Jean et compagnon de Polycarpe, homme ancien, a témoigné par écrit dans le quatrième de ses livres. En effet, il existe cinq livres composés par lui.

Irénée, Adv. Haer., V, 33, 4 cité aussi par Eusèbe, H.E., III, 39, 1.

Pour toi, je n’hésiterai pas à ajouter à mes explications ce que j’ai bien appris autrefois des presbytres et dont j’ai bien gardé le souvenir, afin d’en fortifier la vérité. Car je ne me plaisais pas auprès de ceux qui parlent beaucoup, comme le font la plupart, mais auprès de ceux qui enseignent la vérité Je ne me plaisais pas non plus auprès de ceux qui font mémoire de commandements étrangers, mais auprès de ceux qui rappellent les commandements donnés par le Seigneur à la foi et nés de la vérité elle-même. Si quelque part venait quelqu’un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m’informais des paroles des presbytres : ce qu’ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelqu’autre des disciples du Seigneur, et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Je ne pensais pas que les choses qui proviennent des livres ne fussent aussi utiles que ce qui vient d’une parole vivante et durable.

Eusèbe, H.E., 111, 39, 3 -4

Il (le même Papias) dit qu’il y aura mille ans après la résurrection des morts et que le règne du Christ aura lieu corporellement sur cette terre. Je pense qu’il suppose tout cela après avoir compris de travers les récits des apôtres et qu’il n’a pas saisi les choses dites par eux en figures et d’une manière symbolique. En effet, il parait avoir été tout à fait petit par l’esprit, comme on peut s’en rendre compte par ses livres ; cependant il a été cause qu’un très grand nombre d’écrivains ecclésiastiques, après lui, ont adopté les mêmes opinions que lui, confiants dans son antiquité : c’est là ce qui s’est produit pour Irénée et pour d’autres qui ont pensé les mêmes choses que lui.

Eusèbe, H.E., III, 39, 12-13.

« Et voici ce que disait le presbytre : Marc qui était l’interprète de Pierre a écrit avec exactitude, mais pourtant sans ordre, tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par le Seigneur. Car il n’avait pas entendu ni accompagné le Seigneur ; mais plus tard, comme je l’ai dit, il a accompagné Pierre. Celui-ci donnait ses enseignements selon les besoins, mais sans faire une synthèse des paroles du Seigneur. De la sorte, Marc n’a pas commis d’erreur en écrivant comme il se souvenait. Il n’a eu, en effet, qu’un seul dessein, celui de ne rien laisser de côté de ce qu’il avait entendu et de ne tromper en rien dans ce qu’il rapportait ».

Eusèbe, H. E., III, 39, 15.

Sur Matthieu, Papias dit ceci : « Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable ».

Eusèbe, H. E., III, 39, 16.




LES LETTRES D’IGNACE D’ANTIOCHE

         Ignace – dit Théophore – fut le troisième épiscope d’Antioche, succédant ainsi à Pierre (dont il fut probablement un disciple) et Évode. Né probablement dans la Province de Syrie vers 35, la majeure partie de sa destinée et de sa pensée nous est parvenue grâce à ses Lettres envoyées aux communautés d’Éphèse, de Magnésie, de Tralles, de Philadelphie, de Smyrne et enfin de Rome durant le périple le menant vers le lieu supposé de son martyre. Il fut en effet arrêté et jugé à Antioche puis mené sous escorte à Rome pour y être exécuté dans l’arène sous le règne de l’Empereur Trajan (vers 107).

         Rédigées à la hâte, sans véritable plan, les Lettres d’Ignace représentent pour les historiens mais également pour les croyants un trésor inestimable. Diverses préoccupations s’en dégagent, notamment la réflexion sur l’organisation naissante de l’Église, la fidélité à l’épiscope, la lutte contre les déviances et l’aspiration au martyre dont il ne souhaite pas être délivré. De nombreux débats subsistent encore à l’heure actuelle au sein de la recherche historique quant à l’authenticité de certains de ses écrits, bien qu’ils soient attestés par Polycarpe de Smyrne son contemporain et par Eusèbe de Césarée. Il n’en demeure pas moins que la plus touchante de ces Lettres, celle aux Romains, est considérée de manière unanime comme valable. Ignace y développe son ardent amour pour le Christ et demande aux fidèles de Rome de ne pas intercéder dans le déroulement du dessein divin le concernant. Il s’agit là de l’un des plus anciens témoignages explicites relatifs aux persécutions dont sont victimes les Chrétiens au début du IIè siècle. Parmi les thèmes abordés, on retiendra également la question des « judaïsants », à savoir les croyants persistant dans les usages ancestraux de la Loi de Moïse, ainsi que celle du « docétisme », croyance très ancienne soulignant la divinité du Christ et le refus de sa souffrance charnelle lors de la Passion (croyance encore présente de nos jours dans l’Islam).

         Les Lettres d’Ignace d’Antioche sont une lecture incontournable, que ce soit pour les esprits avides de recherche historique ou pour les cœurs avides de consolider leur foi et ce de manière intemporelle.

Bibliographie élémentaire

  • Ignace d’Antioche – Polycarpe de Smyrne, Lettres – Martyre de Polycarpe, P.-T. Camelot (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 2007.

  • R. JOLY, Le Dossier d’Ignace d’Antioche, Bruxelles, 1979.

 

 

Extraits

 

Abstenez-vous de ces plantes vénéneuses (celles de l’hérésie) : Jésus-Christ ne les cultive pas parce qu’elles n’ont point été plantées par le Père… Tous ceux qui appartiennent à Dieu et à Jésus-Christ restent unis à l’évêque ; et tous ceux que le repentir ramène dans l’unité de l’Église appartiendront, eux aussi, à Dieu, pour vivre selon Jésus-Christ.

Aux Philadelphiens 3 1-2.

Je vous en prie, inspirez-vous toujours dans votre conduite, non de l’esprit de discorde, mais de la doctrine du Christ. J’ai entendu dire à certaines gens : « Ce que je ne trouve pas dans nos archives, je ne l’admets pas dans l’Évangile ». Et quand je leur disais : « Mais, c’est écrit », ils me répondaient : « Là est justement toute la question ». Mes archives à moi, c’est Jésus-Christ ; mes inviolables archives, c’est sa croix, sa mort, sa résurrection et la foi dont il est l’auteur. Voilà d’où j’attends, avec l’aide de vos prières, d’être justifié.

Aux Philadelphiens 8, 2.

 

Mon but est de vous mettre en garde contre les bêtes féroces à figure humaine, que non seulement vous ne devez pas accueillir, mais dont vous devez même, si c’est possible, éviter la rencontre, vous contentant de prier pour leur conversion, chose d’ailleurs bien difficile, mais possible pourtant à Jésus-Christ, notre véritable vie. Si c’est seulement en apparence que notre Seigneur a agi, ce n’est aussi qu’en apparence que je suis chargé de fers. Alors, pourquoi me suis-je voué à la mort, par le feu, le glaive, les bêtes ?… C’est pour m’associer à sa passion que j’endure tout et c’est lui qui m’en donne la force, lui qui s’est fait complètement homme.

Aux Smyrniotes 4.

Contentez-vous de demander pour moi la force intérieure et extérieure, pour que je sois chrétien, non seulement de bouche mais de cœur ; non seulement de nom mais de fait, car si je me montre chrétien de fait, je mériterai aussi ce nom, et c’est quand j’aurai disparu de ce monde que ma foi apparaîtra avec le plus d’éclat. Rien de ce qui se voit n’est bon : même notre Dieu, Jésus-Christ ne s’est jamais mieux manifesté que depuis qu’il est retourné au sein du Père. Le christianisme, en butte à la haine du monde, n’est plus objet de persuasion (humaine) mais œuvre de puissance.

Aux Romains 3, 1-2.

Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : c’est par elles qu’il me sera donné d’arriver à Dieu. Je suis le froment de Dieu et je suis moulu par, la dent des bêtes pour devenir le pain immaculé du Christ. Caressez-les plutôt, afin « elles soient mon tombeau et qu’elles ne laissent rien subsister de mon corps, mes funérailles ne seront ainsi à charge à personne.

Aux Romains 4, 1-2.

De même que le Seigneur n’a rien fait, ni par lui-même, ni par ses apôtres, sans son Père avec lequel il est un, ainsi, vous non plus, ne faites rien sans l’évêque et les presbytres. C’est en vain que vous essaierez de faire passer pour raisonnable une action accomplie à part vous, faites donc tout en commun : une même prière, une même supplication, un seul et même esprit, une même espérance animés par la charité dans une joie innocente. Tout cela, c’est Jésus-Christ au-dessus duquel il n’y a rien… Accourez tous vous réunir dans le même temple de Dieu, au pied du même autel, en Jésus-Christ un, qui est sorti du Père un et qui demeurait dans l’unité du Père et qui est retourné à Lui.

Aux Magnésiens 7.




LE PASTEUR D’HERMAS

Composé probablement à la fin du Iersiècle ou au début du IIèsiècle à Rome en grec, l’ouvrage intitulé Le Pasteurest un texte particulièrement intéressant – voire déroutant – illustrant avec force la spiritualité ésotérique des premiers chrétiens. Son auteur, Hermas, demeure une énigme, bien que certains en fassent un proche de Clément de Rome. Il est à signaler qu’une mention de ce nom est aussi faite par Paul enRomains16,14, lorsqu’il salue les croyants de la communauté de la capitale de l’Empire ; Origène semble confirmer cette identification. Le Pasteurest considéré comme « Ecriture » par Irénée de Lyon et Clément d’Alexandrie ; il faut ajouter à cela qu’il est incorporé au Nouveau Testament contenu dans le Codex Sinaiticus (IVèsiècle).

Divisée en cinq Visions, douze Préceptes et dix Similitudes, l’œuvre propose un récit de tendance apocalyptique dont la théologie est relativement proche de l’Apocalypse de Jean, ce qui conforterait une datation basse, à l’aube du IIèsiècle. Les thèmes abordés tournent essentiellement autour de conceptions morales telles que la continence, la repentance et le devoir de maintenir ses proches dans la voie droite du Seigneur. On notera notamment au début du livre la mention de la tentation d’adultère. De cette situation initiale, un enseignement mystique adressé par une vieille femme représentant l’Eglise, un ange (l’Ange de la repentance) et finalement le Pasteur (figure du Christ) a pour objectif de nous exposer la spiritualité et les attentes présentes au sein de la communauté primitive. On notera également une mise en garde contre les faux prophètes, renvoyant certainement aux multiples tendances déviantes apparaissant à l’époque (notamment les enseignements de Marcion, l’une des figures les plus emblématiques de l’hétérodoxie). Le texte est globalement une éloquente allégorie de la période assez mal connue de la construction de l’institution ecclésiastique, réponse aux questionnements spirituels des fidèles.

Il est important de lire Le Pasteur, à la fois pour les renseignements précieux qu’il contient quant à la foi des premiers chrétiens de Rome, pour ses enseignements moraux riches et intemporels, mais surtout pour la tonalité magnifiquement optimiste qu’il manifeste, ancrée dans une espérance sans faille.

Bibliographie élémentaire

  • Hermas, Le Pasteur, R. Joly (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 1997.

  • E. NORELLI – C. MORESCHINI, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine. I, Labor et Fides, Genève, 2000.

  • S. GIET, Hermas et les Pasteurs. Les trois auteurs du Pasteur d’Hermas, Paris, PUF, 1963.

Extraits

 

Mon maître m’avait vendu à une certaine Rhodè à Rome. Bien des années après, je la revis et me mis à l’aimer comme une sœur. Quelque temps après, je la vis se baignant dans le Tibre, je lui tendis la main et la sortis du fleuve. Voyant sa beauté, je réfléchissais, me disant en mon cœur : je serais bien heureux si j’avais une femme de cette beauté et de ce caractère. Voilà uniquement ce que je pensai, sans aller plus loin. Quelque temps après, je marchais vers Cumes et je réfléchissais que les œuvres de Dieu sont grandes, remarquables et fortes : tout en marchant, je m’endormis : l’esprit me saisit et m’emmena par une route non frayée, où l’homme ne pouvait marcher. L’endroit était escarpé, tout déchiqueté par les eaux. Je traversai le fleuve qui était là et arrivé dans la plaine, je m’agenouille et me mets à prier Dieu et à lui faire l’aveu de mes péchés. Pendant ma prière, le ciel s’ouvrit et je vois cette femme que j’avais désirée : elle me salue du ciel et me dit : « Bonjour, Hermas. » Je la regarde et lui dit : « Maîtresse, que faites-vous là ? » Et elle me répond: « J’ai été transportée (au ciel) pour dénoncer tes péchés au Seigneur. » Je lui dis: « Vous êtes maintenant ma dénonciatrice ? – Non, dit-elle, écoute les paroles que je vais te dire : Dieu, qui habite dans les cieux qui du néant, a créé les êtres, les a multipliés et les a fait croître en vue de sa sainte Église, est irrité contre toi parce que tu as commis une faute à mon égard. » Je lui réponds en ces termes : « J’ai commis une faute à votre égard ? En quel endroit, quand vous ai-je jamais dit une parole déplacée ? Ne vous ai-je pas toujours tenue pour une déesse ? Ne me suis-je pas toujours comporté envers vous comme envers une sœur ? Pourquoi, femme, m’accuser faussement de vice et d’impureté ? » Elle rit et me dit : «  Le désir du vice est monté à ton cœur. Et ne te semble-t-il pas que pour un homme juste, c’est chose vicieuse que le désir du vice monte à son cœur ? C’est une faute, et une grande, dit-elle, car l’homme juste pense juste. C’est par ses justes pensées qu’il accroît sa réputation dans les cieux et qu’il se rend le Seigneur indulgent pour tous ses actes. Mais ceux dont les pensées sont mauvaises en leur cœur ne s’attirent que mort et captivité, surtout ceux qui jouissent de cette vie-ci, s’enorgueillissent de leurs richesses et ne s’attachent pas aux biens futurs. Elles connaîtront le repentir, les âmes de ceux qui n’ont pas d’espérance, qui ont renoncé à eux-mêmes et à leur vie. Mais toi, prie Dieu : il guérira tes péchés et ceux de toute ta maison et de tous les saints. »

                                                                               Le Pasteur, Vision I, 1, 1-9.

 

« Et toi, Hermas, ne garde plus rancune à tes enfants, ne renvoie pas ta sœur : ainsi, ils se purifieront de leurs péchés antérieurs. Ils recevront une éducation convenable, si tu abandonnes ta rancune à leur égard. La rancune provoque la mort. Toi, Hermas, tu as subi de grandes tribulations personnelles à cause des errements de ta maison : c’est que tu ne te souciais pas d’elle, tu l’as négligée et tu t’es enlisé dans tes mauvaises affaires. Ce qui te sauve, c’est de n’avoir pas abandonné le Dieu vivant et aussi ta simplicité et ta grande continence. Voilà ce qui te sauve si tu persévères ; voilà ce qui sauve tous ceux qui agissent ainsi et marchent dans la voie de l’innocence et de la simplicité. Ceux-là l’emporteront sur toute méchanceté et tiendront bon jusqu’à la vie éternelle. Bienheureux, tous ceux qui pratiquent la justice ; ils ne périront pas, de toute éternité. Tu diras à Maxime :  » Vois, une épreuve arrive : si bon te semble, renie de nouveau. Le Seigneur est tout près de ceux qui se convertissent, comme il est dit dans le livre d’Eldad et Modat, qui ont prophétisé pour le peuple dans le désert. »

                                                                                  Le Pasteur, Vision II, 3, 1-4.

« Éloigne de toi, dit-il, la tristesse, car elle est sœur du doute et de la colère. – Comment, Seigneur, dis-je, est-elle leur sœur ? Il me semble que la colère est une chose, le doute, une autre chose, et la tristesse, une autre encore. – Tu n’es pas un homme intelligent, dit-il ; ne comprends-tu pas que la tristesse est le plus méchant de tous les esprits et le plus redoutable pour les serviteurs de Dieu et que plus que tous les esprits, elle ruine l’homme, chasse l’Esprit-Saint et puis le sauve ? – Il est vrai, Seigneur, dis-je, je ne suis pas intelligent et je ne comprends pas ces paraboles. Je ne vois pas comment elle peut chasser, puis sauver. – Écoute, dit-il. Ceux qui n’ont jamais fait de recherche au sujet de la vérité, de la divinité, qui se sont bornés à croire, enfoncés dans les affaires, la richesse, les amitiés païennes et dans de nombreuses autres occupations de ce monde, tous ceux qui ne vivent que pour cela ne peuvent comprendre les paraboles concernant la divinité. Ces divertissements les obscurcissent, les perdent, et ils se dessèchent. Les bons vignobles, s’ils viennent à manquer de soins, sont desséchés par les chardons et les herbes de toute espèce : de même, les hommes qui ont embrassé la foi et qui se perdent dans ces multiples activités dont j’ai parlé, s’égarent loin de leur bon sens et ne comprennent plus rien à la justice : même lorsqu’on leur parle de la divinité et de la vérité, leur esprit est tout à leurs affaires et ils ne comprennent rien. Mais ceux qui craignent Dieu, qui s’inquiètent de la divinité et de la vérité, qui tiennent leur cœur vers le Seigneur, ceux-là saisissent et comprennent plus vite tout ce qu’on leur dit, car ils ont en eux la crainte du Seigneur ; là où habite le Seigneur, se trouve aussi la complète intelligence. Attache-toi donc fermement au Seigneur et tu saisiras et comprendras tout. »

                                                                                  Le Pasteur, Précepte X, 1-6.




« L’Epître de Clément de Rome aux Corinthiens »

Si l’importance de l’Épître de Clément de Rome aux Corinthiens est capitale, c’est qu’il s’agit d’un ouvrage incontestable de la fin du Ier siècle et assurément du premier témoignage littéraire de ce qu’était le christianisme romain (environ 30 ans après la mort de Pierre et Paul). Connue depuis Irénée de Lyon (fin du IIème siècle) et Clément d’Alexandrie (IIIème siècle) qui lui confèrent une haute autorité, cette correspondance fut conservée dans le manuscrit A du Nouveau Testament (après l’Apocalypse de Jean et avant une seconde homélie attribuée à Clément) et les lacunes furent complétées par l’édition d’un second manuscrit du Patriarcat grec de Jérusalem ; il en existe en outre une traduction latine fort ancienne ainsi que des versions syriaque et copte.
Rédigée (si l’on en croit le témoignage de l’auteur Hégésippe) sous la persécution (assez mal connue) du règne de Domitien (années 90), elle serait en gros contemporaine des textes de Jean (notamment l’Évangile). Son auteur est sans aucun doute Clément, épiscope de Rome – après Pierre, Lin et Anaclet selon certaines sources ou directement après Pierre selon d’autres. Quelques témoignages en font un compagnon direct de Paul. Destinée aux croyants de Corinthe, elle fait écho aux lettres antérieures de l’Apôtre des Gentils.
Offrants des indices précieux sur l’état de la communauté de Rome à son époque, l’épître a pour thème principal l’unité des croyants et la condamnation des jalousies pouvant aboutir au pire ; l’exemple de Pierre y est particulièrement clair, celui-ci ayant probablement été victime de dénonciation provenant des Chrétiens eux-mêmes (ce qui démontre la rivalité de groupes aux croyances divergentes déjà à cette époque). Elle semble destinée à apaiser une situation problématique dans la communauté de Corinthe relative à la déposition non justifiée de presbytres/épiscopes. Son style est très raffiné et particulièrement puissant, ce qui en fait l’une des colonnes de la littérature primitive.

Yannick Leroy

Bibliographie élémentaire

• Clément de Rome. Epître aux Corinthiens, A. Jaubert (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 1971
• E. NORELLI – C. MORESCHINI, Histoire de la littérature chrétienne ancienne grecque et latine. I, Labor et Fides, Genève, 2000, pp. 133-137

Extraits

Mais, pour laisser de côté les exemples des anciens, venons-en aux athlètes tout récents, prenons les exemples de notre génération. C’est par l’effet de la jalousie et de l’envie que furent persécutés ceux qui étaient les colonnes les plus élevées et les plus justes et qu’ils combattirent jusqu’à la mort. Jetons les yeux sur les excellents Apôtres : Pierre, qui, victime d’une injuste jalousie, souffrit non pas une ou deux, mais de nombreuses fatigues, et qui après avoir ainsi accompli son martyre, s’en est allé au séjour de gloire qui lui était dû. C’est par suite de la jalousie et de la discorde que Paul a montré (comment on remporte) le prix de la patience. Chargé sept fois de chaînes, banni, lapidé, devenu un héraut en Orient et en Occident, il a reçu pour sa foi une gloire éclatante. Après avoir enseigné la justice au monde entier, atteint les bornes de l’Occident, accompli son martyre devant ceux qui gouvernent, il a quitté le monde et s’en est allé au saint lieu, illustre modèle de patience. A ces hommes dont la vie a été sainte vint s’adjoindre une grande foule d’élus, qui, par suite de la jalousie, endurèrent beaucoup d’outrages et de tortures, et qui laissèrent parmi nous un magnifique exemple. C’est poursuivies par la jalousie que des femmes, les Danaïdes et les Dircés, après avoir souffert de terribles et monstrueux outrages, ont touché le but dans la course de la foi et ont reçu la noble récompense, toutes débiles de corps qu’elles étaient.
Épître de Clément de Rome aux Corinthiens 5,1 – 6, 2

Pourquoi parmi vous des querelles, des emportements, des dissensions, des schismes et la guerre ? N’avons-nous pas un même Dieu, un même Christ, un même Esprit de grâce répandu sur nous, une même vocation dans le Christ ?
Pourquoi déchirer et écarteler les membres du Christ ? Pourquoi être en révolte contre notre propre corps ? Pourquoi en venir à cette folie d’oublier que nous sommes membres les uns des autres Rappelez-vous les paroles de Jésus Notre-Seigneur qui a dit « Malheur à cet homme ! Mieux vaudrait pour lui n’être pas né que de scandaliser un seul de mes élus ; mieux vaudrait pour lui avoir une meule passée au cou et être jeté à la mer que de pervertir un seul de mes élus. ». Votre schisme a dévoyé bien des âmes : il en a jeté beaucoup dans l’abattement, beaucoup dans le doute et nous tous dans la tristesse !
Et vos dissensions se prolongent !
Reprenez l’épître du bienheureux Paul apôtre. Que vous a-t-il écrit tout d’abord dans les commencements de l’Évangile ? En vérité, c’est sous l’inspiration de l’Esprit qu’il vous a écrit une lettre touchant Céphas, Apollos et lui-même parce que dès lors vous formiez des cabales.

Épître de Clément de Rome aux Corinthiens 46, 5 – 47.4

Nous t’en prions, Maître, fais-toi notre secours et notre protecteur
Parmi nous, sauve les opprimés,
Aux humbles fais miséricorde.
Ceux qui sont tombés, relève-les ;
A ceux qui sont dans la misère, montre ta face.
Les faibles, daigne les guérir,
Les égarés de ton peuple, veuille les ramener, Donne du pain aux affamés,
Délivre-nous de nos liens,
Rends-nous debout ceux qui languissent,
Console les pusillanimes.
Que toutes les nations connaissent
que tu es toi le seul Dieu
Et que Jésus-Christ est ton Fils
Et nous-mêmes, ton peuple et le troupeau de ton bercail
Épître de Clément de Rome aux Corinthiens 59, 4




L’Epître de Barnabé

L’ÉPITRE DE BARNABÉ

 Ouvrage fondamental des origines chrétiennes, rédigée à l’époque des Pères apostoliques (début du IIè siècle), l’Épître de Barnabé est un écrit dont le statut a toujours suscité le débat. Citée par Clément d’Alexandrie et Origène en tant que livre inspiré, elle sera pour la première fois placée à la liste des textes contestés par Eusèbe de Césarée à l’époque constantinienne. On la retrouve d’ailleurs incorporée au Codex Sinaïticus, une compilation des écrits du Nouveau Testament datant du IVè siècle. Faussement placée sous la plume du compagnon de Paul, Barnabé de Chypre, elle est composée de 22 chapitres. Elle est l’ouvrage d’un chrétien issu du judaïsme connaissant parfaitement l’interprétation rabbinique des Écritures. On place son origine en Syrie-Palestine, bien que l’Égypte ait pu paraître une localisation pertinente. Elle démontre brillamment le lien de l’enseignement du Christ avec les textes de la Loi et des Prophètes, tout en présentant quelques préceptes moraux et pragmatiques nécessaires à la vie du Chrétien. On y trouvera notamment des considérations relatives à l’alimentation ou la réfutation de pratiques devenues inutiles pour l’auteur, telles la circoncision. Pour l’anecdote, c’est cette épître qui démontre la forme de la croix en la mettant explicitement en relation avec la lettre grecque Tau (t). En résumé, l’Épître de Barnabé est l’une des meilleures lectures pour découvrir le dilemme des premiers fidèles tenaillés entre la foi dans le Christ et la persistance des usages ancestraux du judaïsme.

 

Bibliographie élémentaire

  • Épître de Barnabé, R.-A. Kraft (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 1971
  • P. PRIGENT, Les Testimonia dans le christianisme primitif. L’Épître de Barnabé I-XVI et ses sources, Gabalda, Paris, 1961
  • AUDET, J.-P., La Didachè, instructions des Apôtres, Etudes Bibliques, Gabalda, Paris, 1958

 

Extraits

 

Le Seigneur a enduré que sa chair fût livrée à la destruction ; c’était en vue de nous purifier par la rémission des péchés laquelle s’opère par l’aspersion de son sang. L’Écriture parle de lui à ce sujet, en partie pour Israël, en partie pour nous, et s’exprime ainsi :

« Il a été blessé à cause de nos iniquités,
Il a été brutalisé à cause de nos péchés ;
Nous avons été guéris par sa meurtrissure ;
On l’a conduit comme une brebis à l’égorgement,
Et comme un agneau sans voix devant le tondeur ».

Nous devons donc exprimer au Seigneur notre extrême reconnaissance de ce qu’il nous a fait connaître le passé, expliqué le présent, donné une certaine intelligence de l’avenir. Or l’Écriture porte que « ce n’est pas à tort qu’on tend les filets pour les oiseaux », ce qui veut dire que l’on mérite de périr lorsqu’ayant connaissance du chemin de la justice, on se tient dans le chemin des ténèbres.

Autre chose encore, mes frères : si le Seigneur a enduré de souffrir pour nos âmes, quoiqu’il fût le Seigneur de l’univers, à qui Dieu a dit dès la fondation du monde : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance », comment du moins a-t-il enduré de souffrir par la main des hommes ? Apprenez-le : les prophètes, par une grâce qu’ils tenaient de lui, ont émis des prophéties à son sujet. Or comme il fallait qu’il se manifestât dans la chair pour abolir la mort et prouver la résurrection d’entre les morts, il a enduré de souffrir ainsi afin d’acquitter la promesse faite à nos pères, afin de se préparer pour lui-même le peuple nouveau, et de montrer dès le temps de son séjour sur la terre que c’est lui qui opère la résurrection des morts, lui qui procèdera au jugement. Enfin, tandis qu’il instruisait Israël et accomplissait des miracles et des signes si prodigieux, il prêcha et lui témoigna un amour sans mesure ; puis il choisit pour ses apôtres, pour les futurs prédicateurs de son évangile, des hommes coupables des pires péchés, afin de montrer qu’ « il n’est point venu appeler les justes, mais les pécheurs », il fit bien connaître alors qu’il était le fils de Dieu. S’il n’était pas venu dans la chair, comment les hommes fussent-ils demeurés sains et saufs à sa vue, puisqu’en face du soleil qui s’achemine au néant et qui est l’ouvrage de ses mains, ils ne peuvent lever les yeux et en fixer les rayons. Si le fils de Dieu est venu dans la chair, c’est donc pour mettre le comble aux péchés de ceux qui ont poursuivi ses prophètes à mort. Voilà donc pourquoi il a enduré de souffrir. Dieu dit en effet que la plaie de sa chair, c’est d’eux qu’elle lui vient : « Lorsqu’ils auront frappé leur berger, les brebis du troupeau périront ». Mais c’est lui qui a résolu de souffrir en la manière (que l’on sait), car il fallait qu’il souffrît sur le bois ; le prophète en effet dit à son endroit : « Épargne mon âme avec l’épée », et : « perce de clous mes chairs, car des troupes de coquins se sont dressées contre moi », et ailleurs encore :

« Vois, j’ai présenté mon dos aux fouets
Et mes joues aux soufflets ;
J’ai raidi mon visage comme une pierre dure ».

                                                                                                                              Epître de Barnabé V, 1-14

 

         Or voici quel est le chemin de la lumière : Si quelqu’un veut parvenir jusqu’à l’endroit assigné, qu’il s’applique avec zèle à ses œuvres. Et voici la connaissance qui nous a été donnée de la façon d’y cheminer : aime Celui qui t’a créé, crains Celui qui t’a façonné, glorifie Celui qui t’a racheté de la mort ; sois simple de cœur et riche de l’esprit ; point d’attache avec ceux qui marchent dans le chemin de la mort ; haine à tout ce qui déplaît à Dieu ; haine à toute hypocrisie. Tu n’abandonneras pas les commandements du Seigneur ; tu ne t’élèveras pas, mais tu seras humble en tout ; tu ne t’attribueras point la gloire ; tu ne formeras point de mauvais desseins contre ton prochain, tu ne permettras pas l’insolence à ton âme. Tu ne commettras ni fornication ni adultère, tu ne corrompras point l’enfance. Ne te sers pas de la parole, ce don de Dieu, pour dépraver quelqu’un. Tu ne feras point acception de personne en reprenant les fautes d’autrui. Sois doux, sois calme ; tremble aux paroles que tu entends ; ne garde pas rancune à ton frère. Tu ne te demanderas pas avec inquiétude si telle chose arrivera ou non. « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur. » Tu aimeras ton prochain plus que ta vie. Tu ne feras pas mourir l’enfant dans le sein de la mère ; tu ne le tueras pas davantage après sa naissance. Tu ne retireras pas la main de dessus ton fils et ta fille ; mais dès leur enfance tu leur enseigneras la crainte de Dieu. Tu n’envieras point les biens de ton prochain ; tu ne seras pas cupide. Tu n’attacheras pas ton cœur aux orgueilleux, mais tu fréquenteras les humbles et les justes. Tu regarderas comme un bien tout ce qui t’arrive, sachant que rien n’arrive sans Dieu. Tu n’auras point de duplicité ni en pensées ni en paroles : car la duplicité de langage est un piège de mort. Tu te soumettras à tes seigneurs avec respect et crainte, comme à des représentants de Dieu. Tu ne commanderas pas avec amertume à ton serviteur ou à ta servante qui espèrent dans le même Dieu que toi, de peur qu’ils n’en viennent à ne plus craindre Dieu qui est votre commun maître et qui n’appelle point selon les différentes catégories de personnes, mais tous ceux que l’Esprit a disposés. Tu communiqueras de tous tes biens à ton prochain et tu ne diras point que tu possèdes quelque chose en propre, car si vous participez en commun aux biens impérissables, combien plus aux biens périssables. Ne sois pas bavard, car la langue est un piège de mort. Pour le bien de ton âme, tu seras chaste au degré qui te sera possible. N’aie pas les mains étendues pour recevoir, et fermées pour donner. Tu chériras « comme la prunelle de ton œil » quiconque te prêchera la parole de Dieu. Tu penseras nuit et jour au jour du jugement et tu rechercheras constamment la compagnie des saints, soit que tu travailles par la parole, allant porter des exhortations et cherchant par tes discours à sauver une âme, soit que tu travailles des mains pour racheter tes péchés. Tu donneras sans délai et sans murmure ; et tu reconnaitras un jour qui sait récompenser dignement. « Tu observeras » les commandements que tu as reçus, « sans y rien ajouter, sans en rien retrancher ». Tu haïras le mal jusqu’à la fin. « Tu jugeras avec équité. » Tu ne feras pas de schisme ; mais tu procureras la paix en réconciliant les adversaires. Tu feras l’exomologèse de tes péchés. Tu n’iras pas à la prière avec une conscience mauvaise. Tel est le chemin de la lumière

                                                                                                           Épître de Barnabé XIX, 1-12

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« La Didaché », par Yannick Leroy

Peu de textes concernant le Ier siècle et les racines de la foi chrétienne sont parvenus jusqu’à nous en dehors des écrits contenus dans le Nouveau Testament. Un ouvrage fut pourtant mentionné dans l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée (IVe siècle) ainsi que dans de nombreuses listes anciennes se référant au Canon. Il s’agit de la Didachè, manuel à l’intention des premiers fidèles, se réclamant de l’autorité des douze Apôtres. Rédigé à la fin du Ier siècle, probablement en Syrie ou Palestine, ce précieux opuscule n’avait jamais mis au jour jusqu’en 1873 lorsqu’il fut découvert par le Métropolite Philothée Bryennios de Nicomédie dans la bibliothèque du Patriarcat Grec de Jérusalem sur une copie réalisée en 1056 et contenant également l’intégralité du texte de l’Epître de Barnabé. Rédigée en grec, la Didachè se présente effectivement sous forme d’un cours ouvrage mettant en avant l’enseignement des Douze à l’intention du croyant, à travers des préceptes moraux directement inspirés des racines judéennes de la foi dans le Christ. Son titre signifie « enseignement » ou « doctrine » ; l’ouvrage existe d’ailleurs également en latin, dans une version légèrement différente, sous l’appellation Doctrina Duodecim Apostolorum. Fondée sur un écrit très ancien appelé Les Deux Voies (Duae Viae) et perdu depuis longtemps, l’œuvre s’organise sur la distinction essentielle entre le chemin de la lumière et le chemin des ténèbres afin d’orienter le Chrétien sur la juste attitude à adopter dans l’attente de la Parousie. Bien que non intégrée au sein du Canon de l’Eglise Catholique, la Didachè n’a jamais été considérée comme ouvrage déviant et bénéficie jusqu’à nos jours d’une large estime de la part des milieux ecclésiastiques. Il convient de préciser qu’elle fut d’ailleurs incluse parmi les écrits canoniques par certaines des premières listes d’ouvrages reçus comme tels. Son statut est par ailleurs celui d’un écrit inspiré reconnu par l’autorité pontificale jusqu’à notre époque. Sa lecture révèle au croyant la profondeur de la foi des premiers Pères et démontre une incroyable actualité des propos choisis pour nourrir l’espérance intemporelle de ceux qui placent leur cœur dans le Christ.

Bibliographie élémentaire

• La Doctrine des Douze Apôtres, W. Rordorf (éd. et trad.), Sources Chrétiennes, Le Cerf, Paris, 1998
• AUDET, J.-P., La Didachè, instructions des Apôtres, Etudes Bibliques, Gabalda, Paris, 1958

Extraits

Il y a deux chemins : l’un de la vie, l’autre de la mort ; mais il est entre les deux chemins une grande différence. Or le chemin de la vie est le suivant : d’abord, tu aimeras Dieu qui t’a créé ; en second lieu, tu aimeras ton prochain comme toi-même ; et ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait, toi non plus ne le fais pas à autrui. Et voici l’enseignement signifié par ces paroles : « Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis, jeûnez pour ceux qui vous persécutent. Quel mérite, en effet, d’aimer ceux qui vous aiment ! Les païens n’en font-ils pas autant ? Quant à vous, aimez ceux qui vous haïssent », et vous n’aurez pas d’ennemis. Abstiens-toi des désirs charnels et corporels. Si quelqu’un te donne un soufflet sur la joue droite, présente lui l’autre aussi, et tu seras parfait ; si quelqu’un te requiert de faire un mille, fais-en deux avec lui ; si quelqu’un t’enlève ton manteau, donne-lui encore ta tunique ; si quelqu’un t’a pris ton bien, ne le réclame pas, car tu n’en as pas le pouvoir. Donne à quiconque t’implore, sans rien redemander, car le Père veut qu’il soit fait part à tous de ses propres largesses. Heureux celui qui donne, selon le commandement car il est irréprochable. Malheur à celui qui reçoit ! Certes si le besoin l’oblige à prendre, il est innocent ; mais, s’il n’est pas dans le besoin, il rendra compte du motif et du but pour lesquels il a pris ; il sera mis en prison, examiné sur sa conduite et il ne sortira pas de là qu’il n’ait rendu le dernier quart d’as. Mais il a été dit également à ce sujet : « Laisse ton aumône se mouiller de sueur dans tes mains, jusqu’à ce que tu saches à qui tu donnes ».
Didaché I, 1-6

Mon enfant, souviens-toi nuit et jour de celui qui t’annonce la parole de Dieu ; honore-le comme le Seigneur, car là où est annoncée sa souveraineté, là est aussi le Seigneur. Recherche tous les jours la compagnie des Saints, afin de te réconforter par leurs conversations. Tu ne feras point de schisme, mais tu mettras la paix entre ceux qui se combattent. Tu jugeras avec justice ; tu ne feras pas acception de la personne en reprenant les fautes. Tu ne demanderas pas avec inquiétude si une chose arrivera ou non. Ne tiens pas les mains étendues quand il s’agit de recevoir, et fermées quand il faut donner. Si tu possèdes quelque chose grâce au travail de tes mains, donne afin de racheter tes péchés. Ne balance pas avant de donner, mais donne sans murmure et tu reconnaîtras un jour qui sait récompenser dignement. Ne repousse pas l’indigent, mets tout en commun avec ton frère et ne dis pas que tu as des biens en propre, car si vous entrez en partage pour les biens immortels combien plus y entrez-vous pour les biens périssables ?
Didachè, IV, 1-8




« Miséricorde de Dieu Oasis de paix ! » Homélie de Mgr Gilbert Aubry pour la fête de la Miséricorde divine (8 avril 2018)

« Miséricorde de Dieu Oasis de paix ! »

Homélie de Mgr Gilbert Aubry (Fête de la Miséricorde divine, 8 avril 2018)

« Jésus est ressuscité. Il est vraiment ressuscité ! » La fête de Pâques se prolonge dans un océan de Miséricorde. La Miséricorde du Père se manifeste à travers Jésus Miséricordieux en ce passage de l’Evangile de saint Jean qui vient d’être proclamé. Une semaine après Pâques.

Pâques. Jésus apparaît à Marie Madeleine. Elle annonce la nouvelle à ceux qui ont vécu avec lui. Mais les disciples ne croient pas. Ils pensent que ce sont des racontages de femmes. Et puis, de manière indépendante, Jésus chemine avec les disciples d’Emmaüs, il leur explique les Ecritures et se fait reconnaître d’eux à la fraction du pain. Les disciples d’Emmaüs vont le dire aux disciples réunis en l’absence de Judas qui s’est suicidé sous le poids de son crime qu’il pensait impardonnable. Thomas n’est pas là. Marie Madeleine raconte. Les disciples d’Emmaüs racontent. Ils ont rencontré directement Jésus qui leur a parlé. Mais les dix disciples réunis, sans Judas et Thomas, ne croient pas.

Et voilà que les disciples se posent des questions et encore des questions. Ils balancent entre la certitude affirmée par les témoins et leur cœur endurci. Leur cœur sclérosé est comme mort parce qu’ils sont assommés par le drame qu’ils ont vécu. D’ailleurs ils deviennent des trouillards, ils ont peur des juifs qui se moquent d’eux. Ah le maître, le maître crucifié, quel maître ? Quel rabbi ? Un rabbi crucifié ? Et s’ils l’ont vraiment aimé, pourquoi ils se barricadent dans la maison, pourquoi ils verrouillent les portes du lieu où ils se trouvent ? Ils s’enferment comme des rats, prisonniers de leur incrédulité et se croyant protégés par leur enfermement mortifère. Ce n’est pas le moment de parler et ils ne veulent voir personne d’autant plus qu’on est en train de faire courir le bruit qu’ils ont volé le corps de Jésus. Le tombeau est vide. Les soldats font leur rapport. Taisez-vous. Ne dites rien.

Jésus est partout

 

Le tombeau est vide effectivement. Jésus est partout. Il est vraiment ressuscité. Il n’a pas besoin de passeport pour avoir un sauf conduit d’un lieu à un autre. Il n’a pas besoin d’un passeport et d’un visa pour circuler librement. Alors il passe à travers les murs, lui la Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Mais il n’est pas une lumière désincarnée, il n’est pas une lumière artificielle. Ce n’est pas un hologramme. C’est vraiment lui-même. Il est là au milieu de ses dix disciples qui alors prennent conscience de leur manque de foi, de leur manque de confiance dans leur Maître et Seigneur.

Trois avaient dormi pendant que Jésus transpirait du sang au jardin de l’agonie, tous sauf deux avaient fui par lâcheté. Un avait renié par peur. Et pire que tout, Judas s’est suicidé, ne pensant pas que Jésus pouvait pardonner une lâcheté et un reniement ainsi que le doute sur la possibilité du pardon. Jésus les connait tous. A part Jean, fidèle par amour, et Simon-Pierre fidèle à l’obéissance. C’est comme si Jésus n’a plus d’apôtres.

Jésus passe à travers les murs. Il est là au milieu des dix réunis. Il sait tout. Il sait qu’ils n’ont pas la paix. Alors, il leur dit « la paix soit avec vous ». Il leur montre ses mains et son côté pour montrer que c’est vraiment lui, qu’il a été crucifié et qu’il est vraiment ressuscité. Il est ressuscité. L’attitude de Jésus n’est pas une provocation. Il ne les accuse pas. Il se montre à eux pour leur donner la paix. Il se donne à eux dans le lieu de leur enfermement, dans le lieu de leur barricadage et de leur doute, de leur peur. Il n’est pas dans la provocation ni dans l’accusation. Jésus se donne à eux au-delà de tout ce qu’ils peuvent imaginer. Il se donne à eux dans le pardon. Par don. Don. Donner de lui-même. Se donner lui-même, encore et toujours. Alors oui, c’est la joie des retrouvailles. Et quelles retrouvailles ! La paix va en grandissant avec la confiance réciproque « ils furent remplis de joie ». Et une deuxième fois, Jésus leur dit « la paix soit avec vous ».

Jésus souhaite la paix à ses disciples, lui le Ressuscité. Et il avait déjà dit de son vivant terrestre avant sa résurrection à ces mêmes disciples : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre » (Jn 14, 27). Jésus se donne, Jésus par-donne. Jésus enveloppe de sa miséricorde pour que ses disciples deviennent miséricordieux, qu’ils deviennent les apôtres de la miséricorde du Père. Jésus fait confiance à ceux qui sont pardonnés et il envoie en mission : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21). Les disciples ont connu l’épreuve d’un abandon apparent de la part de Jésus mais l’épreuve a été humiliante et salutaire. Il a fallu que les disciples soient pardonnés pour que vive en eux la paix du pardon, pour qu’ils puissent pardonner à leur tour. « Père pardonne-nous nos offenses… Si tu retiens les fautes Seigneur, qui subsistera… mais près de toi se trouve le pardon, je te crains et j’espère » (ps 129).

 

Jésus pardonne les péchés

 

Oui, Jésus passe à travers les murs. Il est là au milieu des dix rassemblés. Il leur donne la paix. Il leur pardonne pour qu’ils puissent pardonner les péchés de ceux à qui ils sont envoyés. Alors Jésus les enveloppe de sa miséricorde pour les cuirasser de sa tendresse, de sa lumière et de sa force en les enveloppant de son souffle vivant et chaud. « Il souffla sur eux et leur dit ‘Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20). C’est l’Esprit Saint qui, par le ministère de l’Eglise dans les prêtres, pardonne les péchés. Telle est la volonté de Jésus à qui « tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre ». Nous connaissons la polémique concernant le paralytique guéri par Jésus à Capharnaüm : « Qui donc peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » (Mc 2, 7). Le Crucifié-Ressuscité qui donne aux disciples le pouvoir exclusif de pardonner les péchés, leur délègue alors le pouvoir même de Dieu d’absoudre, de faire toute chose nouvelle. Le prophète Isaïe nous avait déjà dit ce privilège exclusif de Dieu : « C’est moi, oui, c’est moi qui efface tes crimes, à cause de moi-même, de tes péchés, je ne vais plus me souvenir » (Is. 43, 25). Et le prophète Michée nous fait découvrir la paix de Dieu dans l’oasis de sa miséricorde : « Qui est Dieu comme toi pour enlever le crime, pour passer sur la révolte comme tu fais à l’égard du reste, ton héritage, un qui ne s’obstine pas toujours dans sa colère mais se plaît à manifester sa faveur ? De nouveau, tu nous montreras ta miséricorde, tu fouleras aux pieds nos crimes, tu jetteras au fond de la mer tous nos péchés ! » (Mi 7, 18-19).

Et puis, Thomas finit par rejoindre les dix. Il ne peut pas rester dans son coin, faire bande à part et continuer à se demander ce qui est arrivé à Jésus, sans trouver de réponse. Il arrive dans le groupe qui est tout joyeux d’avoir vu Jésus ressuscité. Ils racontent comment Jésus était avec les plaies encore dans ses mains et son côté. Ils parlent de l’envoi en mission et du pouvoir de pardonner les péchés. C’est si important. Mais Thomas se braque. Il est seul contre tous et ne peut pas imaginer l’inimaginable. Il fait alors sa fameuse déclaration : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans son côté, non, je ne croirai pas ! » (Jn 20, 25). Quand il dit cela, il ne se rend même pas compte qu’il est contradictoire. En effet, si l’on voit quelque chose, l’on n’a pas besoin de croire. C’est une évidence, c’est une constatation. Quand il dit cela, il met en doute le témoignage du groupe des dix.

Cela ne veut pas dire nécessairement que Thomas doute de la divinité de Jésus. C’est peut-être justement parce qu’il croit que Jésus est Dieu et qu’il est triomphant au ciel. Il pourrait apparaître comme un esprit. Mais de là à croire qu’il est ressuscité en chair et en os. Non, ce n’est pas possible. En plus avec des trous dans ses mains, dans son côté. Non, non et non. Tous ensemble vous êtes des fous. C’est ce qu’il pense. Si Jésus est vraiment ressuscité, s’il est Dieu et puisqu’il est Dieu, il ne peut pas se rabaisser à défigurer Dieu de cette manière.

Huit jours après Pâques, les onze, les dix du soir de Pâques et Thomas sont réunis. Les disciples se retrouvent dans la maison. Jésus revient. Les portes sont verrouillées. Il est là au milieu d’eux. Il salue par « la paix soit avec vous ». Et tout de suite, alors qu’il n’était pas présent au moment de la déclaration de Thomas, il s’adresse directement à Thomas en reprenant les paroles mêmes de Tomas : « Avance ton doigt ici et vois mes mains ; avance ta main et mets-là dans mon côté ; cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jn 20, 27). Alors, nous avons cette merveilleuse confession de foi « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Thomas adore le Serviteur souffrant et glorieux de l’Humanité, serviteur annoncé par le prophète Isaïe : « Ce sont nos souffrances qu’il a portées, ce sont nos douleurs qu’il a supportées (…) c’est par ses blessures que nous sommes guéris » (Isaïe 53, 4 et 5).

 

Dieu a un cœur de Miséricorde

 

Les paroles d’Isaïe ne sont pas que pour le passé. Elles sont aussi pour aujourd’hui. N’oublions pas que de toute éternité, Jésus est le Verbe de Vie par qui le Père fait tout exister et sans qui rien ne pourrait exister. Il voit l’espace, le temps, le monde et les fautes infinies des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes, des personnes âgées. Il voit la beauté de la création, les joies et les peines des humains. Tout est en Lui. Il prend sur lui les massacres et les guerres, les paix menteuses et les horribles carnages, la haine, les coups, les vols, les viols, les harcèlements de toutes sortes, la sensualité et l’orgueil, toute la saleté du monde. Lui qui n’a pas de péché prend sur lui tous nos péchés. Il prend sur lui et nous fait vivre alors même que nous sommes en train de le tuer dans la chair humaine « ce que vous aurez fait au plus petit, c’est à moi que vous l’aurez fait » (Myh 25, 40). Si ce n’est pas de la miséricorde, je ne vois pas ce que c’est.

Oui, Dieu a un cœur qui porte toutes les misères du monde, un cœur de miséricorde éternelle avec le cœur de Jésus qui fait palpiter chacun de nos cœurs et tous les univers. Alors, venons à lui avec nos fardeaux d’espérance et de douleurs. Il y en a qui vacillent parce qu’il y a trop de douleurs et que le fardeau est trop lourd. Il y en a qui tombent au bord du chemin parce que d’autres plus forts les poussent pour les éliminer. Il y en a qui se sentent abandonnés par ceux qui passent, piétinés même, et qui se sentent mourir. Ils en arrivent à haïr et à maudire. Non, tout cela n’est pas conforme au plan de Dieu en Jésus-Christ, par Jésus-Christ et avec lui. Devenons des bons samaritains et des Symon de Cyrène et que chacun de nous puisse rencontrer sur sa route un bon samaritain ou un Symon de Cyrène quand l’espoir disparaît et qu’il ne reste plus que l’espérance au-delà de toute espérance. Que les faibles qui tombent trouvent une aide, une parole, une main secourable, un remède contre la maladie, qu’ils revoient la lumière, qu’ils entendent de nouveau la voix qui dit « Confiance. Espère. Tu n’es pas seul. Sur toi il y a Dieu. Avec toi il y a Jésus ! » (NB)

Que sainte Faustine nous soit en aide avec nos saints patrons, avec les saints de nos familles dans l’éternelle fête de la Toussaint, avec les saints de nos paroisses, pour que nous puissions grandir en sainteté, jour après jour. Ne comptons pas sur un miracle comme lors de la rencontre où Jésus passe à travers les murs pour rencontrer les dix, puis les onze. Le miracle est déjà là avec le don de l’Esprit Saint, la Parole, l’Eglise, les sacrements, l’Eucharistie, la confession, nos assemblées dominicales, nos relations.

Que l’Esprit Saint soit donné à tous nos prêtres, à tous nos diacres, à tous nos consacrés, à toutes nos religieuses pour que nous soyons ensemble serviteurs de la divine miséricorde.

Que nos familles vivent en abondance l’amour et la fidélité afin que la vie soit respectée depuis le sein maternel jusqu’à la mort naturelle.

Que des jeunes se lèvent, jeunes hommes et jeunes femmes pour donner joyeusement et totalement leur vie au Seigneur et au devenir humain de notre peuple.

Que la Miséricorde divine, par le sang glorieux de Jésus baigne notre île du battant des lames au sommet des montagnes.

Et que règnent l’amour et la liberté, la justice et la paix, la joie et l’espérance pour aujourd’hui, pour demain et pour l’éternité.

Monseigneur Gilbert Aubry

 

 

NB : Pour ce paragraphe, je reprends la vision de Maria Valtorta dans le « Poème de l’Homme Dieu ».




« Bienvenue au Cycle Long 2018 »

Nous vous proposons ici le document donné à tous ceux et celles qui se sont inscrits pour la première fois au Cycle Long. Avec les mots de « Bienvenue ! » de toute l’équipe, vous trouverez également toutes les dates des six groupes sur l’île, des indications pour bien vivre les temps de réflexion commune, une introduction à la Liturgie des Heures (Prière du Temps Présent), ainsi qu’une introduction à la Bible.

Pour accéder à ce document, nous vous invitons à cliquer sur le titre ci-après :

BVCL 2018 (1)

Bonne lecture à vous !

DJF




Anne Marie Javouhey, stratège du développement missionnaire

Nous voici donc réunis pour ce jubilé des 200 ans de présence apostolique des religieuses de la Congrégation de Saint Joseph de Cluny à La Réunion. Jetons un regard sur la naissance d’Anne-Marie Javouhey dans un contexte historique difficile. En effet, nous ne pouvons pas comprendre le développement de la Congrégation sinon dans la spiritualité de sa fondatrice.

 

LES JEUNES ET LES PAUVRES

 

Anne-Marie Javouhey est née en 1779 dans une famille très chrétienne. L’on s’aime bien. Tout le monde participe aux travaux des champs et l’on prie en famille. Anne-Marie est l’aînée des quatre filles. Surnommée Nanette, elle est une fille très enjouée. Elle aime plaire et s’amuser. Quand arrivent les vendanges et la fête, il y a les danses et les farandoles de leur Bourgogne. Les victuailles ne manquent pas et le vin coule à flots. Elle n’est pas rabat-joie mais plutôt boute-en-train. A quinze ans, la vie est belle dans cette osmose entre la foi, la vie de famille, les amitiés, les travaux des champs et l’Eglise.

1790, la Révolution Française éclate. 1793… La Terreur se développe partout en France. C’est le cas de dire, il s’agit vraiment d’une terreur qui divise les familles. Les voisins s’épient, se dénoncent, tout le monde se méfie de tout le monde et la guillotine est là pour certains. L’Eglise est divisée. La famille Javouhey accueille des prêtres réfractaires qui célèbrent la messe en cachette dans leur maison. Le climat de prière est intense et c’est dans cette atmosphère générale que Nanette reçoit un appel intérieur à la vie religieuse. Elle a dix-sept ans. Déjà, elle regroupe des enfants pour leur apprendre à lire et à prier. A dix-huit ans, devant sa famille, elle déclare publiquement son intention de consacrer sa vie à Dieu dans le service des jeunes et des pauvres. Nous voyons là l’élan et la naissance d’une vocation religieuse.

Le papa Javouhey, qui est maire de la commune de Chamblanc, n’adhère pas à l’orientation que veut prendre sa fille aînée qui, en plus, entraîne ses trois autres sœurs à sa suite. Le père de famille avait d’autres projets pour sa fille aînée qui était considérée comme un bon parti pour fonder une famille. Anne-Marie va alors écrire à son père « Je ne puis vous dire la peine que j’éprouve en voyant la manière dont vous prenez les choses à mon égard. Vous ne doutez pas que je me sois donnée à Dieu sans partage. Je dois donc faire sa volonté en toutes choses sans tenir compte de mes inclinations. Quoi, pour vouloir faire la volonté de Dieu, vous avez cessé d’être mon père ? Ah, votre cœur est trop bon pour agir de la sorte ; et j’espère que vous ne cesserez pas d’aimer une enfant qui vous aime » (cité par René Berthier).

Cette lettre rayonne les trois vertus théologales qui constituent la charpente de vie de tout chrétien. La foi, l’espérance et la charité. La charité, c’est-à-dire l’amour qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu avec le rayonnement d’amour qui a été engendré dans notre vie. Je reprends donc les mots d’Anne-Marie Javouhey : « Vous ne doutez pas… J’espère que… Vous ne cesserez pas d’aimer ». Quel caractère. Quelle force d’âme. Quelle assurance dans l’œuvre à accomplir… A accomplir une œuvre pour Dieu ? Non. Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Pour Nanette, il s’agit d’accomplir « l’œuvre de Dieu » en faisant non pas sa volonté à elle mais, avec assurance, accomplir la « volonté de Dieu », Dieu Notre Père, Père de tous les Humains, Père de son père Balthazar.

Les paroles de la lettre d’Anne-Marie interpellent son père. Mais c’est finalement la paternité de Dieu qui interpelle la paternité humaine de Balthazar : il est alors appelé à collaborer à la mission de sa fille pour manifester la bonté infinie du Père des cieux pour tous les hommes. Anne-Marie prend son père par le cœur, un cœur qui « est trop bon ». Aujourd’hui, les jeunes diraient, c’est vraiment trop ! Comme le père Balthazar ne refusera rien à ses enfants et surtout à Nanette qui était sa préférée, combien plus le Père des cieux ne refusera rien à ses enfants de la terre, à ses quatre filles quelque peu aventureuses et qui se lancent avec courage dans une grande entreprise apostolique.

La petite Nanette a grandi. Elle a cherché sa vocation. Elle a tâtonné sur la manière de répondre à sa vocation religieuse. En effet, en 1800, elle est à Besançon. En 1803, elle est à la Trappe de la Valsainte. En 1805, elle a une entrevue providentielle avec le Pape Pie VII de passage à Châlons-sur-Saône. Mais à travers divers méandres, elle n’a jamais douté de « la volonté de Dieu ». Elle connaît le chemin à prendre parce qu’elle s’engage fermement à la suite du Christ qui dit au sujet de lui-même « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne va au Père que par moi » (Jn 14,6).

Alors, le chemin est sûr pour Anne-Marie et ses trois autres sœurs puisque Jésus lui-même s’exprime en ces termes : « Ne vous faites donc pas tant de soucis, ne dites pas : qu’allons-nous manger ? Ou bien qu’allons-nous faire ? Ou encore : avec quoi nous habiller ? Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin » (Mt 6, 33-34). 1807 : la Congrégation est officiellement reconnue. Cela fait deux-cent-dix ans cette année. 1817 : la première fondation missionnaire s’implante à Bourbon – La Réunion. Cela fait deux-cents ans.

 

FONDATION A LA REUNION

 

A Bourbon – La Réunion, la première communauté s’installe finalement au bout de l’Etang à Saint-Paul. Une petite école de filles s’ouvre. Anne-Marie Javouhey souhaite venir elle-même à La Réunion. En janvier 1818, elle écrit à sœur Marie-Joseph Varin, première Supérieure à Bourbon : « Je ne vis plus, je meurs du désir d’aller près de vous. J’ai la maladie du pays, l’humeur noire s’est emparée de moi. (…) Elevez bien vos enfants, que les parents soient contents ; aimez-les, elles vous aimeront et vous en ferez ce que vous voudrez. » L’humeur noire, qu’est-ce à dire ? Anne-Marie porte dans son cœur la cause de la libération des esclaves. Elle ne peut pas supporter cette abomination. Son amour du Christ, son amour du Père de tous les Humains engendre en elle un élan irrésistible pour travailler à la libération des Noirs par l’abolition de l’esclavage. Il est à noter qu’à la même date, les Frères des Ecoles Chrétiennes arrivés eux aussi en 1817 à La Réunion s’attachent à promouvoir l’éducation des garçons.

Anne-Marie est d’autant plus attachée à la mission de La Réunion qu’elle avait eu au début de sa vie religieuse une sorte de vision où elle était entourée d’enfants aux visages variés, avec beaucoup de noirs. Elle n’avait jamais vu de noirs… et avait osé poser la question de l’existence des noirs à une autre sœur. Celle-ci lui avait répondu qu’il en existait au-delà des mers et que c’était bien loin. L’appel du grand large fait son effet sur Anne-Marie et le grand large n’est pas réservé qu’à La Réunion. La Congrégation débutante va rayonner dans plusieurs parties du monde. Anne-Marie Javouhey et ses sœurs mettent au point une pédagogie d’éducation qui fait appel à la liberté pour tous et à la responsabilité à partir d’une méthode participative où les talents sont repérés et valorisés. Les élèves les plus forts aident les plus faibles. La pédagogie se fait active. Le développement des locaux à construire fait appel, évidemment, à la générosité du papa Balthazar qui ronchonne toujours un peu mais met la main à la poche. Et il y a aussi des mécènes.

Mais « la mère fondatrice » fait surtout appel au sens politique des hommes qui portent la responsabilité de la chose publique. Le gros morceau du début sera l’achat du monastère de Cluny pour des besoins de plus en plus grands. Anne-Marie a donc une pédagogie des relations publiques qui lui ouvre les portes de l’action. Mettre l’amour partout, mettre les talents et les compétences en face des besoins, mettre les gens en face de leurs responsabilités. Prier, analyser, décider, avancer en ne perdant surtout pas l’intuition du départ. Cette intuition va déclencher l’action et soutenir l’aventure par l’engagement patient et persévérant. Nous pourrions dire qu’elle est un stratège du développement de la mission à partir de la lecture des signes des temps. L’Esprit Saint est à l’œuvre pour construire un monde de fraternité dans un espace de plus en plus planétaire.

 

L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE

 

De 1822 à 1824, elle séjourne au Sénégal. De 1827 à 1833, on la trouve en Guyane. Mana devient un lieu prophétique, un village chrétien, une grande famille. En 1836, au chapitre général des Sœurs de Saint Joseph de Cluny, elle est réélue supérieure. Un conflit éclate avec l’évêque d’Autun qui veut s’approprier la Congrégation. Elle signe sa soumission mais tient bon sur sa responsabilité de supérieure et fait prier pour l’évêque ; la Congrégation restera finalement indépendante. De 1837 à 1843, elle réalise un second séjour en Guyane et c’est à Mana en 1838 que se réalise la première libération collective d’un groupe important d’esclaves sur le territoire français.

L’amour et la liberté de l’Evangile précédent les décisions politiques et la loi. Il n’y a pas de calcul politicien de la part d’Anne-Marie Javouhey. Elle fait l’expérience avec ses sœurs de la fécondité de la Parole de Dieu quand cette Parole est méditée et vécue comme le sel de la terre et la lumière du monde. Le prophète Isaïe avait déjà proclamé « La justice marchera devant toi et la gloire du Seigneur t’accompagnera. Si tu appelles, le Seigneur répondra, si tu cries, il dira ‘me voici’. Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim et si tu combles les désirs du malheureux, la lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi » (cf. Is 58, 8-10).

Le Gouvernement de Louis-Philippe en France cherche à abolir l’esclavage. Les expériences dans l’Outre-mer français se recoupent et se rejoignent : Anne-Marie Javouhey, Alexandre Monnet, Frédéric Levavasseur, Victor Schœlcher. La Providence est à l’œuvre. Louis-Philippe abdique avec la Révolution de 1848. Dans ce combat pour la dignité humaine, les idées déjà avancées ne reculent pas. Nous passons alors de l’émancipation des esclaves à la proclamation de l’abolition de l’esclavage en 1848. La « fraternité » vient finaliser les idéaux de liberté et d’égalité dans la devise de la République Française. Jusqu’en 1848, l’idéal de la fraternité ne s’y trouve pas. Cependant, que de travail reste à faire pour réaliser vraiment la fraternité. Mais les bases sont là. Un tournant est pris. Un beau tournant est pris à l’île de La Réunion.

Anne-Marie meurt en 1851. Elle a donc connu la proclamation de l’abolition de l’esclavage. Elle-même peut alors jouir de la pleine liberté des enfants de Dieu dans cette plénitude d’amour qui l’avait toujours guidée et soutenue tout au long de sa vie. Dès sa mort, sa renommée de sainteté s’est répandue sur toute la planète. En 1950, le Pape Pie XII la béatifie à Rome.

Nous pouvons nous demander sur quels critères Anne-Marie Javouhey se base pour parvenir avec certitude à comprendre quelle est « la volonté de Dieu » ? Dans un ouvrage qui vient de paraître « Une route de sainteté dans l’Eglise », Sœur Suzel Gerard, religieuse de Cluny, repère tout au long des écrits d’Anne-Marie Javouhey quatre critères :

  • Le premier critère, c’est la règle (Les constitutions) : une règle déjà approuvée et qu’un évêque même ne peut détruire « C’est ma boussole, ma sûreté, elle doit être celle de toutes les sœurs de Saint Joseph».

  • Le second critère que l’ardente missionnaire offre à l’intelligence, c’est « le bien et la prospérité de l’œuvre confiée par Dieu. Ne pas nuire à l’œuvre. Et pour faire une bonne œuvre, faire confiance à Dieu qui n’en détruira pas une autre ».

  • Le troisième critère, c’est « le discernement de la volonté de Dieu, le bien que l’on peut faire au prochain. Trouver la liberté au milieu et du sein de l’esclavage ». Nous voyons bien par conséquent que l’on ne peut pas séparer l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

  • Le quatrième critère très important pour Anne-Marie Javouhey, c’est ce que Dieu inspire dans l’oraison, c’est l’intuition. « Tous les critères rationnels doivent être passés au crible de l’intuition. Se mettre sous la mouvance de l’Esprit si nous sommes inspirés par Dieu de continuer son œuvre comme il l’a commencée ou s’il a changé ses desseins ».

(cf. Suzel Gerard, pages 56 à 59)

 

NOS ECOLES

 

Mes chères sœurs religieuses de Cluny à La Réunion, dans le passé, votre effectif vous a permis de lancer, de soutenir et de réaliser de multiples œuvres dans différents champs d’apostolat de l’Eglise et de la société. La prise de parole de Sœur Egyptienne, votre provinciale, au début de cette eucharistie, a bien détaillé les initiatives et les réalisations que vous avez entreprises. Dans les années 1960, grâce à votre effectif et à des générations successives de vocations vous avez développé une présence active dans vos écoles. Dans votre histoire, vous avez été missionnaires notamment à Madagascar et à Pondichéry. Aujourd’hui, avec un effectif réduit, vous exercez la tutelle sur vos écoles et sur le lycée général et le lycée agricole de Sainte-Suzanne.

En tant qu’évêque de La Réunion et au nom du diocèse, je vous remercie, chères sœurs, de la fidélité et de la persévérance de la Congrégation pour une mission qui s’enracine dans votre charisme clunisien. L’enseignement catholique à La Réunion compte sur vous « pour réenchanter l’école » avec Jésus-Christ qui est notre boussole en Humanité. Je souhaite de tout cœur que tous les partenaires de nos écoles clunisiennes s’engagent « sur une route de sainteté dans l’Eglise » pour qu’avec des talents divers, des compétences reconnues, des responsabilités partagées, tenues et validées, chaque école s’harmonise sur son idéal de mieux vivre ensemble comme une « communauté éducative ». Vous le faites déjà. Que Dieu vous donne la grâce de persévérer, de progresser encore plus, de rayonner. En effet, dans tous nos établissements scolaires, il ne doit pas y avoir de compétitions de pouvoir entre les diverses instances de l’Enseignement Catholique, que ce soit dans un même établissement scolaire, sur un bassin géographique déterminé ou sur l’ensemble du diocèse.

Pour que nos écoles « réenchantent l’école », prenons en considération ce que dit Jacques Balmand, Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique : « Cela suppose que la priorité absolue soit toujours celle des enfants et des jeunes dans leurs diversités. Cela requiert le déploiement de pédagogie propice à la réussite de tous comme la mise en œuvre d’une organisation capable de répondre à cette diversité. Cela nécessite d’écouter les acteurs du système scolaire, d’entendre les parents, de faire place aux travaux des chercheurs. Cela demande beaucoup d’enthousiasme et beaucoup de générosité ». (Contribution de l’Enseignement Catholique pour l’Ecole)

Certes, mes sœurs, vous êtes réduites en nombre et vous vous êtes internationalisées. Vos pauvretés deviennent richesse par l’accueil des différences. L’accueil des différences conduit à l’action de grâce, l’action de grâce conduit à l’abandon dans les mains de Dieu, l’abandon dans les mains de Dieu conduit à la confiance. Et puis, la famille clunisienne ne se ramène pas aux seules religieuses. Il y a les associés, les anciennes, les bienfaiteurs, les amis qui, de différentes manières, se dévouent et s’engagent pour que la mission de la Congrégation de Cluny tienne dans le temps et se développe en tenant compte des besoins, des aspirations de notre époque et des désirs des générations montantes. A tous ces laïcs bénévoles, j’adresse aussi les remerciements, les encouragements et la prière de tout le diocèse.

 

JEUNES   FILLES  … INVENTEZ !

 

Chers amis, à vous tous, je souhaite un saint et joyeux bicentenaire de la présence à La Réunion des religieuses de la Congrégation de Saint Joseph de Cluny. Je pense évidemment à la bienheureuse Anne-Marie Javouhey et à toutes les saintes religieuses de Saint-Joseph de Cluny qui jouissent déjà du bonheur de la Toussaint. A elles aussi – et surtout à elles – je dis le merci de l’Eglise qui est à La Réunion et je demande leur appui pour un appel à de nouvelles vocations. Je leur demande d’appeler des jeunes filles – et il y en a ici – qui se posent des questions sur le sens de leur vie. Comment réussir votre vie ? Comment vivre dans votre temps, notre temps… comme Nanette, qui était une jeune fille très enjouée, qui aimait plaire, danser et s’amuser ? Nanette qui priait si bien aussi et qui faisait prier. Comment vous donner à une grande cause, vous donner à Dieu, une cause qui soit pour votre joie, pour votre bonheur dans la gloire de Dieu et le service des autres.

Jeunes filles, il y a tellement à inventer. Il y a tellement à aimer que Dieu vous fait confiance pour vous conduire plus loin, pour vous conduire à la réussite de votre vie. Et si vous sentez l’appel à vivre une vie de religieuse d’une nouvelle manière que celle que vous voyez aujourd’hui et qui ne vous convient pas, alors inventez votre manière d’être religieuse. Inventez-la en accord avec l’Eglise, en accord avec une Congrégation qui accueillera votre projet. Devenez religieuses en devenant cosmonautes. Allez dans les étoiles et gardez les pieds sur terre. Devenez religieuses en devenant infirmières, médecins, universitaires, chercheuses, enseignantes, professeurs des écoles. Devenez visiteurs de malades, aumônières de prison ou d’hôpitaux, chauffeurs de poids lourds ou scaphandriers. L’horizon est ouvert. Le ciel est très haut, la terre est vaste et la mer est profonde. Il y a de la place pour tout le monde.

Mais surtout, n’oubliez pas chaque jour la prière au cœur à cœur avec Jésus, la Parole de Dieu partagée avec les autres. Et puis, au jour de la résurrection du Seigneur, le dimanche, il y a l’eucharistie, il y a la messe. C’est une source d’amour et d’énergie comme nulle autre. N’oubliez pas de « causer avec les autres ». Ce « causez avec les autres » d’Anne-Marie Javouhey, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui le dialogue en équipes, les réflexions partagées, l’action à construire ensemble. A toi qui cherches, à toi aussi qui doutes, je dis merci. Mais sache que Dieu ne doute pas de toi. Il a confiance en toi. Alors continue. Demande à Nanette de t’aider et je le lui demande pour toi. Avance. Dieu t’aime. Avance. Est-ce que tu l’aimes ? Alors avance. « Viens et suis-moi » (Mt 19,21) te dit Jésus.

 

 

Monseigneur Gilbert AUBRY

     Evêque de La Réunion

 

 




La vie, un apprentissage permanent !

‘Apprendre la vie’, ou ‘apprendre à vivre’, est une nécessité qui s’impose à chaque être humain sur notre planète terre. Le ‘savoir vivre’ n’est pas une qualité innée ; il s’apprend et il s’acquiert au long des années et des expériences vécues.

L’éducation est première dans cette découverte et dans la mise en œuvre de ce mode de vie qui anime et rend fructueuses et fraternelles les relations humaines. Ces relations sociales s’inscrivent dans des principes qui doivent être reconnus et acceptés : la liberté et la démocratie.

‘Réussir sa vie’ implique alors un apprentissage quotidien du ‘savoir vivre’. Pour ne pas tomber dans le piège d’une vie seulement instinctive comme celle des animaux, l’homme et la femme de bonne volonté choisissent de faire preuve d’intelligence dans leurs choix qui engagent leur ‘façon de vivre’ en société. Ce travail sur soi concerne tous les moments et tous les contextes de la vie que nous voulons pour nous-mêmes, pour nos familles, pour nos sociétés.

Dans la recherche légitime de la vie heureuse et paisible pour tous, de très nombreuses pistes s’ouvrent à ceux et celles qui ont à cœur cet objectif. En voici quelques unes qui nous interpellent chaque jour ; elles nous invitent à apprendre et à réapprendre, dans le but recherché obstinément d’un ‘mieux vivre ensemble’.

Apprendre et réapprendre :

  • Réfléchir objectivement avant les décisions qui ouvrent l’avenir meilleur

  • Se laisser guider par le bon sens vers l’intelligence de l’esprit et du cœur

  • Agir avec la conscience de la justice dans la vérité

  • Respecter l’autre différent dans les libertés individuelles

  • S’écouter pour mieux se connaître et mieux se comprendre, pour mieux s’accepter et mieux s’apprécier

  • Partager fraternellement en priorité avec les plus petits

  • Rechercher sans cesse le bien, le beau, le bon

  • Construire la vie sociale sur les bases d’une éducation exigeante

  • S’engager résolument en vue du bien commun

  • Favoriser l’épanouissement humain, psychologique et spirituel de chacun

  • S’entraider de façon efficace pour consolider le lien social

  • Donner le bon exemple à la jeunesse

  • Donner la primauté à l’amour qui fait le bonheur de vivre

  • Reconnaître humblement ses erreurs et vouloir changer

  • Affronter l’adversité avec courage et persévérance

  • Assumer la responsabilité de ses choix

  • Refuser le laisser-aller et le n’importe quoi

  • Refuser le mensonge et renoncer à l’autre

  • Refuser la compromission avec le Mal, l’orgueil et l’égoïsme

  • Refuser la démagogie destructrice et malhonnête

  • Refuser la recherche insensée d’une consommation éphémère

  • Refuser la course effrénée vers le sexe ou l’argent

Cette liste reste ouverte à la ‘prise de conscience’ de celui qui veut faire régner le bonheur sur la terre. Le renouveau de la vie individuelle donne à la société la possibilité de progresser dans le bon sens. Il s’agit de construire ensemble une vie meilleure pour tous. Aux bonnes œuvres, citoyens !

 

                                                                                           Père Christian Chassagne