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Les trois sens de l’Ecriture inspirée D’après « L’interprétation de la Bible dans l’Eglise », Commission Biblique Pontificale (Rome 1993).

Quelques notes préliminaires :

S Pour être fidèle à l’intentionnalité des textes bibliques il faut essayer de retrouver, au cœur de leur formulation, la réalité de foi qu’ils expriment et de relier cette réalité de foi à l’expérience croyante de notre monde.

S La connaissance juste du texte biblique n’est accessible qu’à celui qui a une affinité vécue avec ce dont parle le texte.

S La personne de Jésus Christ et les évènements de salut accomplis dans notre histoire constituent l’objet central de toute interprétation. Une authentique interprétation de l’Ecriture est donc d’abord accueil d’un sens donné dans des évènements et de façon suprême, dans la personne de Jésus Christ.

SSS L’herméneutique biblique (Du grec « expliquer » : l’herméneutique est la science qui définit les principes de la critique et de l’interprétation des textes), si elle est du ressort de l’herméneutique générale de tout texte littéraire et historique, est en même temps un cas unique de cette herméneutique. Ses caractéristiques spécifiques lui viennent de son objet. Les évènements de salut et leur accomplissement en la personne de Jésus Christ donnent sens à toute l’histoire humaine. Les interprétations historiques nouvelles ne pourront être que le dévoilement ou le déploiement de ces richesses de sens. Le récit biblique de ces évènements ne peut être pleinement compris par la seule raison. Des présupposés particuliers commandent son interprétation, tels la foi vécue en communauté ecclésiale et la lumière de l’Esprit. Avec la croissance de la vie dans l’Esprit grandit, chez le lecteur, la compréhension des réalités dont parle le texte biblique.

 

1 – Le sens littéral

Il est indispensable de chercher à définir le sens précis des textes tels qu’ils ont été produits par leurs auteurs, sens qu’on appelle « littéral », à ne pas confondre avec le sens « littéraliste » (ex. : dans le cas d’une image : « ayez la ceinture aux reins » veut dire « Ayez une attitude de disponibilité », et non pas « portez autour des reins une ceinture ».).

Ce sens littéral, fruit de l’inspiration, est aussi voulu par Dieu comme auteur principal de la Bible. On le discerne grâce à une analyse précise du texte, situé dans son contexte littéraire et historique.

Le sens littéral d’un texte est en général unique, mais un auteur humain peut se référer en même temps à plusieurs niveaux de réalité. D’autre part, même lorsqu’une expression humaine semble n’avoir qu’une seule signification, l’inspiration divine peut guider cette expression de telle sorte que l’on puisse la comprendre de deux façons différentes (ex.: Jn 11,50 exprime à la fois un calcul politique immoral et une révélation divine).

Il faut aussi être attentif à l’aspect dynamique de beaucoup de textes. Le sens des psaumes royaux par exemple ne doit pas être limité étroitement aux circonstances historiques de leur production. En parlant du roi, le psalmiste évoquait à la fois une institution réelle et une vision idéale de la royauté, conforme au dessein de Dieu ; le texte dépassait ainsi l’institution royale telle qu’elle s’était manifestée dans l’histoire. L’exégèse historico-critique ne doit donc pas s’arrêter exclusivement aux circonstances historiques d’un texte, mais elle doit aussi préciser la direction de pensée du texte.

Le sens littéral d’un texte est aussi, dès le début, ouvert à des développements ultérieurs qui se produisent grâce à des relectures en des contextes nouveaux. Mais il faut rejeter fermement toute interprétation qui ne s’accorderait pas avec le sens exprimé par l’auteur, interprétation « hétérogène » qui ouvrirait alors la porte à un subjectivisme incontrôlable (Attitude de celui qui ne tient compte que de ses sentiments, de ses opinions, de ses idées et qui refuse, méprise ou ignore le sens réel et objectif du texte).

 

                        2 – Le sens spirituel

 

« Hétérogène » ne doit pourtant pas être pris en un sens étroit contraire à toute possibilité d’accomplissement supérieur. L’évènement pascal, mort et résurrection de Jésus, a mis en place un contexte historique radicalement nouveau, qui éclaire de façon nouvelle les textes anciens et leur fait subir une mutation de sens.

Ex. : Hyperbole: Dieu affermira pour toujours le trône d’un fils de David (2 S 7,12-13; 1 Ch 17,11-14); « pour toujours » doit désormais être pris à la lettre, en un « sens spirituel », car « le Christ étant ressuscité des morts ne meurt plus » (Rm 6,9).

Le sens spirituel, compris selon la foi chrétienne, est le sens exprimé par les textes bibliques, lorsqu’on les lit sous l’influence de l’Esprit Saint dans le contexte du mystère pascal du Christ et de la vie nouvelle qui en résulte.

Ce contexte existe effectivement. Le NT y reconnaît l’accomplissement des Ecritures. Il est donc normal de relire les Ecritures à la lumière de ce nouveau contexte qui est celui de la vie dans l’Esprit.

Il n’y a pas nécessairement de distinction entre « sens littéral » et « sens spirituel ». Tel est le cas habituel dans le NT, lorsqu’un texte se rapporte directement au mystère pascal du Christ ou à la vie nouvelle qui en résulte. Il s’ensuit que c’est à propos de l’AT que l’on parle le plus souvent de « sens spirituel ». Mais déjà, dans l’AT, les textes ont en bien des cas comme sens littéral un sens religieux et spirituel. La foi chrétienne y reconnaît un rapport anticipé avec la vie nouvelle apportée par le Christ.

Lorsqu’il y a distinction entre « sens littéral » et « sens spirituel », le sens spirituel ne peut jamais être privé de rapports avec le sens littéral, autrement, sans rapport de continuité et de conformité, on ne pourrait parler d’accomplissement ; mais il faut aussi qu’il y ait passage à un niveau supérieur de réalité.

Trois niveaux de réalités sont mis en rapport : le texte biblique, le mystère pascal et les circonstances présentes de vie dans l’Esprit.

Persuadée que le mystère du Christ donne la clé d’interprétation de toutes les Ecritures, l’exégèse ancienne (notamment Origène) s’est efforcée de trouver un sens spirituel à ses moindres détails ; l’exégèse moderne ne peut accorder une vraie valeur d’interprétation à ce genre de tentatives.

                      3 – Le sens plénier

On définit le sens plénier comme un sens plus profond du texte, voulu par Dieu, mais non clairement exprimé par l’auteur humain. On en découvre l’existence dans un texte biblique, lorsqu’on étudie celui-ci à la lumière d’autres textes bibliques qui l’utilisent ou dans son rapport avec le développement interne de la révélation.

Il s’agit donc ou bien de la signification qu’un auteur biblique attribue à un texte biblique qui lui est antérieur, lorsqu’il le reprend dans un contexte qui lui confère un sens littéral nouveau, ou bien de la signification qu’une tradition doctrinale authentique ou une définition conciliaire donne à un texte de la Bible. Mais lorsque manquent de telles références, le recours à un prétendu « sens plénier » pourrait conduire à des interprétations subjectives dépourvues de toute validité.

En définitive, on pourrait considérer « le sens plénier » comme une autre façon de désigner le « sens spirituel » d’un texte biblique dans le cas où ce dernier est différent du sens littéral. L’Esprit Saint, auteur principal de la Bible, peut en effet guider l’auteur humain dans le choix de ses expressions de telle sorte que celles-ci expriment une vérité dont il ne perçoit pas, au moment où il écrit, toute la profondeur. Un nouveau contexte peut alors faire apparaître des possibilités nouvelles de sens, possibilités que le contexte primitif laissait dans l’obscurité.

Jacques Fournier

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L’Inspiration divine de la Sainte Ecriture et son interprétation (Voir le Concile Vatican II, « Dei Verbum, chapitre 3)

Inspiration et vérité de la Sainte Ecriture

« Pour qu’un discours soit inspiré, il faut que l’auteur bénéficie en parlant ou en écrivant d’un concours immédiat de Dieu, qu’il agisse sous une impulsion de l’Esprit Saint…

La Parole de Dieu que les prophètes avaient entendue demeurait vivante en eux. Ils ne la conservaient pas seulement à la façon d’un souvenir. C’était dans leur âme une force qui les poussait à l’action » (Dictionnaire de la Bible Supplément : DBS, article « Inspiration »)…

Les prophètes commencent donc par recevoir la Parole de Dieu qui les introduit dans le mystère d’une relation avec Dieu qui est avant tout « Vie », mystère de communion. Puis, sous l’impulsion de Dieu, au cœur de ce mystère de communion où ils restent pleinement eux-mêmes, ils vont parler et leur parole sera … Parole de Dieu.

Une Parole à recevoir et qui devient vie… Avec le prophète Ezéchiel, Dieu nous le fait comprendre par un geste symbolique tout simple : il commence par l’appeler, puis il lui présente un Livre et il l’invite à le manger ! Pour Ezéchiel, la Parole de Dieu est donc tout d’abord une nourriture reçue de Dieu qui va, comme toute nourriture, alimenter sa vie. Mais il ne s’agit pas ici de n’importe quelle nourriture : elle vient directement de Dieu. Elle nourrira donc en lui « la Vie de Dieu ». Ezéchiel accueille donc cette Parole de Dieu avec foi ; grâce à elle, il va recevoir en son cœur la Vie de Dieu. Puis, vivant de cette Vie, il parlera et sa Parole, dans ce mystère de communion avec Dieu, sera cette « Parole de Dieu » qu’il portera à ses frères…

« Ez 3,1-4 (J’entendis la voix de quelqu’un qui me parlait ; cf Ez 1,28) : Il me dit :

«Fils d’homme, ce qui t’est présenté, mange-le;

mange ce volume et va parler à la maison d’Israël.»

(2)       J’ouvris la bouche et il me fit manger ce volume,

(3)       puis il me dit : «Fils d’homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te donne.»

Je le mangeai et, dans ma bouche, il fut doux comme du miel.

(4)       Alors il me dit : «Fils d’homme, va-t’en vers la maison d’Israël

et tu leur porteras mes paroles ».

Notons combien le sens de ce texte se rapproche de l’idée développée en St Jean, au chapitre 6.

En Ezéchiel, ce « pain de Dieu » est la Parole de Dieu écrite sur un Livre qui vient du ciel pour qu’Ezéchiel le mange et vive de la Vie de Dieu. En St Jean, Jésus se présente lui-même comme « le pain de Dieu qui descend du ciel et donne la vie au monde » : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais » (Jn 6,33.51). Or, dans toute la première partie de ce discours de Jésus à Capharnaüm (Jn 6,35-47) , Jésus est justement « pain de vie » par sa Parole. Et pour recevoir ce pain, pour le manger et en vivre, il suffit de « croire » : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47). Nous sommes donc tous invités à « manger la Parole de Jésus », c’est à dire à l’écouter avec foi ; et si nous croyons vraiment à ce que Jésus nous dit, Dieu agira en nos cœurs, en nos vies, selon sa Parole… Par son Esprit, il nous donnera d’avoir part à sa Vie, et il nous établira ainsi, dès maintenant, dans la foi, dans ce mystère de communion auquel toute l’humanité est appelée… Ce don qui nous vient du Christ « doux et humble de cœur » (Mt 11,29) est lui aussi « doux et humble », tout simple… Il est avant tout « paix », une paix que Dieu veut voir régner dans nos cœurs, une paix qui fera de chacun de nous des artisans de paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix », nous dit Jésus ; « je ne la donne pas comme le monde la donne » (c’est à dire bien souvent en parole seulement, sans réel effet dans nos vies ; Jésus, Lui, fait régner sa paix en nous et de fait, il ajoute juste après 🙂 – « que votre cœur ne se trouble pas » (Jn 14,27)… Qu’il demeure en paix, quoiqu’il arrive…

Pour revenir à nos prophètes, Jérémie parle de son côté d’un feu qui brûle en son cœur et qu’il ne peut contenir. Et c’est sous l’influence de ce feu brûlant en lui, qu’Il va parler. Le Nouveau Testament mettra clairement en parallèle l’Esprit Saint et le feu : « Jésus est venu baptiser dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11), cet Esprit Saint qui allume dans le cœur des baptisés ce doux feu de l’amour qui nous purifiera petit à petit de tout ce qui n’est pas en harmonie avec Dieu…

Jr 20,7-9 : Tu m’as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire;

tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort…

(9)      Je me disais : “Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom”;

mais c’était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os.

Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu.

(Et notons combien ce feu est en même temps expérience d’une Présence,

d’une communion avec son Dieu ; il ajoute en effet juste après 🙂

(11)     Le Seigneur est avec moi comme un héros puissant…

« Aux yeux des Israélites, les prophètes passaient donc pour être « les hommes de l’Esprit ». Ils sont pourtant peu nombreux à nous parler de leur expérience de l’Esprit. Michée le fait par exemple comme en passant…

Mi 3,8 : Moi, en revanche – grâce à l’Esprit du Seigneur -,

je suis rempli de force, d’équité, de courage…

Néanmoins les prophètes nous apprennent ça et là que le don de prophétie consiste en une effusion du Saint Esprit :

Is 42,1-4 : Voici mon serviteur que je soutiens,

mon élu en qui mon âme se complaît.

J’ai mis sur lui mon Esprit, il présentera aux nations le droit.

(2)       Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue;

(3)       il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit,

fidèlement, il présente le droit;

(4)       il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre,

et les îles attendent son enseignement.

Is 61,1-2 : L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi,

car le Seigneur m’a donné l’onction;

il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris,

annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance,

(2)                  proclamer une année de grâce de la part du Seigneur…

Et Zacharie évoque de son côté l’attitude de ceux qui n’ont pas voulu ouvrir leur cœur à la Parole que Dieu leur avait envoyée par ses prophètes, par son Esprit…

Zac 7,9-12 : Ainsi parle le Seigneur:

Rendez une justice vraie et pratiquez bonté et compassion chacun envers son frère.

(10)     N’opprimez pas la veuve et l’orphelin, l’étranger et le pauvre,

et ne méditez pas en votre cœur du mal l’un envers l’autre.

(11)     Mais ils ne voulurent pas être attentifs :

ils me présentèrent une épaule rebelle;

ils endurcirent leurs oreilles pour ne pas entendre;

(12)     ils firent de leur cœur un diamant,

de peur d’écouter l’instruction et les paroles que le Seigneur avait envoyées

– par son Esprit – par le ministère des prophètes du passé.

St Paul évoque lui aussi cette action de l’Esprit qui, par sa Présence dans les cœurs, permet de prendre conscience de « ce que l’œil n’a pas vu » ; c’est ainsi que l’Esprit « révèle », qu’il « fait connaître les dons de grâces que Dieu a faits aux hommes », et il donne à St Paul et à ses compagnons « d’exprimer en termes spirituels ces réalités spirituelles » :

1Co 2,7-13 : Nous parlons d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée,

celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

(8)       celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue

– s’ils l’avaient connue, en effet, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire –

(9)       mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu,

ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme,

tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.

(10)     Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit;

l’Esprit en effet sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu.

(11)     Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme,

sinon l’esprit de l’homme qui est en lui?

De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.

(12)     Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu,

pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits.

(13)     Et nous en parlons non pas avec des discours enseignés par la sagesse humaine,

mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit,

exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles.

C’est ainsi que l’on peut parler « d’Ecriture inspirée » :

2Tim 3,14-17 : Pour toi (écrit St Paul à Timothée), tiens-toi à ce que tu as appris

et dont tu as acquis la certitude.

Tu sais de quels maîtres tu le tiens;

(15)     et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres.

Elles sont à même de te procurer la sagesse

qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus.

(16)     Toute Écriture est inspirée de Dieu

et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice :

(17)     ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne.

Et St Pierre écrit de son côté :

2P 1,19-21 : Nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même,

sur laquelle vous avez raison de fixer votre regard

comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur,

jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

Avant tout, sachez le bien :

aucune prophétie de l’Ecriture n’est affaire d’interprétation privée ;

en effet, ce n’est pas la volonté humaine qui a jamais produit une prophétie,

mais c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».

Un peu plus loin dans cette même Lettre, St Pierre évoque la figure de St Paul qui a « écrit selon la sagesse qui lui a été donnée » (2 P 3,15). La Lettre aux Ephésiens parlera de son côté d’un « Esprit de sagesse », une expression qui évoque la sagesse que donne l’Esprit Saint :

Ep 1,15-20 : Ayant appris votre foi dans le Seigneur Jésus

et votre charité à l’égard de tous les saints,

(16)     je ne cesse de rendre grâces à votre sujet et de faire mémoire de vous dans mes prières.

(17)     Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire,

vous donner un esprit de sagesse et de révélation,

qui vous le fasse vraiment connaître!

(18)     Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir

quelle espérance vous ouvre son appel,

quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints,

(19)                 et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous, les croyants,

selon la vigueur de sa force,

(20)                                         qu’il a déployée en la personne du Christ,

le ressuscitant d’entre les morts

et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux…

L’Esprit Saint qui vient du Père rejoint le cœur de ceux et celles qui l’accueillent avec foi. Par sa Présence, il « illumine les yeux du cœur » et communique ainsi cette « sagesse » qui vient de Dieu. Grâce à lui, il est alors possible de comprendre, dans la foi, « l’espérance que nous ouvre l’appel de Dieu », « les trésors de gloire qu ‘Il nous réserve », et « l’extraordinaire grandeur de sa puissance qu’il a déployée dans le Christ, le ressuscitant d’entre les morts.

Nous pressentons à travers ces lignes l’expérience de St Paul lui-même !

 

C’est pourquoi le Concile Vatican II (Dei Verbum chapitre III, & 11) peut dire en même temps que :

– Les Livres entiers, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont Dieu pour auteur car ils ont été composés sous l’inspiration de l’Esprit Saint.

2 – Mais ces hommes choisis par Dieu pour la rédaction des Livres Saints sont restés pleinement eux-mêmes : Dieu « leur a laissé l’usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources » ; il ne leur a pas « dicté » du ciel ce qu’ils avaient à écrire. Dans la lumière de l’Esprit Saint, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,21), ils ont déployé tout leur savoir faire, toutes leurs capacités pour transmettre cette vérité qui les habitait, ce « feu qui brûlait en leur cœur » (Jérémie 20,7-9). Ils ont écrit « en auteurs véritables ». Mais l’Esprit de Dieu les guidait vers la vérité toute entière (Jn 16,13) de telle sorte qu’ils n’ont transmis que ce que Dieu voulait qu’ils transmettent.

 

Comment il faut interpréter la Sainte Ecriture

Souvenons-nous d’Ephésiens 1,15-20. Ce texte est une prière : l’apôtre désire que cet Esprit Saint que Dieu avait répandu avec abondance en son cœur soit également présent dans le cœur de ceux et celles qui le liraient. L’Esprit était à l’origine de ses paroles ; ce même Esprit donnera à ceux et celles qui le liront de comprendre vraiment le sens de ce qu’il leur écrivait.

Si l’Esprit Saint est à la source des Ecritures, nous avons donc besoin de ce même Esprit pour les lire . « L’Ecriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a fait écrire » (Concile Vatican II, Dei Verbum chapitre 3 & 12).

Voilà pourquoi Jean Paul II écrivait en Avril 1993 :

« Oui, pour arriver à une interprétation pleinement valable des paroles inspirées par l’Esprit Saint, il faut être soi-même guidé par l’Esprit Saint et, pour cela, il faut prier, prier beaucoup, demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit et accueillir docilement cette lumière, demander l’amour, qui seul rend capable de comprendre le langage de Dieu, qui « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Durant le travail même d’interprétation, il faut se maintenir le plus possible en présence de Dieu ».

Avant de lire la Parole de Dieu, nous sommes donc invités à demander à Dieu Notre Père son Esprit Saint dans la plus grande confiance, car tel est justement le don qu’Il veut nous communiquer :

Lc 11, 9-13 (Parole de Jésus à ses disciples) : «Et moi, je vous dis :

demandez et l’on vous donnera;

cherchez et vous trouverez;

frappez et l’on vous ouvrira.

(10)     Car quiconque demande reçoit;

qui cherche trouve;

et à qui frappe on ouvrira.

(11)     Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent?

(12)     Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion?

(13)     Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient!»

Notons bien que le Christ nous appelle ici des « mauvais ». Eh oui ! Nous sommes « mauvais », c’est à dire « pécheurs », avec un cœur trop souvent partagé. Mais c’est justement à ces « mauvais » que le Père donne son Esprit Saint lorsqu’ils le lui demandent ! Ce don est absolument gratuit : il s’enracine dans l’Amour Miséricordieux que Dieu ne cesse jamais de nous porter. Cette certitude nous invite à la plus grande confiance lorsque nous prions Notre Père de nous donner son Esprit. Nous vivrons ensuite notre lecture de la Parole de Dieu dans cette même confiance d’avoir été exaucé, quoiqu’il arrive, même si – semble-t-il – il ne s’est rien passé ! Mais sommes-nous sûrs qu’il ne s’est rien passé ? Car notre Dieu est un Dieu doux et humble qui travaille dans la discrétion, la douceur, la simplicité et la paix. Lire en silence la Parole de Dieu nous permettra justement de découvrir combien ce silence est habité par sa Présence…

Ensuite, lorsque nous lisons la Parole de Dieu, nous ne devons jamais oublier qu’elle n’a pas été « dictée » du ciel. Elle a été écrite par des hommes comme nous qui, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,29), se sont comportés en « vrais auteurs », avec leur caractère, leur sensibilité… dans le contexte culturel, social… qui était le leur.

Il est donc très important de faire attention à la manière dont le texte à été écrit pour essayer de découvrir ce que l’auteur inspiré a voulu transmettre. Nous nous poserons alors deux questions :

– Quel genre littéraire a-t-il employé ? Sommes-nous face à un récit poétique, historique… ? Cette question est importante, car nous ne pouvons pas demander, par exemple, à un poème de nous transmettre des vérités d’ordre scientifique. La détermination du genre littéraire orientera donc notre lecture en nous invitant à creuser tel ou tel aspect, ou au contraire à renoncer à telle ou telle question…

– Quelles étaient « les façons de sentir, de dire ou de raconter qui étaient habituelles dans le milieu et à l’époque » de notre auteur (Dei Verbum, chapitre III & 12). Ainsi par exemple, les péripéties qui entourent la naissance de Moïse étaient habituellement reprises dès que l’on évoquait l’enfance d’un homme prestigieux. Le message à retirer d’un tel texte n’est donc pas de savoir si oui ou non Moïse a été déposé par sa mère sur le fleuve dans un panier enduit de bitume ; cet épisode n’a d’autre but que de nous dire que Moïse était un « grand homme » comparable aux plus grands de la terre[1]

De plus, nous n’oublierons pas que la Bible forme « une unité ». Certes, elle a été écrite sur une période de plus de mille ans, par quantités d’auteurs différents. Mais c’était toujours le même Esprit qui était à l’œuvre au long des siècles et dans tous ces cœurs. D’autre part, le but des textes bibliques est de nous révéler « qui » est Dieu, et donc aussi « qui » est l’homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu ». Chaque texte devra donc être lu non pas isolément mais à la lumière de tous les autres. Nous tiendrons compte aussi de « la Tradition Vivante de l’Eglise », c’est à dire du fruit du travail et de la réflexion de tous ces chrétiens qui, bien avant nous, à la lumière du même Esprit Saint, ont lu et relu toutes ces Ecritures… Leur témoignage nous aide à avancer sur le chemin de l’Unique Vérité…

Enfin, le Concile Vatican II nous invite à rendre grâce à Dieu pour « son inexprimable bonté » qui a su s’adapter à notre langage pour qu’il nous soit donné d’entrer dans son mystère… Dieu nous a rejoint là où nous étions, et il nous a parlé un langage que nous pouvons comprendre ! Son seul but : que nous puissions atteindre, par la grâce de son Esprit Saint, cette Plénitude synonyme de bonheur pour laquelle nous avons été créés (cf Ep 5,18 ; 2,18 ; Jn 10,10 ; 17,24-26)…

[1] Lire Exode 2,1-9 ; puis le comparer à ce texte retrouvé sur une tablette d’argile en Babylonie. Il raconte l’histoire de Sargon Ier, dit l’ancien, fondateur de la puissante dynastie akkadienne, et qui vécut dans les années 2350 av. JC, donc plus de mille ans avant Moïse:

« Je suis Syarrukîn (c’est à dire roi légitime), roi fort, monarque d’Agadé. Ma mère était une prêtresse, mon père, je ne l’ai pas connu. Ma ville était Azupirannu, située sur la rive de l’Euphrate. Ma mère m’enfanta en cachette, elle me plaça dans un panier de jonc et elle en ferma la porte avec du bitume. Elle m’abandonna au Fleuve, et il ne me submergea point. Le Fleuve m’apporta à Akki, le puiseur d’eau. Akki me prit dans la bienveillance de son coeur. Akki, le puiseur d’eau, m’éleva comme son enfant. Akki, le puiseur d’eau, fit de moi un jardinier. Ishtar (une des plus puissantes déesses du panthéon mésopotamien) m’aima »…




L’Inspiration divine de la Sainte Ecriture et son interprétation

ParoleInspiration et vérité de la Sainte Ecriture

« Pour qu’un discours soit inspiré, il faut que l’auteur bénéficie en parlant ou en écrivant d’un concours immédiat de Dieu, qu’il agisse sous une impulsion de l’Esprit Saint…

La Parole de Dieu que les prophètes avaient entendue demeurait vivante en eux. Ils ne la conservaient pas seulement à la façon d’un souvenir. C’était dans leur âme une force qui les poussait à l’action » (Dictionnaire de la Bible Supplément : DBS, article « Inspiration »)…

Les prophètes commencent donc par recevoir la Parole de Dieu qui les introduit dans le mystère d’une relation avec Dieu qui est avant tout « Vie », mystère de communion. Puis, sous l’impulsion de Dieu, au cœur de ce mystère de communion où ils restent pleinement eux-mêmes, ils vont parler et leur parole sera … Parole de Dieu.

Une Parole à recevoir et qui devient vie… Avec le prophète Ezéchiel, Dieu nous le fait comprendre par un geste symbolique tout simple : il commence par l’appeler, puis il lui présente un Livre et il l’invite à le manger ! Pour Ezéchiel, la Parole de Dieu est donc tout d’abord une nourriture reçue de Dieu qui va, comme toute nourriture, alimenter sa vie. Mais il ne s’agit pas ici de n’importe quelle nourriture : elle vient directement de Dieu. Elle nourrira donc en lui « la Vie de Dieu ». Ezéchiel accueille donc cette Parole de Dieu avec foi ; grâce à elle, il va recevoir en son cœur la Vie de Dieu. Puis, vivant de cette Vie, il parlera et sa Parole, dans ce mystère de communion avec Dieu, sera cette « Parole de Dieu » qu’il portera à ses frères…

« Ez 3,1-4 (J’entendis la voix de quelqu’un qui me parlait ; cf Ez 1,28) : Il me dit :

«Fils d’homme, ce qui t’est présenté, mange-le;

mange ce volume et va parler à la maison d’Israël.»

(2) J’ouvris la bouche et il me fit manger ce volume,

(3) puis il me dit : «Fils d’homme, nourris-toi et rassasie-toi de ce volume que je te donne.»

Je le mangeai et, dans ma bouche, il fut doux comme du miel.

(4) Alors il me dit : «Fils d’homme, va-t’en vers la maison d’Israël

et tu leur porteras mes paroles ».

Notons combien le sens de ce texte se rapproche de l’idée développée en St Jean, au chapitre 6.

En Ezéchiel, ce « pain de Dieu » est la Parole de Dieu écrite sur un Livre qui vient du ciel pour qu’Ezéchiel le mange et vive de la Vie de Dieu. En St Jean, Jésus se présente lui-même comme « le pain de Dieu qui descend du ciel et donne la vie au monde » : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais » (Jn 6,33.51). Or, dans toute la première partie de ce discours de Jésus à Capharnaüm (Jn 6,35-47) , Jésus est justement « pain de vie » par sa Parole. Et pour recevoir ce pain, pour le manger et en vivre, il suffit de « croire » : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47). Nous sommes donc tous invités à « manger la Parole de Jésus », c’est à dire à l’écouter avec foi ; et si nous croyons vraiment à ce que Jésus nous dit, Dieu agira en nos cœurs, en nos vies, selon sa Parole… Par son Esprit, il nous donnera d’avoir part à sa Vie, et il nous établira ainsi, dès maintenant, dans la foi, dans ce mystère de communion auquel toute l’humanité est appelée… Ce don qui nous vient du Christ « doux et humble de cœur » (Mt 11,29) est lui aussi « doux et humble », tout simple… Il est avant tout « paix », une paix que Dieu veut voir régner dans nos cœurs, une paix qui fera de chacun de nous des artisans de paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix », nous dit Jésus ; « je ne la donne pas comme le monde la donne » (c’est à dire bien souvent en parole seulement, sans réel effet dans nos vies ; Jésus, Lui, fait régner sa paix en nous et de fait, il ajoute juste après : – « que votre cœur ne se trouble pas » (Jn 14,27)… Qu’il demeure en paix, quoiqu’il arrive…

Pour revenir à nos prophètes, Jérémie parle de son côté d’un feu qui brûle en son cœur et qu’il ne peut contenir. Et c’est sous l’influence de ce feu brûlant en lui, qu’Il va parler. Le Nouveau Testament mettra clairement en parallèle l’Esprit Saint et le feu : « Jésus est venu baptiser dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3,11), cet Esprit Saint qui allume dans le cœur des baptisés ce doux feu de l’amour qui nous purifiera petit à petit de tout ce qui n’est pas en harmonie avec Dieu…

Jr 20,7-9 : Tu m’as séduit, Yahvé, et je me suis laissé séduire;

tu m’as maîtrisé, tu as été le plus fort…

(9) Je me disais : “Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son Nom”;

mais c’était en mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os.

Je m’épuisais à le contenir, mais je n’ai pas pu.

(Et notons combien ce feu est en même temps expérience d’une Présence,

d’une communion avec son Dieu ; il ajoute en effet juste après :

(11) Le Seigneur est avec moi comme un héros puissant…

« Aux yeux des Israélites, les prophètes passaient donc pour être « les hommes de l’Esprit ». Ils sont pourtant peu nombreux à nous parler de leur expérience de l’Esprit. Michée le fait par exemple comme en passant…

Mi 3,8 : Moi, en revanche – grâce à l’Esprit du Seigneur -,

je suis rempli de force, d’équité, de courage…

Néanmoins les prophètes nous apprennent ça et là que le don de prophétie consiste en une effusion du Saint Esprit :

Is 42,1-4 : Voici mon serviteur que je soutiens,

mon élu en qui mon âme se complaît.

J’ai mis sur lui mon Esprit, il présentera aux nations le droit.

(2) Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue;

(3) il ne brise pas le roseau froissé, il n’éteint pas la mèche qui faiblit,

fidèlement, il présente le droit;

(4) il ne faiblira ni ne cédera jusqu’à ce qu’il établisse le droit sur la terre,

et les îles attendent son enseignement.

Is 61,1-2 : L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi,

car le Seigneur m’a donné l’onction;

il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris,

annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance,

(2) proclamer une année de grâce de la part du Seigneur…

Et Zacharie évoque de son côté l’attitude de ceux qui n’ont pas voulu ouvrir leur cœur à la Parole que Dieu leur avait envoyée par ses prophètes, par son Esprit…

Zac 7,9-12 : Ainsi parle le Seigneur:

Rendez une justice vraie et pratiquez bonté et compassion chacun envers son frère.

(10) N’opprimez pas la veuve et l’orphelin, l’étranger et le pauvre,

et ne méditez pas en votre cœur du mal l’un envers l’autre.

(11) Mais ils ne voulurent pas être attentifs :

ils me présentèrent une épaule rebelle;

ils endurcirent leurs oreilles pour ne pas entendre;

(12) ils firent de leur cœur un diamant,

de peur d’écouter l’instruction et les paroles que le Seigneur avait envoyées

– par son Esprit – par le ministère des prophètes du passé.

St Paul évoque lui aussi cette action de l’Esprit qui, par sa Présence dans les cœurs, permet de prendre conscience de « ce que l’œil n’a pas vu » ; c’est ainsi que l’Esprit « révèle », qu’il « fait connaître les dons de grâces que Dieu a faits aux hommes », et il donne à St Paul et à ses compagnons « d’exprimer en termes spirituels ces réalités spirituelles » :

1Co 2,7-13 : Nous parlons d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée,

celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire,

(8) celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue

– s’ils l’avaient connue, en effet, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire –

(9) mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu,

ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme,

tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.

(10) Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit;

l’Esprit en effet sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu.

(11) Qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme,

sinon l’esprit de l’homme qui est en lui?

De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu.

(12) Or, nous n’avons pas reçu, nous, l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu,

pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits.

(13) Et nous en parlons non pas avec des discours enseignés par la sagesse humaine,

mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit,

exprimant en termes spirituels des réalités spirituelles.

C’est ainsi que l’on peut parler « d’Ecriture inspirée » :

2Tim 3,14-17 : Pour toi (écrit St Paul à Timothée), tiens-toi à ce que tu as appris

et dont tu as acquis la certitude.

Tu sais de quels maîtres tu le tiens;

(15) et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres.

Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus.

(16) Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice :

(17) ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne.

Et St Pierre écrit de son côté :

2P 1,19-21 : Nous avons la parole des prophètes qui est la solidité même, sur laquelle vous avez raison de fixer votre regard comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur, jusqu’à ce que luise le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs.

Avant tout, sachez le bien : aucune prophétie de l’Ecriture n’est affaire d’interprétation privée ; en effet, ce n’est pas la volonté humaine qui a jamais produit une prophétie, mais c’est portés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».

Un peu plus loin dans cette même Lettre, St Pierre évoque la figure de St Paul qui a « écrit selon la sagesse qui lui a été donnée » (2 P 3,15). La Lettre aux Ephésiens parlera de son côté d’un « Esprit de sagesse », une expression qui évoque la sagesse que donne l’Esprit Saint :

Ep 1,15-20 : Ayant appris votre foi dans le Seigneur Jésus et votre charité à l’égard de tous les saints,

(16) je ne cesse de rendre grâces à votre sujet et de faire mémoire de vous dans mes prières.

(17) Daigne le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire, vous donner un esprit de sagesse et de révélation,qui vous le fasse vraiment connaître!

(18) Puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints,

(19) et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous, les croyants, selon la vigueur de sa force,

(20) qu’il a déployée en la personne du Christ, le ressuscitant d’entre les morts et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux…

L’Esprit Saint qui vient du Père rejoint le cœur de ceux et celles qui l’accueillent avec foi. Par sa Présence, il « illumine les yeux du cœur » et communique ainsi cette « sagesse » qui vient de Dieu. Grâce à lui, il est alors possible de comprendre, dans la foi, « l’espérance que nous ouvre l’appel de Dieu », « les trésors de gloire qu ‘Il nous réserve », et « l’extraordinaire grandeur de sa puissance qu’il a déployée dans le Christ, le ressuscitant d’entre les morts.

Nous pressentons à travers ces lignes l’expérience de St Paul lui-même !

C’est pourquoi le Concile Vatican II (Dei Verbum chapitre III, & 11) peut dire en même temps que :

– Les Livres entiers, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont Dieu

pour auteur car ils ont été composés sous l’inspiration de l’Esprit Saint.

2 – Mais ces hommes choisis par Dieu pour la rédaction des Livres Saints sont restés pleinement eux-mêmes : Dieu « leur a laissé l’usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources » ; il ne leur a pas « dicté » du ciel ce qu’ils avaient à écrire. Dans la lumière de l’Esprit Saint, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,21), ils ont déployé tout leur savoir faire, toutes leurs capacités pour transmettre cette vérité qui les habitait, ce « feu qui brûlait en leur cœur » (Jérémie 20,7-9). Ils ont écrit « en auteurs véritables ». Mais l’Esprit de Dieu les guidait vers la vérité toute entière (Jn 16,13) de telle sorte qu’ils n’ont transmis que ce que Dieu voulait qu’ils transmettent.

 

Comment il faut interpréter la Sainte Ecriture

Souvenons-nous d’Ephésiens 1,15-20. Ce texte est une prière : l’apôtre désire que cet Esprit Saint que Dieu avait répandu avec abondance en son cœur soit également présent dans le cœur de ceux et celles qui le liraient. L’Esprit était à l’origine de ses paroles ; ce même Esprit donnera à ceux et celles qui le liront de comprendre vraiment le sens de ce qu’il leur écrivait.

Si l’Esprit Saint est à la source des Ecritures, nous avons donc besoin de ce même Esprit pour les lire . « L’Ecriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a fait écrire » (Concile Vatican II, Dei Verbum chapitre 3 & 12).

Voilà pourquoi Jean Paul II écrivait en Avril 1993 :

« Oui, pour arriver à une interprétation pleinement valable des paroles inspirées par l’Esprit Saint, il faut être soi-même guidé par l’Esprit Saint et, pour cela, il faut prier, prier beaucoup, demander dans la prière la lumière intérieure de l’Esprit et accueillir docilement cette lumière, demander l’amour, qui seul rend capable de comprendre le langage de Dieu, qui « est amour » (1 Jn 4, 8.16). Durant le travail même d’interprétation, il faut se maintenir le plus possible en présence de Dieu ».

Avant de lire la Parole de Dieu, nous sommes donc invités à demander à Dieu Notre Père son Esprit Saint dans la plus grande confiance, car tel est justement le don qu’Il veut nous communiquer :

Lc 11, 9-13 (Parole de Jésus à ses disciples) : «Et moi, je vous dis :

demandez et l’on vous donnera;

cherchez et vous trouverez;

frappez et l’on vous ouvrira.

(10) Car quiconque demande reçoit;

qui cherche trouve;

et à qui frappe on ouvrira.

(11) Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent?

(12) Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion?

(13) Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient!»

Notons bien que le Christ nous appelle ici des « mauvais ». Eh oui ! Nous sommes « mauvais », c’est à dire « pécheurs », avec un cœur trop souvent partagé. Mais c’est justement à ces « mauvais » que le Père donne son Esprit Saint lorsqu’ils le lui demandent ! Ce don est absolument gratuit : il s’enracine dans l’Amour Miséricordieux que Dieu ne cesse jamais de nous porter. Cette certitude nous invite à la plus grande confiance lorsque nous prions Notre Père de nous donner son Esprit. Nous vivrons ensuite notre lecture de la Parole de Dieu dans cette même confiance d’avoir été exaucé, quoiqu’il arrive, même si – semble-t-il – il ne s’est rien passé ! Mais sommes-nous sûrs qu’il ne s’est rien passé ? Car notre Dieu est un Dieu doux et humble qui travaille dans la discrétion, la douceur, la simplicité et la paix. Lire en silence la Parole de Dieu nous permettra justement de découvrir combien ce silence est habité par sa Présence…

Ensuite, lorsque nous lisons la Parole de Dieu, nous ne devons jamais oublier qu’elle n’a pas été « dictée » du ciel. Elle a été écrite par des hommes comme nous qui, « portés par l’Esprit Saint » (2 P 1,29), se sont comportés en « vrais auteurs », avec leur caractère, leur sensibilité… dans le contexte culturel, social… qui était le leur.

Il est donc très important de faire attention à la manière dont le texte à été écrit pour essayer de découvrir ce que l’auteur inspiré a voulu transmettre. Nous nous poserons alors deux questions :

– Quel genre littéraire a-t-il employé ? Sommes-nous face à un récit poétique, historique… ? Cette question est importante, car nous ne pouvons pas demander, par exemple, à un poème de nous transmettre des vérités d’ordre scientifique. La détermination du genre littéraire orientera donc notre lecture en nous invitant à creuser tel ou tel aspect, ou au contraire à renoncer à telle ou telle question…

2 – Quelles étaient « les façons de sentir, de dire ou de raconter qui étaient habituelles dans le milieu et à l’époque » de notre auteur (Dei Verbum, chapitre III & 12). Ainsi par exemple, les péripéties qui entourent la naissance de Moïse étaient habituellement reprises dès que l’on évoquait l’enfance d’un homme prestigieux. Le message à retirer d’un tel texte n’est donc pas de savoir si oui ou non Moïse a été déposé par sa mère sur le fleuve dans un panier enduit de bitume ; cet épisode n’a d’autre but que de nous dire que Moïse était un « grand homme » comparable aux plus grands de la terre[1]

De plus, nous n’oublierons pas que la Bible forme « une unité ». Certes, elle a été écrite sur une période de plus de mille ans, par quantités d’auteurs différents. Mais c’était toujours le même Esprit qui était à l’œuvre au long des siècles et dans tous ces cœurs. D’autre part, le but des textes bibliques est de nous révéler « qui » est Dieu, et donc aussi « qui » est l’homme « créé à l’image et ressemblance de Dieu ». Chaque texte devra donc être lu non pas isolément mais à la lumière de tous les autres. Nous tiendrons compte aussi de « la Tradition Vivante de l’Eglise », c’est à dire du fruit du travail et de la réflexion de tous ces chrétiens qui, bien avant nous, à la lumière du même Esprit Saint, ont lu et relu toutes ces Ecritures… Leur témoignage nous aide à avancer sur le chemin de l’Unique Vérité…

Enfin, le Concile Vatican II nous invite à rendre grâce à Dieu pour « son inexprimable bonté » qui a su s’adapter à notre langage pour qu’il nous soit donné d’entrer dans son mystère… Dieu nous a rejoint là où nous étions, et il nous a parlé un langage que nous pouvons comprendre ! Son seul but : que nous puissions atteindre, par la grâce de son Esprit Saint, cette Plénitude synonyme de bonheur pour laquelle nous avons été créés (cf Ep 5,18 ; 2,18 ; Jn 10,10 ; 17,24-26)…

D. Jacques Fournier

 

[1] Lire Exode 2,1-9 ; puis le comparer à ce texte retrouvé sur une tablette d’argile en Babylonie. Il raconte l’histoire de Sargon Ier, dit l’ancien, fondateur de la puissante dynastie akkadienne, et qui vécut dans les années 2350 av. JC, donc plus de mille ans avant Moïse:

« Je suis Syarrukîn (c’est à dire roi légitime), roi fort, monarque d’Agadé. Ma mère était une prêtresse, mon père, je ne l’ai pas connu. Ma ville était Azupirannu, située sur la rive de l’Euphrate. Ma mère m’enfanta en cachette, elle me plaça dans un panier de jonc et elle en ferma la porte avec du bitume. Elle m’abandonna au Fleuve, et il ne me submergea point. Le Fleuve m’apporta à Akki, le puiseur d’eau. Akki me prit dans la bienveillance de son coeur. Akki, le puiseur d’eau, m’éleva comme son enfant. Akki, le puiseur d’eau, fit de moi un jardinier. Ishtar (une des plus puissantes déesses du panthéon mésopotamien) m’aima »…

 

Inspiration et interprétation