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Synodalité, discernement et projets par Fr. Manuel Rivero O.P.

Tradition séculaire et originalité de l’esprit synodal

Le synode sur la synodalité qui se déroule à Rome en ce mois d’octobre 2024 a du mal à susciter l’enthousiasme des fidèles qui ne parviennent pas à saisir le but et l’intérêt de si nombreux débats.

Dès la naissance de l’Église que saint Luc décrit dans les Actes des apôtres, les apôtres se sont réunis pour traiter des sujets qui faisaient l’objet des débats contradictoires dans les communautés (cf. Ac 15). C’est en invoquant l’assistance de l’Esprit Saint que les apôtres ont pris des décisions après avoir écouté les propositions et les arguments des uns et des autres.

Tout au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens ont organisé des réunions communautaires, des synodes, des conciles et des chapitres dans les ordres religieux.

Quelle est alors l’originalité et l’apport de ce synode sur la synodalité ? Il me semble que la nouvelle méthodologie adoptée aspire à répandre dans la vie de l’Église un esprit de dialogue, de participation dans l’égale dignité baptismale. D’où la disposition des tables rondes où s’expriment des évêques, des prêtres, des religieux et des laïcs dans l’intelligence de la foi et dans le but de parvenir à « un bouquet » d’expériences, des propositions voire des décisions en tant que frères et sœurs de Jésus.

Discerner ensemble[1]

La synodalité repose la dignité baptismale des chrétiens et sur leur vocation à devenir disciples-missionnaires de Jésus le Christ, « Chemin, Vérité et Vie » (Jn 14,6). Habités par le même Saint-Esprit reçu avec le saint-chrême baptismal, les chrétiens pratiquent la méthode bien rodée de l’Action catholique : « regarder, discerner, transformer », en cheminant ensemble selon le sens étymologique du mot grec « synode ».

L’accent est par conséquent mis sur l’agir en commun. Le discernement passe par une recherche commune de la volonté de Dieu à la lumière de la Parole révélée, d’où l’importance de la Bible placée au cœur de la démarche synodale.

La synodalité développe un esprit de participation à l’image d’une ligne de crête en montagne qui évite deux dangers : le cléricalisme d’une part et la passivité de l’autre. Le prêtre demeure un serviteur de la communauté chrétienne. Il n’est pas le seul détenteur de la Vérité ni le seul décideur dans la paroisse. Par ailleurs, il arrive souvent que les laïcs nourrissent le cléricalisme dans une passivité et dans un absentéisme qui les arrangent. La paroisse devient alors l’affaire du prêtre tandis que les laïcs feraient appel à des services du culte selon les besoins.

L’Église, Corps du Christ, a besoin de l’action de chacun de ses membres. La foi grandit dans les rassemblements liturgiques, le partage des responsabilités et la transmission de l’Évangile notamment par la catéchèse.

La synodalité part de l’écoute de la Parole de Dieu dans le silence du cœur,  elle se déploie dans la conversation spirituelle, la découverte de l’œuvre de l’Esprit Saint en chacun, la relecture personnelle des événements et l’engagement responsable dans l’Église, Famille de Dieu.

La synodalité se comprend en la pratiquant dans le couple et dans la famille à l’image de cercles concentriques qui partent du cœur et des relations de proximité pour se répandre dans la vie professionnelle et sociale à évangéliser.

Au rythme du cœur, systole et diastole, les chrétiens se rassemblent et ils sont envoyés vers les autres. Ils donnent et ils reçoivent, ils reçoivent en apportant leur expérience et leur connaissance du mystère de Dieu ; ils deviennent meilleurs au contact des autres. Le Fils de Dieu s’est donné aux hommes dans l’Incarnation en se recevant d’eux en la personne de la Vierge Marie, dans la petitesse, le besoin et la vulnérabilité.

Le disciple de Jésus ne fuit pas le monde : « Je ne te prie pas de les enlever du monde mais de les garder du Mauvais » (Jn 17, 15). Si des philosophes stoïciens ont avoué se sentir moins hommes dans les rencontres des hommes, il n’en va pas de même des chrétiens qui vivent les rencontres humaines comme « le sacrement du frère » où le Christ lui-même se rend présent (cf. Mt 25,31s). Dieu se révèle souvent à travers le prochain. L’Esprit Saint répand sa lumière pour discerner la volonté de Dieu aux disciples rassemblés au nom de Jésus. « J’ai besoin de la vérité des autres », aimait à déclarer loin de tout relativisme le bienheureux évêque dominicain Pierre Claverie (+1996).

Exercice de communication et de communion, la synodalité favorise la mise en commun des biens spirituels et matériels, dans le partage des connaissances et des forces.

Démarche d’« extase », c’est-à-dire de sortie de soir, la synodalité permet le dépassement de la peur du changement et de l’innovation. Le chrétien quitte alors sa zone de confort pour ouvrir son intelligence à la nouveauté, son cœur aux expériences des autres et sa volonté dans un lâcher-prise, mort de l’ego frappé d’aveuglement, afin de renaître au-delà des préjugés et des idées toutes faites à la Vie nouvelle que Dieu donne, expérience de résurrection dans le passage des ténèbres du repli sur soi à l’élan de l’annonce joyeuse de l’amour lumineux vainqueur de la mort. Jésus est ressuscité dans le tombeau devenu « le berceau du Premier-né d’entre les morts, prémices d’une multitude de frères ». Jésus le Christ continue de ressusciter dans nos tombeaux : orgueil, désespoir, arrogance. Dieu peut-il faire du neuf dans ma vie ? Oui, par la foi. L’Apocalypse le révèle : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).

Discerner des projets à réaliser : facteur de développement

La synodalité à travers sa méthodologie de discernement en commun favorise la mise en œuvre des projets et du développement.

 

La prière et l’action se nourrissent mutuellement : « Voir Dieu en toute chose et toute chose en Dieu ». Le dialogue en réunion débouche sur des actions pour le bien commun.

La synodalité peut ainsi devenir source d’innovation, de charité efficace et développer le potentiel de chacun dans une vision d’ensemble.

L’esprit synodal convient aussi à la pédagogie scolaire et à la catéchèse en faisant émerger des valeurs fondamentales : sens de la responsabilité, travail en équipe, confiance en soi, capacité d’adaptation et d’évaluation…

Voici résumé en 12 idées clés les possibilités de relier l’esprit synodal à la pédagogie de projet comme facteur de développement :

  1. Changements sociaux et pédagogie de projet : Les changements sociaux commencent à l’école, et la culture du projet favorise le développement personnel, social et économique en valorisant l’innovation et la participation.

  1. Concept de projet : Un projet est une vision proactive qui implique des activités visant des objectifs clairs avec un budget et des délais précis, représentant un processus d’apprentissage actif.

  1. Types de savoirs : La pédagogie de projet développe divers savoirs (savoir-être, savoir-faire, savoir-vivre, savoir transmettre) en encourageant l’apprentissage par la pratique.

  1. Capital humain et capital matériel : Le développement économique repose sur le capital humain autant que sur le capital matériel, nécessitant des compétences, la collaboration, et la planification.

  1. Obstacles psychologiques et culturels : Le sous-développement est souvent lié à des facteurs tels que l’individualisme, la corruption, et la faible capacité à travailler en équipe.

  1. Projets variés : Les projets peuvent être de nature diverse, allant de la construction d’écoles à l’organisation de pèlerinages, chacun nécessitant une rigueur organisationnelle et budgétaire.

  1. Rôle de l’éducation et de la catéchèse : La culture du projet peut être intégrée dans l’enseignement et la catéchèse pour favoriser dès le plus jeune âge un esprit démocratique, participatif, et innovant.

  1. Étapes fondamentales de la gestion de projet : La gestion de projet inclut cinq étapes : 1) étude de faisabilité, 2) préparation (planification et organisation), 3) exécution, 4) suivi et contrôle et 5) évaluation.

  1. Importance du temps et de la préparation : Une préparation minutieuse est essentielle, incluant la clarification des objectifs, la méthodologie, et les responsabilités au sein de l’équipe.

  1. Communication et leadership : Une communication interne et externe efficace, ainsi qu’un leadership clair, sont cruciaux pour la réussite d’un projet.

  1. Évaluation post-projet : Chaque projet doit être évalué pour tirer des leçons, que ce soit des réussites ou des échecs, afin de guider les futurs projets. Réussites et échecs font partie intégrante du processus d’apprentissage.

  1. Approche spirituelle et collaborative : Le projet se nourrit de la collaboration, de l’intelligence collective, et également de la prière et du discernement, créant ainsi une dynamique d’amélioration continue.

La synodalité peut ancrer le changement en mode de projet de manière à dépasser le refus ou la résistance à l’innovation[2]. Le processus de la synodalité contribue à l’appropriation des projets nouveaux en pastorale dans une pédagogie active et participative.

Saint-Denis/La Réunion, le 10 octobre 2024.

 

 

 

[1] Voir Michel BACQ et une équipe Esdac, Pratique du discernement en commun, Christus-Lessius. Éditions jésuites 2022.

[2] [2] Voir Pierre-Yves Boyer, Quand les résistants deviennent des parties prenantes : une approche du changement organisationnel comme processus d’apprentissage, RIMHE – Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, n°28 – Automne 2017.

 

 




Saint François d’Assise, une vie consacrée à la prédication de l’Évangile (Fr Manuel RIVERO O.P.)

« Surgit au monde un soleil » (Paradis, chant XI), écrit le poète Dante Alighieri en évoquant la naissance de saint François vers fin 1181-1182). La vie de saint François éclaire l’Église et l’humanité. Le pape François l’a choisi comme saint patron pour son pontificat. Au moment de son élection, beaucoup pensaient qu’il s’agissait de saint François-Xavier S.J., l’intrépide navarrais, patron des missions, mais le nouveau pape a bien précisé qu’il s’appuyait sur « le pauvre d’Assise ».

Jeunesse mouvementée

Fils d’un bourgeois marchand, le jeune François s’est laissé emporter par la frivolité et les fêtes. Engagé lors de la guerre entre les cités d’Assise et de Pérouse, il a été fait prisonnier. Pendant un an de privation de liberté, François a réfléchi au sens de sa vie. Amant de la prière dans la solitude et le silence, il entend en 1205 l’appel du Crucifié qui lui parle au cœur d’une petite chapelle en ruines à San Damiano : « François, répare ma Maison ! ». Il décide de vouer son existence à relever l’Église à la suite du Christ Jésus. Cet événement fait penser au rêve du pape Innocent III en 1207 où il voyait la basilique de Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale du pape, l’église mère de toutes les églises, s’écrouler tandis qu’un religieux petit la soutenait de ses épaules pour qu’elle ne tombe pas. Le pape sera soutenu par la prédication des frères mineurs et des frères prêcheurs, fondés par saint François et par saint Dominique.

Son père qui comptait sur un fils homme d’affaires se fâche. François se met nu devant lui et devant son évêque pour manifester sa foi radicale en Jésus, « qui de riche qu’il était a voulu nous enrichir par sa pauvreté » (2 Cor 8,9). L’évêque recouvre de sa chape la nudité du jeune disciple de Jésus, contestataire de carrières matérialistes. François commence ainsi à prêcher par des gestes. Homme de communication, il marquera les esprits par des actes prophétiques comme le baiser au lépreux, la louange à la création en dialogue avec les oiseaux, le vent, le soleil et la lune, l’eau et notre sœur la mort.

Les papes de saint François

Saint François a connu de son vivant les trois mêmes papes que saint Dominique : Innocent III, Honorius III et Grégoire IX. Il convient de rappeler que le pape Innocent III avait été élève à Paris de Pierre le Chantre (+1197), professeur de théologie qui plaça la prédication au sommet des études philosophiques, bibliques et théologiques. L’exégèse biblique et les débats théologiques (la lectio et la disputatio) étaient subordonnés à la prédication (praedicatio). En effet, la prédication comme proclamation du salut en Jésus Christ agit par l’Esprit Saint dans les cœurs de ceux qui écoutent la Parole de Dieu avec droiture. Comme dans la prédication de Jésus dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc 4, 16s), la prédication accomplit « ici et maintenant » le Salut annoncé. C’est le pape Innocent III qui approuve la première communauté de « frères mineurs ».

François n’est pas un professeur d’université ni un spécialiste du droit canon. Les historiens nous montrent un François qui connaissait peu le latin et qui savait à peine écrire. La puissance de Dieu va se manifester dans la pauvreté de François. L’énergie et l’amour de l’Esprit Saint seront répandus dans la simplicité de la prédication comme l’avait dévoilé Jésus : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, les mystères de ton Royaume sont restés cachés aux sages et aux savants et tu les as révélés aux tout -petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir » (Mt 11, 25-26).

 C’est le pape Grégoire IX qui canonisera François en 1228, deux ans après sa mort survenue le 3 octobre 1226.

La rencontre avec le Sultan

Mû par l’amour de Jésus, dans le désir de le faire connaître et aimer, François n’a pas hésité à quitter son pays pour se rendre en 1219, à Damiette (Égypte) afin de rencontrer le Sultan Malek El Kamil. Cette démarche apparaît comme la graine du dialogue inter-religieux qui sera vécu de manière internationale par le saint pape Jean-Paul II à Assise en 1986. Le pape Benoît XVI élargira la participation des représentants des religieux aux agnostiques. Le pape François en février 2019, à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, plaidera pour la fraternité universelle, « tous frères », idéal prêché par saint François, le frère de Jésus.

Frère pauvre et proche de tous

En ce mois d’octobre, l’Église organise à Rome le Synode sur la synodalité qui réunit à la même table ronde des responsables ecclésiastiques, des religieux et des laïcs, dans un esprit de fraternité baptismale.

Saint François a épousé Dame Pauvreté pour devenir proche de tous sans les barrières créées par la richesse et le pouvoir. Il n’était pas masochiste mais témoin de Jésus qui est devenu dans sa Résurrection « prémices d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). Dans les quartiers riches nous pouvons lire souvent des panneaux : « villa piégée », « chien méchant ». Saint François a choisi la pauvreté pour devenir frère de tous, en commençant par les plus pauvres et vulnérables.

Stigmates

En cette fête de saint François, la liturgie de la Parole choisit le texte de saint Paul aux Galates : « Je porte dans mon corps les marques de Jésus » (Ga 6, 17). François a été configuré au Christ en recevant les stigmates comme aiment à le représenter les artistes peintres Giotto, Fra Angelico ….

Devenu aveugle, il compose le Cantique des créatures

N’attendons pas la perfection et l’abondance de moyens pour nous mettre à l’œuvre. Dieu veut accomplir des merveilles tels que nous sommes si nous mettons notre foi en lui. Poète et mystique, ami de l’écologie et des animaux, saint François a chanté la création qu’il ne pouvait contempler dans sa cécité qu’avec les yeux du cœur. Beethoven avait composé la Neuvième symphonie alors qu’il devenait sourd. Saint Jean de la croix écrivait ses poèmes mystiques sur la montée vers Dieu, enfermé dans la prison d’un couvent des carmes. Le travail de la grâce pascale se déroule dans le paradoxe.

La joie parfaite

Un jour, le frère Léon avait demandé à François de lui expliquer la joie parfaite. Celui-ci lui parla d’un frère mineur arrivé un soir sous la neige à la porte de son couvent et se heurtant au refus d’être accueilli par ses frères. Exténué après des heures de marche et de prédication, ce pauvre frère était appelé à vivre « la joie parfaite », la joie non du confort et des récompenses mondaines, mais la joie de l’Esprit de Jésus qui passe par la mort avant d’éclater dans l’allégresse de la Résurrection. Alors qu’il fait « gris » dans les cœurs des français, souvenons-nous de la joie du « Français », François voulait dire tout simplement « Français ».

Saint François et sainte Claire

François n’a rien d’un misogyne. Il a voulu une belle Famille franciscaine comme le prouve son amitié avec sainte Claire et le grand nombre de congrégations féminines franciscaines ainsi que les fraternités laïques franciscaines, les plus nombreuses au monde parmi les fraternités laïques.

Leader pendant sa vie et après la mort

L’exemple et la prédication de saint François ont attiré de son vivant des milliers de disciples. Maintenant, au Ciel, il continue d’agir et d’éclairer l’histoire de l’humanité.

Sur son lit de mort, saint Dominique avait déclaré à ses frères qui pleuraient : « Je vous serai plus utile au Ciel que sur la terre ». Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, continue de déverser des pétales de roses sur la terre, symbole des grâces que nous recevons par son intercession.

Confions à saint François nos projets, nos besoins, nos joies et nos peines, nos pauvretés et notre vulnérabilité. Le 3 octobre 1226, saint François passa à la Portioncule de ce monde au Père, étendu sur la terre nue. Avant de mourir, il avait béni ses frères. Qu’il nous bénisse aujourd’hui en sa fête !

 

                                                                 Fr Manuel RIVERO (O.P.)




Rosaire, radio Arc-en-ciel, le lundi 30 septembre 2024. Fr. Manuel Rivero O.P.

Bonsoir chers amis, du Rosaire.

En ce 30 septembre nous fêtons saint Jérôme, traducteur et commentateur des Saintes Écritures au V e siècle, à Bethléem, auteur de la Vulgate, version latine à partir des textes hébreux et grecs de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament.

N’oublions pas que les Évangiles et le Nouveau Testament ont été écrits en langue grecque et non en latin. Jésus parlait l’araméen et l’hébreu. Il connaissait peu le grec ou le latin, langue de l’Empire romain, cruel occupant d’Israël qui a crucifié Jésus. « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », enseigne saint Jérôme. La foi naît dans l’écoute de la Parole de Dieu ; Saint Jérôme a nourri son âme de la Parole de Dieu qui est « Esprit et Vie ».

Prier le Rosaire ou le chapelet c’est aussi « se nourrir du Pain vivant descendu du Ciel », Jésus le Christ, Parole vivante, Verbe fait chair.

Ce soir nous allons prier les mystères douloureux du Rosaire selon l’Évangile de saint Luc.

Faisons le signe de la croix, symbole de l’Amour de Dieu, fidèle et plus fort que la mort.

Tous : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Credo. Notre Père. 3 Ave Maria.

Premier mystère douloureux : La prière de Jésus à Gethsémani.

De l’Évangile selon saint Luc 22, 41s : « Jésus priait en disant : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne qui se fasse ! » Alors lui apparut, venant du ciel, un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre. »

A Gethsémani, la coupe évoque la souffrance. Dieu aurait pu sauver l’humanité sans passer par la douleur de la croix mais il a choisi de l’habiter pour la vaincre par la puissance de son amour divin plus fort que les forces du mal et de la mort.
A l’approche du supplice de la croix, Jésus transpire de grosses gouttes de sang. L’angoisse l’étreint ; son corps transpire plus que jamais. Entré en agonie, mot d’origine grecque qui veut dire « lutte », Jésus reçoit dans son combat du bien contre le mal le réconfort d’un ange. Ange veut dire « envoyé ». Dieu le Père ne laisse pas sans soutien ceux qui comptent sur lui
pour faire sa volonté d’amour.

Prions pour ceux qui entrent en agonie dans nos hôpitaux ou dans les guerres
en Ukraine, Russie, Gaza, Liban, Nigeria ….

Notre Père. Ave Maria. Gloria.
CD Sylvie Buisset chante Thérèse n°7 Aimer c’est tout donner.

Deuxième mystère douloureux : Jésus bafoué et frappé.

De l’Évangile selon saint Luc 22, 63s : « Les hommes qui gardaient Jésus chez le grand-prêtre le bafouaient et le battaient ; ils lui voilaient le visage et l’interrogeaient en disant : « Fais le prophète ! Qui est-ce qui t’a frappé ? » Et ils proféraient contre lui beaucoup d’injures. »

A l’île Maurice, le bienheureux père Laval se rendait souvent à la prison de Port-Louis pour rendre visite aux personnes détenues et leur apporter la grâce du Christ Jésus. Un jour, au moment de sortir de la prison, un prisonnier lui cracha au visage. Le père Laval, au lieu de se mettre en colère, enleva son chapeau et lui dit : « Merci de m’avoir mis à la place du Christ ».

Prions pour ceux qui sont aujourd’hui à la place du Christ, insultés et frappés injustement.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.
CD Sylvie Buisset chante Thérèse n° 12 Ta Face.

Troisième mystère douloureux : Jésus livré par Hérode à Pilate.

De l’Évangile selon saint Luc 23, 11 : « Hérode revêtit Jésus d’un habit splendide et le renvoya à Pilate. Et ce même jour, Hérode et Pilate devinrent deux amis, d’ennemis qu’ils étaient auparavant ».

La politique ! La politique rend amis des ennemis, par la recherche du pouvoir et de l’avoir, à l’image du roi Hérode et du préfet Pilate. Tous les deux ont en commun la lâcheté et l’ambition. Ils sont possédés par leurs possessions : honneurs, richesses, vaine gloire.

Prions pour les responsables politiques afin qu’ils servent le bien commun et non leurs intérêts personnels.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.
CD Sylvie Buisset chante Thérèse n°6 Dans le Cœur de l’Église.

Quatrième mystère douloureux : Le portement de la croix.

De l’Évangile selon saint Luc 23, 26 : « Les soldats mirent la main sur un certain Simon de Cyrène qui revenait des champs et le chargèrent de la croix pour la porter derrière Jésus. »

Simon de Cyrène n’a rien demandé. En voyant Jésus tomber sous le poids de la croix, les soldats l’ont saisi d’office pour que le condamné parvienne jusqu’au Calvaire. Au contact de Jésus, Simon de Cyrène frissonne. Il est bouleversé par la souffrance de ce Juste. Le sang de Jésus coule sur les habits et sur le corps de Simon de Cyrène. Sang sacré qui lave l’âme de Simon de Cyrène. Sang qui revêt de la grâce le cœur de Simon. Sang qui le sanctifie.

Prions pour ceux qui se dévouent au service des autres afin qu’ils évitent les murmures et qu’ils découvrent la présence du Christ Jésus en la personne des malades, des prisonniers, des étrangers, des personnes en deuil, des affamés et des assoiffés.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.
CD Sylvie Buisset chante Thérèse n°9 Non, je ne meurs pas.

 

Cinquième mystère douloureux : La mort de Jésus sur la croix.

De l’Évangile selon saint Luc 23, 33s : « Sur le Calvaire, Jésus priait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Puis, les soldats se partageant ses vêtements, ils les tirèrent au sort. Le peuple se tenait là, à regarder. Les chefs se moquaient : « Il en a sauvé d’autres, qu’ils se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se gaussaient de lui : s’approchant pour lui présenter du vinaigre, ils disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs ».

Avant de mourir, Jésus, notre avocat, a plaidé pour le pardon des pécheurs, frappés d’aveuglement : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Quel contraste entre les sentiments de miséricorde de Jésus et les moqueries des autorités juives et des soldats romains : « Sauve-toi toi-même ! ».
Demandons à Jésus la grâce de mourir avec ses sentiments de pardon et de piété filiale envers Dieu le Père.

Prions pour les familles qui se divisent au moment de la mort d’un parent souvent à cause de l’héritage. Seigneur Jésus, obtiens-nous du Père la grâce de l’Esprit Saint, Esprit de paix et d’unité !

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

CD. Sylvie Buisset chante Thérèse n°13 Si j’avais commis

…………………………….
Prions le Seigneur : Seigneur Dieu, tu as donné au bienheureux prêtre Jérôme de goûter la sainte Écriture et d’en vivre ; fais que ton peuple se nourrisse plus abondamment de ta parole et trouve en elle la source de la vie. Par JC …
Bonne fête à ceux qui sont sous le patronage de saint Jérôme dont notre préfet à La Réunion.
La prière de ce soir a été animée par Joëlle, Sonia, Henri à la technique et moi-même le frère Manuel, dominicain.

Bénédiction :

Informations :
Fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, mardi prochain le 1 er octobre et des anges gardiens mercredi le 2 octobre; fête de saint François d’Assise, le 4 octobre, messe chez les Franciscaines à l’Hôpital d’enfants à Saint-Denis, à 17h30.
Nous vous invitons à rejoindre les sœurs de la Fraternité apostolique Jésus miséricordieux qui animent des veillées de prière « Pétales de roses » en l’honneur de saint Thérèse de l’Enfant-Jésus : le dimanche 6 octobre à 15h à Petite-Île ; le dimanche 13 octobre à 14h au Port où je serai pour la prédication ; le dimanche 20 octobre à la paroisse de la Trinité à Saint-Denis, le dimanche 27 octobre à La Rivière-Saint Louis.

Bon Pèlerinage du Rosaire à Lourdes !
CD Sylvie Buisset chante Thérèse n°14 Tu nous aimes Marie.




« Nos anges gardiens » par Fr. Manuel Rivero O.P.

« Nos anges gardiens » 

Prédication pour la messe du 2 octobre 2024.

Monastère des moniales dominicaines. Saint-Denis/La Réunion.

 

« Chaque âme, dès sa naissance, a reçu de la part de Dieu un ange chargé de la garder », enseigne saint Jérôme (+420).

Véritables avocats des enfants, les anges plaident pour eux devant Dieu. Jésus souligne la protection des enfants par leurs anges gardiens : « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits enfants, car, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père » (Mt 18,10). 

On méprise l’enfant quand on ne veut pas qu’il naisse.

On méprise l’enfant quand on abandonne sa mère.

On méprise l’enfant quand on refuse de le reconnaître et de s’en occuper.

On méprise l’enfant quand il est battu violemment pour se défouler en contradiction avec la justice.

On méprise l’enfant quand on ne le conduit pas à la prière ni à la Parole de Dieu.

On méprise l’enfant quand on lui donne de mauvais exemples de vulgarité, de malhonnêteté ou de débauche.

On méprise l’enfant quand on critique sans cesse ou que l’on dévalorise sa mère ou son père.

Le meilleur cadeau qu’un père puisse offrir à son enfant est d’aimer sa mère.

Le meilleur cadeau qu’une mère puisse donner à son enfant est de respecter son père.

Les anges nous gardent non seulement des accidents ou des erreurs ; ils ont reçu aussi et surtout la mission de garder la lumière de notre foi en Dieu, l’intelligence du mystère de Jésus et de nous soutenir dans le combat spirituel : « Votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde en cherchant qui dévorer. » (1 P 5,8).

Dans l’Évangile, les anges chantent la gloire de Dieu à Noël. Les anges servent Jésus lors de la tentation au désert. Au Mont des Oliviers, la veille de sa Passion, un ange réconfortait Jésus en prière. 

Dans l’Ancien Testament, Jacob avait rêvé d’une échelle qui reliait la terre et le ciel ; les anges de Dieu y montaient et descendaient (Gn 28,12). Jésus a annoncé à Nathanaël l’accomplissement de cette vision de Jacob bouleversé par la présence de Dieu tout près de lui : « Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme » (Jn 1,51).

Lors de la résurrection de Jésus, un ange l’a annoncée aux femmes croyantes et fidèles disciples; les gardes chargés de garder le sépulcre devinrent comme morts à la vue de l’ange (cf. Mt 28, 1s). 

L’Apocalypse précise que les anges présentent à Dieu les prières des saints (Ap 5,8). Tout à l’heure, je prendrai la prière eucharistique 1, le canon romain, où le prêtre prie ceci : «Nous t’en supplions, Dieu tout puissant : que ces offrandes soient portées par les mains de ton saint ange en présence de ta gloire, sur ton autel céleste ». 

Nous célébrons la messe avec les anges et tous les saints dans une commune louange : « Saint ! Saint ! saint ! le Seigneur, Dieu de l’univers ! ».

Les anges adorent Dieu. Les chrétiens vénèrent les anges. Le Christ Jésus étant le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, le seul Sauveur.

C’est pourquoi il importe de réfléchir aux choix des mots et des images. Par exemple, pour la médaille de baptême, il convient de choisir l’image du Sacré-Cœur ou la Vierge à l’Enfant plutôt qu’un ange même si les anges, messagers de Dieu, sont bons et bénéfiques.

Puissent nos anges gardiens nous conduire en Paradis quand le Seigneur nous rappellera au moment de la mort comme ils l’ont fait envers le pauvre Lazare dans la parabole de Jésus dans l’Évangile (cf. Lc 16,22). 




La synodalité à la lumière de la doctrine sociale de l’Église et de la théologie de la communication par Fr. Manuel Rivero O.P.

L’Église vit une nouvelle démarche synodale. Il ne s‘agit pas d’une innovation pour le plaisir de la nouveauté. Jésus lui-même, ressuscité d’entre les morts, a marché avec les disciples d’Emmaüs. Le mot synode, d’origine grecque, veut dire « marcher ensemble ». Le Seigneur Jésus continue aujourd’hui de marcher avec ses disciples. Sur la route de Jérusalem à Emmaüs, Jésus a conversé avec Cléopas et un autre disciple dont nous ignorons le prénom. La révélation divine s’est déployée sous forme de marche et de dialogue.
L’esprit synodal nous fait vivre et revivre la pédagogie révélée par Jésus lui-même : il rejoint ses disciples découragés après le Vendredi saint ; en silence il marche avec eux, il commence par les écouter, ensuite il leur pose des questions ouvertes, non intrusives, pour qu’ils expriment avec leurs propres mots les pensées et les émotions qui traversent leur cœur (cf. Lc 24, 13s). Les disciples relisent l’histoire de la Passion avec Jésus. Jésus leur explique alors que « la défaite, la perte, le traumatisme, la mort sont inévitables mais qu’ils ne détruisent définitivement rien ».
En suivant l’exemple de Jésus, les réunions synodales à Rome et partout dans le monde ont rassemblé des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses et des laïcs dans la fraternité baptismale, commun dénominateur, ciment et gloire des fidèles chrétiens, renés de l’eau et de l’Esprit Saint à la vie nouvelle des enfants de Dieu. Le choix des tables rondes symbolisait l’égale dignité des baptisés et la coresponsabilité dans l’Église.
Il me semble bon de relier la démarche synodale aux six principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église qui illuminent et rehaussent la vocation et la mission des chrétiens, disciples-missionnaires, appelés à sanctifier la création et les relations humaines.
Si la doctrine sociale de l’Église comporte une immense richesse d’enseignement, il convient d’en mettre en valeur les six principes suivants : la dignité, le bien commun, la subsidiarité, la participation, la destination universelle des biens et la solidarité.

1) La dignité humaine. Concept difficile à définir du point de vue juridique, il n’en demeure pas moins la matrice de tous les droits et devoirs humains . Pour les chrétiens, la dignité de l’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, est égale pour tous, universelle, absolue, intrinsèque, inaliénable. Toute personne humaine, avant et après sa naissance, même malade, handicapée ou très âgée, garde sa dignité, don du Créateur .
Nous avons à différencier la dignité et les dignités. La dignité humaine dépasse l’importance éphémère des dignités sociales liées aux fonctions politiques et aux rangs éminents.
Le comportement humain s’avère indigne quand il traite les autres comme des moyens et non comme des buts. Les êtres humains ne sont pas des moyens pour satisfaire l’ambition des dictateurs ni la soif de l’argent ou des plaisirs. L’homme est la seule créature que Dieu a voulue pour elle-même. Dans la vie morale, la fin ne justifie pas les moyens. Il arrive que l’on aime les choses et que l’on se serve des personnes alors qu’il serait juste d’aimer les personnes et de se servir des choses.
Sa création arrive au terme et au sommet de l’œuvre de Dieu au commencement du monde. L’homme reçoit alors un souffle de vie autre que les animaux. « Capax Dei », « capable de Dieu », l’homme peut partager la sagesse divine.
La reconnaissance de la dignité humaine se manifeste dans le respect qui suppose un deuxième regard au-delà des clichés et des préjugés. Respecter une personne équivaut à la regarder une deuxième fois avec prudence et humilité devant le mystère de chacun. Les sociologues montrent qu’en rencontrant une personne nous nous en faisons une idée en quelques secondes d’après son physique, sa coiffure, ses vêtements, son accent et ses gestes. Pourtant que peut-on savoir de quelqu’un en quelques secondes alors que nous-mêmes nous nous connaissons si peu et si mal !
Le concile Vatican II enseigne que « par l’Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Gaudium et spes n° 22). L’humanité de Jésus, commun dénominateur de tous les hommes avec la sainte Trinité, fait resplendir la dignité humaine de la lumière de la Résurrection, victoire sur les puissances de mort. Les baptisés deviennent membres du Corps du Christ. Le pape saint Léon le Grand prêchait dans un admirable sermon de Noël en 461 : « Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens et de quel Corps tu es membre. Souviens-toi que tu as été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la lumière et le Royaume de Dieu » (Sermon de Noël 7,6). La synodalité repose sur cette dignité de la personne.


2) Le bien commun. Cette expression évoque le bien et ce qui est commun alors que « l’intérêt général » renvoie à un gain et à ce qui reste général au risque de favoriser les groupes de pressions économiques et politiques. Si la définition du bien commun donnée par le concile Vatican II semble de prime abord complexe, elle révèle sa richesse et sa précision : « Cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (Gaudium et spes, n° 26).
Le bien commun respecte la dignité et la liberté personnelles, sans tomber dans l’individualisme et l’existence sans but, tout en exigeant des conditions sociales qui permettent l’égalité des chances et la perfection intégrale des groupes intermédiaires et de ses membres.
Le bien commun n’est pas défini à l’avance, il advient par les choix libres et sages des personnes. La synodalité représente à son tour une recherche du bien des groupes et des personnes dans l’écoute active réciproque, le dialogue et le débat contradictoire, en évitant les approches idéologiques et fixistes. Il s’agit d’un équilibre dynamique vécu à la manière du personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier (+1950) qui ne séparait pas la personne de sa communauté et de sa vocation communautaire.
La recherche du bien commun s’oppose au « moi d’abord » et « après moi le déluge ».
Le bien commun apporte une vision de l’homme, de la société et de l’histoire où l’homme travaille en synergie avec les autres et de manière responsable.
La vision surnaturelle de l’Église s’accorde avec le développement personnel et collectif.
La mission apostolique des chrétiens consiste non pas dans une démarche de prosélytisme mais dans « la création des conditions pour que chacun puisse rencontrer personnellement le Christ Jésus, à cœur ouvert ».

3) Le principe de subsidiarité. Ce principe suppose que « chacun doit pouvoir faire tout ce qu’il est capable de faire dans l’exercice de ses responsabilités ». L’étymologie du mot subsidiarité, du latin subsidium, désigne l’aide et le soutien. La subsidiarité ne se réduit pas à une délégation qui descendrait des responsables vers les subalternes. La subsidiarité est un droit qui part du bas vers le haut et qui consiste à exiger des autorités responsables la reconnaissance de l’autonomie nécessaire dans l’exercice du travail ainsi que le soutien pour mener à bien les missions reçues et simultanément le développement des compétences. Chacun à son niveau demeure responsable des fonctions confiées. Bien évidemment, en cas de faute ou d’incompétence, il revient à l’autorité supérieure d’agir en conséquence pour préserver le bien commun et la finalité de la communauté. « La confiance n’exclut pas le contrôle », dit la devise de la Banque de France. Tout au contraire, le fait de contrôler est alors synonyme d’accompagner et de garantir l’honnête réussite des missions, à l’image d’un écosystème où tous dépendent de tous.
La synodalité dans l’Église applique le principe de la subsidiarité de manière à ne pas infantiliser les laïcs ni à les cléricaliser non plus, dans le souci de la croissance des fidèles dans la vie théologale et la compétence requise pour exercer les ministères de catéchiste, de gestion, d’animation liturgique …
Le principe de subsidiarité suscite une culture de l’encouragement et de l’inclusion où chacun grandit personnellement dans la conscience de former un « nous » avec les autres.


4) La participation. Ce concept de participation traverse la doctrine sociale de l’Église. Il ne correspond pas à une simple politique démocratique avec des majorités lors des votes. À partir d’une vision humaniste intégrale, le chrétien est appelé à participer dans tous les domaines : familial, économique, social, politique, ecclésial … Créé créateur, libre et responsable, l’homme a pour mission de gouverner le monde avec sagesse.
Dans l’Église le chrétien, en synergie avec la grâce de l’Esprit Saint, participe aux décisions et à la prise en charge de la mission d’évangélisation. Dans les diocèses et dans les paroisses, les conseils pastoraux, économiques, liturgiques et autres, comptent sur la participation active des baptisés, chargés de mission de par leur baptême et leur confirmation : « À plusieurs nous sommes plus intelligents que tout seul ». L’Esprit Saint se plaît à manifester sa volonté dans les conciles et les rassemblements vécus dans la foi et la prière.
Il s’agit d’une démocratie théologale et non pas d’un simple « management » participatif qui pourrait résulter des politiques économiques. Habités par le Saint-Esprit, tous les baptisés sont envoyés pour témoigner de leur foi au cœur de la société et de l’Église. La synodalité reconnaît cette mission des fidèles reçue dans les sacrements de l’initiation chrétienne et elle favorise sa mise en œuvre.
Saint François de Sales n’hésitait pas à affirmer : « Si tu veux apprendre, enseigne ». De son côté, le saint pape Jean-Paul II déclarait aux catéchistes : « La foi grandit quand on la donne ». Le chemin se fait en marchant. En biologie, la fonction fait l’organe. Il ne convient pas d’attendre la perfection pour participer à la marche de l’Église.
Le mot participation fait partie des trois mots-clés du synode : communion, participation, mission. « La synodalité s’apprend par expérience », déclare sœur Nathalie Becquart, Xavière, sous-secrétaire du Secrétariat général du Synode. Il s’agit de « devenir synode », en commençant par la famille où le couple vit dans le dialogue un « mini-synode » comme le montre la pratique des couples, membres des Équipes Notre-Dame, quand ils prennent rendez-vous pour vivre en vérité la conversation spirituelle dans l’Esprit Saint .
La participation constitue un droit et un devoir. Ne pas participer à la vie politique et ecclésiale peut relever d’un péché d’omission trop souvent passé sous silence ou banalisé.
Dans le mystère de la Rédemption, Dieu n’a pas voulu nous sauver sans notre concours.
Dans son œuvre « Le dialogue » (1,6), sainte Catherine de Sienne dévoile la volonté de Dieu qui a tenu à partager ses grâces de manière à ce que les hommes aient besoin les uns des autres. « J’ai besoin de la vérité des autres », affirmait le bienheureux évêque dominicain assassiné en Algérie, Pierre Claverie O.P. (+1996).

Prière du père Guy Gilbert :
« Dieu seul peut créer, mais tu peux valoriser ce qu’Il a créé.
Dieu seul peut donner la vie, mais tu peux la transmettre et la respecter.
Dieu seul peut donner la santé, mais tu peux orienter, guider, soigner.
Dieu seul peut donner la foi, mais tu peux donner ton témoignage.
Dieu seul peut infuser l’espérance, mais tu peux rendre la confiance à ton frère.
Dieu seul peut donner l’amour, mais tu peux apprendre à l’autre à aimer.
Dieu seul peut donner la joie, mais tu peux sourire à tous.
Dieu seul peut donner la force, mais toi tu peux soutenir un découragé.
Dieu seul est le chemin, mais tu peux l’indiquer aux autres.
Dieu seul est la lumière, mais tu peux la faire briller aux yeux des autres.
Dieu seul est la vie, mais tu peux rendre aux autres le désir de vivre.
Dieu seul peut faire de miracles, mais tu peux être celui qui apporte les cinq pains et les deux poissons.
Dieu seul pourra faire ce qui paraît impossible, mais tu pourras faire le possible.
Dieu seul se suffit à Lui-même mais il a préféré compter sur toi !
Ainsi soit-il. ».

5) La destination universelle des biens. Pour les chrétiens, Dieu a créé la Terre pour tous : « La Terre est à tous ». Qui est propriétaire de la Terre sinon son Créateur ? Le principe de la propriété privée reste subordonné au principe de la destination universelle des biens. Le saint pape Jean-Paul II enseigne dans son encyclique « Laborens exercens » (14 septembre 1981) que l’on ne peut pas « posséder pour posséder ». Le capital, fruit du travail, est au service du travail et non l’inverse.
L’option préférentielle pour les pauvres relève du principe de la destination universelle des biens. Quand une mère de plusieurs enfants voit l’un d’eux malade, c’est vers lui que vont ses soins, non pas parce qu’il serait bon ou qu’il le mériterait, mais parce qu’il en a besoin. Dans la Bible, Dieu a des entrailles maternelles, et il agit comme une mère envers son enfant souffrant et nécessiteux.
La synodalité accorde aussi une place privilégiée aux personnes pauvres et vulnérables, membres du Corps du Christ, parce qu’elles en ont besoin. Leur dignité demeure intacte dans la maladie, la prison ou l’échec. Les hommes ne sont pas propriétaires de la Terre, ils n’en sont que des locataires et des gestionnaires. « Qu’as-tu que tu n’aies pas reçu ? Alors pourquoi t’en glorifier ? » (I Cor 4,7), s’exclame saint Paul.
Le partage de bien comprend non seulement les biens matériels mais aussi les savoirs et les biens spirituels. La conversation spirituelle, expérience d’écoute et de partage des moments de grâce, manifeste que Dieu donne ses grâces au profit de tous. Le bénéficiaire de la miséricorde divine aurait tort de laisser improductif ce que Dieu lui a accordé en pensant au bien de tous. Le partage des faiblesses et des échecs crée plus de liens humains que la description des qualités et des succès. La force de Dieu se déploie dans la faiblesse humaine. Le Seigneur élève les humbles, comme le chante le Magnificat de la Vierge Marie.
Dans l’Église, mystère de communion, les chrétiens mettent en commun leurs richesses intellectuelles et amicales, en créant des relations et se soutenant les uns les autres.

6) La solidarité. « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9-11), se demandait Caïn, meurtrier de son frère Abel. Membres de l’humanité, les hommes sont responsables les uns des autres.
Saint Paul compare l’Église à un corps humain où chaque membre a besoin des autres membres (I Cor 12, 12-30).
Dans la synodalité, chaque chrétien reconnaît son besoin des autres.
Le père Henri Caffarel (+1996), fondateur des Équipes Notre-Dame (https://www.equipes-notre-dame.fr/), avait répondu aux questions de certains couples lors des premiers pas de ce Mouvement : « Cherchons ensemble ! ». C’est dans cet esprit qu’il créa les Équipes Notre-Dame où des couples et des prêtres, conseillers spirituels, cherchent ensemble.
Saint Albert le Grand O.P. (+1280) aimait à décrire l’ordre des Prêcheurs comme « une recherche de la vérité dans la douceur de la fraternité ». La synodalité c’est bien une recherche commune dans la douceur de la fraternité baptismale.

 

La synodalité à la lumière de la théologie de la communication

La synodalité représente une expérience de théologie pratique où les chrétiens découvrent l’action de l’Esprit Saint à travers le rassemblement, l’écoute et le partage sur leur vie de foi au Christ Jésus.
Comment définir la communication ? La communication peut se définir de manière abrégée comme « une mise en commun ».
Le Dieu des chrétiens est relation et communication. Il se révèle dans l’histoire de l’humanité. Il appelle et il envoie. Saint Jean écrit : « Dieu est Amour » (I Jn 4,16).
Les chrétiens font l’expérience de Dieu et ils en témoignent.
La théologie comme l’indique son étymologie traite du mystère de Dieu. Dans la révélation biblique, Dieu qui est Esprit invisible, se manifeste comme un être de communication. Il établit le dialogue avec l’humanité à travers la création et la révélation biblique. La création et la Bible forment ces deux livres qui le font connaître. Dans son Épître aux Romains, saint Paul voit dans les œuvres visibles de la création le dévoilement de l’invisible divin (cf. Rm 1,20). Le cardinal Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, relie la communication humaine au mystère de Dieu : « Nous connaissons Dieu par l’histoire qu’il a vécue avec les hommes. Comme la nature d’un homme se manifeste dans l’histoire de sa vie et dans les relations qu’il noue, de même Dieu se rend-t-il visible dans une histoire, dans des personnes humaines, à travers lesquelles transparaît sa propre nature, de façon qu’à travers elles, on puisse le nommer et qu’en elles on puisse le connaître, lui, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob . »
Dieu seul parle bien de Dieu. C’est pourquoi la théologie repose sur les saintes Écritures inspirées par le Saint-Esprit.
Dans la synodalité, la Parole de Dieu occupe la première place. Les participants des démarches synodales se mettent à l’écoute de l’Esprit Saint en partageant les saintes Écritures. En effet, la foi naît de l’écoute de la Parole de Dieu qui éclaire et sanctifie : « J’oserai dire que l’Écriture sainte est, comme les sacrements, une chose sainte », écrivait le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem.
Alors que d’aucuns voient dans les rassemblements synodaux des bavardages inutiles ou idéologiques, il convient de souligner que la démarche synodale naît de la révélation biblique et qu’elle est expérience de Dieu, relecture de l’expérience et interprétation communautaire des signes et des événements, en un mot une œuvre de théologie pratique de communication appelée à devenir communication pratique de la théologie par le témoignage et les orientations qui s’en suivent. Aventure dans l’Esprit Saint.
La théologie de la communication étudie sous l’angle de la communication le mystère de Dieu en lui-même, dans sa révélation biblique, ainsi que dans ses manifestations externes. Pour la foi catholique, Dieu est communication ou plutôt communion d’amour du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Aussi la Trinité constitue-t-elle la source, le modèle et la finalité de la communication humaine.
Il est à remarquer que certains mots devenus des mots-clés de la communication actuelle, notamment sur Internet, relèvent d’une longue histoire de l’Église : partage, icône, communauté …
La théologie de la communication aspire à répondre à plusieurs questions lancinantes dans le cœur humain : « Qui est Dieu ? Pourquoi Dieu va-t-il à la rencontre de l’homme ? Comment Dieu communique-t-il avec les hommes ? D’où vient la soif de communication et d’amour du cœur humain ? Que se passe-t-il dans l’acte de communiquer et d’aimer ? Y a-t-il un lien entre la communication humaine interpersonnelle et communautaire et le mystère de Dieu ? En quoi la communication humaine dit-elle quelque chose de Dieu ? À quelle communication l’homme est-il appelé aujourd’hui ? Quels moyens faut-il utiliser aujourd’hui pour communiquer avec Dieu et avec autrui ? ».
La théologie est un discours sur Dieu dans la lumière de la foi. Sans la foi, il reste possible de faire de l’analyse des textes, de la sociologie et de l’histoire mais non de la théologie. Dans cette science divine, l’homme regarde le monde avec les yeux de Dieu comme l’enseigne saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique : « Dans la doctrine sacrée, on traite tout « sous la raison de Dieu », ou du point de vue de Dieu, ou bien que l’objet d’étude soit Dieu lui-même, ou bien qu’il ait rapport à Dieu comme à son principe ou comme à sa fin . »
La synodalité devient ainsi une manière de faire de la théologie et de la théologie communicative qui se prête à la transmission de l’expérience de Dieu aujourd’hui. La méthode synodale favorise l’expression de l’expérience de Dieu chez chaque personne. Ces expériences, de véritables fiorettis, aboutissent à des bouquets riches en fruits et fleurs différents selon les dons de l’Esprit Saint. Il revient aux animateurs de jouer le rôle de sage-femme dans une maïeutique socratique qui rappelle celle de Jésus dans son dialogue avec les disciples d’Emmaüs.
Le cardinal Carlo Maria Martini avait écrit à l’approche de sa mort ces réflexions : « Faire l’expérience de Dieu est la chose la plus facile et, en même temps, la plus importante dans la vie. Je pense faire son expérience dans la nature, dans les étoiles, dans l’amour, dans la musique et la littérature, dans la parole de la Bible et de bien d’autres manières encore. C’est un art d’être attentif, un art qu’il faut apprendre au même titre que l’art d’aimer ou l’art de réussir ses travaux ». L’art de contempler la Beauté.
La synodalité se situe aux antipodes de l’esprit de domination ou de la séparation hiérarchique entre ceux qui savent et les ignorants, comportements qui débouchent sur les attitudes de surplomb sur autrui.
En ce sens, la synodalité représente un chemin de conversion à la fraternité et l’humilité évangéliques où tous sont sur le même plan par rapport à Dieu. Comme aimait à le prêcher le bienheureux père Jean-Joseph Lataste O.P. (+1869), apôtre des prisons, soit Dieu relève ceux qui tombent, soit il les empêche de tomber ; le résultat étant le même : tous les hommes sont sauvés et ils se retrouvent au même niveau dans la joie du Salut du Seigneur qui fait miséricorde.

[1] Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia, q.1, a. 7.

[1] Carlo Maria Martini, Le rêve de Jérusalem. Entretiens avec George Sporschill sur la foi, les jeunes et l’Église. Paris, DDB, 2009, p. 18.




Homélie pour la fête de saint Jean Chrysostome (13 septembre 2024) par Fr. Manuel Rivero O.P.  

Monastère des moniales dominicaines, Saint-Denis/La Réunion, le 13 septembre 2024.

 

Dignité humaine et dignités sociales

 

« Dieu ne m’écoute pas », entendons-nous dire souvent. Qui n’écoute pas qui ? Écoutons-nous Dieu ?

Nous faisons mémoire aujourd’hui de saint Jean Chrysostome. Jeune, il s’est mis à l’écoute de l’Esprit Saint en lisant les Saintes Écritures, source de réconfort dans les épreuves de l’existence. En répondant à l’appel de Dieu, Jean Chrysostome est devenu moine. Le mot moine dérivé du grec « monos » évoque la simplicité et l’unité intérieure plutôt que la solitude. Tiraillé par les passions humaines, Jean choisit la voie de l’unification par la prière et la charité. Avant d’assumer la charge d’évêque et de prédicateur, Jean a livré la lutte contre l’orgueil pour échapper à l’hypocrisie : « Enlève la poutre de ton œil avant de critiquer la paille dans l’œil de ton frère ».

C’est dans l’humilité, c’est-à-dire dans la lucidité et la vérité, que Jean a suivi son Maître Jésus. A l’image de Jésus, il a subi la persécution. Il meurt en exil, exténué.

Surnommé « bouche d’or » à cause de son éloquence, Jean, patriarche de Constantinople, a défendu vigoureusement la dignité des pauvres contre l’arrogance des puissants.

 

Attaché à la valeur sacrée de la liturgie et de la messe, saint Jean Chrysostome a mis en lumière « le sacrement du frère », membre du Corps du Christ : « Dieu veut des âmes d’or et non des calices d’or ». Dans l’eucharistie nous recevons le Corps du Christ. En la personne des pauvres et des malades, nous rencontrons aussi le Corps du Christ. Nous méprisons le Corps du Christ quand nous méprisons les pauvres.

Évêque, Jean a défendu la dignité de tout homme, en commençant par les plus vulnérables et malheureux.

Nous avons à différencier la dignité et les dignités. En ce moment, nombreux sont les candidats aux dignités dans le gouvernement ; ces fonctions politiques qui donnent des rangs éminents. La dignité humaine dépasse l’importance éphémère des dignités sociales. Évitons de faire un contresens ; ce ne sont pas les dignités qui rendent dignes les personnes mais la personne humaine qui accorde de la dignité au travail et à tout ce qu’elle fait avec sagesse et amour.

Par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est uni d’une certaine manière à tout homme. Jésus élève la dignité humaine.

Pour les chrétiens, la dignité humaine est égale pour tous, universelle, absolue, intrinsèque, inaliénable. Inhérente à la personne, la dignité humaine fonde les droits et les devoirs humains dont elle est la matrice. Toute personne humaine, avant et après sa naissance, même malade, handicapée ou âgée, garde sa dignité, don du Créateur.

Notre comportement s’avère indigne quand nous traitons les autres comme des moyens et non comme des buts. Les êtres humains ne sont pas des moyens pour satisfaire l’ambition des dictateurs, ni la soif d’argent ou des plaisirs. L’homme est la seule créature que Dieu a voulue pour elle-même.

Si l’humanité a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, Jésus conduit à Dieu le Père ceux qui croient en lui, les libérant du mal, du mal-être, du péché et de la mort. L’humanité de Jésus, le Verbe fait chair, fait resplendir la dignité humaine. « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité », enseigne saint Paul (1 Tm 2,4).

C’est pourquoi le Pape saint Léon le Grand prêchait dans un admirable sermon de Noël en l’an 461 : « Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens et de quel Corps tu es membre. Souviens-toi que tu as été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la lumière et le Royaume de Dieu » (Sermon de Noël 7,6).

Ne dis pas : « Dieu ne m’écoute pas ». Écoute plutôt ce qu’Il te dit.

 

 

 

 

 

 

 




La Paix est possible par Fr Manuel RIVERO, O.P.

 

« Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie » (Mt 15,21-28).

Cet Évangile nous fait voyager au Liban. Jésus entre dans la région de Tyr et de Sidon où il va délivrer du pouvoir démoniaque la fille d’une femme cananéenne, étrangère, païenne, qui manifeste une grande foi en lui, « fils de David ».

L’occasion nous est donnée de prier pour la population libanaise qui souffre de la faillite économique et des conflits armés. Portons dans notre eucharistie les chrétiens du Liban, de moins en moins nombreux à pouvoir vivre sur place. Prions pour les chrétiens persécutés en Orient et Afrique, témoins du Christ dans la douleur et la mort.

Nous sommes menacés par une troisième guerre mondiale. La guerre est toujours « une défaite de l’humanité », avait déclaré le saint pape Jean-Paul II au corps diplomatique en 2003. Le pape François nous rappelle que l’on ne gagne pas la guerre mais la paix.

Travaillons pour la culture de la paix et non pour la guerre. Gagnons la paix et non la guerre.

Le démon pousse à la violence et à la mort. Dieu ne veut pas la guerre. Chaque jour nous assistons au risque de nous habituer au spectacle de la destruction massive des personnes et des biens en Ukraine, à Gaza, dans la République démocratique du Congo, en Birmanie …

Les chrétiens ne se résignent pas à ce désordre mondial. A travers la doctrine sociale de l’Église, ils proposent un nouvel ordre mondial, fondé sur la justice, la paix, le respect de la dignité inhérente à chaque personne humaine, le bien commun et la solidarité.

Jésus, non violent, artisan de paix, nous donne son Esprit Saint, Esprit de force et d’amour, pour vaincre le mal par le bien. Il ne s’agit pas de tomber dans un pacifisme naïf. Nous constatons que les dites « solutions militaires » ne fonctionnent pas pour résoudre les conflits qui s’éternisent en laissant chaque jour dans les villes et les campagnes une multitude de blessés, de morts, de veuves et des orphelins. Nous avons à emprunter d’autres voies que la guerre pour dépasser les conflits. Le Saint-Siège met en garde contre les dangers des armes nucléaires, du dérèglement climatique et de l’intelligence artificielle utilisée pour la destruction.

La théorie de « la guerre juste » invoquée pendant des siècles perd de sa pertinence à cause l’énorme puissance destructrice des nouvelles armes et du risque d’extension des conflits à des guerres mondiales.

Le fondateur de droit international, le frère dominicain Francisco de Vitoria O.P., enseignait déjà à l’université de Salamanque en 1539 que « la guerre ne doit pas provoquer plus de maux qu’elle ne cherche à éviter par la réaction violente ».

La paix est possible.

Personne n’a de solution « magique » à ces conflits qui découlent de plusieurs causes. L’Église pense que la paix est la seule solution et elle propose la justice et le dialogue, la négociation et les accords diplomatiques internationaux. Seuls le respect, la confiance mutuelle et la solidarité pourront dépasser les guerres qui ont à la base le désir de domination et de possession, le mépris et la haine.

« La violence commence là où le dialogue s’arrête », déclarait la philosophe Hannah Arendt (+1975).  Le philosophe français Albert Camus (+1960) dénonçait déjà il y a 70 ans l’attitude passive de certains citoyens : « Je vous méprise, disait-il, parce qu’ayant des moyens pour faire tant de choses vous avez osé si peu ».

Ce serait se faire illusion que de penser que la paix arrivera par la multiplication des armes et des armes nucléaires. La guerre froide entre les grandes puissances n’apportera pas la paix mais le commerce des armes et la pauvreté.

Il s’avère nécessaire de réformer et de refonder l’ONU, inefficace, qui ne correspond plus aux besoins. La réforme de l’ONU passe par la reconnaissance démocratique des nations. A l’heure actuelle, le Conseil de sécurité des Nations Unies utilise fréquemment le droit de véto imposée par les grandes puissances. En cinq mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a utilisé six fois le droit de véto. Il convient de parvenir à une autorité publique universelle qui respecte et fasse respecter les droits des personnes et des nations de manière démocratique.

Un proverbe qui transmet l’expérience populaire enseigne : « Pas de paix dans le monde sans paix entre les peuples, pas de paix entre les peuples sans paix en famille, pas de paix en famille sans paix en moi, pas de paix en moi sans paix avec Dieu ».

Demandons à l’Esprit Saint de nous donner la pensée du Christ Jésus pour penser la paix d’une manière nouvelle et « penser d’une manière nouvelle l’homme et la vie en commun avec des hommes » (saint pape Paul VI).

Alors la paix viendra et les tentations meurtrières du démon seront vaincues.

« Amour et vérité se rencontreront, justice et paix s’embrasseront » (Ps 85, 11).

Amen.

                                                           Fr Manuel Rivero (O.P.)

 

 

 

 




Communiqué de personnalités réunionnaises de toutes confessions religieuses (5/07/24)

Pour accéder au texte, cliquer sur le lien suivant :

Communiqué Personnalités Réunionnaises




La pédagogie du projet comme facteur de développement par Fr. Manuel Rivero O.P.

Professeur à l’UCM de Tananarive. Doyen de la faculté des sciences sociales de DOMUNI-universitas https://www.domuni.eu/fr/

Les changements sociaux commencent à l’école. Parmi les méthodes pédagogiques qui favorisent le développement figure la culture du projet : mise en œuvre des potentialités, le sens de la participation et de la responsabilité, la confiance en soi-même, la connaissance de soi, le goût d’entreprendre et le leadership, la cohésion sociale, la création des relations entre les institutions, les partenariats, les sponsors …

La culture du projet engendre des innovations dans tous les domaines : personnel, social, économique, politique, artistique … L’économie contemporaine repose sur l’offre et non seulement sur la demande. Il s’agit d’offrir de nouveaux produits : « Si l’on innove sur le marché on gagne, si l’on répète on perd ».

L’étymologie du mot « projet », « pro-jet », désigne une vision, « voir en avant », « pour-voir ». Le projet suppose de « pré-voir », d’être aussi pro-actif ; à partir d’une problématique les parties prenantes du projet parviennent à une prospective et à une mise en perspective.

Un projet peut être défini comme « un ensemble d’activités visant à atteindre dans des délais fixés et avec un budget donné, des objectifs clairement définis [1]».

Un projet représente un processus d’apprentissage et non seulement un résultat. D’après des études en pédagogie, l’élève retient 10% de ce qu’il entend et 75% de ce qu’il a mis en pratique.

Il y a plusieurs types de savoir : savoir être, savoir vivre, savoir-faire, savoir apprendre, savoir transmettre. Ces différents savoirs apparaissent et grandissent quand le projet est bien organisé et conduit.

Il s’agit d’une pédagogie active où l’élève apprend en faisant. Il y a différentes manières d’apprendre : lire, écouter, copier, mémoriser, restituer …  Les études en psychologie montrent que c’est en faisant que l’élève assimile le mieux une connaissance. Par ailleurs, saint François de Sales n’hésitait pas à déclarer : « Si tu veux apprendre enseigne ». Enseigner ce que l’on a appris représente une étape supérieure dans la maîtrise d’une matière. En effet, ce qui paraît simple à l’écoute peut se manifester complexe dès qu’il s’agit de le faire comprendre à une autre personne. Des subtilités inaperçues et la culture de l’élève peuvent susciter de nouveaux problèmes au professeur.

Le développement économique suppose des moyens matériels, des moyens de production et des capitaux,  mais il passe aussi et surtout par des capitaux humains. Des personnes différentes en fonction de leurs attitudes et compétences obtiennent des résultats fort divers à partir des mêmes moyens matériels ou financiers.

Parmi les causes d’échec et de sous-développement figurent plusieurs facteurs psychologiques et culturels : individualisme, corruption, faible esprit d’entreprise, incapacité à travailler en équipe, à organiser et à planifier …

Outre les objectifs précis et divers des projets à atteindre, cette pédagogie  apporte aussi dans son déploiement des fruits pour les personnes au-delà des résultats matériels. Les personnes grandissent humainement et acquièrent des compétences relationnelles. Le capital matériel et le capital humain grandissent en synergie.

La gestion des projets s’applique à des objectifs de développement comme planter des arbres ou creuser des puits mais pas uniquement, la culture et la connaissance religieuse y ont aussi leur place : pèlerinages, découvertes des églises et des musées, visites à des lieux archéologiques ou historiques, organisation des jeux sportifs … Le projet peut être modeste comme l’organisation de la découverte d’un lieu historique ou importants du point de vue financier comme la construction d’une école. Dans tous les cas, il faudra de la rigueur dans l’organisation et dans la tenue des budgets avec le calcul des coûts et des recettes.

Enseignant en doctrine sociale de l’Eglise depuis de longues années, aumônier d’enfants et de jeunes, accompagnateur spirituel des chefs d’entreprise, je suis convaincu de la pertinence de la culture du projet pour le développement de la personnalité, de l’économie et de l’esprit citoyen. Plutôt que d’attendre des aides financières extérieures ou l’avènement de chefs providentiels qui changeraient tout, il me semble préférable et plus heureux de compter sur les forces disponibles et de développer les talents comme l’enseigne Jésus dans une parabole où sont félicités ceux qui font grandir les richesses et où durement condamné celui qui ne faisait que se plaindre et critiquer dans la paresse (Mt 25,14s).

À l’image des stars du football qui ont commencé à s’entraîner dès l’enfance dans les écoles du sport, le changement politique et économique passe aussi par une longue et persévérante pédagogie à déployer à l’école et en catéchèse.

L’Église catholique compte sur un grand nombre d’enfants et de jeunes dans les paroisses et dans l’Enseignement catholique. Ils représentent une puissance démographique et créatrice dans la société civile : prêtres, religieuses, catéchistes, parents, professeurs, élèves …

Il est possible d’inclure la culture du projet au cœur de l’enseignement et de la catéchèse. D’ailleurs, des experts en éducation proposent des programmes pour les enfants ayant quatre buts et non pas trois : lire, compter, écrire et faire des projets.

Une éducation fondée sur la participation et le travail en équipe ne peut que favoriser l’arrivée d’une démocratie riche en liberté, intelligence et sens du bien commun.

En œuvrant ensemble, les inconnus ne sont plus estimés comme des dangers ou des ennemis mais comme des partenaires et des chances pour aller plus loin. La gestion des projets met sur le chemin d’une conversion des mentalités en faisant passer du repli sur soi et de la méfiance à la collaboration dans la solidarité.

La mise en route de la culture du projet suppose la maîtrise élémentaire de ses étapes, aisée à intégrer dans les formations ainsi que la connaissance des risques, des menaces et des chances, des forces et des faiblesses.

Voici les 4 étapes fondamentales de la gestion du projet : 1) Partir des besoins  et discerner ensemble sur la faisabilité du projet ; 2) préparer le projet ; 3) exécuter le projet ; 4) évaluer le projet, tirer des enseignements et remercier[2].

Certains experts estiment comme suit le temps nécessaire pour chaque étape : 10% pour l’étude de la faisabilité ; 50% pour la préparation ; 30% pour la planification et le pilotage ; 10% pour son bilan et évaluation.

  • Première étape : l’étude sur la faisabilité du projet.

Un projet ne se réduit pas à une idée. Le projet suppose l’analyse des besoins en ressources humaines et des besoins matériels et financiers, la réflexion sur  les motivations et l’évaluation des moyens humains et matériels disponibles. Le projet suppose un budget prévisionnel en distinguant le budget d’investissement et le budget de fonctionnement. Des projets échouent car ils ne comprenaient pas le budget de fonctionnement à court, moyen et long terme selon la nature des actions. Par exemple, iIl ne suffit pas de construire une école ; encore faut-il pouvoir la faire vivre : salaires des enseignants, entretien des bâtiments, matériel scolaire, nourriture des enfants … Il est triste de voir une école abandonnée ou vendue, faute de la prévision indispensable pour sa survie. Il arrive aussi que le projet tourne au cauchemar financier, à l’endettement et à la fuite en avant, parce que les conditions sine qua non pour qu’il perdure n’avaient pas été étudiées ou prévues.

La réussite d’un projet passe par une bonne comptabilité et administration. Dans des pays en voie de développement, l’économie ne comporte pas toujours des factures à la manière des pays développés. Les donateurs qui soutiennent financièrement les projets exigent une comptabilité rigoureuse, un échéancier et des prévisions de risques ainsi que des provisions pour le fonctionnement une fois la construction achevée.

À titre personnel, je peux évoquer ici une expérience de projet humanitaire réussie. Lors du terrible séisme en Haïti le 12 janvier 2010, environ 200.000 personnes ont perdu la vie et un nombre incalculable de malades et de réfugiés ont trouvé un refuge dans des camps, sans les garanties indispensables d’hygiène, ils ont souffert pendant des mois et des années. L’Hôpital Saint-Joseph de Marseille, hôpital privé le plus important de France, fondé par le bienheureux abbé Jean-Baptiste Fouque (1926) et des sœurs dominicaines de la Congrégation de la Présentation de Tours, a créé une Fondation dont le but est de soutenir les malades pauvres. C’est ainsi que les sœurs dominicaines de Port-au-Prince (Haïti) ont proposé la construction d’une clinique en pédiatrie dans un quartier défavorisé de la capitale. Grâce à la générosité et à la rigueur des responsables de la Fondation, cette clinique a pu être non seulement construite mais son fonctionnement a été aussi assuré par des apports financiers annuels et l’envoi des volontaires compétents[3]. Toutefois ce beau projet a failli échouer faute de rigueur comptable et de communication. Dépourvus des renseignements demandés par la Fondation de l’Hôpital Saint-Joseph, les responsables avaient envisagé de renoncer à la poursuite de cette réalisation. Il a fallu un voyage sur place, à Port-au-Prince (Haïti), pour mieux comprendre la complexité de la situation et l’honnêteté des personnes sur place[4].

Ceux qui aident de manière professionnelle sont en droit d’exiger des budgets prévisionnels, de pouvoir contrôler l’avancement des réalisations, et d’établir des évaluations périodiques qu’il sera bon de mettre par écrit de manière à garder une mémoire du déroulement du projet. La tenue d’un journal du projet permettra aussi l’apprentissage et la relecture.

Le chef de projet est chargé de travailler avec une équipe où les buts et les fonctions de chacun sont définis dans un cahier des charges. Plus la description du projet comporte des divisions et subdivisions et plus le travail se déroule harmonieusement.

Le capital humain n’est pas à sous-estimer par rapport au capital financier, bien au contraire. La formation de l’équipe passe par la recherche des compétences, non seulement techniques, mais aussi relationnelles. Une équipe divisée court à sa perte.

Dans l’Évangile, Jésus envoie ses disciples deux par deux. Le fait de travailler en binôme, un responsable et un adjoint, garantit la durabilité du projet, le témoignage de ce qui a été entendu et le feed-back, source d’enrichissement et d’interprétation juste. Les dimensions culturelles, juridiques et politiques doivent entrer en ligne de compte comme des paramètres ou des variables du projet. Les divers risques sont à intégrer dans le budget prévisionnel : augmentation des prix des matériaux, maladie ou défaillance du personnel, retards dans l’exécution des tâches et des étapes du chantier …

La communication fait partie des éléments du projet : communication interne et externe. Par la communication externe, des parrains et des aides de toutes sortes peuvent soutenir le projet. L’utilisation des logiciels d’écriture (Word) ; de comptabilité (Excel ou Ciel Compta), et de communication (PowerPoint) et Access, gestion de bases de données, constituent des outils importants pour le développement du projet quand cela s’avère possible.

La dimension économique reste importante dans tout projet mais si elle arrive en premier, cela veut dire que le projet n’est pas bien conçu. Un projet répond à un but désiré, à des besoins et à des motivations personnelles et collectives.

Il convient d’écouter son cœur et de « rêver » comme aime à le proposer le pape François à la jeunesse.

À Marseille, l’écrivain Marcel Pagnol est souvent cité par ses boutades  comme celle-ci : « Tout le monde savait que c’était impossible, arriva un imbécile qui ne le savait pas et il le fit ». Un proverbe canadien va dans le sens du réalisme plutôt que dans le fatalisme et le sens d’impuissance : « Il faut labourer avec les bœufs que l’on a ». Ce qui s’avère impossible sur le plan individuel peut devenir possible dans un travail d’équipe.

Les grandes réalisations naissent petites. Dans la Bible, David sort vainqueur contre le géant Goliath avec quelques galets et une fronde de berger (cf. 1 Samuel 17, 32-37 ; 48-49). Dans l’évangile, Jésus accomplit des miracles en multipliant cinq pains et deux poissons apportés par un enfant (cf. Mc 6, 34-44). Jésus multiplie ce que des croyants pauvres mettent en commun, ce faisant il montre la voie à suivre pour la gestion des projets. La réussite dépendra de la mise en commun des compétences et de petits moyens financiers disponibles.

La gestion des projets exige une mise en commun permanente des idées et des moyens. Dès le départ, le discernement se fait en commun en libérant l’imagination dans le respect, la bienveillance et la discrétion. Le « brainstorming » reste une bonne méthode de créativité. Il s’agira d’une démocratie participative qui suscite l’intelligence collective : « À plusieurs nous sommes plus intelligents que tout seuls ». Un chef de projet pilote et il consulte régulièrement son équipe.

Pour les croyants, la prière à l’Esprit Saint est source d’inspiration, d’innovation, de force et de communion. Georges Bernanos (+1948), écrivain catholique, disait « c’est fou ce que mes idées changent quand je les prie ». Il en va de même pour les projets quand ils sont priés ; ils s’ajustent à la volonté de Dieu en se purifiant et en s’améliorant.

La préparation d’un projet demande du temps : du temps pour s’approprier le projet et du temps pour se décider à s’y investir personnellement. Le temps fait partie des variables d’un projet. La précipitation irait à l’encontre de la réussite du projet.

L’objectif et les besoins seront clairs et précis. Une fois identifiés, il faudra passer à l’étude de la faisabilité du projet : Est-il possible, réaliste et réalisable ? À quelles conditions ? Sommes-nous motivés pour nous y investir ?

La méthode de 5 questions aide dans cette première étape : quoi (objectif) ? ; comment (plan d’action) ? ; quand (calendrier) ? ; qui (ressources humaines) ? ; combien (budget) ?

  • Deuxième étape : la préparation du projet.

La préparation du projet demande du temps ; ce serait une erreur que de vouloir aller vite sans étudier posément le pour et le contre des actions et des choix à faire.

Il est bon de donner un nom au projet ; nom qui évoque son sens.

Pour réussir un projet, il s’avère nécessaire de bien préciser la méthodologie et les missions de chacun. Il arrive que de bon projets avec des bases matérielles s’arrêtent en cours de route à cause du désir de domination, de la rivalité et de la jalousie. Ce n’est pas une seule personne, si douée soit-elle, qui peut faire réussir un projet, mais l’équipe dans un esprit de solidarité. Les participants d’un projet apprennent à dire « nous », en assumant les succès aussi bien que les échecs. Quand un pays gagne dans une compétition, ses habitants s’exclament en disant « nous avons gagné » ; quand l’équipe perd nous entendons souvent dire « la France a perdu » ou « Madagascar a perdu » …

Dans une bonne équipe, chacun se réjouit de la réussite de l’autre.

Les valeurs humaines comme le respect de la dignité de chacun constituent la base des projets.

Le rôle du chef de projet est capital. Sa mission doit être clairement définie. L’organigramme avec les différents postes et définitions des postes requiert aussi une étude détaillée : « The right man in the right place », « l’homme compétent à la place qui convient ». Le chef de projet ne perd pas de vue l’objectif à atteindre, il a pour mission de former et d’animer l’équipe, en dispensant des encouragements sans hésiter à aborder les conflits voire à sanctionner les fautes si nécessaire. Il est prudent de prévoir des binômes pour les différents travaux : le responsable et son adjoint. En cas de maladie ou de défaillance du responsable, l’adjoint peut prendre la suite en connaissant le dossier et la manière de faire.

Le chef de projet partage les responsabilités selon le principe de subsidiarité qui ne se réduit pas à une simple délégation verticale mais qui constitue un droit exigible à être respecté dans l’autonomie des missions reçues et à être aidé par l’instance supérieure. Le mot subsidiarité vient du latin « subsidium » qui veut dire soutien, aide.

Le chef de projet développe la communication et il veille au respect du calendrier établi. Il vérifie l’accord entre l’échéancier et l’avancement des travaux.

Les cinq autres principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église illuminent la route : la dignité inaliénable de toute personne humaine, le droit et le devoir de participer, le bien commun, la solidarité et la destination universelle des biens.

Il convient d’écrire le projet avec ses acteurs et ses différentes parties de manière à bénéficier d’une référence objective et accessible en cas de doute ou de besoin : le demandeur du projet, le chef de projet, l’équipe, les collaborateurs.

Les coordonnées (adresse, courriel, téléphone) des différents membres et partenaires figurent dans des listes disponibles et mises à jour.

De brèves réunions quotidiennes permettent l’évaluation des travaux et l’éventuelle gestion des conflits. La communication bienveillante permet d’avancer sans juger ni condamner directement ceux qui auraient tort. En partant du ressenti personnel, il devient possible de faire comprendre à l’autre de manière concrète les erreurs, les souffrances occasionnées et les solutions possibles. La communication bienveillante comprend quatre étapes : 1) l’observation de la situation ; 2) l’expression des sentiments et des réactions ; 3) la présentation des besoins ; 4) la proposition ou la demande concrète, réaliste, possible et positive. La communication en « je » plutôt que « le tu qui tue » offre des portes de sorties au conflit sans marteler les fautes sans tomber dans le « petit train » : « tu-tu-tu-tu-tu … » ; « tu n’as pas fait », « tu aurais dû » …. En principe, les corrections et les critiques se font de manière discrète tandis que les félicitations se font en public, de manière à ne pas humilier et à faire perdre la face.

La gestion des crises doit être aussi prévue pour ne pas se retrouver au dépourvue (personnes et institutions à contacter avec leurs coordonnées) en cas de vols, d’accidents, de maladie ou d’agression …

La dimension juridique doit aussi entrer dans la préparation du projet : lois et coutumes, réglementations et autorisations officielles et accord écrit des parents pour les projets des mineurs … Un projet se déroule dans un contexte social avec sa culture et ses normes.

Le plan de communication interne et externe fait partie aussi de la préparation du projet : « Une bonne communication externe est une bonne communication interne exportée ».

  • L’exécution du projet.

Une fois la préparation achevée, le chef avec son équipe passe à sa réalisation en mettant en œuvre le contrôle régulier et l’analyse en continu des tâches selon des critères d’évaluation (le monitoring).

Pendant l’exécution du projet, des réunions régulières sont organisées avec un ordre du jour, les participants invités ou convoqués, l’heure du début et de la fin de la réunion.

Si les prévisions ne correspondent pas aux possibilités ni aux exécutions, il convient de les noter en expliquant les raisons. Le Journal du projet représente un outil en vue de l’évaluation.

Les outils comptables qui peuvent être des logiciels permettent le contrôle des travaux et sa comparaison avec les prévisions selon l’échéancier et les budgets. Les logiciels de communication interne et externe rendent compte de l’investissement accompli ou à accomplir.

  • L’évaluation post-projet et clôture.

Un projet comporte toujours des enseignements soit dans la réussite soit dans l’échec. La réunion d’évaluation doit coucher par écrit l’interprétation des résultats positifs et négatifs. Ce compte rendu restera aux archives.

L’apprentissage se fait par l’action (« learning by doing ») et on apprend en faisant des erreurs : mes problèmes rencontrés et les solutions proposées.

Une fois relevées les failles ou les défaillances dans l’application du projet, il importe de finir toujours sur du positif.

Les échecs apportent des connaissances. L’homme apprend davantage dans l’échec que dans le succès. L’échec vécu comme une recherche et un don de soi mérite félicitations et applaudissements tandis que la passivité et la mollesse appellent la réprobation. Malheureusement, dans le quotidien, ceux qui ne font pas grand-chose critiquent durement les échecs d’autrui tout en se présentant comme des « sages », alors que souvent ils n’étaient que médiocres ou tièdes. L’Apocalypse dévoile la pensée de Dieu à cet égard : « Puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche » (Ap 3, 16).

Saint Grégoire de Nysse (+394) a légué cette belle expression pour décrire le cheminement de l’homme vers Dieu qui correspond aussi à la pédagogie du projet : « De commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin » (Homélie sur le Cantique des Cantiques).

Saint-Denis (La Réunion), le 14 juin 2024.

 

 

 

 

 

[1] Commission européenne. Lignes directrices du cycle de projet. Mars 2004, p. 8.

[2] Stanley E. Portny, Sandrine Sage, La gestion du projet pour les nuls, Paris, Éditions First, 2018.

[3] Voir : gazette-33-des-nouvelles-du-centre-pediatrique-marie-poussepin-en-haiti_doc.pdf

 

[4]lettre-amis-30 Hôpital saint Joseph Marseille sur la clinique en Haïti.pdf




Éléments de réflexion en vue des élections européennes du 9 juin 2024 par Fr. Manuel Rivero O.P.

Il n’y a pas de politique chrétienne, cependant il existe une manière chrétienne de faire de la politique. À la lumière de la doctrine sociale de l’Église, je voudrais partager ici l’enseignement de quelques principes fondamentaux.

La foi catholique a joué un rôle majeur dans cette naissance de l’Union européenne comme le montre la figure de Robert Schuman (+1963), l’un des pères fondateurs de l’Europe, dont le procès de béatification est en cours.

Un arbre peut nous empêcher de voir la forêt. Les difficultés du quotidien risquent de nous faire oublier la grandeur de l’existence.

  • L’Union européenne, source de paix

Pour la première fois dans l’histoire du monde, les pays européens bénéficient d’une longue période de paix sur leurs terres et cela grâce en grande partie à l’Union européenne. Les monuments aux morts de nos places, les carrefours des rues et les fêtes du calendrier nous rappellent les dernières guerres mondiales qui ne sont pas si loin. On ne gagne pas la guerre, on gagne la paix.

Le spectacle de blessés et de morts aux cours des guerres nous fait penser à la passion de domination des hommes, le tragique infantilisme de vouloir être le plus fort, le plus viril, et aux forces du mal et du malin[2].

Le saint pape Jean-Paul II (+2005), polonais, redoutait l’Union soviétique qui avait imposé une véritable dictature. Le père Pedro Arrupe S.J. (Bilbao 1907-Rome 1991), ancien supérieur général de la Compagnie de Jésus, redoutait les États-Unis qui avaient jeté la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki. Médecin, missionnaire au Japon, le père jésuite Pedro Arrupe avait soigné les malades à Hiroshima. Jean-Paul II connaissait peu l’Amérique latine avec les dégâts du capitalisme et du libéralisme sur ce continent, tandis que le père Arrupe avait éprouvé en sa chair la violence de la bombe atomique d’Hiroshima, lâché par les États-Unis, pays libéral et apôtre du capitalisme[3].

Aujourd’hui, la Russie et les États-Unis représentent des dangers considérables et différents. La puissance de la Chine avec son capitalisme d’État est à intégrer dans l’échiquier mondial. Il s’avère nécessaire d’affermir la civilisation européenne. L’Union européenne avec ses 27 pays membres peut représenter une force respectable ; ce qui est impossible à un seul pays devient possible ensemble, dans l’UE.

  • Arme nucléaire, arme économique, arme diplomatique

Au début de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, il était question de parvenir assez rapidement à une victoire en utilisant « l’arme économique » : blocage des avoirs russes, arrêt des importations … Les produits importés de la Russie comme le gaz demeurent une source de richesse pour la Russie.

Aujourd’hui il est plutôt question de multiplier l’engagement militaire. Pourquoi ne pas développer « l’arme économique » qui demande évidemment des renoncements dans le niveau de vie européen ?

Il reste aussi l’arme diplomatique au service de la paix et de la justice.

Le Saint-Siège fait appel aux solutions diplomatiques à travers le dialogue. Il propose aussi le principe de réciprocité qui n’est pas le banal « donnant-donnant », mais la perfection dans l’échange. Aristote et saint Thomas d’Aquin mettaient déjà en valeur l’idéal de la réciprocité au-dessus de la bienveillance et plénitude dans les relations où chaque membre agit dans l’égale dignité. L’Union européenne avec son patrimoine culturel et spirituel peut apporter une diplomatie propre de manière à proposer non une simple diplomatie des affaires mais une diplomatie de la reconnaissance des droits humains notamment en politique  et en matière de liberté religieuse. La France et l’Europe accordent les mêmes droits à ses citoyens ; il n’en va pas de même pour certains pays qui envoient leurs compatriotes en Europe et qui exigent l’égalité des droits et de liberté religieuse en Europe mais sans réciprocité.

L’Évangile de Jésus le Christ enseigne la Règle d’or : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes » (Mt 7,12).

  • La prière

« Nos idées changent quand on les prie », aimait à dire Georges Bernanos (+1948), l’écrivain catholique. Le but de la prière étant le don de l’Esprit Saint, il convient de l’invoquer pour discerner au moment du vote.

  • Voter : un droit et un devoir

Nombreux sont ceux qui se désintéressent de la politique en invoquant leur déception. Mais s’ils ne s’intéressent pas à la politique, la politique s’intéresse à eux avec des conséquences à regretter. Le principe de la participation à la vie sociale fait partie des éléments fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église. Chacun reste responsable de la marche de la politique et de l’économie. Ne pas y participer peut représenter une faute voire un péché d’omission pour les croyants chrétiens. Certains pays comme la Belgique prévoient des sanctions pour les citoyens qui ne se rendent pas aux urnes, dans le souci d’empêcher l’auto-exclusion du processus démocratique.

  • Partir des pauvres

Le pape François exhorte à regarder le monde à partir des pauvres, avec leurs yeux et leur cœur. « D’où parles-tu ? », question classique renvoie aux conditionnements des pensées selon le contexte social. Les avis changent selon que nous partons de la finance ou du milieu de vie des personnes vulnérables. Les jeunes chômeurs, les malades ou les personnes âgées ne sont pas à considérer comme des boulets qui empêchent le développement mais comme le capital humain dont la dignité demeure intérieure, inaliénable, universelle et sacrée.

À ce propos, il est bon de citer le préambule de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres[4] ». La Suisse, façonnée par les Églises catholique et protestante, fait apparaître dans son droit constitutionnel la manière évangélique de faire de la politique qui consiste à partir du plus vulnérable des citoyens et non des projets idéologiques ou des multinationales.

Les personnes vulnérables apportent souvent le regard juste et opportun bien nécessaire aux politiques menacés par devenir « hors sol » et aux technocrates privilégiés qui vivent entre eux. Il me vient à la mémoire, la démarche que la reine d’Espagne, Sophie de Grèce, qui tenait à faire le tour du monde jusqu’en 2014 au nom de la politique internationale de l’Espagne. Quand elle se rendait dans des pays pauvres comme Haïti pour promouvoir des projets de développement choisissait des milieux pauvres, inconnus parfois des politiques, qui en avaient honte. Une reine étrangère leur faisait découvrir des situations douloureuses de leur propre pays !

  • Bien commun plutôt qu’intérêt général

Il est rare que les politiques utilisent le concept de bien commun ; ils préfèrent parler d’« intérêt général ». Pourtant, le contenu et l’esprit diffèrent considérablement. « Intérêt » évoque souvent des intérêts matériels personnels ou de groupes de pression, loin des idéaux humains  altruistes. « Général » reste un terme vague qui se prête aux manipulations des « lobby » ou à des décisions qui sacrifient la dignité de certaines personnes ou populations: « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ».

Le Concile Vatican II a donné une définition qui mérite l’effort de son analyse car elle apporte le respect des personnes et des groupes dans une vision d’humanisme intégral et communautaire : « L’ensemble de conditions sociale qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (Gaudium et spes, n°26). Il ne s’agit pas uniquement de posséder davantage mais de parvenir à la perfection de « tout l’homme et de tous les hommes » selon l’heureuse formule du pape saint Paul VI. Pour le bien commun, la personne n’est jamais réduite à un moyen ; aucun groupe minoritaire n’est sacrifié dans ses droits et dans sa culture au nom de « l’intérêt général » comme l’acquisition de devises ou des résultats économiques.

  • Droit à la vie et non droit à donner la mort

Quand on étudie toutes les déclarations des droits humains qui jalonnent l’histoire de l’humanité pour parvenir à la liberté et à la dignité, il est toujours question de droit à la vie et nulle part de droit à donner la mort.

En ce sens, le pape François trouve insensée la démarche d’inscrire le droit à l’IVG dans une Constitution. L’Église est Mère ; comme toutes les mères elle veille sur la vie des enfants qu’elle protège et soutient. Au premier siècle, dans l’Empire romain, le père de famille avait droit de vie et de mort sur son enfant qu’il pouvait aussi vendre comme esclave. Le christianisme a mis en valeur la dignité de l’enfant. Il ne faudrait pas revenir en arrière. Les hommes ne sont pas les propriétaires de la vie qu’ils ont reçu comme un don mais ses gestionnaires.

Comment se fait-il que dans notre île où la majorité de ses habitants sont religieux dont les religions plaident pour la vie des enfants, ses députés puissent se réjouir en grand nombre de l’inscription de l’IVG dans la Constitution ? Était-ce un vrai besoin urgent ? Représentent-ils les Réunionnais chrétiens, musulmans et d’autres religions ou d’autres pensées qui n’approuvent pas de manière majoritaire l’interruption de la vie ? Pourquoi les Réunionnais des différentes religions n’ont-ils pas exprimé davantage leur avis à la lumière de la science et de leur foi ?

En ce qui concerne l’euthanasie, certains gouvernements comme celui du Canada n’ont pas caché l’enjeu économique et la réduction de dépenses que cela peut comporter. Mais la vie humaine ne se réduit pas à l’argent.

  • « Zoreil dehors » et le programme Erasmus

Il y a un peu plus de trente ans, quand je suis arrivé à La Réunion, je voyais de temps en temps écrire sur des murs « zoreil dehors ». Parfois des blancs créoles parlant créole subissaient dans la rue le dard « zoreil dehors ». À présent, je ne le vois plus. Les mentalités ont évolué : Internet, les voyages avec la continuité territoriale, le programme Erasmus qui permet aux étudiants réunionnais d’étudier dans d’autres pays de l’UE … Nouvelle et heureuse mobilité.

L’esprit des Réunionnais s’est de plus en plus ouvert aux relations internationales. La langue anglaise occupe une place de choix non seulement dans les études mais aussi dans de nombreuses célébrations de mariages …

Nous avons à distinguer « autonomie » et « indépendance ». Comme son étymologie l’explique, « auto-nomie » se mouvoir (auto=soi-même) par sa propre loi (nomos) ne s’oppose pas à indépendance. Nous sommes dépendants les uns des autres.

Grandir dans l’UE peut très bien s’harmoniser avec le développement de la culture créole ; comme le dit le poète andalou Juan Ramón Jíménez, prix Nobel de littérature : « Des racines et des ailes, mais des racines pour s’envoler et des ailes pour s’enraciner ». Devenir de plus en plus créole pour devenir de plus en plus européen et réciproquement.

  • Lois européennes et exceptions régionales : déchets alimentaires

La doctrine sociale de l’Église prône le principe de subsidiarité qui représente un droit et un soutien comme son étymologie le manifeste : subsidiarité vient de latin subsidium qui veut dire « aide, soutien ». Le principe de subsidiarité peut être défini comme ceci : « Donner la responsabilité de ce qui peut être fait au plus petit niveau d’autorité compétent pour résoudre le problème ».

Il importe de bien choisir les députés européens qui vont défendre ce principe de subsidiarité de manière à ce qu’à la base des Réunionnais puissent exercer leurs compétences dans le contexte de leur culture et de leur économie, en faisant appel au principe de l’exception régionale si nécessaire.

Par exemple, chaque jour, dans les cantines scolaires, publiques ou privées, autour de 30% de la nourriture part à la poubelle de manière obligatoire et cela semble-t-il en raison des lois européennes. Véritable gaspillage dans un monde où tant de personnes souffrent de la faim ! Il doit y avoir moyen de récupérer de manière raisonnable cette nourriture pour la transformer en engrais ou en nourriture pour l’élevage des porcs, ce qui devrait créer des emplois et favoriser l’autonomie alimentaire dont le besoin s’est bien fait sentir au cours des gilets jaunes et de la pandémie.

  • Rencontrer les députés européens

De nombreuses études sociologiques relèvent la croissante distance entre les députés et la population qui reconnaît très souvent ne pas connaître les élus politiques. L’inverse pourrait être vrai aussi : des politiques qui méconnaissent les besoins et les demandes de la population.

Les corps intermédiaires de la société civile gagneront à se rapprocher des candidats et des élus et à les interpeller sur leurs programmes tout en leur faisant des propositions.

La Réunion demeure une île mariale. Le drapeau européen avec ses douze étoiles sur un fond bleu ciel rappelle la femme de l’Apocalypse « couronnée de douze étoiles, elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail d’enfantement » (Ap 12, 1-2). Des théologiens ont vu en cette femme couronnée d’étoiles une figure de l’Église et de la Vierge Marie. Puisse Notre-Dame intercéder pour l’Europe dans les douleurs et le travail d’enfantement de la justice et de la paix.

Saint-Denis/ la Réunion, le 1er juin 2024.

 

 

 

[1] Dominicains. Cathédrale de Saint-Denis. Aumônier catholique de la prison de Domenjod (La Réunion). Doyen de la faculté des sciences sociales de DOMUNI-universitas https://www.domuni.eu/fr/

[2] Le pape François a cité la réflexion de sagesse de La Pira (1904-1977), ancien maire de Florence (Italie), laïc dominicain, dans le contexte de la guerre actuelle : « La situation historique que nous vivons, le choc des intérêts et des idéologies qui secouent l’humanité en proie à un incroyable infantilisme, redonnent à la Méditerranée une responsabilité capitale : redéfinir les règles d’une Mesure où l’homme livré au délire et à l’excès peut se reconnaître » (Discours au Congrès méditerranéen de la culture, 19 février 1960)[2]. »

 

[3] Certaines photos montrent le pape Jean-Paul II et le père Arrupe regardant en direction opposée ; d’où la légende explicative de la photo : « Deux regards divergents ». En réalité, le pape Jean-Paul II et le père Arrupe regardaient dans la même direction : le Christ Jésus et la justice sociale. Mais ils le faisaient à partir d’expériences différentes, de pays différents avec des points de vue divers, sans opposition sur le fond. Saint Thomas d’Aquin enseignait : « Dans les choses qui ne sont pas de la nécessité de la foi, il a été permis aux saints, il nous est permis à nous d’opiner de diverses manières[3]. »

 

[4] Cf. https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19995395/index.html