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L’icône de la Trinité d’Andreï Roublev : explication, interprétation

Andreï Roublev a peint cette icône entre 1422 et 1427… Qui sont ces Personnages ? Que signifient les couleurs de leurs vêtements, leur posture, et les divers éléments représentés? Nous vous proposons ici quelques points de repère…

Icône de la Trinité

Remarquons tout d’abord que les trois personnages représentés sont jeunes, image de la jeunesse éternelle de Dieu. Ils ont l’apparence des trois « anges » qui ont rendu visite à Abraham, au chêne de Mambré (Gn 18). Or, la figure de l’Ange est souvent utilisée dans l’Ancien Testament pour renvoyer à Dieu Lui-même. Exemple en Ex 3,2 où « l’Ange de Yahvé » apparaît à Moïse, et ensuite, c’est « Yahvé » lui-même qui « vit que (Moïse) faisait un détour pour voir » (Ex 3,4)…

Tous les trois ont un cercle de lumière, identique, qui illustre leur gloire, identique. Le Fils la reçoit du Père de toute éternité en « Unique Engendré » : « Et le Verbe s’est fait chair et il a dressé sa tente parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient du Père comme Unique-Engendré, plein de grâce et de vérité » (Jn1,14). L’Esprit Saint la tient tout à la fois du Père et du Fils dont il procède : « il reçoit même adoration et même gloire » (Crédo)…

            Ils se laissent deviner par ce qui est peint au dessus d’eux :

– A gauche, le Père, avec au-dessus de lui, une maison :

Le Père - Roublevla Maison du Père (Jn 14,22). Il porte dessous un vêtement bleu ciel, signe de sa nature divine. Un autre, presque transparent, le recouvre quasiment entièrement : le Père est invisible pour nous, insaisissable, mystérieux… « Presque transparent », car à travers lui, le bleu ciel se laisse bien deviner, mais cet autre vêtement est aussi légèrement de couleur dorée, en harmonie avec celle des ailes et plus largement avec celle de l’atmosphère qui les entoure tous les Trois : « Dieu est Lumière », « Splendeur et Majesté ».

Et le Père, dont le Fils est engendré en « Lumière née de la Lumière » (Crédo), et dont l’Esprit procède (Crédo), a cette primauté de « Lumière » dans l’Amour qui les unit… Cet attribut, lui convient donc tout particulièrement…

– Au centre, le Fils 

Le Fils - RoublevIl regarde vers le Père, car « il est né du Père avant tous les siècles » (Crédo) : il se reçoit du Père en Fils de toute éternité… « Engendré, non pas créé, il est de même nature que le Père » (Crédo), d’où le vêtement bleu ciel qu’il porte lui aussi. Mais ce dernier est posé sur un autre de couleur rouge, symbole du sang, et donc de sa nature humaine de chair et de sang : le Christ est tout à la fois vrai Dieu (bleu ciel) et vrai homme (rouge sang). Mais si le bleu ciel est sur le rouge sang, c’est pour signifier que le Mystère de sa divinité se reconnaît sur la base de son humanité, par son humanité, en regardant bien cette humanité assumée par Celui qui est Fils, « l’Unique Engendré » (Jn 1,14.18) de toute éternité… Le calice est lui aussi rempli de « rouge » en signe de l’offrande que le Christ fera de lui-même en son humanité lors de sa Passion, pour notre salut… « Tandis qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Mt 26,26-28).

Calice Roublev

           Remarquer aussi que les contours extérieurs des personnages de gauche et de droite dessinent un calice, avec le Christ au centre, offert…

Et si le Fils est bien la victime, « l’Agneau immolé » (Ap 5,6), qui « enlève le péché du monde » (Jn 1,29) par son sacrifice, il est aussi le Prêtre parfait (Hb 2,17 ; 3,1 ; 4,14-15 ; 5,5-6 ; 6,20 ; 7,26…), symbolisé ici par l’étole jaune qu’il porte sur son vêtement rouge, et ce jaune est de même couleur que le jaune des ailes des trois personnages, et du fond plus clair : « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), et le Prêtre est justement celui qui fait le lien entre le ciel et la terre… « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). Cette étole est d’ailleurs posée sur son vêtement rouge, comme l’est la cape bleu ciel… C’est donc une nouvelle fois par son humanité que le Christ se révèle être le Prêtre parfait, l’unique « médiateur » entre Dieu et les hommes…

Au dessus du Christ, nous voyons « l’arbre de vie », qui, dans le récit de la Genèse, symbolise le don de la vie éternelle (Gn 3,9), un don offert gratuitement, par amour, en surabondance : « Yahvé Dieu fit à l’homme ce commandement : « Tu peux manger à satiété de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, de mort tu mourras » (Gn 2,16-17). La notion de connaissance renvoyant dans la Bible à celle d’expérience, Dieu invite donc ici l’homme à ne pas faire l’expérience du mal, car son fruit immédiat sera « la mort » au sens de privation d’une plénitude de Vie symbolisée par le fruit de l’arbre de vie… Notons le terme « commandement » employé ici ; Jésus le reprendra en disant : « Je sais que son commandement », le commandement du Père, « est vie éternelle » (Jn 12,50). Autrement dit, Dieu nous « commande » de vivre, un verbe qui insiste très fortement sur « sa volonté », son « désir profond », et c’est pour cela qu’il nous presse de choisir la vie et non la mort : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort… Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant Yahvé ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui ; car là est ta vie » (Dt 30,15-20). « Choisir », un verbe qui renvoie à notre liberté que Dieu respecte infiniment tout en nous suppliant de faire le bon choix, car il ne désire qu’une seule chose, notre vie. Il nous a tous créés pour que nous participions à la Plénitude de sa Vie éternelle…

Mais dans cette parabole du jardin d’Eden, Adam et Eve, qui nous représentent tous, vont faire le mauvais choix, et, par suite de leur désobéissance, ils vont se priver eux-mêmes de l’accès illimité à l’arbre de vie, et à tous les autres arbres du jardin… Mais tout ce que nous avons perdu par suite de nos fautes, nous le retrouvons gratuitement, par amour, grâce à Celui qui est venu nous rejoindre en notre humanité pour que nous puissions retrouver avec Lui le fruit de « l’arbre de vie », qui représente la Plénitude de cette vie éternelle pour laquelle nous avons tous été créés… Dieu nous a tous en effet lancés dans l’aventure de la vie pour que nous soyons nous aussi, et cela selon notre condition de créature, ce que Lui Il Est de toute éternité… Il Est « le Vivant » par excellence ? Il veut, de toute la force de son Être, et il est infini, que nous soyons à notre tour des « vivants », en ayant part, gratuitement, à sa Plénitude même ! Ainsi va « l’Amour » (1Jn 4,8.16)… Et puisque l’Amour ne supporte pas de voir la souffrance de l’être aimé sans réagir, l’Amour vient, jour après jour, en Jésus Christ à la rencontre des pécheurs que nous sommes, pour nous proposer et nous proposer encore la Plénitude de sa Vie. Grâce à elle, nous retrouverons ce Bonheur profond qui est Paix et Joie, une Paix et une Joie que nous avions perdues par suite de nos fautes… « Souffrance et angoisse à toute âme qui fait le mal » (Rm 2,9)… « « Viens, suis-moi ». Mais le jeune homme riche s’en alla, tout triste, car il avait de grands biens » (Lc 18,18-23)… Hélas, ces biens-là n’apportent pas le vrai bonheur… Seul le Don de Dieu, ce Don gratuit que le Père veut faire à tout homme, par Amour, peut nous l’apporter… « Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien… Je trouverai ma joie à leur faire du bien, de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,39-41). Telle est donc la volonté de Dieu : que nous « soyons » bien, au sens fort, en participant à sa Plénitude, comme Lui-même « Est » bien (Ex 3,14), de toute éternité… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Alors, si « le salaire du péché, c’est la mort » avec son cortège de souffrance, de détresse, de tristesse (Rm 2,9 ; 5,12) « le don gratuit de Dieu », par Amour puisqu’Il n’Est qu’Amour, « c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). « Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn 10,10).

Et cet arbre de vie penche vers la Maison du Père, il indique la Maison du Père… Toute vie, en effet, vient du Père et retourne au Père qui est la Source première, éternelle, de la vie, celle du Fils et de l’Esprit Saint, de toute éternité, et la nôtre… « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même… Et de même que le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange », celui qui me recevra par sa foi, « lui aussi vivra par moi… En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 5,26 ; 6,57 ; 6,47)…

– A droite, le Saint Esprit, 

L'Esprit Saint - RoublevIl a lui aussi un vêtement bleu, en signe de cette nature divine qui est également pleinement la sienne. Mais si le Fils regarde vers le Père de qui il se reçoit de toute éternité en « Fils Unique Engendré » (Jn 1,14 ; 1,18), l’Esprit Saint regarde tout à la fois vers le Père et vers le Fils de qui il se reçoit à son tour comme « celui qui procède du Père et du Fils » (Crédo)… Son vêtement vert est de même couleur que l’herbe verte du sol sur lequel repose le Trône de Dieu. « Ainsi parle Yahvé : Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds » (Is 66,1). Dieu est présent partout, au ciel et sur la terre… « La Gloire de Yahvé remplit toute la terre » (Nb 14,21 ; Ps 72,19), « de l’Amour de Yahvé la terre est pleine » (Ps 33,5). Cette identité de couleur entre ce vêtement de l’Esprit Saint et la terre ne peut que souligner son lien avec cette terre et son action envers elle… « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ; et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous; et en vous il sera » (Jn 14,15-17), par ce Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même. Toute l’œuvre de l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, consiste en effet à nous communiquer « l’Esprit Saint – nature divine » (« Dieu Est Esprit » (Jn 4,24), Dieu est « Saint » (cf. Is 6,3)), cette nature divine que le Fils reçoit du Père de toute éternité, cette même nature divine que Lui, Troisième Personne de la Trinité, reçoit du Père et du Fils de toute éternité. « Lui me glorifiera », nous dit Jésus, « car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous le communiquera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous le communiquera » (Jn 16,14-15). Ce lien entre l’Esprit Saint et la terre rejoint l’explication habituelle de la couleur verte en contexte chrétien : couleur de l’espérance qui est le fruit de l’action concrète de l’Esprit Saint dans les cœurs. Et qu’y fait-il ? « L’Esprit vivifie » (Jn 6,63), « l’Esprit donne la vie » (Ga 5,25), et en nous communiquant cette vie, il nous donne un avant goût, un « quelque chose » (Elisabeth de la Trinité), un « je ne sais quoi » (Ste Thérèse de Lisieux) de la vie même du Ciel, qui ne peut que nous faire désirer d’y participer pleinement… Et ce sera, nous l’espérons, ce jour où nous verrons notre Rédempteur de nos yeux de chair, dans la Lumière de l’Esprit, et cela pour toujours… « Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la puissance de l’Esprit Saint » (Rm 15,13). « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (Ste Thérèse de Lisiers), la Plénitude de la vie…

Au dessus du Saint Esprit, l’auteur a figuré comme une vague de Lumière… Cette vague évoque sa Force (Ac 1,8 ; 2Tm 1,7) et sa Puissance (Lc 1,35 ; 4,14). Mais une vague ne peut que renvoyer à de l’eau, mais cette fois, il s’agit de l’Eau Vive (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), Eau Vive qui vivifie (Jn 6,63 ; Rm 8,2 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25), mais aussi Eau Pure qui purifie (Ez 36,25-28 ; 1Co 6,11 ; Tt 3,4-7). Et cette vague est couleur de Lumière, car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5). L’Eau Pure qui purifie est cette Lumière qui nous purifie de toute forme de ténèbres : «  La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Mais puisque « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), l’Eau Vive est également cette Lumière qui nous communique « la Lumière de la vie » (Jn 8,12), une Lumière qui est Vie… Alors, notre vocation à être « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28) en « reproduisant l’image du Fils » (Rm 8,29) sera pleinement accomplie : « En Lui était la Vie, et la Vie était Lumière » (Jn 1,4)… Il en sera de même pour nous… Cette vague exprime ainsi toute la mission du Saint Esprit : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux ; cf. Jn 3,35 pour le Père et le Fils). L’Esprit Saint est ainsi tout particulièrement celui qui donne, qui nous donne, ce qu’Il Est de toute éternité… Et « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24). Et « Dieu est Saint » (cf. Is 6,3). L’Esprit Saint Personne divine ne cesse donc de donner ce qu’Il Est Lui-même, et Il Est Esprit, et Il Est Saint : il donne ainsi « l’Esprit Saint » nature divine, cette nature divine que possède le Père de toute éternité, cette même nature divine que possède le Fils de toute éternité en tant qu’il la reçoit du Père en « Unique Engendré », « de même nature que le Père » (Crédo), cette nature divine que l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité reçoit du Père et du Fils en tant « qu’il procède du Père et du Fils » (Crédo), de toute éternité… Il est bien ainsi « le Seigneur qui donne la vie » (Crédo) en donnant « l’Esprit Saint – nature divine » qui est Lumière et Vie…

Cette vague lumineuse ne peut aussi qu’être symbole de Force, la Force de l’Esprit Saint : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous » (Ac 1,8). Cette Force est participation à celle-là même du Christ, Force de dire « je vous aime » à ceux-là même qui le tuent… « Ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de Force, d’Amour et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7). Grâce à lui, en comptant sur lui, en nous appuyant sur lui, le commandement de l’Amour devient possible… « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,43-48), et la perfection du Père est celle de l’Amour, un Amour qui ne se laisse pas arrêter par le mal, et cela d’autant plus que le mal détruit, fait du mal à celui qui le commet : il ne peut que le plonger dans la souffrance (Rm 2,9). Et lorsque Dieu voit un des ses enfants souffrir, quelle que soit l’origine de sa souffrance, il est bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de lui-même. Et son Amour se fait encore plus pressant pour celui qui, alors en a le plus besoin… « Là où le péché a abondé », et avec lui « souffrance et angoisse » (Rm 2,9), là aussi le remède a surabondé, « la grâce a surabondé » (Rm 5,20). A nous maintenant d’offrir toutes nos souffrances à Dieu, et de nous repentir avec son aide et son soutien. Alors, avec Lui et grâce à Lui, à nouveau, nous serons « bien »… « Soyez » donc, grâce au « Don de Dieu » (Jn 4,10 ; 1Th 4,8), au Don de son Esprit (Jn 20,22) et donc de son Amour (Jn 4,24 et 1Jn 4,8.16 ; Rm 5,5 ; Ga 5,22) « miséricordieux comme votre Père est Miséricordieux » (Lc 6,36 ; Bible des Peuples). « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant » (Lc 6,36 BJ). « Soyez pleins de bonté comme votre Père est plein de bonté » (Parole de Vie). « Soyez généreux comme votre Père est généreux » (TOB)…

Icône de la Trinité

Notons aussi que les Trois sont assis sur un même trône, qui semble se confondre, du moins pour les personnages de droite et de gauche, avec la table de l’autel, un autel qui traditionnellement renvoie à la Présence de Dieu Lui‑même… Le trône, la table de l’offrande semblent être une seule et même réalité, et c’est bien en s’offrant sur la Croix, soutenu par le Père (Jn 17,1) et la Puissance de l’Esprit (Ac 1,8) que le Christ manifestera le Mystère de sa Royauté, non pas une royauté terrestre, mais une royauté divine, celle de l’Amour… Avec Lui et par Lui, l’Amour se révèle comme étant Tout Puissant : malgré les incroyables souffrances que les hommes lui ont fait subir, il n’y a jamais répondu par le mal ou la violence, mais par le silence habité par l’offrande de lui-même, et par ces Paroles : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »… Amour des hommes… « Père, entre tes mains je remets mon esprit », Amour du Père… « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse ! » Mais non, « il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé », avait-il dit peu avant sa Passion (Lc 23,34 ; 23,46 ; Lc 22,42 ; Jn 14,31). Et le Père lui a demandé d’être fidèle jusqu’au bout à sa mission de manifester « les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78), « jusqu’au bout » (Jn 13,1), jusqu’à l’extrême de l’amour toujours offert à ceux-là même qui le tuaient… Il faut être « fort » pour agir ainsi, incroyablement « fort » : telle est la Toute Puissance de Dieu, Toute Puissance de l’Amour, Toute Puissance de la Miséricorde, comme me chante la Vierge Marie : « Le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. Saint est son nom, et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1,49-50). Et ressuscité, il reviendra bénir ceux-là même qui criaient « Crucifie le ! Crucifie le ! » (Lc 23,21) : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères a glorifié son serviteur Jésus que vous, vous avez livré et que vous avez renié devant Pilate, alors qu’il était décidé à le relâcher. Mais vous, vous avez chargé le Saint et le Juste; vous avez réclamé la grâce d’un assassin, tandis que vous faisiez mourir le prince de la vie. Dieu l’a ressuscité des morts : nous en sommes témoins… Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,13-15 et 3,25-26).

Icône de la TrinitéEnfin, les Trois dessinent un cercle, en signe de perfection : perfection de Dieu, perfection de leur unité dans la Communion d’une même Lumière, d’un même Esprit, d’un même Amour… Si Jésus a dit « moi et le Père nous sommes un » (Jn 10,30), en tant qu’unis l’un à l’autre dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), dans « la communion de l’Esprit Saint » (2Co 13,13), on pourrait dire aussi : « Moi, le Père et l’Esprit Saint, nous sommes un »…

Et dans cette unité de l’Amour, où chacun ne regarde que l’autre, ne vit que pour l’autre, le plus grand est le plus petit… En effet, le Père n’est pas en position centrale, mais sur le côté, tout comme l’Esprit Saint… Et au centre, le Christ, mais Lui et l’Esprit Saint ne cessent de regarder le Père et de dire ainsi par leur seul regard que c’est avant tout Lui qui compte… Sans le Père, le Fils et l’Esprit Saint ne Sont rien, ils ne peuvent rien… « En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui même, qu’il ne le voie faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement… Je ne puis rien faire de moi-même » (Jn 5,19-20.30). « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29), et au même moment « Maître et Seigneur »… Mais un Maître et un Seigneur au pied de ses disciples, au pied de tout homme, pour le servir, le laver, et lui « donner la seule vraie nourriture qui demeure en vie éternelle » (Jn 6,27)… « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé. » « Or, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». « Sachant cela, heureux êtes‑vous, si vous aussi faites de même » à votre tour (Jn 13,13-17 ; Lc 22,27)…

D. Jacques Fournier

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Icône de la Trinité de Andreï Roublev




La nouvelle traduction du Notre Père : « Ne nous laisse pas entrer en tentation »…

Nous pouvons tout d’abord être surpris par cette manière de s’exprimer… Dieu pourrait-il avoir un lien quelconque avec la tentation ? Certainement pas ! St Jacques le dit clairement (1,12‑15) : « Heureux l’homme qui supporte l’épreuve avec persévérance, car, une fois vérifiée sa qualité, il recevra la couronne de la vie comme la récompense promise à ceux qui aiment Dieu. Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : « Ma tentation vient de Dieu. » Dieu en effet ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne. Mais chacun est tenté par ses propres désirs qui l’entraînent et le séduisent. Puis le désir engendre et met au monde le péché, et le péché, parvenu à sa maturité, enfante la mort ».

ligne fleurs

Longtemps, nous avons dit : « Ne nous soumets pas à la tentation »… Mais le Pape François nous a invités à dire : « Ne nous laisse pas entrer en tentation« … Pourquoi?

Littéralement, le texte grec « Καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν » se traduit par : « Et ne nous introduis pas (ou ne nous conduis pas… ou encore ne nous emporte pas…) dans la tentation ».

Le P. Tournay[14] explique que Jésus parlait habituellement en araméen, une langue très proche de celle de l’Ancien Testament, l’hébreu. Or l’araméen et l’hébreu ont des formes verbales particulières qu’il est difficile de traduire en grec. Le P. Tournay a ainsi étudié une forme dite « causative » dont la nuance la plus fréquente est celle de « faire faire », mais qui peut aussi se traduire parfois par « laisser faire, permettre de faire ». Et il a remarqué que la traduction grecque de l’Ancien Testament ne prend jamais en compte la seconde nuance. Ainsi par exemple, le Psaume 119(118),10 demande comme traduction de l’hébreu la nuance « laisser faire » (cf. TOB) : « De tout mon cœur je t’ai cherché, ne me laisse pas errer loin de tes commandements ». Or le texte grec réalisé à Alexandrie entre le 1° et le 3° siècle avant Jésus Christ a : « De tout mon cœur je te cherche, ne me repousse pas loin de tes commandements », ce qui correspond à la nuance « faire faire » : « ne me fais pas errer loin de tes commandements »… Comme deuxième exemple, nous pouvons prendre le Psaume 141(140),4 qui, là encore, demande en hébreu comme traduction : « Ne laisse pas mon cœur pencher vers une parole (ou une chose) mauvaise ». Et la traduction liturgique de nos missels a bien : « Ne laisse pas mon cœur pencher vers le mal ». Mais là encore, la traduction grecque de l’Ancien Testament a choisi non pas la nuance du « laisser faire », mais celle du « faire faire » : « Ne fais pas pencher mon cœur vers des paroles mauvaises »…

Visage de JésusLe P. Tournay suggère donc que Jésus a employé, en araméen, cette forme verbale particulière qui demandait, dans un tel contexte, de la comprendre en termes de « laisser faire », c’est-à-dire : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Mais lorsque toutes ces paroles furent transcrites en grec, la nuance de « faire faire » supplanta une fois de plus celle du « laisser faire », ce qui a donné notre « ne nous fais pas entrer en tentation », ou « ne nous introduis pas en tentation » ou encore « ne nous soumets pas à la tentation »…

Si nous choisissons donc « ne nous laisse pas entrer en tentation », une nuance en parfait accord avec le contexte général de la Révélation biblique, Dieu apparaît alors comme étant une fois de plus notre compagnon de route et de combat face ce que nous appelons « le péché ». Et tel est bien son Mystère : quelles que soient les circonstances, bonnes ou mauvaises, de fidélité ou d’infidélité, le Dieu de l’Alliance est toujours Celui qui, dans sa Bienveillance éternelle, est avec nous tous et pour nous tous (1Jean 2,1-2 ; Romains 8,31-39)…

Quant au « péché », il renvoie à un mystère de désobéissance de cœur vis-à-vis de Dieu, à un manque d’amour à son égard. Et il est destructeur pour l’homme, car il abîme la relation vitale qui, de toute façon, l’unit à son Créateur. Que nous le voulions ou pas, et cela fait partie de notre statut de créature, nous vivons tous en effet de Dieu qui nous a créés à son image et ressemblance (Genèse 1,26-28), et qui, instant après instant, nous maintient dans l’existence par son propre Souffle, l’Esprit Saint (Genèse 2,4b-7 ; Job 34,14-15 ; Isaïe 42,5). Le mystère de notre vie est donc tout entier entre ses mains, que nous pensions à lui ou pas, que nous croyions en Lui ou pas, que nous lui soyons fidèles ou pas… Mais en nous créant ainsi, Dieu a aussi voulu que nous soyons des êtres libres appelés à développer et à faire fructifier toutes les potentialités de cette Vie divine qui, de toute façon, nous habite tous. La lumière de Dieu-lumierenotre conscience, qui participe à la Lumière même de Celui qui n’est que Lumière (1Jean 1,5), est là pour nous aider, comme un signal perpétuellement offert à notre liberté de choisir. Sans cesse, elle nous rappelle la direction du Vrai, du Beau, du Bon, du Juste (Romains 2,14-15)… L’écoutons-nous ? Y faisons-nous attention ? Le premier enjeu est là, et il est loin d’être facile car l’homme se découvre habité par toutes sortes de désirs contraires, mystérieusement attisés par une créature qui, de son côté, a fait le choix du « non » à Dieu et qui cherche à nous entraîner dans son refus. Nous l’avons vu, la Bible l’appelle Satan, « l’adversaire, l’ennemi » de Dieu et donc des hommes créés à son Image et Ressemblance… Or se laisser entraîner, d’une manière ou d’une autre, sur la pente d’un désir contraire à Celui de notre Créateur, c’est toujours abîmer, occulter, mettre de côté notre relation de cœur à Dieu, une relation qui est vitale pour nous et qui détermine la qualité même de notre « vivre ». Dieu, en effet, est Vie, Vie toujours offerte (Jean 6,35.48 ; 10,10), foisonnement de Vie, Soleil de Vie (Psaume 84(83),12 (TOB et Traduction Liturgique) ; Jean 1,4 ; 8,12), Source d’Eau Vive (Jérémie 2,13 ; Psaume 42(41),2 ; Isaïe 12,3 ; 55,1 ; 66,12-13 ; Ezéchiel 47,1-12 ; Jean 4,10-14 ; 7,37-39 ; 19,33-35). Que la relation avec Lui ne soit plus ce qu’elle devrait être, et aussitôt l’homme ne reçoit plus la Vie comme il devrait la recevoir… Il ressent un manque, il est intérieurement blessé, il vit une souffrance… « Heureux l’homme qui m’écoute, qui veille jour après jour à mes portes pour en garder les montants ! », dit la Sagesse, une figure féminine qui personnifie Dieu Lui-même… « Car celui qui me trouve trouve la vie, il obtient la faveur du Seigneur ; mais qui pèche contre moi blesse son âme » (Proverbes 8,34-36)… L’homme pécheur est donc un être blessé, et par suite un souffrant… Et Dieu le regarde ainsi : il ne s’attarde pas à l’offense, mais il voit seulement la souffrance de celui ou celle qu’Il aime… Son cœur en est bouleversé (Osée 11,7-9), et il va agir par ses prophètes, puis par son Fils Jésus, pour appeler ses enfants à revenir avec Lui sur le Chemin de la Vie…

miséricorde de dieuDieu désire donc de tout son Etre que nous retrouvions tous la Vie en Plénitude, sa Vie. Pour celui qui l’accueille, il sera toujours son compagnon de route pour l’aider et le guider sur des chemins de Vie où il pourra expérimenter dès maintenant, dans la foi, quelque chose de cette Vie éternelle à laquelle nous sommes tous appelés. Alors, quelle Joie au ciel (Sophonie 3,17‑18 ; Luc 15,7) comme sur la terre (Jean 15,11) ! Mais nous avons à collaborer avec Lui à cette œuvre de Vie qui nous concerne, par les multiples choix que nous avons à faire tout au long de nos journées…

Dieu nous invitera donc tout d’abord à « veiller », à « faire attention » à toutes ces sollicitations qui nous rejoignent, soit par nos désirs intérieurs, soit par les circonstances extérieures : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible » ; oui, « plus que sur toute chose, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie » (Matthieu 26,41 ; Proverbes 4,23 ; 16,17 ; Josué 1,7-8 ; Siracide (Ecclésiastique) 32,23 puis 1Timothée 4,16 ; Hébreux 12,14-15 ; Marc 13,33-37 ; Luc 12,35‑40). Et s’il s’agit de « veiller » pour éviter le mal, combien plus devrions-nous le faire pour accueillir et reconnaître Celui qui parsème notre vie de ses visites ! « Je dors, mais mon cœur veille… J’entends le Seigneur qui m’appelle : ouvre-moi mon ami ! » (Cantique 5,2 ; Apocalypse 3,20 ; Sagesse 6,12-16). Elles seront toujours Salut offert (Luc 1,76-79) et donc Vie, Plénitude de Vie…

veillez_et_priezEt si Dieu nous invite à « veiller », il est comme toujours le premier à mettre en pratique ce qu’Il nous demande : Il « veille » sur chacun d’entre nous, toujours et partout (cf. Job 10,9‑12 ; 29,2-3 ; Exode 23,20-22 ; Deutéronome 2,7 ; 32,7-14 ; Proverbes 2,6-13 ; Esther 5,1 ; 2Maccabées 15,2 ; Ezéchiel 34,15-16). C’est ce que fit Jésus vis-à-vis de ses disciples (Jean 17,12). Or, Ressuscité, Il est toujours avec nous (Matthieu 28,18‑20 ; Jean 14,3.18.23) et Il continue de veiller sur chacun d’entre nous en nous envoyant la Lumière de l’Esprit qui nous permet de discerner entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas (1Thessaloniciens 5,19-22). Et elle sera au même moment « force » offerte pour renoncer au mal et choisir le bien (2Timothée 1,7). Et cette sollicitude, il l’exerce encore par ceux qu’Il a appelés à devenir les Pasteurs de son troupeau (1Thessaloniciens 5,12-13 ; Hébreux 13,17 ; 1Pierre 5,2-3). Le Pape Jean-Paul II en fut un magnifique exemple…

Et si la tentation devient plus pressante, St Paul nous assure que la grâce se fera plus forte encore : « Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1Corinthiens 10,13). Cette idée de « supporter » nous invite à la patience. La tentation, qui a toujours quelque part prise sur nous, ne disparaîtra pas comme par un simple coup de baguette magique… mais « Dieu nous encourage puissamment, nous qui avons trouvé un refuge (avec Lui et en Lui), à saisir fortement l’espérance qui nous est offerte. En elle, nous avons comme une ancre de notre âme, sûre autant que solide » (Hébreux 6,18-19)… Cette espérance s’enracine et se nourrit dans le don de l’Esprit Saint (Romains 15,13 ; 1Pierre 1,3), qui est l’ancre véritable lancée au cœur de tout chrétien, le roc sur lequel il peut ensuite construire toute sa vie (Matthieu 7,24-25)…

Et si, hélas, la chute survient, « si nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste à jamais fidèle » (2Timothée 2,13)… La grâce surabondera là où le péché a abondé (Romains 5,20) et avec elle, le Bon Pasteur cherchera sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve (Luc 15,4-7)… Il consolera celui qui s’est fait mal en tombant, et il l’invitera à se relever le plus vite possible : « Fait-on une chute sans se relever ? Se détourne-t-on sans retour ?… Reviens, rebelle Israël, car Je Suis miséricordieux. Je veux guérir vos rébellions » et toutes leurs conséquences (cf. Jérémie 8,4 ; 3,11.22)…

Therese novice
Ste Thérèse de Lisieux nous donne quelques conseils dans notre combat de tous les jours :

– Tout d’abord, elle ne désespérait jamais de la Miséricorde de Dieu, car elle avait découvert à quel point elle s’était révélée et offerte en Jésus-Christ, Lui qui, par amour, a voulu descendre au plus profond de la misère humaine : « En descendant ainsi le Bon Dieu montre sa grandeur infinie »…

– Elle essayait de « rester un petit enfant devant le Bon Dieu », et qu’est-ce que cela veut dire ? « C’est », disait-elle « reconnaître son néant, attendre tout du bon Dieu, comme un petit enfant attend tout de son Père ; c’est aussi ne s’inquiéter de rien … Enfin, c’est ne pas se décourager de ses fautes, car les enfants tombent souvent, mais ils sont trop petits pour se faire beaucoup de mal… Voyez les petits enfants : ils ne cessent de casser, de déchirer, de tomber, tout en aimant beaucoup, beaucoup leurs parents. Quand je tombe ainsi, cela me fait voir encore plus mon néant et je me dis : « Qu’est-ce que je ferais, qu’est-ce que je deviendrais si je m’appuyais sur mes propres forces ? » »

3 – Une mauvaise pensée survient ? Elle essaye de ne pas s’y arrêter : « Faut-il tant aimer le bon Dieu et la Sainte Vierge et avoir ces pensées-là !… Mais je ne m’y arrête pas ».

4 – Elle regrette un geste, une attitude, une parole ? « Quand j’ai commis une faute qui me rend triste, je sais bien que cette tristesse est la conséquence de mon infidélité. Mais croyez-vous que j’en reste là ? Oh non ! Pas si sotte ! Je m’empresse de dire au Bon Dieu : Mon Dieu, je sais que ce sentiment de tristesse, je l’ai mérité, mais laissez-moi vous l’offrir tout de même comme une épreuve que vous m’envoyez par amour. Je regrette mon péché, mais je suis contente d’avoir cette souffrance à vous offrir ». En agissant ainsi, elle mettait alors en œuvre cet autre conseil : « Aimer, c’est tout donner », le bien comme le mal… Et en offrant au Seigneur ce qui n’avait peut‑être pas été totalement conforme à sa volonté, elle se retrouvait aussitôt dans les bras de Celui dont l’unique désir est de nous « délivrer du mal » et de tous ses liens pour nous arracher aux ténèbres et nous transférer dans le Royaume de son Fils Bien-Aimé, en sa Lumière, sa Présence et son Amour (Colossiens 1,12-14 ; Actes 26,15‑18 ; Jean 8,31-36 ; Ephésiens 1,3-6)… « Le Dieu que nous avons est un Dieu de délivrances ». Aussi, Seigneur, puisque « je suis pauvre et malheureux », puisque « mon cœur est blessé au fond de moi », « agis pour moi selon ton Nom, délivre-moi, car ton amour est bonté » (Psaume 68(67),21 ; 109(108),21-22 ; 6,5 ; 18(17),17-20)…

                                                                                                                  D. Jacques Fournier

[1] POUILLY J., Dieu notre Père (Cahiers Evangile 68, Saint-Etienne 1989) p. 36.

[2] Catéchisme de l’Eglise catholique & 2794.

[3] Catéchisme de l’Eglise catholique & 2780-2781 p. 568.

[4] C’est ainsi que la TOB traduit en Ezéchiel l’expression « sanctifier le Nom de Dieu » par « montrer la sainteté du Nom de Dieu ».

[5] « La malédiction » en soi n’existe pas ; Dieu ne sait que bénir. Ce mot de « malédiction » ne fait que traduire l’état de celui qui, s’étant séparé de Dieu, est devenu étranger à toutes ces bénédictions qu’il ne cesse pourtant de vouloir lui offrir.

[6] A l’époque, pour St Paul, si on n’était pas Juif, on était Grec ou de culture grecque… L’expression « Juifs et Grecs » englobe donc toute l’humanité…

[7] DURRWELL F.-X., Le Père. Dieu en son mystère (Paris 1998) p. 235.

[8]Catéchisme de l’Eglise catholique p. 573: « Le Père, qui nous donne la vie, ne peut pas ne pas nous donner la nourriture nécessaire à la vie, tous les biens « convenables », matériels et spirituels ».

[9] Catéchisme de l’Eglise catholique p. 573.

[10] Catéchisme de l’Eglise Catholique & 2840 p. 580.

[11] JEREMIAS J., Paroles de Jésus (Paris 1963) p. 75. Cité par POUILLY J., Dieu notre Père (Cahiers Evangile 68) p. 48.

[12] Catéchisme de l’Eglise catholique & 2843 p. 580.

[13] Catéchisme de l’Eglise catholique & 2842 p. 580.

[14] TOURNAY R.J., « Ne nous laisse pas entrer en tentation », Nouvelle Revue Théologique n° 120 (1998).




Le Père, le Fils et le Saint Esprit, Don éternel d’eux-mêmes (4)

« Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), le Père Est Amour, et ainsi, depuis toujours et pour toujours, « le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout ce qu’il Est, « tout ce qu’il a » (Jn 16,15 ; 17,10). « Né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé, le Fils Est ainsi de même nature que le Père ». « Dieu Est Amour » ? Le Fils est donc Lui aussi Amour en tant qu’il se reçoit du Père de toute éternité… Mais nous l’avons vu avec le Père, le propre de l’Amour en Dieu est de tout donner, tout ce qu’il Est, tout ce qu’il a… Recevant du Père d’Être Amour, le Fils reçoit donc également de Lui de pouvoir se donner en tout ce qu’Il Est… Et tout comme le Fils est éternellement « engendré » par le Don que le Père fait éternellement de Lui-même, l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité « procède du Père et du Fils » en tant qu’il se reçoit lui aussi du Don éternel que le Père et le Fils font d’eux-mêmes… « La tradition latine du Credo confesse que l’Esprit « procède du Père et du Fils ». Le Concile de Florence, en 1438, explicite : « Le Saint Esprit tient son essence et son Être à la fois du Père et du Fils et Il procède éternellement de l’Un comme de l’Autre comme d’un seul Principe… Et parce que tout ce qui est au Père, le Père Lui-même l’a donné à Son Fils unique en L’engendrant, à l’exception de son être de Père, cette procession même du Saint Esprit à partir du Fils, Il la tient éternellement de son Père qui L’a engendré éternellement » (CEC & 246).

« Dieu est Amour » ? L’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, reçoit donc éternellement du Père et du Fils d’Être Lui aussi Amour… Et nous avons vu avec la relation Père – Fils, que le propre de l’Amour en Dieu est de tout donner, tout ce qu’Il Est, tout ce qu’Il a… L’Esprit Saint « Amour » sera donc éternellement Don de Lui-même, Don de tout ce qu’Il Est en Lui-même… « Dieu Est Vie » ? « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la Vie » (Crédo). « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5) ? L’Esprit Saint Est éternellement Don de sa Lumière, et c’est ainsi que « Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5,45)… « Le Seigneur Dieu est un Soleil… Il donne la grâce », la grâce de cet Esprit qui est Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), et donc, poursuit le Psalmiste, « il donne la Gloire » (Ps 84(83),12).

Et si l’eau qui lave, purifie, vivifie est aussi un symbole du Don de l’Esprit Saint ‘nature divine’ (Ez 36,24-28 ; Jn 4,10-14 ; 7,37-39 ; 1Co 6,11), l’Esprit Saint Personne divine Est éternellement Don de cette Eau, de telle sorte que Jésus dit encore que « Dieu fait tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45). Le Don de l’Amour est absolument gratuit, car le propre de l’Amour, de toute éternité, est de tout donner, gratuitement, par amour, le Père au Fils, le Père et le Fils à l’Esprit Saint, et tout particulièrement l’Esprit Saint à toutes les créatures de Dieu… Mais pour recevoir ce Don, gratuit de l’Amour, encore faut-il être tourné de tout cœur vers Lui, en renonçant bien sûr au même moment à tout ce qui lui est contraire… D’où l’appel de Jésus, ses premières paroles en St Marc : « Repentez-vous et croyez à la Bonne nouvelle » de l’Amour…

                                                                                                                         D. Jacques Fournier




La Trinité, Mystère de relations éternelles (3)

Le Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC &253.255)) écrit : « La Trinité est Une. Nous ne confessons pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois personnes… Les personnes divines ne se partagent pas l’unique divinité mais chacune d’elles est Dieu tout entier : « Le Père est cela même qu’est le Fils, le Fils cela même qu’est le Père, le Père et le Fils cela même qu’est le Saint-Esprit, c’est-à-dire un seul Dieu par nature » (Concile de Tolède XI en 675). « Chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine » (Concile de Latran IV 1215).

Les personnes divines sont relatives les unes aux autres. Parce qu’elle ne divise pas l’unité divine, la distinction réelle des personnes entre elles réside uniquement dans les relations qui les réfèrent les unes aux autres : « Dans les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux ; quand on parle de ces trois personnes en considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou substance » (Concile de Tolède XI). En effet, « tout est un [en eux] là où l’on ne rencontre pas l’opposition de relation » (Concile de Florence en 1442). « A cause de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils » (Concile Florence). Et souvenons-nous : « Celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est pas le Fils, ni le Saint Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils » (Concile de Tolède XI). Les Trois sont toujours en face à face…

Et les relations qui les unissent depuis toujours et pour toujours sont vitales, existentielles. En effet, St Jean écrit : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35). Cette réalité est éternelle : depuis toujours et pour toujours, le Père aime le Fils, et cet Amour est Don total de Lui-même, de tout ce qu’Il Est en Lui-même. Et c’est par ce Don que le Père engendre le Fils en « Fils né du Père avant tous les siècles », avant le temps, de toute éternité… Depuis toujours et pour toujours, le Père est ainsi Don de Lui-même au Fils, un Fils qui ne cesse d’accueillir « le Don de Dieu » (Jn 4,10), le Don du Père. « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5), le Père Est Lumière ? Le Fils est ainsi « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Pour le Fils, la relation avec le Père est donc vitale, existentielle : sans Lui, Il n’Est rien… « Comme le Père a la vie en Lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26), et cela « avant tous les siècles »… Ce Don de la Vie du Père au Fils est éternel : « Je vis par le Père », nous dit Jésus (Jn 6,57).

Ainsi, « Jésus a révélé que Dieu est « Père » dans un sens inouï : Il ne l’est pas seulement en tant que Créateur, Il est éternellement Père en relation à son Fils unique, qui éternellement n’est Fils qu’en relation au Père » (CEC & 240). Sans le Père, Il n’Est rien, il ne peut rien (Jn 5,19-20)…

                                                                                                   D. Jacques Fournier




L’infinie richesse de la Sainte Trinité (2)

Nous avons vu précédemment les notions de « Personne divine », et de « nature divine », ce que chaque Personne divine Est en elle-même, ce par quoi elle vit et s’exprime. Si nous posons cette question à Dieu : « Qui es-tu ? », nous aurons trois réponses. Seul le Père dira : « Je Suis le Père », les deux autres restant en silence. Seul le Fils dira : « Je Suis le Fils », les deux autres restant en silence. Seul l’Esprit Saint dira : « Je Suis l’Esprit Saint », le Père et le Fils restant en silence.

Mais si nous posons cette question à Dieu : « Qu’est ce que tu Es ? » Alors, les Trois Personnes divines diront en même temps d’une seule voix : « Je Suis » (Ex 3,13-15), « Je Suis Amour » (1Jn 4,8.16), « Je Suis Lumière » (1Jn 1,5), « Je Suis Esprit » (Jn 4,24).

Et pour reprendre encore le vocabulaire de St Jean, nous pourrions écrire aussi « Dieu est Vie ». En effet, nous lisons en Jn 1,4 : « Ce qui fut en Lui, le Verbe, était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes ». La Vie est donc Lumière, la Lumière est Vie, de telle sorte que le Christ peut parler de « la Lumière de la Vie » : « Je Suis la Lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la Lumière de la Vie » (Jn 8,12). Ainsi, « Dieu Est Lumière », la Lumière est Vie et donc : « Dieu Est Vie ».

Nous arrivons à la même conclusion avec la notion d’Esprit. En effet, si « Dieu Est Esprit » dit Jésus (Jn 4,24), il dit aussi : « C’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). St Paul écrit également : « La lettre tue, l’Esprit vivifie » (2Co 3,6). Ou encore : « La Loi de l’Esprit qui donne la Vie » (Rm 8,2). Et : « Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la Vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11). « Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir » (Ga 5,25). « Qui sème dans sa chair, récoltera de la chair la corruption ; qui sème dans l’esprit, récoltera de l’Esprit la Vie éternelle » (Ga 6,8). Ainsi, « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24), « l’Esprit est Vie » (Rm 8,10) et donc « Dieu Est Vie »…

« Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix » (Jn 14,27), nous dit Jésus. St Paul, lui, nous parle du « Dieu de la Paix » (Rm 15,33). Nous pourrions donc dire aussi « Dieu Est Paix ». « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29). Dieu Est Douceur, Humilité… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous » (Jn 15,11). Dieu Est Joie… « Je Suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). « Dieu Est Vérité ». « Dieu est juste » (Rm 3,26). Marie, « la Puissance du Très Haut te prendra sous son ombre » (Lc 1,35)… Dieu Est Tout Puissant…

Mais souvenons-nous… Tout ce que nous disons de Dieu est une expression de son Amour. Il s’agira donc de la Vérité de l’Amour, de la Justice de l’Amour, de la Puissance de l’Amour. C’est ainsi que « Dieu ne peut pas tout. Il ne peut que ce que peut l’Amour » (François Varillon)…

                                                                                                                 D. Jacques Fournier

 




La Sainte Trinité : les notions de « personne » et de « nature » (1)

« Le Mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi, lumière qui les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la hiérarchie des vérités de la foi. Toute l’histoire du salut n’est autre que l’histoire de la voie et des moyens par lesquels le Dieu vrai et unique, Père, Fils et Saint-Esprit, se révèle, se réconcilie et s’unit les hommes qui se détournent du péché » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, & 234).

Dieu est ainsi un mystère de relations éternelles entre trois personnes distinctes. Ce terme même de personne renvoie à « quelqu’un » d’unique, le seul à être « qui » il est. Il est un centre d’existence irréductible à lui-même. A ce titre, deux personnes ne peuvent qu’être en face en face. Une personne ne peut pas être « dans » une autre personne. Leur différence est la base même de la relation qui les unit. Ainsi, « celui qui est le Fils n’est pas le Père, et celui qui est le Père n’est pas le Fils, ni le Saint Esprit n’est celui qui est le Père ou le Fils » (Concile de Tolède XI, 675ap JC).

St Pierre, dans sa seconde Lettre, parle de « nature divine » (2P 1,4). Cette notion renvoie à ce qu’est en elle-même une Personne divine, ce par quoi elle vit et s’exprime. Cette nature divine, ce qui fait que « Dieu Est Dieu », est commune aux trois Personnes divines. St Jean nous offre trois affirmations à son sujet. La première, la plus importante, apparaît deux fois : « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16). Nous sommes ici au cœur de notre foi. « Dieu Est Amour », Il n’Est qu’Amour, tout en Lui est de l’ordre de l’Amour… Puis St Jean écrit : « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5). Cette Lumière est donc celle de l’Amour… Il écrit encore : « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24). A nouveau, il s’agit de l’Esprit d’Amour… Notons que dans cette dernière affirmation, « Esprit » est un nom commun qui évoque ce que Dieu Est en Lui-même… Dans la Bible, nous lisons souvent également, sous une forme ou sous une autre, « Dieu Est Saint » (Lv 11,44-45 ; 19,2 ; 21,8…). « Saint » est ici un adjectif qui qualifie à nouveau ce que Dieu Est en Lui même. En mettant les deux ensembles, nous obtenons « Dieu Est Esprit Saint », une affirmation qui renvoie encore une fois à la nature divine, à ce que Dieu Est en Lui-même. Mais attention, « Esprit Saint » ou « Saint Esprit » peut aussi être employé comme un nom propre pour désigner la Troisième Personne de la Trinité, la seule à être « qui » elle est. Chaque fois que nous rencontrerons cette expression « Esprit Saint », il faudra donc se poser cette question : de quelle réalité parle-t-on, Personne divine ou nature divine ?

Pour conclure ce point et l’illustrer, appliquons à chaque Personne divine ce que nous venons de voir. Le Père Est Esprit, il Est Saint, il Est Esprit Saint. Le Fils Est Esprit, il Est Saint, il Est Esprit Saint. L’Esprit Saint Est Esprit, il Est Saint, il Est Esprit Saint. Le Père n’est pas le Fils, l’Esprit Saint n’est ni le Père, ni le Fils, mais tout ce qui Est dans le Père Est également dans le Fils et dans l’Esprit Saint. Car les Trois possèdent pleinement une seule et même nature divine…

                                                                                          D. Jacques Fournier




Le Crédo, un commentaire (P. Rodophe Eymard)

Aux messes dominicales, la paroisse a pris la décision de prendre le Crédo de Nicée Constantinople pour proclamer notre foi après la méditation de la Parole de Dieu. Je vous propose d’expliciter sommairement les grands aspects de ce Crédo à partir de l’enseignement du Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC). Dans le Crédo, nous avons l’essentiel de la foi.

« Je crois en un seul Dieu,

le Père tout puissant,

créateur du ciel et de la terre,

de l’univers visible et invisible,

Je crois en un seul Seigneur,

Jésus Christ,

le Fils unique de Dieu,

né du Père avant tous les siècles :

Il est Dieu, né de Dieu,

lumière, né de la lumière,

vrai Dieu, né du vrai Dieu

Engendré non pas créé,

de même nature que le Père ;

et par lui tout a été fait.

Pour nous les hommes, et pour notre salut,

il descendit du ciel ;

par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie,

et s’est fait homme.

Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,

Il souffrit sa passion

et fut mis au tombeau.

Il ressuscita le troisième jour,

conformément aux Ecritures,

et il monta au ciel;

il est assis à la droite du Père.

Il reviendra dans la gloire,

pour juger les vivants et les morts

et son règne n’aura pas de fin.

Je crois en l’Esprit Saint,

qui est Seigneur et qui donne la vie;

il procède du Père et du Fils.

Avec le Père et le Fils,

il reçoit même adoration et même gloire;

il a parlé par les prophètes.

Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique.

Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.

J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.

Amen »

Je crois en un seul Dieu

 

Je crois : crédo en latin. En disant Je crois, je professe ma foi. La foi est un acte personnel, une adhésion.

Icône de la TrinitéEn un seul Dieu : Dieu est unique. Les chrétiens sont monothéistes (foi en un seul Dieu ≠ polythéisme). Les chrétiens sont baptisés « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » et non au nom du Père, au nom du Fils et au nom du Saint-Esprit. Au nom d’un seul et unique Dieu qu’on nomme la Trinité. Et le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de notre foi. Une seule unité, une seule nature divine, trois personnes : trois personnes en un seul Dieu. Mais les trois personnes sont distinctes entre elles. Chacune des trois personnes participe d’une façon personnelle dans l’œuvre unique de Dieu, dans le plan de Dieu pour l’humanité1. C’est ce que nous allons voir.

 

 

Le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible.

 

Le Père tout puissant : Dieu est Père. Dieu est tout puissant parce qu’il créateur. Tout ce qui existe c’est lui qui l’a fait. La toute-puissance de Dieu se comprend par sa paternité. Sa paternité s’exprime par l’amour et la miséricorde infinis. Dieu est tout puissant en amour et en pardon. Il faut bien comprendre cette toute-puissance car nous avons en arrière-fond des visions filmographiques de la toute-puissance : des guerriers, des conquérants. La toute-puissance de Dieu s’exprime dans la croix du Christ. Dieu a révélé son pardon et son amour infinis dans la croix. Se pose la question du mal : comment Dieu qui est tout puissant peut-il le tolérer ? Dieu a créé l’homme libre, c’est un mystère. En l’homme, il y a un libre arbitre pour choisir le bien et le mal. C’est l’homme en exerçant mal sa liberté, en se détournant de Dieu qui commet le mal. Le mal n’est pas une création de Dieu car Dieu n’est qu’amour. Dieu aime tellement l’homme qu’il ne l’enchaîne pas. Ce dernier est libre de choisir Dieu ou de le refuser.

Dieu Père (Giovanni Battista Cima) 2

Créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible : Pourquoi Dieu a-t-il créé ? Dieu a créé par sagesse et par amour, pour sa plus grande gloire. Dieu crée ‘de rien’, il n’avait besoin d’aucune aide pour créer. C’est un acte de liberté. Dieu n’avait pas besoin de créer pour exister… A l’origine, Dieu a créé le monde bon et bien ordonné (avant que le péché soit commis). Dieu a créé par le Fils et par le Saint Esprit. Donc la création est l’œuvre de la Trinité.

Du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible : Tout ce qui existe. La terre est le monde des hommes. Le ciel désigne le « lieu » propre de Dieu. Dieu a créé l’homme et des entités invisibles : les anges (une vérité de foi !).

Les anges sont des créatures spirituelles qui glorifient Dieu sans cesse. Ils sont au service de Dieu.

« Dieu créa l’homme et la femme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il le créa » (Gn 1, 27). L’humanité est sexuée : homme et femme ; différence sexuelle voulue par Dieu. L’homme seul est à l’image de Dieu. L’homme seul a le souffle de Dieu en lui. L’homme seul est doté d’une conscience pour discerner le bien et le mal, pour discerner ses actes. L’homme a une place particulière au sein de la création. Dieu lui confie sa création, il est co-créateur. L’homme n’est pas un animal parmi d’autres !

Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ

 

Deuxième personne de la Trinité. Jésus est au cœur de la catéchèse. Le CEC précise : « La transmission de la foi chrétienne, c’est d’abord l’annonce de Jésus-Christ, pour conduire à la foi en Lui » (n°425).

 

Jésus : En hébreu : « Dieu sauve ». Ce nom signifie que Dieu est présent en la personne de Jésus. Nom divin qui seul apporte le Salut : « C’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21).

jésus enseignant 2

Christ : Messie = oint. Jésus est l’envoyé de Dieu. Jésus est le Christ car Dieu « l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance » (Ac 10, 38). Il est ce Messie attendu par Israël, annoncé par les prophètes dans les Ecritures Saintes.

Seigneur : Titre divin. Souveraineté divine.

 

le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, lumière, né de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu Engendré non pas créé, de même nature que le Père ; et par lui tout a été fait.

 

Unique : Jésus est l’unique Fils de Dieu. Nous sommes fils de Dieu par adoption. Nous sommes fils dans le Fils unique.

marieDe toute éternité, bien avant la création, la Trinité existe : Père, Fils et Saint-Esprit. De toute éternité, le Fils qu’on dit aussi le Verbe de Dieu est engendré par le Père c’est-à-dire que toute éternité, le Fils tire sa source du Père. Le Verbe est vrai Dieu, de même nature que le Père. Il est de toute éternité donc non crée. Et à un jour précis de notre histoire, le Verbe de Dieu s’est fait chair dans le sein de la Vierge Marie. Conséquence : une des personnes de la Trinité, le Verbe de Dieu est depuis le jour de l’incarnation est pour l’éternité vrai Dieu et vrai homme.

 

Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme.

 

Visage de JésusPourquoi le Verbe de Dieu s’est fait chair ? Pour notre Salut c’est-à-dire pour nous sauver. Le Verbe de Dieu fait chair par l’action de l’Esprit Saint nous sauve en réconciliant avec Dieu car l’homme de par son péché s’est détourné de Dieu. Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour nous révéler l’amour du Père. Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté : Jésus nous montre le chemin à suivre pour aller vers Dieu (selon ce que nous enseigne l’Evangile). Le Verbe de Dieu s’est fait chair pour nous rendre participants de la nature divine, pour faire de nous des fils qui partagent la vie même de Dieu.

Jésus est vrai Dieu et vrai homme. Il est le trait d’union, la médiation entre Dieu et les hommes. En Jésus, Dieu se fait proche de l’homme et l’homme se fait proche de Dieu. Dieu n’a jamais été aussi proche de nous !

Nous comprenons alors pourquoi Jésus est au cœur de notre foi. Il est le seul chemin pour atteindre de Dieu.

Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Ecritures, et il monta au ciel; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin.

 

La deuxième personne de la Trinité occupe le plus grand développement au sein du credo. Cette partie du credo est le cœur du cœur de la foi chrétienne. Nous faisons exprimons ce mystère de la foi à chaque Eucharistie : c’est l’anamnèse : « Tu as connu la mort, tu es ressuscité et tu reviendras dans la gloire ! » Tel est le cœur de notre foi. Le mystère pascal : la passion, la mort et la résurrection du Christ est la première annonce faite par les apôtres et que l’Eglise doit continuer à annoncer au monde.

Croix Lumière

Jésus est venu pour annoncer le Règne de Dieu. Il n’est pas venu abolir la loi comme il le dit lui-même : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir » (Mt 5, 17). La loi donnée par Dieu au peuple par l’intermédiaire de Moïse est bonne en elle-même mais Israël la pratiquait mal. Jésus est venu montrer comment la pratiquer en remettant au centre ce pourquoi la Loi était donnée : en vue de l’amour de Dieu et du prochain.

En s’annonçant comme le Fils de Dieu, beaucoup se sont opposés à Jésus. Les autorités de l’époque l’ont donc mis à mort. Par sa mort et sa résurrection, Jésus a vaincu la mort, le mal et le péché de toute l’humanité. Jésus s’est offert librement sur la croix pour aller jusqu’au bout du témoignage de Dieu et de l’amour2. Ainsi, il a porté tous les péchés du monde. Par son obéissance radicale, Jésus répare nos fautes, la désobéissance de l’homme vis-à-vis de Dieu. La croix exprime donc l’amour infini de Dieu pour l’humanité qui a accepté de livrer son propre Fils en vue de la libération. Le sacrifice du Christ est unique et définitif. Il n’est plus à refaire. Le mystère pascal du Christ apporte le Salut définitif. Chaque homme doit coopérer pour recevoir le Salut apporté par le Christ. Dieu compte sur notre liberté car il ne peut pas nous sauver si nous le refusons.

Jésus ressuscite Adam et Eve

Le symbole des apôtres nous dit que le Christ est descendu aux enfers. Il faut faire une distinction entre « les enfers » et « l’enfer ». Le séjour des morts où le Christ mort est descendu, l’Ecriture l’appelle les enfers, le Shéol ou l’Hadès. Ce sont les morts qui étaient privés de la vision de Dieu. Tous ces morts ont précédé la venue de Jésus sur terre et l’âme du Christ est descendue aux enfers pour libérer les âmes justes qui attendaient le Libérateur annoncé par les Prophètes et les Ecritures. Les enfers sont un « lieu » d’attente. Jésus a sauvé toute l’humanité, de toutes les générations. L’enfer est la séparation éternelle d’avec Dieu. Par un choix libre, à sa mort, l’homme peut refuser l’amour miséricordieux de Dieu. C’est l’état de l’enfer.

Il monta au ciel; il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin : Depuis son ascension, Jésus est entré dans la gloire totale de Dieu dans son humanité. Il n’est plus présent physiquement en ce monde mais par son Esprit. Il est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Il reviendra dans la gloire3 où il instaurera une fois pour tout son règne, sa victoire définitive sur le mal existant en ce monde. Mais sa victoire est déjà acquise par son mystère pascal. Il jugera les vivants et les morts. Tous, nous serons jugés et le Christ n’étant que l’amour nous jugera sur l’amour c’est-à-dire sur les œuvres d’amour qui seront faites en ce monde. Se pose à nous la question de la responsabilité et de la conversion.

 

Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire; il a parlé par les prophètes.

 

Esprit SaintL’Esprit Saint : Troisième personne de la Trinité. L’Esprit Saint est Dieu. Ce n’est pas un esprit quelconque. Toute la mission de Jésus a été accomplie dans l’Esprit Saint. Au cœur même de Dieu, il y a l’amour et cet amour c’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est l’amour que le Père a pour le Fils et que le Fils a pour le Père. C’est lui qui nous permet de rentrer en relation avec Dieu, de nous aimer les uns les autres à la manière de Jésus. L’Esprit Saint nous permet de nommer Dieu, notre Père Abba, de nous rappeler de l’enseignement de Jésus et de le mettre en pratique. L’Esprit Saint dépose en nous ses dons pour nous aider à vivre et agir en chrétiens. Jésus nous a promis cet Esprit Saint reçu à la pentecôte pour constituer et élargir l’Eglise aux dimensions du monde. L’Esprit Saint anime, sanctifie et dirige l’Eglise.

       Ce qui est premier c’est cette foi en Dieu qui est Père, Fils et Saint Esprit. Le reste du credo est l’œuvre de Dieu, le projet de Dieu pour l’humanité, le don de Dieu…

Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique

Le mot Eglise signifie « convocation ». Une assemblée convoquée par le Christ. L’Eglise est à la fois visible et invisible. Il y a l’Eglise du ciel et l’Eglise de la terre qui ne forment qu’une seule et unique Eglise. Elle est le sacrement du Salut c’est-à-dire que c’est dans l’Eglise que le Salut se réalise par Jésus Christ. Elle est l’instrument par lequel le Christ agit, le signe et l’instrument de l’Alliance de Dieu avec l’humanité. L’Eglise est à la fois humaine et divine : humaine car elle est composée d’hommes et de femmes, elle est structurée pour sa bonne marche mais divine car elle est instituée et dirigée par le Dieu trinitaire. C’est pourquoi on dit de l’Eglise qu’elle est le peuple de Dieu, le corps du Christ et le temple de l’Esprit Saint.

 Jésus Eglise

Une : Car l’Eglise confesse un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Elle ne forme qu’un seul corps vivifié par l’Esprit Saint.

Sainte : Bien qu’elle soit composée de membres pécheurs, l’Eglise est sainte parce que le Christ qui est la Tête est saint. C’est l’Esprit Saint qui la sanctifie.

Catholique : C’est-à-dire universelle, L’Eglise est de tous temps et répandue à travers le monde.

 

Apostolique : Elle repose sur le témoignage des 12 apôtres. Elle a l’unique mission de continuer le témoignage des apôtres.

Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.

BaptemeLe baptême est le premier et principal sacrement pour le pardon des péchés, c’est-à-dire que nous échappons à l’esclavage du péché pour vivre dans la liberté des enfants de Dieu. Au baptême, nous sommes unis au Christ mort et ressuscité, nous recevons l’Esprit Saint, nous devenons enfants de Dieu et nous entrons dans la famille des chrétiens (= l’Eglise).

J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.

 

Résurrection - Lourdes Basilique du RosaireJ’attends la résurrection des morts : c’est-à-dire je crois à la résurrection de la chair. L’homme est corps et âme, il ne faut jamais dissocier ces deux aspects. A la mort, l’âme qui est immortelle est séparée du corps. Au dernier jour, nous croyons que nous ressusciterons dans un corps semblable à celui du Christ. Non pas dans ce corps que nous connaissons en ce monde voué à disparaitre mais dans un corps glorieux et spirituel. La résurrection du Christ est le gage, l’espérance de notre propre résurrection.

Baptême signifie « plongée ». Nous sommes plongées dans la mort et la résurrection du Christ. Pour ressusciter il faut passer par la mort. La mort est donc un passage et non une fin… Par le baptême, la résurrection est déjà inscrite en nous.

La vie du monde à venir : La vie éternelle, dans le Royaume de Dieu. Jésus a prêché la venue de ce Royaume qui nous est promis en héritage. La vie éternelle c’est vivre dans la plénitude de Dieu.

Le symbole des apôtres évoque « la communion des saints » : ce sont toutes les personnes qui nous ont précédées dans la foi et que nous attestons être déjà dans la gloire de Dieu car ils ont mis l’Evangile en pratique tout au long de leurs existences. La communion des saints témoigne de cette espérance en la vie éternelle.

Amen

Amen se rattache à la même racine que le mot « croire ». Il exprime la solidité, la fiabilité, la fidélité. En le disant, il confirme tout ce qui a été dit. On pourrait dire : « OK je crois ! »

                                                                                                                P. Rodolphe Eymard

 

Credo – P. Rodolphe Eymard : cliquer sur le titre précédent pour avoir accès au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




BULLE D’INDICTION DU JUBILÉ EXTRAORDINAIRE DE LA MISÉRICORDE

FRANÇOIS EVÊQUE DE ROME

SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU

À CEUX QUI LIRONT CETTE LETTRE GRÂCE, MISÉRICORDE ET PAIX

  1. Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, « riche en miséricorde » (Ep 2, 4) après avoir révélé son nom à Moïse comme « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6) n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine de différentes manières et en de nombreux moments. Lorsqu’est venue la « plénitude des temps » (Ga 4, 4), quand tout fut disposé selon son dessein de salut, il envoya son Fils né de la Vierge Marie pour nous révéler de façon définitive son amour. Qui le voit a vu le Père (cf. Jn 14, 9). A travers sa parole, ses gestes, et toute sa personne,[1] Jésus de Nazareth révèle la miséricorde de Dieu.

  1. Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde. Elle est source de joie, de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut. Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie. La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché.

  1. Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l’Eglise, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace.

L’Année Sainte s’ouvrira le 8 décembre 2015, solennité de l’Immaculée Conception. Cette fête liturgique montre comment Dieu agit dès le commencement de notre histoire. Après qu’Adam et Eve eurent péché, Dieu n’a pas voulu que l’humanité demeure seule et en proie au mal. C’est pourquoi Marie a été pensée et voulue sainte et immaculée dans l’amour (cf. Ep 1, 4), pour qu’elle devienne la Mère du Rédempteur de l’homme. Face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du pardon. La miséricorde sera toujours plus grande que le péché, et nul ne peut imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne. En cette fête de l’Immaculée Conception, j’aurai la joie d’ouvrir la Porte Sainte. En cette occasion, ce sera une Porte de la Miséricorde, où quiconque entrera pourra faire l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance.

Le dimanche suivant, troisième de l’Avent, la Porte Sainte sera ouverte dans la cathédrale de Rome, la Basilique Saint Jean de Latran. Ensuite seront ouvertes les Portes Saintes dans les autres Basiliques papales. Ce même dimanche, je désire que dans chaque Eglise particulière, dans la cathédrale qui est l’Eglise-mère pour tous les fidèles, ou bien dans la co-cathédrale ou dans une église d’importance particulière, une Porte de la Miséricorde soit également ouverte pendant toute l’Année Sainte. Au choix de l’Ordinaire du lieu, elle pourra aussi être ouverte dans les Sanctuaires où affluent tant de pèlerins qui, dans ces lieux ont le cœur touché par la grâce et trouvent le chemin de la conversion. Chaque Eglise particulière est donc directement invitée à vivre cette Année Sainte comme un moment extraordinaire de grâce et de renouveau spirituel. Donc, le Jubilé sera célébré à Rome, de même que dans les Eglises particulières, comme signe visible de la communion de toute l’Eglise.

  1. J’ai choisi la date du 8 décembre pour la signification qu’elle revêt dans l’histoire récente de l’Eglise. Ainsi, j’ouvrirai la Porte Sainte pour le cinquantième anniversaire de la conclusion du Concile œcuménique Vatican II. L’Eglise ressent le besoin de garder vivant cet événement. C’est pour elle que commençait alors une nouvelle étape de son histoire. Les Pères du Concile avait perçu vivement, tel un souffle de l’Esprit, qu’il fallait parler de Dieu aux hommes de leur temps de façon plus compréhensible. Les murailles qui avaient trop longtemps enfermé l’Eglise comme dans une citadelle ayant été abattues, le temps était venu d’annoncer l’Evangile de façon renouvelée. Etape nouvelle pour l’évangélisation de toujours. Engagement nouveau de tous les chrétiens à témoigner avec plus d’enthousiasme et de conviction de leur foi. L’Eglise se sentait responsable d’être dans le monde le signe vivant de l’amour du Père.

Les paroles riches de sens que saint Jean XXIII a prononcées à l’ouverture du Concile pour montrer le chemin à parcourir reviennent en mémoire : « Aujourd’hui, l’Épouse du Christ, l’Église, préfère recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité… L’Eglise catholique, en brandissant le flambeau de la vérité religieuse, veut se montrer la mère très aimante de tous, bienveillante, patiente, pleine d’indulgence et de bonté à l’égard de ses fils séparés ».[2] Dans la même perspective, lors de la conclusion du Concile, le bienheureux Paul VI s’exprimait ainsi : « Nous voulons plutôt souligner que la règle de notre Concile a été avant tout la charité … La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile…. Un courant d’affection et d’admiration a débordé du Concile sur le monde humain moderne. Des erreurs ont été dénoncées. Oui, parce que c’est l’exigence de la charité comme de la vérité mais, à l’adresse des personnes, il n’y eut que rappel, respect et amour. Au lieu de diagnostics déprimants, des remèdes encourageants ; au lieu de présages funestes, des messages de confiance sont partis du Concile vers le monde contemporain : ses valeurs ont été non seulement respectées, mais honorées ; ses efforts soutenus, ses aspirations purifiées et bénies… toute cette richesse doctrinale ne vise qu’à une chose : servir l’homme. Il s’agit, bien entendu, de tout homme, quels que soient sa condition, sa misère et ses besoins ».[3]

Animé par des sentiments de gratitude pour tout ce que l’Eglise a reçu, et conscient de la responsabilité qui est la nôtre, nous passerons la Porte Sainte sûrs d’être accompagnés par la force du Seigneur Ressuscité qui continue de soutenir notre pèlerinage. Que l’Esprit Saint qui guide les pas des croyants pour coopérer à l’œuvre du salut apporté par le Christ, conduise et soutienne le Peuple de Dieu pour l’aider à contempler le visage de la miséricorde.[4]

  1. C’est le 20 novembre 2016, en la solennité liturgique du Christ, Roi de l’Univers, que sera conclue l’Année jubilaire. En refermant la Porte Sainte ce jour-là, nous serons animés de sentiments de gratitude et d’action de grâce envers la Sainte Trinité qui nous aura donné de vivre ce temps extraordinaire de grâce. Nous confierons la vie de l’Eglise, l’humanité entière et tout le cosmos à la Seigneurie du Christ, pour qu’il répande sa miséricorde telle la rosée du matin, pour une histoire féconde à construire moyennant l’engagement de tous au service de notre proche avenir. Combien je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu ! Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous.

  1. « La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde ».[5] Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu. C’est pourquoi une des plus antiques collectes de la liturgie nous fait prier ainsi : « Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié ».[6] Dieu sera toujours dans l’histoire de l’humanité comme celui qui est présent, proche, prévenant, saint et miséricordieux.

“Patient et miséricordieux”, tel est le binôme qui parcourt l’Ancien Testament pour exprimer la nature de Dieu. Sa miséricorde se manifeste concrètement à l’intérieur de tant d’événements de l’histoire du salut où sa bonté prend le pas sur la punition ou la destruction. D’une façon particulière, les Psaumes font apparaître cette grandeur de l’agir divin : « Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse » (Ps 102, 3-4). D’une façon encore plus explicite, un autre Psaume énonce les signes concrets de la miséricorde : « Il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant » (145, 7-9). Voici enfin une autre expression du psalmiste : « [Le Seigneur] guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures… Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies » (146, 3.6). En bref, la miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle Il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux mêmes par leur fils. Il est juste de parler d’un amour « viscéral ». Il vient du cœur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon.

  1. « Eternel est son amour » : c’est le refrain qui revient à chaque verset du Psaume 135 dans le récit de l’histoire de la révélation de Dieu. En raison de la miséricorde, tous les événements de l’Ancien Testament sont riches d’une grande valeur salvifique. La miséricorde fait de l’histoire de Dieu avec Israël une histoire du salut. Répéter sans cesse : « Eternel est son amour » comme fait le Psaume, semble vouloir briser le cercle de l’espace et du temps pour tout inscrire dans le mystère éternel de l’amour. C’est comme si l’on voulait dire que non seulement dans l’histoire, mais aussi dans l’éternité, l’homme sera toujours sous le regard miséricordieux du Père. Ce n’est pas par hasard que le peuple d’Israël a voulu intégrer ce Psaume, le “Grand hallel” comme on l’appelle, dans les fêtes liturgiques les plus importantes.

Avant la Passion, Jésus a prié avec ce Psaume de la miséricorde. C’est ce qu’atteste l’évangéliste Matthieu quand il dit qu’« après avoir chanté les Psaumes » (26, 30), Jésus et ses disciples sortirent en direction du Mont des Oliviers. Lorsqu’il instituait l’Eucharistie, mémorial pour toujours de sa Pâque, il établissait symboliquement cet acte suprême de la Révélation dans la lumière de la miséricorde. Sur ce même horizon de la miséricorde, Jésus vivait sa passion et sa mort, conscient du grand mystère d’amour qui s’accomplissait sur la croix. Savoir que Jésus lui-même a prié avec ce Psaume le rend encore plus important pour nous chrétiens, et nous appelle à en faire le refrain de notre prière quotidienne de louange : « Eternel est son amour ».

  1. Le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, nous pouvons accueillir l’amour de la Sainte Trinité. La mission que Jésus a reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. L’évangéliste Jean affirme pour la première et unique fois dans toute l’Ecriture : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8.16). Cet amour est désormais rendu visible et tangible dans toute la vie de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un amour qui se donne gratuitement. Les relations avec les personnes qui s’approchent de Lui ont quelque chose d’unique et de singulier. Les signes qu’il accomplit, surtout envers les pécheurs, les pauvres, les exclus, les malades et les souffrants, sont marqués par la miséricorde. Tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion.

Face à la multitude qui le suivait, Jésus, voyant qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés et sans berger, éprouva au plus profond de son cœur, une grande compassion pour eux (cf. Mt 9, 36). En raison de cet amour de compassion, il guérit les malades qu’on lui présentait (cf. Mt 14, 14), et il rassasia une grande foule avec peu de pains et de poissons (cf. Mt 15, 37). Ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde avec laquelle il lisait dans le cœur de ses interlocuteurs et répondait à leurs besoins les plus profonds. Lorsqu’il rencontra la veuve de Naïm qui emmenait son fils unique au tombeau, il éprouva une profonde compassion pour la douleur immense de cette mère en pleurs, et il lui redonna son fils, le ressuscitant de la mort (cf. Lc 7, 15). Après avoir libéré le possédé de Gerasa, il lui donna cette mission : « Annonce tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Mc 5, 19). L’appel de Matthieu est lui aussi inscrit sur l’horizon de la miséricorde. Passant devant le comptoir des impôts, Jésus regarda Matthieu dans les yeux. C’était un regard riche de miséricorde qui pardonnait les péchés de cet homme, et surmontant les résistances des autres disciples, il le choisit, lui, le pécheur et le publicain, pour devenir l’un des Douze. Commentant cette scène de l’Evangile, Saint Bède le Vénérable a écrit que Jésus regarda Matthieu avec un amour miséricordieux, et le choisit : miserando atque eligendo.[7] Cette expression m’a toujours fait impression au point d’en faire ma devise.

  1. Dans les paraboles de la miséricorde, Jésus révèle la nature de Dieu comme celle d’un Père qui ne s’avoue jamais vaincu jusqu’à ce qu’il ait absous le péché et vaincu le refus, par la compassion et la miséricorde. Nous connaissons ces paraboles, trois en particulier : celle de la brebis égarée, celle de la pièce de monnaie perdue, et celle du père et des deux fils (cf. Lc 15, 1-32). Dans ces paraboles, Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Evangile et de notre foi, car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour, et qui console en pardonnant.

Dans une autre parabole, nous recevons un enseignement pour notre manière de vivre en chrétiens. Interpellé par la question de Pierre lui demandant combien de fois il fallait pardonner, Jésus répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante dix fois sept fois » (Mt 18, 22). Il raconte ensuite la parabole du « débiteur sans pitié ». Appelé par son maître à rendre une somme importante, il le supplie à genoux et le maître lui remet sa dette. Tout de suite après, il rencontre un autre serviteur qui lui devait quelques centimes. Celui-ci le supplia à genoux d’avoir pitié, mais il refusa et le fit emprisonner. Ayant appris la chose, le maître se mit en colère et rappela le serviteur pour lui dire : « Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? » (Mt 18, 33). Et Jésus conclut : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (Mt 18, 35).

La parabole est d’un grand enseignement pour chacun de nous. Jésus affirme que la miséricorde n’est pas seulement l’agir du Père, mais elle devient le critère pour comprendre qui sont ses véritables enfants. En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde. Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’apôtre : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26). Ecoutons surtout la parole de Jésus qui a établi la miséricorde comme idéal de vie, et comme critère de crédibilité de notre foi : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7). C’est la béatitude qui doit susciter notre engagement tout particulier en cette Année Sainte.

Comme on peut le remarquer, la miséricorde est, dans l’Ecriture, le mot-clé pour indiquer l’agir de Dieu envers nous. Son amour n’est pas seulement affirmé, mais il est rendu visible et tangible. D’ailleurs, l’amour ne peut jamais être un mot abstrait. Par nature, il est vie concrète : intentions, attitudes, comportements qui se vérifient dans l’agir quotidien. La miséricorde de Dieu est sa responsabilité envers nous. Il se sent responsable, c’est-à-dire qu’il veut notre bien et nous voir heureux, remplis de joie et de paix. L’amour miséricordieux des chrétiens doit être sur la même longueur d’onde. Comme le Père aime, ainsi aiment les enfants. Comme il est miséricordieux, ainsi sommes-nous appelés à être miséricordieux les uns envers les autres.

  1. La miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Eglise. Dans son action pastorale, tout devrait être enveloppé de la tendresse par laquelle on s’adresse aux croyants. Dans son annonce et le témoignage qu’elle donne face au monde, rien ne peut être privé de miséricorde. La crédibilité de l’Eglise passe par le chemin de l’amour miséricordieux et de la compassion. L’Eglise « vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde ».[8] Peut-être avons-nous parfois oublié de montrer et de vivre le chemin de la miséricorde. D’une part, la tentation d’exiger toujours et seulement la justice a fait oublier qu’elle n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Eglise doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif. D’autre part, il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture. Même le mot semble parfois disparaître. Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance.

  1. Nous ne pouvons pas oublier le grand enseignement que saint Jean-Paul II nous a donné dans sa deuxième encyclique Dives in misericordia, qui arriva à l’époque de façon inattendue et provoqua beaucoup de surprise en raison du thème abordé. Je voudrais revenir plus particulièrement sur deux expressions. Tout d’abord le saint Pape remarque l’oubli du thème de la miséricorde dans la culture actuelle : « La mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée (cf. Gn 1, 28). Cette domination de la terre, entendue parfois de façon unilatérale et superficielle, ne laisse pas de place, semble-t-il, à la miséricorde… Et c’est pourquoi, dans la situation actuelle de l’Eglise et du monde, bien des hommes et bien des milieux, guidés par un sens aigu de la foi, s’adressent, je dirais quasi spontanément, à la miséricorde de Dieu ».[9]

C’est ainsi que saint Jean-Paul II justifiait l’urgence de l’annonce et du témoignage à l’égard de la miséricorde dans le monde contemporain : « Il est dicté par l’amour envers l’homme, envers tout ce qui est humain, et qui, selon l’intuition d’une grande partie des hommes de ce temps, est menacé par un péril immense. Le mystère du Christ… m’a poussé à rappeler dans l’encyclique Redemptor Hominis sa dignité incomparable, m’oblige aussi à proclamer la miséricorde en tant qu’amour miséricordieux de Dieu révélé dans ce mystère. Il me conduit également à en appeler à cette miséricorde et à l’implorer dans cette phase difficile et critique de l’histoire de l’Eglise et du monde ».[10] Son enseignement demeure plus que jamais d’actualité et mérite d’être repris en cette Année Sainte. Recevons ses paroles de façon renouvelée : « L’Eglise vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la Miséricorde, attribut le plus admirable du Créateur et du Rédempteur, et lorsqu’elle conduit les hommes aux sources de la Miséricorde du Sauveur, dont elle est la dépositaire et la dispensatrice ».[11]

  1. L’Eglise a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Evangile, qu’elle doit faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous. L’Epouse du Christ adopte l’attitude du Fils de Dieu qui va à la rencontre de tous, sans exclure personne. De nos jours où l’Eglise est engagée dans la nouvelle évangélisation, le thème de la miséricorde doit être proposé avec un enthousiasme nouveau et à travers une pastorale renouvelée. Il est déterminant pour l’Eglise et pour la crédibilité de son annonce de vivre et de témoigner elle-même de la miséricorde. Son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père.

La vérité première de l’Eglise est l’amour du Christ. L’Eglise se fait servante et médiatrice de cet amour qui va jusqu’au pardon et au don de soi. En conséquence, là où l’Eglise est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste. Dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde.

  1. Nous voulons vivre cette Année Jubilaire à la lumière de la parole du Seigneur : Miséricordieux comme le Père. L’évangéliste rapporte l’enseignement du Christ qui dit : «  Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux  » (Lc 6, 36). C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de joie et de paix. Le commandement de Jésus s’adresse à ceux qui écoutent sa voix (cf. Lc 6, 27). Pour être capable de miséricorde, il nous faut donc d’abord nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Cela veut dire qu’il nous faut retrouver la valeur du silence pour méditer la Parole qui nous est adressée. C’est ainsi qu’il est possible de contempler la miséricorde de Dieu et d’en faire notre style de vie.

  1. Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année Sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, et l’être humain un viator, un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte Sainte à Rome, et en tous lieux, chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion : en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous.

Le Seigneur Jésus nous montre les étapes du pèlerinage à travers lequel nous pouvons atteindre ce but  : «  Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés  ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera  : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement  ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous  » (Lc 6, 37-38). Il nous est dit, d’abord, de ne pas juger, et de ne pas condamner. Si l’on ne veut pas être exposé au jugement de Dieu, personne ne doit devenir juge de son frère. De fait, en jugeant, les hommes s’arrêtent à ce qui est superficiel, tandis que le Père regarde les cœurs. Que de mal les paroles ne font-elles pas lorsqu’elles sont animées par des sentiments de jalousie ou d’envie  ! Mal parler du frère en son absence, c’est le mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux ragots. Ne pas juger et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne pas permettre quelle ait à souffrir de notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir. Ceci n’est pas encore suffisant pour exprimer ce qu’est la miséricorde. Jésus demande aussi de pardonner et de donner, d’être instruments du pardon puisque nous l’avons déjà reçu de Dieu, d’être généreux à l’égard de tous en sachant que Dieu étend aussi sa bonté pour nous avec grande magnanimité.

Miséricordieux comme le Père, c’est donc la “devise” de l’Année Sainte. Dans la miséricorde, nous avons la preuve de la façon dont Dieu aime. Il se donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans rien demander en retour. Il vient à notre secours lorsque nous l’invoquons. Il est beau que la prière quotidienne de l’Eglise commence avec ces paroles  : «  Mon Dieu, viens me délivrer  ; Seigneur, viens vite à mon secours  » (Ps 69, 2). L’aide que nous implorons est déjà le premier pas de la miséricorde de Dieu à notre égard. Il vient nous sauver de la condition de faiblesse dans laquelle nous vivons. Son aide consiste à rendre accessible sa présence et sa proximité. Touchés jour après jour par sa compassion, nous pouvons nous aussi devenir compatissants envers tous.

  1. Au cours de cette Année Sainte, nous pourrons faire l’expérience d’ouvrir le cœur à ceux qui vivent dans les périphéries existentielles les plus différentes, que le monde moderne a souvent créées de façon dramatique. Combien de situations de précarité et de souffrance n’existent-elles pas dans le monde d’aujourd’hui ! Combien de blessures ne sont-elles pas imprimées dans la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence des peuples riches ! Au cours de ce Jubilé, l’Eglise sera encore davantage appelée à soigner ces blessures, à les soulager avec l’huile de la consolation, à les panser avec la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’attention. Ne tombons pas dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté, dans le cynisme destructeur. Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble, nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme.

J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Evangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles  : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles  : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

Nous ne pouvons pas échapper aux paroles du Seigneur et c’est sur elles que nous serons jugés  : aurons-nous donné à manger à qui a faim et à boire à qui a soif  ? Aurons-nous accueilli l’étranger et vêtu celui qui était nu  ? Aurons-nous pris le temps de demeurer auprès de celui qui est malade et prisonnier  ? (cf. Mt 25, 31-45). De même, il nous sera demandé si nous avons aidé à sortir du doute qui engendre la peur, et bien souvent la solitude ; si nous avons été capable de vaincre l’ignorance dans laquelle vivent des millions de personnes, surtout des enfants privés de l’aide nécessaire pour être libérés de la pauvreté, si nous nous sommes fait proches de celui qui est seul et affligé ; si nous avons pardonné à celui qui nous offense, si nous avons rejeté toute forme de rancœur et de haine qui porte à la violence, si nous avons été patient à l’image de Dieu qui est si patient envers nous ; si enfin, nous avons confié au Seigneur, dans la prière nos frères et sœurs. C’est dans chacun de ces «  plus petits  » que le Christ est présent. Sa chair devient de nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin. N’oublions pas les paroles de Saint Jean de la Croix  : «  Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour  ».[12]

  1. Dans l’Evangile de Luc, nous trouvons un autre aspect important pour vivre avec foi ce Jubilé. L’évangéliste raconte qu’un jour de sabbat, Jésus retourna à Nazareth, et comme il avait l’habitude de le faire, il entra dans la synagogue. On l’appela pour lire l’Ecriture et la commenter. C’était le passage du prophète Isaïe où il est écrit : «  L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur » (Is 61, 1-2). «  Une année de bienfaits  »  : c’est ce que le Seigneur annonce et que nous voulons vivre. Que cette Année Sainte expose la richesse de la mission de Jésus qui résonne dans les paroles du Prophète  : dire une parole et faire un geste de consolation envers les pauvres, annoncer la libération de ceux qui sont esclaves dans les nouvelles prisons de la société moderne, redonner la vue à qui n’est plus capable de voir car recroquevillé sur lui-même, redonner la dignité à ceux qui en sont privés. Que la prédication de Jésus soit de nouveau visible dans les réponses de foi que les chrétiens sont amenés à donner par leur témoignage. Que les paroles de l’Apôtre nous accompagnent  : «  celui qui pratique la miséricorde, qu’il ait le sourire  » (Rm 12, 8).

  1. Puisse le Carême de cette Année Jubilaire être vécu plus intensément comme un temps fort pour célébrer et expérimenter la miséricorde de Dieu. Combien de pages de l’Ecriture peuvent être méditées pendant les semaines du Carême, pour redécouvrir le visage miséricordieux du Père ! Nous pouvons nous aussi répéter avec Michée : Toi, Seigneur, tu es un Dieu qui efface l’iniquité et pardonne le péché. De nouveau, tu nous montreras ta miséricorde, tu fouleras aux pieds nos crimes, tu jetteras au fond de la mer tous nos péchés  ! (cf. 7, 18-19).

Ces pages du prophète Isaïe pourront être méditées plus concrètement en ce temps de prière, de jeûne et de charité  : «  Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas ceci  : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs  ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable  ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra  ; si tu cries, il dira  : «  Me voici.  » Si tu fais disparaître de chez toi le joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, si tu donnes à celui qui a faim ce que toi, tu désires, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il comblera tes désirs et te rendra vigueur. Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais  » (Is 58, 6-11).

L’initiative appelée «  24 heures pour le Seigneur  » du vendredi et samedi qui précèdent le IVème dimanche de Carême doit monter en puissance dans les diocèses. Tant de personnes se sont de nouveau approchées du sacrement de Réconciliation, et parmi elles de nombreux jeunes, qui retrouvent ainsi le chemin pour revenir au Seigneur, pour vivre un moment de prière intense, et redécouvrir le sens de leur vie. Avec conviction, remettons au centre le sacrement de la Réconciliation, puisqu’il donne à toucher de nos mains la grandeur de la miséricorde. Pour chaque pénitent, ce sera une source d’une véritable paix intérieure.

Je ne me lasserai jamais d’insister pour que les confesseurs soient un véritable signe de la miséricorde du Père. On ne s’improvise pas confesseur. On le devient en se faisant d’abord pénitent en quête de pardon. N’oublions jamais qu’être confesseur, c’est participer à la mission de Jésus d’être signe concret de la continuité d’un amour divin qui pardonne et qui sauve. Chacun de nous a reçu le don de l’Esprit Saint pour le pardon des péchés, nous en sommes responsables. Nul d’entre nous n’est maître du sacrement, mais un serviteur fidèle du pardon de Dieu. Chaque confesseur doit accueillir les fidèles comme le père de la parabole du fils prodigue  : un père qui court à la rencontre du fils bien qu’il ait dissipé tous ses biens. Les confesseurs sont appelés à serrer sur eux ce fils repentant qui revient à la maison, et à exprimer la joie de l’avoir retrouvé. Ils ne se lasseront pas non plus d’aller vers l’autre fils resté dehors et incapable de se réjouir, pour lui faire comprendre que son jugement est sévère et injuste, et n’a pas de sens face à la miséricorde du Père qui n’a pas de limite. Ils ne poseront pas de questions impertinentes, mais comme le père de la parabole, ils interrompront le discours préparé par le fils prodigue, parce qu’ils sauront accueillir dans le cœur du pénitent l’appel à l’aide et la demande de pardon. En résumé, les confesseurs sont appelés, toujours, partout et en toutes situations, à être le signe du primat de la miséricorde.

  1. Au cours du carême de cette Année Sainte, j’ai l’intention d’envoyer les Missionnaires de la Miséricorde. Ils seront le signe de la sollicitude maternelle de l’Eglise à l’égard du Peuple de Dieu, pour qu’il entre en profondeur dans la richesse de ce mystère aussi fondamental pour la foi. Ce seront des prêtres à qui j’aurai donné l’autorité pour pardonner aussi les péchés qui sont réservés au Siège Apostolique, afin de rendre explicite l’étendue de leur mandat. Ils seront surtout signe vivant de la façon dont le Père accueille ceux qui sont à la recherche de son pardon. Ils seront des missionnaires de la miséricorde car ils se feront auprès de tous l’instrument d’une rencontre riche en humanité, source de libération, lourde de responsabilité afin de dépasser les obstacles à la reprise de la vie nouvelle du Baptême. Dans leur mission, ils se laisseront guider par la parole de l’Apôtre : «  Dieu, en effet, a enfermé tous les hommes dans le refus de croire pour faire à tous miséricorde » (Rm 11, 32). De fait, tous, sans exclusion, sont invités à accueillir l’appel à la miséricorde. Que les missionnaires vivent cet appel en fixant le regard sur Jésus, «  Grand-Prêtre miséricordieux et digne de foi  » (He 2, 17).

Je demande à mes frères évêques d’inviter et d’accueillir ces Missionnaires, pour qu’ils soient avant tout des prédicateurs convaincants de la miséricorde. Que soient organisées dans les diocèses des «  missions vers le peuple  », de sorte que ces Missionnaires soient les hérauts de la joie du pardon. Qu’ils célèbrent le sacrement de la Réconciliation pour le peuple, pour que le temps de grâce de l’Année Jubilaire permette à de nombreux fils éloignés de retrouver le chemin de la maison paternelle. Que les pasteurs, spécialement pendant le temps fort du Carême, soient invités à appeler les fidèles à s’approcher «  vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir la grâce de son secours  » (He 4, 16).

  1. Que puisse parvenir à tous la parole de pardon et que l’invitation à faire l’expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent ! Mon appel à la conversion s’adresse avec plus d’insistance à ceux qui se trouvent éloignés de la grâce de Dieu en raison de leur conduite de vie. Je pense en particulier aux hommes et aux femmes qui font partie d’une organisation criminelle quelle qu’elle soit. Pour votre bien, je vous demande de changer de vie. Je vous le demande au nom du Fils de Dieu qui, combattant le péché, n’a jamais rejeté aucun pécheur. Ne tombez pas dans le terrible piège qui consiste à croire que la vie ne dépend que de l’argent, et qu’à côté, le reste n’aurait ni valeur, ni dignité. Ce n’est qu’une illusion. Nous n’emportons pas notre argent dans l’au-delà. L’argent ne donne pas le vrai bonheur. La violence pour amasser de l’argent qui fait couler le sang ne rend ni puissant, ni immortel. Tôt ou tard, le jugement de Dieu viendra, auquel nul ne pourra échapper.

Le même appel s’adresse aux personnes fautives ou complices de corruption. Cette plaie puante de la société est un péché grave qui crie vers le ciel, car il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir avec espérance, parce que son arrogance et son avidité anéantissent les projets des faibles et chassent les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux scandales publics. La corruption est un acharnement dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et l’intrigue. Corruptio optimi pessima, disait avec raison saint Grégoire le Grand, pour montrer que personne n’est exempt de cette tentation. Pour la vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence.

Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur. Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est bien autre chose. Dieu ne se lasse pas de tendre la main. Il est toujours prêt à écouter, et moi aussi je le suis, comme mes frères évêques et prêtres. Il suffit d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre à la justice, tandis que l’Eglise offre la miséricorde.

  1. Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler le rapport entre justice et miséricorde. Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile, quand la référence normale est l’ordre juridique à travers lequel la loi s’applique. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû. Il est fait référence de nombreuses fois dans la Bible à la justice divine et à Dieu comme juge. On entend par là l’observance intégrale de la Loi et le comportement de tout bon israélite conformément aux commandements de Dieu. Cette vision est cependant souvent tombée dans le légalisme, déformant ainsi le sens originel et obscurcissant le sens profond de la justice. Pour dépasser cette perspective légaliste, il faut se rappeler que dans l’Ecriture, la justice est essentiellement conçue comme un abandon confiant à la volonté de Dieu.

Pour sa part, Jésus s’exprime plus souvent sur l’importance de la foi que sur l’observance de la loi. C’est en ce sens qu’il nous faut comprendre ses paroles, lorsqu’à table avec Matthieu et d’autres publicains et pécheurs, il dit aux pharisiens qui le critiquent  : «  Allez apprendre ce que signifie  : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs  » (Mt 9, 13). En face d’une vision de la justice comme simple observance de la loi qui divise entre justes et pécheurs, Jésus indique le grand don de la miséricorde qui va à la recherche des pécheurs pour leur offrir le pardon et le salut. On comprend alors pourquoi Jésus fut rejeté par les pharisiens et les docteurs de la loi, à cause de sa vision libératrice et source de renouveau. Pour être fidèles à la loi, ils posaient des poids sur les épaules des gens, rendant vaine la miséricorde du Père. Le respect de la loi ne peut faire obstacle aux exigences de la dignité humaine.

L’évocation que fait Jésus du prophète Osée – «  Je veux la fidélité, non le sacrifice  » (6, 6) – est très significative. Jésus affirme que la règle de vie de ses disciples devra désormais intégrer le primat de la miséricorde, comme Lui-même en a témoigné, partageant son repas avec les pécheurs. La miséricorde se révèle une nouvelle fois comme une dimension fondamentale de la mission de Jésus. Elle est un véritable défi face à ses interlocuteurs qui s’arrêtaient au respect formel de la loi. Jésus au contraire, va au-delà de la loi ; son partage avec ceux que la loi considérait comme pécheurs fait comprendre jusqu’où va sa miséricorde.

L’apôtre Paul a parcouru un chemin similaire. Avant de rencontrer le Christ sur le chemin de Damas, il consacrait sa vie à observer de manière irréprochable la justice de la loi (cf. Ph 3, 6). La conversion au Christ l’amena à changer complétement de regard, au point qu’il affirme dans la Lettre aux Galates  : «  Nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la Loi  » (2, 16). Sa compréhension de la justice change radicalement. Paul situe désormais en premier la foi, et non plus la loi. Ce n’est pas l’observance de la loi qui sauve, mais la foi en Jésus-Christ, qui par sa mort et sa résurrection, nous a donné la miséricorde qui justifie. La justice de Dieu devient désormais libération pour ceux qui sont esclaves du péché et de toutes ses conséquences. La justice de Dieu est son pardon (cf. Ps 50, 11-16).

  1. La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire. Ce qu’a vécu le prophète Osée nous aide à voir le dépassement de la justice par la miséricorde. L’époque de ce prophète est parmi les plus dramatiques de l’histoire du peuple hébreu. Le Royaume est près d’être détruit ; le peuple n’est pas demeuré fidèle à l’alliance, il s’est éloigné de Dieu et a perdu la foi des Pères. Suivant une logique humaine, il est juste que Dieu pense à rejeter le peuple infidèle : il n’a pas été fidèle au pacte, et il mérite donc la peine prévue, c’est-à-dire l’exil. Les paroles du prophète l’attestent  : «  Il ne retournera pas au pays d’Égypte  ; Assour deviendra son roi, car ils ont refusé de revenir à moi  » (Os 11, 5). Cependant, après cette réaction qui se réclame de la justice, le prophète change radicalement son langage et révèle le vrai visage de Dieu  : «  Mon cœur se retourne contre moi  ; en même temps, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme  : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer  » (11, 8-9). Commentant les paroles du prophète, saint Augustin écrit  : «  Il est plus facile pour Dieu de retenir la colère plutôt que la miséricorde  ».[13] C’est exactement ainsi. La colère de Dieu ne dure qu’un instant, et sa miséricorde est éternelle.

Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu  ; il serait comme tous les hommes qui invoquent le respect de la loi. La justice seule ne suffit pas et l’expérience montre que faire uniquement appel à elle risque de l’anéantir. C’est ainsi que Dieu va au-delà de la justice avec la miséricorde et le pardon. Cela ne signifie pas dévaluer la justice ou la rendre superflue, au contraire. Qui se trompe devra purger sa peine, mais ce n’est pas là le dernier mot, mais le début de la conversion, en faisant l’expérience de la tendresse du pardon. Dieu ne refuse pas la justice. Il l’intègre et la dépasse dans un événement plus grand dans lequel on fait l’expérience de l’amour, fondement d’une vraie justice. Il nous faut prêter grande attention à ce qu’écrit Paul pour ne pas faire la même erreur que l’Apôtre reproche à ses contemporains juifs  : «  En ne reconnaissant pas la justice qui vient de Dieu, et en cherchant à instaurer leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. Car l’aboutissement de la Loi, c’est le Christ, afin que soit donnée la justice à toute personne qui croit  » (Rm 10, 3-4). Cette justice de Dieu est la miséricorde accordée à tous comme une grâce venant de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La Croix du Christ est donc le jugement de Dieu sur chacun de nous et sur le monde, puisqu’elle nous donne la certitude de l’amour et de la vie nouvelle.

  1. Le jubilé amène la réflexion sur l’indulgence. Elle revêt une importance particulière au cours de cette Année Sainte. Le pardon de Dieu pour nos péchés n’a pas de limite. Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour qui va jusqu’à détruire le péché des hommes. Il est possible de se laisser réconcilier avec Dieu à travers le mystère pascal et la médiation de l’Eglise. Dieu est toujours prêt au pardon et ne se lasse jamais de l’offrir de façon toujours nouvelle et inattendue. Nous faisons tous l’expérience du péché. Nous sommes conscients d’être appelés à la perfection (cf. Mt 5, 48), mais nous ressentons fortement le poids du péché. Quand nous percevons la puissance de la grâce qui nous transforme, nous faisons l’expérience de la force du péché qui nous conditionne. Malgré le pardon, notre vie est marquée par les contradictions qui sont la conséquence de nos péchés. Dans le sacrement de la Réconciliation, Dieu pardonne les péchés, et ils sont réellement effacés, cependant que demeure l’empreinte négative des péchés dans nos comportements et nos pensées. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché.

L’Eglise vit la communion des saints. Dans l’eucharistie, cette communion, qui est don de Dieu, est rendue présente comme une union spirituelle qui lie les croyants avec les Saints et les Bienheureux dont le nombre est incalculable (cf. Ap 7,4). Leur sainteté vient au secours de notre fragilité, et la Mère Eglise est ainsi capable, par sa prière et sa vie, d’aller à la rencontre de la faiblesse des uns avec la sainteté des autres. Vivre l’indulgence de l’Année Sainte, c’est s’approcher de la miséricorde du Père, avec la certitude que son pardon s’étend à toute la vie des croyants. L’indulgence, c’est l’expérience de la sainteté de l’Eglise qui donne à tous de prendre part au bénéfice de la rédemption du Christ, en faisant en sorte que le pardon parvienne jusqu’aux extrêmes conséquences que rejoint l’amour de Dieu. Vivons intensément le Jubilé, en demandant au Père le pardon des péchés et l’étendue de son indulgence miséricordieuse.

  1. La valeur de la miséricorde dépasse les frontières de l’Eglise. Elle est le lien avec le Judaïsme et l’Islam qui la considèrent comme un des attributs les plus significatifs de Dieu. Israël a d’abord reçu cette révélation qui demeure dans l’histoire comme le point de départ d’une richesse incommensurable à offrir à toute l’humanité. Nous l’avons vu, les pages de l’Ancien Testament sont imprégnées de miséricorde, puisqu’elles racontent les oeuvres accomplies par le Seigneur en faveur de son peuple dans les moments les plus difficiles de son histoire. L’Islam de son côté, attribue au Créateur les qualificatifs de Miséricordieux et Clément. On retrouve souvent ces invocations sur les lèvres des musulmans qui se sentent accompagnés et soutenus par la miséricorde dans leur faiblesse quotidienne. Eux aussi croient que nul ne peut limiter la miséricorde divine car ses portes sont toujours ouvertes.

Que cette Année Jubilaire, vécue dans la miséricorde, favorise la rencontre avec ces religions et les autres nobles traditions religieuses. Qu’elle nous rende plus ouverts au dialogue pour mieux nous connaître et nous comprendre. Qu’elle chasse toute forme de fermeture et de mépris. Qu’elle repousse toute forme de violence et de discrimination.

  1. Que notre pensée se tourne vers la Mère de la Miséricorde. Que la douceur de son regard nous accompagne en cette Année Sainte, afin que tous puissent redécouvrir la joie de la tendresse de Dieu. Personne n’a connu comme Marie la profondeur du mystère de Dieu fait homme. Sa vie entière fut modelée par la présence de la miséricorde faite chair. La Mère du Crucifié Ressuscité est entrée dans le sanctuaire de la miséricorde divine en participant intimement au mystère de son amour.

Choisie pour être la Mère du Fils de Dieu, Marie fut préparée depuis toujours par l’amour du Père pour être l’Arche de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Elle a gardé dans son cœur la divine miséricorde en parfaite syntonie avec son Fils Jésus. Son chant de louange, au seuil de la maison d’Elisabeth, fut consacré à la miséricorde qui s’étend «  d’âge en âge  » (Lc 1, 50). Nous étions nous aussi présents dans ces paroles prophétiques de la Vierge Marie, et ce sera pour nous un réconfort et un soutien lorsque nous franchirons la Porte Sainte pour goûter les fruits de la miséricorde divine.

Près de la croix, Marie avec Jean, le disciple de l’amour, est témoin des paroles de pardon qui jaillissent des lèvres de Jésus. Le pardon suprême offert à qui l’a crucifié nous montre jusqu’où peut aller la miséricorde de Dieu. Marie atteste que la miséricorde du Fils de Dieu n’a pas de limite et rejoint tout un chacun sans exclure personne. Adressons lui l’antique et toujours nouvelle prière du Salve Regina, puisqu’elle ne se lasse jamais de poser sur nous un regard miséricordieux, et nous rend dignes de contempler le visage de la miséricorde, son Fils Jésus.

Que notre prière s’étende aussi à tant de Saints et de Bienheureux qui ont fait de la miséricorde la mission de leur vie. Cette pensée s’adresse en particulier à la grande apôtre de la miséricorde, Sainte Faustine Kowalska. Elle qui fut appelée à entrer dans les profondeurs de la miséricorde divine, qu’elle intercède pour nous et nous obtienne de vivre et de cheminer toujours dans le pardon de Dieu et dans l’inébranlable confiance en son amour.

  1. Une Année Sainte extraordinaire pour vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le Père répand sur nous depuis toujours. Au cours de ce Jubilé, laissons-nous surprendre par Dieu. Il ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous. L’Eglise ressent fortement l’urgence d’annoncer la miséricorde de Dieu. La vie de l’Eglise est authentique et crédible lorsque la miséricorde est l’objet d’une annonce convaincante. Elle sait que sa mission première, surtout à notre époque toute remplie de grandes espérances et de fortes contradictions, est de faire entrer tout un chacun dans le grand mystère de la miséricorde de Dieu, en contemplant le visage du Christ. L’Eglise est d’abord appelée à être témoin véridique de la miséricorde, en la professant et en la vivant comme le centre de la Révélation de Jésus-Christ. Du cœur de la Trinité, du plus profond du mystère de Dieu, jaillit et coule sans cesse le grand fleuve de la miséricorde. Cette source ne sera jamais épuisée pour tous ceux qui s’en approcheront. Chaque fois qu’on en aura besoin, on pourra y accéder, parce que la miséricorde de Dieu est sans fin. Autant la profondeur du mystère renfermé est insondable, autant la richesse qui en découle est inépuisable.

Qu’en cette Année Jubilaire l’Eglise fasse écho à la Parole de Dieu qui résonne, forte et convaincante, comme une parole et un geste de pardon, de soutien, d’aide, d’amour. Qu’elle ne se lasse jamais d’offrir la miséricorde et soit toujours patiente pour encourager et pardonner. Que l’Eglise se fasse la voix de tout homme et de toute femme, et répète avec confiance et sans relâche  : «  Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours  » (Ps 25, 6).

Donné à Rome, près Saint Pierre, le 11 avril, Veille du IIème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde, de l’An du Seigneur 2015, le troisième de mon pontificat.

Franciscus

[1] Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 4.

[2] Jean XXIII, Discours d’ouverture du Concile œcuménique Vatican II Gaudet Mater Ecclesia, 11 octobre 1962, nn. 2-3.

[3] Paul VI, Discours de clôture du Concile œcuménique Vatican II, 7 décembre 1965.

[4] Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 16 ; Const. past. Gaudium et spes, n. 15.

[5] Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, II-II, q. 30, a. 4.

[6] Prière d’ouverture du XXVIème dimanche du Temps ordinaire. Cette prière apparaît dès le VIIIème siècle dans les textes eucologiques du Sacramentaire Gélasien 1198.

[7] Cf. Hom. 21 : CCL 122, 149-151.

[8] Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 24.

[9] n. 2.

[10] Jean-Paul II, Lett. Enc. Dives in misericordia, n. 15.

[11] Ibid., n. 2.

[12] Avis et Sentences spirituelles, § 56.

[13] Enarr. in Ps. 76, 11.

 

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BULLE D’INDICTION DU JUBILÉ EXTRAORDINAIRE DE LA MISÉRICORDE 2015




LE SACREMENT DE L’ORDRE

Le sacrement de l’Ordre est-il le sacrement qui fait les prêtres?

Si oui, que reçoit un prêtre qui est ordonné évêque?
Dans la conception d’un église pyramidale d’avant Vatican II, l’évêque était celui qui recevait du pape une juridiction ( par exemple sur un diocèse), dont il devait lui rendre compte.
Conception de la visite personnelle ad limina, visite que se faisait individuellement.
La consécration épiscopale était une juridiction que recevait celui qui avait été ordonné prêtre. Le sacrement de l’ordre était considéré surtout comme le sacrement qui concernait les prêtres.

Le Concile Vatican II a remis en évidence que l’Eglise, Peuple de Dieu, est animée par le Christ qui conduit son Eglise par les douze et leurs successeurs les évêques qui forment la collège apostolique.
Cf. le résumé du CEC ; N°174. Pourquoi l’Église est-elle apostolique?
»L’Église est apostolique par son origine, parce qu’elle a « pour fondations les Apôtres » (Ep. 2,20) ; par son enseignement, qui est celui des Apôtres; par sa structure, parce qu’elle est édifiée, sanctifiée et gouvernée, jusqu’au retour du Christ, par les Apôtres, grâce à leurs successeurs, les Évêques en communion avec le successeur de Pierre. »
Parmi les membres du Corps du Christ (les baptisés), certains sont pris par le Christ comme ses ministres à lui comme TETE de l’Eglise, c’est-à-dire animant tout son corps qui est l’Eglise. Ce sont ceux qui reçoivent le sacrement de l’Ordre.
Le sacrement de l’Ordre est donc d’abord le sacrement des évêques comme successeurs des
Apôtres. (Remise en valeur de la sacramentalité et de la collégialité de l’épiscopat par le Concile Vatican II. Lumen Gentium chapitre III sur l’épiscopat.)

SACRAMENTALITE DE L’EPISCCOPAT

« Le saint concile enseigne que la consécration épiscopale confère la plénitude du sacrement de l’Ordre…
La consécration épiscopale confère, avec la charge de sanctifier, celle d’enseigner et de
gouverner. » (Lumen gentium N°21.)
« Ainsi donc en la personne des évêques assistés des prêtres, c’est le Seigneur Jésus-Christ, Pontife suprême, qui est présent au milieu des croyants. Assis à la droite de Dieu le Père, il ne cesse d’être présent à la communauté de ses pontifes. C’est par eux en tout premier lieu, par leur service éminent, qu’il prêche la Parole de Dieu à toutes les nations et administre continuellement aux croyants les sacrements de la foi ; c’est par leur paternelle fonction (cf. 1Co 4,15 ) qu’il intègre à son Corps par la régénération surnaturelle des membres nouveaux ; c’est enfin par leur sagesse et leur prudence qu’il dirige et oriente le peuple du Nouveau Testament dans son pèlerinage vers l’éternelle béatitude. Ces pasteurs, choisis pour paître le troupeau du Seigneur, sont les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu (cf. 1Co 4,1 ). A eux a été confiée la charge de rendre témoignage de l’Evangile de la grâce de Dieu (cf. Rm 15,16; Ac 20,24 ) et d’exercer le ministère glorieux de l’Esprit et de la justice (cf. 2Co 3,8-9 ).

Pour remplir de si hautes charges, les apôtres furent enrichis par le Christ d’une effusion de l’Esprit-Saint descendant sur eux (cf. Ac 1,8; Ac 2,4; Jn 20,22-23 ) ; eux-mêmes, par l’imposition des mains, transmirent à leurs collaborateurs le don spirituel (cf. 1Tm 4,14; 2Tm 1,6-7 ) qui s’est communiqué jusqu’à nous à travers la consécration épiscopale. Le saint Concile enseigne que, par la consécration épiscopale, est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre, que la coutume liturgique de l’Eglise et la voix des saints Pères désignent en effet sous le nom de sacerdoce suprême, de réalité totale du ministère sacré(19). La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctifier, confère aussi des charges d’enseigner et de gouverner, lesquelles cependant, de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres. En effet, la Tradition qui s’exprime surtout par les rites liturgiques et par l’usage de l’Eglise, tant orientale qu’occidentale, montre à l’évidence que par l’imposition des mains et les paroles de la  consécration, la grâce de l’Esprit-Saint est donnée et le caractère sacré imprimé, de telle sorte que les évêques, d’une façon éminente et visible, tiennent la place du Christ lui-même, Maître, Pasteur et Pontife et jouent son rôle. Aux évêques, il revient d’introduire, par le sacrement de l’Ordre, de nouveaux élus dans le corps épiscopal. « Dimension communautaire du sacrement de l’Ordre. Nouvelle importance donnée aux conférences épiscopales.
COLLÉGIALITÉ DE L’EPISCOPPAT.
« Saint Pierre et les autres Apôtres constiituent ,par ordre du Seigneur, un seul Collège
apostolique, et que le Pontife romain, successeur de Pierre, et les évêques, successeurs des
Apôtres, sont unis entre eux…
il y a le caractère et la nature collégiale de l’ordre épiscopal….
On est constitué membre du corps épiscopal en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec le chef du Collège et avec ses membres. »
(Lumen gentium. N°22.)
Dimension communautaire de la visite ad limina.
Remise en valeur de la relation entre les évêques et le successeur de Pierre.
Cf. Les synodes et les visites du successeur de Pierre aux épiscopats?

 

Résumé du Catéchisme de l’Eglise Catholique. (CEC.)

322. Qu’est ce que le sacrement de l’Ordre?
C’est le sacrement par lequel la mission confiée par le Christ à ses Apôtres continue à être exercée dans l’Église, jusqu’à la fin des temps.

323. Pourquoi l’appelle-t-on sacrement de l’Ordre?
Ordre ( Ex: L’ordre des médecins, des notaires.) indique un corps d’Église, dans lequel on est intégré au moyen d’une consécration spéciale (Ordination). Par un don particulier du Saint-Esprit, cette consécration permet d’exercer un pouvoir sacré au nom et par l’autorité du Christ pour le service du Peuple de Dieu.

324. Quelle est la place du sacrement de l’Ordre dans le dessein divin du salut?
Dans l‘Ancien Testament, il y a des préfigurations de ce sacrement : le service des Lévites, de même que le sacerdoce d’Aaron et l’institution des soixante-dix Anciens (cf. Nb 11,25). Ces préfigurationsont leur accomplissement dans le Christ Jésus qui, par le sacrifice de la croix, est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tm 2,5), « grand-prêtre selon le sacerdoce de Melchisédech » (He 5,10). L’unique sacerdoce du Christ se rend présent par le sacerdoce ministériel. « Aussi le Christ est-il le seul vrai prêtre, les uns et les autres n’étant que ses ministres » (saint Thomas d’Aquin).

325. Quels sont les différents degrés du sacrement de l’Ordre?
Il se compose de trois degrés, qui sont irremplaçables pour la structure organique de l’Église : l’épiscopat, le presbytéral et le diaconat.

326. Quel est l’effet de l’Ordination épiscopale?
L’ordination épiscopale confère la plénitude du sacrement de l’Ordre. Elle fait de l’Évêque le successeur légitime des Apôtres et l’intègre au collège épiscopal, lui faisant partager avec le Pape et les autres Évêques la sollicitude pour toutes les Églises. Elle donne mission d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.

327. Quelle est la fonction de l’Évêque dans l’Église particulière qui lui est confiée?
L’Évêque, auquel est confiée une Église particulière, est le principe visible et le fondement de l’unité de cette Église, envers laquelle, comme vicaire du Christ, il remplit la charge pastorale, aidé par ses prêtres et ses diacres.

328. Quel est l’effet de l’Ordination presbytérale? (Sacrement de l’Ordre donné à un pretre.)
L’onction de l’Esprit Saint marque le prêtre d’un caractère spirituel indélébile; elle le configure au Christ prêtre et le rend capable d’agir au nom du Christ Tête. Coopérateur de l’Ordre épiscopal, il est consacré pour annoncer l’Évangile, célébrer le culte divin, surtout l’Eucharistie, dont il tire la force pour son ministère, et pour être le pasteur des fidèles.

329. Comment le prêtre exerce-t-il son ministère?
Bien qu’ordonné pour une mission universelle, il l’exerce dans une Église particulière, lié par une fraternité sacerdotale avec les autres prêtres, formant ensemble le « presbytérium » qui, en communion avec l’Évêque et sous sa dépendance, porte la responsabilité de l’Église particulière.

330. Quel est l’effet de l’Ordination diaconale? (Sacrement de l’Ordre donné à un diacre.)
Le diacre, configuré au Christ serviteur de tous, est ordonné pour le service de l’Église. Sous
l’autorité de son Évêque, il exerce ce service dans le cadre du ministère de la parole, du culte divin, de la charge pastorale et de la charité.

331. Comment se célèbre le sacrement de l’Ordre?
Pour chacun des trois degrés, le sacrement de l’Ordre est conféré par l’imposition des mains sur la tête de l’ordinand par l’Évêque, qui prononce la prière consécratoire solennelle. Par cette prière, l’Évêque prie Dieu d’envoyer sur l’ordinand une effusion spéciale de l’Esprit Saint et de ses dons, en vue du ministère.

332. Qui peut conférer le sacrement?
Il appartient aux Évêques validement ordonnés, en tant que successeurs des Apôtres, de conférer les trois degrés du sacrement de l’Ordre.

334. Le célibat est-il requis de celui qui reçoit le sacrement?
Le célibat est toujours requis pour l’épiscopat.
Pour le presbytérat, dans l’Église latine sont choisis de manière ordinaire des hommes croyants qui vivent dans le célibat et qui veulent le garder « à cause du Royaume des cieux » (Mt 19,12).
Dans les Églises orientales, (On peut ordonner des hommes mariés) mais on n’accepte pas le
mariage après l’ordination.
Des hommes déjà mariés peuvent eux aussi accéder au diaconat permanent. (Dans l’eglise latine et les églises orientales)

335. Quels sont les effets du sacrement de l’Ordre?
Ce sacrement donne une effusion particulière de l’Esprit Saint, qui configure l’ordinand au Christ dans sa triple fonction de Prêtre, Prophète et Roi, selon les degrés respectifs du sacrement.
L’ordination confère un caractère spirituel indélébile, c’est pourquoi il ne peut être répété ni conféré pour un temps limité.

336. Avec quelle autorité est exercé le sacerdoce ministériel?
Dans l’exercice de leur ministère sacré, les prêtres ordonnés parlent et agissent, non pas en vertu d’une autorité propre, ni même par mandat ou délégation de la communauté, mais dans la Personne du Christ Tête et au nom de l’Église. De ce fait, le sacerdoce ministériel se différencie radicalement, et pas seulement par une différence de degré, du sacerdoce commun des fidèles, au service duquel le Christ l’a institué.

 




L’ÉGLISE, SACREMENT UNIVERSEL DU SALUT.

N.B. REALITE DANS LES TEXTES DU CONCILE VATICAN II.

 

1°) L’EXPRESSION MEME . ( A dix reprises dans les textes conciliaires.)

LUMEN GENTIUM. 1. Le mystère de l’Eglise. Introduction. « L’Eglise est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, »

LUMEN GENTIUM. 9,3. Le Peuple de Dieu. La nouvelle alliance et le peuple nouveau.
« L’Eglise du Christ (cf. Mat. 16, 18) : c’est le Christ, en effet, qui l’a acheté de son sang (cf. Act. 20, 28), empli de son Esprit et pourvu des moyens adaptés pour son unité visible et sociale. L’ensemble de ceux qui regardent avec la foi vers Jésus auteur du salut, principe d’unité et de paix, Dieu les a appelés, il en a fait l’Eglise, pour qu’elle soit, aux yeux de tous et de chacun, le sacrement visible de cette unité salutaire. »

LUMEN GENTIUM. 48,2. Le caractère eschatologique de l’Eglise en marche et son union avec l’Eglise du ciel.  Le Christ élevé de terre a tiré à lui tous les hommes (cf. Jean 12, 32 grec) ; ressuscité des morts (cf.Rom. 6, 9), il a envoyé sur ses apôtres son Esprit de vie et par lui a constitué son Corps, qui est l’Eglise, comme le sacrement universel du salut. »

GAUDIUM ET SPES. 42,3. L’aide que l’Eglise cherche à apporter à la société humaine. (Cite LG.1) « Promouvoir l’unité s’harmonise avec la mission profonde de l’Eglise, puisqu’elle est « dans le Christ, comme le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen du l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout le genre humain »

GAUDIUM ET SPES. 43,6. Aide que l’Eglise par les chrétiens cherche à apporter à l’activité humaine.

GAUDIUM ET SPES. 45,1. Le Christ, Alpha et oméga.

LITURGIE 5,2 . L’oeuvre du salut accomplie par le Christ.

LITURGIE. 26,1. La liturgie en tant qu’action hiérarchique et communautaire.

AD GENTES. 1,1. Activité missionnaire de l’Eglise. (Cite LG1.)

AD GENTES. 5,1. L’Eglise envoyée par le Christ.

 

2°) EN D’AUTRES TERMES . (Cinq passages importants.)

LUMEN GENTIUM.8,1. L’EGLISE A LA FOIS VISIBLE ET SPIRITUELLE.
« Le Christ unique médiateur, crée et continuellement soutient sur la terre, comme un tout visible, son église sainte, communauté de foi, d’espérance et de charité, par laquelle il répand, à l’intention de tous, la vérité et la grâce(9). Cette société organisée hiérarchiquement d’une part et le Corps mystique d’autre part, l’assemblée discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l’Eglise terrestre et l’Eglise enrichie des biens célestes ne doivent pas être considérées comme deux choses, elles constituent au contraire une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin. »

LUMEN GENTIUM 17. LE CARACTERE MISSIONNAIRE DE L’EGLISE .

GAUDIUM ET SPES.40,2. RAPPORTS MUTUELS DE L’EGLISE ET DU MONDE.

AD GENTES. 2,2. LE DESSEIN DU PERE.

AD GENTES.3. LA MISSION DU FILS ;

 

I- LA CATEGORIE DU SACRAMENTEL.

1) NOTION DE SYMBOLE ET DE SIGNE.

1- DIFFERENTES APPROCHES.

1) L’anthropologie philosophique.
Elle étudie le pourquoi des symboles.
L’homme est un esprit-en-corps. Il ne peut s’exprimer ni communiquer avec un autre que par symbole. Il ne peut, non plus, saisir ni parler des réalités spirituelles sinon par symboles. Cf. K. Rahner. « Pour une théologie du symbole » Dans « Ecrits spirituels » Tome IX. DDB. 1968. p.9-47.
2) L’histoire des religions.
Elle recherche une « interprétation totalisante » des symboles religieux à travers la diversité de leurs manifestations, dans les différentes cultures et religions.
Elle montre l’analogie fondamentale des situations de l’homme en face du sacré ainsi que la diversité des symboles l’exprimant. Cf. M. Eliade. Traité de l’histoire des religions. Paris. Payot. 1949.
3) La psychologie et surtout la psychologie des profondeurs.
Elle s’intéresse à la formation des symboles et à leurs fonctions dans la vie spychique des individus comme des groupes. Elle explique comment les symboles sont liés aux besoins fondamentaux de l’homme. et comment leur perception peut être conditionnée. 4) La sociologie.
Elle analyse les symboles comme institutions sociales. Elle clarifie leur rôle dans la vie sociale.
5) La sémiologie.
(semeion = signe)
La sémiologie étudie les symboles comme moyens de communication.
Elle cherche à expliquer ce qu’est un symbole, comment il est structuré, comment il symbolise, c’est-à-dire comment il transmet un message. Cf. Ferdinand de Saussure, le père de la linguistique moderne. « La langue est un systèrme de signes exprimant des idées, et par là, comparable à l’écriture, à l’alphabet des soursmuets, aux rites symboloques, aux formes de politesse, aux signaux militaires, etc…On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale….Nous la nommerons « sémiologie ». Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent. ».

 

2- DIFFÉRENTES NOTIONS.

SYMBOLE. (Cf. Symbole.veu p1)
Le symbole est un signe, mais un signe bien particulier.
Il est un signe concret qui existe d’abord en lui-même, avant d’être signifiant d’autre chose.(Ex. Le lion, le berger.) Sa capacité de signification s’enracine dans son être. Il n’est donc pas un pur signe qui n’existe que par sa signification.
Un symbole ne peut être « traduit » en langage plus clair (ce qui ne veut pas dire qu’une certaine explication ne soit pas nécessaire pour préparer à la compréhension du symbole): Le symbole ouvre et découvre une manière d’exister inaccessible à tout discours direct, logique. Il faut le laisser parler et retentir, puis penser à partir de lui.
Fonction du symbole. (Cf.Enc univ.)
1°) il montre ; Il exprime.
2°) Il réunit ; Cf. Etymologie .
3°) Il enjoint et prescrit. Engage.
Le symbole ne s’adresse pas à la raison, mais à tout l’homme et à toutes ses facultés.
Il a aussi un aspect affectif et met en présence du mystère et y fait communier.
C’est un autre type d’approche du réel, que le raisonnement logique.
Il ne signifie pas une seule chose (comme la fumée, signe du feu), mais il est ouvert à une multitude de significations qui seront saisies différemment (imagination, culture, etc.). D’où l’ambiguïté et l’ambivalence du symbole.
La connaissance par le symbole est une connaissance intuitive, vitale, un contact.

« Les formes naturelles sont comme les images des êtres immatériels ». (St. Thom. De Ver.Q.9, art.4;) Toute la création apparaît comme l’épiphanie, la manifestation, le symbole de Dieu.
Raison profonde: Sans être des émanations de Dieu, ses dérivés ou ses dégradations, toutes les choses créées tiennent leur être de Dieu. Tout être vient de lui et demeure en relation avec lui.

Les créatures manifestent à divers degrés l’Etre de Dieu, dans le mesure où Dieu leur communique une participation plus ou moins grande à l’être. (Le symbole réunit.)
Aussi y a-t-il entre les êtres créés des relations, des appels et des connivences qui se fondent finalement sur la relation fondamentale entre Dieu et sa création. Il y a une mystérieuse correspondance entre l’homme et tous les êtres de la nature.
(Sera réalisé au maximum dans l’incarnation du Fils. Cf. K. Rahner. Ecrits théol. Tome I. p.161.) Dans l’ordre du langage, le symbole est à mettre en référence avec le processus logique de l’analogie. L’analogie désigne le transfert d’un mot, avec certaines réalités qu’il évoque, d’un être inférieur à un être supérieur. Le sens du mot est alors enrichi par ce transfert. (Où il existe toujours une certaine dissemblance et une certaine ressemblance.)
Le langage symbolique est une forme privilégiée d’expression de la foi: il évoque le mystère divin. Mais la connaissance de Dieu ne peut être purement symbolique. Il y manquerait l’affirmation réelle et intelligible. on verserait dans le mythe.
Ex. « Lion » désigne un animal. Il peut signifier par transgert analogique, un homme fort et courageux.
Le symbole s’actualise par
Le mythe.
Le rite.

 

 LE MYTHE.

Le mythe est une espèce de symbole développé en forme de récit, situé dans un temps et un espace non coordonnables avec ceux de l’histoire et de la géographie. Cf. La mythologie hindoue.
Tradition souvent orale. (Diférent de la mythologie grecque 😉 Récits des sociétés traditionnelles.
Le mythe est une façon de percevoir le monde et d’exprimer cette perception.
Ce fut la première manière dont l’homme appréhenda le monde. Il a été comme une saisie du réel et une expression de cette saisie, depuis les origines jusqu’à l’an 3000 av. J.C. De nos jours encore très développée dans les peuplades dites « primitives ». Mais il y a aussi une permanence du mythe dans nos civilisations techniques, rationnelles et logiques.
C’est une prise de conscience par l’homme de ce qu’il est et de sa différenciation par rapport aux choses qui l’entourent. L’homme cherche à se situer dans le monde et à donner un sens à son existence. Il perçoit aussi son unité avec la divinité. ( Les mythes sont panthéistes.)
Les mythes parlent normalement de l’origine et de la fin des temps. Ils ne sont pas des événements historiques dans le sens courant et actuel du mot histoire. Ils ne sont pas dans le temps.
Cf. Paul Ricoeur : « Il n’y a mythe que si l’événement fondateur n’a pas de place dans l’histoire, mais dans un temps avant l’histoire. C’est seulement cela qui est proprement mythique, temps avant l’histoire, temps promordial, « en ce temps là ».
Par conséquent, c’est essentiellement le rapport de notre temps à ce temps-là qui constitue le mythe, quelle que soit la chose instituée. » (Les incidences. P.43.)

Cf. Lévi Strauss : « Un mythe se rapporte toujours à des événements passés. Maisw la chaleur intrinsèque attribuée au mythe provient de ce que ces événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment aussi une structure permanente. Celle-ci se rapport simultanément au passé, au présent et au futur. » (L’anthopologie structurale. P.233.)
Dans le domaine religieux, le mythe conserve particulièrement sa valeur.
Les mythes comportent l’expérience d’une certaine manifestation de Dieu à travers le cosmos. Le mythe perçoit le monde comme une hiérophanie, i.e.un symbole, une manifestation du sacré de la divinité. Tendance de l’homme à sacraliser, à « consacrer » sa vie entière. Puisqu’ils sont au début du temps, les mythes ont une relation, d’une manière ou d’une autre, avec tout ce qui suit dans le temps historique. Le rituel célèbre précisément cette nonnexion. Il y a un premier « sacramentalisme » où les objets matériels sont déja des signes efficaces. C’est une autre saisie du réel que celle des sciences dites exactes.
L’Ecriture utilise le langage et les catégories de pensée du milieu sémitique et hellénistique où elle est née. (Cf. Genres littéraires.) Dans l’Écriture, Dieu parle le langage des hommes, y compris le langage mythique.

Mais le contenu de la révélation biblique n’est pas une mythologie (même si le langage biblique est parfois mythique), un système panthéistique inventé par l’homme. Pour la mentalité mythique, l’histoire comme suite d’événements où s’inscrit la liberté de l’homme n’existe pas. Ce qui existe , pour la mentalité mythique, c’est un temps cyclique, où l’homme répète des gestes posés à l’origine par la divinité. Une des caractéristique du mythe, c’est d’annuler la liberté de l’homme et le sens progressif de l’histoire. Le mythe rend inutile l’explication d’une intervention de Dieu utilisant des réalités humaines pour se révéler aux hommes et leur communiquer ses dons.

(Les mythes deviennent des rites quand ils sont posés comme des manières de ressourcer les gestes de l’ homme dans leur modèle divin.) Vers un accomplissement.
Pour la révélation judéo-chrétienne, l’histoire comporte aussi une action divine à l’origine du monde (la création), mais l’histoire de la création tend vers l’événement Jésus-Christ, en particulier sa mort et sa résurrection, qui se déploient jusqu’à la fin des temps. Pas un cycle en perpétuel recommencement, mais un dynamisme qui tend à un but qui est la filiation adoptive. Le symbole de l’histoire n’est pas le cercle (mythe de l’éternel retour), mais la ligne ascendante, qui est progrès humain réalisé par Dieu, mais avec la participation libre de l’homme, grâce à l’incarnation rédemptrice du Fils de Dieu.
Le mythe se distingue donc du simple récit ou de la légende en ce qu’il est lié à une action religieuse, à un rite.
La foi chrétienne dépassera le mythe.
Elle se fonde sur ce qui est arrivé en fait dans l’histoire et c’est dans cette histoire que l’homme exerce sa liberté.
La foi chrétienne assume le désir du retour à l’originaire, à l’Un, qui caractérise le mythe, mais elle assume aussi la perception d’une rupture et de tout le tragique de la liberté humaine. Le retour à l’origine qui est Dieu, tel que le conçoit la foi chrétienne, est chargé d’un dynamisme qui lui donne vraiment un sens pour l’homme.
La fin de l’histoire, pour la foi chrétienne, ce n’est pas la simple réintégration de l’homme et du cosmos en Dieu après des millénaires d’errance sans but, mais la réintégration d’un cosmos qui aura développé tous les dynamismes que Dieu y avait déposé à l’origine, grâce au travail de l’homme.. C’est la réintégration d’une humanité qui par sa libre réponse à l’appel de Dieu, réponse à la grâce octroyée, la vie filiale. C’est le stade de développement auquel Dieu voulait la voir parvenir, à travers des chutes et des fluctuations.

RITE.

Action sacrée accomplie conformément à un mythe ou à des règles particulières. (D’où les termes: rituel, ritualisme.)

 

SIGNE.

C’est une réalité visible, sensible, qui renvoie à une autre qui est invisible.
Le signe annonce une réalité absente, ou la rend présente. Cf. infra les différentes sortes de signes.

 

 IMAGE OU ICONE 

C’est une représentation (sans en être une description) de la réalité. Elle dépend du mode de perception visuel, sensible, de la réalité.
Question: peut-on « représenter Dieu »? Cf. Interdiction des images de Dieu dans l’A.T. (Danger de réduire Dieu à une idole.) Mais le Christ s’est fait l’image de Dieu.

SIGNAL.

Simple indication.

 

INDEX.

Un symbole devient un « index » lorsqu’il fait référence à son origine. Il exprime aussi son origine. Référence historique.
Ex. L’Eucharistie qui exprime aussi son origine, Jésus-Christ et son mystère pascal.
Un sacrement est à la fois un symbole et un index.
Le but de l’institution par rapport au rite sacramentel est de changer un symbole en un index, ou plutôt d’ajouter les caractéristiques d’un index à un symbole. (Car le symbole sacramentel, en devenant « index », ne perd pas sa réalité de symbole.)
Exemples :
. Un repas rituel sacré, comme symbole de la communion entre les participants eux-mêmes et entre eux et la divinité. Cf. Toutes les religions.
. Mais un tel repas peut être envisagé comme une participation symbolique (sacramentelle) au corps et au sang.
Cela n’est possible que parce que cela a été voulu par le Christ. (Institution)
A cause de cette détermination par le Christ, le mystère pascal devient présent et actif dans le repas rituel. Le symbole acquiert ainsi une référence historique. Ce qui pouvait être une simple représentation est devenu une « mémoire ».
Dans ce sens, le rite symbolique qu’est le sacrement, n’est pas simplement un symbole qui ne fait que représenter, mais aussi un index qui est en rapport avec l’origine (historique ou mythique). De ce point de vue, il n’est plus une répétition, mais une actualisation.

Ex. L’Eucharistie est la répétition de la Cène et l’actualisation du mystère pascal dont il est le mémorial.
Toutefois, il n’actualise pas parce qu’il est un « index », (causalité), mais il indique ce qu’il actualise.
Cette « indication » n’est pas seulement intérieure à celui qui la comprend et subjective ; elle est sensible dans le rite.
Le plus explicite et essentiel de ces « indicateurs » est l’anamnèse.
Elle est d’abord un geste : manger le corps sacrificiel du Christ et boire son sang.
La signification de ce geste est exprimée dans la prière connue comme « anamnèse ». Elle rend explicite la relation du corps eucharistique au mystère pascal.
La participation à un repas peut symboliser la communion entre les participants (symbole), mais l’institution par le Christ à la cène a transformé ce symbole en un index du mystère pascal.
Cette liaison du repas eucharistique avec la cène comme avec son origine est exprimé dans le rite lui-même :
1) par le récit de l’institution qui est essentiel.
2) et par l’utilisation des éléments que le Christ avait lui-même utilisés à la Cène : le pain et le vin.
Ces deux éléments rituels (récit et éléments matériels) fonctionnent à leur manière propre comme « indices » qui relient le repas eucharistique à son origine constitutive qu’est la Cène.
Un autre « index » important autant qu’indispensable est la communauté des croyants qui sont , ici et maintenant, unis au nom du Christ sous la présidence du ministre pour constitue l’Eglise qui célèbre l’eucharistie.
N.B. Les deux aspects, symbolique et indiciel, des rites semblent être communs à toutes les religions.
Un repas rituel sacré dans n’importe quelle tradition religieuse n’est, en général, pas simplement une célébration d’un repas communautaire. Le rituel est relié à un mythe.
Dans les rites chrétiens, les « indices » indiquent en général non pas un mythe mais un événement spécial historique. alors que les rites non-chrétiens indiquent des événements mythiques.

 

 MYSTERE. (musterion) .

Mot grec qui veut dire « secret révélé à des initiés ».
C’est donc le contraire du sens habituel de « mystérieux », ce qu’on ne peut pas comprendre.
Cf. Infra. 5) Histoire du vocabulaire chrétien. Le mystère de l’Eglise.

SACREMENT.

Traduction latine du mot grec « mystère ». Cf. Infra. Histoire du vocabulaire chrétien.
Signe qui révèle et rend présent une réalité invisible.

 

2) LE RÔLE DES SIGNES ET DES SYMBOLES DANS LA VIE HUMAINE.
La sacramentalité se réfère à l’humain.
Cf. Raisons d’être de la sacramentalité selon St. Thomas. (F)

1- LA PLACE DU CORPS DANS LA VIE HUMAINE.
Nous ne sommes pas des anges. (Cf. L’idéalisme des Cathares.)
Nous ne sommes pas seulement des animaux. (Cf. La transcendance.)
Unité profonde des deux dimensions spirituelle et corporelle de la personne humaine. (Différence avec la
philosophie grecque.)
(Une conséquence dualiste de l’homme entrainera une méconnaissance des sacrements. Cf. Manichéens et Cathares qui
méprisaient la matière comme étant fondamentalement mauvaise.)
Toute la vie de notre esprit dépend de nos sens. (qui ne sont pas mauvais en soi.)
Tout dans l’être humain passe par le sensible (personnel et communautaire). Je n’ai rien dans l’esprit qui ne soit passé
par la matière. Cf. « Quid quid recipitur.. »
Cf. Le handicap de la surdité ou de la cécité.
Pour Saint Thomas. Cf. De potentia q;5. art 10 ad 5 et corpus.
L’homme récapitule en lui le cosmos. Il est la jonction de la matière et de l’esprit.
Il est le pivot par lequel toute la matière est récapitulée en lui.
L’homme humanise la matière et c’est par elle qu’elle est divinisée.
En humanisant le monde, l’homme en prend possession selon la voie de la création, et c’est ainsi qu’elle est
divinisée.
Pour être parfait et parfaitement heureux, l’homme a besoin de la matière, car à ce moment-là, je posséderai ma
nature complète et en la possédant, je serai plus près de Dieu. Ainsi la matière entre en compte directement dans ma béatitude.. L’âme séparée est mal assimilée à Dieu.

2- LE SIGNE DANS LA COMMUNICATION entre les personnes et dans la vie humaine.
Nécessité pour la communion et la rencontre, d’exprimer visiblement ce qui resterait invisible en nous.
Ex. L’amour, l’affection, l’alarme…
Importance des signes et des symboles. Cf. La sémiologie et la linguistique.
TOUTE COMMUNICATION A BESOIN DE SIGNES.
La personne de chacun (son être profond, ce qu’il pense et ressent), n’est pas directement, immédiatement accessible.
Elle n’est connaissable et visible que dans la mesure où elle s’exprime en paroles et en gestes.
C’est le langage des signes qui rend possible toute communication et donc aussi toute connaissance, toute présence.
Importance de la médiation d’un langage.c’est la grande souffrance en cas de décès. Ne plus pouvoir communiquer
sensiblement.

3- DANS LE DOMAINE RELIGIEUX.
L’homme pour rentrer en communication avec la divinité passe par le sensible. (un des soubassement du New-Age.)La foi ne peut se passer d’un langage. Importance donnée à la sensation.
Cela vaut aussi pour la religion populaire avec des gestes ou des rites.

a) L’homme exprime dans des rites ou des symboles son attitude. Cf. L’histoire des religions qui cherche
l’interprétation des symboles. C’est tout le domaine symbolique et rituel des religions:
* Les objets utilisés. Les objets sacrés, consacrés.
* Les démarches humaines : défilés, processions…
* Les postures : prostration, agenouillement…les danses.
* Des actes : ranimer la flamme, offrir des fleurs, mettre de la nourriture.
Gestes qui s’accompagnent souvent de paroles pour en donner le sens. Cf. Les rites liturgiques.

b) L’homme reçoit une communication de Dieu en interprétant des signes.
(Ce qui montre qu’on suppose que Dieu parle en tenant compte de ce qu’est l’homme.)
Directement ou par des intermédiaires humains comme les prophètes.
Ex. On donne un sens à des manifestations de la nature, en particulier à celles qui échappent à l’homme et le dépassent: l’orage, le vent, la pluies, etc..Les éclairs, l’arc-en-ciel.
Cf. Dans les psaumes: « Tu tailles des lames de feu ».

 

3) LES DIFFERENTS ELEMENTS D’UN SIGNE.

1- LES MECANISMES DU SIGNE.
Comment fonctionne le signe.
Les éléments du signe: L’élément visible (le support, le signifiant) et l’élément invisible (le signifié). Il fait aller du visible à l’invisible. Il établit le lien entre les deux éléments.
Ce lien réside essentiellement dans le sens. cf. ci-dessous.

2- IMPORTANCE DE LA SIGNIFICATION ET DU SENS.
Le signe n’a de portée que par sa signification, son sens.
Ce sens peut être:
– Naturel. Ex. La fumée, signe du feu.
– Conventionnel. Il est fixé par les hommes. (Ou par Dieu) Ex.panneau indicateur du code de la route.
Il dépend donc beaucoup de la culture.
– Les deux à la fois.Cf. L’Arc en ciel dans la Bible.

4) LES DIFFERENTS SORTES DE SIGNES.

Les signes peuvent être très divers (souvent selon leur signification).
On peut distinguer en particulier :

1- LES SIMPLES SIGNES. (Naturels ou conventionnels)
Ils expriment ou signalent des réalités extérieures au signe lui-même. De même, le symbole montre. Et montre en
général à un groupe donné.

Ex. Le poteau indicateur sur le bord de la route.
La fumée qui indique qu’il y a du feu.
Le logo ou la pencarte publicitaire d’un magasin.
Le drapeau qui indique dans quel pays on est.
Le repas de la cêne pour les protestants et calvinistes.

2- LES SIGNES PORTEURS D’UNE RÉALITÉ.
Certains symboles ou signes sont plus qu’un moyen de connaissance. Ils sont liés à une réalité dynamique.
Ex. Le drapeau national dont les couleurs ont un sens : la continuité avec la royauté (blanc), avec le centralisme de Paris (Bleu et rouge) ou la révolution républicaine (rouge).
Ex. Le symbole d’un parti politique qui réunit dans une perspective donnée : Le symbolisme communiste de la faucille et du marteau ( alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie).
Ex. du signe de la croix qui indique une appartenance.
Ex. de l’architecture des églises. La voute et le navire.
Ex. Le mobilier honorifique. (Trône ou podium olympique). Exprime une réalité reçue ou acquise.
Le corps sacrement de l’âme.
Certains signes sont porteurs de la réalité qu’ils signifient. (Cf. F. sur la différence entre Symbole et Index.)
Ils contiennent et indiquent la présence de ce qu’ils expriment.
Ex. Une poignée de main qui exprime l’amitié présente (quand elle n’est pas seulement pour la télé et la galerie.)
Ex. du baiser signe de l’amour présent qu’on éprouve pour une personne.

3- LES SIGNES QUI PRODUISENT LA RÉALITÉ QU’ILS EXPRIMENT.
Il peut même y avoir un lien de cause à effet: le signe cause, produit ce qu’il exprime. Question de l’efficacité
symbolique.
Il indique ce qu’il actualise.
Ex. Le baiser qui non seulement exprime l’amour, mais le fait grandir. Cf. aussi les relations conjugales.
Ex. du regard qui fait grandir l’amour, l’amitié.
Ex. Le don de la vie à quelqu’un. Il exprime et crée un lien avec lui.
Le Christ à la Cêne transforme le symbole du repas pascal dans la présence du mystère pascal. (Index.)

 

1- DANS L’ECRITURE.

1) MYSTERE.
C’est la délibération secrète d’un roi avec ses principaux conseillers. (Jdt.2,2.)
Un secret qu’un roi ou un ami confie à quelqu’un sur qui il peut compter.
C’est le dévoilement d’un secret. (Et non une réalité qu’on ne comprend pas, dans le sens de « mystérieux ».)
« Personne ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler ».(Lc.10, 21-22.) ; Privilège des disciples.
Dans Sg. et Dan., musterion a un sens religieux.(Appliqué à la Sagessse divine.) Dans la Vulgate: « sacramentum ».
Il désigne le plan secret de Dieu, son dessein sur le monde qui se réalise à travers l’histoire, en particulier l’histoire d’Israël. C’est le dessein de Dieu sur le monde et son accomplissement.
La révélation de ce dessein est faite par Dieu à quelques hommes de son choix, qui désirent d’ailleurs ardemment cette connaissance.
C’est ce sens typiquement juif qui a passé dans le N.T.. (Et non le sens hellénistique.)
Cf. Les 3 passages parall. de Mc.4,11; Mtt.13,11; Lc.8,10. Les seuls passages des synoptiques où le mot « mystère » est employé. Aux disciples il est donné de connaître les mystères du Règne de Dieu. Le sens profond des paroles et des gestes de Jésus sont un secret réservé à ceux qui suivent le Maître.
La Vulgate traduit dans les 3 cas par « mysterium ».
« A vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume des cieux. » (Mtt.13,11.) Aux petits et non aux sages.

Chez Paul.
Mot employé souvent par Paul (au singulier et au pluriel) Traduit par la Vulg. par mysterium ou par sacramentum.
Il s’agit de la décision secrète de Dieu, maintenant révélée et dévoilée, d’octroyer le salut pas Jésus, plus précisément par sa croix.
L’Esprit accorde aux « parfaits », à ceux qui ont quitté la conduite de la « chair » pour conformer leur vie à l’Evangile, la pénétration de ce mystère. qui s’identifie à la Sagesse de Dieu. (Cf. surtour 1 Cor.2,6-16.) Colossiens et Ephes. développements les plus importants sur le « mystère ».

Surtout aspect présent du dessein éternel de Dieu qui y est manifesté.
Col. Accent davantage sur l’aspect christologique. Cf. Hymne liturgique qui expose la grandeur du mystère du Christ.
Eph. Accent davantage sur l’aspect ecclésiologique. Paul se présente comme ministre de la révélation du mystère de Dieu et du Christ.
Il invite les fidèles à se laisser transformer par l’Esprit en hommes intérieurs, pour comprendre ce mystère.
Surtout hymne du ch.1surtout v.9-10. Esquisse la plus parfaite du mystère du Christ et de l’Eglise.
 » Dieu nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrété en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement: réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre ».
5,21-32: L’union de l’homme et de la femme devient le symbole de l’union « mystérieuse » du Christ et de l’Eglise.
Cf ; Note bj ; DE Rom ;16,25.
St. Jean n’utilise pas le mot « mystère », ni dans son ev. ni dans ses lettres.
Dans l’Apoc. Le mot désigne deux fois le sens caché des symboles contemplés dans les visions. Sens révélé par le Christ ou par l’Ange. (Cf. Apoc.1,20 et 17,7)

2) SACREMENT.
La Septente n’utilise que le terme musteruion que la vulgate traduit en latin soit par mysterium soit par sacramentum (ou arcanum, absconditum.)
Primitivement en latin: Caution sacrée versée dans un procès. L’argent devenait ainsi « sacré ».
Le terme désigne aussi le serment militaire des légionnaires romains avec l’idée de fidélité, d’engagement sans réserve.
Pas d’équivalent en grec, donc pas dans le texte originel grec du N.T.
Employé dans la vulgate pour les textes principaux de Paul.
Le sacrement est comme la révélation, la manifestation, l’actualisation du « mystère ». Pas rite magique. D’où lien entre sacrement et évangélisation.
La notion de sacrement met en valeur la connaissance et donc (dans le contexte) la réalisation, l’accomplissement dudessein de Dieu.
– Eph.1,9: « Il nous a fait connaître le mystère (sacramentum) de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même ».
– Eph.3,9″Dieu réalise le mystère (sacramentum) tenu caché depuis toujours en lui, le créateur de l’univers ».
– Col.1,9: « Dieu a voulu leur faire connaître quelles sont les richesses et la gloire de ce mystère (sacramentum)parmi les païens ».
Dans ces trois citations, le mot mystère est traduit par sacramentum et non par mysterium.

2- DANS LE LANGAGE DE L’EGLISE.

1) DANS L’ANTIQUITE.
Continuité avec le langage de la Bible.
Chez les pères apostoliques ( Justin.) les mots musterion , musteria, ne désignent pas ce que l’on appellera plus tard les « sacrements ». Le mot désigne pour eux les prophéties et les figures symboliques de l’A.T. qui trouvent leur réalisation dans la personne de Jésus et les événements de sa vie.
Pour Irénée, « mystère » = « économie ». Reprise dans le Christ et la consommation dans sa vivante unité personnelle, de toute l’histoire de l’homme et du monde.
Vers l’an 200, « mystère » désigne le dessein éternel et divin manifesté et réalisé en la personne de Jésus. il désigne aussi la personne même de Jésus qui, venu pour sauver les hommes, incarne la révélation et la réalisation du projet de Dieu.
Tertullien qui écrit en latin, utilise le mot sacramentum pour traduire musterion. Même chose en général dans les communautés de langue latine.
N.B. L’introduction du mot « sacramentum » s’est opérée au moment où le sens de mystérion » s’était déja élargi et commençait à se référer au baptême et à l’eucharistie. Au début du 3ème siècle, on utilise pour traduire le mot musterion, soit le mot « mysterium » pour traduire l’aspect plutôt doctrinal, soit le mot « sacramentum » pour traduire l’aspect rituel ou liturgique.
L’origninalité des rites chrétiens est qu’ils indiquent un événement réel.
Ex. L’événement historique du mystère pascal du Christ.
Dans l’Eglise primitive, le musterion/sacramentum concerne l’ensemble de l’économie du salut. Il s’agit de la foi au pouvoir et au dessein salvifiques de Dieu, étayé par la vérité qu’il a pris chair, l’alliance qu’est l’incarnation.
A partir du 4ème siècle (Hilaire, Augustin) les deux mots mystérium et sacramentum Ils expriment deux aspects d’une même réalité. sont pratiquement synonymes.

2) AU MOYEN AGE.
Jusqu’au 12ème siècle, même sens général. Les théologiens sont les héritiers des Pères. St. Augustin a été le maître incontesté des théologiens du Moyen-Age. Pour lui, tout est sacrement, signe d’une chose sacrée. Dans l’ordre de la connaissance et du langatge.
Autre grande influence: le Pseudo-Denys, qui ne se situe plus seulement au niveau de la connaissance, mais pénêtre jusqu’à l’être, l’ontologie. le « symbolon » de Denys constitue l’être même des choses. Les choses sont le symbole du mystère divin. Dieu leur est présent à divers degrés et manifeste en elles, à divers degrés, son mystère insondable.
L’emploi du mot sacrement pour désigner les « sept » sacrements, n’apparait qu’au 12ème siècle.
Extraordinaire développement du traité des sacrements. Le mot sera de plus en plus réservé pour désigner les 7 réalités sacramentelles, reléguant dans l’ombre le fait qui fonde ces sacrements: le rôle sacramentel du Verbe incarné et de l’Eglise.

II- LE CHRIST, SACREMENT PRIMORDIAL

Si le sacrement est la réalisation du mystère ou du dessein trinitaire, le Christ est l’unique sacrement de Dieu.
C’est lui le vrai mystère de Dieu.
Saint Paul fait le rapprochement dans Rom.16,25: « Prêcher Jésus-Christ, selon la révélation d’un mystère caché dans le silence durant les temps éternels ».
Le Christ est le sacrement du Père.
= Fondement christologique de la sacramentalité de l’Eglise.
La communication de Dieu au monde se réalise par son Fils qui nous sauve « humainement », dans l’histoire humaine.
Rôle de l’humanité historique du Christ dans le salut. (Pas un mythe.)
Le signe de Jonas. « Cette génération demande un signe, mais en fait de signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. Jonas a été signe pour les habitants de Ninive…Ils se sont convertis. Il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cete génération…Il y a ici bien plus que Jonas ». (Lc.11,29.) (Cf. Schillebeeckx. Le Christ sacrement. p.22 et sv.)

1) LA SACRAMENTALITE DE JESUS-CHRIST.
Il est l’expression parfaite du Père, de toute éternité et dans le monde.
0- BIBLIOGRAPHIE.
– « Faut-il encore pratiquer? » Bernard Bro. Coll. Foi vivante. N.50 Ch.3. p.221. Le Christ et les symboles. Cerf 1967.
La vie du Christ devient la notre et la notre devient celle du Christ.
– « Jésus-Christ ». Congar. Coll. Foi vivante. N°.1. Cerf 1965.
1ère partie: « Le Christ image du Dieu invisible.. p.9-50.
– « Le visage du Ressuscité »; Le Guillou. O.P. Edit. ouvr.1968. 2ème partie; Le Christ visage du Père ».
Ch.3. Qui me voit, voit le Père. p.57.
Ch.4. Il est l’image du Dieu invisible. p.85.
I- Le Christ visage du Dieu invisible.
II- L’humanité du Christ, miroir du Père.
III- Le visage du Christ récapitulateur.
Ch.5.Le soufle du Dieu vivant. p.117.
I- La révélation du copeur du Père dans l’Esprit.
II- La reconnaissance du visage.
Ch.6. Le Dieu trois fois saint.
– Dictionnaire encyclopédique de la Bible. Art. Jonas.
– Paul VI. Audience du 1er février 1967. DC.19 fev.1967. Jésus-Christ signe de Dieu et de l’homme.

1- DANS TOUT L’ETRE DE JESUS-CHRIST.
LE CHRIST TERRESTRE, SACREMENT DE LA RENCONTRE DE DIEU.

A) FONDEMENT: L’INCARNATION DU FILS DE DIEU.
Cf. Le Concile de Chalcédoine. Le Christ est une personne en deux natures.

Une seule et même personne, le Fils du Père, se manifeste sous la forme humaine.
1) Le Christ est Fils de Dieu jusque dans son humanité.
Le Fils de Dieu est personnellement homme et cet homme est personnellement Dieu.
C’est pourquoi on rencontre le Fils de Dieu dans la vie et l’histoire humaines.
La vie spirituelle ne sera pas en dehors de la vie humaine., désincarnée. Le sacré et le profane.
2) Sur le plan de son activité et de sa vie.
Comme homme, il vit sa vie divine dans et selon son humanité.
Il vit sa vie de Fils en homme, dans une expression humaine.
Tout ce qu’il fait comme homme est acte de Fils de Dieu = acte de Dieu en manifestation humaine.
Ex. Son amour humain est la forme humaine de l’amour de Dieu, son expression.
3) Cette double réalité est une réalité messianique = salutaire.
L’amour de l’homme Jésus est l’incarnation de l’amour rédempteur de Dieu.
Les actes humains de Jésus, étant actes du dieu qui sauve, ils possèdent une force divine de salut. (Efficacité.) Ils
sont salutaires, cause de grâce.
Ceci est particulièrement vrai pour la mort et la résurection de Jésus.
4) Ces actes salutaires, ayant une force divine de salut, apparaissent sous une forme terrestre, visible.
Ils sont donc sacramentels. Iles sont le don du salut en visibilité historique par une corporéité qui lui est propre.
Il y a une rencontre avec Dieu par l’intermédiaire du corps et la vie humaine totale.

B) L’HOMME JESUS EST DONC LE SACREMENT PRIMORDIAL/
Il est la manifestation terrestre visible du salut.
Cet homme concret, Jésus, Fils de Dieu, est voulu par le Père comme l’unique accès à la réalité du salut.
Il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes. (1 Tim.2,5)
Les actes salutaires humains de Jésus sont donc à la fois (pas 2 réalités) « signes et cause de grâce ».

2- DANS TOUTE L’OEUVRE ET L’ACTIVITE DU CHRIST.
Par le mystère pascal, il réalise et rend présente dans le monde la volonté salvifique du Père.
DOUBLE MANIFESTATION:

A) DE L’AMOUR DIVIN POUR LES HOMMES. (Dynamisme descendant.)
Sens de la mission du Fils sur terre: la révélation de l’amour miséricordieux et rédempteur de Dieu. Cet amour est premier, antériieur au péché. (Et pas d’abord un besoin des hommes.)
Finalité concrétement assignée par le Père à l’Incarnation du Fils: c’est la divinisation de l’homme par mode de rédemption.
C’est la délivrance de l’homme à partir du péché, jusqu’à la communion personnelle de grâce et d’amour avec Dieu. Jésus est voulu comme source de grâce pour tous les autres hommes qui tous doivent recevoir de Lui.
L’amour humain de Jésus pour les hommes est la manifestation communicatrice de l’amour divin envers tous les hommes. C’est la miséricorde rédemptrice (à cause du péché) de Dieu lui-même venant à nous par un coeur humain..
Valeur de sanctification.

B) DE L’AMOUR DE L’HOMME POUR DIEU. (Dynamisme ascendant.)
Il y a aussi dans l’homme Jésus un mouvement de bas en haut, allant du coeur humain de Jésus, le Fils, vers le Père.
Valeur de culte. Ces actes de Jésus sont une réelle adoration, l’amour de l’homme Jésus envers Dieu.
Jésus est l’adorateur suprême du Père. Il montre ce qu’est un homme qui se donne entièrement au Père invisible.
C’est la forme concrète de la religion, la figure d’un homme véritablement religieux.
Cette humanité de Jésus est représentative de nous tous. (Solidarité de l’Incarnation = en notre nom.)
C’est un mouvement qui part de toute l’humanité et va au Père, à travers l’humanité représentative de Jésus = le prototype solidaire de la réponse humaine d’amour à l’offre divine.
Dans l’homme Jésus, comme dans son chef, toute l’humanité est déja objectivement et réellement délivrée. Jésus est la source et la norme de toute l’humanité sauvée, communiant à la vie du Père. (L’incarnation demeure dans la gloire actuelle.)
L’incarnation n’est pas seulement l’instant ponctuel de la descente en Marie, mais elle est continue. Elle concerne toute la vie de Jésus qui se déroule à travers l’histoire et dans l’au-delà de la gloire. D’où:

2) LE SALUT DE JESUS-CHRIST SACREMENT: LE MYSTERE REDEMPTEUR DU CHRIST. (nature du salut.)

Salut sacramentellement présent au monde.

1- QUATRE ELEMENTS DE CETTE REDEMPTION.
A) L’INIATIVE DU PERE, par le Fils et dans l’Esprit. (La réalité invisible dépasse ce qui est visible.)
Arrière-fond trinitaire, intre-divin, qui se manifeste voilé.
Le Père donne son Fils bien-Aimé dans une vie humaine authentique.
B) LA REPONSE HUMAINE DE LA VIE DU CHRIST à l’initiative de la mision donnée par la Père.
Obéisant jusqu’à la mort. Soumission pleine d’amour de Jésus au Père.
Le sacrifice du Christ:
– Acte intérieur de Jésus qui vit sa filiation divine en fidèle attachement au Père et en dépendance du Père.
– Mais aussi extérieur: sous la forme d’un sacrifice sanglant. Comprend l’ordre corporel.
C) LA REPONSE DIVINE A L’HUMILIATION OBEISSANTE DE LA VIE DE JESUS.
L’exaltationde Jésus qui est fait « Seigneur ». Le Kyrios.
La manifestation de cette exaltation se fait dans le déroulé historique. L’incarnation continue de se dérouler dans le temps: naissannce de l’Eglise (corps du Christ) à l’incarnation ; Cf. Oraison sur les offranes de la fête de l’annonciation.
1- La Pâque, glorification du christ.
2- L’Ascension:
a- Investiture du christ ressuscité comme Seigneur et roi de l’univers.
b- Le Christ devient pleinement le messie: l’incarnation dans son état final: la Rédemption.
c- Prélude au don de l’Esprit-Saint. Le Christ près du Père, devient source de l’Esprit. D’où:

D) LA MISSION DU SAINT-ESPRIT PAR LE KYRIOS GLORIFIE,Seigneur sur le monde et sur l’humanité.
La Pentecôte éternellement durable. L’Esprit actualise en nous ce que le Christ a accompli pour nous une fois pour toutes. L’Esprit rend présent visiblement l’amour.
Action propre de l’Esprit mais qu’il puise dans l’oeuvre rédemptrice du Christ. Cf. Encycl. Dominum et vivificantem.
Cette mission de l’Esprit est la dernière phase du mystère du Christ avant la Parousie: « Maintenant que le Christ a
atteint la perfection, il est devenu pour nous une source de béatitude éternelle. » (Hebr.5,9)

2- REFLEXION SUR LE MYSTERE DU SALUT DE JESUS-CHRIST.

A) LE MYSTERE DU CULTE TERRESTRE DE DIEU
Culte par l’Incarné comme Fils de Dieu. L’incarnation est toute la vie du Christ.
Ce n’est qu’après avoir vécu sa filiation j usqu’au bout dans sa vie humaine, après avoir exprimé cette vie au Père dans
une obéissance parfaite d’amour jusqu’à la mort, que sa filiation divine est entièrement réalisée et manifestée sur le
plan de l’Incarnation. Jusque là , sa vie de Fils n’avait pas pleinement envahie et transformé sa vie humaine.
Ce pur don de soi au Père est le noyau même de toute vie religieuse. Jésus a exprimé jusqu’au bout sa vie humaine
au Père en la sacrifiant. (Elle est rendue sacrée, divinisée.)
Cf. le grain e blé tombé en terre.

B) LA RÉPONSE PATERNELLE A LA VIE RELIGIEUSE TERRESTRE DU FILS.
Résurrection, glorification et institution comme Seigneur et émetteur de l’Esprit-Saint.
Acceptation divine du sacrifice par la résurrection dans toute son ampleur.

C) LE CHRIST CELESTE EMETTEUR DE L’ESPRIT DE SANCTIFICATION.
« Il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que le Christ n’avait pas encore été glorifié ». J;.
« De chez le Père, je vous enverrai l’Esprit ». (Jn.15,26)
Comme homme, le Christ ne sera le principe vital du Saint-Esprit que lorsque sa filiation sera entièrement réalisée dans
son humanité. (Totale, entière, donc aussi dans sa dimension corporelle.)
Le Kyrios est jusque dans son humanité, l’envoyeur de l’Esprit-Saint.
dans ce sens la Pentecôte est un événement pascal et durable.
C’est la traduction humaine du mystère trinitaire rédempteur: Dans la vie intra-trinitaire, le Fils, mainteant, reçoit du Père
d’êtrre le principe du Saint-Esprit.
Maintenant, aussi dans son humainité, comme Kyrios, il est l’envoyeur du Saint-Esprit par rapport au monde humaine.

D) LE MYSTERE DE L’AMOUR DU CHRIST POUR LE PERE.
C’est le fondement de sa communication infaillible de grâce. Il doit diviniser et renouveler entièrement toute l’humanité,
jusque dans sa corporéité.
L’envoi de l’Esprit est en même temps notrte sanctification: notre propre filiation divine.
Celle-ci s’exprime par le sacrifice filial de toute notre vie humaine. Par grâce, nous devenons et nous vivons ce que
Jésus lui-même est par nature: Fils de Dieu.

 

III- L’EGLISE SACREMENT.

INTRODUCTION : NECESSITE D’UN LIEN ENTRE LA SACRAMENTALITE DU CHRIST ET LA SACRAMENTALITE DE L’EGLISE.

1- REALITE GLOBALE: NECESSITE DE NOTRE RENCONTRE AVEC LE CHRIST RESSUCITE.

Le Christ est le seul sauveur, le seul sacrement primordial du salut.
Le salut est lié à la rencontre personnelle avec l’homme Jésus qui est l’unique accès au Père.
Mais qu’en est-il lorsque le Christ par sa résurrection et sa glorification a disparu de notre horizon visible.
Comment pouvons-nous rencontrer le Seigneur glorifié qui s’est soustrait à nos yeux ? La corporéité de Jésus a quitté notre univers terrestre comme moyen direct de communication. (Souvent, les hommes cherchent une autre corporéité. Cf. Les statues.)
A première vue, cette absence corporelle ne semble-t-elle pas favorable?
Cf. « La chair ne sert de rien ». (Jn.6,64.)
« Il est bon pour vous que je m’en aille ».
Ce n’est pas sa disparition en elle-même qui est meilleure pour nous.
C’est la glorification auprès du Père (qui a entraîné son départ »).
Il disparait pour un temps de notre horizon visible pour préparer de là, la parfaite réunion corporelle, en agissant en nous pour nous transformer jusque là.
Si nous sommes ainsi partiellement privés de la rencontre corporelle du Christ entre l’Ascension et la Parousie (vers laquelles nous tendons = le salut), nous rencontrons déja dans une certaine mesure le Christ glorifié.
– Par le souvenir de ce qui s’est passé en Palestine il y a des siècles.
– Par la foi vivante au Christ céleste actuel et qui agit invisiblement dans nos âmes.
Mais il y a plus: La présence active du Christ glorifié se rend visible et palpable parmi nous. (Le Christ n’est pas totalement invisible.)

– Non pas directement par sa corporéité propre. (Il faudrait que nous soyons glorifiés pour cela.)
– Mais, sur terre, dans des formes de manifestations visibles qui exercent parmi nous l’action de son corps
céleste. (Différence d’avec les démons.)
Le « corps » du Seigneur va être sacramentellement présent sur terre. C’est l’Eglise, sacrement universel de salut.
Ecclésialité du corps du Seigneur sur terre. L’action du Christ glorifié, par son Esprit-Saint, sera visible dans notre monde par l’Eglise. (Différences avec les apparitions.)
La raison d’être de ce sacrement qu’est l’Eglise: Dieu est fidèle à sa pédagogie de salut.
L’Eglise sacramentelle est l’instrument visible du christ glorieux agissant sur terre.

2- POSSIBILITE DU COTE DU CHRIST LUI-MEME.

Cette possibilité de notre rencontre avec le Christ glorifié lui-même existe

1) Alors que les défunts non ressuscités ne peuvent pas exercer sur nous d’action directe, d’hopmme à homme, (Il n’y a plus de contact par le corps.) ; Pas de localisation. Nombreuses erreurs concernant les âmes du purgatoire. Ils le peuvent seulement pas la prière et leur intercession.

2) Mais cette possibilité est donnée au Christ comme homme glorifié, jusque dans sa dimension corporelle. C’est comme homme que le Christ est médiateur: dans son humanité et par son humanité.
C’est l’humanité glorifié du christ, sa corporéité glorifiée, qui lui permet de nous influencer réellement comme homme. (Cf. Possibilité de l’Eucharistie.)
Par un acte personnel du Christ, toute l’humanité du Christ (son âme et son corps) agit sur les hommes. Cf.
« J’avais faim et vous m’avez donné à manger ».

 

3- NECESSITE DU COTE DE L’HOMME.

Nécessité des sacrements pour la réciprocité humaine dans la rencontre entre le Christ céleste et les hommes de la terre.
La rencontre humaine avec le Christ demande une réciprocité (malgré l’invisibilité du Christ céleste). Nécessité de la communication réciproque.
1) Si le Christ ne donne pas d’une manière ou d’une autre à sa corporéité céleste une visibilité sur le plan de notre monde terrestre, sa médiation ne peut pas être saisie par nous concrétement pour y correspondre.
2) Mais si le Seigneur se rend présent dans son activité salvatrice, en assumant des réalités terrestres non glorifiées, cela est possible.

L’acte céleste de salut, qui nous est invisible, devient visible dans le sacrement.
Le sacrement est alors l’acte du Christ lui-même, agissant par son Esprit-Saint.

SYNTHESE.
La sacramentalité de l’Eglise et dans l’Eglise, jette un pont sur l’éloignement ou la disproportion qui existe entre le Christ céleste et l’humanité non glorifiée.
Les sacrements dans l’Eglise ne sont pas des choses mais des rencontres d’hommes sur la terre, avec l’homme glorifié Jésus, par le moyen d’une forme visible.
Le sacrement est une manifestation concrète de l’acte de salut du Christ céleste.
« Sacramentaliser » indique l’action personnelle du Christ qui donne par son Eglise une forme visible terrestre à sa acte de salut ou don de grâce invisible.
Il se rend ainsi présent à nous dans cet acte.

1) LA SACRAMENTALITE DE L’EGLISE.

1- LA DOUBLE DIMENSION DE L’EGLISE: DEUX ELEMENTS D’UNE MEME REALITE.
Dans l’Eglise-sacrement, il y a une réalité importante; le rapport dans la vie ecclésiale entre la communion et l’institution. On a un langage alternatif.

A) PAS DE DUALISME ECCLESIOLOGIQUE.
Souvent on oppose les deux éléments (Communion et Institution) pour mieux dénoncer leur incompatibilité.
Cf. Historique avant Vatican II. dans la conception de l’Eglise.

1) AU XIVEME SIECLE.
Les premiers traités d’ecclesiologie insistent plutôt sur l’aspect « pouvoir » (potestas) dans la conception de l’Eglise.
Aspect institutionnel.
Deux principaux courants s’affirment :

a) Courant monarchique.
Monarchie papale: le Pape occupe le sommet de l’Eglise et peut être pris pour l’Eglise.
Cf. Bulle « Unam Sanctam » de Boniface VIII et 1302. L’Eglise a reçu de Dieu deux glaives, le spirituel et le temporel.
Tous les deux sont au pouvoir de l’Eglise.
Seulement considérée sous l’angle christologique, l’Eglise est conçue comme un corps hiérarchique sous l’autorité de son chef, le Christ, représenté sur terre par le Pape.
La dimension communautaire et pneumatologique est absente.

b) Courant plus communautaire. (Guillaume d’Occam.)
Il définit l’Eglise comme la communauté des fidèles.
On réduit au minimum l’aspect institutionnel de l’Eglise.
Ce deuxième courant est minoritaire dans l’Eglise.

2) LA REFORME PROTESTANTE.

a) Pensée de Luther.
Ce qui unit les chrétiens, ce n’est pas un corps visible extérieur, structuré. C’est le Christ lui-même. L’Eglise, c’est fondamentalement l’assemblée spirituelle, invisible, de ceux que le Christ recouvre de sa justice accueillie dans la foi.

b) Pour les réformateurs.
L’ecclésiologie est centrée sur le caractère invisible.
Sa visibilité se manifeste par des signes, mais ceux-ci ne sont pas à proprement parler des « moyens de grâce ».
Les réformateurs formulent de nombreux griefs contre l’Eglise institutionnelle du XVIème siècle, dans laquelle il y a bien des abus. (De plus, contexte social angoissé.)

3) LA REFORME CATHOLIQUE. (Ou « contre réforme ».)

En réaction contre la « Réforme », la tendance est d’accentuer l’aspect institutionnel de l’Eglise, dans une attitude d’autodéfense.

a) Le Concile de Trente. (1545-1563)
Pas d’élaboration de « document » sur l’Eglise, mais réponse aux protestants sur les points mis en cause.
Début d’une ère de juridisme. Entretenir la centralisation romaine.

b) La controverse au lendemain du Concile de Trente.
Bellarmin qui insiste sur les aspects extérieurs de l’Eglise. Insistance pontificale.

c) L’Eglise de la contre-réforme.
Le souci de s’affirmer en s’opposant demeure: ecclésiologie très hiérarchisée, anti-protestante, cléricale et sacramentaliste.
Jusqu’au milieu du 19ème siècle, la conception d’une église monarchique, pyramidale et romaine, va s’imposer.
(Tendance à y revenir dans la dernière partie du 20ème siècle. )

d) L’ouverture du 19ème siècle.
L’aspect de communion qui n’a jamaisété totalement absent (Cf. Doctrine du Corps Mystique) reprend plus de place.
– Les théologiens (comme Moehler) rétablissent l’équilibre. L’Eglise est contemplée en elle-même, dans son mystère trinitaire et dans la communion qu’elle établit par l’Esprit à travers le temps et l’espace.
– L’équilibre est rétabli entre l’aspect visible et invisible de l’Eglise.
– L’encyclique « Satis cognitum » (1896) et « Divinum illud » (1897) de Léon XIII. « L’ensemble et l’union des deux éléments est absolument nécessaire à la véritable Eglise, à peu près comme l’union intime de l’âme et du corps est indispensable à la nature humaine.
– Cf aussi l’encyclique « Mystici Corporis » de Pie XII.

e) La pesanteur de l’institution.
Jusqu’au milieu du 20ème siècle, les éléments sociétaires, institutionnels, hiérarchiques, sont prépondérants. Quatre concepts sont souvent associés dans kla compréhension de l’Eglise: Société, institution, gouvernement, autorité.
Le « De Ecclesia » de Vatican I parle surtout du « pouvoir » de l’Eglise et de l’autorité pontificale, quasi monarchique.
C’est encore ce qui est reproché à la lettre de Ratzinger du 28 mai 1992 sur l’Eglise communion.. Cf ; Article
d’Olivier Clément dans la « France Catholique du 24 juillet 92. : centralisation romaine ; importance de la curie romaine.
Cf ; la lettre sur les divorcés remariés de Ratzinger de septembre 94 : orientation plus disciplinaire que pastorale.
Cf. lettre des évêques allemands.
Il y aura un certain « retour » à cette tendance à la fin du 20ème siècle.

B) AFFIRMATION DES DEUX ELEMENTS D’UNE SEULE REALITE ECCLESIALE.

La synthèse de Vatican II
Il y a le passage d’une ecclésiologie principalement axée sur le pouvoir, le droit et l’autorité de l’Eglise, à une ecclésiologie dominée par le sens de la communion et du service réciproque. (Déplacement d’accent.)
L’Eglise ne renonce pas à son aspect institutionnel, mais le situe tout autrement: dans une relation de subordination à la communion dans l’Esprit.

1) UNE REALITE INVISIBLE. L’ESPRIT-SAINT. UNE ECCLESIOLOGIE DE COMMUNION.
C’est l’aspect invisible de l’Eglise. Cf. Fichier: Le mystere de l’Eglise.

A) INVISIBILITE DE L’EGLISE.
Fondement trinitaire de cette communion.
L’Eglise temple du Saint-Esprit.

B) DANGERS ET TENTATIONS. (Si exclusivité de cet aspect.)
– Eglise vague.
– Mode de l’Eglise de présence au monde ?

2) UNE VISIBILITE HUMAINE. L’INSTITUTIONALITE DE L’EGLISE .

A) FONDEMENT.
Dès l’origine. de l’Eglise.
Nécessité pour l’homme.
Radicale pauvreté humaine de l’Eglise. Limites et faiblesse aux différents niveaux.

B) DANGER ET TENTATIONS. (Si exclusivité ou prédominance de cet aspect.)
– Eglise presque exclusivement juridique et humaine.
– Eglise pyramidale dans laquelle chaque baptisé ne se retrouve pas à participation entière. Centralisme administratif exagéré. Même dans l’épiscopat et le clergé. Cf. « ma paroisse. »
Ce danger n’a pas toujours été évité au cours de l’histoire de l’Eglise, ce qui a provoqué la mise au point du Concile Vatican II. Cela fait partie de l’héritage historique de l’Eglise terrestree dont il faut reconnaître les limites.
Cf. Historique du régime de chrétienté. Signe de l’amour ?
Encore actuellement, parfois exprimée uniquement en termes de pouvoirs ou d’obligations juridiques.
On a développé souvent une conception de l’Eglise vigoureusement institutionnelle dans laquelle les éléments sociétaires, juridiques et hiérarchique sont prédominants.
Cf. L’intervention de Mgr. de Smedt, évêque de Bruges, à Vatican II, où il a ainsi résumé le mécontentement de nombreux évêques lorsqu’il a stigmatisé « le triomphalisme, le cléricalisme et le juridisme » dont le premier schéma sur l’Eglise portait la marque.
Exemples de trois expressions de cette conception de l’Eglise:

1°) LA REFORME GREGORIENNE. (Grégoire VII au XIème siècle.)
Cf ; les « dictatus papae » (1075.), dans « la primauté du Pape, son histoire « par KLAUS Schatz ; Cerf.1992.
p266. Va jusqu’à prendrre la place du Christ.

2°) L’ECCESIOLOGIE TRIDENTINE. (XVIème siècle.)

3°) L’INSISTANCE SOCIETAIRE DU XIXème SIECLE.
Importance des différents dicastère de la Curie.
Ou encore le diocèse vu comme une fédération d’églises.
PRESENCE ENCORE DE CETTE TENDANCE A LA FIN DU 20EME SIECLE.
C’est ce qui est reproché à la Letrre de Ratzinger du 28 mai 1992 sur l’Eglise communion. Cf. Article d’Olivier Clément dans la « France Catholique » du 24 juillet 92.
Cf aussi la lettre de Ratzinger sur la communion eucharistique et les divorcés remariés de septembre 94. Orientation plus disciplinaire que pastorale. Voir dans la DC. la lettre de l’épiscopat allemand qui réagit sur la plan pastoral.

2- RAPPORT ENTRE COMMUNION ET INSTITUTION.

(Pas seulement maintenir les deux composantes.)

1) L’INSTITUTION SUBORDONNEE A LA COMMUNION. (Et non le but.)

Cf. le sabbat pour l’homme et non le contraire ;
Ex. Le ministère des évêques n’est plus défini d’abord en termes de pouvoir, mais comme un service pastoral exercé
au milieu de frères.

2) L’INSTITUTION AU SERVICE DE LA COMMUNION.

a) On peut schématiser deux positions extrêmes :

1- Les partisans d’une Eglise souterraine, informelle, déstructurée, libérée de toute organisation sociale. A la limite, on accepte J.C., mais pas l’Eglise.

2- Les partisans d’une Eglise fortement établie, dotée de structures stables, puissantes et reconnues, de normes immuables, de références sûres, d’un pouvoir monarchique incontestable. (papauté ou curé de la paroisse.)

b) On ne peut ni opposer ces deux conceptions, ni chercher une sorte de compromis centriste. Il faut maintenir :

1- Un rapport dialectique.

Dès son origine, l’Eglise est institutionnelle. (Cette dimension n’a pas été imposée après-coup.) Cette institution est aussi un don du Christ. L’Eglise institution se reçoit de son Seigneur. L’institution n’est donc pas une structure qui s’ajoute à l’Eglise (Pas de dualisme. Cf. supra). Elle découle de la nature des relations entre Dieu et les hommes. (Cf. Anthropologie.) Le justification de l’institution est qu’elle est un service de la communion.
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Il n’y a pas à choisir entre les deux dimensions de l’Eglise, mais à les prendre dans leurs rapports réciproques. Mais on peut poser la question de la forme qu’a prise l’exercice de l’autorité ; Influence du juridisme romain et modèles de l’autorité en occident ; Formes démocratiques possibles, même si l’Eglise n’st pas une démocratie. Inculturation dans une contexte démocratique. Cf. Schilbeex.
Cf. CEDOI 2003 : l’exercice du pouvoir dans l’Eglise ;

2- L’institution comme sacrement de la communion.

– La nécessité de l’Eglise comme institution se fonde d’abord sur des raisons théologiques (et pas seulement psychologiques, valable aussi par ailleurs).
Elle est le sacrement du salut qui est communion.
– Le mystère trinitaire de l’Eglise prend forme dans un visage historique.
Nécessité de reconnaître à la fois l’importance de l’institutionalité de l’Eglise et la contingence de ses formes historiques.
– La communion s’exprime surtout dans le partage de la Parole de Dieu, la liturgie (au sommet de laquelle l’Eucharistie) et la vie fraternelle. Elle se noue dans un même mouvement dans l’union des chrétiens avec Dieu et entre eux, et revêt une forme institutionnelle.
– Cette communion institutionnelle a valeur de signe pour le rasemblement de tous les hommes pour le Royaume. Pas de communion sans mission. L’Eglise est une communion « missionnaire ».

3- L’institution relativisée.

La dimension institutionnelle de l’Eglise qui lui donne sa visibilité historique et sociale, est à relativiser :

a)Elle est une forme provisoire.
Elle ne survivra pas dans l’eschatologie, au delà de l’histoire. Elle préfigure l’Eglise du ciel et n »a donc plus de raison d’ête quand la réalité sera accomplie.

b) L’Esprit-Saint agit au-delà des frontières visibles de l’Eglise (catholique et des autres églises). Cf. Efficacité du sacrement de l’Eglise.

c)La communauté des chrétiens est un peuple de pécheurs qui doivent se convertir. (A tous les niveaux.) L’institution de l’Eglise est marquée par cela et ne peut donc être une institution idéale, parfaite. Elle prête nécessairement le flanc à la critique (Cf. toute l’histoirre de l’Eglise avec ses misères). Radicale pauvreté.
Un peuple toujours en démarche de conversion, quelque soit la mission de chacun.
Cf. le demannde de pardon de la part de l’Eglise. (Procès Gallilée, inquisition, croisades..)

d) Les chrétiens vivent souvent dans un monde sécularisé (et non plus une chrétienté).
Dans ce cas, l’Eglise n’est plus une réalité structurante de la société et de l’organisation sociale. Elle est dépouillée de ses privilèves sociaux.
Le prêtre n’est plus un « notable ». Le sacerdoce ministèriel n’est plus une « promotion sociale ».

4- L’institution interrogée.

Elle n’est jamais autonome dans son fonctionnement et n’a de justification qu’au service du mystère trinitaire. Risque permanent de devenir un « en-soi » et de s’imposer pour elle-même.
Le dialogue avec le monde est nécessaire pour la mission. D’où une disponibilité permanent à l’imprévu, à la nouveauté de l’Esprit.
Malheur à l’Eglise qui se durcit et se fige en ses institutions, obsédée par la réussite de son fonctionnement interne. (Technocratie cléricale.) Prédominance des « services d’Eglise » sur la mission dans et pour le monde.

D’où:

5- L’institution et les institutions de l’Eglise.

Dans la sacramentalité de l’Eglise, son aspect visible (l’ensemble institutionnel) comporte différents aspects :

a) L’institution primordiale.
Celle qui correspond directement au projet exprimé par Jésus-Christ pendant son séjour terrestre. Dans le Nouveau Testament.

b) Les institutions créées par l’Eglise.
C’est le développement de l’institution primordiale, pour répondre à tel ou tel besoin concernant la vie et la mission de l’Eglise.
Exemples: Les conciles, la vie religieuse, l’année liturgique, la paroisse, la catéchèse.
Ces institutions créées par l’Eglise sont d’importance inégale.
Exemples: Un concile et le cardinalat ; La vie religieuse et les confréries.
Donc caractère relatif. Nécessité d’un discernement et révisions parfois nécessaires pour une plus grand fidélité à la volonté du Christ.

d) Les institutions chrétiennes.
Ce sont les institutions temporelles de l’Eglise.
Elles expriment visiblement l’action communautaire des chrétiens au service le la communauté humaine.
Exemples: Ecoles, hopitaux, organismes professionnels ou de loisirs, associations diverses, familiales, caritatives, artistiques, syndicales, politiques..
Elles sont contingentes et relatives. (Ce qui ne veut pas dire superflues.)
Elles sont liées au contexte historique et social. Toujours sujettes à révision pour être réellement signes.
Le fait qu’elles sont ensuite souvent assurées par la société elle-même est un signe de leur efficacité et du progrès de l’évangile dans la société. (Sans récupération.)

e) La présence active des chrétiens dans des institutions non ecclésiales. C’est un autre signe visible de l’Eglise par le témoignage de ses membres.

2) LE FRUIT DE L’EGLISE SACREMENT. (EFFICACITE DE L’EGLISE MOYEN DE SALUT.)

Une nécessité dans le monde.

1- L’UNION INTIME AVEC DIEU.

1) DANS L’INTIMITE TRINITAIRE.
Signe prohétique et minoritaire dans le monde. L’efficacité dépasse l’élément visible.

2) DIVERSITE DANS L’UNITE.
unité grâce à la diversité. et non pas « malgré » la diversité.

2- L’UNITE DE TOUT LE GENRE HUMAIN.

1) UNE TRANSFORMATION DE LA SOCIETE PAR L’AMOUR.

2) PLACE ESSENTIELLE DU LAÏCAT, signe efficace au sein de la société.
Cf. Dossier « LA PLACE ET LA MISSION DES LAICS DANS L’EGLISE ET DANS
LE MONDE. »

3) FAUSSES COMPREHENSIONS DE LA SACRAMENTALITE DE L’EGLISE.

1- NE PRENDRE QU’UN DES DEUX ASPECTS. (La visibilité ou la vie spirituelle.)

2- SACRAMENTALISME INVERSé: L’Eglise sacrement de l’humanité.
On ne voit dans l’eglise quel’ expression d’une organisation purement humain.
Elle est regardée seulement comme une instituion juridique puremennt humaine.

 

IV- LES SACREMENTS DANS L’EGLISE.
Dans l’Eglise sacrement, les sacrements en sont pratiquement les signes et les moyens
concrets principaux.
CF. DOSSIERS ULTERIEURS.