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Ste Thérèse de Lisieux, le Pape François et la Vierge Marie (Noéline Fournier)

Si quelqu’un connaît bien Thérèse et son Enseignement, c’est le Père Carme François-Marie LÉTHEL.

Ce spécialiste de la théologie des saints et Consulteur à la Congrégation pour les causes des Saints, a participé, entre autres travaux, à la préparation du Doctorat de Thérèse, déclaré trente-troisième Docteur de l’Eglise par Jean-Paul II en 1997 (et que le Père LÉTHEL appelle affectueusement pour cette raison « la grande trente-troisième »).

Cet accompagnateur spirituel et prédicateur de retraite recherché, a également prêché, en 2011, les exercices spirituels de carême au Pape Benoît XVI et aux cardinaux de la Curie. Il a consacré à la Sainte de Lisieux quatre des dix-sept méditations de cette retraite.

La « grande petite » Carmélite est placée au même niveau que Saint Thomas d’Aquin, et même encore plus haut, comme l’a affirmé le Pape émérite dans son allocution finale de cette retraite.

Selon le Père François-Marie, le rayonnement de Thérèse, déjà si grand, ne fait que commencer et il n’hésite pas à affirmer que « le troisième millénaire sera thérésien ou ne sera pas » !

Pour le Père François-Marie, derrière le récit à la première personne se cache un livre éminemment centré sur le Christ :

« Histoire d’une âme est l’œuvre d’une femme qui ne craint pas de parler continuellement d’elle-même, en racontant sa vie, son expérience la plus objective.

Mais, en réalité, ce n’est pas tant d’elle-même qu’elle parle, mais continuellement de Lui, Jésus, qui remplit toute sa vie. »

Le prêtre et religieux Carme voit « Histoire d’une âme », comme « un catéchisme ou un manuel de combat spirituel ». Pour lui, ce « chant d’amour » est un chef d’œuvre d’une richesse immense et qui touche tout le monde : « Il contient tous les grands thèmes de la vie chrétienne et fait entrer dans le cœur de tout le monde les grands contenus de la Foi Catholique : l’Amour de Jésus, de la Trinité, de la Sainte Vierge ».

 

« Il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses Saints », dit un proverbe.

De son côté, l’Eglise affirme que le Christ est l’unique intercesseur auprès du Père en faveur des hommes. Mais, en vertu du mystère de la Communion des saints, Dieu permet aux Saints du Ciel de participer à l’intercession du Christ et aux hommes de passer par eux pour toucher son Cœur de Père.

En effet, le Pape François voit et aime Marie comme Thérèse la voit et l’aime.

Pour le Pape, Marie est « normale » et donc « imitable ». Il l’a confié à un prêtre et journaliste : Don Marco Pozza, en insistant sur la « normalité » de la Mère de Dieu :

« La Vierge Marie est une jeune fille normale (…) éduquée normalement, ouverte au mariage, à fonder une famille (…). Toutes les femmes dans le monde peuvent dire : « Mais je peux imiter Marie parce qu’elle est normale ! » Même son mariage virginal, chaste, a été un mariage normal : travailler, faire les courses, faire les choses de la maison, éduquer son fils, aider son mari. »

 

Pour Thérèse, également, Marie est normale et imitable. La Religieuse s’en est elle-même expliquée à ses sœurs quelques semaines avant sa mort dans une longue confidence, dont voici un extrait :

 

« Pour qu’un sermon sur la Sainte Vierge me plaise et me fasse du bien, il faut que je voie sa vie réelle, pas sa vie supposée, et je suis sûre que sa vie réelle devait être toute simple. On nous la montre inabordable, il faut la montrer imitable (…) dire qu’elle vivait sa Foi comme nous, en donner des preuves par l’Evangile ».

 

Quelle convergence de vue entre la Carmélite Docteur de l’Eglise et le Pape Jésuite !

La convergence ne s’arrête pas là et elle culmine même dans la relation qu’ils ont l’un et l’autre avec la Mère de Dieu : une Relation Filiale.

Pour Thérèse, « la Sainte Vierge est la Reine du Ciel et de la terre, mais elle est plus Mère que Reine ». Elle, qui fit l’expérience de la tendresse maternelle de Marie à travers son « ravissant sourire ». Elle le raconte dans ses manuscrits :

« Ne trouvant aucun secours sur la terre, la pauvre petite Thérèse s’était aussi tournée vers sa Mère du Ciel, elle la priait de tout son cœur d’avoir enfin pitié d’elle (…) Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n’avais rien vu de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme ce fut le « ravissant sourire de la Sainte Vierge ».

 

 

Elle revivra cette expérience quatre ans plus tard à Paris, devant la statue de Notre-Dame-des-Victoires :

« Ah ! ce que j’ai senti à ses pieds, je ne pourrais le dire (…)

La Sainte Vierge m’a fait sentir que c’était vraiment elle qui m’avait souri et qui m’avait guérie.

J’ai compris qu’elle veillait sur moi, que j’étais son enfant, aussi je ne pouvais plus lui donner que le nom de « maman » car il me semblait encore plus tendre que celui de Mère ».

Comme en écho à sa chère petite Thérèse, le Pape François, chez qui la tendresse est un leitmotiv et même presque comme une seconde nature, n’a pas craint d’affirmer récemment :

« Marie est ma Maman. »

En novembre 2016, face aux Supérieurs majeurs des Ordres et Congrégations Religieuses, il avait précisé :

« La vraie Sainte Vierge n’est pas un chef de bureau de poste qui envoie chaque jour une lettre différente disant : « Mes enfants, faites ceci et puis le jour suivant, faites cela ». Non, la vraie Sainte Vierge, est celle qui fait naitre Jésus dans notre cœur, celle qui est Mère. Cette mode de la Vierge Superstar, comme protagoniste qui se met elle-même au centre, n’est pas catholique ».

Le Pape François a invité les croyants à adopter trois attitudes vis-à-vis de Marie :

« Se laisser regarder par elle, dont les yeux réfléchissent sur nous le paradis ; elle qui, quand elle nous regarde ne voit pas des pécheurs mais des fils et qui nous dit : « Chers enfants, courage ; je suis là, votre mère ». »

« Le regard maternel de Marie », a-t-il ajouté, « donne Confiance, aide à grandir dans la Foi, à nous aimer entre nous et nous rappelle que la tendresse, qui remédie à la tiédeur, est essentiel pour la Foi.

Se laisser embrasser par elle, qui embrassait tout, c’est-à-dire retenait tout, méditait tout et portait tout, et qui aujourd’hui, désire embrasser toutes nos situations pour les présenter à Dieu.

Marie dont l’étreinte est essentielle, a-t-il ajouté, est la Mère de la Consolation : qui console, c’est-à-dire qui est avec celui qui est seul.

Se laisser prendre par la main par elle, qui aide à passer les virages les plus difficiles de l’histoire, pour ne pas perdre la direction et rester sur le Chemin de la Vie, de la Liberté et de l’Unité.

Dieu ne s’est pas passé de sa mère, à plus forte raison en avons-nous besoin », a-t-il conclu.

Le Pape François a une grande Confiance en Marie, comme autrefois Thérèse :

« Jamais la sainte Vierge ne manque de me protéger aussitôt que je l’invoque. S’il me survient une inquiétude, un embarras, bien vite, je me tourne vers elle et toujours, comme la plus tendre des mères, elle se charge de mes intérêts », a-t-elle confié dans ses manuscrits.

« Chez Thérèse, le Christ est au cœur et au centre, comme en témoigne sa devise au Carmel :

« Aimer Jésus et le faire aimer ».

Dans ses écrits, elle parle de lui partout, quand elle ne s’adresse pas directement à lui. Pour elle, « Jésus est tout » et « Qui a Jésus, a tout ».

Comment se traduit le ‘Christocentrisme’ du Pape et de la Carmélite ?

Notamment par la place que l’un et l’autre, chacun selon sa vocation et sa place dans l’Eglise, donne à l’Evangile : ce livre qui rapporte, en quatre manuscrits différents et complémentaires, les Faits, Gestes et Paroles du Christ, durant sa vie terrestre. Ce choix n’est pas venue d’emblée mais s’est imposé peu à peu.

C’est d’abord l’Imitation de Jésus Christ qui a la préférence de Thérèse quand elle a 14 ans. Elle connaît par cœur tous les chapitres de sa « chère Imitation » et ce livre ne la quitte jamais. Puis elle découvre d’autres nourritures mais petit à petit l’Evangile élimine tous les concurrents, comme elle l’explique elle-même :

« Ah ! Que de lumières n’ai-je pas puisées dans les œuvres de Notre Père St Jean de la Croix ! À l’âge de 17 et 18 ans je n’avais pas d’autre nourriture spirituelle, mais plus tard tous les livres me laissèrent dans l’aridité et je suis encore dans cet état. Si j’ouvre un livre composé par un auteur spirituel (même le plus beau, le plus touchant), je sens aussitôt mon cœur se serrer et je lis sans pour ainsi dire comprendre, ou si je comprends, mon esprit s’arrête sans pouvoir méditer (…)

Dans cette impuissance, l’Ecriture Sainte et l’Imitation viennent à mon secours ; en elles je trouve une nourriture solide et toute pure.

Mais c’est par-dessus tout l’Evangile qui m’entretient pendant mes oraisons, en lui je trouve tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelle Lumières, des sens cachés et mystérieux ».

L’Evangile est donc son livre de référence numéro un. Elle le porte constamment sur elle. Dans sa cellule, elle recopie de nombreux passages. Elle y fait sans cesse référence auprès de ses novices et dans ses récits.

« Puisque Jésus est remonté au Ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’Il a laissées, mais que ces traces sont lumineuses, qu’elles sont embaumées !

Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la Vie de Jésus et je sais de quel côté courir…

Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance ; au lieu de m’avancer avec le pharisien, je répète, remplie de Confiance, l’humble prière du publicain ; mais surtout j’imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace qui charme le Cœur de Jésus, séduit le mien ».

 

Le Pape François aussi insiste à temps et à contretemps sur l’importance du livre du Maître. Ainsi, le mercredi 17 septembre 2014, lors d’une de ses catéchèses sur l’Eglise, il a donné ce conseils aux fidèles présents place saint-Pierre :

« Il est toujours bon d’avoir avec nous un petit Évangile, pour l’emporter dans sa poche, dans son sac, et d’en lire un passage au cours de la journée. Cela nous fait du bien ».

 

 

 

 

CHANT A MARIE

La première en chemin, Marie tu nous entraines

A risquer notre ‘oui’ aux imprévus de Dieu.

Et voici qu’est semé en l’argile incertaine

De notre humanité, Jésus-Christ, Fils de Dieu.

R : Marche avec nous Marie, sur nos chemins de Foi,

     Ils sont chemins vers Dieu, ils sont chemins vers Dieu.

 

« Thérèse de Lisieux ou La saga d’une Petite Sœur »

Bernard GOULEY, Rémi MAUGER, Emmanuelle CHEVALIER.

Ed. Fayard 1997.

 

Noéline FOURNIER

                  Carmel des Avirons – Ile de la Réunion

 




Porté par la ferveur ou luttant contre l’inertie (P. Matta el-Maskîne)…

Quand l’homme est fervent, embrasé par l’Esprit, la prière de méditation lui devient facile, spontanée, sans besoin d’effort de concentration ou de sentiments forcés ; on l’appelle dans ce cas, la prière simple ou spontanée ; elle est confidence intime, chaleureuse et aimante de l’âme à son créateur, de ce qu’elle ressent intérieurement, que ce soit pour le glorifier pour ses œuvres, ses qualités, sa sagesse, ou le remercier pour sa miséricorde et son immense et discrète sollicitude. L’âme peut alors s’embraser durant cette méditation silencieuse, ne plus supporter de se taire et commencer à prier avec les mots qui partent sans frein, exprimant l’amour, l’adoration et la soumission comme l’enfant exprime avec ses faibles mots ses immenses sentiments ; le cœur est alors ouvert devant Dieu, sentant tout ce que remue en lui l’indicible toucher de la main divine.

Mais si l’homme veut entrer en méditation sans avoir une ardeur préalable qui l’incite d’emblée à la prière du cœur, il a besoin d’un certain effort intérieur et d’une concentration mentale qui permettent à l’âme de vaincre son inertie, et à l’intellect de se libérer de ses préoccupations extérieures, pour entrer dans une lecture spirituelle consciente qui l’élève au niveau de la prière. Il est alors appelé à se secouer intérieurement, et la conscience doit s’opposer volontairement à toutes les préoccupations psychologiques et mentales qui l’ont portée à se dessécher et à négliger l’adoration, la prière et le contact avec Dieu.

L’effort de la conscience s’appuie sur l’amour pour vaincre l’inertie et les préoccupations extérieures. L’homme qui avance volontairement et de tout cœur vers l’amour de Dieu, même s’il s’y contraint au début, sent soudain l’amour divin l’envahir, car l’action divine épaule toujours l’effort humain et s’unit finalement à lui.

La volonté doit donc rester active et patiente, attendant qu’arrive la force divine, qui l’envahira de chaleur spirituelle, pour que la personne puisse enfin s’élancer vers les profondeurs et commencer sa prière et sa méditation dans l’aisance et la joie.

Cette démarche de l’esprit durant la lecture spirituelle conduit l’homme de la sécheresse intérieure et de la préoccupation mentale pour les choses de ce monde, à la concentration intérieure, à l’ardeur spirituelle et à la prière. Elle est considérée, en vérité, comme la démarche spirituelle la plus importante et la plus délicate de toute vie de prière, la seule porte qui ouvre sur les secrets de la vie spirituelle, la première marche de l’échelle céleste qui relie l’âme à son Créateur.

Dans ces instants-là, l’homme peut rencontrer une certaine résistance de l’âme, alors dispersée dans des soucis et des préoccupations multiples qui n’ont ni valeur ni sens ; il peut affronter aussi la rouerie d’un intellect passant d’une représentation à une autre, d’une pensée à une autre, distrait par des sujets tout à fait insignifiants. Alors, c’est à la volonté, armée d’une intention intérieure sincère, de maintenir le cap avec ténacité, accrochée à l’amour, polarisée sur le Visage du Christ, dans l’attente et la supplication, jusqu’à ce que la grâce divine la retrouve, la libère et lui rende amour pour amour.

P. Matta el-Maskîne, « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »




Fête de la Croix Glorieuse (14 septembre) : « Les sept paroles du Christ en Croix » (Fr Manuel Rivero O.P.)

Pour accéder à l’article, il vous suffit de cliquer sur le titre ci–dessous :

Les sept paroles du Christ en croix – Fête de la Croix Glorieuse – Fr Manuel Rivero O P




Mgr Gilbert Aubry : messe de rentrée scolaire à St André (5/09/2020)

Pour accéder à l’homélie, il vous suffit de cliquer sur le lien ci-après… Bonne lecture à vous…

Mgr Gilbert Aubry – DDEC Messe de rentrée (09:2020)

 




Le père Marie-Joseph Lagrange et le père Pedro Arrupe, deux prophètes en voie de béatification (Fr. Manuel Rivero O.P.)

Père Pedro Aruppe (S. J. – Jésuite)…

                                      … avec Mère Teresa…

   … et avec le Pape Jean Paul II.

P. Marie Joseph Lagrange (O. P. – Dominicain)

 

Pour accéder à l’article de Fr. Manuel Rivero, cliquer sur le lien suivant :

P. Pedro Aruppe et P. Marie Joseph Lagrange, deux prophètes en voie de béatification.

 

 

 




Pourquoi courir après des apparitions, des ‘nouvelles’ révélations ? Dieu nous a déjà « tout dit » en Jésus Christ (St Jean de la Croix).

  « Aujourd’hui que la foi est fondée sur le Christ et que la loi évangélique est manifestée dans cette ère de la grâce qu’il nous a donnée, il n’y a plus de motif pour que nous l’interrogions comme avant, ni pour qu’il nous parle ou nous réponde comme alors. Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, il n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole ; il n’a donc plus à nous parler.

Tel est le sens de ce texte par lequel saint Paul veut engager les Hébreux à se séparer de ces anciennes pratiques et manières de traiter avec Dieu qui étaient en usage sous la loi de Moïse et à jeter les yeux sur le Christ seulement : « Ce que Dieu, dit-il, a révélé à nos pères en divers temps et de diverses manières par l’intermédiaire des prophètes, il l’a dit maintenant et tout à la fois en ces derniers jours par son Fils (Hb 1,1-2). » L’Apôtre nous donne à entendre par là que Dieu s’est fait comme muet ; il n’a plus rien à dire ; car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté. Dieu pourrait en effet lui répondre de la sorte : Si je t’ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, je n’ai maintenant plus rien à te révéler ou à te répondre qui soit plus que lui. Fixe ton regard uniquement sur lui ; c’est en lui que j’ai tout déposé, paroles et révélations ; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires. Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières ; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation. Or, je te l’ai déjà dit, répondu, manifesté, révélé, quand je te l’ai donné pour frère, pour maître, pour compagnon, pour rançon, pour récompense. Le jour où je suis descendu avec mon Esprit sur lui au Thabor, j’ai dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur ; écoutez-le (Mt 17,5). » Depuis lors, j’ai laissé de côté toutes ces sortes d’enseignements et toutes ces réponses, et je les lui ai remises ; écoutez-le, parce que je n’ai plus de foi à vous révéler, ni plus de vérités à vous manifester. Quand précédemment je parlais, c’était pour vous promettre le Christ ; quand on m’adressait des questions, c’était des questions qui regardaient la demande et l’espérance du Christ où l’on devait trouver tous les biens, comme le donne à entendre toute la doctrine des Évangélistes et des Apôtres. Mais maintenant si quelqu’un vient m’interroger comme on le faisait alors et me demande quelque vision ou quelque révélation, c’est en quelque sorte me demander encore le Christ ou me demander plus de foi que je n’en ai donné : de la sorte, il offenserait profondément mon Fils bien-aimé, parce que non seulement il montrerait par là qu’il n’a pas foi en lui, mais encore il l’obligerait une autre fois à s’incarner, à recommencer sa vie et à mourir. Vous ne trouverez rien de quoi me demander, ni de quoi satisfaire vos désirs de révélations et de visions. Regardez-y bien. Vous trouverez que j’ai fait et donné par lui beaucoup plus que ce que vous demandez.

Si vous désirez que je vous réponde par quelques paroles de consolation, considérez comment mon Fils m’a obéi et a été affligé par amour pour moi, et vous entendrez par combien de paroles il vous répondra. Voulez-vous que Dieu vous explique certains événements mystérieux, ou certaines choses cachées : fixez seulement les yeux sur lui, et vous y trouverez les mystères les plus profonds, les trésors de la sagesse et des merveilles divines qui sont renfermées en lui, comme l’Apôtre le dit : « En lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu (Col 2,3). » Ces trésors de sagesse seront pour vous beaucoup plus profonds, plus doux et plus utiles que tout ce que vous désirez savoir. Voilà pourquoi l’Apôtre se glorifiait en ces termes : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous que que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié (1Co 2,2). »

Si vous voulez encore d’autres visions ou révélations divines ou corporelles, regardez toujours dans son Humanité, et vous trouverez dans cette Humanité beaucoup plus que vous ne pensez, parce que l’apôtre saint Paul dit encore : « En lui habite corporellement toute la plénitude de la Divinité (Col 2,9). »

Il ne convient donc pas d’adresser à Dieu des demandes de cette sorte ; il n’est pas nécessaire qu’il parle encore, car en achevant de nous révéler toute la foi dans son Christ, il n’y a plus d’autre objet de la foi à révéler, et il n’y en aura jamais. Celui qui voudrait recevoir encore par la voie surnaturelle certaines communications surnaturelles semblerait accuser Dieu de ne pas nous avoir donné en son Fils tout ce qui nous était nécessaire, comme nous l’avons dit. Supposé même qu’il agisse ainsi tout en ayant la foi, et en croyant ses enseignements, il manifeste un esprit de curiosité et l’imperfection de sa foi. Ce n’est donc point de cette curiosité qu’il faut attendre un enseignement doctrinal ou une communication par voie surnaturelle. A l’heure où le Christ expira sur la Croix, et dit : « Tout est accompli (Jn 19,30) », non seulement ont pris fin toutes ces communications surnaturelles, mais encore toutes les cérémonies et tous les rites de la Loi ancienne.

Ainsi donc nous devons nous guider en tout d’après la doctrine du Christ Notre-Seigneur, fait Homme pour nous, de son Église, de ses ministres qui nous parlent d’une manière humaine et visible. Par cette voie nous trouverons le remède à nos ignorances et à nos faiblesses spirituelles ; par cette voie nous trouverons des secours abondants pour tous nos besoins. Tout ce qui sort de cette voie ou s’en écarte, non seulement est de la curiosité, mais encore une grande présomption. On ne doit rien croire de ce qui vient par voie surnaturelle, si ce n’est, je le répète, l’enseignement de Jésus-Christ fait Homme, et celui de ses ministres qui sont hommes aussi. Cela est tellement vrai que saint Paul a dit : « si un ange venu du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème ! » (Ga 1,8).

Il est donc vrai que nous devons toujours nous en tenir à ce que le Christ nous a enseigné. Tout le reste n’est rien ; et nous ne devons pas le croire s’il n’est pas conforme à son enseignement. »

                                               St Jean de la Croix, « La montée du Carmel » (Ch. 20).




Vie de saint Dominique (1174-1221) par Fr Manuel RIVERO O.P.

La bienheureuse Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique

Saint Dominique est né en Espagne, à Caleruega, en terre de Castille vers 1174, diocèse d’Osma, aujourd’hui province de Burgos.
Son père s’appelait Félix, homme religieux et droit. Jeanne d’Aza, femme de prière, s’était rendue en pèlerinage au monastère bénédictin de Saint- Dominique de Silos à une vingtaine de kilomètres de Caleruega pour confier au Seigneur son fils Dominique. Son prénom est à relier à celui du saint abbé bénédictin Dominique de Silos (1000-1073).

Enceinte de Dominique, sa mère Jeanne fit un rêve étrange. Elle portait un jeune chien qui tenait dans sa gueule une torche qui enflammait le monde. Image du défenseur de l’Église qui par le feu de la Parole de Jésus ressuscité transformerait les coeurs tristes en coeurs brûlants (cf. Lc 24, 32).

 

La miséricorde de Jeanne d’Aza, mère de saint Dominique

Femme de miséricorde, Jeanne transmettra à son fils Dominique l’amour des pauvres et des affligés. Alors que la pénurie frappait la Castille, la mère de Dominique eut compassion des malheureux auxquels elle servit le vin gardé soigneusement dans un tonneau de la maison. Redoutant la réaction de son mari, elle pria le Seigneur : « Seigneur Jésus-Christ, bien que je ne sois pas digne d’être exaucée pour mes mérites, exauce-moi à cause de ton serviteur, mon fils, que j’ai consacré à ton service. » Et voici que le tonneau fut rempli à nouveau d’un excellent vin. Jeanne s’empressa de le servir à son mari et à ses amis dans l’admiration générale.
Jeanne eut trois fils, Antoine, Manès et Dominique. Les deux aînés, devenus prêtres, seraient nés d’un premier mariage. Manès entra dans l’Ordre fondé par son frère Dominique.

 

L’éducation de saint Dominique

L’éducation de Dominique fut confiée à son oncle maternel, archiprêtre, dès l’âge de sept ans2. Il apprit ainsi la lecture, l’écriture sur des tablettes de cire, le calcul et la grammaire.
Son oncle l’initia surtout à la langue latine et à déchiffrer les Psaumes dans le cadre fervent de la prière liturgique. L’âme de Dominique fut ainsi imprégnée dès son enfance du parfum du Christ.
Les veillées d’adoration la nuit et l’amour du chant sacré de saint Dominique au cours de sa vie apostolique n’ont-ils pas trouvé de bonnes racines dans cette première initiation spirituelle ?
Aujourd’hui encore l’Église constate qu’un grand nombre de vocations presbytérales a fait l’expérience intense de la présence de Dieu en servant l’autel comme servants de messe. Joie de servir Dieu !

 

Saint Dominique à Palencia

Vers l’âge de quatorze ans, Dominique commence l’étude des arts libéraux au Chapitre de la cathédrale de Palencia : le trivium (grammaire, rhétorique et logique) et quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie).
C’est à Palencia que l’on verra naître la première université espagnole (1208-1214).

Au bout de cinq années, Dominique se tourna avidement vers les Saintes Écritures qu’il approfondit de 1193 à 1197, de l’âge de 19 ans à 23 ans ; la lectio divina occupant une grande place dans sa vie.

Un choc émotionnel allait alors frapper le jeune Dominique. Une cruelle famine sévit à Palencia. Dominique agit selon la miséricorde notamment apprise au contact de sa mère. Il vendit ses livres dont il avait pourtant besoin : « Je ne veux pas étudier sur des peaux mortes lorsque des hommes meurent de faim. » Il manifesta aussi son sens de l’organisation en créant une institution pour l‘accueil des pauvres, malades et pèlerins.

 

Chanoine à Osma (Castille)

Arrivé comme chanoine du Chapitre de la cathédrale d’Osma vers 1197, Dominique va y vivre la règle de saint Augustin, trésor de sagesse pour avancer dans la vie religieuse par la mise en commun des biens, qui deviendra par la suite le socle des Constitutions de l’Ordre des prêcheurs, suivant la demande du pape Innocent III faite à saint Dominique en 1215, dans le souci de fonder les nouveaux ordres religieux sur des règles de vie religieuse déjà approuvées.

Arrivés de France, des moines remarquables par leur sainteté et leur savoir devinrent évêques d’Osma, dont saint Pierre de Bourges (1101-1109), actuel patron du diocèse. Mobilité européenne qui ouvrira l’esprit de saint Dominique à la mission universelle.

Sous-prieur du Chapitre de la cathédrale, Dominique bénéficie de l’empreinte d’un grand prieur, Diègue d’Acébès, nommé plus tard évêque du diocèse (1201-1208).

À Osma, Dominique étudie aussi les Conférences des Pères du désert de Jean Cassien (+435). À vingt-cinq ans, il est ordonné prêtre.

 

Saint Dominique à Montpellier en 1206

De retour d’un deuxième voyage au Danemark, l’évêque Diègue choisit de passer par Rome, où il expose au pape Innocent III la situation du diocèse d’Osma et son désir de renoncer à sa charge épiscopale de manière à se rendre libre pour prêcher aux cathares dans le Midi de la France. Mais le pape n’accepte pas sa démission.

Sur le chemin vers la Castille, à Montpellier, Diègue et Dominique rencontrent des légats du pape et d’autres ecclésiastiques, auxquels ils proposent de changer de mentalité et de méthode pour prêcher dans la pauvreté volontaire à la manière des apôtres, afin d’éviter ainsi les critiques des cathares.

À Servian, près de Béziers, Diègue et Dominique vivent un débat contradictoire avec les cathares à partir des citations du Nouveau Testament. Dans l’église de Servian, une plaque rappelle cette prédication de saint Dominique au mois de mars 1206.

D’autres débats contradictoires, « disputes », eurent lieu à Béziers et à Carcassonne.

 

Voyage aux Marches (Danemark) et rencontre avec les cathares

C’est en 1203 que saint Dominique suit son évêque Diègue dans son voyage aux Marches (Danemark) dans le souci d’accomplir une mission diplomatique confiée par le roi Alphonse VIII : le mariage de Ferdinand, fils du roi Alphonse VIII de Castille, avec une fille noble.

Sur la route, à Toulouse, ils vont rencontrer l’hérésie cathare, nouveau manichéisme. La racine grecque du mot cathare veut dire « pur ». Les chefs cathares impressionnaient la population par leur austérité, entraînant une baisse de l’audience de l’Église considérée comme la synagogue de Satan.

Un soir, Dominique rencontre longuement son hôte cathare. Malgré la fatigue du voyage, il passe la nuit à dialoguer avec lui. À l’aube, son interlocuteur est converti par la lumière du Christ. Cet hôte cathare abandonne sa vision dualiste : un dieu du bien et un dieu du mal. L’esprit proviendrait d’un principe bon, la matière d’un principe mauvais. Désormais le corps humain n’est plus pour lui la prison de l’esprit ; la sexualité n’est plus le mal. Il ne voit plus dans le ventre de la femme le laboratoire de la reproduction du mal mais le corps habité et sanctifié par Dieu.

 

La fondation du monastère de Prouilhe

L’évêque Diègue d’Acébès et Dominique s’étaient occupés en Castille des religieuses de Saint-Étienne de Gormaz qui devinrent par la suite des moniales dominicaines à Caleruega, ville natale de saint Dominique.

À Prouilhe (Aude), non loin de Carcassonne, il existait un sanctuaire marial sous le patronage de l’Assomption de la Vierge Marie. C’est là qu’en 1207 Diègue et Dominique installent le premier monastère de la Sainte Prédication sous la règle de saint Augustin pour accueillir des dames d’origine noble converties du catharisme.

 

Des laïcs au service de de la sainte prédication

Attiré par le charisme de la nouvelle prédication, un couple de laïcs vient aussi se joindre à l’évêque, Dominique et la communauté des premières moniales, figure de la Famille dominicaine à venir.
Il s’agit d’Ermengarde-Godoline et de Sanche Gasc qui font profession dans les mains de Dominique le 8 août 1207. Ils promettent de se donner à la sainte prédication en communion avec les frères et les soeurs.
Saint Dominique était appelé « prêcheur ». Il dialoguait avec les cathares à Fanjeaux et dans les alentours cherchant le salut des âmes en homme d’Évangile.

 

La mort de l’évêque Diègue d’Acébès

Pendant des années, saint Dominique a vécu à l’ombre de son évêque d’Osma.
C’était lui le grand missionnaire et visionnaire de l’entreprise de prédication nécessaire au XIIIe siècle dans le sud de l’Europe.
Au mois de septembre 1207, Diègue retourne dans son diocèse pour gérer les affaires courantes et chercher des fonds pour la création du monastère de Prouilhe, près de Carcassonne.
L’évêque Diègue d’Acébès meurt le 30 décembre 1207 à Osma (Castille).
Saint Dominique restera alors presque seul en Languedoc, consacré corps et âme à la prédication, véritable dialogue avec ceux qui critiquent l’Église, où comprendre et croire se nourrissent réciproquement : comprendre pour croire et croire pour comprendre, selon le principe de saint Anselme (+1109).

 

Prédication de saint Dominique à Toulouse, Carcassonne et Pamiers

Il arrive que les fondateurs de congrégations religieuses connaissent des conflits douloureux avec leurs évêques. Ce n’est pas le cas de saint Dominique. Disciple de Diègue d’Acébès et ami de Foulques, évêque de Toulouse, saint Dominique a transmis à la Famille dominicaine l’amour de l’Église et l’affection envers les évêques.

Le parcours de Foulques sort de l’ordinaire. Marseillais d’origine génoise, troubadour, marié et père de famille, il rejoint le monastère du Thoronet tandis que sa femme entre aussi dans un monastère féminin près de Marseille quand leurs enfants atteignent l’âge adulte. Devenu abbé du Thoronet, Foulques est élu évêque de « la Ville rose », Toulouse. Il devient rapidement l’ami et le soutien de saint Dominique.

Des débats contradictoires, « disputes », ont lieu à Montréal, près de Carcassonne, et à Pamiers. À Montréal, les juges de la dispute font appel à la « preuve du feu ». L’écrit de saint Dominique sort miraculeusement des flammes. À Pamiers, la dispute fut dirigée par Diègue en présence de Foulques et sans doute de saint Dominique. Diègue apparaît comme le moteur et l’organisateur de cette nouvelle évangélisation.

 

Amoureux de la Bible

En voyage, saint Dominique portait avec lui l’évangile selon saint Matthieu et les épîtres de saint Paul qu’il connaissait par coeur et par le coeur. La lectio divina, lecture priante de la Parole de Dieu, nourrissait sa prière et sa prédication. Il avait la passion de la pédagogie de la foi car si l’Évangile est annoncé sans que l’auditeur le comprenne ni en saisisse le sens, le diable parvient à extirper aisément cette semence divine qui venait tomber dans la mémoire de l’homme (cf. Mt 13,19). Jésus, exégète du Père, expliquait aux foules le mystère de Dieu. La prédication de saint Dominique s’adressera aussi à l’intelligence humaine. Ce faisant, il mettait en pratique l’exhortation de l’apôtre Pierre : « Soyez toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en vous » (1P 3, 15). C’est pourquoi l’étude des Saintes Écritures occupera une place centrale dans la vie dominicaine. Sur la croix, Jésus n’a pas prié en disant : « Père, pardonne-leur car ils sont méchants », il a prié pour ceux qui n’avaient pas compris le sens de sa prédication : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Saint Dominique distribuera aux affamés de Dieu le pain de la Vérité révélée en s’adressant à la raison que saint Thomas d’Aquin (+1274) honorera comme une participation à la lumière divine.

Le portrait de saint Dominique

Soeur Cécile, moniale dominicaine entrée dans le monastère de Saint-Sixte de Rome à l’âge de dix-sept ans et qui a connu personnellement saint Dominique, décrit ainsi son maître spirituel : « Taille moyenne, corps mince, visage beau et légèrement coloré, cheveux et barbe légèrement roux, de beaux yeux. De son front et de ses cils une sorte de splendeur rayonnait qui attirait la révérence et l’affection de tous.

Il restait toujours souriant et joyeux, à moins qu’il ne fût ému de compassion par quelque affliction du prochain. Il avait les mains longues et belles; une grande voix belle et sonore. Il ne fut jamais chauve, et sa couronne de cheveux était complète, parsemée de rares fils blancs. »

Le bienheureux frère Jourdain de Saxe, biographe de saint Dominique, s’attache plutôt à mettre en lumière sa physionomie spirituelle caractérisée par une exceptionnelle égalité d’âme, fruit de la prière au Seigneur et de son abandon à la volonté divine. Saint Dominique avait jeté l’ancre de sa vie dans le Christ (He 6, 19). Son âme résistait aux vagues et aux tempêtes hostiles qui l’assaillaient dans sa mission de prédication. « Il s’infiltrait sans peine dès le premier regard dans l’affection de tous », écrit Jourdain de Saxe.

Changement de société

Le XIIIe siècle comporte des changements économiques, politiques et scolaires importants. Le monde féodal hiérarchisé avec le seigneur et les serfs qui labourent la terre voit naître un système économique nouveau dans les villes, fondé cette fois-ci sur les corporations des artisans où chaque membre jouit de la même égalité de dignité et de pouvoir.

Inspirés par Dieu, saint Dominique et saint François réagiront en fondant des Ordres de frères. Dans l’Ordre des prêcheurs, le responsable est appelé non pas supérieur mais prieur, prior inter pares, le premier parmi ceux qui sont égaux. L’école cathédrale sous la tutelle de l’évêque découvre à son tour l’arrivée de l’université : communauté de professeurs et d’étudiants où l’autorité relève de la vérité. Saint Thomas d’Aquin dira que l’argument d’autorité est le dernier des arguments.

 

La miséricorde de saint Dominique

Saint Dominique aimait les pauvres et les pécheurs. Habituellement paisible, d’égalité d’âme et joyeux, il était bouleversé par la souffrance des hommes. L’étymologie de « miséricorde », mot d’origine latine, renvoie à la sensibilité du coeur devant les misérables.
Dans ce sentiment de compassion il passait rapidement à l’action pour venir en aide aux personnes dans la douleur et la tristesse.
Dieu est miséricordieux par amour. Sa miséricorde n’est pas signe de faiblesse mais de puissance. Sa toute-puissance se déploie dans l’aide apportée aux hommes aux prises avec le mal et la mort.
Saint Dominique aimait les personnes, d’où sa miséricorde envers les affamés, les malades et les pécheurs.
Les chrétiens forment le Corps du Christ, le Christ total, dont Jésus ressuscité est la tête et les fidèles ses membres. Dans sa miséricorde, le Christ aime les hommes comme étant une part de lui-même.
Saint Dominique aimait les captifs au point de vouloir se vendre pour leur rachat. Il aimait ceux qui le menaçaient de mort au point de se réjouir du martyre qui porterait des fruits de conversion.
La méthode de saint Dominique était bien l’amour et la miséricorde.

Saint Dominique à Toulouse en 1215

Curé de Fanjeaux, prêchant la Parole de Dieu à Carcassonne et à Toulouse, saint Dominique reçoit le soutien de Foulque, évêque de Toulouse, qui l’institue avec ses compagnons prédicateurs dans son diocèse. Les frères prêcheurs suivent les cours de théologie du maître Alexandre Stavensky. L’étude fait partie des piliers de leur vie consacrée à faire resplendir la lumière du Verbe. Plus tard, sainte Catherine de Sienne, dominicaine, docteur de l’Église, patronne de l’Europe, enseignera que les frères et les soeurs de saint Dominique ont reçu dans l’Église « l’office du Verbe ». La foi vient de la prédication (Rm 10, 17) et la prédication se nourrit de la Parole de Dieu expliquée dans la théologie. Au mois de novembre 1215, Dominique accompagne l’évêque Foulque à Rome pour participer au IVe Concile de Latran convoqué par le pape Innocent III. Pour répondre aux demandes du Concile et du pape, Dominique et ses frères choisissent la Règle de saint Augustin comme fondement pour leur vie apostolique. Ils bénéficièrent aussi des coutumiers des Prémontrés fondés par saint Norbert (+1134).

 

Le pape Honorius III confirme l’Ordre en 1216

Le pape Innocent III, selon Constantin d’Orvieto, avait eu une vision dans laquelle saint Dominique soutenait la basilique du Latran qui tombait en ruines. Aussi chercha-t-il la collaboration des prêcheurs de Toulouse. Innocent III mourut le 16 juillet 1216. Deux jours plus tard fut élu le pape Honorius III qui confirma l’Ordre des prêcheurs dans une bulle datée du 22 décembre 1216.
À Rome, saint Dominique reçut l’aide du cardinal Hugolin qui deviendra pape sous le nom de Grégoire IX.
Dans la basilique Saint-Pierre, Dominique en prière fit une expérience extraordinaire, selon son biographe Constantin d’Orvieto, il reçut une vision dans laquelle l’apôtre Pierre lui transmettait un bâton et l’apôtre Paul un livre. Ils lui disaient : « Va et prêche. » Cette vision spirituelle enhardit saint Dominique dans sa soif d’annoncer l’Évangile à toutes les nations.
Plus tard, dans une bulle du 21 janvier 1217, le pape Honorius III appelle le prieur et les frères de l’église Saint-Romain à Toulouse « les athlètes du Christ ».

 

La dispersion des frères

Les frères habitaient le couvent Saint-Romain à Toulouse. Ils avaient promis obéissance à saint Dominique. Après avoir prié longuement le Saint-Esprit, saint Dominique annonça aux frères sa décision de les envoyer annoncer l’Évangile dans d’autres villes malgré leur nombre réduit: « Le grain entassé pourrit mais dispersé il porte du fruit. » « Ne me faites pas opposition, je sais bien ce que je fais », leur dit le saint apôtre du Christ. La date probable de cet événement fut le 15 août 1217 à Prouilhe (Aude). Les frères partirent vers Paris et Madrid, Bologne… De passage à Rome en 1218, saint Dominique rencontra Réginald, chanoine d’Orléans, qui choisit la vie dominicaine à quarante ans ayant été guéri miraculeusement par l’intercession de la Vierge Marie. Frère Réginald donna une grande impulsion à l’Ordre attirant de nombreuses vocations parmi les étudiants. Heureux d’avoir épousé la vie apostolique et mendiante, frère Réginald s’était exclamé : « Je crois n’avoir aucun mérite à vivre dans cet Ordre, car j’y ai trouvé trop de joie. » En 1218, saint Dominique se rendit à Ségovie (Espagne) où sa prière obtint la pluie au cours d’une terrible sécheresse. Une grotte rappelle à Ségovie l’oraison et la pénitence de saint Dominique. Sainte Thérèse d’Avila la visita avec ferveur.

La communauté comme référence

Point de narcissisme ou de culte de la personnalité dans l’existence de saint Dominique.
Il aimait l’Église comme une Mère. Dans son charisme de fondateur, il a renvoyé les frères non pas à lui mais à la communauté.
Jésus avait dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18). Saint Dominique n’a pas laissé non plus ses frères orphelins car ils avaient comme référence non pas sa personne mais la communauté.
Le mot « séduire » veut dire « conduire à soi ». Saint Dominique n’était pas un séducteur mais il conduisait au Christ, à l’Église et à la communauté.
Aussi comprenons-nous ses propos à l’approche de la mort : « À Dieu ne plaise que je repose ailleurs que sous les pieds de mes frères. »
Il arrive que dans la solitude nous voyions clairement des choses qui sont fausses. Le dialogue communautaire constitue un lieu de vérité dans la tradition dominicaine.
Les premiers frères dominicains arrivés à Saint-Domingue au moment de la découverte de l’Amérique préparaient les prédications en communauté. Ce n’était pas un frère qui prêchait en son nom personnel mais la communauté qui prêchait à travers la voix d’un frère. Cela apporta beaucoup de force à l’annonce de l’Évangile et à la défense des Indiens.

Vivre en frères

Une question surgit souvent lors des projets de fondation dans un nouveau pays : qu’est-ce que l’Ordre peut apporter alors que l’Église y est déjà présente ? Un jour, le frère Bruno Cadoré, Maître de l’Ordre depuis 2010, avait répondu « l’esprit fraternel ». Tant il est vrai que saint Dominique a insufflé dans l’Église l’esprit fraternel. Chaque frère est respecté dans ses droits. La démocratie dominicaine avec son souci de participation de tous en témoigne. Il ne s’agit pas d’une démocratie de consensus à la manière de certains parlements mais d’une vision théologale où chacun illuminé par le Saint-Esprit est appelé à bâtir la société et l’Église. Le grand cadeau que saint Dominique a laissé à sa Famille spirituelle est bien la fraternité. Les frères et les soeurs dominicains s’émerveillent devant cet attachement qui surgit naturellement ou plutôt surnaturellement. Nous en avons un exemple patent dans l’hospitalité chaleureuse vécue dans l’Ordre envers les frères et les soeurs qui se rencontrent pour la première fois.

 

Saint Dominique, homme de prière

Saint Dominique parlait avec Dieu ou de Dieu. Le jour, il allait à la rencontre des hommes et des femmes qui souffraient dans leurs âmes ou dans leurs corps. Les nuits, il les passait en dialogue avec Dieu. Très souvent, il couchait dans l’église des couvents, implorant la miséricorde de Dieu : « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ? »
Il intercédait pour les pécheurs se demandant ce qu’ils allaient faire dans leur éloignement du Seigneur. Il demandait aussi à Dieu la lumière pour choisir la route à suivre dans la prédication de manière à se rendre utile pour le salut du prochain.
Saint Dominique aimait les personnes atteintes par le péché mais il détestait le mal.
Avec ses frères prêcheurs, il célébrait la liturgie. Lors de la célébration de la messe il lui arrivait de verser d’abondantes larmes. Sur la route, il chantait le Veni, creator Spiritus. Fils de la Vierge Marie, il reprenait souvent l’hymne marial Ave, maris stella, « Salut, étoile de la mer ».

 

Saint Dominique et saint François d’Assise

Nés à la même époque, partageant la même vocation à la prédication dans la pauvreté évangélique, les Dominicains et les Franciscains ont grandi dans l’amitié pendant huit siècles. Ils ont répondu aux nouveaux défis de leur temps. Deux biographes de saint Dominique, Rodrigo de Cerrato et Gérard de Frachet, évoquent la rencontre mystique de saint Dominique et de saint François d’Assise à Rome en cette année 1217. Signe de cette fraternité qui unit les prêcheurs et les mineurs, chaque année à la fête de saint Dominique c’est un frère franciscain qui prêche; lors de la fête de saint François il revient à un frère dominicain de mettre en lumière la vie du poverello.

L’art chrétien s’est plu à représenter cette amitié entre les Dominicains et les Franciscains à travers le symbole du baiser fraternel de Dominique et de François, unis par le Saint-Esprit, que saint Bernard appelait « le baiser du Père et du Fils ».

Saint Dominique et la Vierge Marie

Le frère catalan Romée de Livia priait mille Ave Maria par jour.
Compagnon de saint Dominique sur les routes du Midi de la France, nous pouvons imaginer aisément le fondateur de l’Ordre des prêcheurs comme l’inspirateur aussi de la prière du Rosaire qui sera définie ultérieurement par un pape dominicain, saint Pie V, en 1569, dans la forme que l’Église pratique depuis le XVIe siècle.
Le Rosaire, appelé par les frères dominicains le Psautier de la Vierge Marie en raison des 150 Psaumes et des 150 Ave Maria, conduit le priant au coeur de Marie pour contempler Jésus avec la foi de la Mère de Dieu, qui est aussi la foi de l’Église.
Le Salve Regina achevait la journée liturgique dans les couvents dominicains.
Le frère Humbert de Romans, Maître de l’Ordre de 1254 à 1263, rappelait aux frères que « la bienheureuse Vierge Marie fut l’aide principale dans la fondation de l’Ordre ». Aussi est-elle célébrée comme sa patronne chaque 8 mai, mois traditionnellement consacrée à la Mère de Dieu.

 

Premier Chapitre général à Bologne en 1220

Saint Dominique convoqua le premier Chapitre général de son Ordre lors de la fête de la Pentecôte en l’an 1220 à Bologne (Italie). Des frères délégués, dits « définiteurs », chargés de définir les lois de l’Ordre, arrivèrent des différents couvents d’Espagne, de France et d’Italie.
Saint Dominique n’a laissé aucune prédication écrite. Nous avons quelques-unes de ses phrases gardées précieusement dans la mémoire de ses disciples et une lettre envoyée aux moniales de Madrid. Il ne ressemble pas à certains fondateurs de congrégations dont les innombrables livres et lettres ont fini par produire de la fatigue chez les religieux.
Son esprit et son génie apparaissent surtout dans les Constitutions dont le but est d’organiser et d’actualiser la mission de la prédication, but de l’Ordre.
Saint Dominique aimait les institutions car il tenait à ce que la charité et l’évangélisation durent et progressent dans le temps en faisant du neuf et de l’ancien.
En 1220, saint Dominique prêcha en Lombardie et il visita Milan.
En janvier 1221, le pape Honorius III lui fit don de la basilique Sainte-Sabine sur l’Aventin romain, où réside à présent la curie générale de l’Ordre.

 

Attiré par les Cumans

Né en Castille, marqué par l’invasion musulmane et par la Reconquête, saint Dominique ne s’est pas tourné vers l’Islam mais vers l’Europe centrale et orientale. Il était attiré par la mission auprès des Cumans , tribu lointaine et redoutée.
Retenu par sa mission en France et en Italie, il rêvait néanmoins de partir au loin pour vivre l’aventure missionnaire comme les apôtres. C’est ainsi qu’il avait dit au frère Paul de Venise : « Quand nous aurons affermi notre Ordre, nous irons chez les Cumans, nous leur prêcherons la foi au Christ et nous les gagnerons au Seigneur. »
Aujourd’hui encore, les jeunes aiment les défis difficiles. Nombreux sont ceux qui partent en coopération pour vivre sur un autre continent la découverte d’une autre culture, rendre service, se retrouver eux-mêmes dans le don de soi et entrevoir le sens de la vie apostolique, missionnaire.
Saint Dominique s’est donné à Dieu dès l’enfance. Saint Thomas d’Aquin redoutait les jeunes repliés sur eux-mêmes car la jeunesse représente l’âge de la générosité et de l’absolu dans la foi et l’amour, autrement il y a corruption d’une vie appelée à porter du fruit : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas il reste seul mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).

 

La mort de saint Dominique

À la fin du mois de juillet 1221, saint Dominique arriva à Bologne, exténué. Sentant sa mort approcher, il exhorta les frères à vivre la charité, l’humilité et la pauvreté volontaire.
Il leur ouvrit le coeur en leur révélant sa virginité ainsi que l’une de ses imperfections : la conversation avec les jeunes femmes l’avaient attiré davantage que les échanges avec les femmes âgées.
Voyant ses frères pleurer à l’idée de perdre leur maître spirituel, il leur déclara : « Je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie. » Le Catéchisme de l’Église catholique a retenu cette phrase (n°956) qui fait penser à une déclaration semblable de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. »
Ceux qui croient en Jésus ressuscité doivent se garder de dire deux choses : « c’est trop tard », « c’est fini », car il n’est jamais trop tard et rien n’est jamais fini.
Saint Dominique passa de ce monde au Père à Bologne le 6 août 1221 vers midi.
Les funérailles furent célébrées par son ami le cardinal Hugolien, le futur pape Grégoire IX.

 

La canonisation de saint Dominique

En 1233, le Chapitre général de l’Ordre eut lieu à Bologne en la fête de la Pentecôte. Les frères choisirent cet événement pour célébrer la translation des reliques de saint Dominique dans un sarcophage en marbre au coeur de l’église Saint-Nicolas. Les frères dominicains craignaient que cette ouverture du tombeau de leur fondateur ne soit rendue pénible à cause de la corruption que la pluie, la neige et la chaleur de Bologne auraient pu provoquer dans ses restes mortels. L’ouverture du tombeau eut lieu dans la nuit du 23 au 24 mai 1233 en présence de l’évêque de Bologne, Henri de Fratta et de nombreuses personnalités de la ville. Au moment où fut soulevée la pierre tombale, un parfum intense, délicieux et original envahit les esprits des fidèles en prière. Ce parfum demeura plusieurs jours dans le tombeau et même dans les vêtements de ceux qui l’avaient touché. La joie des frères et des chrétiens de Bologne fut immense. Le 13 juillet 1233, le pape Grégoire IX ouvrit le procès de canonisation et après l’enquête canonique le pape décida à Rieti l’inscription de saint Dominique dans le catalogue des saints le 3 juillet 1234. Il fut décidé que saint Dominique serait fêté principalement le 5 août tandis que la translation des reliques serait célébrée le 24 mai. Dans l’ancien calendrier liturgique du temps de saint Dominique, le 6 août ne correspondait pas à la fête de la Transfiguration comme aujourd’hui mais à la mémoire du pape saint Sixte II, mort martyr à Rome le 6 août 258. C’est le pape saint Pie V, en 1570, qui assigna de manière définitive dans le Missel Romain la date du 6 août pour la Transfiguration du Christ.
De beaux textes furent aussi créés pour mettre en lumière la sagesse de saint Dominique et son amour pour l’Église, lui qui voulut toujours grandir in medio Ecclesiae, au coeur de l’Église.

Hymne à saint Dominique

Au sein de son Église le Seigneur l’appela,
pour porter sa Parole, il lui donna l’Esprit,
le combla de sagesse, de gloire le vêtit
et sur lui fit descendre allégresse et bonheur

Aux sources d’Évangile le Seigneur le mena,
le planta comme un arbre, près des eaux du salut,
lui donna sans mesure la sève du savoir,
lui fit en abondance porter du fruit de choix.

Du trésor de ses grâces le Seigneur l’instruisit,
dans la Nouvelle Alliance lui enseigna la Loi;
il lui donna d’en vivre avec fidélité,
puis d’enseigner l’Église avec humilité.

Gloire à toi, notre Père, qui nous attires à toi;
pour vivre en ta lumière la joie des fils de Dieu;
fais-nous grandir sans cesse dans l’amour de ton Fils et rechercher ta face, guidés par ton Esprit.

La spiritualité de saint Dominique

La mystique dominicaine, sainte Catherine de Sienne, comparait la religion de saint Dominique à « un jardin, large, joyeux et parfumé ». Saint Dominique n’a pas transmis aux frères un moule spirituel ni une recette magique à répéter pour réussir l’annonce de Jésus Sauveur. Il a laissé à la Famille dominicaine un esprit large où chacun garde sa personnalité tout en entrant dans la dynamique transformante de la vie communautaire réglée par les Constitutions. Quand il arrivait dans un couvent, saint Dominique se renseignait auprès du prieur des us et coutumes propres à la maison pour s’y conformer avec joie. Saint Dominique rayonnait la joie. Sa joie, musique de l’âme et signature du Saint-Esprit, impressionnait ses contemporains. Il était aussi « le parfum de la connaissance du Christ » (1 Co 2, 14). Tous ceux qui rencontrent des frères et des soeurs dominicains sont frappésde la diversité des psychologies et des mentalités tout en repérant aussi un esprit de famille.

VERITAS

Les visiteurs des couvents dominicains découvrent souvent la devise de l’Ordre dans des mosaïques ou des tableaux : Veritas.
Les disciples de saint Dominique « cherchent la vérité dans un doux compagnonnage », selon l’expression de saint Albert le Grand (+1280).
« Qu’est-ce que la vérité? » (Jn 18, 38), s’était exclamé Pilate devant Jésus. Question passionnante qui suscite une soif jamais assouvie car la Vérité pour les chrétiens ne relève pas en dernier lieu de concepts ni de formules scientifiques, elle est une personne, Jésus lui-même, qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). C’est pourquoi saint Thomas d’Aquin (+1274) enseignera qu’à proprement parler il n’y a de vérité qu’en Dieu.
Saint Dominique et ses frères se sont évertués à s’approcher de cette Vérité par la contemplation, l’étude et la charité qui illumine l’âme.

 

Les fils et les filles de saint Dominique

Dans l’Évangile, Jésus nous enseigne que « l’arbre se reconnaît à ses fruits » (Mt 7,17). La Famille dominicaine représente une parole vivante de saint Dominique : saint Thomas d’Aquin, saint Albert le Grand, sainte Catherine de Sienne, Fra Angelico, saint Pie V, sainte Rose de Lima, saint Martine de Porrès, une foule de martyrs et de bienheureux … Il y a aussi de belles figures plus proches de nous dans l’histoire7 : le père Lacordaire, prédicateur à Notre-Dame de Paris; Mélanie Calvat, voyante de la Salette, tertiaire dominicaine; le bienheureux Pierre-Georges Frassati, patron de la JMJ (Journée Mondiale de la Jeunesse); Sigrid Undset, norvégienne, Prix Nobel de littérature en 1928, laïque dominicaine; le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem …
Aujourd’hui la Famille dominicaine comprend 2 800 moniales, 6 000 frères, 23 000 soeurs apostoliques, 166 000 laïcs dominicains, 265 membres des Fraternités sacerdotales et 150 membres des Instituts séculiers.
Famille dominicaine que la Vierge Marie garde avec affection sous son manteau de prière.

 

VIIIe centenaire de la fondation de l’Ordre des prêcheurs

L’Ordre fondé par saint Dominique a fêté ses huit siècles d’existence : 22 décembre 1216 – 22 décembre 2016.

Le site Internet de l’Ordre informe régulièrement des événements qui marquent sa mission : http://www.op.org
Le poète espagnol Juan Ramon Jiménez, Prix Nobel de littérature en 1956, a écrit : « Des racines et des ailes. Mais que les ailes s’enracinent et que les racines s’envolent8. »
Huit cents ans ont donné de profondes racines à l’Ordre fondé par saint Dominique; ces racines le poussent à aller plus loin dans la mission.
La meilleure manière de célébrer la fondation de l’Ordre n’est-elle pas de se renouveler par de nouvelles fondations missionnaires ?

Saint-Denis (La Réunion), le 2 août 2020.

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VIE ST DOMNIQUE FRERE MANUEL




Fête du Saint Curé d’Ars 2020, St Jean Marie Vianney (Fr Manuel RIVERO O.P.)

L’an dernier, le 4 août 2019, le pape François avait envoyé une « Lettre aux prêtres à l’occasion des 160 ans de la mort de saint Jean-Marie Vianney, le curé d’Ars ». Très beau message où le Saint Père partage les souffrances et les joies apostoliques des prêtres du monde entier.

Le pape François pointe la tentation subtile qui menace ceux qui ont décidé de mener le combat spirituel pour Jésus : l’acédie, « douce tristesse », attitude de découragement et de lassitude, « le plus apprécié des élixirs du démon »[1] selon l’expression de l’écrivain catholique Georges Bernanos. Le « bof », « je n’ai pas envie », « ça ne me dit rien », « une autre fois ». C’est ainsi que la prière et le service sont renvoyés à plus tard.

Le curé d’Ars appelait le diable ou Satan : le « Grappin », instrument utilisé par les paysans pour arracher les pommes de terre. Le diable cherche à arracher les âmes au Christ Jésus par la tentation du découragement.

La Vierge Marie, Immaculée Conception, a occupé une grande place dans la vie, la prière et la prédication du saint curé d’Ars, patron des curés du monde entier, que l’Église célèbre dans sa liturgie le 4 août.

Nous allons prier les mystères lumineux du Rosaire à la lumière de la vie et du ministère de saint Jean-Marie Vianney, connu comme le saint curé d’Ars.

Né le 8 mai 1786 à Dardilly, le saint curé est parti vers le Père le 4 août 1859 à l’âge de 73 ans. Lors de son arrivée à Ars, village de 230 habitants, le saint curé s’était exclamé : « Que c’est petit ! » Maintenant, Ars reçoit chaque année des centaines de milliers de pèlerins.

Au garçon, Antoine Givre, qui l’avait orienté sur sa route, près d’Ars, le saint curé avait dit : « Tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du Ciel ». Un monument commémore aujourd’hui cette rencontre devenue un symbole de la Providence.

Le père Jean-Marie Vianney aimait le rosaire. Dans sa ferveur apostolique, il avait fondé plusieurs Confréries du Rosaire, persuadé dans la lumière de la foi que la prière des membres de la Confrérie contribuait au salut de chacun.

Plusieurs événements le relient à la vie dominicaine. Le père Lacordaire, grand prédicateur de Notre-Dame de Paris, s’était rendu à Ars pour écouter, au bas de la chaire, la prédication de ce prêtre qui avait souffert de ses limites intellectuelles au séminaire. En effet, Jean-Marie Vianney avait eu du mal à faire des études de philosophie et de latin. Ayant pris du retard dans sa formation scolaire pour des raisons étrangères à sa volonté, il faillit être écarté de la prêtrise, mais le discernement spirituel des responsables de l’Église le sauva de cette menace.

Par ailleurs, Élisabeth Falsan, épouse Lagrange, la maman du futur père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, amena son fils alors qu’il était bébé et malade au curé d’Ars qui le bénit. Par la suite, le frère dominicain Marie-Joseph Lagrange se rendit, au cours de ses études théologiques, à Ars pour rencontrer le saint curé. À l’occasion de la pose de la première pierre de l’École biblique de Jérusalem, le père Lagrange choisit d’enfouir un fragment de la soutane du curé d’Ars dans ses fondations, signe de la vocation de l’École à servir la formation des prêtres et le salut des âmes.

Commençons notre prière en récitant le Credo, le Notre Père et trois Ave Maria.

Faisons maintenant le signe de la croix qui est le signe de l’amour de Dieu pour nous :

Tous : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

Premier mystère lumineux : le baptême de Jésus dans les eaux du Jourdain

Commencement de l’Évangile selon saint Marc : « Jean le Baptiste fut dans le désert, proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés. Et s’en allaient vers lui tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem, et ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés.

Jean était vêtu d’une peau de chameau et mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Et il proclamait : « Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau, mais lui vous baptisera avec l’Esprit Saint. »

Le baptême chrétien est donné pour la rémission des péchés. Il ne s’agit pas d’un simple rite mais du don de l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils, qui lave l’âme des baptisés et la comble de la gloire de Dieu.

Le saint curé d’Ars a voué sa vie à la réconciliation des pécheurs avec le Christ. Le pardon accordé dans la confession des péchés fait briller la lumière du baptême. Véritable recréation de l’homme à l’image de Dieu.

Le père Jean-Marie Vianney passait des journées entières au confessionnal. Des pèlerins, par milliers, en ressortaient libérés de leurs fardeaux : « Le bon Dieu au moment de l’absolution jette nos péchés par derrière ses épaules, c’est-à-dire il les oublie, il les anéantit : ils ne reparaîtront plus jamais. » ; « Il ne sera plus question des péchés pardonnés. Ils ont été effacés, ils n’existent plus ! », disait-il.

À l’exemple de Jésus, le saint curé d’Ars aimait les pécheurs et il combattait le péché, l’orgueil et la haine de Dieu.

Lors du Synode sur l’Europe, les évêques faisaient remarquer que « le défi n’est pas tant de baptiser les nouveaux convertis que de conduire les baptisés à se convertir au Christ et à son Évangile. »[2]

Cet amour envers sa paroisse et ses paroissiens apparaît dans le baiser de sa nouvelle terre de mission. Les prêtres ne se donnent pas les missions ; ils les reçoivent. Le saint curé d’Ars a embrassé la terre d’Ars et sa mission dans un village tout petit. Le saint pape Jean-Paul II, qui a visité Ars en pèlerin, se plaisait à rappeler que jeune vicaire de paroisse imitait le saint curé en s’agenouillant pour embrasser la terre de sa mission ; ensuite, il se rendait devant le Saint-Sacrement et il se présentait au curé. »

Il est impossible d’évangéliser sans aimer. Pour évangéliser et convertir il s’avère nécessaire de prier et d’aimer les personnes comme Jésus les aime.

Le saint curé a reçu sa paroisse des mains de Dieu. « Mon Dieu, convertissez ma paroisse ! »,  priait-il sachant que seule la grâce de Dieu peut accomplir des merveilles dans une âme. Tout est grâce ! Dieu seul convertit.

Prions pour ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme.

Prions pour la conversion pastorale des paroisses, qu’elles deviennent de plus en plus des paroisses missionnaires !

Prions pour les paroisses, communautés de communautés, qu’elles soient sacrement de la rencontre du Christ avec son Église et avec l’humanité.

Notre Père. Avec Maria. Gloria.

Deuxième mystère lumineux : les noces de Cana

De l’Évangile selon saint Jean : « Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples. Or, il n’y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »

Le saint curé d’Ars ne se lassait pas de prier la Vierge Marie en reprenant le « Je vous salue Marie ». La prière du rosaire évoque les couronnes de roses. Le père Jean-Marie Vianney comparait la prière mariale au parfum qui embaume tout ce qu’il touche. La prière parfume du saint parfum du Christ ceux qui se tournent vers la mère de Jésus.

Deux images bien parlantes illustrent sa prédication sur la Vierge Marie. Marie, invoquée dans les litanies comme la porte du Ciel, est présentée comme « la portière du Ciel », le Christ Jésus étant la porte qui nous introduit dans la demeure du Père.

La mère de Jésus est vue aussi comme « celle qui tient l’échelle pour monter au Paradis ». Seul Jésus conduit au Père : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Le Fils de Dieu est descendu du Ciel pour que nous montions par lui à la gloire du Père. L’échelle, c’est lui ! Et à l’heure de la mort, Marie intercède pour les pécheurs et les accueille à la Porte du Ciel.

Le saint curé d’Ars montre ainsi son sens théologique juste et innovant.

« Chef-d’œuvre de Dieu », « la plus belle des créatures », Marie intercédait sur les besoins de la paroisse d’Ars comme aux noces de Cana. Le saint curé consacra sa paroisse à Marie, conçue sans péché, Immaculée Conception, si aimée des Lyonnais, le 1er mai 1836.

Confions à l’intercession les besoins de l’Église et de l’humanité : « Ils n’ont pas de santé ! » ; « ils n’ont pas de liberté religieuse ! » ; « ils n’ont pas de travail ! » ; « ils n’ont pas d’amour ! ».

Rendons grâce à Dieu pour les merveilles qu’Il accomplit à travers le ministère des prêtres.

 

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Troisième mystère lumineux : Jésus dans la synagogue de Nazareth

De l’Évangile selon saint Luc : « Jésus vint à Nazareth où il avait été élevé, entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. »

Jésus replia le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture. »

Aumônier de la prison de Domenjod (Saint-Denis/La Réunion), j’ai évoqué un jour en prédication l’acédie qui peut tenailler et anéantir le moral des personnes détenues. Un jeune m’a demandé des éclaircissements à la fin de la messe : « Si j’ai bien compris « acédie » est le contraire d’ « assidu ». Oui, admirable comparaison que j’ai admiré dans l’analyse spirituelle de ce jeune condamné qui n’avait pas fait d’études en théologie.

Pour avancer dans le service du Seigneur il faut durer, rester assidus à la prière et aux rassemblements communautaires dont la messe.

Le saint curé d’Ars constatait que « plus on prie, plus on veut prier ». Comme à table, l’appétit vient en mangeant. C’est en priant que le goût de la prière revient après des temps de sécheresse.

Le témoignage évangélique et la catéchèse nourrissent la contemplation et la foi. Le saint pape Jean-Paul II enseignait que « la foi grandit quand on la partage ». Les baptisés et les prêtres se nourrissent de la connaissance de Dieu en annonçant la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

Il arrive que des personnes me disent avec compassion : « Les gens ne croient plus. Votre mission de prêtre doit être difficile. » Je réponds que les financiers aimeraient avoir le même retour sur l’investissement que je découvre dans l’annonce de l’Évangile. C’est en transmettant et en expliquant le mystère de Dieu, révélé dans la Bible, que les laïcs et les prêtres font leurs les paroles de Jésus dans la synagogue de Nazareth : « Aujourd’hui s’accomplit cette parole. » L’apostolat ne va pas sans fatigue, mais il apporte aussi la joie de contempler les merveilles de Dieu qui fait briller le visage de la lumière du Christ. La contemplation ne se trouve pas uniquement dans la solitude. Les chrétiens voient Dieu en toute chose et ils contemplent toute chose dans la lumière de Dieu.

Le ministère des prêtres ne représentent pas une déperdition de l’énergie divine reçue dans la prière et l’étude des saintes Écritures. Tout au contraire, c’est en transmettant la Parole de Dieu que le prêtre assiste aux merveilles accomplies dans les sacrements où Jésus vivant rencontre et sauve les hommes.

Prions pour les prêtres généreux et créatifs, prions aussi pour les prêtres fatigués, déçus et malades.

Prions pour le renouveau de l’évangélisation. Que les prêtres soient remplis du courage et de la force de l’Esprit Saint !

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Quatrième mystère lumineux : La transfiguration de Jésus

De l’Évangile selon saint Luc : « Or il advint, environ huit jours après ces paroles, que, prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, il gravit la montagne pour prier. Et il advint, comme il priait, que l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement d’une blancheur fulgurante. »

Saint Luc est le seul évangéliste à préciser que Jésus s’est manifesté transfiguré, lumineux, tandis qu’il priait. La prière transfigure, illumine.

Pour le curé d’Ars, « la prière n’est pas autre chose qu’une union avec Dieu » ; « la prière est une douce amitié, une familiarité étonnante … C’est un doux entretien d’un enfant avec son Père. »

Le curé d’Ars priait de manière personnalisée pour ses paroissiens. Il avait fait marquer sur un ruban les noms de tous ses paroissiens. Et il avait suspendu ce ruban à la statue de la Vierge Marie, sur son cœur.

Il parlait de Dieu aux hommes, mais surtout, et avant tout, il parlait à Dieu de tous ceux qu’il rencontrait.

Louons le Seigneur pour les prêtres, les catéchistes et les parents qui initient à la prière.

Louons le Seigneur pour les enfants qui ont le bonheur de découvrir la prière dans la Bible et surtout la prière de Jésus dans l’Évangile.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Cinquième mystère lumineux : La Cène

De l’Évangile selon saint Matthieu : « Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »

« Il n’y a rien de si grand que l’Eucharistie », s’exclamait le curé d’Ars. Le Corps du Christ n’est pas une récompense pour les purs. C’est pourquoi le père Jean-Marie Vianney prêchait : « Ne dites pas que vous n’en êtes pas digne. C’est vrai : vous n’en êtes pas digne, mais vous en avez besoin. »

Les prêtres continuent l’œuvre de la Rédemption : c’est le Christ qui parle et qui baptise par eux, c’est le Christ qui consacre le pain et le vin à travers leurs paroles …

« Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ ne serviraient de rien »[3], déclarait le saint curé d’Ars.

Au mois de juin dernier, lors de la messe de fin d’année à l’école du Sacré-Cœur, deux enfants sont venus à ma rencontre dans la cour pour me saluer. Une petite fille de 7 ans me dit : « Tu viens à la place de Jésus. » Belle théologie du sacerdoce où le prêtre agit « in personna Christi capitis », c’est-à-dire « dans la personne du Christ, Tête de l’Église ». Le prêtre représente le Christ, il le « rend-présent ». Lieutenant du Christ, le prêtre « tient-lieu » du Christ. C’est le Christ qui consacre comme l’explicite la prière eucharistique : « C’est pourquoi nous te supplions de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons. Sanctifie-les par ton Esprit … ».

En 1990, le cardinal Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, avait enseigné lors du Symposium de Philadelphie sur la mission et la formation des prêtres : « La charge effrayante de l’Eucharistie réside en ce que le prêtre a le droit de parler avec le « Je » du Christ. Devenir prêtre et être prêtre implique un constant mouvement vers une telle identification. »

Prions le Père d’envoyer des vocations presbytérales à son Église.

Prions pour les séminaristes et pour les formateurs dans les séminaires.

Confions au Saint-Esprit les prêtres qui se sentent seuls ou isolés afin qu’ils retrouvent auprès de leur évêque et des fidèles soutien et réconfort.

Prions pour l’amitié entre les prêtres, source de joie et de dynamisme missionnaire.

 

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

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Prière attribuée au curé d’Ars

Acte d’amour

« Je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie.

Je vous aime, ô Dieu infiniment aimable, et j’aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer.

Je vous aime, ô mon Dieu, et je ne désire le ciel que pour avoir le bonheur de vous aimer parfaitement.

Je vous aime, ô mon Dieu, et je n’appréhende l’enfer que parce qu’on n’y aura jamais la douce consolation de vous aimer.

Ô mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tout moment que je vous aime, du moins je veux que mon cœur vous le répète autant de fois que je respire.

Ah ! Faites-moi la grâce de souffrir en vous aimant, et de vous aimer en souffrant, et d’expirer un jour en vous aimant et en sentant que je vous aime.

Et plus j’approche de ma fin, plus je vous conjure d’accroître mon amour et de le perfectionner. Ainsi soit-il. »

Bénédiction : Que le Seigneur nous bénisse et nous garde, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

 

Saint-Denis (La Réunion), le 30 juillet 2020.

 Fr Manuel RIVERO (O.P.)




« Le dialogue interreligieux, pour quoi faire ? » (Fr Manuel Rivero OP)

Jeudi dernier, le 14 mai, le pape François en relation avec d’autres représentants des différentes religions a exhorté les catholiques et les hommes de bonne volonté à prier pour la délivrance de la pandémie du covid-19[1].

Pourquoi favoriser le dialogue interreligieux ? Sur quoi repose-t-il ?

Le cardinal Jean-Louis Tauran (+2018), ancien président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, faisait remarquer que ce dialogue commence par l’affirmation de sa propre foi.

Il ne s’agit pas de mettre sa foi dans sa poche. Les chrétiens qui s’engagent dans le dialogue interreligieux n’ont pas à mettre Jésus ressuscité de côté. C’est à cause de Jésus-Christ et en son nom, que les baptisés vivent « la sortie de soi » pour aller à la rencontre des frères et des sœurs d’autres religions.

Quel est le fondement théologique de ce dialogue ? L’amour de Dieu pour l’humanité : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). Par ailleurs, le Concile Vatican II enseigne que « par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Gaudium et spes, n°22).

Avant de dire de quelqu’un qu’il est musulman ou bouddhiste ou athée, il convient de le regarder à la lumière de l’Évangile comme un homme aimé de Dieu et uni au Fils de Dieu par le mystère de l’incarnation : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). 

Le mot « dialogue », d’origine grecque, comprend le mot « logos » qui veut dire « verbe », «parole », « raison ». La préposition « dia » signifie « à travers ». Dialoguer suppose se laisser traverser par le Logos, la Parole de Dieu et par la parole des autres.

Notre Dieu n’est pas solitaire mais trinitaire. Notre Dieu unique dialogue au cœur de la Trinité : le Fils écoute le Père dans l’amour de l’Esprit.

Dieu aime le dialogue. La Bible révèle le dialogue de Dieu avec son peuple. Dans la célébration de la messe, nous vivons le dialogue de Jésus-Christ avec son Église. Le Christ nous parle et nous nous lui parlons en grandissant dans la connaissance et l’amour.

Le saint pape Paul VI, dans son encyclique « Ecclesiam suam » de 1964, écrivait : « L’Église se fait conversation » (n°67). Le dialogue fait partie de la mission de l’Église.

Le dialogue interreligieux se pratique de différentes manières : dialogue de la vie, dialogue de la collaboration et de l’expérience spirituelle, dialogue théologique.

Le dialogue de la vie concerne le quotidien. Nous côtoyons des musulmans et des hindous dans nos quartiers, sur nos lieux de travail et de loisirs, dans les commerces en faisant les courses … Il importe de se saluer et de se souhaiter une bonne fête lors des événements religieux. Il arrive que l’on partage des gâteaux pour associer les autres à la joie de croire. Les chrétiens pourraient partager quelques œufs de Pâques en chocolat si aimés par les enfants. L’œuf fermé qui contient le poussin symbolise le tombeau du Christ, scellé mais contenant la Vie.

Nous nous connaissons peu. Les catholiques connaissent peu les autres religions. Les musulmans et les hindous n’ont souvent du christianisme qu’une vision superficielle. Nous gagnerons à nous mieux nous connaître et cela enlèvera la peur. 

Le dialogue de collaboration renvoie aux engagements humanitaires tandis que le dialogue spirituel correspond au partage de l’expérience de Dieu dans la prière.

En ce qui concerne le dialogue théologique, il est préférable de le confier aux experts. Le chrétien affirme et affermit sa foi dans le dialogue. Il respecte la différence des croyances. La foi chrétienne repose sur la liberté de conscience et de religion, qui n’est pas toujours partagée malheureusement par d’autres religions. Les disciples de Jésus vivent dans une société pluraliste qu’ils servent avec le meilleur d’eux-mêmes.

Notre frère dominicain, Mgr Pierre Claverie (+1996), évêque et martyr en Algérie, désirait que les hommes passent de la tolérance au dialogue. En regardant la société avec des menaces de violence et de divisions, Mgr Pierre Claverie tenait à se placer « sur les lignes de fracture » afin d’y travailler pour la paix et la réconciliation. À la suite de Jésus persécuté (cf. Jn 15,20) et de saint Paul qui a subi la prison, les coups de fouet et la lapidation, l’évêque d’Oran a versé son sang au service du dialogue avec les musulmans.

Dans la première lecture, tirée des Actes des apôtres, saint Luc nous a présenté la vision du Macédonien, événement extraordinaire qui m’a toujours émerveillé : « À Troas, pendant la nuit, Paul eut une vision : un Macédonien lui apparut,9) debout, qui lui faisait cette demande : ‘Passe en Macédoine et viens à notre secours’ » (Ac 16, 9).

Il y a l’appel intérieur à sortir pour la mission. Dès le lendemain de cette vision, Paul et ses compagnons se sont mis en route vers la Macédoine, dans l’actuelle Europe, en quittant Troas dans la Turquie contemporaine.

Dans la tradition ignacienne, il est question du « sentir intérieur ». Dieu se manifeste se faisant « sentir » dans l’âme où il fait resplendir sa volonté. Cette volonté divine pour le salut de l’humanité finit par s’imposer dès l’intérieur à l’apôtre qui entreprend alors un nouveau chemin d’évangélisation.

Il me semble que cela s’applique aussi au dialogue interreligieux et aux appels que Dieu fait pour rapprocher les hommes.

Le cardinal Tauran affirmait : « Le religions font partie de la solution, pas du problème[2] ». Nombreux sont les exemples qui le montrent.

En 1986, le saint pape Jean-Paul II qui a foulé le sol de notre île, avait organisé à Assise (Italie) une rencontre interreligieuse avec une douzaine de représentants de plusieurs religions, sous le patronage de saint François, « le pauvre » qui voulut être le frère de tous.

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a aussi choisi ce mot « frère » pour désigner les relations entre les hommes.

Les religions contribuent à la paix.

À Marseille, en 1990, lors de la guerre du Golfe, le maire de la cité phocéenne réunit les représentants des religions présentes dans cette cité méditerranéenne afin de calmer les esprits. Dans la peur des conflits, des Marseillais achetaient des armes et se préparaient à des affrontements. C’est alors que dans le salon de la mairie, face aux journalistes et aux preneurs d’images, le prêtre orthodoxe Cyrille Argenti (+1994), proposa aux responsables religieux de se prendre par la main. Cette image de solidarité et d’espérance arrêta d’un coup les velléités de violence.

À La Réunion, le Groupe de dialogue interreligieux GDIR, travaille activement pour la paix. Par ailleurs, en tant qu’aumônier de la prison de Domenjod, je me réjouis des prières communes organisées à peu près une fois par an avec nos frères musulmans. Chrétiens et musulmans prient chacun selon sa foi et au terme de la rencontre, nous partageons un jus de fruit, geste d’amitié. Le fait de se serrer la main et de prier ensemble témoigne de notre fraternité. Les autres détenus comprennent que ce ne sont pas les religions qui déclencheront la violence.

Retenons encore une fois le message du cardinal Tauran : « Les religions font partie de la solution, pas du problème ».

                                                                                                    Fr Manuel Rivero – OP

[1]« Le Haut Comité pour la fraternité humaine » a invité tous les croyants à une prière contre le Covid-19 le 14 mai 2020. Le Haut-Comité pour la fraternité humaine est né de la signature le 4 février 2019 à Abou Dhabi du « Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune » par le Pape François et le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyib lors du voyage du Saint-Père aux Émirats arabes unis.

 

 

[2]Cardinal Jean-Louis Tauran, Je crois en l’homme, « Les religions font partie de la solution, pas du problème ». Paris. Bayard. 2016.

 




Diplôme universitaire « République et Religions » (P. Isaïe)

Avec la permission et le soutien de notre évêque, Mgr Aubry, je me permets de vous signaler et de vous conseiller (pour tous ceux qui le peuvent), la formation du ‘DU’ (diplôme universitaire) :  ‘République et religions’, dispensée depuis quatre ans maintenant, sur notre île. Je viens de terminer cette année (fin février), tout juste avant le confinement. Cette formation est née après les attentats du ‘Bataclan’ dans seize universités, dont 2 de France ultramarine (Mayotte et La Réunion), de façon à éclairer les rapports entre les religions et les lois de la République, en bref toute la question de la laïcité.

Durée et matière

La formation dure une année scolaire, en fait une dizaine de mois, à la Technopole de St Denis, en omettant les vacances scolaires, car l’université se calque sur le calendrier scolaire ; les cours durent 6 heures, le jeudi (entre 9. 00 et 16. 30 avec une large pause à midi et deux petites pauses au milieu).

Les trois trimestres se déclinent à travers trois pôles d’intérêt :

                  – Le 1°commence par une connaissance des principales traditions religieuses de l’île.

                – Le 2°est la connaissance des lois régulant les associations et religions, la laïcité et des cas qui se présentent ; C’est un trimestre plus juridique.

                – Le 3°concerne le dialogue interreligieux et la culture de paix.

Vous trouverez plus de détails sur la pièce jointe que je vous envoie à la fin de mon texte.

Les intervenants 

Ce sont des ministres des différents cultes, pour une part (dont notre évêque, le vicaire général Pascal Chane-Teng, le Pasteur de l’EPR, des imams ou des présidents d’associations cultuels), mais aussi des professeurs, des anthropologues etc…

Le second volet est celui des juristes, dont une bonne partie sont des professeurs de la faculté de droit de l’université de la Réunion.

Enfin des présidents d’associations comme celle du Groupe de dialogue interreligieux, pour le dernier pôle.

J’avais des ‘légères appréhensions’, au niveau des juristes regardant ce thème de la laïcité, je dois dire que j’ai été étonné et surpris, par la grande ouverture d’esprit de nos enseignants/es.

La finalité et les débouchés

La finalité peut être diverse, selon les attentes de chacun. Ce peut être plus personnel, ce qui n’est jamais mal de ‘dégourdir l’esprit’, de s’enrichir ou d’approfondir des connaissances, de ‘se frotter’et de s’ouvrir à d’autres, différents… Cela peut faire partie de la formation continue. Il y a des gens que l’on n’approcherait pas d’aussi près (même à La RUN) que dans ce genre de formation. En tant que membre du groupe de dialogue interreligieux, je tenais à faire cette formation dès le commencement de celle-ci (mais rendue impossible la première année, à cause du jour, le samedi).  D’autres dans le groupe la faisaient, de manière obligée, parce que aumônier de prison ou se destinant à l’être ou encore aumônier d’hôpital ou … Le diplôme est aujourd’hui rendu obligatoire, pour postuler à ces postes. C’est donc un ‘plus’, au niveau de l’Etat.

De l’utilité de ce ‘DU’ et de de notre ‘témoignage’ 

Cette année a été pour tous (nous étions 12 au départ et 10 à l’arrivée ; 7 Musulmans (dont 5 imams), une de culture Hindoue, deux Evangéliques et deux Catholiques) une source de grand enrichissement intellectuel, humain, culturel, et spirituel. La ‘captatio benevolentiae’ (‘attraction de bienveillance’) vantée par Blaise Pascal a fait son chemin, et au terme est née, une véritable amitié entre nous, dans une grande simplicité et liberté. Il se fait que depuis les 2 premières ‘fournées’, je crois qu’aucun catholique (ni prêtre ou diacre) ne l’ait suivi. Sans doute est-ce dû à un manque d’information ? Toutefois, je crois que chacun a sa place (D’abord, ce n’est pas un ‘zaffair d’intellos’), car il y avait cette année parmi nous, une simple coiffeuse, avec une belle foi, qui a réussi son DU. D’autre part, j’ai demandé à notre évêque de faire passer le message, car s’il n’y a aucun Catholique, ni ministre ordonné (je suis le premier prêtre à le suivre), c’est un manque. On aura des quantités d’imams formés, des Protestants et des Catholiques absents ! Jusqu’à là, personne, personne…Peut-être que fréquenter ce cours est-ce ‘aller aux périphéries’ ?

Enfin le coût 

Une formation bien sûr a un coût, surtout à l’université. Normalement le coût de cette année de formation (de plus de 170 heures) devrait approcher les 2000 euros. Toutefois, elle revient à 600 euros, à cause des aides faites à l’université, par le gouvernement, pour développer cette formation particulière et nécessaire.

   Excusez-moi d’avoir été trop long. J’ai tout dit. Cela a été une année super, riche à tout point de vue. J’espère que les Catholiques, dont des ministres ordonnés, pourront être parmi les prochains étudiants.

Bien fraternellement ‘in Christo’.

P .Isaïe

Pour tout renseignement complémentaire sur cette formation, cliquer sur le titre suivant:

Fiche Formation DU République et religions (2017-2018)