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« Pas de vocations, à qui la faute ?  » (Fr Manuel Rivero O.P.)

Les vocations à la prêtrise et à la vie religieuse se raréfient. C’est avec tristesse que nous apprenons la fermeture de certains séminaires et de quelques couvents de religieuses qui ont marqué des générations de chrétiens.

À qui la faute ?

Nous pouvons nous demander : Dieu n’appelle-t-il pas aujourd’hui ?

Serait-ce que les hommes et les femmes sont trop pécheurs pour être appelés ?

Mais Dieu a appelé Moïse qui avait tué un Egyptien qui frappait l’un de ses frères juifs. Jésus a appelé Judas qui l’a vendu et Pierre qui l’a renié. Il a appelé Matthieu, voleur public, et Marie Madeleine, la femme habitée par sept démons.

Visiblement, ce ne sont pas les fautes des hommes qui arrêtent l’appel de Dieu.

Serait-ce que les hommes appelés étouffent leur vocation parce qu’ils préfèrent les ténèbres à la lumière à cause de leurs œuvres mauvaises ? C’est possible. Cela relève du mystère des consciences humaines que seul Dieu connaît.

Serait-ce que les mauvais exemples dans l’Église démotivent de manière viscérale ceux qui sont appelés à aimer Jésus, son Église et l’humanité ? Peut-être. Les scandales peuvent refroidir les cœurs mais parfois ils deviennent des défis à relever.

Nous voyons tous les jours de mauvais exemples et des scandales dans les familles et dans la vie des couples : mensonges, infidélités, manipulations, humiliations, violences physiques et psychologiques … Pourtant ni les hommes ni les femmes ne renoncent à aimer ni à croire que l’amour est possible et passionnant.

Où est alors le problème ?

Il me semble que la lumière à cette réponse se trouve dans les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité.

Il nous manque la foi. Ah, si nous avions la foi comme une graine de moutarde ! Nous ferions des merveilles.

Le nombre de pratiquants diminue parce que la foi s’éteint comme la flamme d’une bougie sans cire, faute de nourriture : la connaissance de la Parole de Dieu et la prière. La foi vient de la prédication, nous dit saint Paul. Pour renouveler l’Église, Dieu a appelé saint François et saint Dominique, prêcheurs de l’Évangile du Crucifié. Le peintre Giotto a représenté le rêve du pape Innocent III : l’Église s’écroulait et un petit frère, humble et pauvre, la soutenait. C’était François d’Assise. Innocent III devint alors le protecteur des Franciscains et des Dominicains.

Il nous manque l’amour. Le sage chinois Confucius au Vème siècle avant Jésus-Christ avait déjà remarqué que les hommes bons ne se retrouvent pas seuls. Leur bonté attire.

Ce sont les communautés chrétiennes, ferventes et fraternelles, qui attirent les vocations à la prêtrise et la vie religieuse.

Demandons au Seigneur d’augmenter notre foi et notre charité.

Ceux qui chérissent les chiffres et les statistiques découvrent que les vocations naissent souvent dans les familles chrétiennes qui prient et qui témoignent de la solidarité envers les pauvres.

Un grand nombre de séminaristes ont été servants de messe. Le service de l’autel et l’adoration du Saint-Sacrement rapprochent de Dieu.

Par ailleurs, le nombre de vocations à la prêtrise et à la vie religieuse a légèrement augmenté par rapport au nombre de pratiquants. Hier, il y avait plus de vocations parce que beaucoup plus de pratiquants. Aujourd’hui, les enfants et les jeunes sont rares dans nos églises le dimanche et par conséquent ils sont moins nombreux à devenir prêtres ou religieux.

Que faire concrètement ?

Le Seigneur Jésus nous a demandé de prier : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson » (Mt 9,38) . Alors, prions !

Si nous voulons que les enfants et les jeunes vivent la foi et la louange, nous devons aller les chercher là où ils sont ; ils ne viendront pas d’eux-mêmes, sauf exception dans nos églises. D’où l’importance d’accompagner les enfants et les jeunes dans nos paroisses, dans l’Enseignement catholique et public et dans les universités.

Si nous voulons que les familles soient des matrices aussi pour les vocations. Nous avons à soutenir le mariage et l’éducation des enfants alors que le concubinage devient la norme, le mariage rare, et que les enfants subissent trop souvent le traumatisme des conflits parentaux.

Si nous voulons des vocations, n’hésitons pas à appeler les jeunes et à leur proposer la voie de la sainteté.

L’Église est là pour aider chacun dans l’aventure la plus passionnante qui existe sur la terre : chercher Dieu, le trouver, le prier et le servir, pour partager son amour dans l’éternité, comme le dit le catéchisme.

Antoine de Saint-Exupéry (+1944) disait déjà en son temps que les églises se vidaient parce que les chrétiens ne savaient pas exalter le mystère chrétien. Mettons en valeur la foi en Jésus par nos pensées, nos sentiments, nos paroles et nos actes.

Que celui qui sent l’appel de Dieu dans son cœur ne l’étouffe pas. S’il pense qu’il en est indigne, il a bien raison, mais Jésus est digne de l’appeler. Qu’il se laisser guider par Jésus le Bon Berger ! Qu’il n’hésite pas à passer par Jésus, la Porte qui conduit à l’amour du Père.

Que celui qui estime honorer et rendre un grand service à l’Eglise en entrant au séminaire ou dans une congrégation, reste chez lui. L’Église n’a pas besoin d’hypocrites mais de pécheurs pardonnés, témoins de la miséricorde de Dieu et au service du Christ Jésus.

Le père Pedro Arrupe S.J. (+1991), ancien général de la Compagnie de Jésus, donnait déjà ce discernement dans une interview du journal L’Avvenire sur les conseils à donner à un jeune qui voudrait devenir jésuite : « Ne viens pas si tu penses aider la Compagnie »[1].

Chez saint François d’Assise, l’amour pour le Christ s’exprima de manière particulière dans l’adoration du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie. Dans les Sources franciscaines, on lit des expressions émouvantes, comme celle-ci: « Toute l’humanité a peur, l’univers tout entier a peur et le ciel exulte, lorsque sur l’autel, dans la main du prêtre, il y a le Christ, le Fils du Dieu vivant. O grâce merveilleuse! O fait humblement sublime, que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie ainsi au point de se cacher pour notre salut, sous une modeste forme de pain » (François d’Assise, Ecrits, Editrice Francescane, Padoue 2002, 401).

Vivons maintenant, grâce à la vocation des prêtres, ce grand mystère de l’eucharistie : Dieu en nous, nous en Dieu, pour ne que faire qu’un en Jésus ressuscité !

[1]Cf. Orar con el padre Arrupe, Selección y adaptación de los textos : José A. Garcia, S.J. Bilbao. Ediciones Mensajero. 2013, p. 133 : « Si piensas hacerte jesuita … No vengas si piensas hacer un favor a la Compañía ».

                                                                                               Fr Manuel Rivero (O.P.)




« Voici l’homme ! » De l’homme « crustacé » à l’homme qui protège et fait grandir la vie (Fr Manuel Rivero O.P.)

« Voici l’homme !» (Jn 19,5), s’était exclamé Pilate le Vendredi saint. Il ne pensait pas si bien dire. Couronné d’épines, son corps déchiré par les coups de fouet des soldats romains, Jésus manifeste la puissance fidèle de Dieu dans l’amour et la vérité.

« Voici l’homme ! » Cette déclaration prophétique de Pilate interpelle l’homme contemporain. Qu’est-ce qu’un homme ? Où se trouve la grandeur de l’homme ? Tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples ont célébré les héros qui ont versé leur sang pour Dieu, pour la patrie, pour défendre la justice et les faibles … L’Église célèbre avec éclat ses martyrs. Le plus grand des martyrs est Jésus, le témoin fidèle de Dieu.

Pilate a eu raison de dire à la foule « Voici l’homme ! » En effet, Jésus est l’homme parfait qui a donné sa vie pour sauver l’humanité.

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [1]».  La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.

La femme a connu des évolutions et des révolutions qui ont modifié considérablement son statut social et sa mentalité. Elle ne votait pas, maintenant elle assume les plus hautes responsabilités dans l’État. Elle restait souvent à la maison accomplissant un véritable labeur de gestion et d’éducation des enfants, maintenant elle assume et le travail professionnel et la prise en charge de la maison et des enfants. Elle dépendait de l’homme dans sa vie sexuelle et pour la maternité, maintenant elle décide d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants et de gérer sa sexualité sans lien direct avec la maternité. Il arrive que l’homme demande dans le couple à avoir un enfant et la femme refuse. La femme peut aussi vivre la maternité sans mener une existence conjugale par les techniques artificielles de fécondation. Il arrive que des femmes déclarent ouvertement : « Nous allons prendre le pouvoir. »

En revanche, l’homme continue son travail, sa vie sexuelle et sa participation à la politique comme les siècles précédents.

Il ne se passe pas un jour sans que les moyens de communication sociale racontent des faits de violence conjugale qui peuvent aller jusqu’au meurtre.

Comment dépasser les rapports de domination qui ne conduisent qu’au malheur ? Comment harmoniser les relations homme et femme et sur quelles valeurs ? En quoi consiste le pouvoir et la force ? Quel est le but de l’existence ?

Ces questions ne sont pas inutiles. Elles s’avèrent même indispensables.

Quel est l’image de l’homme aujourd’hui ? Quelle est son identité ?

La publicité et les films nous montrent un idéal masculin qui repose sur l’avoir : des richesses, le pouvoir, la musculation, des tatouages, des vêtements et des voitures de luxe … Tout cela constitue des moyens. Les médias exaltent aussi l’image de l’homme séducteur, fêtard, avec la mentalité d’un adolescent qui ne s’engage pas et qui critique tout sans construire grand-chose. Parmi ces exemples, il y a James Bond. Image affligeante d’un irresponsable stérile.

Où se trouve donc le sens de la vie de l’homme ?

« Voici l’homme ! » Jésus représente la perfection de la masculinité, pleinement homme et pleinement Dieu. Jésus est l’homme qui est allé le plus loin dans l’amour des autres parce qu’il est allé le plus loin dans sa relation à Dieu le Père. Comme la croix comporte une dimension verticale vers le Ciel et une dimension horizontale, ainsi l’homme trouve son équilibre et sa perfection dans la relation verticale avec Dieu et dans la relation horizontale avec ses frères et ses sœurs en humanité.

Le saint pape Jean Paul II nous a donné une belle formule pour le mystère de Jésus qui éclaire le mystère de tout homme : « Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme. » (Ecclesia in America, n° 67). L’homme a une vocation à partager la vie de Dieu et à protéger la vie du prochain.

Le philosophe italien Jules Evola a parlé de l’homme « crustacé » pour évoquer la dureté extérieure et la mollesse intérieure qui peuvent menacer l’homme. D’ailleurs, plus l’homme sent sa faiblesse et plus il fait montre de force et l’inverse. Comme dit le proverbe : « Dis-moi de quoi tu te vantes et je te dirai ce qui te manque ! ».

Il convient de parler de la virilité spirituelle, de cette force d’âme au service de la vie sans peur ni mollesse. D’ailleurs la virilité spirituelle est vécue par des femmes qui aiment de manière désintéressée en faisant face à de nombreuses épreuves et souffrances pour protéger la vie.

L’homme aime les défis que ce soit dans le sport, dans la politique, dans l’économie ou dans l’amour. Aujourd’hui, l’homme à un défi à relever pour harmoniser les relations familiales dans la force de l’amour et de la vérité.

L’historien anglais Arnold Joseph Toynbee (1975), après avoir étudié l’histoire des civilisations, est arrivé à la conclusion que les civilisations naissent en réponse à un défi. Des « minorités créatrices » apportent alors une vision et elles conçoivent des plans d’action pour l’ensemble de la société. Les civilisations déclinent quand le défi disparaît. D’où sa phrase lapidaire : « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. »

L’Église catholique a aussi un défi à relever dans la pastorale des hommes. Ils sont rares dans les églises par rapport au nombre de femmes. Pourquoi ? Pour quel motif les hommes ne sont-ils pas attirés par la prière communautaire et la catéchèse ? Faut-il renouveler la pastorale et la spiritualité masculine ?

Dans son Exhortation apostolique catholique aux hommes, mes fils spirituels du diocèse de Phoenix , datée du 29 septembre 2015, Monseigneur Thomas J. Olmsted, évêque de Phoenix (États-Unis), analyse l’évolution de l’identité masculine et il propose des pistes pour un renouveau de l’évangélisation de l’homme et de sa mission dans l’Église.

Chaque diocèse gagnerait à contextualiser la réflexion sur le plan local.

Les jeunes garçons ont besoin de « tuteurs » pour grandir dans la droiture aussi bien dans les quartiers que dans les paroisses.

Certaines activités peuvent être vécus entre hommes. Nous avons des exemples dans le pèlerinage des pères de famille, ou dans le cycle de formation biblique à l’île Maurice « Jésus, vrai homme ».

Il faudrait aussi travailler l’image de l’homme dans le cœur des femmes et des enfants. Je me souviens de cet enfant qui disait en catéchèse, probablement en reprenant des propos de sa mère : « Les hommes, on n’en a pas besoin ! » Déclaration qui renvoyait à des souffrances : alcoolisme, irresponsabilité, violences, infidélité …

Des études statiques récentes en Martinique signalaient que 60% d’enfants grandissaient sans père. L’absence du père a des conséquences négatives profondes sur l’enfant. La mère doit accomplir les rôles du père et de la mère.

En prison, des personnes détenues avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».

« Voici l’homme Jésus ! » Il est le modèle de masculinité réussie !

                                                                                                Fr Manuel Rivero (O.P.)

[1]Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.




« Les femmes, apôtres des apôtres » – Fr Manuel Rivero (O.P.)

Les évangiles accordent la première place aux femmes dans les récits des apparitions pascales. Elles sont les premières à se rendre au tombeau de Jésus alors que soleil commence à peine à poindre (cf. Mt 28,1s ; Jn 20,1). Dans ce passage de la nuit à l’aurore, les femmes disciples de Jésus vont recevoir la lumière du Christ ressuscité et leur cœur sera rempli de joie : « Réjouissez-vous » (Mt 28,9).

Jésus apparaît en premier à Marie Madeleine (cf. Mc 16,9 ; Jn 20,15s). La femme blessée, torturée par les démons. Le chiffre de sept démons, expulsés par Jésus, manifeste la plénitude du mal à l’œuvre dans le corps et dans l’âme de Marie Madeleine. Elle est choisie, par Jésus ressuscité, pour porter la bonne nouvelle de sa victoire sur la mort aux apôtres sceptiques, lents à croire. Là où le péché avait abondé, la grâce pascale va surabonder. Marie Madeleine devient alors la femme nouvelle, la Nouvelle Ève, qui rayonne la vie de Dieu. C’est à juste titre qu’elle est aussi appelée « apôtre des apôtres ».

L’homme contemporain, souvent agnostique, aurait tort d’imaginer que les contemporains de Jésus croyaient sans peine aux discours religieux. Les évangélistes, comme saint Marc, ne cachent pas le refus de croire des apôtres aux témoignages des femmes, qui rentrent après avoir vu le tombeau vide et rencontré vivant Jésus le crucifié.

Les évangiles mettent en lumière la foi et la fidélité des femmes à l’égard de Jésus. Alors que Judas a vendu son maître et que Pierre l’a renié devant une servante du grand-prêtre, Marie Madeleine et les autres femmes disciples de Jésus l’ont suivi jusqu’au Calvaire. Bouleversées, ne pouvant pas dormir, elles se sont levées dans la nuit pour honorer le sépulcre de celui qui les a libérées du mal et introduites dans l’amour de Dieu, Jésus.

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La Vierge Marie, la Mère de Jésus, ne figure pas dans les récits des apparitions pascales. Cela ne veut pas dire que son Fils ne lui soit pas apparue. Saint Vincent Ferrier O.P. (1419), saint Ignace de Loyola (1556), le père Marie-Joseph Lagrange O.P. (1938) et le saint pape Jean-Paul II (2005), ont pensé dans la lumière de la foi et de la prière que Jésus était apparu à sa Mère mais que cette apparition relevait du secret de Dieu. Le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, a écrit dans son « Évangile de Jésus-Christ » que Jésus était apparu en premier à sa mère.

Le théologien H.U. von Balthasar (1988) avait déclaré : « Marie est ‘la Reine des apôtres’, sans revendiquer pour elle les pouvoirs apostoliques. Elle a autre chose et beaucoup plus. » (Lette apostolique Mulieris dignitatem en 1988 de Jean-Paul II, note 55).

La femme, sanctuaire de la vie, a bénéficié la première des apparitions de Jésus. Par leur témoignage de foi, Marie Madeleine et les autres femmes, disciples de Jésus, ont fait resplendir la lumière du Christ dans le cœur de ceux qui ont accueilli avec foi leur message.

Dans la Bible, les femmes juives ne sont pas prêtresses mais prophètes. Inspiré par l’Esprit de Dieu, le prophète annonce la volonté de Dieu. La Vierge Marie est prophète. Marie Madeleine est aussi prophète.

Jésus ressuscité accorde la maternité spirituelle aux femmes qui deviennent apôtres, c’est-à-dire envoyées : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. », déclare Jésus à Marie Madeleine (Jn 20,17) qui prêchera les merveilles de Dieu aux apôtres.

N’oublions pas que dans les canons eucharistiques, une femme, la Vierge Marie, est toujours citée en premier, avant les apôtres, les martyrs et tous les saints. La Vierge Marie a reçu la grâce des commencements dans le mystère du Salut. Elle est la première chrétienne, la première Église, présente aux noces de Cana, sur le Calvaire et dans la « chambre haute » lors de la Pentecôte. La Vierge Marie est « Femme » et « Mère ».

La vie de l’enfant commence dans le sein de la femme, sa mère. Dieu a voulu aussi que la vie de la foi commence et s’épanouisse dans la prière et le témoignage des femmes.

Le Nouveau Testament signale la maternité spirituelle des femmes chrétiennes. Par exemple, saint Paul rappelle à son disciple bien-aimé, Timothée la foi de sa grand-mère, Loïs, et de sa mère Eunice (2 Tm 1,5).

Si nous pensons à La Réunion, nous pouvons nous réjouir de la foi des femmes, des mères et des grands-mères. Ce sont souvent elles qui transmettent l’Évangile et qui apprennent à prier aux enfants.

En ce moment où le monde souffre des confinements et de la pandémie, les bâtiments des églises sont fermés mais les « églises domestiques » vivent plus que jamais, c’est-à-dire les familles chrétiennes se rassemblent dans la prière et le partage de la Parole de Dieu.

En prison, les personnes détenues évoquent régulièrement le témoignage reçu dans la famille.

La femme chrétienne a reçu une vocation et une mission : la maternité spirituelle.

Qu’il est beau et fécond de recevoir un témoignage de foi et de prière de la part de sa mère ou de sa grand-mère. Personnellement, je me souviens d’une prière récitée par ma mère vers la fin de sa vie. Prière poétique qu’elle connaissait par cœur et qu’elle reprenait à demi-consciente dans l’épreuve de la maladie.

Saint Thomas d’Aquin (1274), le grand docteur de l’Église, rappelle la mission des parents dans sa dimension corporelle et spirituelle qu’il compare au ministère des prêtres : «Certains propagent et entretiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel, et cela revient au sacrement de l’ordre ; d’autres le font pour la vie à la fois corporelle et spirituelle, et cela se réalise par le sacrement de mariage, dans lequel l’homme et la femme s’unissent pour engendrer les enfants et leur enseigner le culte de Dieu » (S. Thomas d’Aquin, Summa contra Gentiles, IV, 58 ; cité par le saint pape Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortioen 1981).

Dieu a accordé à la femme une grâce particulière, « le génie féminin », selon l’expression de Jean-Paul II dans sa Lettre aux femmes(n°10), datée du 29 juin 1995. Cette grâce féminine se déploie de manière complémentaire et réciproque avec la grâce masculine : « Le féminin réalise l’« humain » tout autant que le fait le masculin, mais selon une harmonique différente et complémentaire » (Lettre aux femmes, n°7).

Saint Jean-Paul II enseignait que Dieu avait confié l’homme à la femme dans cette grâce féminine qui comprend la maternité spirituelle (cf. Mulieris dignitatem, n°30).

Les religieuses qui renoncent à la maternité physique pour le Royaume des cieux reçoivent en abondance cette grâce de la maternité spirituelle. Nous le constatons particulièrement dans l’éducation. Je pense aux filles, élèves des sœurs de Saint-Joseph de Cluny à Port-au-Prince, qui vénéraient les sœurs éducatrices.

Dans ses notes personnelles prises au cours de la retraite spirituelle annuelle en 1963, le saint pape Jean-Paul II écrit : «L’Église le Corps mystique de Jésus , c’est comme une « esse ad Patrem » (être vers le Père) sociale. Les sœurs, qui choisissent le Christ comme époux à travers les vœux, entrent de façon particulière dans ce « esse ad Patrem », non seulement personnellement, mais en marquant ainsi une certaine empreinte de ce « esse » (être) sur toute la vie sociale. D’où leur grande utilité pour l’Église et dans l’Église. Elles forment d’une certaine façon, sa colonne vertébrale. »[1]

À La Réunion, les religieuses forment cette « colonne vertébrale » de l’Église. Les sœurs de Saint-Joseph de Cluny et les Filles de Marie ont marqué des générations d’enfants et de jeunes les tournant « vers le Père de Jésus ».

Sœur Inès de Jesús (1993), moniale dominicaine du monastère de Caleruega (Espagne), berceau de saint Dominique, a évoqué dans son Journal spirituel inédit « la déchirure » de l’âme dans sa maternité spirituelle. Il y a la déchirure physique de l’accouchement et la déchirure spirituelle dans l’accouchement des âmes à la vie de Dieu.

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24), enseigne Jésus dans cette image qui annonce sa mort et sa résurrection.

Les femmes, qu’elles soient célibataires, mères de famille ou religieuses, ont reçu cet appel à transmettre la grâce pascale à travers leur prière, leur témoignage d’amour et leurs enseignements.

Rendons grâce à Dieu pour ces merveilles !

Fr. Manuel Rivero O.P.

 

 

 

 

[1]Karol Wojtyla-Jean-Paul II, Je suis dans les mains de Dieu. Carnets intimes 1962-2003. Paris. Bayard. 2014. P. 41.

 




25 avril 2020, Fête de St Marc : homélie de Fr Manuel Rivero (op)

Qui est l’auteur de la Bible ? La foi chrétienne précisée dans le catéchisme de l’Église catholique enseigne que l’auteur de la révélation biblique est le Saint Esprit. Pourtant nous reconnaissons chaque évangéliste comme auteur de son œuvre. Saint Marc en est un. Il est l’artisan du deuxième évangile, c’est-à-dire, le Saint Esprit l’a inspiré dans sa culture, dans sa langue, sans ses pensées et dans sa prière, dans son émotivité et dans son travail …

Pour la foi chrétienne, Dieu ne se révèle pas dans une dictée. Nous ne sommes pas non plus une religion du Livre mais la religion du Verbe vivant !

Guidé par le Saint Esprit, saint Marc a fait œuvre de théologien et de prédicateur. À partir des prédications des apôtres, des récits des enseignements et des miracles de Jésus transmis de manière orale, saint Marc a bâti un Évangile qui semble s’adresser aux païens, non Juifs hors de Palestine et notamment à Rome. Il traduit les noms araméens pour que les païens les comprennent.

Dans sa pédagogie, saint Marc a développé son enseignement sur Jésus-Christ, Fils de Dieu, autour de la question « Qui donc est cet homme ? ». Qui est cet homme qui commande aux vents et aux vagues de la mer, qui agit avec autorité sur les démons et qui guérit les malades ? Qui est ce prophète qui manifeste le mystère de Dieu avec autorité ? Qui est cet homme qui affronte la mort dans l’amour et qui ressuscite ?

Mosaïque du Christ (Basilique St Marc de Venise)

La tradition de l’Église dans l’enseignements des évêques et des docteurs a vu en saint Marc l’interprète de la prédication de saint Pierre à Rome. Marc ou Jean-Marc serait originaire de Jérusalem, compagnon de Paul, de Barnabé et de Pierre à Rome. Son Évangile qui insiste sur la nécessité de porter la croix à la suite de Jésus pourrait concerner les chrétiens persécutés par l’empereur romain Néron après l’année 64.

Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour notre vie spirituelle ? Tout d’abord, Dieu aime l’unité mais non l’uniformité. Nous avons quatre évangiles et non un seul. Saint Marc fait partie des évangiles synoptiques -Matthieu, Marc et Luc- qui comportent beaucoup de récits communs.

Dieu aime le pluralisme théologique et spirituel. Le poète espagnol Léon Felipe, mort exilé au Mexique en 1968, a partagé son expérience de Dieu dans ce poème : « Nadie fue ayer, ni va hoy, ni irá mañana hacia Dios por este mismo camino que yo voy. Para cada hombre guarda un rayo nuevo de luz el sol y un camino virgen Dios. », que je traduis de manière assez littérale : « Personne n’alla vers Dieu hier, ni va aujourd’hui ni ira demain sur ce même chemin où je vais. Chaque matin, pour chaque homme, un nouveau rayon de lumière lui est donné par le soleil et un chemin virginal par Dieu. »

Retenons que chacun va à Dieu par un chemin virginal. Un proverbe dit que « les comparaisons sont odieuses ». Cela s’avère juste aussi dans la vie spirituelle.

Un autre enseignement : Dieu se révèle petit à petit dans le temps et à travers les événements du quotidien. Saint Marc a probablement écrit trente ans après la mort et la résurrection de Jésus. La tradition orale l’emportait sur les écrits. Les apôtres venant à mourir martyrs, il fallait mettre par écrit leur enseignement pour faire connaître Jésus aux Juifs et aux païens, dans le monde entier.

Nous n’avons pas le manuscrit original de l’Évangile selon saint Marc. Nous en avons des copies d’où la critique textuelle, la critique littéraire, l’étude exégétique et théologique de ce texte évangélique.

Tombeau de St Marc (Basilique St Marc de Venise)

Lors de son discours d’inauguration de l’École biblique de Jérusalem le 15 novembre 1890, le père Marie-Joseph Lagrange avait déclaré : « Dieu a donné dans la Bible un travail interminable à l’intelligence humaine et, remarquez-le bien, il lui a ouvert un champ indéfini de progrès dans la vérité. » Magnifique ! Le chrétien ne croit pas parce que c’est absurde mais parce qu’est lumineux, raisonnable et plus que raisonnable, surnaturel, divin. La foi chrétienne ne pousse pas au suicide de l’intelligence mais elle appelle la raison à se mettre au service de la foi : « Je crois pour comprendre et je comprends pour croire », enseigne saint Augustin.

Question : quel temps consacrons-nous à l’approfondissement de notre foi ? Nous nous plaignons souvent de ne pas avancer dans la relation avec Dieu. Mais demandons-nous : est-ce que j’utilise ma matière grise et mon temps pour grandir dans l’intelligence de la foi ? Le père Lagrange l’a bien dit : « Dieu nous a donné un champ infini de progrès dans la vérité. » Il s’agit de progresser dans la Vérité de Dieu. Nous connaissons mieux Dieu aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. Ce progrès passe aussi par l’exégèse, c’est-à-dire par l’étude et l’interprétation des textes bibliques qui ressemblent à une source d’eau vive dont nous ne prenons que quelques gorgées.

Le père Lagrange montrait aussi la voie dans ce discours inaugural en disant : « La vérité révélée ne se transforme pas, elle grandit. […] C’est un progrès, parce que les acquisitions nouvelles se font sans rien enlever aux trésors du passé. Aussi l‘histoire de l’exégèse est-elle la plus belle des histoires littéraires. » Le père Lagrange aimait l’Évangile selon saint Marc qu’il avait choisi de commenter en premier avant tous les autres évangiles.

Nous entendons dire souvent : « un tel est intelligent ». Nous avons à répliquer : « intelligent en quoi ? » Il y en a qui sont intelligents pour l’industrie et le commerce mais incapables d’éduquer leurs enfants. Il y en a qui sont scientifiques ou professeurs mais inaptes à l’heure de construire leur vie de couple.

Il y a une intelligence de la foi. Qu’en faisons-nous ? Sommes-nous des schizophrènes ? Nous utilisons notre raison et notre temps pour l’économie et les loisirs tandis que notre vie religieuse ressemble à un jardin abandonné sans intelligence ni beauté.

La fête de saint Marc nous invite à investir du temps et le meilleur de notre capacité d’apprendre pour entrer dans le mystère Jésus-Christ, où se trouvent cachés tous les trésors de la connaissance et de l’amour de Dieu ainsi que de l’identité de l’humanité appelée à partager la vie de Dieu en Jésus ressuscité.

Pour saint Marc, l’avènement de Jésus Messie, Fils de Dieu, représente l’aboutissement de l’histoire du monde et le commencement de la nouvelle création. En Jésus s’accomplissement les promesses faites à Abraham et les prophéties de l’Ancien Testament. En Jésus, Dieu nous a tout dit et de manière définitive. La révélation est désormais close. Les apparitions et les grâces particulières ne font que confirmer l’enseignement de Jésus dans l’Évangile.

Basilique St Marc de Venise

Nous n’avons pas à courir derrière de nouvelles prophéties, enseigne le grand docteur de l’Église saint Jean de la Croix (+1591), ce serait un péché de manque de foi qui équivaudrait à dire que Jésus ne nous a pas sauvé par sa mort et par sa résurrection et que sa révélation du Père était insuffisante.

Jésus n’est pas un prophète parmi les prophètes ou un prophète qui pourrait être dépassé par un autre prophète. Saint Marc met en lumière dès le premier verset de son Évangile la nouvelle création qui commence avec Jésus Messie, Fils de Dieu. Nul ne va à Dieu sans passer par Jésus.

Ce serait un retour en arrière, une régression dans la révélation, que de ne pas voir dans le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu, dans sa mort et dans sa résurrection le sommet et la source du Salut de l’humanité, pour nous contenter de la foi d’Abraham ou d’autres prophètes.

L’eucharistie que nous célébrons maintenant va nous plonger dans le mystère de l’Amour de Dieu manifesté en son Fils bien-aimé, Jésus-Christ.

Demandons au Seigneur Jésus, la grâce de l’intelligence de la foi. Saint Marc n’a pas hésité à montrer Jésus en croix, portant le péché du monde, son corps imbibé du refus de croire des hommes à l’image d’une éponge qui absorbe le mal de l’humanité pour l’en délivrer : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais Dieu le Père n’a pas abandonné son Fils. Il l’a relevé le troisième jour par la puissance de son Esprit de sainteté.

Saint Marc n’hésite pas non plus à montrer la dureté du cœur des apôtres « lents à croire » en la résurrection de Jésus. L’évangéliste ne manipule pas les faits ni les textes pour faire croire en un événement faux, comme l’aurait fait un faux prophète.

L’amour de Jésus vainqueur de la mort l’emporte dans la rencontre avec ses disciples. Ils passent du deuil à l’allégresse pascale, des doutes au témoignage.

Dans la lumière de la résurrection de Jésus, le Chemin de croix devient un Chemin de lumière, le Via Crucis est transformé en Via lucis, la croix est devenue le pont qui conduit au Père.

Jésus qui avait crié sur la croix « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » est maintenant assis à la droite du Père. Il partage la gloire de son Père, nous préparant une place à nous qui sommes ses frères et ses sœurs, fils et fils de Dieu, dans la lumière de la Résurrection. Alléluia !

                                                                                          Fr Manuel Rivero (OP)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Dimanche de la Miséricorde : homélie du Pape François (2020)

Dimanche dernier, nous avons célébré la résurrection du Maître. Aujourd’hui, nous assistons à la résurrection du disciple. Une semaine s’est écoulée, une semaine que les disciples, bien qu’ayant vu le Ressuscité, ont passée dans la peur, « les portes verrouillées » (Jn 20, 26), sans même réussir à convaincre de la résurrection l’unique absent, Thomas. Que fait Jésus face à cette incrédulité craintive ? Il revient, il se met dans la même position, « au milieu » des disciples et répète la même salutation : « La paix soit avec vous !» (Jn 20, 19.26). Il recommence tout depuis le début. La résurrection du disciple commence ici, à partir de cette miséricorde fidèle et patiente, à partir de la découverte que Dieu ne se lasse pas de nous tendre la main pour nous relever de nos chutes. Il veut que nous le voyions ainsi : non pas comme un patron à qui nous devons rendre des comptes, mais comme notre Papa qui nous relève toujours. Dans la vie, nous avançons à tâtons, comme un enfant qui commence à marcher mais qui tombe. Quelques pas et il tombe encore ; il tombe et retombe, et chaque fois le papa le relève. La main qui nous relève est toujours la miséricorde : Dieu sait que sans miséricorde, nous restons à terre, que pour marcher, nous avons besoin d’être remis debout.

Et tu peux objecter : ‘‘Mais je ne cesse jamais de tomber !’’. Le Seigneur le sait et il est toujours prêt à te relever. Il ne veut pas que nous repensions sans arrêt à nos chutes, mais que nous le regardions lui qui, dans les chutes, voit des enfants à relever, dans les misères voit des enfants à aimer avec miséricorde.

Aujourd’hui, dans cette église devenue sanctuaire de la miséricorde à Rome, en ce dimanche que saint Jean-Paul II a consacré à la Miséricorde Divine il y a vingt ans, accueillons avec confiance ce message. Jésus a dit à sainte Faustine : « Je suis l’amour et la miséricorde même ; il n’est pas de misère qui puisse se mesurer avec ma miséricorde » (Journal, 14 septembre 1937). Une fois, la Sainte a dit à Jésus, avec satisfaction, d’avoir offert toute sa vie, tout ce qu’elle possédait. Mais la réponse de Jésus l’a bouleversée : « Tu ne m’as pas offert ce qui t’appartient vraiment ». Qu’est-ce que cette sainte religieuse avait gardé pour elle ? Jésus lui dit avec douceur : « ‘‘Ma fille, donne-moi ta misère’’ » (10 octobre 1937). Nous aussi, nous pouvons nous demander : ‘‘Ai-je donné ma misère au Seigneur ? Lui ai-je montré mes chutes afin qu’il me relève ?’’ Ou alors il y a quelque chose que je garde encore pour moi ? Un péché, un remords concernant le passé, une blessure que j’ai en moi, une rancœur envers quelqu’un, une idée sur une certaine personne. Le Seigneur attend que nous lui apportions nos misères, pour nous faire découvrir sa miséricorde.

Revenons aux disciples ! Ils avaient abandonné le Seigneur durant la passion et ils se sentaient coupables. Mais Jésus, en les rencontrant, ne fait pas de longues prédications. À eux qui étaient blessés intérieurement, il montre ses plaies. Thomas peut les toucher et il découvre l’amour ; il découvre combien Jésus avait souffert pour lui qui l’avait abandonné. Dans ces blessures, il touche du doigt la proximité amoureuse de Dieu. Thomas, qui était arrivé en retard, quand il embrasse la miséricorde, dépasse les autres disciples : il ne croit pas seulement à la résurrection, mais à l’amour sans limites de Dieu. Et il se livre à la confession de foi la plus simple et la plus belle : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (v. 28). Voilà la résurrection du disciple : elle s’accomplit quand son humanité fragile et blessée entre dans celle de Jésus. Là, les doutes se dissipent, là Dieu devient mon Dieu, là on recommence à s’accepter soi-même et à aimer sa propre vie.

Chers frères et sœurs, dans l’épreuve que nous sommes en train de traverser, nous aussi, comme Thomas, avec nos craintes et nos doutes, nous nous sommes retrouvés fragiles. Nous avons besoin du Seigneur, qui voit en nous, au-delà de nos fragilités, une beauté indélébile. Avec lui, nous nous redécouvrons précieux dans nos fragilités. Nous découvrons que nous sommes comme de très beaux cristaux, fragiles et en même temps précieux. Et si, comme le cristal, nous sommes transparents devant lui, sa lumière, la lumière de la miséricorde, brille en nous, et à travers nous, dans le monde. Voilà pourquoi il nous faut, comme nous l’a dit la Lettre de Pierre, exulter de joie, même si nous devons être affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves (cf. 1P 1, 6).

En cette fête de la Miséricorde Divine, la plus belle annonce se réalise par l’intermédiaire du disciple arrivé en retard. Manquait seul lui, Thomas. Mais le Seigneur l’a attendu. Sa miséricorde n’abandonne pas celui qui reste en arrière. Maintenant, alors que nous pensons à une lente et pénible récupération suite à la pandémie, menace précisément ce danger : oublier celui qui est resté en arrière. Le risque, c’est que nous infecte un virus pire encore, celui de l’égoïsme indifférent. Il se transmet à partir de l’idée que la vie s’améliore si cela va mieux pour moi, que tout ira bien si tout ira bien pour moi. On part de là et on en arrive à sélectionner les personnes, à écarter les pauvres, à immoler sur l’autel du progrès celui qui est en arrière. Cette pandémie nous rappelle cependant qu’il n’y a ni différences ni frontières entre ceux qui souffrent. Nous sommes tous fragiles, tous égaux, tous précieux. Ce qui est en train de se passer nous secoue intérieurement : c’est le temps de supprimer les inégalités, de remédier à l’injustice qui mine à la racine la santé de l’humanité tout entière ! Mettons-nous à l’école de la communauté chrétienne des origines, décrite dans le livre des Actes des Apôtres ! Elle avait reçu miséricorde et vivait la miséricorde : « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun » (Ac 2, 44-45). Ce n’est pas une idéologie, c’est le christianisme.

Dans cette communauté, après la résurrection de Jésus, un seul était resté en arrière et les autres l’ont attendu. Aujourd’hui, c’est le contraire qui semble se passer : une petite partie de l’humanité est allée de l’avant, tandis que la majorité est restée en arrière. Et chacun pourrait dire : « Ce sont des problèmes complexes, il ne me revient pas de prendre soin des personnes dans le besoin, d’autres doivent y penser !’’. Sainte Faustine, après avoir rencontré Jésus, a écrit : « Dans une âme souffrante, nous devons voir Jésus crucifié et non un parasite et un poids… [Seigneur], tu nous donnes la possibilité de pratiquer les œuvres de miséricorde et nous nous livrons à des jugements » (Journal, 6 septembre 1937). Cependant, elle-même s’est plainte un jour à Jésus qu’en étant miséricordieux on passe pour un naïf. Elle a dit : « Seigneur, on abuse souvent de ma bonté ». Et Jésus a répondu : « Peu importe, ma fille, ne t’en soucie pas, toi, sois toujours miséricordieuse envers tout le monde » (24 décembre 1937). Envers tous : ne pensons pas uniquement à nos intérêts, aux intérêts partisans. Saisissons cette épreuve comme une occasion pour préparer l’avenir de tous, sans écarter personne : de tous. En effet, sans une vision d’ensemble, il n’y aura d’avenir pour personne.

Aujourd’hui, l’amour désarmé et désarmant de Jésus ressuscite le cœur du disciple. Nous aussi, comme l’apôtre Thomas, accueillons la miséricorde, salut du monde. Et soyons miséricordieux envers celui qui est plus faible : ce n’est qu’ainsi que nous construirons un monde nouveau.

                                                                                                    Pape François




La Passion de Jésus, Révélation de l’Amour Fou de Dieu pour tout homme (D. Jacques Fournier)…

Les récits de la Passion sont toujours durs à entendre : tant de souffrances pour Jésus, cet innocent « qui a passé en faisant le bien » (Ac 10,18), en ne faisant que du bien, et tant d’injustice, de jalousie, de calomnies, de méchanceté, de cruauté et de violence de la part des hommes. Et pourtant, c’est en affrontant résolument ce côté sombre de l’humanité que Jésus nous révèle l’intensité de l’Amour de Dieu pour tous les hommes… C’est comme s’il nous disait : « Vous pouvez me faire tout cela, rien, absolument rien ne pourra m’empêcher de vous aimer… Bien plus, si vous, « créés à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28), ce Dieu qui est Amour (1Jn 4,8.16), qui n’est qu’Amour, vous agissez ainsi, c’est que vous êtes des grands malades… Alors, je vais supporter et offrir toutes les souffrances que vous pourrez m’infliger pour votre guérison à tous »…

Pour voir à quel point cet Amour se manifeste dans toutes les circonstances de la Passion, vous pouvez cliquer sur le titre suivant. Vous accéderez alors à un travail réalisé sur la base du livre de Théophile PENNDU, « Jésus Sauveur » (Paris 1991)…

En vous souhaitant, dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, la plus belle semaine sainte possible,

D. Jacques Fournier

La Passion – Révélation du Dieu Amour

 




« Naître de l’Esprit » (Pape François – 20 avril 2020).

Evangile selon St Jean chapitre 3 versets 1 à 8 (Jn 3,1-8):

Il y avait un homme, un pharisien nommé Nicodème ; c’était un notable parmi les Juifs.

 Il vint trouver Jésus pendant la nuit. Il lui dit : « Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui enseigne, car personne ne peut accomplir les signes que toi, tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui. »

Jésus lui répondit : « Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu. »

 Nicodème lui répliqua : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il entrer une deuxième fois dans le sein de sa mère et renaître ? »

Jésus répondit : « Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu.

Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit.

Ne sois pas étonné si je t’ai dit : il vous faut naître d’en haut.

Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. »

Jésus et Nicodème par Crijn Hendricksz Volmarijn, peintre hollandais du XVIIème siècle

Cet homme, Nicodème, est un chef des juifs, un homme faisant autorité; il ressentit la nécessité d’aller auprès de Jésus. Il y alla la nuit, parce qu’il devait agir avec un peu de prudence, car ceux qui allaient parler avec Jésus n’étaient pas bien vus (cf. Jn 3, 2). C’est un pharisien juste, car tous les pharisiens ne sont pas méchants: non, non; il y avait aussi des pharisiens justes. Celui-ci est une pharisien juste. Il ressentit de l’inquiétude, parce que c’est un homme qui avait lu les prophètes et il savait que ce que Jésus faisait avait été annoncé par les prophètes. Il ressentit de l’inquiétude et alla parler avec Jésus. «Rabbi, nous le savons, tu es un Maître qui vient de la part de Dieu» (v. 2): c’est une confession, mais jusqu’à un certain point. «Personne ne peut accomplir les signes que tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui» (v. 2). Et il s’arrête. Il s’arrête devant le « donc »: Si je dis cela… donc! … Et Jésus a répondu. Il répondit mystérieusement, comme Nicodème ne s’y attendait pas. Il répondit en utilisant l’image de la naissance: «A moins de naître d’en-haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu» (v. 3). Et lui, Nicodème, éprouve de la confusion, il ne comprend pas et prend ad litteram cette réponse de Jésus: « Comment un homme peut-il naître, une fois qu’il est vieux? » (cf. v. 4)

Naître d’en-haut, naître de l’Esprit. C’est le pas que la confession de Nicodème doit accomplir et il ne sait pas comment le faire. Parce que l’Esprit est imprévisible. La définition de l’Esprit que donne ici Jésus est intéressante: «Le vent souffle où il veut ; tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit» (v. 8), c’est-à-dire libre. Une personne qui se laisse conduire d’un côté et de l’autre par l’Esprit Saint: voilà ce qu’est la liberté de l’Esprit. Et celui qui le fait est une personne docile et on parle ici de la docilité à l’Esprit.

Etre chrétien n’est pas seulement accomplir les commandements: il faut le faire, c’est vrai; mais si tu t’arrêtes là, tu n’es pas un bon chrétien. Etre chrétien, c’est laisser l’Esprit entrer en toi et te conduire, te conduire où il veut. Dans notre vie chrétienne, nous nous arrêtons bien souvent comme Nicodème, devant le « donc », nous ne savons pas quel pas accomplir, nous ne savons pas comment le faire ou bien nous n’avons pas confiance en Dieu pour accomplir ce pas et laisser entrer l’Esprit. Naître à nouveau, c’est laisser l’Esprit entrer en nous et que l’Esprit me guide et pas moi, et ici: libre, avec cette liberté de l’Esprit qui fait que tu ne sauras jamais où tu iras.

Quand l’Esprit vint, les apôtres, qui étaient au Cénacle, sortirent pour aller prêcher avec ce courage, cette franchise (cf. Ac 2, 1-13)… ils ne savaient pas ce qui allait se produire; et ils l’ont fait parce que l’Esprit les guidait. Le chrétien ne doit jamais s’arrêter à l’accomplissement des commandements: il faut les respecter, mais aller au-delà, vers cette naissance nouvelle qui est la naissance dans l’Esprit, qui te donne la liberté de l’Esprit.

C’est ce qui est arrivé à cette communauté chrétienne de la première Lecture, après que Jean et Pierre sont revenus de cet interrogatoire qu’ils ont eu avec les prêtres. Ils allèrent auprès de leurs frères, dans cette communauté, et rapportèrent ce que leur avaient dit les chefs des prêtres et les anciens. Et toute la communauté, quand elle entendit cela, eut un peu peur. (cf. Ac 4, 23) Et qu’est-ce qu’ils ont fait? Prier. Ils ne se sont pas arrêtés à des mesures de prudence, « non, maintenant nous faisons cela, soyons un peu plus tranquilles… »: non. Prier. Que ce soit l’Esprit qui leur dise ce qu’ils devaient faire. Ils élèvent leurs voix vers Dieu en disant: «Seigneur», (v. 24) et ils prient. Cette belle prière à un moment sombre, un moment où ils doivent prendre des décisions et où ils ne savent pas quoi faire. Ils veulent naître de l’Esprit et ils ouvrent leur cœur à l’Esprit: que ce soit Lui qui le dise…

Et ils demandent: « Car c’est une ligue en vérité, qu’Hérode et Ponce Pilate, avec les nations païennes et les peuples d’Israël ont formée contre ton Saint Esprit et Jésus » (cf. v. 27), ils racontent l’histoire et disent: « Seigneur fais quelque chose ». « Et à présent, Seigneur, tourne ton regard vers leurs menaces – celles du groupe des prêtres – et accorde à tes serviteurs de proclamer avec assurance ta parole » (v. 29) ils demandent l’assurance, le courage, de ne pas avoir peur : « Etends la main pour opérer des guérisons, des signes et prodiges au nom de Jésus». (v. 30) « Tandis qu’ils priaient, l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla : tous alors furent remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance» (v. 31) Une deuxième Pentecôte a eu lieu ici.

Devant les difficultés, devant une porte fermée, qui fait qu’ils ne savent pas comment aller de l’avant, ils vont auprès du Seigneur, ils ouvrent leur cœur et l’Esprit vient et leur donne ce dont ils ont besoin ; ensuite, ils sortent pour prêcher, avec courage, et vont de l’avant. Voilà ce qu’est naître de l’Esprit, ne pas s’arrêter au « donc » après les commandements, au « donc » après les habitudes religieuses: non! C’est naître à nouveau. Et comment se prépare-t-on à naître à nouveau? Par la prière. La prière est ce qui nous ouvre la porte à l’Esprit et nous donne cette liberté, cette franchise, ce courage de l’Esprit Saint. Ne sachant jamais où il te conduira. Mais c’est l’Esprit.

Que le Seigneur nous aide à être toujours ouverts à l’Esprit, car ce sera Lui qui nous mènera de l’avant dans notre vie de service au Seigneur.

Prière pour la communion spirituelle

A Tes pieds, ô mon Jésus, je me prosterne et je T’offre le repentir de mon cœur contrit qui demeure dans son néant et en Ta sainte présence. Je t’adore dans le Sacrement de Ton amour, l’ineffable Eucharistie. Je désire te recevoir dans la pauvre demeure que mon cœur t’offre. Dans l’attente du bonheur de la communion sacramentelle, je veux te posséder en esprit. Viens à moi, ô mon Jésus, que je vienne à Toi. Que Ton amour enflamme tout mon être, pour la vie et pour la mort. Je crois en toi, j’espère en toi, je t’aime. Ainsi soit-il.

                                                                                  Pape François




« Le Corps du Christ a le coronavirus » (Jeudi Saint 2020 ; Fr Manuel Rivero)

C’est la Pâque juive ! Des milliers de pèlerins sont montés à Jérusalem. Le peuple opprimé par le pouvoir romain attend le Messie libérateur. Les soldats de la légion romaine se montrent nerveux et craintifs. Pilate ne dort pas bien dans la crainte de la révolte. Des zélotes, résistants juifs, poignardent des soldats romains dans les ruelles de Jérusalem. L’empire romain les punit par la crucifixion publique qui terrorise la population. On pense que le Messie viendra pendant la fête de Pâques.

C’est la fête de Pâques ! Jésus a réuni ses disciples pour faire mémoire de la sortie d’Égypte, terre d’esclavage, vers la Terre promise. Juif observant la Loi, Jésus accomplit les rites de la Pâque tout en leur donnant une nouvelle signification : l’annonce de sa mort pour la rémission des péchés. Acte suprême d’amour qui unira l’humanité frappée par le mal et le malin à la sainteté de Dieu.

Le partage du pain et de la coupe annoncent la communion avec Dieu et la nouvelle fraternité entre les hommes.

Saint Jean, l’évangéliste, ne nous a pas transmis le récit de l’institution de l’Eucharistie comme les autres évangélistes ou saint Paul. En revanche, il nous a introduits dans le sens de la Cène en nous montrant Jésus, le serviteur, qui lave les pieds de ses disciples.

La Cène célébrée par Jésus manifeste son amour total envers Dieu le Père qui l’a envoyé et à l’égard des hommes qu’il purifie par son sang versé.

Dieu n’est pas le même pour tous

Il y en a qui disent : « Dieu est le même pour toutes les religions ». C’est vrai s’il s’agit de la foi en Dieu créateur. Ce n’est exact si nous pensons au Dieu sauveur révélé par Jésus-Christ. Judas qui a abandonné et trahi Jésus en est la preuve. Pourtant, Judas aimait Jésus et Jésus l’aimait. Mais Judas a été déçu. Il s’attendait à un autre Messie, à un autre Dieu, que celui qui allait mourir dénoncé par les autorités juives et exécuté par le pouvoir romain. Après avoir livré Jésus aux responsables de son Peuple, il s’est repenti en leur jetant les trente pièces d’argent à la figure et il s’est pendu. Le Dieu de Judas n’était pas le même que le Dieu de Jésus.

Encore aujourd’hui, la mentalité de Judas pénètre les esprits de l’homme contemporain, mieux disposé à croire en un Dieu tout-puissant et justicier, qu’en Jésus, doux et humble de cœur. Il n’y a pas que l’argent qui compte dans l’abandon de la pratique religieuse. Il y a aussi et surtout le manque de foi en l’humilité de Dieu.

Jésus, non violent, ne tue personne. Jésus, médecin des corps et des âmes, n’envoie des maladies à personne. Oui, Dieu, ne fait pas descendre le coronavirus sur la terre. Encore une fois, Dieu n’est pas le même selon que l’on croit en son pouvoir de nuire ou en son amour jusqu’à la mort.

La célébration de la Cène annonce le mystère pascal accompli par Jésus sur le Calvaire et dans sa victoire sur la mort.

Mystère de Communion

Jésus prend à rebrousse-poil notre individualisme. Il partage son Corps et son Sang aux apôtres rassemblés et non pas à un individu isolé.

La messe actualise ici et maintenant la mort et la résurrection de Jésus, mystère de Communion. Ce n’est pas sans raison que nous utilisons le même mot « Communion » pour désigner l’union entre les personnes et l’Eucharistie. La messe nous accorde la Communion avec Dieu et la communion fraternelle.

Il en va de même de l’utilisation de l’expression « Corps du Christ » qui renvoie au Corps de Jésus-Christ et à l’Église, Corps du Christ.

En recevant à la messe le Corps du Christ nous recevons son Corps, son Sang, son âme et sa divinité, la sagesse du Père dans l’amour unifiant de l’Esprit Saint. Dans l’eucharistie, la Trinité entre en nous et nous entrons dans la Trinité. Nous devenons les temples de la sainte Trinité. L’Église fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait l’Église. Le Corps de Jésus fait des baptisés l’Église, Corps du Christ. C’est pourquoi saint Augustin prêchait : « Devenez ce que vous recevez. Recevez le Corps du Christ et devenez le Corps du Christ ».

Saint Paul explique ce mystère de l’Église, Corps du Christ, où Jésus-Christ en est la Tête et les baptisés les membres. De la même manière que dans nos corps la tête reste inséparable des autres membres, le Christ et les fidèles ne font qu’un (cf. I Corinthiens 12,12s).

 

« Le Corps du Christ a le coronavirus »

Aussi pouvons-nous dire : « Le Corps du Christ a le coronavirus ». Ce n’est pas une hérésie mais l’application du mystère de l’Église à notre situation actuelle. Les baptisés forment le Corps du Christ, l’Église. Les malades sont membres du Corps du Christ. Dans quelle religion Dieu s’est-il fait aussi proche des hommes ? (cf. Deutéronome 4,7).  

Par le mystère de « son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Concile Vatican II, Gaudium et Spes n°22). Par le baptême, les disciples de Jésus partagent la vie de la sainte Trinité. Dans la Communion eucharistique, le croyant communie à l’amour des Personnes trinitaires, le Père, le Fils et l’Esprit Saint. À l’image de l’amour qui circule au cœur de la Trinité où chaque personne vit pour l’autre, avec l’autre et dans l’autre, le chrétien qui communie s’engage dans une relation trinitaire de dialogue et d’amour.

« Faites ceci en mémoire de moi »

Ce trésor de la Communion divine et humaine, Jésus l’a confié à ses apôtres, ses collaborateurs dans l’œuvre du Salut. Désormais, Jésus parlera à travers la prédication des apôtres et Il répandra son Amour plus fort que la mort dans la célébration de la messe.

Mission sacrée confiée à des hommes fragiles et pécheurs. En ce Jeudi Saint, les chrétiens célèbrent particulièrement leur sacerdoce. Les laïcs, le sacerdoce commun des fidèles, en offrant le Sacrifice de l’autel en communion avec toute l’Église. Les laïcs ne sont pas des spectateurs passifs à la messe mais des célébrants du mystère pascal. C’est pourquoi, le prêtre déclare avant l’offertoire : « Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église ». Dans l’Eucharistie, Jésus s’offre au Père ici et maintenant. Toute l’Église s’unit à Jésus pour devenir offrande à la gloire du Père.

Les évêques, successeurs des apôtres, et les prêtres, leurs collaborateurs, célèbrent leur sacerdoce ministériel, différent du sacerdoce commun des fidèles mais à son service. Dans la consécration du pain et du vin, le prêtre agit « in personna Christi capitis », c’est-à-dire en union avec la personne du Christ, Tête de l’Église. Dans l’Eucharistie, ce n’est pas le prêtre qui consacre mais le Christ lui-même. Les sacrements sont ainsi toujours saints indépendamment de la sainteté du ministre qui célèbre.

Sacerdoce commun et sacerdoce ministériel

Bonne fête à tous les baptisés et à tous les prêtres ! Soyons dans la joie et remercions le Seigneur Jésus qui nous a accordé une telle dignité. Les laïcs ont été consacrés dans le baptême. Les prêtres ont été consacré dans le sacrement de l’Ordre pour collaborer avec les évêques dans l’enseignement, la sanctification et le gouvernement. Nés de la Communion du Père, du Fils et de l’Esprit, tous les chrétiens ont reçu la mission de servir la Communion avec Dieu et avec les frères et les sœurs en humanité. La grandeur de chaque chrétien relève de son amour dans le service et non de la reconnaissance sociale des tâches accomplies. Tous, nous avons besoin les uns des autres.

L’évêque a besoin de ses prêtres et les prêtres ont besoin de leur évêque pour faire la volonté de Dieu et non leur volonté propre.

Un prêtre avait dit un jour : « L’évêque a besoin de moi mais je n’ai pas besoin de l’évêque ». Quel malheur ! Ce n’est rien comprendre au mystère de la Communion. Les ministères sont reçus au service de tous. On ne se donne pas un ministère, on le reçoit de Dieu à travers les responsables de l’Église.

Les enfants ont besoin des prêtres pour se réunir, apprendre à prier et à servir. Le prêtre a besoin des enfants qui lui révèlent Dieu. Les malades et les personnes détenues ont besoin du soutien des prêtres et les prêtres ont besoin de la prière et du témoignage des malades et des personnes détenues. Et la perfection se trouve dans l’amour. Ensemble, tous les chrétiens forment le Corps du Christ. La célébration de la messe, le plus grand des miracles, réalise par l’Esprit Saint cette merveille : « Quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Canon eucharistique III).

« Le peuple porte ses prêtres »

En ce Jeudi Saint, demandons au Seigneur des vocations de prêtre. Soutenons et vénérons les prêtres ! La première fois que je suis venu prêcher à la Réunion en 1992, une personne m’avait surpris en me disant : « À La Réunion, le peuple porte ses prêtres plus que les prêtres ne portent leur peuple ». A priori j’aurais pensé le contraire, mais, au fond, cette attitude montre l’amour des Réunionnais envers les prêtres et cette synergie est belle !

En ce Jeudi Saint, ayons aussi une pensée pour les mamans des prêtres. La maman du père Lagrange, dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, avait consolé une maman qui assistait à l’ordination presbytérale de son fils en pensant qu’elle le perdait : « Madame, ne soyez pas triste ! Une maman trouve sa plénitude de mère quand son fils devient prêtre ! ».

« Les âmes vont aux prêtres »

Le père Lagrange affirmait aussi par expérience : « Les âmes vont aux prêtres ! » Oui, les âmes vont aux prêtres qui leur transmettent la grâce de la Parole de Dieu et des sacrements.

Dieu a voulu avoir besoin des prêtres.

Célébrons le Pain vivant descendu du Ciel, dans la louange et l’adoration. Demandons à Dieu de nous délivrer de la pandémie et de soutenir le corps médical et tous ceux qui travaillent au service du bien commun en cette épreuve.

« À Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien-au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir, à Lui la gloire dans l’Église et le Christ Jésus, pour tous les âges et tous les siècles ! Amen. » (Éphésiens 3,20).

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Fr. Manuel Rivero O.P.

Aumônier de la prison de Domenjod




Fêter saint Joseph dans le confinement (19/03/2020 ; Fr Manuel Rivero)

À La Réunion, la fête de saint Joseph est célébrée par la communauté catholique de manière solennelle avec une affection particulière envers le père adoptif de Jésus, « le grand silencieux », dont les Évangiles n’ont gardé aucune parole ; ses actions manifestent avec éclat sa foi en Dieu et son sens des responsabilités dans l’adversité.

Cette année, la mémoire de saint Joseph se fera sans messes publiques ni rassemblements populaires de prière mais dans la communion spirituelle.

La grandeur de saint Joseph réside dans son acceptation de la mission reçue de la part de Dieu : veiller sur son épouse, Marie, et sur l’enfant Jésus. En ce sens, saint Joseph représente un modèle pour chacun d’entre nous appelés à adopter notre vie qui ne correspond pas nécessairement aux projets planifiés.

À la lumière de la sainteté de saint Joseph, nous avons à adopter le temps du confinement pour le vivre comme une mission à accomplir au service du bien commun avec les renoncements que cela comporte.

Adopter ne veut pas dire se résigner ou subir. La tentation est grande de tomber dans le découragement, le laisser-aller, ou encore dans la colère et les disputes. La vie commune s’avère difficile voire dangereuse dans le confinement avec le risque de « péter un câble ». Cela est vrai non seulement dans les cellules de prison mais aussi dans les familles.

La fête de saint Joseph a lieu dans le temps du Carême qui demande aux chrétiens d’affronter le mal et le malin avec la force de Jésus le Christ. Saint Joseph a mené le combat de la foi sans murmurer et de manière fidèle.

À la prison, les personnes détenues qui vivent la foi chrétienne s’exclament souvent : « La prison, un mal pour un bien. » La perte de liberté qui n’est pas bonne en soi peut devenir l’occasion de grandir en humanité et en spiritualité. Il arrive souvent que les détenus des prisons améliorent leurs liens familiaux en vivant l’épreuve de la prison.

Le pape François a mis un écriteau sur la porte de sa chambre au Vatican : « Il est interdit de se plaindre. » Une religieuse trinitaire malgache me disait avoir mis sur le mur de sa chambre cette devise : « J’aime la maison que j’habite, les personnes avec lesquelles je vis et le travail que j’accomplis. » C’est cela adopter sa vie, imiter et fêter saint Joseph en ces jours de confinement.

Le confinement peut alors favoriser la solidarité et l’amour dans les familles.

 

L’occasion nous est donnée de penser à ceux qui sont privés habituellement de liberté. L’auteur de l’épître aux Hébreux, dans le Nouveau Testament de la Bible, n’hésite pas à exhorter les chrétiens à se souvenir des prisonniers comme s’ils étaient eux-mêmes en prison (cf. Hb 13,3). Face à l’individualisme, le chrétien s’estime membre d’un corps social et ecclésial.  « La mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain », disait le poète Jonh Donne.

Saint Joseph a été invoqué au cours de l’histoire de l’humanité comme le patron de la bonne mort. Prions pour les malades du coronavirus et pour les défunts.

La popularité de saint Joseph correspond à l’expérience d’une multitude de grâces reçues par son intercession auprès de son adoptif Jésus, le seul Sauveur pour la foi chrétienne.

Bonne fête de saint Joseph dans le confinement !

Fr. Manuel Rivero O.P.

Aumônier catholique de la prison de Domenjod (Saint-Denis/la Réunion).

 

 




Le Christ, Chemin de l’union à Dieu, est la fin de la Loi (Olivier Van der Noot)

Introduction

La présente étude s’efforce d’aborder la question de la place de la Loi mosaïque dans la vie et dans la théologie de l’Apôtre Paul. Notre propos suivra à cette fin un développement en trois temps, principalement ancré dans l’enseignement de l’épître aux Romains et plus sélectivement nourri d’autres éléments issus du corpus paulinien[1].

Comme nous le verrons dans un premier temps (1), Paul considère la Loi mosaïque comme un don de Dieu. Sainte et bonne en tant qu’elle reflète la volonté divine, cette Loi enseigne à l’homme un chemin d’obéissance, comme libre réponse d’amour à l’amour premier de son Créateur. Ainsi que l’explique Paul dans ses épîtres, le seul effort de l’homme ne suffit pas à atteindre la communion avec Dieu dans l’obéissance parfaite à une telle Loi. Malgré tout le zèle et l’observance déployés par certains juifs, le don de la Loi ne soustrait pas le peuple élu à la condition pécheresse de l’humanité. Au contraire, relève l’Apôtre, le péché semble tirer de la Loi l’occasion d’un déploiement accru, attesté par les lancinantes infidélités d’Israël à l’amour de son Dieu – désobéissance invétérée du peuple élu à la Loi.

Est-ce à dire que la Loi elle-même donnerait lieu ou occasion au péché ainsi vivifié et répété ? A cette question, Paul répond nettement par la négative. C’est au contraire le péché, explique-t-il, qui utilise la Loi pour attirer l’homme vers les actes mortifères qu’elle prohibe et, partant, pour détourner l’homme de la vie en abondance que Dieu veut lui donner par amour. En réalité, poursuit l’Apôtre, le vrai rôle de la Loi – que nous aborderons dans la deuxième partie de notre analyse (2) – est d’aider l’homme à prendre conscience du péché auquel il se confronte nécessairement lorsqu’il prétend atteindre par son propre effort l’obéissance parfaite aux commandements de Dieu – et, par là-même, la communion à la vie divine. En ce sens, le rôle de la Loi est aussi d’amener l’homme à se défaire de toute prétention à atteindre par lui-même cette communion pour ne l’attendre que de la grâce de Dieu, dans la foi.

Comme nous le verrons dans un troisième et dernier temps (3), Paul trouve l’expression plénière et décisive d’une telle grâce, objet de la promesse faite à Abraham et à sa descendance, dans une Alliance nouvelle, en la personne de Jésus, le Christ, notre Seigneur. Par sa rencontre avec le Ressuscité sur le chemin de Damas, l’Apôtre réalise qu’il existe, contre toute espérance, une possibilité d’en finir définitivement avec le péché qui maintenait Israël hors de la pleine communion avec Dieu. Cette possibilité, c’est l’accueil de l’Esprit saint inscrivant sa Loi dans le cœur de l’homme (juif ou non) et consacrant ainsi l’adoption filiale de l’homme par Dieu – le Père – en Jésus-Christ. Pour Paul, cette adoption filiale associe celui qui l’accueille dans la foi à la victoire décisive du Seigneur sur la mort et sur le péché. Par l’accueil de l’Esprit saint, l’homme peut enfin accéder à l’obéissance parfaite à la Loi dans le Christ. Aussi Paul peut-il écrire que le Christ est la fin de la Loi, dans la mesure où Jésus réalise dans son être – et nous donne de vivre en communion avec Lui – l’union à Dieu à laquelle la Loi devait ultimement mener.

  

  1. La Loi est sainte et bonne mais ne peut faire éviter le péché

 

Par grâce, Dieu a choisi un peuple pour être le sien et servir son dessein (Is 49, 3) – « C’est toi [Israël] qu’a choisi le Seigneur ton Dieu, afin que tu sois son peuple particulier entre tous les peuples qui sont sur la terre » (Dt 7,6). A ce peuple élu, Dieu a « donné une loi pour qu’il soit digne de lui. Le peuple devait répondre par la foi et l’obéissance »[2] : « Tout ce qu’a dit Yahvé, nous le ferons et nous obéirons », lit-on en Ex 24, 7. L’obéissance demandée par Dieu à son peuple « n’est pas une soumission d’esclave » ; il s’agit au contraire d’une démarche d’amour[3]. C’est ce que rappellent notamment le Shema Israel (Dt 6, 4-6, 17) et les psaumes, où la Loi est célébrée « comme le grand don de l’Amour de Dieu à Israël et la source d’une obéissance d’amour (cf. Ps 18, 8-11 et tout le psaume 118) » [4].

Dans cette mesure, c’est en bon héritier de la tradition d’Israël que Paul, pharisien jusqu’à sa conversion sur le chemin de Damas[5], peut affirmer au chapitre 7 de son épître aux Romains que « la Loi est sainte » et le commandement « saint, juste et bon » (Rm 7, 12). Par cette affirmation, l’Apôtre veut souligner l’origine divine de la Loi : « la Loi est ‘‘sainte’’ parce qu’elle relève de Dieu » et « représente la volonté de Dieu » [6]. Le commandement, quant à lui, est « ‘‘juste’’ parce qu’il est conforme à la justice de Dieu » et « ‘‘bon’’ parce qu’il contient la volonté de Dieu qui est bonne »[7].

Comme le souligne Paul, « la supériorité du Juif » et « l’utilité de la circoncision » – c’est-à-dire, par extension, l’utilité de toute la Loi confiée au peuple élu[8] – sont « grandes à tous égards », car « c’est aux Juifs que « les jugements de Dieu ont été confiés » (Rm 3, 1-2). Les Juifs ont un privilège dans la contemplation des choses divines[9] : « Dieu est connu en Judée, en Israël son nom est grand » (Ps 75, 1) ; « Il n’a pas fait ainsi pour toute nation » (Ps 147, 20a).  Aux Israélites appartiennent « l’adoption des fils, la gloire, la législation, le culte, les promesses et aussi les patriarches », relève encore l’Apôtre (Rm 9, 4-5)[10]. Un chemin favorisé d’obéissance à la volonté divine leur est ainsi ouvert[11] et, avec lui, la perspective bienheureuse d’une pleine communion d’amour avec Dieu – et, en Dieu, avec le prochain.

Pour être vraie et parfaite, précise Paul, cette obéissance à la volonté divine implique pour celui qui la désire un abandon en toute confiance à la grâce et à la miséricorde de Dieu, dans l’humilité et le silence du cœur – « tout ce que dit la Loi, insiste Paul, elle le dit à ceux qui sont sous la Loi, afin que toute bouche soit fermée (…) » (Rm 3, 19). Pour l’Apôtre, une telle humilité exclut toute forme d’orgueil et de vaine gloire, en ce compris au sujet des bienfaits divins – tels que le don de la Loi[12]. Il s’agit de ne se considérer supérieur en rien, explique encore Paul[13]. Bien plutôt, l’obéissance parfaite implique de trouver en soi un cœur de pauvre, toujours disposé à éprouver le besoin de la grâce divine, à demander cette grâce et à l’attendre dans la foi[14].

Comme le remarque Paul, cette sainte obéissance aux commandements de Dieu demeure inatteignable par le seul effort humain en raison du péché. Tous, Juifs ou non, ont péché, explique en effet l’Apôtre[15] : « Il n’est pas de juste, pas un seul, il n’en est pas un de sensé, pas un qui cherche Dieu. (…) » (Rm 3, 10-18)[16]. Les uns comme les autres, tout en y aspirant de quelque façon du fond de leur cœur, « se trouvent de fait incapables d’obéir à la Loi de Dieu. Blessés dans leur intégrité, esclaves du péché, Juif et païen s’enferment dans la désobéissance » [17]. Qu’elle soit ou non conçue en termes d’observance de la Loi mosaïque, la prétention de l’homme à « faire » le bien ou à « faire » justice par ses propres œuvres bute sur le péché (Rm 7, 14-20)[18] et détourne de l’obéissance à Dieu[19].

La Loi n’évite donc pas le péché à ceux qui l’ont reçue. Il s’avère au contraire que le péché tire de la Loi l’occasion d’un surcroît de vigueur. Tout semble en effet se passer en manière telle «  que par le commandement, le péché devienne pécheur à l’excès », écrit Paul en Rm 7, 13[20]. Ancrées de manière profonde et lancinante dans l’histoire du peuple élu (Rm 2, 17-24)[21], la désobéissance et l’infidélité envers Dieu brisent littéralement le cœur de l’Apôtre. Il y a « une grande tristesse en moi et une douleur continuelle dans mon cœur », écrit-il en ce sens au sujet de ses « frères », de ses « parents selon la chair, qui sont Israélites » (Rm 9, 2.3b.4a) mais n’écoutent pas Dieu[22].

  1. Le vrai rôle de la Loi

Comme l’observe Paul, le fait que le péché prenne occasion de la Loi mosaïque ne signifie pas que cette Loi s’assimile au péché. L’Apôtre l’affirme explicitement: « Que dirons-nous donc ? La Loi est-elle péché ? Loin de là » (Rm 7, 7a). Contrairement aux « lois des peuples », dont le prophète Jérémie souligne la vanité (Jr 10, 3)[23], la Loi de Dieu « est sans tache » (Ps 18,8), pleinement « au service de la justice et de la vie »[24]. Dans cette mesure, celui qui a donné cette Loi n’a à l’évidence pas péché en la portant[25], comme ç’eût été le cas s’il s’était agi d’une loi inique[26].

La Loi n’est donc pas le péché ; elle en donne seulement connaissance. « Je n’ai connu le péché que par la Loi », lit-on ainsi en Rm 7, 7b ; « car par la Loi vient la connaissance du péché » (Rm 3, 20). Selon la pensée paulinienne, cette connaissance n’a pas pour objet l’acte même du péché mais bien le fait que cet acte constitue un mal et, par là-même, une offense à Dieu[27]. C’est en ce sens que l’Apôtre peut affirmer qu’il ne « connaîtrait pas » la concupiscence – dont nul n’ignore l’acte puisque tous l’éprouvent[28] – si la Loi n’eût dit : « tu ne convoiteras pas » (Rm 7, 7c).

Dans la mesure où la Loi mosaïque donne connaissance du péché sans le supprimer, pourrait-on affirmer que cette Loi donne l’occasion de pécher ? Ici encore, Paul répond nettement par la négative. Ce n’est en effet pas la Loi qui donne l’occasion de pécher mais bien le péché lui-même qui tire occasion de la Loi (Rm 7, 8a.11) pour attirer l’homme vers les actes qu’elle prohibe. Ceci revient à dire que la Loi est utilisée par le péché, qui se sert d’elle comme d’un instrument pour tromper l’homme et pour le détourner de la vie en abondance que Dieu veut lui donner par son commandement d’amour[29]. Victime de cette tromperie, l’homme en arrive à croire «  qu’il peut se soustraire » au commandement divin, qu’il peut s’en passer, « se procurer la vie » par lui-même et « trouver dans le non-accomplissement de la Loi l’accomplissement de sa vie »[30].

Pour Paul, le vrai rôle de la Loi est précisément d’amener l’homme à prendre conscience du péché qui l’abuse, de la blessure profonde qui résulte de cette tromperie et de la radicale impossibilité de « faire » la volonté de Dieu à un niveau purement humain. En relevant que « sans la Loi le péché était mort » et qu’il a « repris vie » avec elle (Rm 7, 8-9), l’Apôtre n’entend pas nier l’existence du péché avant le don de la Loi mosaïque[31]. Son propos est de souligner que cette Loi a décuplé à la fois la connaissance par l’homme de son péché et – de manière occasionnelle – le pouvoir destructeur dudit péché sur l’homme[32]. Ayant reçu la Loi, l’homme se découvre tôt ou tard pauvre, pécheur et incapable de « faire » le bien par ses seules forces. Après avoir pensé vivre ‘‘de lui-même’’, ignorant que sa mort était due au péché, l’homme découvre en dernière instance que le péché l’accable et le tue en se servant paradoxalement de la Loi même qui devait lui donner la vie[33].

Dans cette perspective, Paul enseigne que le rôle de la Loi est aussi et surtout d’apprendre à l’homme à se défaire de toute prétention ou suffisance, à implorer Dieu en toute humilité et à s’en remettre totalement à la grâce et à la miséricorde divines, dans la foi. Pour l’Apôtre, ce n’est pas par son propre effort ou par ses propres œuvres que l’homme peut accomplir la volonté de Dieu ou lui être agréable. Seule une pleine confiance dans le Seigneur et un entier abandon à sa grâce permettent à l’homme de vivre l’obéissance parfaite à la Loi et, par là-même, la communion d’amour avec Dieu et avec le prochain.

Ce thème – celui de la justification par la foi – est notamment abordé dans le chapitre 4 de l’épître aux Romains, consacré à la figure d’Abraham. « Quitte ton pays » (Gn 12,1) ; « Marche en ma présence et sois parfait » (Gn 17,1) ; « Prends ton fils […] offre-le en holocauste » (Gn 22,2), … L’obéissance d’Abraham à de tels commandements aurait-t-elle résulté de son seul effort personnel, lequel lui aurait fait « mériter » la faveur de Dieu et l’accès à sa gloire ? Paul répond qu’il n’en va pas ainsi (Rm 4, 1-8). Si Abraham peut être déclaré « juste » devant Dieu dans l’obéissance, c’est uniquement parce qu’il consent dans la foi à accueillir cette obéissance comme un pur don de la grâce divine[34]. S’étant librement détourné d’une suffisance illusoire, Abraham s’abandonne en toute confiance au Seigneur, qui lui ouvre dans la gratuité[35] et la joie son cœur miséricordieux.

Comme l’explique l’Apôtre (en Rm 4, 9-10), la béatitude d’être accueilli dans le sein miséricordieux du Seigneur[36] et d’y trouver son refuge[37] n’a pas lieu que chez les circoncis. Une telle béatitude est ouverte à tous, sans distinction entre Juifs et païens : « tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent » (Rm 10, 12). En Lui, la justice – effet de sa fidélité à l’homme – surabonde pour tout homme[38]. Ainsi Abraham a t-il pu être justifié sans avoir besoin de l’œuvre de la Loi qu’est la circoncision (Rm 4, 10)[39].

Ce qui est vrai pour la circoncision en particulier vaut de manière générale pour toutes les œuvres de la Loi. Ce n’est en effet « pas par la Loi que la promesse a été faite à Abraham ou à sa postérité d’avoir le monde en héritage »[40], mais c’est « par la justice de la foi » (Rm 4, 13). En choisissant Abraham comme « exemple type du croyant », Paul « choisit une figure antérieure à la Loi et à ses œuvres. Abraham, lorsqu’il devint juste, n’est pas sujet de la Loi.»[41]. Selon l’Apôtre, l’accomplissement de la promesse ne réside pas davantage dans la Loi que la formulation de cette promesse[42]. C’est en effet également par la justice de la foi qu’un tel accomplissement peut être accueilli – et que les saints « ont vaincu des royaumes »[43] .

Ceci revient-il à dire que la Loi n’a aucune valeur ? Non, au contraire. La Loi « prépare l’homme à reconnaître qu’il lui est impossible de se hausser à la hauteur de Dieu pour s’y ajuster » [44]. Elle « indique ce qu’il faut faire : aimer Dieu. Or cela ne peut advenir vraiment que dans la foi. La Loi a toute sa valeur et la foi, loin de la lui enlever, la manifeste »[45]. Cette manifestation, précise l’Apôtre, survient non pas « au-dehors » ou « selon la lettre », mais « intérieurement » et « selon l’esprit » (Rm 4, 28-29). Par la foi, tout homme qui « a dans l’affection du cœur les préceptes de la Loi »[46] peut atteindre par grâce l’obéissance parfaite, libre réponse d’amour à l’amour premier de Dieu. Selon ce mode intérieur, la Loi mosaïque, échappant à l’emprise du péché, cesse d’être travestie en loi de « mort » (Rm 8, 2) et manifeste sa vraie nature de loi de la vie, de la miséricorde, « de la foi » (Rm 3, 27) et « de l’Esprit » (Rm 8, 2)[47].

La foi ainsi annoncée par Paul apporte un élément de profonde nouveauté à l’Alliance établie par Dieu avec Israël. Les prophètes annonçaient déjà une Alliance nouvelle (cf. Jr 31, 33). Ils parlaient « d’une loi vivante qui sera inscrite par l’Esprit dans le cœur de l’homme, le transformant, lui donnant d’obéir par instinct, de l’intérieur » [48]. Ils entrevoyaient aussi obscurément « la figure courbée et humiliée qui, par sa souffrance innocente, rachètera la désobéissance du peuple ; un Serviteur en état d’obéissance continuelle ; ‘‘tous les matins, le Seigneur éveille son oreille’’ (Is 50, 4) »[49].

Ce Serviteur, explique Paul, est issu de la postérité d’Abraham qui, « espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18), confiant en la promesse de Dieu, a cru à la vie qui lui serait donnée. Dans une profonde unité entre sa vie et sa théologie, l’Apôtre annonce que le Serviteur qu’avaient entraperçu les prophètes n’est autre que Jésus, le Christ, notre Seigneur. Témoin de sa rencontre personnelle avec le Ressuscité sur le chemin de Damas, Paul réalise et brûle de faire savoir[50] que la promesse de vie reçue par Abraham se trouve « éclairée par le Christ qui en est l’objet »[51]. Quand l’Ecriture dit que « c’est à Abraham que les promesses ont été faites et à sa postérité », elle « ne dit pas : à ses postérités, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais à sa postérité, comme s’il s’agissait d’un seul, c’est-à-dire le Christ » (Ga 3, 16)[52]. En la personne de Jésus, Paul reconnaît et proclame la loi vivante et intérieure annoncée par les prophètes.

  1. Le Christ est la fin de la Loi ; en Lui nous confirmons la Loi

Paul, pour qui la seule possibilité d’être libéré du péché consiste à s’en remettre entièrement à la grâce de Dieu, nous invite à placer notre confiance en la personne de Jésus-Christ. Aussi est-ce à Jésus que s’adresse le cri d’action de grâce de l’Apôtre : « Grâces soient à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! » (Rm 7,25). En Jésus, l’homme peut affirmer avec Paul : « Je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur » (Rm 7, 22-23), car c’est dans le Christ Jésus que réside « la loi de l’Esprit qui donne la vie » (Rm 8, 2). Dans le Fils, « Dieu ne se lasse jamais de nous aimer comme un Père (…) dans le même mouvement où il nous donne la vie »[53] afin que le Fils « soit le premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29)[54].

Pour Paul, l’Alliance nouvelle, qui renouvelle jusqu’à « l’objet même de la foi », se réalise dans le Christ, « le Juste par excellence »[55]. En Jésus, la clef du drame humain nous est donnée. Son obéissance « dépasse l’immense cadre de l’histoire humaine et même de la création, pour s’enraciner dans l’acte éternel et mystérieux par lequel, dans l’intimité de Dieu, la Père dit sa Parole unique dans la lumière pure et, en retour, reçoit cette parole dans l’Amour pur » [56]. Tout, en Jésus, « est ordonné à la volonté de Dieu ; faire celle-ci est sa nourriture et sa vie. En conséquence, il se montre obéissant à tout ce qui incarne cette volonté : la loi juive, ses parents, les autorités, mais avec liberté »[57].

Telle est la clé du drame de l’humanité : face au péché, dont la Loi aide l’homme à prendre conscience et à se découvrir captif, « c’est l’inattendu du Christ qui survient dans l’histoire »[58]. En Jésus, « la justice est désormais manifestée » et, avec elle, la possibilité pour tous les hommes d’être libérés de l’emprise du péché en devenant fils adoptifs de Dieu le Père, par le Christ, dans l’Esprit saint[59]. La réalisation de cette possibilité, explique Paul, implique que l’homme pose librement un acte de confiance. Il s’agit de se laisser conduire dans l’Esprit « à un Dieu qui aime tous les hommes (Rm 3, 23) et qui n’exige rien de l’humanité pour lui donner son Fils »[60].

Par l’accueil de l’Esprit saint, l’homme peut enfin accéder à l’obéissance parfaite à la Loi dans le Christ. En sa personne, Jésus, notre Seigneur, réalise – et nous donne de vivre en communion avec Lui – l’union à Dieu à laquelle la Loi devait ultimement mener. C’est en ce sens que Paul peut dire du Christ qu’il est « la fin de la Loi pour la justification de tout croyant » (Rm 10, 4). Si la Loi a bien été donnée par Dieu aux hommes en vue de les rendre justes, c’était pour que cette justice survienne non par leur propre observance[61] mais par et dans la personne de Jésus-Christ[62]. L’avènement de Jésus constitue en ce sens l’aboutissement ultime de la Loi et offre à l’humanité la joie d’être libérée du péché dans une Alliance nouvelle avec Dieu.

Est-ce à dire que nous abolissons la Loi en accueillant Jésus dans la foi ? « Loin de là », répond l’Apôtre en Rm 3, 31[63]. Au contraire, poursuit-il, nous confirmons et nous établissons la Loi par la foi – comme le confirme par ailleurs l’Evangile selon Matthieu : « Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir»[64]. Et ceci quant aux préceptes cérémoniels qui, « n’étant que figuratifs, ont été établis et accomplis parce que la vérité qu’ils signifiaient est manifestée dans la foi du Christ »[65] ; et même quant aux préceptes moraux, « parce que la foi du Christ confère le secours de la grâce pour accomplir les préceptes moraux de la Loi, et ajoute aussi des conseils, au moyen desquels ces préceptes sont conservés avec plus de sûreté et de stabilité»[66]. Loin d’abolir la Loi, le Christ la déploie donc pleinement en nous, nous donnant accès par la foi à ce que nous ne pouvions faire par nous-mêmes (voir Rm 5, 12-21) : aimer[67].

Pour l’Apôtre, accueillir Jésus dans la foi et être justifié par cette foi revient à recevoir la « rédemption accomplie dans le Christ Jésus » (Rm 3, 24). Cette rédemption, explique Paul, n’est autre que la victoire définitive sur le péché et sur la mort remportée par Jésus sur la croix et rendue accessible à tous par la foi venue de son précieux sang versé pour nous (Rm 3, 25)[68]. Par sa mort sur la croix, Jésus révèle l’amour miséricordieux du Père « pour toute l’humanité, celle qui le précède comme celle qui vient après lui »[69]. Obéissant jusqu’à la mort, et la mort ignominieuse de la croix (Phi 2, 8), Jésus « montre à quel point, en tant qu’homme, il est possible » non seulement de « croire que Dieu mérite d’être aimé infiniment »[70] mais aussi d’aimer infiniment l’homme en Dieu. Le Fils de Dieu, en se donnant par amour sur la croix, libère l’homme du péché et, par là-même, « réconcilie Dieu et les hommes, et les hommes entre eux. La croix est le lieu par excellence où se révèle l’unique médiation du Christ qui met en communion avec Dieu »[71]. Puisque l’humanité ne peut, par ses seules forces, aimer « jusqu’au bout » (Jn 13, 1) selon la volonté divine, Jésus le fait « pour nous et à notre place »[72], exprimant ainsi la surabondance de l’amour de Dieu[73].

En Jésus disparait également le danger que la Loi soit « détachée de son Auteur divin et érigée en absolu comme une fin en soi, au lieu d’être regardée comme un moyen pour Dieu d’entrer en relation avec l’homme ».[74] Par le Christ, la Loi n’est en effet plus extérieure mais radicalemet intérieure à l’homme, ouvrant à ce dernier la possibilité de devenir fils adoptif du Père, dans l’Esprit saint. A cet égard, on ne redira jamais assez « quel prodige représente aux yeux de l’Apôtre cette merveille propre à l’ère ouverte par le Christ : l’Esprit Saint présent dans les cœurs », faisant que les chrétiens, fils adoptifs de Dieu, peuvent regarder le Père céleste « avec les sentiments de confiance et d’amour et comme avec les yeux du Fils de Dieu incarné (cf. Rm 8, 15 ; Ga 4, 6) »[75].

Comme l’explique Paul, la mort et la résurrection du Christ s’appliquent à tout homme au moyen de la foi (Rm 1, 16)[76]. Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu se trouvent en effet incorporés au Christ crucifié, mort[77] et ressuscité, devenant avec Lui fils de Dieu et héritiers de la vie éternelle (Rm 8, 14.17)[78]. Ni la persécution, ni l’angoisse, ni la mort, « rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur », peut donc affirmer l’Apôtre en Rm 8, 39. En nous donnant sa vie, le Christ nous donne accès à l’union à Dieu, au cœur même de la Trinité. Configuré au Ressuscité, rempli de l’Esprit saint, Paul appartient au Christ, ne fait plus qu’un avec Lui : « Par la Loi, je suis mort à la Loi afin de vivre pour Dieu ; avec le Christ, je suis crucifié[79].  Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. »  (Ga 2, 19-20a). Vraiment, c’est d’une bonne nouvelle et d’un monde tout nouveau que Paul rend témoignage. Dans sa rencontre personnelle avec le Christ Ressuscité, Paul a trouvé la joie que son cœur cherchait.

Conclusion

 

Au moment de conclure cette étude, il apparaît que la Loi mosaïque occupe de toute évidence une place de premier plan dans la vie et dans la théologie de Paul. Après sa rencontre décisive avec le Ressuscité sur le chemin de Damas (Ac 9, 3s.), le persécuteur devenu Apôtre s’est trouvé amené à éclairer la tradition juive dont il était l’héritier à la lumière pascale du Christ. Cet éclairage a eu pour fruit un renouvellement en profondeur de la conception paulinienne de la Loi.

Dans une entière fidélité à son héritage juif, Paul considère la Loi comme un don de Dieu. A ses yeux, l’homme – Israélite ou non – ne peut en aucun cas accéder à l’obéissance parfaite à cette Loi par son propre effort, en raison du péché (1). Ce dernier et sa puissance destructrice ne peuvent être évités au moyen de la Loi. Le péché tire même occasion de cette dernière pour se déchaîner avec un surcroît de vigueur. Selon Paul, le vrai rôle de la Loi est précisément d’enseigner à l’homme son impuissance face au péché et de l’amener à ne s’en remettre qu’à la grâce de Dieu (2). Cette grâce, précise l’apôtre, est donnée de manière décisive à tout homme qui accueille dans la foi l’amour miséricordieux de Dieu en la personne de Jésus, le Christ, notre Seigneur. Par son obéissance parfaite aux commandements divins jusqu’à la mort de la croix, Jésus ouvre à l’humanité le chemin d’une Alliance d’amour, nouvelle et éternelle. Au sein de cette Alliance, les commandements divins se trouvent inscrits par l’Esprit saint dans le cœur de tout homme, devenu fils adoptif de Dieu dans la foi (3).

Sous le mode radicalement intérieur proposé par Paul à la lumière du Christ ressuscité, l’obéissance à la Loi devient ouverture absolue du cœur à Dieu dans l’amour et la joie, sous l’impulsion de l’Esprit saint. Il s’agit de « renoncer à être le Créateur, pour être Fils, parole et louange du Père, dans son être même » ; « Participation à la liberté de Dieu. Souplesse sans entraves de la pauvreté » ; « Communion »[80].  Où en trouver l’illustration concrète ? Dans « le silence fécond de Marie, dans son fiat. Dans le Christ. En lui, il n’y a que oui (cf. 2 Co 1, 19) »[81].

Olivier Van der Noot

 

Bibliographie

 

Barth, Karl. L’épître aux Romains, Genève, Labor et fides, éd. 1972.

 

Burnet, Régis. Paul, bretteur de l’Evangile, pauldetarse.free.fr/Paul.pdf, consulté le 26 janvier 2020.

 

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[1] Le choix d’accorder en ces lignes une attention particulière à l’épître aux Romains plutôt, notamment, qu’à l’épître aux Galates, tient au fait que cette dernière ne reflète pas « la totalité et la vérité de la pensée de Paul sur [la] Loi » (H. Ponsot, Cours d’initiation à Saint Paul, Université Domuni, étape 5, p. 3). La perspective de l’épître aux Galates sur le thème de la Loi mosaïque « n’est pas fausse pour autant, elle est seulement très unilatérale, et la rédaction de la lettre aux Romains, dans un contexte beaucoup plus paisible, permettra des propos plus équilibrés » (H. Ponsot, Ibidem).

[2] Un Chartreux, « L’obéissance dans la Bible », La liberté de l’obéissance, Paris, Presses de la Renaissance, rééd. 2017, p. 17. Voir également E.P. Sanders, Paul and Palestinian Judaism, A Comparison of Patterns of Religion, Philadelphie, Fortress Press, 1977, p. 180 – traduction libre : « Dieu a choisi Israël et Israël a accepté l’élection. Dans son rôle de Roi, Dieu a donné à Israël des commandements auxquels il doit obéir du mieux qu’il le peut. L’obéissance est récompensée, et la désobéissance punie. Dans le cas d’un échec à obéir néanmoins, l’homme a recours aux moyens de réparation divinement donnés, qui incluent tous la repentance ».

[3] Un Chartreux, Ibidem.

[4] Ibidem. Voir également Ba 2, 27-28 : « Tu as agi envers nous selon ton entière bienveillance et ton immense tendresse, Seigneur notre Dieu, comme tu l’avais déclaré par ton serviteur Moïse, le jour où tu lui ordonnas de mettre par écrit ta Loi en présence des fils d’Israël (…) ».

[5] Sans doute s’agit-il de « l’évènement le plus important de la vie de Paul, un évènement capital pour le futur du christianisme. Paul sans Damas n’a pas le rang d’apôtre : constamment, sans relâche, il se servira de cet évènement pour justifier son autorité, s’égaler au rang des ‘‘autres’’, ces Pierre, Jacques, Jean, qui avaient connu le Seigneur » durant de sa vie terrestre (R. Burnet, Paul, bretteur de l’Evangile, pauldetarse.free.fr/Paul.pdf, consulté le 26 janvier 2020). Avant Damas, Paul faisait partie des « pharisiens zélés, disons ‘‘engagés’’, de son temps : (…) il est incontestable qu’il a compté parmi les persécuteurs des chrétiens et qu’il avait reçu mission à cet effet » (H. Ponsot, Cours d’initiation à Saint Paul, Université Domuni, étape 5, p. 4 ; voir aussi Phi 3, 5s.). Comme le souligne H. Ponsot à travers toute son Introduction à la lettre aux Romains (Paris, Cerf, 1988), « Paul reste après sa ‘‘conversion’’ soucieux de ne rien renier de ses convictions juives et de son héritage rabbinique » (voir not. l’avant-propos et la quatrième de couverture de l’ouvrage). Simplement – et comme nous le verrons dans la troisième partie de cette étude –, sa rencontre avec le Christ éclaire et renouvelle en profondeur ces convictions et cet héritage à la lumière de Pâques.

[6] C. Reynier, Pour lire la lettre de saint Paul aux Romains, Paris, Cerf, 2011, p. 72.

[7] Ibidem.

[8] Voir notamment en ce sens (mais à propos de Rm 4, 13) par Saint Thomas d’Aquin, Commentaire de l’épître aux Romains, Paris, Cerf, éd. 1999, p. 196, § 351 in fine.

[9] Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, p. 158, §249.

[10] A cette série de privilèges, l’Apôtre ajoute, de manière décisive, que c’est d’Israël qu’ « est issu le Christ selon la chair, lui qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans les siècles. Amen » (Rm 9, 5). Sur la place centrale du Christ dans la conception paulinienne de la Loi, voir la troisième partie de cette étude.

[11] Comme le relève saint Thomas d’Aquin à propos de Rm 3, 2 (op. cit., p. 158, §250), les Juifs sont principalement avantagés en ce que les jugements de Dieu leurs sont confiés « comme à des amis : ‘‘ Je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître’’ (Jn 15, 15b). Et cela est considérable, parce que les jugements de Dieu sont honorables : ‘‘ Les jugements du Seigneur sont vrais, équitables par eux-mêmes’’ (Ps 18, 10). Ils sont délectables : ‘‘Que tes jugements sont doux à mon palais’’ (Ps 118, 103) » ; « Bienheureux l’homme que toi, tu auras instruit, Seigneur, et à qui tu auras enseigné ta Loi, afin que tu lui accordes quelque douceur dans les jours mauvais » (Ps 93, 12-13).

[12] Voir Rm 3, 23 : « Alors, y a-t-il de quoi s’enorgueillir ? Pas du tout. (…) ».

[13] Voir Rm 3, 9a : « Quoi donc ? L’emportons-nous donc sur eux ? Nullement. ».

[14]  Voir déjà Ps 130, 1-3 : « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, un petit enfant contre sa mère. Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais ».

[15] Voir Rm 3, 9b.

[16] Paul mobilise ici plusieurs références – Ps 14, 1-3 ; Ps 5,10 ; Ps 140, 4 ; Ps 10, 7 ; Ps 36, 2 ; ou encore Is 59, 7-8. A ce sujet, voir not. K. Barth, L’épître aux Romains, Genève, Labor et fides, éd. 1972, p. 185.

[17] Un Chartreux, op. cit., p. 17.

[18] Voir en ce sens C. Reynier, op. cit., p. 73 et 74. Selon cet auteur, Rm 7, 14-17 décrirait plutôt la situation du croyant d’origine juive, tandis que Rm 7, 18-20, en raison d’un arrière-fond grec indiqué par un vocabulaire moral (notions de bien et de mal) et une absence de mention de la Loi, renverrait davantage à la situation du croyant issu du paganisme.

[19] Comme le relèvent plusieurs commentateurs, cette expérience du péché commune à tous les hommes (Rm 3, 23) est déjà celle, dite ‘‘originelle’’, que fit Adam au jardin d’Eden – antérieurement, donc, au don et à la réception de la Loi mosaïque. Ce n’est pas en méconnaissant cette dernière qu’Adam s’est détourné de l’obéissance à Dieu, mais bien en outrepassant le précepte de Gn 2,17, dans lequel il est toutefois permis de voir une préfiguration la Loi donnée au Sinaï. Voir à cet égard H. Ponsot, Cours d’initiation à Saint Paul, Université Domuni, étape 5, p. 7 ; S. Lyonnet, « L’histoire du Salut selon le chapitre 7 de l’épître aux Romains », Biblica, n°43, 1962, p. 114-151; saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 274, §555.

[20] Voir également Rm 7, 9b : « quand est venu le commandement, le péché a repris vie ».

[21] A ce propos, voir aussi H. Urs von Balthasar, La dramatique divine. II. Les personnes du drame. 2. Les personnes dans le Christ, Namur, Culture et Vérité, 1988, p. 305 et s.

[22] Voir not. Ba 2, 30a : « Oui, je sais bien qu’ils ne m’écouteront pas, car c’est un peuple à la nuque raide ». Adde à cet égard Ex 32, 9 ; Ex 34, 9.

[23] Cité par saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 268, §533.

[24] C. Reynier, op. cit., p. 71. Comme le relève dans le même sens E.P. Sanders (op. cit., p. 180 – traduction libre), Israël, « aussi longtemps qu’il maintient son désir de rester dans l’Alliance » établie par le don et la réception de la Loi mosaïque, « a part aux promesses données par Dieu dans cette alliance, en particulier la vie dans le monde à venir ».

[25] Voir Pr 8, 15 : « Par moi les rois règnent, et les législateurs décrètent des choses justes ».

[26] Voir Is 10, 1 : « Malheur à ceux qui établissent des lois iniques ».

[27] Voir en ce sens saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 269, §537.

[28] Ibidem.

[29] Comme le souligne Paul, la Loi ne demande en définitive rien d’autre que d’aimer – aimer Dieu et, en lui, le prochain. A propos de l’amour du prochain, voir ainsi Rm 13, 9: « La Loi dit : tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

[30] C. Reynier, op. cit., p. 71 et 72.

[31] Voir en ce sens saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 272, §545, rappelant avec Paul (en Rm 5, 12) que « par un seul homme le péché est entré dans ce monde » avant la Loi.

[32] Voir à ce dernier égard saint Thomas d’Aquin, Ibidem, § 547: « la Loi ayant été donnée, la puissance du péché a été occasionnellement augmentée : ‘‘La puissance du péché, c’est la Loi’’ (1 Co 15, 56) ».

[33] Tel est le sens de l’exclamation de Paul en Rm 7, 10-11 : « Et moi je suis mort, et il s’est trouvé que le commandement qui m’était donné pour la vie l’a été pour la mort. Car le péché, prenant l’occasion, m’a séduit à travers le commandement, et par lui m’a tué ». Dans le péché, la vie n’a plus de vie que le nom : « Tu as le nom de vivant, mais tu es mort » (Ap 3,1 cité par Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, §546).

[34] Voir not. Rm 4,2 (« Or, que dit l’écriture ? ‘‘Abraham crut à Dieu, et ce lui fut imputé à justice’’) – citant Gn 15,6. Voir aussi Rm 4,5 : « à celui (…) qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est imputée à justice, selon le décret de la grâce de Dieu » – non cependant de telle manière qu’il mérite la justice par la foi, « mais parce que le fait même de croire est le premier acte de cette justice que Dieu opère en lui. Car du fait qu’il croit en Dieu qui justifie, il se soumet à sa justification et en reçoit ainsi l’effet » (Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, op. cit., p. 189, §331).

[35] Comme le remarque C. Reynier (op. cit., p. 45), « La justice accordée à Abraham est purement gratuite. Elle n’est pas un dû comme le salaire versé en contrepartie d’un travail. Celui qui croit ne peut être comparé à un travailleur qui mérite salaire (Rm 4,4). Abraham n’obtient pas une récompense qui serait méritée par son obéissance ou par des œuvres de la Loi qu’il aurait accomplies – d’ailleurs, au temps d’Abraham, la Loi n’est pas encore donnée. Il est déclaré ‘‘juste’’ en raison de la confiance absolue qu’il a eue envers Dieu ».

[36] Cette béatitude est notamment proclamée en Rm 4, 7-8 (où Paul commente le Ps 32, 1-2): « Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a pas imputé de péché ».

[37] Ps 90, 9: « Oui, le Seigneur est ton refuge ; tu as fait du Très-Haut ta forteresse ».

[38] C. Reynier, op. cit., p. 45. Voir aussi K. Barth, op. cit., p. 125 : « la déclaration de bonheur concernant l’homme pieux (Rm 4, 4-8) vaut, en vérité aussi, et déjà, pour celui qui ne l’est pas encore (4,9)».

[39] Comme l’explique Saint Thomas d’Aquin (op. cit., p. 191, § 340), on lit en effet « au chapitre 15 de la Genèse que la foi a été imputée à justice à Abraham (Gn 15, 6), et au chapitre 17 qu’il reçut le précepte de la circoncision (Gn 17, 23-26). Si donc Abraham, étant encore incirconcis, a été justifié par la foi, il est évident que la justice de la foi, par laquelle sont remis gratuitement les péchés, se trouve non seulement en l’état de circoncision, mais aussi en l’état d’incirconcision, c’est-à-dire chez les nations païennes ».

[40] De sorte que toutes les nations du monde soient bénies en lui – « En toi seront bénies toutes les nations de la terre » (Gn 12, 3).

[41] C. Reynier, op. cit., p. 46.

[42] Voir en ce sens Saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 196, §352, s’appuyant sur He 7, 19 : « La Loi n’a rien amené à la perfection».

[43] He 11, 33, cité par Saint Thomas d’Aquin, Ibidem, §353.

[44] C. Reynier, op. cit., p. 44

[45] Ibidem.

[46] Saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 154, § 244.

[47] A ce sujet, voir H. Ponsot, Introduction à la lettre aux Romains, op. cit., p. 125.

[48] Un Chartreux, « L’obéissance dans la Bible », op. cit., p. 18. Voir aussi Ez 36, 27 : « Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles ».

[49] Ibidem.

[50] Voir 1 Co 9, 16 : « Si j’annonce l’Evangile, ce n’est pas pour moi un sujet de gloire, car la nécessité m’en est imposée, et malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! ».

[51] C. Reynier, op. cit., p. 46-47

[52] C’est nous qui soulignons.

[53] C. Reynier, op. cit., p. 75.

[54] Comme le souligne H. Urs von Balthasar, le « ‘‘lieu’’ auquel les rachetés sont appelés et où ils sont placés dans l’obéissance de la foi, est Jésus-Christ lui-même. En lui, ils sont ‘‘un’’ (Ga 3,28) ; et l’unité de l’Eglise » – c’est nous qui soulignons – « n’est autre que la reconnaissance et l’accomplissement de cette unité donnée à l’avance dans le Christ. L’unité du ‘‘corps’’ provient de l’unité de la ‘‘tête’’ qui se déploie dans les membres et ramène à soi leur multiplicité (Ep 4, 10-16). De même, ‘‘ l’Esprit ‘’ qui anime le corps lui est donné d’avance en tant qu’Esprit de la tête et, au-delà de l’unité présente, il vise une unité eschatologique, aperçue seulement ‘‘en espérance’’ (Ep 4,4) » (La gloire et la croix. 5. Théologie. Nouvelle Alliance, Paris, Cerf, éd. 1990, p. 388).

[55] C. Reynier, op. cit, p. 43.

[56] Un Chartreux, « L’obéissance dans la Bible », op. cit., p. 18.

[57] Ibidem.

[58] Ibidem, p. 19.

[59] C. Reynier, op. cit., p. 42.

[60] Ibidem.

[61] Voir He 7, 19 : « la Loi n’a amené personne à la perfection ».

[62] Pour dire que la Loi nous oriente vers le Christ, Paul en parle comme d’un pédagogue (voir ainsi Ga 3, 24 : « la Loi fut notre pédagogue dans le Christ pour que nous soyons justifiés par la foi »).

[63] Voir aussi Mt 5, 18, cité par saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 183, § 321 : « Car je vous le dis en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé ».

[64] Mt 5, 17, cité par saint Thomas d’Aquin, Ibidem.

[65] saint Thomas d’Aquin, Ibidem.

[66] Ibidem.

[67] Comme le rappelle l’Apôtre en Rm 13, 8.10,  « celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi » ; « le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour » – de Dieu et, en Dieu, du prochain. S. Lyonnet observe en ce sens que « le ‘‘précepte’’ reste pour le chrétien une ‘‘norme d’action’’ – la vraie norme étant d’ailleurs plus encore l’exemple même du Christ et en particulier de son amour – ; mais ce qui me fait chrétien et me ‘‘sauve’’, ce n’est pas une observation qui serait purement humaine de cette norme ; c’est l’amour même dont aime le Christ, et dont il me fait part si je l’accueille par la foi. » (« La charité plénitude de la loi. Rom 13, 8-10 », Etudes sur l’Epître aux Romains, Rome, Editrice pontifico istituto biblico, 1989, p. 320). Force est de remarquer que ces conceptions pauliniennes fondamentales se rapprochent, notamment et à leur façon, de celles offertes par le quatrième Evangile.

[68] saint Thomas d’Aquin, op. cit., p. 177, §309. Voir aussi 1 P 3, 18 : « Le Christ lui-même est mort une fois pour nos péchés, juste pour des injustes, afin de nous offrir à Dieu, mis à mort selon la chair, mais vivifié selon l’Esprit».

[69] C. Reynier, op. cit., p. 44. Voir dans le même sens saint Thomas d’Aquin, Ibidem, p. 178, § 310

[70] C. Reynier, Ibidem, p. 43.

[71] Ibidem, p. 44.

[72] Ibidem, p. 42.

[73] Pour une mise en lumière de la façon dont cette surabondance se trouve exprimée sur la croix, voy. Ibidem, p. 43: « la croix exprime ce que nous pensons de Dieu : Dieu est si grand que l’homme ne peut le comprendre et qu’il le rejette. Elle dit aussi ce que Dieu fait pour nous : il nous aime jusqu’à nous pardonner de vouloir l’éliminer. Bien plus, il nous met en communion avec lui ».

[74] A. Feuillet, « Loi ancienne et morale chrétienne d’après l’épître aux Romains », Nouvelle revue théologique, 1970, p. 792.

[75] Ibidem, p. 803.

[76] Dans la perspective paulinienne, cette incorporation au Christ mort et ressuscité se réalise également par le baptême (voir ainsi Rm 6,4).

[77] Comme l’explique saint Thomas d’Aquin (op. cit., p. 177-178, § 309), la « mort du Christ nous est appliquée au moyen de la foi, par laquelle nous croyons que par sa mort il a racheté le monde : ‘‘Je vis en la foi du Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est lui-même livré pour moi’’ (Ga 2, 20) ».

[78] Voir aussi Rm 8, 11 : « si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts » – c’est-à-dire Dieu le Père – « donnera aussi la vie à vos corps mortels par son esprit qui habite en vous ».

[79] Sur cette union d’amour au Christ crucifié, voir Phi 3, 10 (« Ce que je veux, c’est le connaître, lui, le Christ, et la communion à ses souffrances et la conformité à sa mort ») ; voir aussi Mt 16, 24 (« Alors Jésus dit à ses disciples : ‘‘si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ») ou encore Jn 15, 13 («Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »). On citera aussi à ce sujet ces mots de sainte Elisabeth de la Trinité : « O mon Christ aimé, crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre cœur ; je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer… jusqu’à en mourir ! Mais je sens mon impuissance, et je vous demande de me revêtir de vous-même, d’identifier mon âme à tous les mouvements de votre âme, de me submerger, de m’envahir, de vous substituer à moi, afin que ma vie ne soit qu’un rayonnement de votre vie… une humanité de surcroît  » (cité par H. Urs von Balthasar, Elisabeth de la Trinité et sa mission spirituelle, Paris, Seuil, rééd. 1990, p. 163).

[80] Un chartreux, op. cit., « L’obéissance contemplative », p. 132 et 133.

[81] Ibidem, p. 133.