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« Chercheurs de Dieu » Prédication pour la fête de l’Épiphanie 2023 par Fr Manuel Rivero O. P.

« Chercheurs de Dieu »

Prédication pour la fête de l’Épiphanie 2023.

Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, les 7-8 janvier 2023.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Introduction à la messe

Dans la lumière de Noël, nous célébrons l’Épiphanie, mot grec qui veut dire manifestation. « Le Verbe est la lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde » », nous enseigne le Prologue de saint Jean. Lumière universelle, amour catholique du Verbe pour toutes les nations.

En entrant dans notre eucharistie, rendons grâce au Seigneur pour la lumière du Verbe qui nous éclaire personnellement, et demandons pardon si nous avons pensé que cette lumière n’était pas catholique, universelle, voulue par le Verbe pour l’humanité entière.

Homélie

« Qu’est-ce que la vérité ? », s’est exclamé Pilate devant Jésus qui vient de lui déclarer : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » (Jn 18,37).

Des philosophes comme Aristote ou saint Thomas d’Aquin définissent la vérité comme l’ajustement de la chose avec le concept produit par l’intellect : «Adaequatio rei et intellectus ». Entre la réalité et la compréhension intérieure existe alors harmonie et correspondance. L’objet devient alors présent dans l’esprit de la personne tel qu’il est, sans erreur. Par exemple, je regarde la place de la cathédrale et je dis : « Au milieu de la place, il y a une fontaine ». Mon propos est vrai car la fontaine de la place est comprise par mon intelligence comme étant une fontaine et non une voiture.

Chacun de nous est ainsi habité par des images et des mots ou des définitions qui les représentent. La réalité découverte devient présente en nous. Ceci est vrai de ce que nous voyons ou entendons, de ce que nous étudions ou apprenons. Plus nos connaissances grandissent et plus les réalités analysées prennent place dans notre esprit. Un scientifique ou un technicien voient plus et mieux qu’une personne ignorante dans tel ou tel domaine.

Il en va de même dans la connaissance de Dieu. Dieu devient présent en nous : Créateur à travers sa création ; Sauveur dans sa révélation biblique ; Amour dans les sacrements.

 

Les mages d’Orient décrits dans l’évangile selon saint Matthieu ont cherché la vérité en étudiant les étoiles et les documents de la sagesse. Ils ont cherché en quittant leurs pays et ils ont trouvé. Éclairés par l’Esprit Saint, les rois mages ont adoré l’Enfant Jésus de la crèche de Bethléem, en se prosternant devant lui. Ils ont ouvert leurs cœurs et leurs coffrets qui contenaient de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Comme à Jacob et à Joseph, l’époux de Marie, Dieu a instruit les mages en songe sur les paroles trompeuses d’Hérode qui désirait la mort du Messie.

Dieu veut que nous le cherchions, non pas pour nous faire souffrir dans l’attente, mais afin d’élargir la capacité de notre cœur à recevoir la sagesse et la grâce divine.

Chesterton, l’écrivain catholique anglais, aimait à déclarer : « Quand on entre dans une église, il nous est demandé d’enlever le chapeau pas la tête ». Il y a une intelligence de la Vérité sur Dieu et sur l’homme qui relève du don de l’Esprit Saint, Esprit de sagesse et de discernement.

Le Pape Benoît XVI n’a pas hésité à dire que le fondamentalisme est un péché contre l’intelligence. Dieu est grand. La connaissance de Dieu ne cesse de progresser au cours de l’histoire. Nous connaissons mieux Dieu aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. « Dieu nous a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité », avait déclaré le père Marie-Joseph Lagrange en inaugurant l’École pratique d’études bibliques de Jérusalem le 15 novembre 1890. Et, en commentant la parole de Jésus dans l’évangile selon saint Jean : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », le père Lagrange n’hésite pas à préciser que cette vérité de Jésus est en marche, en chemin, en progrès. Aussi avons-nous à demander au Seigneur l’intelligence des Écritures, de la création et de la personne humaine. La réalité dépasse ce que nos yeux voient et ce que nos concepts définissent.

À l’exemple de Jésus, les chrétiens cherchent et vivent la vérité en dialogue. Le bienheureux frère dominicain, évêque d’Oran, martyr, Pierre Claverie, exhortait les fidèles à aller plus loin que la tolérance envers ceux qui ne pensent pas comme nous. Il écrivait : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Mgr Pierre Claverie O.P. n’était pas syncrétiste ni relativiste mais il croyait à l’enseignement du Prologue de saint Jean qui nous révèle l’amour du Verbe pour tout homme : « Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme » (Jn 1,9). Le dialogue des chrétiens repose sur ce fondement, loin de toute « soupe religieuse réunionnaise » ou d’une « macédoine » de croyances.

Saint Thomas d’Aquin (+1274) enseigne qu’en rigueur de termes la Vérité n’existe qu’en Dieu seul. En effet, nous appelons des vérités des découvertes scientifiques appelées à être dépassées dans le temps. Pour la foi chrétienne, la Vérité est une personne : Jésus le Christ.

Il y a un autisme cérébral. L’autiste peut être intelligent et artiste mais il évolue dans son univers à lui. Il peut y avoir aussi un autisme spirituel où le croyant se replie sur lui-même, sur ses préjugés et ses habitudes, sur son monde à lui, en évitant la relation avec autrui, sans acceptation de l’altérité.

Saint Matthieu nous a parlé de la joie des Rois mages quand ils virent l’étoile s’arrêter au-dessus de la crèche de Bethléem où se trouvait l’Enfant Jésus avec Marie, sa mère.

Puissions-nous partager cette joie dans l’adoration de Jésus, Dieu-Vérité, Vérité de Dieu.




« Benoît XVI, un grand Pape, un humble serviteur » – Homélie de Mgr Gilbert AUBRY, incluant le Testament spirituel de Benoît XVI (5/01/2023)

A l’occasion de la messe de Requiem pour le Pape Benoît XVI célébrée en la cathédrale de Saint Denis ce jeudi 5 janvier à 18h 00, notre Evêque, Mgr Gilbert AUBRY a écrit : « J’ai travaillé mon homélie de façon à faire apparaître sa personnalité et son apport à l’ensemble de l’Eglise. Nous vivons concrètement l’Histoire de l’Eglise dans la Tradition des Apôtres à travers de tels évènements. »

Si vous désirez accéder à cette homélie, qui contient également le Testament Spirituel de Benoït XVI, il suffit de cliquer sur le lien suivant :

Messe requiem Pape Benoît XVI 2023




« FRÈRE SCUBILION, l’esclave des esclaves. » Homélie de Mgr Gilbert AUBRY (20/12/2022)

Evangile selon St Marc 10,35-45 :  Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous. »

Il leur dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? »

Ils lui répondirent : « Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. »

Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisé du baptême dans lequel je vais être plongé ? »

Ils lui dirent : « Nous le pouvons. » Jésus leur dit : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé.

Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. »

Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean.

Jésus les appela et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir.

Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur.

Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

L’Evangile de Marc qui vient d’être proclamé (Mc 10, 35 – 45) nous montre deux disciples de Jésus, Jacques et Jean qui cheminent avec Jésus en montant vers Jérusalem. Ils admirent Jésus, mais leur amour pour Jésus n’est pas désintéressé. Oui, Jésus a fait des miracles, il a guéri des malades, des lépreux, il a chassé des démons et il a changé l’eau en vin aux noces de Cana. C’était la fête. Alors ce serait formidable d’être toujours avec Jésus, bien à ses côtés, dans son Royaume, un à droite et l’autre à gauche aux places d’honneur. D’autant plus que ces deux fils de Zébédée étaient les enfants de Salomé, une des femmes qui faisait partie du groupe de femmes qui accompagnaient Jésus dans ses déplacements.

Servir

Mais Jésus tout en étant attentif à ses disciples était juste et ne pouvait favoriser personne. Surtout qu’il venait d’annoncer explicitement sa passion, sa mort et sa résurrection. Jésus venait de dire « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens, ils se moqueront de lui, ils cracheront sur lui, ils le flagelleront, ils le tueront, t trois jours après il ressuscitera » (Mc 10, 33)

Vraiment, la demande de Jacques, de Jean est déplacée. Ils sont alors victimes de l’esprit du monde et ne sont pas en communion avec Jésus. Aussi, Jésus va faire l’éducation de ces deux disciples inconscients évidemment de ce qui va arriver plus tard : «Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? Et être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? » Ils disent oui… sans comprendre le sens profond de la question de Jésus. Alors « les dix autres disciples qui avaient entendu se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean ». Les dix autres devaient penser : ils se prennent pour qui ces deux là ? Et nous alors ? Et pourquoi faire cette demande à Jésus qui leur avait posé la question : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? »

Jésus est pédagogue. Il est fidèle à lui-même pour accomplir la volonté du Père : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il prenne sa croix et me suive… « Le disciple n’est pas plus grand que le Maître, ni un envoyé plus grand que celui l’envoie » (Jean 13, 16). Alors, Jésus va donner à Jacques, à Jean et à tous les disciples les paroles qui résument toute sa mission : « Car le Fils de l’Homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10, 45).

Et au dernier repas, pour donner l’exemple du service que doit remplir toute l’Eglise pour l’humanité, Jésus fera un travail d’esclave, il prend un tablier, une bassine avec de l’eau, va laver les pieds de ses disciples et à les essuyer ensuite avec le tablier. Jésus dit alors : « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? Vous m’appelez Maître et Seigneur et vous le dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous faites-le vous aussi » (Jn 13, 13 – 15).

 

…Mais comment servir Dieu ?

Maintenant allons regarder la vie du frère Scubilion à la lumière de la méditation que nous venons de faire sur le devoir de servir. Frère Scubilion n’a pas été frère Scubilion tout de suite, à sa naissance. Evidemment ! Il est né en 1797 dans une famille très chrétienne, tout près de Tharoiseau dans l’Yonne. N’oublions pas que la Révolution française s’est déclenchée en 1790 et qu’elle a été suivie par la terreur. L’Eglise a été malmenée, il y a eu des martyrs. La famille est restée fidèle au pape. Elle accueillait de temps en temps un prêtre qui disait la messe en cachette. Le tout jeune Jean Bernard Rousseau a été marqué par ce que ses parents ont vécu et raconté. Ensuite, quand le climat s’est détendu, les processions dans le village et les pèlerinages vers la basilique de Vézelay ont pu reprendre. La famille de Jean Bernard est pauvre, le papa est tailleur de pierres. Le curé de Tharoiseau repère l’âme d’élite qui anime la générosité du jeune homme. Il le prend comme instituteur de l’école paroissiale. Il est travaillé par la question de comment servir Dieu. Devenir prêtre ? Il ne se sent pas capable.

Après l’école du village, il va devenir instituteur à Auxerre dans l’école des Frères des Ecoles Chrétiennes. C’est là, à fréquenter les frères qu’il trouve sa voie. En 1822, il a 25 ans, il devient novice et va prononcer ses premiers vœux en prenant le nom de Scubilion. Scubilion est un moine du VIème siècle qui vivait dans le Poitou. En 1827 il prononce ses vœux perpétuels. Nommé à Alençon il est intendant de la communauté et s’occupe de toutes les questions matérielles. Puis il est nommé comme enseignant à Poitiers où il met en pratique les enseignements pédagogiques de saint Jean-Baptiste de la Salle : l’enfant doit être au centre de toutes les préoccupations, les enfants doivent travailler en équipe et se soutenir les uns les autres.

En 1833, ses supérieurs l’envoient à Bourbon qui devait devenir ensuite La Réunion. Le bateau quitte Bordeaux le 20 avril et arrive le 14 juillet, presque 4 mois de navigation en passant par le cap de Bonne Espérance. Il arrive dans une période où l’esclavage n’est pas encore aboli. Il le sera en 1848. La proclamation par Sarda Garriga, commissaire de la République, ne se fera que le 20 décembre. Dès son arrivée, le frère Scubilion est lancé dans une mission d’éducation en proximité avec les esclaves. Il se fait « l’esclave des esclaves. Il rencontre aussi des propriétaires d’esclaves dont beaucoup sont contre lui. Se faire proche, essayer de comprendre, préparer à la liberté, développer l’intelligence, préparer à l’action… et tout cela sur la prise en considération de la dignité d’enfant de Dieu qui est la même pour tous.

Dans une période instable et difficile, y compris dans les communautés et les paroisses, le frère Scubilion apparaît comme un réconciliateur. Quand il faut recréer des liens à tel ou tel endroit, c’est là qu’on envoie cet éducateur – évangélisateur – réconciliateur.

  • De 1833 à 1843, il enseigne à Saint-Benoît et à Saint-Paul

  • En 1843 on le trouve à Saint-Leu où il développe le catéchisme du soir pour les esclaves

  • En 1850 jusqu’à 1855 il est à la Possession

  • De 1856 jusqu’à 1867 il est à Sainte Marie.

Vers la béatification

Il est à noter qu’avec le Père Alexandre Monnet abolitionniste, l’action du frère Scubilion a eu une influence indéniable pour que l’abolition de l’esclavage se déroule dans le calme. Il s’est dépensé sans compter pour intégrer des affranchis et des noirs dans l’institut des frères des Ecoles Chrétiennes. Il est à l’origine de la vocation d’Alfred Ducap (du Cap) de Saint-Leu devenu le frère Ladollien. Lequel frère Ladollien est à l’origine de la vocation du frère Louis Raphaël Rafiringa de Madagascar. Le frère Scubilion était préoccupé par la mission à Madagascar. A la fin de sa vie, la renommée de sainteté du « Vieux Frère » était déjà établie. Plusieurs miracles lui sont attribués.

Le procès de béatification s’est ouvert en 1902. Les conclusions de l’enquête sont remises à Rome en 1909…où elles vont s’endormir pour près de 50 ans. La ferveur des Réunionnais ne disparait pas. En 1939 on construit un mausolée au frère Scubilion à l’angle de la rue Montreuil et… La Fontaine qui allait devenir la rue Monseigneur de Beaumont plus tard. Les restes mortels sont répartis entre la tombe de Sainte-Marie et le Mausolée. En 1976, quand je suis nommé évêque j’écris à Rome pour réouvrir le dossier que va suivre le frère Morelli à Rome et le frère Polycarpe à La Réunion. A cette occasion, tous les restes mortels sont unifiés et placés dans le nouveau mausolée de Sainte-Marie. Le 2 mai 1989, le pape Jean Paul II va procéder à la béatification du frère Scubilion devant l’église de la Trinité. Son message que j’ai traduit en créole est toujours d’actualité :

« Reste pas dan’ fénoir

Viens dans la lumière

Laisse par côté çaq l’a pas bon

Et marche droite avec zot conscience droite

Soleil y lève soleil y dort

La lune y lève la lune y dort

Zot même la lumière y éteind pas »

 

La fête réunionnaise de la liberté

 

Et aujourd’hui quand nous célébrons le 20 décembre, nous célébrons « la fête réunionnaise de la liberté » en n’oubliant pas que cette fête appelée aujourd’hui « la fête caf » – d’une manière réductrice – a été célébrée la première fois en 1846. La deuxième fois en 1981, par une initiative du Préfet Michel Levallois soutenu par tout un groupe de réflexion et d’action. Je termine mon homélie par un passage du message que j’avais écrit à ce moment là et qui est toujours valable aujourd’hui.

« Notre fête réunionnaise de la liberté suppose que nous prenions l’engagement de lutter contre tous les modernes esclavages qui nous enchaînent à nos passion mauvaises : volonté de puissance au détriment de la tendresse, sectarismes et intolérances à l’encontre des dialogues, irresponsabilités et fuites dans les idéologies au lieu de l’affrontement au réel, démission dans la réflexion politique profonde et sacralisation des slogans, absolutisation des groupes aves des revendications sectorielles sans souci du Bien commun général, misère et chômage face à la luxure et à l’arrogance de l’argent, engouement pour le jeu et manque de courage pour la fidélité conjugale, banalisation de la sexualité et mépris de la vie, alcoolisme et violence dans les foyers. Alors ? Haut les cœurs ! »

« Fêtons la liberté en nous préparant à fêter Noël ! la naissance de Jésus sera célébrée dans quelques jours. Il revient chez nous, en chacun de nous et en nous tous. Le Christ peut nous rendre libres comme il a été souverainement libre hier et qu’il l’est aujourd’hui. Mais cela suppose que nous devenions effectivement les collaborateurs de Dieu comme Marie a su l’être. Lorsque par Jésus-Christ, la vie de Dieu – le Saint-Esprit – est donnée à quelqu’un, cette personne peut être transformée en une créature nouvelle, à l’image même de Dieu. Rien n’est impossible à Dieu. Cette libération des personnes, par l’intérieur, dépasse tout ce que l’on peut imaginer puisque nous sommes sanctifiés par Dieu et que Dieu est présent en chacun de nous, entre nous et dans nos relations.

Devenons des créatures nouvelles pour une Réunion nouvelle. Ne décevons pas la confiance de Dieu qui nous confie les uns aux autres. Il fait encore alliance avec nous pour que nous sachions humaniser notre terre par le travail de nos mains et la prière de nos cœurs. »

    Pour Dieu et pour l’Homme Réunionnais pp 384 – 385

Dans cette Eucharistie nous prions les uns pour les autres. Nous prions pour vos familles. Nous avons une pensée particulière pour les malades, ceux qui sont à la maison, dans les cliniques, dans les hôpitaux. Nous demandons au Seigneur de bénir les personnels soignant qui sont au service de ceux qui espèrent une guérison. Nous n’oublions pas les détenus qui sont dans les maisons d’arrêt, dans les prisons. Que tous se sentent aimés. Que personne ne soit seul en ces jours de fête Et déjà je vous souhaite à tous un joyeux Noël, une sainte fête de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ et une bonne année 2023, une année à faire réussir dans la lumière des cœurs. Une lumière qui ne s’éteindra jamais.

Mgr Gilbert Aubry

Si vous désirez télécharger l’homélie de notre Evêque, il suffit de cliquer sur le lien suivant :

Mgr Gilbert AUBRY – HOMELIE DU 20 DECEMBRE 22

Et joyeux Noël à vous !




La naissance du Christ Sauveur (Lc 2,1-20)

 

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            « Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité » (Lc 2,1). Avec ce recensement, St Luc a voulu relier la naissance du Christ à « un événement de portée mondiale… pour démontrer l’importance mondiale de la naissance de Jésus »[1]. En effet, « tout le monde habité » (Lc 2,1) est concerné, à une époque où l’expression renvoyait en fait au vaste territoire occupé par l’empire romain. « Rome » était ainsi considéré comme « la capitale du monde »…

De plus avec ce recensement décidé par un empereur païen non chrétien, Luc veut montrer à quel point Dieu accomplit son projet avec tous les évènements de l’histoire profane. C’est en effet en obéissant à l’autorité de l’époque que Joseph et Marie arriveront à Bethléem, ville où selon le prophète Michée, devait naître celui qui était appelé à régner sur Israël. Ainsi, « l’action divine se sert du décret de César. Dans les Actes, Dieu se servira encore des mêmes lois romaines pour conduire Paul à Rome annoncer l’Evangile »[2].

Par un recensement, « le monarque voulait connaître le nombre de ses sujets pour les plier à ses exigences militaires et fiscales… L’ἀπογραφὴ (apographé) est l’enregistrement de chaque habitant (âge, profession, état civil, enfants) qui permet de déterminer les obligations militaires et l’impôt personnel[3].

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            Les sources profanes rapportent qu’Auguste a voulu plus d’une fois faire recenser certaines provinces ou évaluer ses biens propres. Il semble que ces recensements aient eu lieu à périodes fixes (tous les quatorze ans), du moins en Egypte. Mais il n’y a jamais eu de recensement unique pour tout l’Empire. Luc se trompe sur les faits précis, mais rend bien la tendance historique de l’époque, de l’empereur en particulier et de l’effet sur le peuple ».

            L’empereur romain Jules César était décédé en 48 av JC. Son nom était ensuite devenu un titre. Auguste sera empereur en 27 av JC et il règnera jusqu’au 19 août 14 ap JC, date de sa mort.

            De son côté, Publius Sulpicius Quirinius est bien connu de l’histoire ; il était consul dès 12 av JC, et chargé de la politique romaine dans le Proche Orient. D’après Josèphe, il est légat de Syrie à partir de 6 ap JC. Le premier recensement romain connu en Palestine eut d’ailleurs lieu cette année-là, à l ‘occasion de l’incorporation de la Judée dans la province romaine de Syrie, après la démission d’Archélaüs et son remplacement par un procurateur romain[4]. Ce recensement déclencha l’insurrection de Judas le Galiléen contre ce signe de dépendance des provinces à  l’égard de Rome (cf. Ac 5,37).

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        Luc signale donc un recensement qui, en 7-6 av JC, aurait amené Joseph et Marie à Bethléem ; il l’attribue à Quirinius, peut-être parce que l’opération de 6-7 ap. JC était la seule connue, peut-être aussi parce que Quirinius, consul dès 12 av JC, avait reçu de fréquentes missions en Orient et a donc pu être chargé d’un recensement[5].

D’après Tertullien, mort en 220 ap JC à Carthage, ce serait Sentius Saturninus, légat de Syrie de 9 à 6 av JC qui aurait procédé au recensement de la Judée. Quirinius, alors en exercice, a pu lui être lié d’une façon ou d’une autre…         

            Quoiqu’il en soit, lisons cet extrait du prophète Michée. Il était lu à l’époque de Jésus dans le contexte de l’attente du Messie promis.

Mi 5,1 (Littéralement, d’après le texte hébreu) : Et toi, Bethléem Ephrata[6],

                                      (trop) petite pour être parmi les clans de Juda 

                                      de toi pour moi sortira pour être le dirigeant en Israël

                                      et ses origines d’avant des jours d’autrefois.

                        TOB : De toi sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël.

                                    Ses origines remontent à l’antiquité, aux jours d’autrefois.

 naissance de jéus

            Bethléem était la cité de David (voir aussi Jn 7,42), et St Luc insiste sur la parenté de Joseph avec David : « il était de la maison et de la lignée de David » (2,4)…

1S 16,1 : Yahvé dit à Samuel : « Jusques à quand resteras-tu à pleurer Saül,

alors que moi je l’ai rejeté et qu’il n’est plus roi sur Israël ?

Emplis d’huile ta corne et va !

Je t’envoie chez Jessé le Bethléemite, car j’ai vu parmi ses fils le roi que je veux.

1S 17,12-15 : David était le fils d’un Éphratéen, celui de Bethléem de Juda,

qui s’appelait Jessé et qui avait huit fils.

Cet homme, au temps de Saül, était vieux et considéré parmi les hommes.

(13)     Les trois fils aînés de Jessé s’en étaient allés. Ils avaient suivi Saül à la guerre.

Les trois fils qui étaient à la guerre s’appelaient, l’aîné Éliab, le second Abinadab

et le troisième Shamma.

(14)     David était le plus jeune et les trois aînés avaient suivi Saül.

(15)     Mais David allait chez Saül

et en revenait pour faire paître le troupeau de son père à Bethléem.

1S 20,5-6 : David dit à Jonathan :

«C’est demain la nouvelle lune et je devrais m’asseoir avec le roi pour manger,

mais tu me laisseras partir et je me cacherai dans la campagne jusqu’au soir.

(6)       Si ton père remarque mon absence, tu diras :

“David m’a demandé avec instance d’aller à Bethléem, sa ville,

car c’est là qu’a lieu le sacrifice annuel pour tout le clan.”

            Comme l’indique la Bible de Jérusalem en note, « Michée pense aux origines anciennes de la lignée de David (1S 17,12s ; Rt 4,11.17.18-22) » ; tel est ce que l’on pourrait appeler « le sens littéral ». Mais en son « sens spirituel », le Christ accomplit pleinement ces lignes au sens où « fils de David lui-même », ses origines remontent… au-delà de tout commencement (Jn 1,1-5).

Jésus est donc bien ce Messie, mais avec la mention du recensement romain, il n’accomplit pas seulement pour St Luc l’attente des Juifs : il est né pour le monde entier… La perspective universelle est présente dès le début de l’Evangile…

Et de fait Jésus sera appelé par la suite « Sauveur » et « Seigneur », deux titres fréquemment employés par les souverains, et notamment les empereurs romains qui n’hésitaient pas à se faire rendre un culte comme à un Dieu… « La théologie politique d’Auguste, renforcée, surtout en Orient, par la vénération religieuse pour le monarque, est ici démasquée et ravalée par l’affirmation christologique »[7]. Désormais, tous les hommes, « objets de la bienveillance de Dieu » (Lc 2,14) auront un seul Seigneur, un seul Sauveur : le Christ.

jesus-sauve

Marie, enceinte, suit… Le thème du recensement, avec obligation d’inscription des personnes peut avoir donné à Luc la raison de sa présence…

En 2,6, St Luc emploie la notion « d’accomplissement » pour décrire Marie désormais prête à enfanter. Avec ce verbe, St Luc suggère que le projet de Dieu « s’accomplit » dans l’histoire, étape après étape…

            Lc 24,44-48 : (Le Christ ressuscité dit à ses disciples) :

            «Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous :

il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de moi,

dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.»

(45)     Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures,

(46)     et il leur dit : «Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait

et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour,

(47)     et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés

serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.

(48)     De cela vous êtes témoins ».

 

Naissance de Jésus - Lourdes - Basilique du Rosaire 2Naissance de Jésus - Lourdes - Basilique du Rosaire

Basilique du Rosaire, Lourdes

La naissance est ensuite décrite avec une grande sobriété, mais attention, tous les mots ici sont importants :

(2,7)    « Et elle enfanta son fils premier né,

et elle l’enveloppa de langes et elle le coucha dans une mangeoire

        car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle. »

          

  En appelant Jésus « premier né », St Luc prépare l’épisode de la présentation de Jésus au Temple :

            Lc 2,22-24 : Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification,

selon la loi de Moïse, ils l’emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur,

(23)     selon qu’il est écrit dans la Loi du Seigneur :

Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur,

            (Litt. : Tout mâle ouvrant le sein maternel sera appelé saint pour (ou par) le Seigneur)

(24)     et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la Loi du Seigneur,

un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes.

présentation de jésus au temple

            Telle était en effet la prescription de la Loi citée ici par St Luc :

            Ex 13,2 (LXX) :  Consacre-moi tout premier-né,

                   le premier né (ou « le plus ancien ») ouvrant tout sein maternel parmi les fils d’Israël depuis l’homme jusqu’au bétail ; ils sont à moi.

            Jésus, « premier né de Marie », « mâle ouvrant le sein maternel », sera donc « consacré » au Seigneur, « appelé saint pour (ou par) le Seigneur… De fait, l’Ange avait déclaré à Marie :

Lc 1,35 : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre ;

            c’est pourquoi « le étant enfanté (engendré) saint sera appelé fils de Dieu ».

                                   « le saint engendré sera appelé fils de Dieu »[8].

            St Luc, en 2,23, fait très certainement une double allusion : à cette déclaration de l’Ange d’une part, et à la Loi d’autre part… Mais les hommes considéreront comme consacré au Seigneur un être qui l’est de puis toujours et pour toujours : Jésus, le Fils Unique, Celui qui est tout à la fois vrai homme et vrai Dieu, Celui en qui Dieu est Tout…

Crèche Notre Dame de Paris

Crèche, Notre Dame de Paris

Jésus reprendra pour lui-même cette notion de consécration : il est Celui qui se donne totalement à Dieu pour qu’un jour nous soyons tous comme lui, des femmes et des hommes qui auront mis Dieu au cœur de leur vie, et dont le seul souci sera de l’aimer de tout leur cœur, de toute leur âme et de toutes leurs forces en se donnant à Lui ; et cela encore, c’est Dieu qui le fera, par cette grâce baptismale qui nous a unis à son Fils, « configurés à lui »…

Jn 17,17 -19 : Sanctifie-les (consacre-les) dans la vérité, ta parole est vérité.

(18)     Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.

(19)     Pour eux je me sanctifie (consacre) moi-même,   afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.

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Crèche, Notre Dame de Paris

1Th 5,23-24 : Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier, l’esprit, l’âme et le corps, soit gardé sans reproche à l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ.

(24)     Il est fidèle, celui qui vous appelle : c’est encore lui qui fera cela.

            Ga 2,20 : Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi.

Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu

qui m’a aimé et s’est livré pour moi.

            Les expressions suivantes de St Luc en 2,7 annoncent justement la Passion que le Christ vivra par amour à la fin de sa vie terrestre pour que nous puissions tous être des « consacrés à Dieu », des « vivants pour Dieu » (Rm 6,11), arrachés aux ténèbres et transférés dans son Royaume de Lumière (Col 1,13-14), enfin libres (Jn 8,31-32)…

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            Marie en effet « enveloppa Jésus de langes », comme plus tard il sera enveloppé dans un linceul lorsqu’il sera mis au tombeau…

             Lc 23,50-54 : Et voici un homme nommé Joseph,

                        membre du Conseil, homme droit et juste.

(51)     Celui-là n’avait pas donné son assentiment au dessein ni à l’acte des autres.

Il était d’Arimathie, ville juive, et il attendait le Royaume de Dieu.

(52)     Il alla trouver Pilate et réclama le corps de Jésus.

(53)     Il le descendit,

le roula dans un linceul 

et le mit dans une tombe taillée dans le roc, où personne encore n’avait été placé.

(54)     C’était le jour de la Préparation, et le sabbat commençait à poindre.

 enfant jésus mangeoire          Puis, Marie le coucha dans une mangeoire… Le verbe grec traduit ici par « coucher » n’intervient que trois fois dans l’Evangile de Luc, ici et en Lc 12,37 et 13,29. Le contexte est toujours celui d’un repas, pris « à la romaine », étendu sur un divan ou à terre sur des tapis et des coussins :

            Lc 12,35-38 : «Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées.

(36)     Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera.

(37)     Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller !

En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira.

(38)     Qu’il vienne à la deuxième ou à la troisième veille,

s’il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils!

            Lc 13,29 : Et l’on viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu.

 naissance de jésus3

            Jésus est donc « étendu » dans « la mangeoire » (Lc 2,7.12.16 ; 13,15 : « chacun de vous, le sabbat, ne délie-t-il pas de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ? ») comme on est étendu à l’occasion d’un repas… Mais il s’agit moins ici pour lui de manger que de se donner en nourriture… Jésus est ainsi déjà présenté comme le Pain de Vie offert à tous les hommes (Jn 6,35.48), un Pain qui sera sa Chair « donnée pour la vie du monde » (Jn 6,51) lors de son sacrifice librement consenti, par amour, sur la Croix…

            Enfin, St Luc précise qu’il n’y avait pas de place pour eux dans « la salle », un terme qui n’intervient que deux fois dans tout l’Evangile, ici et en Lc 22,11 où ce même mot[9] désigne « la salle, la pièce » où Jésus vivra son dernier repas avec ses disciples, repas où il instituera l’Eucharistie juste avant sa Passion :

jésus pain de vie

            Lc 22,7-20 : Vint le jour des Azymes, où devait être immolée la pâque,

(8)       et il envoya Pierre et Jean en disant :

« Allez nous préparer la pâque, que nous la mangions. »

(9)       Ils lui dirent : «Où veux-tu que nous préparions ? »

(10)     Il leur dit : « Voici qu’en entrant dans la ville, vous rencontrerez un homme

                        portant une cruche d’eau.

Suivez-le dans la maison où il pénétrera,

(11)     et vous direz au propriétaire de la maison :

“ Le Maître te fait dire : Où est la salle

où je pourrai manger la pâque avec mes disciples ? ”

(12)     Et celui-ci vous montrera, à l’étage, une grande pièce garnie de coussins ;

faites-y les préparatifs. »

(13)     S’en étant donc allés, ils trouvèrent comme il leur avait dit,

et ils préparèrent la pâque.

(14)     Lorsque l’heure fut venue, il se mit à table, et les apôtres avec lui.

(15)     Et il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir ;

(16)     car je vous le dis, jamais plus je ne la mangerai

jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu. »

(17)     Puis, ayant reçu une coupe, il rendit grâces

            et dit : «Prenez ceci et partagez entre vous ;

(18)     car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne

jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit venu. »

(19)     Puis, prenant du pain, il rendit grâces,

le rompit et le leur donna, en disant :

« Ceci est mon corps, donné pour vous ;

faites cela en mémoire de moi. »

(20)     Il fit de même pour la coupe après le repas, disant :

« Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous ».

 multiplication pains2

             Notons enfin que Bethléem, en hébreu, signifie « la maison du pain ».

 Ainsi, Jésus, né à Bethléem, enveloppé de langes, couché comme pour un repas dans une mangeoire[10], préfigure-t-il pour St Luc ce Jésus « Pain de Vie », comme l’appellera St Jean, qui s’offrira lui-même en nourriture pour le salut du monde, se laissera coucher sur une croix, mourra, sera enveloppé dans un linceul puis mis au tombeau… Ainsi, cette « salle » où il vient de naître annonce-t-elle déjà cette « salle » où, quelques heures avant de mourir, il instituera l’Eucharistie, nous donnant à manger « son corps et son sang » pour que nous puissions tous vivre de sa vie. A peine né, Jésus apparaît donc déjà comme celui que le Père donne au monde en nourriture (Jn 6,32-33) pour le sauver de la mort et l’introduire, dès maintenant, par la foi, dans sa vie éternelle et bienheureuse…

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 Les bergers 

            Cette figure des bergers est ambivalente. Aux yeux des Pharisiens, ils appartenaient au groupe des pécheurs. Certains, lorsqu’ils étaient seuls dans les pâturages avec le troupeau qui leur avait été confié, devaient en effet en profiter d’une manière ou d’une autre pour leur propre avantage… Ils avaient donc « une mauvaise réputation en Palestine où on les tenait souvent pour malhonnêtes et voleurs. Le Talmud de Babylone les range dans une catégorie significative : « Il est difficile pour des bergers, des collecteurs d’impôts et des publicains de faire pénitence » », car si quelqu’un voulait se repentir, il se devait de dédommager tous ceux qu’il avait lésés, une mission humainement impossible pour les professions citées précédemment : trop de personnes à retrouver, à indemniser…

            Mais si l’on tient compte de ce contexte général, la manifestation de l’Ange du Seigneur à leur égard n’en est que plus belle. Jésus, en effet, n’est pas venu pour ceux qui se croient justes ou qui sont considérés comme tels dans la société, mais pour les pécheurs comme il le dira souvent lui-même dans l’évangile :

 naissance de jésus3

            Lc 5,8-11 (Jésus se choisit des pécheurs) :

Une fois les filets remplis de poissons, en obéissance à la Parole du Christ,

« Simon-Pierre se jeta aux genoux de Jésus, en disant :

« Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur!»

(9)       La frayeur en effet l’avait envahi, lui et tous ceux qui étaient avec lui,

à cause du coup de filet qu’ils venaient de faire ;

(10)     pareillement Jacques et Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon.

Mais Jésus dit à Simon :

« Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras. »

(11)     Et ramenant les barques à terre, laissant tout, ils le suivirent.

 Amour, pardon, réconciliation

Lc 5,30-32 : Les Pharisiens et leurs scribes murmuraient et disaient à ses disciples :

« Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? »

(31)     Et, prenant la parole, Jésus leur dit :

« Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin, mais les malades ;

(32)     je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. »

            Lc 7, 33-35 : Jésus disait :

« Jean le Baptiste est venu, ne mangeant pas de pain ni ne buvant de vin,

et vous dites : “ Il est possédé ! ”

(34)     Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites :

“ Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! ”

(35)     Et la Sagesse a été justifiée par tous ses enfants. »

 Dieu-Amour

            Lc 15,1-7: « Tous les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’entendre.

(2)       Et les Pharisiens et les scribes de murmurer :

« Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! »

(3)       Il leur dit alors cette parabole :

(4)       «Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une,

n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert

pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée?

(5)       Et, quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules

(6)       et, de retour chez lui, il assemble amis et voisins et leur dit :

“Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue!”

(7)       C’est ainsi, je vous le dis,

qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent

que pour quatre-vingt-dix-neuf justes, qui n’ont pas besoin de repentir ».

 BonPasteur

            Dans un tel contexte, la manifestation de la gloire de Dieu aux bergers apparaît comme un acte révélateur de la Miséricorde de ce Dieu qui a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui :

            Jn 3,14-17 : Comme Moïse éleva le serpent dans le désert,

ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme,

15 –      afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle.

16 –      Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré,

afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.

17 –      Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde,

mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18 –      Qui croit en lui n’est pas jugé ;

qui ne croit pas est déjà jugé,

parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu ».

Les bergers sont les premiers bénéficiaires de la Révélation de cette Miséricorde de Dieu qui est venu se manifester à nous en Jésus Christ. Oui, Jésus est bien cet Astre d’En Haut qui a visité les hommes « dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu » pour leur donner de « connaître le salut par la rémission de leurs péchés » (Lc 1,76-79)… D’ailleurs, le premier mot qui apparaîtra dans la bouche de l’Ange pour qualifier Jésus sera celui de « Sauveur »… Alors quelle joie pour ceux et celles qui reconnaîtront leur besoin d’être sauvés : ils sont fait pour « le Sauveur du monde » (Jn 4,42)… Avec Lui et par Lui, Dieu le Père vient sauver tous les hommes (cf. Lc 1,47) en leur offrant le pardon de toutes leurs fautes.

 st jean

Ac 5,30-31 (Pierre à ceux qui avaient contribué à la mort de Jésus en le livrant aux Romains) :

           « Le Dieu de nos pères a ressuscité ce Jésus

que vous, vous aviez fait mourir en le suspendant au gibet.

31 –      C’est lui que Dieu a exalté par sa droite,

le faisant Chef et Sauveur,

afin d’accorder par lui à Israël la repentance et la rémission des péchés ».

Avec ce dernier texte, « se repentir » apparaît même comme un Don de Dieu et de sa Grâce. En effet, lui « qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6) ne cesse, avec son Fils et par Lui, de frapper à la porte de tous les cœurs :

Ap 3,20 : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ».

 misericordia

Et le premier cadeau que Dieu offre, un cadeau renouvelé jour après jour, instant après instant, avec une infinie patience, est le pardon de toutes nos fautes, et la possibilité de retrouver le chemin d’une communion vraie et profonde avec Lui… Aussi, disait St Paul, « nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,20), acceptez de recevoir son Pardon, et de repartir avec Lui sur des routes nouvelles : celles de sa Vie, de sa Plénitude et de sa Paix… « Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis, heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, et dont l’esprit est sans fraude » (Ps 32(31),1-2). Alors, il bénira le Seigneur pour la Paix du Cœur, et la Plénitude de Vie qui lui est à nouveau offerte…

1 –                   Bénis le Seigneur, ô mon âme,                                       

bénis son nom très saint, tout mon être !

2 –                   Bénis le Seigneur, ô mon âme,

n’oublie aucun de ses bienfaits !

3 –                   Car il pardonne toutes tes offenses    

et te guérit de toute maladie ;                        

4 –                   il réclame ta vie à la tombe

et te couronne d’amour et de tendresse »…

Ainsi, grâce à Dieu, de pardon en pardon, nous pourrons arriver là où il nous attend tous : en sa Maison, auprès de Lui, dans sa Lumière et son Amour… Prions les uns pour les autres pour qu’il en soit effectivement ainsi…

            Avec le Christ et par le Christ, Dieu est donc le « Pasteur d’Israël »(Ps 80,2). Cette notion de « pasteur » étant ambivalente, comme nous l’avons vu, il est cependant intéressant de noter que ce titre intervient explicitement quatre fois pour Dieu dans tout l’Ancien Testament (Gn 48,15 ; 49,24 ; Ps 23,1 ; 80,2). « Quatre » étant un symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest), nous avons peut-être ici un clin d’œil de l’Esprit Saint pour suggérer que le Dieu qui commence à se révéler dans l’Ancien Testament est bien le Créateur de tous les hommes (Gn 1-2) qui désire que tous soient comblés de sa bénédiction (Gn 12,3), de sa Lumière et de sa Vie…

pasteur et ses brebisCette image du Pasteur est très vivante dans l’expérience et la piété d’Israël. Elle est souvent reprise pour décrire le soin attentif de Dieu, « gardien d’Israël » (Ps 121,4), vis à vis de son peuple, « troupeau de son bercail » (Ps 79,13; 95,7; 100,3): il marche devant lui (Ps 68,8), le conduit (Ps 28,9) par la main de Moïse et d’Aaron (Ps 77,21), l’amène vers son saint territoire (Ps 78,52s), se met en colère contre lui quand il est infidèle et rebelle (Ps 74,1).

            Le mouvement prophétique reprendra ce thème en des textes où transparaît toute la tendresse de Dieu :

            Is 40,10-11 : Voici le Seigneur, il vient avec puissance…

(11)                 Comme un pasteur, il paîtra son troupeau ; par son bras, il rassemblera les agneaux et réconfortera les brebis qui doivent mettre bas.

            Le prophète Jérémie avait déjà employé cette image (23,3 ; cf 31,10) et dénoncé les pasteurs qui avaient reçu comme vocation de paître le peuple d’Israël. Hélas, ils ne se sont pas occupés du troupeau qui leur avait été confié ; pire, ils ont chassé les brebis et les ont dispersées (Jr 23,2) ; Ezéchiel reprendra et développera cette critique sévère et annoncera que le Seigneur va leur reprendre son troupeau : il va arracher ses brebis de leur bouche afin qu’elles ne soient plus pour eux une proie (34,7-10). Désormais, déclare le Seigneur (34,11-16) :

brebis retrouvéEz 34,11-16 : Voici que je rechercherai moi-même mes brebis et je leur porterai secours.

(12)     Comme un pasteur cherche son troupeau dans le désert,

alors que les ténèbres et la nuée étaient au milieu des brebis dispersées,

ainsi, je rechercherai mes brebis et je les pousserai hors de tous les lieux

où elles furent dispersées au jour de nuée et de ténèbres.

(13)     Je les ferai sortir des peuples où ils sont, je les rassemblerai des pays étrangers

et je les conduirai dans leur terre ; je les ferai paître sur les montagnes d’Israël,

dans les ravins et dans tous les lieux habités du pays;

(14)     dans un bon pâturage, je les ferai paître et leurs étables seront sur la plus haute des montagnes d’Israël ; là, ils se reposeront, là ils se coucheront dans un bien-être total

et, sur les montagnes d’Israël, ils se repaîtront dans un gras pâturage.

(15)     C’est moi qui ferai paître mes brebis et c’est moi qui les ferai reposer,

et elles connaîtront que je suis le Seigneur, oracle du Seigneur Dieu.

(16)     Je chercherai celle qui est perdue, je ramènerai celle qui est égarée,

je banderai celle qui est blessée, je fortifierai celle qui défaille,

je veillerai sur celle qui est forte (ou bien portante),

je les ferai paître avec justice.

            Ainsi, « les textes rabbiniques, critiques à l’égard des bergers, n’ont pas assez de poids pour compenser le rôle positif que les écrits bibliques leur accordent. D’une part, Israël se comprend comme un peuple de bergers, en opposition à ses voisins citadins ou paysans sédentaires. Comme les grands peuples voisins, il s’est d’autre part servi du titre de berger aussi bien pour désigner son Dieu que son roi ou son Messie ». Et François Bovon cite en note Philon d’Alexandrie, juif contemporain du Christ, qui écrit : « En vérité, la tâche du berger est si haute que l’on attribue justement non seulement aux rois, aux sages, aux âmes d’une pureté parfaite, mais encore au Dieu souverain ». « Et Philon » ajoute-t-il « trouve dans le Ps 22(23),1 la preuve scripturaire de son affirmation »[11].

Marie - Musée de Sens

            Notons néanmoins avec le prophète Ezéchiel que Dieu parle de « ces ténèbres » où se retrouvent les brebis dispersées… Et dans St Luc, les bergers étaient en train de garder les brebis « dans les veilles de la nuit », dans les ténèbres… Et c’est au cœur de ces ténèbres qu’ils vont voir jaillir la beauté et la lumière de la gloire de Dieu, une situation qui peut rappeler ces paroles d’Isaïe, chantées par l’église à Noël :

            Is 9,1-6 : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière,

sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi.

(2)       Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie ; ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit à la moisson, comme on exulte au partage du butin.

(3)       Car le joug qui pesait sur elle, la barre posée sur ses épaules, le bâton de son oppresseur,  tu les as brisés comme au jour de Madiân. 

(4)       Car toute chaussure qui résonne sur le sol, tout manteau roulé dans le sang,

seront mis à brûler, dévorés par le feu.

(5)       Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix,

(6)       pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l’établir et pour l’affermir dans le droit et la justice.

Dès maintenant et à jamais, l’amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela.

  Annonciation2            Telle est bien « la Bonne Nouvelle » annoncée par les Anges :

            « N’ayez pas peur, car voici que je vous annonce la Bonne Nouvelle d’une grande joie  qui sera pour tout le peuple…

             Ce verbe « annoncer une Bonne Nouvelle » intervient dix fois en St Luc : 1,19 (l’Ange à Zacharie) ; 2,10 ; 3,18 (Jean-Baptiste) ; 4,18 (Jésus citant Isaïe) ; 4,43 (Jésus envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux) ; 7,22 (Jésus aux disciples de Jean-Baptiste : la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres) ; 8,1 (Jésus annonce la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux) ; 9,6 (Les Douze envoyés annoncer la Bonne Nouvelle)  ; 16,16 ; 20,1 (Jésus annonce la Bonne Nouvelle dans le Temple).

            La Bonne Nouvelle est directement ici celle d’une grande joie qui sera offerte, destinée à tous, et elle commence dès « aujourd’hui » :

             Lc 2,11 : « Aujourd’hui a été enfanté pour vous dans la cité de David

un Sauveur qui est le Christ Seigneur »…

(c) Edith GUEYNE

           « Khristos » intervient ici pour la première fois dans l’Evangile de Luc. On le retrouvera en 2,26 ; 3,15 ; 4,41 ; 9,20 ; 20,41 ; 22,67 ; 23,2 ; 23,35 ; 23,39 ; 24,26 ; 24,46 (12 fois en tout). Jésus est ainsi clairement désigné par Dieu lui-même, à travers ses anges, comme étant le Messie promis, celui sur qui reposera la Plénitude de l’Onction de Dieu (« Khriô, oindre) qui lui donnera, comme nul autre ne l’a fait et ne le fera, d’annoncer en paroles et en actes la Bonne Nouvelle du salut aux pauvres (Lc 4,18-19).

« Iésous » est d’ailleurs l’équivalent grec de l’hébreu Yeshua, forme plus courte de Yehôsua, ou Josué (Jos 1,1), nom pris par le successeur de Moïse, et qui veut dire originellement « Le Seigneur (Yahvé) aide » ou « Seigneur, au secours » ; mais une étymologie populaire a relié, par assonance, la forme courte au verbe « sauver », et au nom « salut », d’où le sens de « Le Seigneur sauve ». Si Luc n’y fait pas allusion, Matthieu ne manque pas de le souligner :

            Lc 1,31 : « Et voici que tu concevras en (ton) sein et tu enfanteras un fils

                                   et tu l’appelleras du nom de Jésus ».

            Mt 1,21: « Elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus

                                   Car (c’est) lui (qui) sauvera son peuple de ses péchés. »

   

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          « Loin d’être une désignation conventionnelle, le nom exprime pour les anciens le rôle d’un être dans l’univers. » Pour les hommes, « le nom donné à la naissance exprime ordinairement l’activité ou la destinée de celui qui le porte »[12].

 

            La mission de Jésus consiste donc à « sauver »… et, pour reprendre l’expression de Matthieu, à « sauver » son peuple de ses péchés, une conviction qui habite constamment St Luc comme en témoigne le vocabulaire même qu’il emploie :

Mt

Mc

Lc

Jn

Ac

« Sauver »

15

15

17

6

13

« Sauver (à travers) »

1

1

5

« Sauveur »

2

1

2

« Salut »

4

1

6

« Salut » (synonyme)

2

1

Total pour le vocabulaire du salut

16

15

26

8

27

Regardons rapidement la notion de salut en St Luc.

  – Sens profane

            Il s’agit alors d’évoquer un salut opéré par des hommes ou, dans une forme impersonnelle, de décrire l’action d’échapper à un danger, quel qu’il soit (maladie, naufrage, combat…). Ainsi en Lc 9,24a: « Qui veut sauver sa vie la perdra ».

             « Vouloir sauver sa vie » ici, c’est vouloir la préserver, c’est refuser de la risquer, plus encore de la donner : c’est vouloir la garder pour soi…

            De même en 23,35 (cf 23,39), dans les railleries des chefs du peuple, à l’heure où Jésus est sur la croix : « Il (en) a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, si celui-là est le Christ de Dieu, l’Elu! »

            Pour eux, si Jésus était vraiment le Messie attendu, il aurait la puissance d’échapper, par ses propres forces, au danger suprême d’une mort prochaine…

 

   – Sens « eschatologique », tourné vers ce salut futur encore à venir. Ainsi en Lc 9,24b (cf Lc 13,23; 18,26; 21,19.22-23) : … « mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera ».

            Le futur du verbe, le caractère radical et universel de l’affirmation, le contexte du doublet de ce verset en 17,33, qui évoque le retour du Fils de l’Homme au dernier Jour (17,30), tous ces éléments tournent le regard vers le monde à venir…

 ta foi t'a sauvé

                        – Dans les récits de guérison

            Luc emploie aussi le verbe « sauver »:

               – En accord avec Marc et/ou Matthieu pour l’hémorroïsse guérie (8,48 : « Femme, ta foi t’a sauvée » ; Mt 9,22; Mc 5,34) et l’aveugle de Jéricho (18,42 : « Vois de nouveau! Ta foi t’a sauvé »), la petite fille de Jaïre (8,50 : « N’aie pas peur, crois seulement et elle sera sauvée » ; Mc 5,23), la question sur la légitimité de Jésus à « sauver » ou non un jour de Sabbat (6,9 : « Je vous le demande: « Est-il permis le jour du Sabbat de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une vie ou de la perdre? » » ; Mc 3,4).

                                   – Dans des passages propres (7,3 ; 8,36 ; Ac 4,9 : « Comment celui-çi – le mendiant de la Belle Porte – a été sauvé; 14,9).

            En Ac 4,12, Luc lui‑même explique comment interpréter ce « salut ». Dans ce passage, Pierre explique comment le mendiant de la Belle Porte a été guéri/sauvé : « par le Nom de Jésus Christ le Nazôréen », et, en conclusion de son discours, il déclare solennellement :

            « Et le salut n’est en aucun autre,    car il n’y a pas d’autre nom sous le ciel donné aux hommes  par qui nous devons être sauvés ».

            Les Juifs considérant la personne comme un tout indissociable, la « guérison » du corps ne pouvait qu’être un aspect de la guérison totale : « Aux yeux de Luc, le salut ne se ramène pas à une guérison ou à un rétablissement physiques. Même s’il exprime de tels secours par le verbe sauver, Luc entend témoigner dans son oeuvre d’un salut aux dimensions d’une tout autre ampleur. Les cas de salut physique ont une fonction symbolique : ils illustrent le salut éternel… »[13], ils en sont les signes visibles…

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                        – Le salut « déjà là »

            St Luc emploie alors le vocabulaire du salut, non pas dans le cadre d’une guérison physique, mais dans celui d’une intervention de Dieu qui atteint le cœur de la personne croyante et la sauve. Jésus déclare ainsi à la pécheresse pardonnée et aimante :

            Lc 7,48 : « Tes péchés sont pardonnés ».

            Lc 7,50 : « Ta foi t’a sauvée ; va en paix ».

             Le salut est donc d’abord ici le pardon des péchés, accueilli dans la foi et qui permet à cette femme d’accéder à une vie nouvelle, dans l’amour et la paix.

            Notons que le Christ emploie pour elle une formule identique à celle rencontrée dans les guérisons de l’hémorroïsse et de l’aveugle de Jéricho : « Ta foi t’a sauvé ». Nous retrouvons par ce parallèle l’unicité de ce salut offert, un salut qui devient efficace au moment de l’acte de foi… Dieu n’attend que le « oui » de notre foi pour agir et déployer en nous, comme pour Marie, toute la puissance de son amour. Cet acte de foi devient aussi l’instant où toute notre vie bascule pour devenir une vie de « sauvés », c’est à dire une vie en communion avec Dieu, dans la paix… Cette union à Dieu peut dorénavant durer toujours car elle est toujours offerte, instant après instant…

Tel est le sens du temps employé ici en grec, un « parfait » qui décrit une action passée dont les répercussions se font encore sentir dans le présent du texte : « Ta foi t’a sauvée (dans le passé, à l’instant où tu n’as pas refusé de me donner ta confiance) – et cet état de « sauvé » demeure maintenant, à l’instant où je te parle »…

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            Notons que la guérison physique seule n’est pas « automatiquement » un signe de salut : il faut la foi qui reconnaît en Jésus la présence agissante de Dieu. Tel est le sens de Lc 17,11-19 où nous voyons Jésus guérir dix lépreux qui l’avaient supplié… Le texte nous dit alors qu’ils furent tous purifiés, mais un seul revint à Jésus :

            Lc 17,15-16 : « Un d’entre eux, voyant qu’il était guéri,   retourna en glorifiant Dieu d’une voix forte

(16)     et il tomba sur la face à ses pieds en lui rendant grâces ;   et lui était Samaritain. »

             On pourrait penser que ce lépreux chante la puissance de Jésus pour sa guérison, mais non… Il a reconnu en elle une œuvre de Dieu, et c’est Lui qu’il glorifie d’une voix forte… Va-t-il alors se diriger vers le Temple de Jérusalem, ou pour les Samaritains vers celui du Mont Garizim, pour se prosterner devant le Saint des Saints, là où Dieu habitait, pour lui rendre grâces ? Non… Il se dirige vers Jésus, et c’est devant lui qu’il tombe sur la face à ses pieds, en signe d’humilité et de profond respect[14] et c’est à lui qu’il rend grâces. Nous avons ici le seul exemple de tout le Nouveau Testament où le verbe « rendre grâces », est appliqué à Jésus… En effet, sur les 38 cas où il intervient, à l’exception de la finale aux Romains (16,4) où Paul  « est reconnaissant à » Prisca et Aquilas d’avoir risquer leur tête pour lui sauver la vie, il est toujours appliqué à Dieu (36 fois)… La conjonction des deux expressions, « tomber la face contre terre » et « rendre grâces », appliquées à Jésus pointe donc très fortement ici vers le mystère du Christ, vrai Dieu et vrai homme[15]

     louer dieu                          Enfin, c’est à ce lépreux revenu à lui en louant Dieu et à lui seul que Jésus va déclarer : « Ta foi t’a sauvé » (Lc 17,19). Le « salut » ne consiste donc pas simplement en une guérison physique, puisque celle-ci a été accordée aussi aux neuf autres. Seul est dit « sauvé » celui qui a su lire, avec les yeux de la foi, le signe de sa guérison, pour reconnaître en elle le salut de Dieu offert par le Christ…

            Enfin, lorsque Zachée, après avoir accueilli Jésus avec joie dans sa maison, décide de renoncer à tout ce qu’il aurait pu faire de mal dans sa vie, réparant au quadruple les torts commis et partageant ses biens avec les pauvres, Jésus lui déclare qu’aujourd’hui le salut est arrivé pour lui :

Lc 19,9-10 :    Jésus lui dit: « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison                                    parce que lui aussi est un fils d’Abraham.

(10)                 Le Fils de l’Homme est en effet venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

            Le terme « perdu », n’intervient en St Luc qu’ici et dans la parabole de la brebis perdue (Lc 15,4.6) et du Fils prodigue (Lc 15,24.34)…

« Ce salut présent est la tâche de Jésus. Il s’opère par la conversion de celui qui « était perdu » et suscite en lui la justice et la charité »[16]. On retrouve ce salut « déjà donné », « déjà présent », dans le Livre des Actes des Apôtres, et notamment en 2,47b :

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            Le Seigneur ajoutait les « étant sauvés » chaque jour à la communauté.

            Ce participe présent passif, indique une action en train de se réaliser. Il a pour sujet sous entendu « Dieu » (passif « théologique ») qui sauve par le don de l’Esprit, accomplissant ainsi les prophéties et inaugurant « les derniers jours ».

            Remarquons avec F. Bovon[17] qu’en Ac 2,14-21, St Luc poursuit la citation du prophète Joël évoquant la venue du Jour du Seigneur, avec tous les bouleversements cosmiques qui devaient l’accompagner, uniquement pour arriver à la première partie du verset 5 de Jl 3, ce qui lui permet d’ouvrir la perspective du salut universel :

                « Et il sera tout (homme) qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ».

            Cette citation partielle de Jl 3,5 révèle bien le souci de St Luc de montrer que le salut de Dieu en et par Jésus Christ est offert à l’humanité tout entière, car la suite de Jl 3,5 ne mentionne que les habitants de Jérusalem:

Jl 3,5 (LXX) :  Et il sera tout (homme) qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

                        car sur le mont Sion et à Jérusalem il y aura un salut[18] (il sera « étant sauvé »)…

 crucifix Dali

            Mais c’est justement cette mention de Jérusalem, restrictive maintenant à ses yeux, que St Luc ne cite pas… Jésus est vraiment le Sauveur de tous les hommes, sans exception…

St Luc agit exactement de la même façon au début de son Evangile en 3,4-6 : comme Marc et Matthieu, il cite Is 40 pour éclairer la mission de Jean‑Baptiste, mais lui seul va jusqu’à Is 40,5 qui évoque un salut universel :

Mt 3,3b

Mc 1,3

Lc 3,4-6

Voix du criant dans le désert

Préparez le chemin du Seigneur

Rendez droits

             ses sentiers.

Voix du criant dans le désert

 Préparez le chemin du Seigneur

Rendez droits

             ses sentiers.

Voix du criant dans le désert

Préparez le chemin du Seigneur

Rendez droits

            ses sentiers.

(5) (…)

(6) Et toute chair verra

                  le salut de Dieu.

j Dieu Sauveur en Lc 1-2

            Jésus, pour St Luc, est donc « le Sauveur », « venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10), en Israël et dans toutes les nations (24,47)… Cette présentation de Jésus comme Sauveur d’Israël et du monde entier est particulièrement présente dans les deux premiers chapitres de l’Evangile :

                        1 – En Lc 1,47, Marie, la première, chante Dieu comme « son Sauveur »:

            Mon âme célèbre (glorifie; magnifie; exalte) le Seigneur  et mon esprit jubile (est rempli d’allégresse) à cause de Dieu mon Sauveur…

            Le verbe employé exprime une réaction face à l’action de quelqu’un qui de son côté a « rendu grand » quelque chose… Ce même verbe apparaît à nouveau en 1,58 pour exprimer que Dieu a « rendu grand » sa miséricorde à l’égard d’Elisabeth en lui permettant d’avoir un enfant… il disparaît ensuite de l’Evangile pour réapparaître seulement dans les Actes des Apôtres[19]

            Notons bien qu’ici c’est Dieu qui est « Seigneur » et « Sauveur »…

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                        2 – En Lc 1,69.71.77, c’est au tour de Zacharie de bénir le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui « a délivré son peuple et lui a suscité une puissance de salut » (faire se lever, ériger, dresser une corne de salut) « le sauvant de ses ennemis », (un salut de nos ennemis) « pour donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de ses péchés ».

                        3 – En Lc 2,11, l’Ange du Seigneur annonce aux bergers une grande joie, qui sera aussi celle de tout le peuple: « Aujourd’hui vous est né, dans la cité de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur… »

            En 1,47, Marie chantait Dieu comme son Seigneur et son Sauveur… Ici, c’est Jésus qui est appelé « Seigneur » et « Sauveur »… Quelque chose de Jn 10,30, « Moi et le Père nous sommes un[20] » se laisse ici pressentir… tout comme dans le nom donné à Jésus lors de l’Annonciation à Joseph en Mt 1,23 : « Dieu avec nous… ».

                        4 – Enfin, en Lc 2,28-32 Syméon loue à son tour le Seigneur Dieu, son Maître Souverain, car ses yeux « ont vu son salut », c’est à dire Jésus, « préparé à la face de tous les peuples », « lumière pour une révélation aux nations », « et gloire de ton peuple Israël »… Nous retrouvons ici, indirectement, l’étymologie populaire du nom de Jésus, « Dieu sauve » : Jésus est « le salut de Dieu »… en tant que Dieu sauve par Lui, à travers Lui, en Lui « tous les hommes »: la mission universelle de Jésus est ici fortement soulignée: Israël et « les nations », « tous les peuples »…

 Jésus christ

            Ce salut offert par Dieu en et par Jésus Christ n’a d’autre source que sa miséricorde, c’est-à-dire son amour têtu, fidèle, obstiné, inébranlable pour tous les hommes… Tout jaillit de cette miséricorde, de cet amour indéfectible qui constitue notre seule vraie joie… Et Luc, toujours dans ces deux premiers chapitres de son Evangile, en parallèle avec la présentation de Jésus comme Sauveur, va employer 5 fois sur un total de 6 ce terme de « miséricorde » :

                        1 – En 1,50, Marie, la première, « tressaille de joie » (1,47) en constatant que « la miséricorde de Dieu » s’étend vraiment de génération en génération sur tous ceux qui le craignent ». Noter à nouveau l’ouverture « sous entendue » de ce texte, après le v.48 où Marie disait que « désormais, toutes les générations » la diront bienheureuse…

                        2 – En 1,54, dans ce même contexte de joie qui éclaire toute sa louange, Marie chante à nouveau « la miséricorde de Dieu » en précisant cette fois le bénéficiaire : Israël, son serviteur… « Il a secouru Israël son serviteur, en souvenir de (sa) miséricorde »…

                        3 – En 1,58, Elisabeth la stérile est devenue féconde par la miséricorde de Dieu, et tous ses voisins et tous les membres de sa famille se réjouissaient avec elle…

                     4 – En 1,72, c’est au tour de Zacharie de bénir Dieu pour sa miséricorde   envers les Pères du peuple d’Israël…

                    5 – Enfin, en 1,78, Zacharie à nouveau affirme haut et fort que la connaissance du salut jaillit de l’expérience du pardon de Dieu rendue possible « grâce aux entrailles de miséricorde de notre Dieu », qui nous a fait passer des ténèbres de la mort à la Lumière et à la Paix d’une Vie en sa présence…

 dieu miséricorde

            Il faudra ensuite attendre le chapitre 10 de l’Evangile pour retrouver pour la dernière fois ce terme de « miséricorde », en un texte où Jésus nous invite à être le prochain de tout homme, fût-il notre pire ennemi, en exerçant la miséricorde à son égard :

            Lc 10:37 : Et lui dit: « Celui qui « a fait miséricorde » à son égard ».

                        Jésus lui dit alors: « Va, et toi, fais de même ».

            Cette invitation est une illustration de Lc 6,36 où Luc invite de façon générale à la miséricorde avec un synonyme de la notion de « miséricorde », synonyme qui n’intervient qu’ici dans toute son œuvre :

            Lc 6,36 : Soyez (devenez) miséricordieux comme votre Père est miséricordieux…

 pardonner            Dieu Sauveur et Miséricordieux : telle est la source de la Paix offerte à tous les hommes « qui ont sa faveur » (de Dieu ; Osty), « aux hommes objets de sa complaisance » (BJ)… Notons que ce texte grec peut se traduire par « les hommes de bonne volonté », « les hommes bienveillants »… Tel fut le choix de St Jérôme (Vulgate) : « gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis, gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ».

            Mais la grande majorité de nos traductions ont :

            BJ : Paix aux hommes objets de sa complaisance.    

            TOB : paix pour ses bien-aimés.

            CNPL : Paix sur la terre aux hommes qu’il aime.

 paix

            Et en Lc 2,12, « le signe » qui sera donné aux hommes de cette action miséricordieuse décisive de Dieu à leur égard sera le Christ lui-même en son humanité, ici celle d’un petit bébé couché dans une mangeoire, qui, plus tard, sera « un signe en butte à la contradiction » (Lc 2,34). On mesure à la lecture de ces quelques versets l’aveuglement spirituel de certains scribes et pharisiens qui, face à Jésus, lui demandait un signe :

            Lc 11,16 : D’autres, pour le mettre à l’épreuve, réclamaient de lui un signe venant du ciel.

             Lc 11,29-32  Comme les foules se pressaient en masse, il se mit à dire :

«Cette génération est une génération mauvaise;

elle demande un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas.

(30)     Car, tout comme Jonas devint un signe pour les Ninivites,

de même le Fils de l’homme en sera un pour cette génération.

(31)     La reine du Midi se lèvera lors du Jugement avec les hommes de cette génération

et elle les condamnera,

car elle vint des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon,

et il y a ici plus que Salomon!

(32)     Les hommes de Ninive se dresseront lors du Jugement avec cette génération

et ils la condamneront,

car ils se repentirent à la proclamation de Jonas, et il y a ici plus que Jonas!

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            « Contrairement à la lecture qu’en fait Mt 12,40[21], le signe de Jonas n’a rien à voir ici avec la Résurrection du Fils de l’Homme au matin de Pâques. Dans l’explication donnée (v. 30), ce signe n’est rien d’autre que l’appel à la conversion lancé par Jonas aux Ninivites – une des populations païennes les plus cruelles de l’Antiquité – ; il déboucha sur une réussite totale : le roi, les hommes et même les bêtes firent pénitence en jeûnant et en se couvrant de sacs. De même cette génération n’aura pas d’autre signe que le Fils de l’Homme et sa prédication ; le seul signe, c’est l’invitation à la conversion. N’allons pas trop vite juger que Dieu et son Christ ont été avares de signes. La parabole du riche et de Lazare soulignera justement que celui qui ne se convertit pas en écoutant la Parole de Dieu ne le ferait pas plus en voyant un mort ressusciter »[22]

            Enfin, notons combien la fin du texte insiste sur la réalisation de la Parole de Dieu, conformément à tout ce qu’avaient dit les Anges… Tout ce que dit le Seigneur, il le fait.

 Jacques Fournier

 

 

[1] SCHÜRMANN H., Luca (Vol. I ; Brescia 1983) p. 212-213.

[2] COUSIN H., « L’Evangile de Luc », dans Les Evangiles, textes et commentaires (Bayard Compact ; Paris 2001) p. 570.

[3] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 (Genève 1991) p. 117-118.

[4] GÉRARD A.-M., Dictionnaire de la Bible (Paris 1989) p. 1167.

[5] LÉON-DUFOUR X., Dictionnaire du Nouveau Testament (Manchecourt 2001) p. 465-466.

[6] La Bible de Jérusalem écrit en note : « Ephrata (auquel Michée semble attacher le sens étymologique de “ féconde ” en rapport avec la naissance du Messie) a désigné d’abord un clan allié à Caleb, (1Ch 2,19.24.50), et installé dans la région de Bethléem, (1S 17,12 ; Rt 1,2). Le nom est passé ensuite à la cité, (Gn 35,19 ; 48,7 ; Jos 15,59 ; Rt 4,11), d’où la glose du texte ».

[7] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 p. 117.

[8] Cette formule pourrait également s’appliquer à l’engendrement éternel du Fils par le Père, dans l’action de l’Esprit Saint. Le mystère de l’Incarnation, dans lequel Marie est intimement associée, s’inscrit dans ce même mouvement…

[9]              Le Bailly donne pour « kataluma » « 1 – endroit où l’on délie son attelage ou ses bagages, c’est à dire hôtellerie, auberge ; 2 – séjour, résidence ».

                Le BAGD précise que ce sens est ici possible. Mais en Lc 10,34, St Luc utilise le terme plus spécifique de « pandokhéion »pour désigner l’auberge où le bon Samaritain mène l’homme blessé par les brigands. Aussi propose-t-il ici « lodging, logement » ou « guest-room, chambre d’ami ».

                La traduction « salle » ou « pièce » reprend en fait le sens donné par ce même mot en Lc 22,11.

[10] Ce mot apparaît trois fois en ce récit, et « trois » est souvent dans la Bible le chiffre qui renvoie à Dieu en tant qu’il agit. Avons-nous ici un clin d’œil vers ce Jésus, « pain de Dieu » offert au monde en nourriture, « agir » par excellence de Dieu pour le monde et pour notre salut ?

COUSIN H., « L’Evangile de Luc », LES EVANGILES, textes et commentaires (Paris 2001) p. 570 : « Le nouveau-né va être couché dans une mangeoire ; l’expression sera utilisée trois fois (v. 7,12 et 16) et cela indique que c’est là le fruit de l’initiative divine ».

[11] BOVON F., L’Evangile selon St Luc 1-9 p. 122, avec la note 49.

[12] CAZELLES H., « Nom », Vocabulaire de Théologie Biblique (Paris 1995) col. 827.

[13] BOVON F., L’œuvre de Luc (Lectio Divina 130, Paris 1987) p. 173-174. Voir aussi:

GEORGE A., « Le vocabulaire de salut », Etudes sur l’œuvre de Luc (Paris 1978) p. 307-320.

[14] Si l’Ancien Testament emploie l’expression « tomber face contre terre devant quelqu’un » en signe de respect, de soumission… (1R1,31: Bethsabée devant le roi David; 18,7: Obadyahu, maître du palais d’Achab, devant Elie; 1Sm 24,9: David devant le roi Saül; 25,23: Abigayil devant David, son futur mari; 28,14: Saül devant Samuel…) et bien sûr d’adoration (1Ch 21,16; 1R 18,39; 1M 4,40.55; 1Sm 5,34…), le Nouveau Testament, à l’exception d’une expression évoquant « la face de la terre » (Lc 21,35) ne l’applique qu’à Dieu (Mt 17,6; 26,39; 1Co 14,25) et au Christ (Lc 5,12; 17,16).

[15] Ap 11,16-17: les 24 vieillards assis devant Dieu se prosternent devant Lui et Lui rendent grâces…

[16] GEORGE A., « Le vocabulaire de salut », Etudes sur l’œuvre de Luc p. 313.

[17] BOVON F., L’œuvre de Luc p. 168-169: « Pierre cite Joël pour expliquer la diffusion d’Esprit Saint sur les disciples réunis. Il poursuit pourtant la citation de Joël au-delà de ce qui est nécessaire: la mention de phénomènes apocalyptiques (soleil transformé en ténèbres et lune en sang) ne contient pas à la situation. Il accepte cette incohérence pour parvenir au verset 5a de Joël 3: « Et quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé ». Il s’arrête alors à cette phrase qui lui tient à cœur en excluant le verset 5b de Joël 3 dont la résonance est trop particulariste.

[18] Les notes de la Bible de Jérusalem aident à comprendre quel est le salut visé ici par le prophète Joël: il s’agit de la restauration définitive du peuple d’Israël trop souvent malmené par les nations voisines. Ce salut implique donc un jugement des peuples environnants (note g), qui « ont dispersé Israël parmi les nations et partagé mon pays » (4,2). Joël fait ici allusion à l’exil de 597 et de 586 (note k)…

[19] Ac 5,13: De nombreux signes et prodiges se faisaient par les mains des Apôtres… aussi le peuple « célèbre-t-il leurs louanges » (BJ), « fait leur éloge » (TOB).

Ac 10,46: L’Esprit Saint tombe sur Corneille, le centurion romain de la cohorte Italique (10,1), et sur tous ceux qui, avec lui, écoutaient la parole de Pierre. Ils se mettent alors à « magnifier » (BJ), à « célébrer la grandeur de » Dieu…

Ac 19,17: Dieu opérait par les mains de Paul des miracles peu banals… et quelques exorcistes juifs se mettent eux aussi à prononcer le Nom de Jésus de façon « magique » sur des possédés qui… en retour… se mettent à les rouer de coups… Tous les habitants d’Ephèse surent la chose, la crainte s’empara de tous et le Nom du Seigneur Jésus « fut glorifié » (BJ; TOB: « on célébrait la grandeur  » du Nom du Seigneur Jésus »).

[20] « Un, én », est ici, non au masculin, qui désignerait alors une personne, mais au neutre : il s’agit non pas d’une unité-identité de personne entre Jésus et son Père, mais d’une unité de nature entre les deux : Jésus est Dieu en tant qu’il possède la nature divine, tout comme son Père…

[21] Cf Mt 12,38-42 ; Mt 12,40 : « De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits ».

[22] COUSIN H., « L’Evangile de Luc », LES EVANGILES, testes et commentaires (Paris 2001) p. 694.

           

Fiche 2M n°8 – Lc 2,1-20 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Fête de saint François-Xavier, patron des missions et du diocèse de La Réunion (Fr Manuel Rivero ; 3/12/2022)

En ce 3 décembre, l’Église catholique célèbre saint François-Xavier, jésuite, patron des missions avec sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et patron du diocèse de La Réunion.

Né, en 1506, en Navarre (Espagne), François-Xavier a fait ses études à Paris où il rencontre saint Ignace de Loyola avec qui il fondera la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre à Venise en Italie, François-Xavier sera envoyé par Ignace aux Indes pour remplacer un autre jésuite prévu pour cette mission mais qui était tombé malade. Saint François-Xavier était poussé vers l’Asie dans un grand élan de générosité et de foi. Parti de Lisbonne, il sillonna les océans dont l’océan Indien pour rejoindre Goa, Singapour, l’Indonésie, le Japon. Son rêve était de parvenir en Chine mais il mourra sur l’île de Sancian aux portes du continent chinois le 3 décembre 1552. Il avait 46 ans.

Saint François-Xavier a été canonisé en même temps que saint Ignace de Loyola et sainte Thérèse d’Avila en 1622 par le pape Grégoire XV. Ce fut une grande fête populaire.

À Rome, dans l’église du Gesù, un reliquaire conserve le bras droit de saint François-Xavier qui a baptisé tant et tant de personnes. Dans cette même église jésuite sont vénérées les reliques du fondateur, saint Ignace de Loyola. Plus récemment, les restes du père Pedro Arrupe (+1991), ancien Général de la Compagnie de Jésus, missionnaire au Japon, y ont pris place pour honorer son élan missionnaire. Sa cause de béatification est en cours dans le diocèse de Rome.

Le discernement des vocations

Dès leur fondation, les Jésuites mettent à l’épreuve ceux qui demandent à rentrer dans la Compagnie de Jésus en exigeant trois étapes : un mois d’Exercices spirituels, un mois de service auprès des malades dans un hôpital et un mois de pèlerinage à pied et sans argent afin de mettre leur espérance en Dieu. Saint Ignace, ancien soldat, a connu la discipline militaire, l’austérité et le combat, la maladie et la soif de Dieu. Pour persévérer dans la Compagnie, congrégation missionnaire, tout candidat doit faire preuve d’endurance et d’esprit de sacrifice, en renonçant au confort et à la sécurité. Pendant ces trois mois d’examen, le candidat est appelé à s’enraciner dans la foi en Dieu, la pauvreté et l’humilité. La pauvreté n’est pas vécue pour elle-même mais comme condition pour la mission. L’apôtre est enfanté à la mission dans la pauvreté, « sa mère ». En partageant les souffrances des prisonniers et des malades, le novice rejoint la miséricorde de Jésus. C’est au service des pauvres que le jeune religieux imite la compassion de Jésus tout en découvrant sa propre misère. La contemplation de la passion du Christ pour les pécheurs et les pauvres plonge le chrétien dans l’expérience de son péché et de sa vulnérabilité. La miséricorde divine se déploie dans la misère humaine. L’apôtre témoigne de l’amour du Christ pour l’humanité au cœur de sa propre faiblesse comme premier bénéficiaire de la miséricorde divine.

Quand j’étais en Haïti de 2008 à 2011, j’avais rencontré un père maître des novices d’une congrégation religieuse, ancien médecin, qui pratiquait ce qu’il appelait « la sélection naturelle des vocations ». Il donnait rendez-vous en ville aux candidats qui lui demandaient ce qu’il fallait faire pour entrer dans sa congrégation internationale. C’est à pied qu’ils se rendaient dans la maison de formation en milieu populaire où il n’y avait pas de voitures ni de domestiques. Devant cette pauvreté, certains candidats renonçaient rapidement à leur désir.

Saint François-Xavier, qui était aussi nonce apostolique, servait les malades lors de ses voyages missionnaires. Homme de prière, souvent silencieux, il était habité par la passion de connaître et de faire connaître Jésus-Christ.

Les enfants missionnaires

Saint François-Xavier aimait les enfants et les enfants l’aimaient. Il raconte dans ses lettres à saint Ignace de Loyola leur soif d’apprendre des prières : « Quant aux enfants, ils ne me laissaient ni réciter l’office divin, ni manger ni me reposer tant que je ne leur avais pas enseigné une prière. Alors j’ai commencé à saisir que le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent ».

Les enfants devenaient ses premiers collaborateurs car ils évangélisaient leurs parents et leurs voisins en détruisant parfois des idoles.

Combat contre Satan

Cœur brûlant du feu de l’Esprit Saint, saint François-Xavier a bien eu besoin de la force du Ressuscité dans ses combats contre le diable. Le démon lui était apparu en faisant des grimaces effrayantes. Une fois, le Satan lui donna des coups.

Sur sa route apostolique où il passait un jour sur trois en mer, il devait faire face à l’hostilité des païens, au contre-témoignage des colons européens mais aussi aux attaques du diable.

Le Satan, le « diviseur », le « jaloux », cherche à posséder l’homme et à l’éloigner de l’amitié avec Dieu.

En tant qu’aumônier de prison, il m’est arrivé aussi de constater l’action du diable capable de transformer l’expression du visage d’une personne détenue au point de le rendre tout à coup monstrueux, effrayant, avec des grimaces impossibles à faire de façon naturelle.

Mort de saint François-Xavier, modèle des missionnaires

Il mourut un samedi, avant l’aurore, le 3 décembre 1552, sur l’île de Sancian, malade et pauvre, dans une cabane de paille.

Sa vie et son œuvre continuent d’éveiller des vocations missionnaires. Par exemple, le frère Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), dominicain, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, aimait à rappeler qu’il avait choisi saint François-Xavier comme saint patron pour recevoir le sacrement de Confirmation, le 19 mai 1867. Dans son Journal spirituel, il avait écrit à Jérusalem le 13 août 1893 une belle prière au Seigneur : « Je vous rends grâce d’avoir réalisé les aspirations de ma jeunesse à la vie missionnaire, hors de ma patrie »[1].

Aujourd’hui d’aucuns s’exclament : « La mission est en France ! Pourquoi vouloir aller au loin, en Afrique ou en Asie ? »

Déjà au XVIIe siècle en Italie, les chrétiens disaient en parlant des missions et du manque d’évangélisation dans le monde rural : « Les Indes sont aussi ici ! » En réalité, il y avait des besoins en Europe et en Asie. Les missions dangereuses en Asie étaient menées de pair avec des missions populaires en Europe. Plutôt que d’y voir un dilemme, le chrétien discerne le même appel à témoigner de Dieu. Il s’agit de partager sa foi aussi bien dans le vieux monde que dans des pays inconnus et lointains.

Que le Seigneur bénisse la mission de l’Église, ses missionnaires, enfants et adultes !

                                                                                     Fr Manuel Rivero

 

[1] Marie-Joseph LAGRANGE, des frères prêcheurs, Journal spirituel 1879-1932. Avant-propos de frère Manuel Rivero O.P., Paris, éditions du Cerf, 2014, p. 282.




« SAVOIR DONNER », à l’exemple de Maximilien KOLBE (Noéline FOURNIER)…

« Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux » ( Mt. 5,1-12).

Le Saint est comme un caillou dans la chaussure. Il dérange, il agace, et se rappelle à nous à chacun de nos pas et, plus encore, de nos faux pas.

 

Maximilien-Marie KOLBE   (1894-1941).

Sa fin tragique dans le bunker de la faim d’Auschwitz – sacrifice librement consenti pour sauver un père de famille, pour lui un inconnu – a de quoi nous réveiller de notre torpeur.

Un jour, dans un article titré « Dieu le Père, Papou ? La Vierge Marie, Mamou ? », un franciscain Polonais se moque de l’habitude du Père KOLBE de désigner Marie comme « sa petite mère ». Après l’avoir lu, notre saint se contenta de le transmettre à un frère en lui disant : « Lis-le, et prie pour qu’il en résulte un surcroit de bien ».

« Combattre le mal selon l’esprit de la milice mariale, c’est le combattre avec amour pour tous les hommes, y compris les moins bons, écrit-il. C’est mettre le bien en relief, de manière à le rendre attirant, plutôt que de propager le mal en le décrivant

Alexia VIDOT nous le décrit en train d’accueillir ceux qui vont l’emmener à Auschwitz : « A 9h45, deux automobiles noires s’engouffrent dans la Cité de l’Immaculée. Le Père KOLBE, qui était en train de dicter son livre sur l’Immaculée Conception, s’agenouille aussitôt et récite un Gloria et un Ave Maria. Ainsi confié à sa Reine, il sort accueillir la Gestapo avec un « Loué soit le Christ ! ». Parce qu’il voit Dieu en chacun, il propose cordialement aux cinq hommes un café et une visite commentée des ateliers. »

Est-ce une provocation ? Oui : à aimer. C’est-à-dire : à servir le Dieu désarmé et, pour cela, à quitter le sérieux par lequel le « prince du monde » nous prend pour nous mettre au service de l’une de ses multiples principautés.

Ce qui est fou, c’est que ce jeu auquel joue le Père KOLBE est gagné d’avance.

En effet, si Dieu est Amour, si le fondement même de notre être est d’aimer, alors on ne se trompe jamais en investissant dans l’amour, même à perte.

Évidemment, l’amour est ce que le mal met à l’épreuve : comment croire que Dieu est Amour quand tant de mal blesse le monde ? Mais l’amour est en même temps la seule chose qu’on peut semer au cœur du mal.

Dieu est Amour (1Jn 4,8.16) et justice. Mais, tandis que la justice doit attendre que l’ennemi soit vaincu avant que l’on puisse « rendre justice », l’amour peut se donner, dans le camp, dans la prison, aux codétenus, aux geôliers même. Qui se perd pour lui, gagne à coup sûr.

Jean-Paul II dit ainsi :

« La victoire de la Foi et de l’amour, cet homme l’a remportée en ce lieu qui fut construit pour la négation de la foi – de la foi en Dieu et de la foi en l’homme – et pour fouler aux pieds radicalement non seulement l’amour mais tous les signes de la dignité humaine, de l’humanité.

Un lieu qui fut construit sur la haine et sur le mépris de l’homme au nom d’une idéologie folle. Un lieu qui fut construit sur la cruauté.

A ce lieu conduit une porte, qui existe encore aujourd’hui, et sur laquelle est placée une inscription : Arbeit macht frei (« Le travail rend libre »), qui rend un son sardonique, parce que son contenu était radicalement contredit par tout ce qui se passait à l’intérieur ». (Premier voyage apostolique en Pologne, le 7 juin 1979).

Au jeu de hasard (tirer au sort dix numéros pour envoyer dix hommes dans le bunker de la faim, sans manger ni boir jusqu’à la mort, et cela en représailles d’une évasion), Maximilien oppose le jeu sérieux et libre des enfants de Dieu : il s’offre, volontairement, pour remplacer un père de famille…

Par son martyre, cet affreux hasard devient son exact contraire : non pas la nécessité ou le destin, qui ne sont pas moins aveugles que le hasard, mais la Providence – c’est-à-dire, pour qui sait jouer, et selon la belle expression d’Alexia VIDOT : « le hasard avec un grand « P ».

Non plus l’implacable mécanique du monstre froid, mais le geste par lequel un homme se donne pour un autre.

Si Maximilien joue ainsi, c’est qu’il est sous le regard de Marie. Qui est Marie ?

La Mère du Christ. Autrement dit :

Celle qui l’a vu jouer quand il était enfant.

Celle qui, bien plus tard, l’a vu se jouer du mal, en confondants les sages de ce monde.

Celle qui, ultimement, l’a vu confondre Satan en faisant de sa Passion, qui est le plus grand de tous les maux, le contraire d’une œuvre maléfique : une déclaration d’amour.

A l’aube de sa vie apostolique, en 1922, dans sa petite revue bleue qu’il a titrée le Chevalier de l’Immaculée, le Père KOLBE brosse le portrait-robot du saint et donc, sans le savoir, de lui-même :

« Tout saint est un grand homme, mais tout grand homme n’est pas pour autant un saint, bien qu’il ai pu rendre des services à l’humanité.

Le saint, au contraire, a la gloire devant les yeux. Il n’a aucun souci des jugements humains, il se place au-dessus.

Il ordonne les facultés de l’âme et du corps, soumettant le corps à l’esprit, et l’esprit à Dieu. C’est ainsi qu’il jouit de la paix du vainqueur.

Alors, quand la tempête se déchaine, quand la calomnie et le mépris le frappent, quand les amis se retirent ou s’unissent aux ennemis, le saint se situe au-dessus de tout cela. Il en retirera parfois de la douleur, mais bien vite il trouvera la paix dans la prière et, mettant sa confiance en Dieu, continuera dans la sérénité.

Quand la maladie vient le visiter, quand la vieillesse va le broyer, le saint, sans tenir compte de sa santé ou de son âge, va toujours de l’avant ; et même les maladies et les adversités sont pour lui l’occasion d’acquérir une perfection plus grande : dans le feu, il se purifie comme l’or.

Quand le saint passe, il fait toujours du bien à l’exemple du Seigneur Jésus.

Il greffe partout la vérité et le bonheur.

Tout le monde ne peut pas devenir un génie, mais la voie de la sainteté est ouverte à tous ».

 

Alors, il est où le BONHEUR ? Il est  !…   « A nous de le vouloir », comme nous le chante si bien Florent PAGNY.

« Savoir donner,

Donner sans reprendre, ne rien faire qu’apprendre, apprendre à aimer.

Aimer sans attendre, aimer à tout prendre, apprendre à sourire

Rien que pour le geste, sans vouloir le reste,

Et apprendre à vivre. Et s’en aller… »

BONNE FETE DE LA TOUSSAINT À TOUS.

Noëline FOURNIER pour le SEDIFOP

Extraits de « Petite vie de Saint Maximilien KOLBE », d’Alexia VIDOT




Beauté et grandeur de la vie religieuse, à la suite de Ste Thérèse de Lisieux (Fr Manuel RIVERO)

Prédication du frère Manuel Rivero O.P., assistant religieux de la Fraternité apostolique Jésus miséricordieux, à l’occasion de la célébration des professions religieuses des sœurs Julie, Ketty et Sandrine, lors de la messe présidée par Mgr Gilbert Aubry, évêque de La Réunion, à la Chapelle des pères Carmes, à Gol-les-Hauts (La Réunion), le samedi 29 octobre 2022.

 

Que célébrons-nous ? Pour beaucoup, les vœux représentent la fin de la vie amoureuse. C’est pourquoi rares sont les jeunes filles qui se tournent vers la vie religieuse. Elles préfèrent rester indépendantes, s’amuser, enregistrer des vidéos sur TikTok en train de chanter ou de danser …

Nous célébrons la matrice de la Vie, l’amour de Dieu. Le but de la vie religieuse est l’amour : « Au cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’amour », s’exclamait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. La perfection de la vie humaine et de l’aventure chrétienne se trouve dans l’amour.

Après la résurrection et l’Ascension de Jésus à la droite du Père, les apôtres étaient réunis en prière avec Marie au Cénacle. Ils attendaient la venue de l’Esprit Saint, Esprit de force.

Loin d’être une entrave au perfectionnement de ses membres, la communauté religieuse favorise l’épanouissement des potentialités de chacun à travers des sacrifices et actes de foi.

Le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, qui a souffert dans l’accomplissement de son ministère biblique en restant fidèle, avouait à la fin de sa vie que le vœu d’obéissance lui avait permis d’aller plus loin que s’il avait suivi sa volonté propre.

La petite Thérèse le dit aussi dans une lettre écrite, le 13 août 1893, à sœur Marie du Sacré-Cœur : « Si les chênes des forêts atteignent une si grande hauteur, c’est parce que, pressés de tous côtés, ils ne dépensent pas leur sève à pousser des branches à droite et à gauche, mais s’élèvent droit vers le ciel. Ainsi, dans la vie religieuse, l’âme se trouve pressée de toutes parts par sa règle, par l’exercice de la vie commune, et il faut que tout lui devienne un moyen de s’élever très haut vers les Cieux. »

Dans la vie religieuse, les missions sont données par la communauté. Les sœurs les accomplissent, envoyées par la communauté. Elles ne se donnent pas les missions à elles-mêmes. Par la médiation des supérieures, les sœurs découvrent la volonté de Dieu pour elles.

À l’exemple de la Vierge Marie, les sœurs écoutent la Parole de Dieu pour servir le Seigneur. Elles prient comme Marie lors des noces de Cana qui ne demandait rien pour elle mais pour les nouveaux époux : « ils n’ont pas de vin » (Jn 2,3). Marie n’exige rien dans sa prière. Il lui suffit de présenter les besoins des invités de la noce à son Fils. À lui de manifester sa volonté. Tournée vers Jésus, Marie n’agit pas en mère possessive, mais en disciple, qui conduit toujours, non à elle-même, mais au seul Sauveur, Jésus : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).

Les lois de l’Église protègent et guident. C’est dans la vie communautaire que les sœurs grandissent en sainteté dans l’amour du prochain, exigeant et purificateur. Le démon le sait bien et il fait tout pour dissuader les sœurs de continuer à vivre ensemble. Le diable manque d’imagination. Il utilise toujours la même stratégie de la division en se présentant comme avocat des personnes et défenseur de la justice. Il inocule le venin du soupçon et du rejet de l’autre en agrandissant les défauts du prochain à la manière d’une loupe.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, votre modèle, décrit l’action diabolique et la bonne attitude à adopter : « Le démon essaie de me mettre devant les yeux les défauts de telle ou telle sœur, je m’empresse de rechercher ses vertus, ses bons désirs » (Histoire d’une âme, chapitre neuvième).

Il arrive que l’on loue le rayonnement et la sainteté d’un prêtre ou d’une religieuse. Personnellement, je n’ai qu’une question de vérification à poser : « Cette personne vit-elle seule ou en communauté ? » La vie commune, source de joie, peut représenter aussi une pierre d’achoppement pour beaucoup. Néanmoins, elle demeure la pierre de touche qui évalue la qualité de notre amour de Dieu et du prochain.

Le vœu de chasteté va de pair avec la maternité spirituelle. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus partageait cette expérience dans un poème écrit le 21 octobre 1895 : « Je suis vierge, ô Jésus ! Cependant, quel mystère ! En m’unissant à toi, des âmes je suis mère … » (Jésus, mon Bien-aimé, rappelle-toi ! …).

Cette maternité spirituelle était au cœur de sa vocation : « Ce que je venais faire au Carmel, je l’ai déclaré dans l’examen solennel qui précéda ma profession : Je suis venue pour sauver les âmes, et surtout afin de prier pour les prêtres. Lorsqu’on veut atteindre un but, il faut en prendre les moyens ; et Jésus m’ayant fait comprendre qu’il me donnerait des âmes par la croix, plus je rencontrais de croix, plus mon attrait pour la souffrance augmentait » (Histoire d’une âme, chapitre septième).

Elle a prié pour Pranzini, condamné à mort, qui a embrassé le crucifix présenté par l’aumônier de la prison juste avant son exécution. Sainte Thérèse l’a appelé « son premier enfant ».

Thérèse a prié pour ses frères prêtres. Lors de son pèlerinage à Rome pour demander au pape Léon XIII la grâce d’entrer au Carmel à quinze ans, Thérèse avait constaté la fragilité des prêtres. Elle les portera toujours dans sa prière : « Prions pour les prêtres ; que notre vie leur soit consacrée » (Lettre VIIIe à sa sœur Céline, le 18 juillet 1890) ; « Nous offrons nos prières et nos sacrifices pour les apôtres du Seigneur ; nous devons être nous-mêmes leurs apôtres, tandis que, par leurs paroles et leurs exemples, ils évangélisent les âmes de nos frères. Quelle noble mission est la nôtre ! » (Histoire d’une âme, chapitre sixième).

Si à un moment de son cheminement spirituel, elle avait souhaité être prêtre pour étudier les langues bibliques, Thérèse ne tarde pas à comprendre la maternité spirituelle accordée dans sa vocation d’« apôtre des apôtres » : « C’est à nous de former des ouvriers évangéliques qui sauveront des milliers d’âmes dont nous deviendrons les mères ; qu’avons-nous donc à envier aux prêtres du Seigneur ? » (Lettre XIIe à sa sœur Céline, le 15 août 1892).

Par ailleurs, Thérèse recevra la mission de prier pour deux prêtres qui deviendront « ses deux frères prêtres » qu’elle gardera dans son âme lumineuse et fervente. À l’heure de la mort, le jour de son inhumation le 4 octobre 1897, Thérèse fut entourée d’une belle couronne de prêtres.

Contemplative, sainte Thérèse voit dans la figure légendaire de Véronique, présente dans le Chemin de croix, mais non dans les évangiles, un exemple de la miséricorde chrétienne vécue dans la réciprocité. Véronique essuie le visage ensanglanté de Jésus qui porte sa croix sur la Via dolorosa et elle reçoit en retour l’image du Fils de Dieu imprimée sur son linge. Dans une lettre à sa sœur Céline, Thérèse écrit : « Je t’envoie une image de la Sainte Face, je trouve que ce sujet divin convient si parfaitement à la vraie petite sœur de mon âme … Oh ! qu’elle soit une autre Véronique ! » Lettre VIIe datée du 22 octobre 1889). Ailleurs Thérèse, qui aime peindre la Sainte Face de Jésus, exprime son adoration du visage divin de Jésus : « Ta Face est ma seule patrie, elle est mon royaume d’Amour, elle est ma riante prairie, mon doux soleil de chaque jour. » ; « laisse en moi la divine empreinte, de tes traits remplis de douceur et bientôt je deviendrai sainte ; vers Toi j’attirerai les cœurs ».

Dans vos différents services, vous essuyez des larmes et des visages. C’est ainsi que vous rencontrez le Christ en la personne des garçons et des filles en souffrance. Jésus imprime alors en vos âmes son visage, sa Sainte-Face.

Mes chères sœurs, votre apostolat se déploie auprès des jeunes dans la louange et la prédication de la Bonne Nouvelle de Jésus, éternellement jeune qui rajeunit l’humanité.

Jésus, Celui qui est, qui était et qui vient, à Lui toute adoration, bénédiction et action de grâces. Amen.




ROSAIRE POUR LA PAIX par Fr. Manuel Rivero O.P.

ROSAIRE POUR LA PAIX.

Radio Arc-en-ciel, le lundi 14 novembre 2022. Saint-Denis/La Réunion.

Fr. Manuel Rivero O.P.

Musique : Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort, n°1. Invitation à la louange.

Chers amis du Rosaire, bonsoir,

Les temps sont stressants. Après avoir vécu la crise sociale des « gilets jaunes » et la pandémie avec ses vaccins et ses confinements, nous voici menacés par la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui risque de s’étendre sur le plan mondial.

Au cours de l’histoire, la prière du Rosaire a délivré l’Église de la guerre et obtenu la paix par la victoire sur ses ennemis. Pensons à la bataille de Lépante en 1571. La prière des Confréries du rosaire attira la protection divine pour atteindre la liberté et la paix.

Prions ce soir pour la paix dans le monde, dans nos familles et dans nos cœurs.

Nous allons méditer les mystères glorieux du Rosaire.

Faisons le signe de la croix, qui est le signe de notre salut par Jésus mort et ressuscité :

Au mon du Père et du Fils et du Saint Esprit.  Amen.

Reprenons calmement avec foi et ferveur le Credo qui résume notre foi : Credo.

Notre Père.

Trois Ave Maria. Gloire.

Premier mystère glorieux : la résurrection de Jésus

De l’Évangile selon saint Jean 20,19s : « Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples par peur des autorités juives, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! » Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. »

Ressuscité d’entre les morts, Jésus donne sa Paix aux apôtres. Fruit de l’Esprit Saint, la paix représente beaucoup plus que l’absence de la guerre ; il s’agit de la plénitude de la vie de Dieu qui est amour.

Pour vivre dans la Paix, chacun doit mettre de l’ordre dans son existence, c’est-à-dire, Dieu doit occuper la première place, être le but et le dynamisme de chaque journée.

Saint Augustin définissait ainsi la paix : « La paix, c’est l’harmonie dans l’ordre ». Dieu, aimé en premier, car c’est le plus grand Bien de l’homme, et le prochain doit être aimé comme soi-même.

Un proverbe chinois reflète la sagesse et l’expérience de l’humanité : « Pas de paix dans le monde sans paix entre les peuples, pas de paix entre les peuples sans paix en famille, pas de paix en famille sans paix en moi, pas de paix en moi sans paix avec Dieu. »

Prions pour que la dignité sacrée de toute personne humaine soit respectée partout dans le monde, en commençant par nos familles.

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Musique : n°3. Viens Seigneur. Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort.

 

Deuxième mystère glorieux : l’Ascension de Jésus à la droite du Père

De l’Évangile selon saint Luc 24, 50s: « Jésus emmena ses apôtres jusque vers Béthanie, levant les mains, il les bénit. Et il advint comme il les bénissait, qu’il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Pour eux, s’étant prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le Temple à louer Dieu. »

 

Avant de monter à la droite de son Père, Jésus bénit les apôtres. Bénir veut dire du point de vue étymologique « dire du bien ». Quand Dieu dit il fait. Quand Dieu bénit il donne et il se donne.

En bénissant les apôtres, Jésus leur donne la Vérité et l’Amour.

Le Psaume 85 nous donne de chanter : « Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent. » Pas de paix sans justice, pas d’amour sans vérité. Jésus, « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14) nous accorde à son Père et à nos frères.

Le saint Pape Paul VI nous exhorte à changer de mentalité : « Nous devons nous habituer à penser d’une manière nouvelle l’homme. D’une manière nouvelle aussi la vie en commun des hommes. »

 Prions le Seigneur Jésus de nous donner un esprit nouveau et un cœur nouveau, afin de devenir artisans de paix, loin de la logique puérile de la guerre et de la domination.

 Notre Père. Ave Maria. Gloire.

Musique : n°7. A celui qui nous aime.  Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort.

 

 

Troisième mystère glorieux : la Pentecôte

Des Actes des apôtres 2,12s : « Alors, du mont des Oliviers, les apôtres s’en retournèrent à Jérusalem ; la distance n’est pas grande : celle d’un chemin de sabbat. Rentrés en ville, ils montèrent à la chambre haute où ils se tenaient habituellement. C’étaient Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques, fils d’Alphée et Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. »

Au Cénacle, les apôtres avec Marie attendent la force de l’Esprit Saint promis par Jésus ressuscité. Ils prient dans la communion.

En pleine guerre du Vietnam, le 4 octobre 1965, Paul VI avait déclamé en français un discours retentissant aux Nations Unies, c’était un appel à la paix et à la dignité humaine :  « Jamais plus les uns contre les autres, plus jamais ! Plus jamais la guerre, jamais plus la guerre !».

De son côté, le saint Pape Jean-Paul II avait déclaré en 2003 que la guerre est toujours « une défaite de l’humanité ». 

Le Saint-Siège, personne morale représentant le pape et la curie romaine, sujet de droit international, entretient des relations diplomatiques dont nous pouvons être fiers.

Le Saint-Siège est membre observateur des Nations Unies depuis 1964, membre à part entière de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

L’Église catholique soutient la charte des Nations Unies qui interdit en principe de résoudre par les armes tout conflit entre États, hormis l’autodéfense légitime en cas d’attaque.

L’écrivain français Paul Valéry (+1945) affirmait: « La guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent, mais ne se massacrent pas. »

« La violence commence là où le dialogue s’arrête », selon l’expression d’Hannah Arendt.

Le Pape François propose le dialogue malgré les oppositions et les critiques. Il prêche le dialogue comme solution aux conflits.

Prions pour que le dialogue éclaire nos familles, nos paroisses et nos peuples.

Notre Père. Ave Maria. Gloire.

Musique : n°11. Béni le fruit divin. Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort.

 

Quatrième mystère glorieux : l’Assomption de la Vierge Marie au Ciel et son couronnement comme Reine de la création.

De l’Évangile selon saint Jean 2, 1s : « Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples. Or, il n’y avait plus de vin, car le vin des noces était épuisé. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »

 

La Vierge Marie nous apprend à prier avec foi dans un esprit d’abandon à la volonté de Dieu. Elle ne demande rien pour elle. À Cana, la Mère de Jésus intercède pour les nouveaux époux sans qu’il y ait demande expresse. Sa prière anticipe les problèmes : « Ils n’ont pas de vin ».

Disons merci à la Vierge Marie qui présente nos besoins à son Fils Jésus même quand nous ne prions pas. Que de grâces avons-nous reçues à travers son intercession maternelle sans nous en apercevoir !

Notre Père. Avec Maria. Gloire.

Musique : n° 15. Sur tes murailles. Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort.

 

Cinquième mystère glorieux : Le Jugement dernier.

De l’Évangile selon saint Matthieu 24 : « Veillez ! (…) car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir. »

Happés par l’offre d’informations incessantes dans les médias (télévision, radio, portable), nous risquons de devenir des drogués, addicts au changement et au défilement des événements médiatiques.

Jésus vient nous relever la tête : « Veillez ».

Veillez à défendre la paix avec des arguments. Au XVIe siècle, le frère dominicain, Francisco de Vitoria, considéré comme le fondateur du droit international, précisait déjà qu’une guerre pour être considérée juste ne doit pas provoquer plus de maux dans la violence déployée que les biens attendus par le déclenchement de la guerre.

Il est devenu très difficile de justifier une guerre compte tenu de la puissance destructrice des armes.

Quand pouvons-nous parler de « légitime défense » ?

Selon la doctrine sociale de l’Église, il n’est légitime de se défendre par les armes que dans quelques conditions clairement établies. Seuls les organismes auxquels a été confiée la préservation du bien commun peuvent décider si ces conditions sont remplies. Quatre critères sont particulièrement significatifs :

  1. Le dommage causé par l’agresseur doit être clairement établi, significatif et durable.

  2. Que tous les autres moyens de mettre fin au conflit ou de revenir en arrière se soient avérés inefficaces. Que toutes les options pacifiques pour trouver une issue au conflit aient été épuisées.

  3. Les conséquences de la défense armée ne doivent pas être pires que les dommages causés par l’agresseur. Ici, les épouvantables conséquences des armes de destruction massive doivent être prises en considération.

  4. La défense doit avoir une chance réaliste de succès.

 

Demandons au Messie, le Prince de la Paix, de nous préserver de la guerre et de la guerre atomique.

Veillons à transmettre aux nouvelles générations le sens de la justice, du dialogue et de la paix.

 

Notre Père. Ave Maria. Gloria.

Musique : n°19. Psaume 4-133. Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort.

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À la veille de la fête de saint Albert le grand, dominicain du XIIIe siècle, patron des scientifiques, prions le Seigneur de nous accorder la science non de la guerre mais de la paix.

 « Seigneur Dieu, tu as voulu que l’évêque saint Albert mérite le nom de grand pour avoir concilié sagesse humaine et foi divine ; accorde-nous, à l’école d’un tel maître, de parvenir, à travers les progrès des sciences, à te connaître plus profondément et à t’aimer davantage. Par Jésus-Christ …

Bénédiction : Visite nos maisons, Seigneur, et repousse loin d’elles toutes les embûches de l’ennemi ; que tes saints anges viennent les habiter pour nous garder dans la paix et que ta bénédiction demeure sur nous à jamais, par Jésus-Christ ….

La prière de ce soir a été animée par Laura, Lauviette, Gilles et le frère Manuel, dominicain.

Informations : musique Monastère des Dominicaines Notre-Dame de Beaufort.

Musique : n° 24. Salve.

N°23. Tropaire à saint Dominique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Prédication pour la Toussaint 2022 par Fr. Manuel Rivero O.P.

Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, le 1er novembre 2022

 

Introduction :

En ce premier novembre, nous célébrons de manière solennelle la fête de tous les saints. Dieu seul est saint. C’est lui qui sanctifie tous les saints que nous connaissons. Les plus grands saints sont les plus grands sauvés par la mort et la résurrection de Jésus le Christ. C’est pourquoi le lieu par excellence de la communion des saints est la messe où nous louons le Seigneur trois fois saint avec tous les saints du Ciel.

Nous ne gagnons pas la sainteté ; elle est don de Dieu, par sa miséricorde. Aussi reconnaissons-nous pécheurs en nous confiant à l’intercession de tous les saints.

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Homélie

Qui sont ces saints que nous fêtons aujourd’hui ? Ils ne forment pas une petite élite ou un club restreint de privilégiés inaccessible au commun des mortels. C’est une foule immense d’enfants, d’hommes et de femmes de toute nation, langue et culture.

Nous célébrons dans la joie le mystère de l’Église, la Famille de Dieu, le Corps mystique du Christ. Qu’il est bon d’entrer dans la vision communautaire de notre foi catholique, bien plus grande et belle que des approches individualistes : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière », nous enseigne saint Pierre dans sa prière lettre (I P 2,9s).

Appel universel à la sainteté ! Il y a les saints des vitraux de nos églises mais ils ne représentent qu’une toute petite partie de la foule des saints. Très probablement des membres de nos familles, grands-parents, parents, enfants, amis et connaissances resplendissent de la gloire de Dieu.

Il est vrai qu’au Ciel la hiérarchie existe : la hiérarchie de la charité. Ce n’est pas sans raison que l’art chrétien a présenté des évêques et des religieux et religieuses dans les flammes du purgatoire.

Jésus l’a bien souligné dans l’Évangile. Dieu regarde non pas les apparences ou le statut social mais le cœur. La veuve qui a donné deux piécettes, dont elle avait besoin, a donné davantage que ceux qui ont versé au temple de leur superflu.

L’important est d’aimer Dieu de tout son cœur et ses proches comme soi-même.

Nous pouvons tous atteindre la sainteté car elle relève non pas de l’avoir ou du faire mais de l’amour. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face l’a bien compris : « Au sein de l’Église, ma Mère, je serai l’amour ».

Aimer dans la vie ordinaire d’un amour extraordinaire. Et « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs à tous par le Saint Esprit qui nous a été donné » (Rm 5,5), s’exclamait saint Paul.

Tous nous traversons des épreuves. Si nous les vivons avec le Christ, nous deviendrons des saints. Par le baptême et par l’eucharistie, nos péchés ont été lavés par le Sang de l’Agneau immolé. Nous avons revêtu la tunique blanche du baptême. Nombreux sont ceux qui portent au Ciel des palmes à la main : palme du martyre rouge du sang versé et palme du martyre blanc du travail fidèle et quotidien au service de la famille, de l’Église et de l’humanité. Martyre blanc des parents fidèles dans les épreuves : alcoolisme, maladie, infidélité, solitude affective, misère, persécution dans la foi …

En cette fête de la Toussaint, demandons au Seigneur la grâce de la prière en famille. Puissent les enfants avoir un coin-prière à la maison et bénéficier du témoignage de la foi des parents. Y a-t-il un bonheur plus grand que de grandir dans l’amour de Dieu, la confiance dans la vie et la solidité familiale ?

Les saints ignorent la rivalité et la jalousie. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus se réjouit de sa petitesse car elle demeurait incapable de s’élever vers Dieu ; Jésus, à l’image d’un ascenseur, l’a conduite à la gloire de Dieu le Père. Pour les saints, aimer c’est chercher le bien de l’autre pour lui-même et non pour soi. Un jour, une carmélite se plaignait auprès de la petite Thérèse des échanges nombreux et privilégiés d’une autre sœur avec la supérieure. Cela la blessait car elle s’estimait victime d’une injustice dans ces échanges qui lui semblaient favoris. Alors la petite Thérèse lui répond : « Ma sœur, ce n’est pas la supérieure que vous aimez, mais vous vous aimez vous-même ! ».

Dans la Communion des saints tout devient commun dans un perpétuel échange d’amour.

Le Fils de Dieu est devenu petit, le petit bébé de la crèche de Noël et le serviteur souffrant du Calvaire, par amour pour l’humanité. L’amour rend humble et petit, aux antipodes du désir de possession et de domination qui aboutit à la violence.

C’est pourquoi Thérèse se plaisait à être appelée « Thérèse de l’Enfant-Jésus ». Elle avait ajouté « et de la Sainte-Face », car le visage ensanglanté de Jésus au cours de sa Passion lui révélait l’amour fidèle et fort de Dieu.

Nous avons des dessins de la Sainte-Face de Jésus par sainte Thérèse, artiste. Poète, Thérèse adore le visage de Jésus, le plus beau des enfants des hommes : « Ta Face est ma seule patrie, elle est mon royaume d’Amour, elle est ma riante prairie, mon doux soleil de chaque jour. »

La figure de Véronique qui avait essuyé le visage de Jésus portant la croix inspirait Thérèse qui aspirait à devenir une autre « Véronique » en essuyant les larmes et les gouttes de sueur et de sang de l’humanité en souffrance.

Jésus grave son visage dans l’âme de ceux qui le servent en la personne de ses frères affamés, assoiffés, malades, étrangers ou en prison : 

« Laisse en moi la divine empreinte

De tes traits remplis de douceur

Et bientôt je deviendrai sainte

Vers Toi j’attirerai les cœurs. », s’exclamait Thérèse habitée par la Sainte-Face défigurée dans la Passion et transfigurée dans la Résurrection.

Les saints sont fêtés le jour de leur mort devenue naissance au Ciel. « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie », disait sainte Thérèse.

C’est pourquoi le moment de la mort représente non pas la fin mais le commencement d’une vie nouvelle : la Communion éternelle avec le Christ Jésus, lui ressemblant dans la mort pour passer « par lui, avec lui et en lui » dans la gloire de la résurrection.

Pendant longtemps les malades mourraient à la maison ; après une veillée funéraire longue et solidaire, la dépouille mortelle était portée dans l’église où le chrétien avait reçu les sacrements : baptême, Communion, confirmation, mariage … Après la célébration des funérailles, les restes mortels trouvaient leur place dans le cimetière.

Aujourd’hui les malades meurent plutôt à l’hôpital et la dépouille mortelle est transférée dans un centre funéraire où a souvent lieu la crémation.

L’étape de la célébration des funérailles à l‘église tend à disparaître pour des raisons pratiques dommageables. Il convient d’accorder à la mort, moment du passage de ce monde au Père, la dignité et le sens ecclésial qui lui correspondent. Alors que l’on oppose un refus ferme à la célébration du baptême et du mariage en dehors de nos lieux liturgiques sacrés, nous nous contentons aisément des célébrations des funérailles dans des centres funéraires laïques.

Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que « l’Eucharistie est le cœur de la réalité Pascale de la mort chrétienne » (n°1689). Qu’il est juste et bon de célébrer sur l’autel le sacrement de l’amour du Christ pour nos défunts, sanctifiés par pure grâce. Nos œuvres nous condamnent mais Jésus nous sauve par sa Passion et sa Résurrection actualisées ici et maintenant à la messe.

« Au jour de notre mort, chacun sera jugé selon ses œuvres », et sainte Thérèse d’ajouter « selon ses œuvres à Lui », Jésus. Oui, « ses œuvres à Lui » nous rendent justes et saints !

 

 

 




FÊTE DE LA TOUSSAINT – « UNE FOULE IMMENSE »… Noéline FOURNIER

« Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la mains… »

« Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés, ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 7,9-11 ; 16-17).

Là où la souffrance et le malheur avaient imposé leur loi implacable, voici que la tendresse, la douceur, la délicatesse témoignent de la bonté disponible.

Etonnante révélation parfois pour des personnes malmenées par la vie, accablées de solitudes, ou pour des « dures », peu sensibles à cette facette de notre humanité !

Les voilà au rendez-vous de la bonté ! Ils ont touché la tendresse primordiale et infinie. Le bonheur qu’elle procure est un présent inespéré, bien différent du bien‑être que vendent les nombreux marchands qui font de la santé un objet de consommation et de profit.

C’est une grâce que nul ne peut reproduire, mais qui s’offre sur ces lieux de souffrance et de violence et donne le goût d’un ailleurs de délices auquel chacun serait promis. Il y a en elle comme de l’excès, de la démesure, qui nous ouvre à l’au-delà, à Dieu.

Souvenons-nous de l’onction de Béthanie où « Marie prit une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplit de l’odeur du parfum » (Jn 12). Geste qui offusqua Juda, prêt à vendre ce parfum et à utiliser la somme pour la donner aux pauvres !

La démesure s’affronte au calcul rationnel ; la gratuité à la comptabilité ; la bonté à la ruse, alors que s’annoncent la passion et la sépulture prochaine de Jésus ! En effet, elle est désormais dépassée, la comptabilité qui s’impose dans le temps limité qui nous sépare de la mort.

Dorénavant, comme le signifie Jésus, c’est de l’au-delà de la mort qu’il nous faut aborder les choses : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement ! » (Jn 12,7)

Paradoxalement, là où la souffrance a ébranlé les assises de nos constructions, là où tout n’est que ruines et désolation, bonté et beauté chantent une autre musique pour qui sait prêter l’oreille du cœur et l’accueillir humblement au terme d’un parcours souvent éprouvant.

« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive, et l’eau qu’il offre deviendra pour celui qui en boira « une source d’eau jaillissante en vie éternelle » (Jn 4, 10-14)

Le don de Dieu qui s’offre à qui veut bien l’accueillir, le don d’un amour créateur, d’une bonté miséricordieuse qui pardonne, relève et guérit, la promesse d’une vie nouvelle.

                                                      (Bruno CAZIN, prêtre médecin)

« Nous ne sommes pas des êtres humains vivants une expérience spirituelle.

Nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine ».

Teilhard de Chardin.

En ce jour, où nous fêtons « Tous les Saints », ayons un regard sur Jésus qui ne cesse de nous inviter, quel que soit notre chemin spirituel, que nous soyons croyant ou dans le doute, à simplement accepter les paroles de Celui que l’Église nomme :

« Son Seigneur et son Roi ».

« Je suis la Résurrection et la Vie. Quiconque croit en moi, même s’il meurt, vivra et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu » (Jn 11, 25-26)

Les saints, ce sont nos morts ; nos morts qui ne meurent pas dans nos pensées parce qu’ils vivent dans la pensée de Dieu.

Mais comment cela est-ce possible ? Eh bien tout cela est devenu possible à cause du Grand AMOUR que Dieu nous a manifesté dans son Fils Jésus. Oui, l’amour crée l’immortalité. Il suffit de voir comment il est rare d’oublier ceux que nous avons aimés ou qui nous ont fait du bien. Il suffit aussi de constater que c’est l’amour qui assure la conservation de l’espèce.

Sur le plan spirituel, c’est aussi par l’amour, le don de soi, le don de sa vie que le Christ réveille de la mort l’espèce humaine qui ne peut de soi se conserver éternellement. Ainsi, lorsque nous disons que « l’amour est plus fort que la mort », ce n’est pas une simple formule mais l’expression d’une réalité qui prend tout son sens dans le Christ.

C’est aussi par rapport à l’amour qu’il nous faut comprendre tous les discours sur l’au-delà tels le « fameux » enfer, la résurrection, le paradis ou la vie éternelle.

En effet, l’enfer n’est pas un feu physique, ni un lieu de torture préparé par Dieu pour nous punir. L’enfer, c’est l’état de solitude qui refuse l’amour de Dieu.

La résurrection et la vie éternelle, c’est l’état où l’amour de Dieu brise la solitude de la mort et devient notre milieu de vie.

Tout cela commence au baptême, ce beau sacrement d’amour et d’alliance entre Dieu et l’âme humaine. Baptisés, notre vie est ouverte à Dieu et la mort ne peut pas nous replonger dans la solitude si nous restons unis à Lui par une vie toujours renouvelée, une vie qui n’a pas peur de recommencer, une vie qui se bat pour se relever et repartir, toujours les yeux fixés sur le Seigneur qui sans cesse nous appelle.

Enfin, notre relation avec nos défunts, ne se comprend aussi que dans l’amour. Même si nous devons rayer leur numéro de téléphone et leur adresse de nos agendas, même s’il faut ranger leur vêtements et fermer leur appartement, ces derniers gestes qui les excluent de notre quotidien nous amènent à les chercher et à les retrouver auprès de Dieu à travers « notre » prière et la messe, « le sacrifice sauveur de Jésus ».

Ces deux moments nous unissent à Dieu et à tous ceux qui sont en Lui.

Alors ce 2 novembre est le temps de communion et de dialogue avec nos défunts dans l’amour. Retrouvons-les plus que jamais et laissons-nous porter par l’amour de Dieu qui nous réunira tous en lui.

                                                                  (Abbé Innocent Essonam)

Qui n’a pas entendu, en effet, ici où là, le fameux texte faussement attribué à Saint Augustin ou à Charles PEGUY : « La mort n’est rien » ?

« La mort n’est rien. Je suis seulement passé dans la pièce à côté.

Je suis moi, vous êtes vous.

Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours.

Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné.

Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait.

N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste.

Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

Riez, souriez, pensez à moi, priez pour moi.

Que mon nom soit prononcé comme il l’a toujours été,

sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre.

La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié.

Elle est ce qu’elle a toujours été.

Le fil n’est pas coupé.

Pourquoi serai-je hors de votre pensée parce que je suis hors de votre vue ?

Je vous attends.

Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin.

Vous voyez, tout est bien. »

Ou bien, ce beau texte de Saint Augustin :

« Crois-moi, quand la mort viendra briser tes liens comme elle a brisé ceux qui m’enchaînaient et, quand un jour que Dieu seul connaît et qu’il a fixé, ton âme viendra dans le ciel où l’a précédée la mienne, ce jour-là, tu me reverras, tu retrouveras mon affection épurée. Essuie tes larmes et ne pleure plus si tu m’aimes. »

L’Évangile est une école de bonheur, de convivialité, il annonce la mort de la mort et nous délivre son message : les boiteux nous apprennent à marcher droit, les prisonniers nous révèlent nos murs, les trisomiques nous communiquent leur spontanéité…, les mourants nous apprennent à vivre.

« La pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. »

(Ps. 118,22)

N’attendons pas d’être à l’article de la mort pour renouer avec notre famille, pour faire alliance avec Dieu, pour goûter la vie. Ne cherchons pas d’explication à la souffrance. Trouvons-lui un sens, sinon « vous vous casserez le cerveau et vous vous casserez le cœur » (Mère Teresa). Faisons notre petit possible.

Dieu fera germer en son temps les graines d’Espérance que nous aurons semées.

Elisabeth MATHIEU-RIEDEL, médecin qui s’occupe d’aide aux mourants dans un service de soins palliatifs. Elle accomplit cette mission redoutable et elle rayonne de bonheur.

Seigneur accorde à nos défunts le repos éternel et que brille à leurs yeux la Lumière sans déclin ; cette lumière qui est entrée dans leur vie le jour de leur baptême, le jour du commencement de leur vie en Toi et avec Toi. AMEN

BONNE FÊTE DE LA TOUSSAINT à vous tous.

Noéline FOURNIER