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FÊTE DE LA TOUSSAINT : son histoire (Noéline FOURNIER)…

          

« Heureux les pauvres de cœur,

        car le Royaume des Cieux est à eux.

   Heureux les cœurs purs, 

         ils verront Dieu. »

                                                                      (Mt. 5, 1-12)

Contraction de « fête de tous les saints », le nom féminin Toussaint désigne la  Fête Universelle de tous les « Saints » le 1er novembre.

Cette Fête, issue de la tradition, est attestée dès le IIème siècle parmi les Communautés Chrétiennes d’Orient : il s’agissait de célébrer les martyrs, hommes et femmes,  morts pour avoir affirmé leur Foi.

Essentiellement Catholique, la Toussaint est destinée à Célébrer l’ensemble des Saints et des Bienheureux.

En Occident, c’est Boniface IV, Pape de 608 à 615, qui le premier choisit de lui donner une date officielle, le 13 mai, date anniversaire de la transformation du Temple du  Panthéon, au début du VIè siècle, à Rome, en Église dédiée à Sainte Marie des Martyrs. Cette date ne fut probablement pas choisie par hasard, puisque l’on priait à l’époque du 9 au 13 mai pour que les morts ayant trouvé une fin violente ou tragique reposent en paix…

A quelle époque la fête de la Toussaint fut-elle transférée le 1er Novembre ?

 Plusieurs hypothèses prévalent. Peut-être en 731, lorsqu’un autre Pape, Grégoire III, dédie à son tour une Chapelle à tous les Saints, dans l’Eglise Saint-Pierre de Rome… A moins que ce ne soit en 830, quand Grégoire IV ordonne que la Toussaint soit désormais célébrée dans le monde entier.

            Au fil des siècles, la fête gagne en tout cas en importance. En 835, Louis le Pieux (778-840), successeur de Charlemagne (v.742-814) obéit au Pape  et impose la Toussaint à tout l’Empire Carolingien. Elle devient vite fondamentale, comme l’atteste ce sermon de Saint Bernard (v.1090-1153), fondateur de l’Abbaye de Clairvaux et Réformateur de la vie Religieuse de son temps.

            Au XIè siècle, un autre Pape, Sixte IV (1414-1484), lui attribue en 1480 une Octave, soit une extension de huit jours pendant lesquels sont répétés les mêmes textes et les mêmes chants.

            Enfin, Pie X, en 1914, la rend obligatoire : les fidèles sont tenus d’assister ce jour-là à la messe.

Pourquoi cette place solennelle accordée au culte des Saints ?

         Il s’agit de célébrer l’ensemble des croyants ayant vécu jusqu’au bout selon la Parole de Dieu, et « établis » dans la « Gloire », c’est à dire auprès de Dieu au Paradis, vivant une Béatitude Éternelle.

            GÂTEAUX DE MIEL ET DE BLÉ

         Comme le montre la Méditation de St Bernard, chaque chrétien doit aspirer à rejoindre la Béatitude, et conformer son existence à cette aspiration.

            Pour Saint Bernard, la Foi est marquée par une forme de radicalité spirituelle, d’aspiration à la pureté. Mais le Théologien montre combien cette Fête est au cœur de la Spiritualité Chrétienne, et qu’elle enjoint à vivre selon les préceptes de l’Evangile.

            La popularité de la Toussaint doit cependant beaucoup au fait qu’elle soit liée à la Commémoration des défunts, fixée quand à elle au 2 Novembre, jour où les Catholiques ont prit l’habitude d’aller se recueillir et de déposer des fleurs sur la tombe de leurs proches décédés.

            Dans l’Eglise Orthodoxe, on fête le « dimanche de tous les saints » le premier dimanche après la Pentecôte. Et c’est avant le Carême qu’on prie pour l’ensemble des fidèles défunts, tout en amenant à l’Eglise des gâteaux faits de miel et de blé dont la germination évoque la Résurrection.

    

SERMON DE SAINT BERNARD

  1. « Cette Fête aujourd’hui pour nous, et la solennité de ce jour compte parmi les plus grandes Solennités. Que dis-je ? De quel apôtre, de quel martyr, de quel Saint est-ce la fête ?

            Ce n’est pas la Fête d’un Saint en particulier, mais la fête de « tous les Saints », car personne de nous n’ignore que cette fête est appelée et est, en effet, la Fête de tous les Saints (…). Et la sainteté des uns n’est pas celle des autres… Il y a une différence quelque fois même très grande entre un Saint et un Saint (…)

            En effet, il ne semble pas qu’on puisse honorer comme des athlètes triomphants ceux qui n’ont jamais combattu et, pourtant, pour mériter un culte différent, ils n’en sont pas moins digne des plus grands hommages, puisqu’ils sont vos amis, ô mon Dieu, et qu’ils ont toujours été attachés à votre volonté avec autant de félicité que de facilité. Après tout, peut-être pourrait-on croire qu’ils ne sont point sans avoir soutenu des combats. Aussi, quand ils ont résisté à ceux d’entre eux qui ont péché, et que, au lieu de se ranger du parti des impies, chacun d’eux s’est écrié : « Pour moi, il m’est bon de rester attaché à Dieu ».

            Ce qu’il faut Célébrer en eux, c’est donc la grâce qui les a prévenus des douceurs de la Bénédiction.

            Ce qu’il faut honorer, c’est la Bonté de Dieu qui les a (…) non point arrachés à la tentation, mais préservés de la tentation.

  1. Dans les hommes, il y a un autre genre de sainteté qui mérite des honneurs à part ; C’est la Sainteté de ceux qui sont venus en passant par de grandes afflictions et qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le Sang de l’Agneau (Apo. 7,13-17), qui triomphent enfin après bien des luttes et reçoivent la couronne de la Victoire dans les Cieux, parce qu’ils ont combattu les légitimes combats.

  2. Mais à quoi bon les louanges que nous adressons aux Saints, à quoi bon célébrer leur Gloire et faire parmi nous la Fête ?

Pourquoi prodiguer les honneurs de la terre à ceux que, selon la Promesse véridique du Fils, le Père Céleste honore lui-même ?

Qu’ont-ils besoin de nos félicitations ? Ils ont tout ce qu’ils peuvent contenir de Gloire.

C’est vrai, mes bien-aimés, les Saints n’ont pas besoins de nos honneurs, et notre dévotion n’ajoute rien à ce qu’ils ont. Mais il y va de notre intérêt, sinon du leur, que nous vénérions leur souvenir.

Voulez-vous savoir quel avantage nous avons à leur rendre nos hommages ? Je vous avouerai que pour moi, leur mémoire fait naître en moi un violent désir (…). En effet, ils s’y trouvent en substance et nous n’y sommes qu’en désir ; ils y sont effectivement présents, nous ne nous y trouvons que par le souvenir.

Quand nous sera-t-il donné de nous réunir aussi à nos pères ? De leur être présenté en personne ?

Tel est le premier désir que le souvenir des Saints fait naître en nous, que dis-je ? Dont il nous embrase.

Quand jouirons-nous de leur société si désirable, quand serons-nous dignes d’être les concitoyens des esprits Bien-Heureux, d’entrer dans l’assemblée des patriarches (….), en un mot, et de nous réjouir en commun dans la troupe entière des Saints ? (..)

L’Église des Premiers-Nés nous attend, et nous négligeons de l’aller rejoindre ; les Saints nous appellent, et nous n’en tenons aucun compte.

Réveillons-nous enfin, mes frères, ressuscitons avec le Christ, cherchons, goûtons les choses d’en Haut..

            Saint Bernard, cinquième sermon sur la Toussaint,

Œuvres complètes de St Bernard, Traduction de l’Abbé Charpentier, 1866.

 

« L’un des Vieillards prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? » Et moi de répondre : « Monseigneur, c’est toi qui le sais ». Il reprit : « Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : il ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son Temple ; et celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente.

            Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni aucun vent brûlant. Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » Apo. 7, 13-17

Et nous pouvons prendre l’exemple de Saint Paul qui nous dit (2 Tm 4,6-8) :

« J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la Foi. Et maintenant, voici qu’est préparée pour moi la couronne de justice, qu’en retour le Seigneur me donnera en ce Jour-là, Lui, le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition. »

            Nous avons compris, nous devons nous aussi mener le bon combat sur cette terre si nous voulons voir Dieu et entrer dans cette Béatitude Éternelle.

 Comment peut-on « mener le bon combat » ?  De quel combat s’agit-il ?

             C’est le Combat de l’Amour que nous devons mener  puisque Dieu est Amour !

Il ne faut pas se tromper de combat : Nous devons combattre le mal mais ne pas combattre l’homme ! Oui, nous devons combattre le mal et l’injustice mais respecter l’homme… Nous ne devons pas oublier que Jésus nous a demandé d’aimer notre prochain comme nous-mêmes et aussi nos ennemis !… Quel combat !…

Voici l’exemple de quelqu’un qui a mener le bon combat à la suite du Christ.

 

           En octobre 1964, Martin LUTHER KING reçoit le prix Nobel de la Paix. Il ne s’agissait pas uniquement d’un prix pour les droits civiques, mais de contribuer à la Paix dans le Monde. Lors de son discours à la remise du prix à Oslo, Martin déclara :

 

« Il me semble que ce prix m’a été donné pour quelque chose qui n’est pas encore atteint. Je le prends comme un encouragement à poursuivre avec encore plus de courage l’objectif dans lequel nous croyons » (….)

            Les hommes, depuis des années déjà, parlent de la guerre et de la Paix.

            Désormais, ils ne peuvent plus se contenter d’en parler ; ils n’ont plus le choix entre la violence et la non-violence en ce monde ; c’est la non-violence ou la non-existence. Voilà où nous en sommes aujourd’hui (…)

            Dressons-nous ce soir avec encore plus d’empressement. Levons-nous avec une plus grande détermination. Marchons en ces jours décisifs, en ces jours de défi…

 Nous avons une chance de bâtir une nation meilleure. Et je veux remercier Dieu, une fois encore, de m’avoir permis d’être ici avec vous.

            (…) Je ne sais pas ce qui va arriver maintenant.

           Nous avons devant nous des jours difficiles. Mais peu m’importe ce qui m’arrivera désormais, car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne.

 Je ne m’inquiète plus. Comme tout le monde, j’aimerai vivre vieux. La longévité a son prix. Mais je ne m’en soucie guère, maintenant.

 Je veux simplement que la Volonté de Dieu soit faite. Et il m’a permis d’atteindre le sommet de la montagne. J’ai regardé autour de moi. Et j’ai vu la Terre promise.

Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux que vous sachiez, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre Promise. Et je suis heureux ce soir.

 Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la Gloire de la Venue du Seigneur ».

                                                            3 Avril 1968, Memphis, Tennessee

                                             Extrait du dernier discours de Martin LUTHER KING Jr

avant son assassinat le lendemain 4 Avril

« La Véritable Paix n’est pas simplement l’absence de tension ;

C’est la présence de la justice. »

                         « L’amour est le pouvoir le plus durable du monde.

« Cette Force Créatrice, si magnifiquement illustrée dans la Vie du Christ, est l’instrument le plus puissant dont dispose le genre humain dans sa quête pour la Paix et la Sécurité » (Martin Luther).

           « Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus. Et je vis la Cité Sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux.

         J’entendis alors une voix clamer, du trône : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus ; de pleurs, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé ». (Apo. 21,1-4)

 Bonne Fête de la Toussaint à tous !

    Noéline  FOURNIER

 

 

 

 




Homélie pour la fête patronale de la ville de Saint-Denis (La Réunion), par le frère Manuel Rivero O.P.

« Nous marchons en portant notre tête entre nos mains ».

 

Guérison de Naaman

Il est angoissé. Malade, la peur le saisit. Il a tout essayé. Ses prières aux dieux de sa nation sont restées sans réponse. À quoi bon le pouvoir et l’argent s’il souffre physiquement ? Les gens le fuient. Naaman, général de l’armée syrienne, est devenu lépreux.

Alors sa femme lui parle d’une jeune fille, faite esclave lors d’une razzia. Elle parle d’un prophète en Israël, Élisée, qui a le pouvoir de guérir. Pourquoi ne pas essayer ?

Après avoir pris contact avec le roi d’Israël, Naaman se met en route vers la maison d’Élisée, en portant des cadeaux susceptibles d’attirer la bienveillance du prophète.

Contre toute attente, Élisée se contente de faire dire à Naaman par un serviteur qu’il doit se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain. Le général se met en colère. Cette démarche lui semble ridicule, non sérieuse. Pourquoi avoir accompli un tel voyage si c’est pour se laver dans un fleuve ? Il y a de bons fleuves en Syrie. Il décide de rebrousser chemin mais ses serviteurs lui conseillent d’obéir au prophète qui lui demande une chose très simple alors qu’il s’attendait à des gestes compliqués.

Naaman descend dans les eaux du Jourdain sept fois. Sa chair redevient semblable à celle d’un petit enfant. Il est guéri. Sa lèpre a disparu.

Désormais il adorera le Dieu du prophète Élisée qui lui a rendu la santé.

Cet événement nous apporte plusieurs enseignements. Tout d’abord, Dieu écoute la prière de tout homme quand elle est faite avec foi et droiture. Le Seigneur agit aussi à travers des médiations. D’aucuns déclarent s’adresser à Dieu à la verticale sans avoir à passer par l’Église ni par des sacrements. Pourtant, chacune de nos vies est inscrite dans une histoire et un parcours à l’horizontale.

Naaman a été guéri grâce aux conseils d’une petite esclave et de ses serviteurs. Dieu nous parle et nous instruit à travers des personnes toutes simples. Les moyens utilisés par Dieu étaient aussi tout simples. Rien de spectaculaire dans le fait de se laver sept fois dans l’eau du Jourdain. La puissance du Seigneur s’est déployée en réponse à la prière de Naaman. Dans ce miracle, le Dieu d’Israël a manifesté son amour universel envers toutes les nations. Naaman est un étranger, païen. Catholique veut dire universel. Il arrive que des catholiques proposent de ne donner qu’aux catholiques. Mais la révélation biblique manifeste le désir universel de Dieu que veut la guérison de tous les hommes. Ne donner qu’aux catholiques ne serait pas catholique ! Le Psaume de la messe nous donnait d’« acclamer le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez !» (Ps 97).

Le martyre de saint Denis

En ce 9 octobre, fête de saint Denis, évêque et martyr, les frères dominicains de la cathédrale ont souhaité solenniser la célébration de la messe dominicale avec la bénédiction de la ville de Saint-Denis par notre évêque, Mgr Gilbert Aubry.

Premier évêque de Lutèce, l’actuelle ville de Paris, décapité à Montmartre (« Mont des martyrs ») en haine de la foi chrétienne, vers l’an 250, saint Denis est représenté dans l’art chrétien en portant sa tête vers le lieu de sa sépulture.

Saint Denis – Cathédrale Notre Dame de Paris – Portail de la Vierge

Peut-être y voyons-nous une scène anachronique voire macabre. En revanche, un scientifique et philosophe des sciences, membre de l’Académie française[1], Michel Serres (+2019), y voit une figure de l’homme contemporain qui porte à sa manière « sa tête » entre ses mains, c’est-à-dire son téléphone portable ! C’est pourquoi Michel Serres évoque la possibilité d’appeler notre portable « Denis », en faisant mémoire de ce saint martyr, céphalophore, qui a porté sa tête entre ses mains.

Quand nous oublions ou perdons notre téléphone portable, nous nous sentons perdus. Le portable contient notre mémoire, notre imaginaire et nos calculs. Il représente l’externalisation de notre tête. Un grand nombre d’opérations et de relations passent par lui. D’où la valeur que nous lui attribuons souvent. Il arrive que des enfants et des jeunes disent : « J’adore mon portable ! ».

Pourtant le téléphone portable reste un outil et rien qu’un moyen. Saint Denis, martyr, nous rappelle que l’homme a été créé pour Dieu. En versant son sang en témoignage de foi, il manifeste son amour pour Dieu et pour son Église avec qui il a fait alliance en tant qu’évêque.

Les chrétiens rendent grâce à Dieu pour les découvertes technologiques mais elles ne sauraient pas prendre la place de la mémoire croyante qui se souvient des merveilles accomplies par Dieu dans l’histoire, fondement de l’espérance. Le Seigneur qui a agi hier sauvera aujourd’hui et demain. L’intelligence artificielle demeure limitée, sans âme et sans la créativité humaine ; son intelligence relève de la mémorisation[2]. Dans la révélation de la Bible, le croyant reçoit une vision qui va bien au-delà des calculs et de l’imaginaire. La grâce de ma foi permet d’avancer « comme si nous voyions l’invisible » (Hb 11,27). Vision au-delà de la mort : « Si nous mourons avec le Christ Jésus, avec lui nous vivrons » (2 Tim 2,11). Par la raison, l’homme participe à la sagesse divine. Par la grâce de l’intelligence de la foi, le baptisé entre dans le trésor de la connaissance de Dieu qui dépasse tout savoir.

Disciple de Jésus de Nazareth dont l’amour était universel, saint Denis, patron de la capitale de La Réunion, intercède pour tous les habitants de la ville quelques que soient leurs origines, leurs philosophies ou leurs religions : chrétiens, musulmans, hindous, bouddhistes, agnostiques, athées …

Son patronage donne à chaque habitant un adjectif qualificatif et une identité commune : dionisiens et dionisiennes.

Naaman et le Samaritain ont rendu grâce au Seigneur pour leur guérison. Ne soyons pas ingrats ! Des grâces connues ou inconnues, nous sont accordées par Dieu à la prière de saint Denis.

Rendons grâce au Seigneur ! Entrons dans l’action de grâces de Jésus au Père en célébrant l’eucharistie. Au terme de notre messe, le président dira à l’assemblée « Allez dans la paix du Christ ». Et les fidèles répondront : « Nous rendons grâce à Dieu ». Que ce soit avec foi et ferveur.

                                                                                                Fr. Manuel Rivero O.P.

[1] Michel Serres a occupé à l’Académie française le fauteuil n° 18, qui fut jadis celui du père Henri-Dominique Lacordaire (+1861), dominicain, prédicateur à Notre-Dame de Paris.

[2] Voir à ce propos : Daniel COHEN, Homo numericus. La « civilisation » qui vient. Paris. Éditions Albin Michel, septembre 2022.

 

 




Comment croire encore en Dieu face au mal et à la souffrance ?

La présence du mal et de la souffrance, surtout lorsqu’elle touche des innocents, est et sera toujours un scandale… Beaucoup s’interrogent : « Comment se fait-il que Dieu Tout Puissant, s’il existe, puisse regarder tout cela sans réagir ? » « Pourquoi le mal semble-t-il triompher ? » « Pourquoi ces personnes âgées, ces jeunes enfants, ces femmes enceintes, alors qu’ils dormaient tranquillement chez eux, meurent-ils sous les bombes, sans que Personne, Là Haut, ne réagisse ? »

C’est incompréhensible, absurde, injuste, révoltant…

Sans apporter de réponse humainement satisfaisante – nous souhaiterions tous tellement que tout ceci n’existe pas ! – le Christ nous ouvre une porte, rude, difficile… Il est « passé« , nous dit St Luc, « en faisant le bien » (Ac 10,38). Il n’était que bonté, douceur (Mt 11,29) ; avec lui, « les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent » (Mt 11,5). Et pourtant, par jalousie, les foules courant après lui, il sera arrêté, jugé, condamné sur la base de fausses accusations et finalement crucifié, une mort atroce pour un innocent… Et il ne réagira pas… Il se laissera arrêter, frapper, lacérer par les fouets, transpercer par les clous… Pire : il ne répondra que par de la bienveillance à toute cette méchanceté, priant même, juste avant de mourir, pour que ses persécuteurs soient pardonnés : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Il nous révélait ainsi, en actes et en paroles, que « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16) et qu’il n’est qu’Amour, incapable de répondre au mal par le mal, à la violence par la violence, une violence que nous, nous jugeons pourtant nécessaire pour éradiquer le mal… Mais Dieu n’est pas ainsi… Et sa résurrection d’entre les morts manifestera la victoire finale et définitive de l’Amour sur la haine, de la Vie sur la mort… Mais tout ceci ne se laisse percevoir que dans l’invisible de la foi, car c’est encore et avant tout une question… d’amour… « On ne voit bien qu’avec le coeur », dit le Petit Prince (Antoine de Saint Exupéry)…

On peut aussi aborder cette question du mal et de la souffrance d’un point de vue simplement réflexif, à la manière des philosophes grecs d’autrefois, qui réfléchissaient de questions en réponses… Voici à ce sujet un magnifique témoignage reçu tout récemment d’un ami :

« Compte-tenu du mal et de la souffrance dans le monde, il est impossible qu’il y ait un Dieu », déclara un jeune étudiant.

Je lui demandais s’il acceptait que nous discutions quelques instants de ce problème. Il acquiesça.

« En déclarant qu’il y a beaucoup de mal, n’êtes-vous pas en train d’affirmer l’existence d’une réalité qui serait le bien ? »

— « Si », répondit-il.

— « S’il existe une entité que vous appelez “bien”, vous devez également admettre une loi morale qui vous permet de différencier le bien du mal ».

— Oui, dit-il d’une voix faible et mal assurée.

C’était un point important. La plupart des sceptiques n’y ont pas prêté l’attention qu’il mérite.

C’est pourquoi je rappelai à mon interlocuteur la controverse qui avait opposé le philosophe athée Bertrand Russel au philosophe chrétien Frédérick Copleston. Lors de ce débat, Copleston avait demandé à Russel s’il croyait à l’existence du bien et du mal.

— « Oui », avait répondu l’athée.

— « Comment faites-vous pour les différencier ? » Avait alors demandé le chrétien.

— « De la même façon que je différencie les couleurs ».

— « Mais vous distinguez les couleurs entre elles au moyen de la vue, n’est-ce pas ? Comment faites-vous pour différencier le bien du mal ? »

— « En me fiant à mes sentiments. Sur quoi d’autre ? » répondit Russel agacé.

Quelqu’un aurait dû à ce moment-là rétorquer au philosophe athée que dans certaines cultures, les gens aimaient leur prochain, et que dans d’autres, ils les mangeaient. Dans les deux cas, c’était sur la base des sentiments. Monsieur Russel aurait-il préféré un traitement à l’autre ?

Au nom de quelle raison peut-on justifier la différenciation entre le bien et le mal sur la base des sentiments ? Les sentiments de qui ? Ceux d’Hitler ou ceux de Mère Thérésa ? En d’autres mots, il doit bien exister une loi morale, un étalon qui sert de référence pour dire que ceci est bien et cela mal. Comment distinguer le bien du mal autrement ? Mon interlocuteur reconnut le bien-fondé de ma remarque.

Permettez-moi de résumer jusqu’où cet étudiant était arrivé. Je lui avais demandé s’il admettait l’existence du bien et du mal. Il avait répondu affirmativement. Puis je lui avais fait remarquer que s’il croyait en l’existence du bien et du mal, il devait nécessairement supposer l’existence d’une loi morale permettant de différencier les deux. De nouveau, il avait été d’accord.

« Or, l’existence d’une loi morale implique l’existence d’un législateur moral. C’est justement ce que vous cherchez à nier, et non à prouver ! Sans législateur moral, pas de loi morale. Sans la loi morale, pas de bien. Sans bien, pas de mal. Quel est donc le sens de la question que vous m’avez posée ? ».

Il y eut alors un silence pesant que le jeune homme rompit en déclarant d’un air penaud : “Que suis-je donc en train de vous demander ?”

Le côté humoristique de la situation n’échappa à personne. Mon interlocuteur était visiblement désemparé. Il venait de découvrir que sa question comportait une présupposition qui contredisait sa conclusion. C’est pourquoi j’ai dit plus haut que le sceptique doit non seulement répondre à sa question, mais la justifier. Malgré sa confusion, je dis à l’étudiant qui m’avait interpellé que j’acceptais cependant de bon cœur sa question, car elle confirmait mes présuppositions qu’il existait un univers moral. Si Dieu n’est pas l’auteur de la vie, les termes “bien” et “mal” n’ont aucun sens.

L’athée qui pense avoir fait une brèche dans la logique chrétienne en posant la question du mal tombe en fait dans la fosse qu’il a creusée. Sa question met en lumière une présupposition cachée. Ce qui nous amène à placer le sceptique au pied du mur : de quel droit soulever un problème moral s’il n’y a pas d’univers moral ? À partir du moment où nous utilisons le mot “mieux”, nous supposons un point de référence. Mieux par rapport à quoi ?

Dans le même ordre d’idées, nous soulevons une question très légitime en demandant comment l’univers peut sembler immoral s’il ne repose pas sur une base ou une raison d’être morale. Ceux qui posent la question de l’existence du mal doivent se rendre compte que le chrétien propose une réponse cohérente, alors que l’athée est obligé de résoudre la question du mal (qui est d’ordre moral) dans un univers qu’il déclare à priori amoral. Il est donc impossible de résoudre le problème du mal en décrétant l’inexistence de Dieu. C’est au contraire en intégrant le concept de l’existence de Dieu que l’homme peut espérer trouver une réponse à cette angoissante question du mal et de la souffrance »…

Et l’aventure est possible, car le Christ lui-même, juste avant de mourir pour nous révéler l’Amour, a fait cette promesse, valable jusqu’à la fin des temps : « Père, je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jn 17,26). « Quand je serai élevé, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,32), pour « leur faire connaître ton nom » et leur révéler ainsi que « Dieu est Amour« , qu’il n’est qu’Amour… Qu’il en soit donc ainsi pour chacun d’entre nous…

D. Jacques Fournier




« Saint Augustin, un saint pour notre temps », homélie de Mgr Gilbert AUBRY (28 août 2022)

Pour lire l’homélie de Mgr Aubry prononcée lors de la Fête patronnale Paroisse St Augustin Ravine des cabris, cliquer sur le lien suivant :

Homélie fête st Augustin

 




GEODIA REUNION : Un parcours artistique et biblique pour révéler ses talents…

Un parcours artistique et biblique pour révéler ses talents les mettre au service de l’Eglise.

GEODIA te propose de venir t’équiper pour évangéliser !

 

Pour voir la présentation de GEODIA cliquer ici :

Présentation Géodia Session 2

 

Parcours Biblique et artistique 

13 août – décembre 2022

Pour accéder au calendrier des ateliers proposés, il suffit de cliquer sur le titre ci après :

CALENDRIER ATELIERS GEODIA aout-décembre 2022

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16 Février – 22 juin 2022

Contact : mail : geodiareunion@gmail.com / 0 692 83 78 18

 

Parcours Alpha Louange / Salle Don Bosco St Denis

Infos / Inscriptions par sms au 0 692 83 78 18

Mercredi 9 Mars  / 7h30 – 19h30

1 – Pourquoi la louange est-elle centrale ?

 

Samedi 2 Avril / 14h – 17h30

2- Rencontrer Dieu

3- Conduire la louange

 

Samedi 7 Mai / 14h-17h30

4- Libérer l’expression artistique

5- Une équipe efficace

Samedi 21 Mai / 14h – 17h30

6- Comment jouer ensemble

7- Le leader authentique

 

Si vous désirez accéder au calendrier des ateliers, cliquer sur l’image suivante pour qu’elle s’agrandisse :




Prédication pour le sacrement de la Confirmation Samedi 11 juin 2022 – Fr. Manuel Rivero O.P.

Guerre contre Dieu, grâce et synergie ».

Paroisse Notre-Dame du Bon Port (Terre Sainte. Saint Pierre. La Réunion. France).

« Si quelqu’un a soif de Dieu, qu’il vienne à moi », dit Jésus. « ‘Des fleuves d’eau vive jailliront de son coeur.’ En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus » (Jn 7, 37-38).
Chers enfants, c’est bien l’Esprit Saint que vous voulez recevoir. Vous avez découvert la vie de Jésus dans la catéchèse. Votre coeur, votre « petit coeur » comme disait l’un d’entre vous dans sa lettre adressée à l’évêque de La Réunion, a accueilli une semence de Vie divine, la Parole de Dieu.

Jésus, Parole de Dieu incarnée, a inauguré dans votre âme une existence nouvelle mystérieuse, bonne et bienfaisante. Dans le sacrement de la Confirmation, l’Esprit Saint, l’amour du Père et du Fils, vous fait connaître de mieux en mieux le mystère de Jésus le Christ.
Christ, en grec, comme Messie en hébreu, veut dire « oint ». Jésus n’était pas oint d’huile mais d’Esprit Saint.
Vous allez être oints du Saint Chrême, huile parfumée bénie par l’évêque au cours de la messe chrismale, afin de devenir pleinement chrétiens, disciples de Jésus « en qui habite corporellement la plénitude de la divinité » (Col 2,9).
Esprit d’amour, répandu dans votre coeur (Rm 5,5), qui vous sanctifie. Esprit de force pour combattre le péché, le mal qui provoque le malheur. Nous sommes habités par la peur de la pandémie et de la guerre nucléaire mais le péché fait souvent rire et il devient occasion de blagues, parfois de mauvais goût. Pourtant le péché représente une guerre terrible, mortelle, contre Dieu. Une guerre spirituelle faite d’armes destructrices comme l’orgueil et le mépris des autres. Quand nous commettons un péché nous pensons devenir plus libres et nous nous retrouvons tristes et seuls. Dans tout péché, il y a révolte contre Dieu et désir de se prendre pour dieu, mesure de toute chose et centre de l’univers.

Saint Augustin (354-430), le grand évêque d’Hippone en Afrique du Nord, a montré clairement le choix que nous avons à faire, soit nous travaillons pour une gloriole terrestre, soit pour la gloire de Dieu : « Deux amours ont donc bâti deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité de la Terre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité de Dieu. L’une se glorifie en soi, et l’autre dans le Seigneur. L’une demande sa gloire aux hommes, l’autre met sa gloire la plus chère en Dieu, témoin de sa conscience. L’un, dans l’orgueil de sa gloire, marche la tête haute ; l’autre dit à son Dieu : ‘Tu es ma gloire et c’est toi qui élèves ma tête.’ » (La Cité de Dieu, XIV,28,1). Ne confondons pas « réussir dans la vie » et « réussir sa vie ». « Réussir dans la vie » veut dire atteindre une bonne position sociale, un poste professionnel prestigieux, une villa, des voitures … Ce sont des choses matérielles et visibles. « Réussir sa vie » renvoie à l’âme, spirituel et invisible sauf aux yeux de Dieu. L’Esprit Saint nous donne de réussir notre vie car « Il fait de nous une éternelle offrande à la gloire de Dieu » (Prière eucharistique III). Si le diable nous pousse à nous replier sur nous-mêmes, l’Esprit Saint nous ouvre le coeur et les mains pour partager les dons reçus. Attention ! Ne faisons pas de contresens ! Dieu en nous veut pas misérables. Nous avons une vocation de riches mais évitons de devenir mauvais riches. Dieu veut que nous soyons compétents dans notre travail, bien logés, sportifs et entourés des membres de notre famille et de nos amis. La création est bonne. Mais la création demeure au service de « tout l’homme », corps et esprit, et pour « tous les hommes », selon la belle expression du saint Pape Paul VI. Saint Paul nous montre le chemin de lumière voulu par Dieu, vivre pour Dieu : « Nul d’entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même ; si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Donc, dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur » (Rm 14, 7-8). Voilà le secret du bonheur : donner notre vie par amour au Seigneur Jésus. Ce qui reste impossible pour nos forces devient possible par le Saint Esprit et ensemble, dans l’Église, en frères avec tous les hommes. « Ce qui n’est pas donné est perdu ». Il a bien parlé, inspiré par le Saint Esprit, celui qui a dit cela.

L’Esprit Saint, Amour, nous donne de vivre dans l’amour de Dieu, des autres et de nous-mêmes. Le Pape François enseigne que la véritable question ne consiste pas à se demander « qui suis-je ? » mais « pour qui suis-je ? ». Bien évidemment, nous demandons d’où nous venons et ce que nous sommes. Mais la réponse se trouve dans la finalité. Dieu m’appelle à partager sa vie dans l’amour de l’Esprit Saint. En donnant ma vie je découvre qui je suis et d’où je viens. Tout le monde aspire à un grand amour, vrai et enivrant. À la Pentecôte, l’Esprit Saint est descendu sur les apôtres réunis au Cénacle avec la Vierge Marie, sous forme de langues de feu. Feu d’amour qui ne s’éteint pas. Esprit d’allégresse qui avait fait penser à une ivresse de vin doux à tel point les disciples de Jésus manifestaient une immense et indicible joie. Chers enfants, ne vous laissez pas voler l’espérance, ni la joie ni l’amour de Dieu ! Avant de partir vers son Père, Jésus a dit aux apôtres : « Je suis avec vous tous les jours, pour toujours, jusqu’à la fin du monde « (Mt 28, 20). Dans son Ascension à la droite du Père, Jésus ne nous a pas abandonnés. Tout au contraire, en nous envoyant son Esprit Saint il demeure avec nous de manière intime et totale. Au Cénacle de Jérusalem, Marie, la mère de Jésus, avec les apôtres a reçu le don de l’Esprit Saint. La Confirmation est une nouvelle Pentecôte. Ouvrons nos esprits à l’Esprit Saint. Appelons-le : « Viens Esprit créateur nous visiter, viens éclairer l’âme de tes fils, emplis nos coeurs de grâce et de lumière, toi qui créas toute chose avec amour » (Veni Creator). Pour clore l’homélie, je vous invite à confier votre vie à l’intercession de la Vierge Marie, dont l’existence s’est déroulée en synergie avec le Saint-Esprit : « Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère, je te prends pour Mère et pour modèle, mon corps et mon âme, ma vie et ma mort, ce que je suis, ce que j’ai, je le mets entre tes mains, purifie-le, accepte-le, et de fais de moi un bon serviteur ou une bonne servante du Père et du fils et du Saint Esprit, à la suite de saint François-Xavier, patron du diocèse de La Réunion, de saint François et de saint Dominique et de tous les saints. Amen. »




L’icône de la Trinité d’Andreï Roublev : explication, interprétation

Andreï Roublev a peint cette icône entre 1422 et 1427… Qui sont ces Personnages ? Que signifient les couleurs de leurs vêtements, leur posture, et les divers éléments représentés? Nous vous proposons ici quelques points de repère…

Icône de la Trinité

Remarquons tout d’abord que les trois personnages représentés sont jeunes, image de la jeunesse éternelle de Dieu. Ils ont l’apparence des trois « anges » qui ont rendu visite à Abraham, au chêne de Mambré (Gn 18). Or, la figure de l’Ange est souvent utilisée dans l’Ancien Testament pour renvoyer à Dieu Lui-même. Exemple en Ex 3,2 où « l’Ange de Yahvé » apparaît à Moïse, et ensuite, c’est « Yahvé » lui-même qui « vit que (Moïse) faisait un détour pour voir » (Ex 3,4)…

Tous les trois ont un cercle de lumière, identique, qui illustre leur gloire, identique. Le Fils la reçoit du Père de toute éternité en « Unique Engendré » : « Et le Verbe s’est fait chair et il a dressé sa tente parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient du Père comme Unique-Engendré, plein de grâce et de vérité » (Jn1,14). L’Esprit Saint la tient tout à la fois du Père et du Fils dont il procède : « il reçoit même adoration et même gloire » (Crédo)…

            Ils se laissent deviner par ce qui est peint au dessus d’eux :

– A gauche, le Père, avec au-dessus de lui, une maison :

Le Père - Roublevla Maison du Père (Jn 14,22). Il porte dessous un vêtement bleu ciel, signe de sa nature divine. Un autre, presque transparent, le recouvre quasiment entièrement : le Père est invisible pour nous, insaisissable, mystérieux… « Presque transparent », car à travers lui, le bleu ciel se laisse bien deviner, mais cet autre vêtement est aussi légèrement de couleur dorée, en harmonie avec celle des ailes et plus largement avec celle de l’atmosphère qui les entoure tous les Trois : « Dieu est Lumière », « Splendeur et Majesté ».

Et le Père, dont le Fils est engendré en « Lumière née de la Lumière » (Crédo), et dont l’Esprit procède (Crédo), a cette primauté de « Lumière » dans l’Amour qui les unit… Cet attribut, lui convient donc tout particulièrement…

– Au centre, le Fils 

Le Fils - RoublevIl regarde vers le Père, car « il est né du Père avant tous les siècles » (Crédo) : il se reçoit du Père en Fils de toute éternité… « Engendré, non pas créé, il est de même nature que le Père » (Crédo), d’où le vêtement bleu ciel qu’il porte lui aussi. Mais ce dernier est posé sur un autre de couleur rouge, symbole du sang, et donc de sa nature humaine de chair et de sang : le Christ est tout à la fois vrai Dieu (bleu ciel) et vrai homme (rouge sang). Mais si le bleu ciel est sur le rouge sang, c’est pour signifier que le Mystère de sa divinité se reconnaît sur la base de son humanité, par son humanité, en regardant bien cette humanité assumée par Celui qui est Fils, « l’Unique Engendré » (Jn 1,14.18) de toute éternité… Le calice est lui aussi rempli de « rouge » en signe de l’offrande que le Christ fera de lui-même en son humanité lors de sa Passion, pour notre salut… « Tandis qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Mt 26,26-28).

Calice Roublev

           Remarquer aussi que les contours extérieurs des personnages de gauche et de droite dessinent un calice, avec le Christ au centre, offert…

Et si le Fils est bien la victime, « l’Agneau immolé » (Ap 5,6), qui « enlève le péché du monde » (Jn 1,29) par son sacrifice, il est aussi le Prêtre parfait (Hb 2,17 ; 3,1 ; 4,14-15 ; 5,5-6 ; 6,20 ; 7,26…), symbolisé ici par l’étole jaune qu’il porte sur son vêtement rouge, et ce jaune est de même couleur que le jaune des ailes des trois personnages, et du fond plus clair : « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), et le Prêtre est justement celui qui fait le lien entre le ciel et la terre… « Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). Cette étole est d’ailleurs posée sur son vêtement rouge, comme l’est la cape bleu ciel… C’est donc une nouvelle fois par son humanité que le Christ se révèle être le Prêtre parfait, l’unique « médiateur » entre Dieu et les hommes…

Au dessus du Christ, nous voyons « l’arbre de vie », qui, dans le récit de la Genèse, symbolise le don de la vie éternelle (Gn 3,9), un don offert gratuitement, par amour, en surabondance : « Yahvé Dieu fit à l’homme ce commandement : « Tu peux manger à satiété de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, de mort tu mourras » (Gn 2,16-17). La notion de connaissance renvoyant dans la Bible à celle d’expérience, Dieu invite donc ici l’homme à ne pas faire l’expérience du mal, car son fruit immédiat sera « la mort » au sens de privation d’une plénitude de Vie symbolisée par le fruit de l’arbre de vie… Notons le terme « commandement » employé ici ; Jésus le reprendra en disant : « Je sais que son commandement », le commandement du Père, « est vie éternelle » (Jn 12,50). Autrement dit, Dieu nous « commande » de vivre, un verbe qui insiste très fortement sur « sa volonté », son « désir profond », et c’est pour cela qu’il nous presse de choisir la vie et non la mort : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort… Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant Yahvé ton Dieu, écoutant sa voix, t’attachant à lui ; car là est ta vie » (Dt 30,15-20). « Choisir », un verbe qui renvoie à notre liberté que Dieu respecte infiniment tout en nous suppliant de faire le bon choix, car il ne désire qu’une seule chose, notre vie. Il nous a tous créés pour que nous participions à la Plénitude de sa Vie éternelle…

Mais dans cette parabole du jardin d’Eden, Adam et Eve, qui nous représentent tous, vont faire le mauvais choix, et, par suite de leur désobéissance, ils vont se priver eux-mêmes de l’accès illimité à l’arbre de vie, et à tous les autres arbres du jardin… Mais tout ce que nous avons perdu par suite de nos fautes, nous le retrouvons gratuitement, par amour, grâce à Celui qui est venu nous rejoindre en notre humanité pour que nous puissions retrouver avec Lui le fruit de « l’arbre de vie », qui représente la Plénitude de cette vie éternelle pour laquelle nous avons tous été créés… Dieu nous a tous en effet lancés dans l’aventure de la vie pour que nous soyons nous aussi, et cela selon notre condition de créature, ce que Lui Il Est de toute éternité… Il Est « le Vivant » par excellence ? Il veut, de toute la force de son Être, et il est infini, que nous soyons à notre tour des « vivants », en ayant part, gratuitement, à sa Plénitude même ! Ainsi va « l’Amour » (1Jn 4,8.16)… Et puisque l’Amour ne supporte pas de voir la souffrance de l’être aimé sans réagir, l’Amour vient, jour après jour, en Jésus Christ à la rencontre des pécheurs que nous sommes, pour nous proposer et nous proposer encore la Plénitude de sa Vie. Grâce à elle, nous retrouverons ce Bonheur profond qui est Paix et Joie, une Paix et une Joie que nous avions perdues par suite de nos fautes… « Souffrance et angoisse à toute âme qui fait le mal » (Rm 2,9)… « « Viens, suis-moi ». Mais le jeune homme riche s’en alla, tout triste, car il avait de grands biens » (Lc 18,18-23)… Hélas, ces biens-là n’apportent pas le vrai bonheur… Seul le Don de Dieu, ce Don gratuit que le Père veut faire à tout homme, par Amour, peut nous l’apporter… « Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien… Je trouverai ma joie à leur faire du bien, de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,39-41). Telle est donc la volonté de Dieu : que nous « soyons » bien, au sens fort, en participant à sa Plénitude, comme Lui-même « Est » bien (Ex 3,14), de toute éternité… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Alors, si « le salaire du péché, c’est la mort » avec son cortège de souffrance, de détresse, de tristesse (Rm 2,9 ; 5,12) « le don gratuit de Dieu », par Amour puisqu’Il n’Est qu’Amour, « c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). « Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn 10,10).

Et cet arbre de vie penche vers la Maison du Père, il indique la Maison du Père… Toute vie, en effet, vient du Père et retourne au Père qui est la Source première, éternelle, de la vie, celle du Fils et de l’Esprit Saint, de toute éternité, et la nôtre… « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même… Et de même que le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange », celui qui me recevra par sa foi, « lui aussi vivra par moi… En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 5,26 ; 6,57 ; 6,47)…

– A droite, le Saint Esprit, 

L'Esprit Saint - RoublevIl a lui aussi un vêtement bleu, en signe de cette nature divine qui est également pleinement la sienne. Mais si le Fils regarde vers le Père de qui il se reçoit de toute éternité en « Fils Unique Engendré » (Jn 1,14 ; 1,18), l’Esprit Saint regarde tout à la fois vers le Père et vers le Fils de qui il se reçoit à son tour comme « celui qui procède du Père et du Fils » (Crédo)… Son vêtement vert est de même couleur que l’herbe verte du sol sur lequel repose le Trône de Dieu. « Ainsi parle Yahvé : Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds » (Is 66,1). Dieu est présent partout, au ciel et sur la terre… « La Gloire de Yahvé remplit toute la terre » (Nb 14,21 ; Ps 72,19), « de l’Amour de Yahvé la terre est pleine » (Ps 33,5). Cette identité de couleur entre ce vêtement de l’Esprit Saint et la terre ne peut que souligner son lien avec cette terre et son action envers elle… « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements ; et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous; et en vous il sera » (Jn 14,15-17), par ce Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même. Toute l’œuvre de l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité, consiste en effet à nous communiquer « l’Esprit Saint – nature divine » (« Dieu Est Esprit » (Jn 4,24), Dieu est « Saint » (cf. Is 6,3)), cette nature divine que le Fils reçoit du Père de toute éternité, cette même nature divine que Lui, Troisième Personne de la Trinité, reçoit du Père et du Fils de toute éternité. « Lui me glorifiera », nous dit Jésus, « car c’est de mon bien qu’il recevra et il vous le communiquera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit que c’est de mon bien qu’il reçoit et qu’il vous le communiquera » (Jn 16,14-15). Ce lien entre l’Esprit Saint et la terre rejoint l’explication habituelle de la couleur verte en contexte chrétien : couleur de l’espérance qui est le fruit de l’action concrète de l’Esprit Saint dans les cœurs. Et qu’y fait-il ? « L’Esprit vivifie » (Jn 6,63), « l’Esprit donne la vie » (Ga 5,25), et en nous communiquant cette vie, il nous donne un avant goût, un « quelque chose » (Elisabeth de la Trinité), un « je ne sais quoi » (Ste Thérèse de Lisieux) de la vie même du Ciel, qui ne peut que nous faire désirer d’y participer pleinement… Et ce sera, nous l’espérons, ce jour où nous verrons notre Rédempteur de nos yeux de chair, dans la Lumière de l’Esprit, et cela pour toujours… « Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la puissance de l’Esprit Saint » (Rm 15,13). « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (Ste Thérèse de Lisiers), la Plénitude de la vie…

Au dessus du Saint Esprit, l’auteur a figuré comme une vague de Lumière… Cette vague évoque sa Force (Ac 1,8 ; 2Tm 1,7) et sa Puissance (Lc 1,35 ; 4,14). Mais une vague ne peut que renvoyer à de l’eau, mais cette fois, il s’agit de l’Eau Vive (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), Eau Vive qui vivifie (Jn 6,63 ; Rm 8,2 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25), mais aussi Eau Pure qui purifie (Ez 36,25-28 ; 1Co 6,11 ; Tt 3,4-7). Et cette vague est couleur de Lumière, car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5). L’Eau Pure qui purifie est cette Lumière qui nous purifie de toute forme de ténèbres : «  La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Mais puisque « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), l’Eau Vive est également cette Lumière qui nous communique « la Lumière de la vie » (Jn 8,12), une Lumière qui est Vie… Alors, notre vocation à être « à l’image et ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28) en « reproduisant l’image du Fils » (Rm 8,29) sera pleinement accomplie : « En Lui était la Vie, et la Vie était Lumière » (Jn 1,4)… Il en sera de même pour nous… Cette vague exprime ainsi toute la mission du Saint Esprit : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux ; cf. Jn 3,35 pour le Père et le Fils). L’Esprit Saint est ainsi tout particulièrement celui qui donne, qui nous donne, ce qu’Il Est de toute éternité… Et « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24). Et « Dieu est Saint » (cf. Is 6,3). L’Esprit Saint Personne divine ne cesse donc de donner ce qu’Il Est Lui-même, et Il Est Esprit, et Il Est Saint : il donne ainsi « l’Esprit Saint » nature divine, cette nature divine que possède le Père de toute éternité, cette même nature divine que possède le Fils de toute éternité en tant qu’il la reçoit du Père en « Unique Engendré », « de même nature que le Père » (Crédo), cette nature divine que l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité reçoit du Père et du Fils en tant « qu’il procède du Père et du Fils » (Crédo), de toute éternité… Il est bien ainsi « le Seigneur qui donne la vie » (Crédo) en donnant « l’Esprit Saint – nature divine » qui est Lumière et Vie…

Cette vague lumineuse ne peut aussi qu’être symbole de Force, la Force de l’Esprit Saint : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous » (Ac 1,8). Cette Force est participation à celle-là même du Christ, Force de dire « je vous aime » à ceux-là même qui le tuent… « Ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de Force, d’Amour et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7). Grâce à lui, en comptant sur lui, en nous appuyant sur lui, le commandement de l’Amour devient possible… « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous réservez vos saluts à vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,43-48), et la perfection du Père est celle de l’Amour, un Amour qui ne se laisse pas arrêter par le mal, et cela d’autant plus que le mal détruit, fait du mal à celui qui le commet : il ne peut que le plonger dans la souffrance (Rm 2,9). Et lorsque Dieu voit un des ses enfants souffrir, quelle que soit l’origine de sa souffrance, il est bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de lui-même. Et son Amour se fait encore plus pressant pour celui qui, alors en a le plus besoin… « Là où le péché a abondé », et avec lui « souffrance et angoisse » (Rm 2,9), là aussi le remède a surabondé, « la grâce a surabondé » (Rm 5,20). A nous maintenant d’offrir toutes nos souffrances à Dieu, et de nous repentir avec son aide et son soutien. Alors, avec Lui et grâce à Lui, à nouveau, nous serons « bien »… « Soyez » donc, grâce au « Don de Dieu » (Jn 4,10 ; 1Th 4,8), au Don de son Esprit (Jn 20,22) et donc de son Amour (Jn 4,24 et 1Jn 4,8.16 ; Rm 5,5 ; Ga 5,22) « miséricordieux comme votre Père est Miséricordieux » (Lc 6,36 ; Bible des Peuples). « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant » (Lc 6,36 BJ). « Soyez pleins de bonté comme votre Père est plein de bonté » (Parole de Vie). « Soyez généreux comme votre Père est généreux » (TOB)…

Icône de la Trinité

Notons aussi que les Trois sont assis sur un même trône, qui semble se confondre, du moins pour les personnages de droite et de gauche, avec la table de l’autel, un autel qui traditionnellement renvoie à la Présence de Dieu Lui‑même… Le trône, la table de l’offrande semblent être une seule et même réalité, et c’est bien en s’offrant sur la Croix, soutenu par le Père (Jn 17,1) et la Puissance de l’Esprit (Ac 1,8) que le Christ manifestera le Mystère de sa Royauté, non pas une royauté terrestre, mais une royauté divine, celle de l’Amour… Avec Lui et par Lui, l’Amour se révèle comme étant Tout Puissant : malgré les incroyables souffrances que les hommes lui ont fait subir, il n’y a jamais répondu par le mal ou la violence, mais par le silence habité par l’offrande de lui-même, et par ces Paroles : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »… Amour des hommes… « Père, entre tes mains je remets mon esprit », Amour du Père… « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse ! » Mais non, « il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé », avait-il dit peu avant sa Passion (Lc 23,34 ; 23,46 ; Lc 22,42 ; Jn 14,31). Et le Père lui a demandé d’être fidèle jusqu’au bout à sa mission de manifester « les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78), « jusqu’au bout » (Jn 13,1), jusqu’à l’extrême de l’amour toujours offert à ceux-là même qui le tuaient… Il faut être « fort » pour agir ainsi, incroyablement « fort » : telle est la Toute Puissance de Dieu, Toute Puissance de l’Amour, Toute Puissance de la Miséricorde, comme me chante la Vierge Marie : « Le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses. Saint est son nom, et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1,49-50). Et ressuscité, il reviendra bénir ceux-là même qui criaient « Crucifie le ! Crucifie le ! » (Lc 23,21) : « Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères a glorifié son serviteur Jésus que vous, vous avez livré et que vous avez renié devant Pilate, alors qu’il était décidé à le relâcher. Mais vous, vous avez chargé le Saint et le Juste; vous avez réclamé la grâce d’un assassin, tandis que vous faisiez mourir le prince de la vie. Dieu l’a ressuscité des morts : nous en sommes témoins… Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,13-15 et 3,25-26).

Icône de la TrinitéEnfin, les Trois dessinent un cercle, en signe de perfection : perfection de Dieu, perfection de leur unité dans la Communion d’une même Lumière, d’un même Esprit, d’un même Amour… Si Jésus a dit « moi et le Père nous sommes un » (Jn 10,30), en tant qu’unis l’un à l’autre dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), dans « la communion de l’Esprit Saint » (2Co 13,13), on pourrait dire aussi : « Moi, le Père et l’Esprit Saint, nous sommes un »…

Et dans cette unité de l’Amour, où chacun ne regarde que l’autre, ne vit que pour l’autre, le plus grand est le plus petit… En effet, le Père n’est pas en position centrale, mais sur le côté, tout comme l’Esprit Saint… Et au centre, le Christ, mais Lui et l’Esprit Saint ne cessent de regarder le Père et de dire ainsi par leur seul regard que c’est avant tout Lui qui compte… Sans le Père, le Fils et l’Esprit Saint ne Sont rien, ils ne peuvent rien… « En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui même, qu’il ne le voie faire au Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement… Je ne puis rien faire de moi-même » (Jn 5,19-20.30). « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29), et au même moment « Maître et Seigneur »… Mais un Maître et un Seigneur au pied de ses disciples, au pied de tout homme, pour le servir, le laver, et lui « donner la seule vraie nourriture qui demeure en vie éternelle » (Jn 6,27)… « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé. » « Or, je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». « Sachant cela, heureux êtes‑vous, si vous aussi faites de même » à votre tour (Jn 13,13-17 ; Lc 22,27)…

D. Jacques Fournier

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Icône de la Trinité de Andreï Roublev




Un appel à la paix de Mère Teresa, toujours actuel…

En ce jour où nous fêtons l’Ascension de Notre Seigneur Jésus Christ au ciel, prions Dieu, son Père et notre Père, pour tous les habitants de notre Terre…

« Approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les cœurs nettoyés de toutes les souillures d’une conscience mauvaise et le corps lavé d’une eau pure. Gardons indéfectible la confession de l’espérance, car Celui qui a promis est fidèle, et faisons attention les uns aux autres pour nous stimuler dans la charité et les œuvres bonnes » (He10,22-24).

En janvier 1991, au moment de la guerre du Golfe, Mère Teresa adressa à ceux qui auraient pu l’éviter, Bush père et Saddam Hussein, la même lettre :

« Je vous supplie de tout mon cœur de travailler, de vous efforcer à travailler à la paix de Dieu et de vous réconcilier mutuellement.

Je comprends bien que chacun de vous a son propre intérêt et ses peuples à gouverner. Mais essayez, avant tout, d’écouter Celui qui vint au monde pour parler de paix.

Vous avez le pouvoir et la capacité de détruire la présence et l’image de Dieu, en détruisant ses hommes, femmes et enfants.

Prêtez attention s’il vous plaît à la Voix de Dieu ! Dieu nous a créés pour que nous nous sentions aimés de son amour et non pour que nous soyons détruits par nos haines.

A brève échéance, il peut y avoir des vainqueurs et des vaincus dans cette guerre qui nous effraie tous, mais qui jamais ne pourra justifier ni ne justifiera la souffrance, la douleur, la perte de vies, que produiront vos armes.

Je m’adresse à vous au nom de Dieu, du Dieu qui nous aime tous et que nous partageons, pour vous supplier pour les innocents, pour nos pauvres du monde entier et pour ceux qui deviendront pauvres à cause de la guerre. Ce sont eux qui souffriront le plus, parce qu’ils manquent de moyens pour fuir.

Je vous supplie à genoux pour eux. Ils devront souffrir, et quand une chose semblable arrivera, c’est nous qui nous sentirons coupables de n’avoir pas fait tout ce que nous pouvions pour les protéger et leur montrer notre amour.

Je vous supplie pour ceux qui deviendront orphelins, veuves ; pour ceux qui resteront seuls, parce que leurs parents, leurs maris, leurs frères et leurs enfants auront été assassinés.

Je vous en supplie : sauvez-les !

Je vous supplie pour tous ceux qui resteront mutilés et défigurés. Il s’agit d’enfants de Dieu.

Je vous en supplie pour tous ceux qui resteront sans logis, sans nourriture, sans tendresse. Regardez-les comme vos enfants.

Je vous supplie enfin pour tous ceux qui resterons dépouillés du don le plus précieux que Dieu puisse nous donner : La VIE.

Je vous demande de sauver nos frères et sœurs, les vôtres et les nôtres, parce que Dieu est celui qui nous les donne pour que nous les aimions et leur offrions nos attentions.

Nous n’avons aucun droit de détruire ce que Dieu nous a donné.

S’il vous plaît, je vous en prie, faites que vos pensées et vos volontés soient la pensée et la volonté de Dieu. Vous avez la capacité d’amener la guerre au monde ou de construire la paix.

J’en appelle à vous, à votre amour, à votre amour de Dieu et de vos semblables. Au nom de Dieu et de ceux qui, par vous, tomberont dans la pauvreté, je vous supplie de ne détruire ni la vie ni la paix. Permettez que l’amour et la paix triomphent, et qu’on rappelle vos noms pour le bien que vous avez fait, pour la joie que vous avez répandue, et pour l’amour que vous avez partagé.

Nous vous demandons que vous aimiez et nourrissiez ceux que Dieu a confiés avec tant d’amour à vos soins.

Que Dieu vous bénisse maintenant et toujours.

Mére Teresa, mc ».

Lettre de Mère Teresa à George BUSH et SADDAM Hussein. 1991, guerre du Golfe.




« Le dialogue avec Moscou est-il possible ? La pensée et l’action du Vénérable[1] Giorgio La Pira  » par Fr. Manuel Rivero, O.P.

Problématique

Sur quelles bases culturelles et juridiques l’Europe peut-elle construire des ponts de paix avec Moscou ? La civilisation chrétienne représente-elle une chance pour tisser des liens avec la Fédération russe ? Quels chemins faut-il emprunter pour rapprocher l’Europe et Moscou ? L’art chrétien et la spiritualité sont-ils des moyens significatifs de rencontre, de dialogue et de paix entre les nations ?

L’attaque armée de la Fédération russe à l’Ukraine, pays indépendant, a bouleversé le monde entier. Des milliers de cadavres de soldats et de victimes innocentes jonchent les routes de l’Ukraine. Des millions de réfugiés ont quitté ce pays pour sauver leur vie.

Il y a le bruit des armes et des explosions. Il y a aussi la voix de la raison pour passer d’une mentalité de guerre à une civilisation, fondée sur le respect de la dignité sacrée de la personne humaine et du droit international, en vue de construire des rapports de paix.

Le Pape François s’investit, en tant que chef spirituel des catholiques, pour arrêter l’horreur de la guerre et faire naître des relations réciproques de paix, dans une situation complexe qui a besoin du recul de l’histoire pour être interprétée en tenant compte d’un grand nombre de paramètres et de variables.

L’exemple de l’engagement de Giorgio La Pira (1904-1977)[3]

La pensée et l’engagement politique enracinés dans l’Évangile de Giorgio La Pira méritent d’être relevés et intégrés à l’heure où des hommes politiques et religieux cherchent à dépasser la violence et à mettre en valeur les solutions diplomatiques.

Né en Sicile, Giorgio La Pira a fait sa carrière de professeur de droit et de maire de Florence (Italie). Devenu laïc dominicain et membre d’un institut séculier franciscain, La Pira a marqué l’histoire par les ponts qu’il n’a cessé d’établir entre les capitales du monde et les nations.

Maire de Florence, député, membre rédacteur de la Constitution italienne, homme de culture qui lisait Dostoïevski, Papini, Bossuet et Pascal, La Pira a vécu sa carrière politique dans un esprit humaniste et chrétien. Influencé par les philosophes Emmanuel Mounier (+1950) et Jacques Maritain (+1973), La Pira a vécu l’engagement politique comme un chemin d’humanisation et de sainteté. Homme de prière, il n’hésitait pas à affirmer que la prière ne suffit pas. Il faut transformer aussi l’économie et les institutions. À l’heure où certains voudraient cantonner la foi à une dimension uniquement individuelle et intime, La Pira s’est consacré au service du bien commun de sa ville : Florence.

S’il n’y a pas de politique chrétienne, à proprement parler, il y a cependant une manière chrétienne de faire de la politique. La Pira a trouvé dans la vie de Jésus de Nazareth la boussole pour son action et la clé d’interprétation du fleuve tumultueux de l’histoire humaine avec ses courants spirituels profonds qui conduisent au Christ ressuscité, alpha et oméga, origine et accomplissement de la soif humaine de vérité et d’amour. L’action mystérieuse de la grâce !

C’est auprès des pauvres, en célébrant chaque semaine la « Messe des Pauvres », que La Pira a reçu le discernement, don de l’Esprit Saint et des pauvres. Après la célébration de l’eucharistie, la communauté chrétienne de San Procolo et plus tard de la Badia partageait nourriture et vêtements, mais aussi des pensées et des sentiments. Loin d’être un politique déconnecté, La Pira aimait écouter les Florentins et leur expliquer à son tour l’Évangile et les événements internationaux.

La ville de Florence porte en son cœur une grande richesse intellectuelle. Des figures de l’art et de la science y ont vécu : Dante (+1321), Amerigo Vespucci né à Florence en 1454, qui a donné son nom à l’Amérique, Fra Angelico (+1455), Giotto (+1337), Michel-Ange (+1564), Brunelleschi (+1446), Galilée (+1642), Savonarole (+1498) … C’est aussi à Florence que s’était tenu le Concile de 1431 qui avait réconcilié, pour un temps malheureusement trop bref, l’Église d’Orient et d’Occident, les Latins et les Grecs. Cet événement avait gardé sa valeur symbolique et historique aux yeux du « saint maire » de Florence.

La méthode de La Pira

L’étude de saint Thomas d’Aquin (+1274), au couvent des Dominicains de Saint-Marc (Florence) célèbre pour ses fresques du Beato Angelico, avait donné à La Pira une véritable architecture intellectuelle, théologique et spirituelle qui orientera sa politique.

Le Pape François invite l’Église à « vivre en sortie ». La passion de La Pira était de relier les capitales de la Méditerranée pour unir les nations. Les « colloques de la Méditerranée », toujours vivants, en témoignent.

Il s’était rendu dans un grand nombre de capitales du monde pour bâtir des ponts culturels, politiques et spirituels : Moscou, Varsovie, Le Caire, Jérusalem, Paris, Beyrouth, New York, Hanoï, Chili, Québec …

Soucieux de la connaissance réciproque entre les pays à la recherche de la paix, il se déplaçait avec son bâton de pèlerin à l’image de saint François d’Assise qui alla à la rencontre du sultan Malik al-Kamil, en 1219.

Le dialogue avec la Russie

Comment ne pas relier la démarche du Pape François de consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie à celle de La Pira ?

La Pira s’est rendu à Moscou après son pèlerinage à Fatima dont le message éclairait ses démarches avec la capitale de « la sainte Russie » : « La Russie se convertira et il y aura la paix dans le monde ».

La Pira estimait que « le problème de fond de la Russie était le problème religieux »[4]. Il pensait cela en harmonie avec de grands écrivains russes comme Dostoïevski ou Pasternak …

Lors d’une visite à Kiev, l’archevêque de Kiev et de toute la Russie avait vu dans le document du concile de Florence au XVe siècle « un symbole d’espérance »[5].

Deux éléments agissaient comme des aimants pour la Russie par rapport à l’Europe : la voie « technique » des sciences et la voie « mystique »[6].

La Pira a écrit de nombreuses lettres aux papes Pie XII, Jean XXIII et Paul VI. Dans sa correspondance avec le pape Jean XXIII, La Pira plaide pour le rapprochement de la Russie et de l’Europe dans une dialectique spirituelle fondée sur la vie de l’Église, des monastères et des saints[7], car l’Église peut ouvrir au moyen d’ « une seule clé les lourdes portes des peuples et des nations[8] ».

Dans une autre lettre au même pape Jean XXIII, La Pira souligne que la relation religieuse et « politique » entre Rome et Moscou constitue le « noyau » de la crise, « l’axe autour duquel gravite l’histoire présente et future de l’Église et des nations[9] ». Il s’agit par conséquent de bâtir « le pont religieux Rome-Moscou[10] ».

C’est en 1959 que La Pira s’est rendu à Kiev et à Moscou. Au pape Jean XXIII, né à Bergamo (Italie), il raconte émerveillé ses impressions : « Très Saint-Père, permettez-moi d’ajouter cette pensée : voulez-vous connaître l’impression que fait le peuple russe à Moscou et à Kiev (et plus encore à la campagne) ? Pensez à Bergame, il y a 50 ans : des femmes propres, au visage pur, sans maquillage, avec des tresses ; une mode irréprochable (jusqu’au moindre scrupule) : elle semble faire rêver, tout ceux qui viennent des villes italiennes, ou, pire, françaises ou américaines !

Impression immédiate de santé morale : vie modeste, pour tous. [11]»

Utopiste ? Rêveur ? La Pira s’en défend au nom « des vertus théologales » (la foi, l’espérance et la charité)[12].

Dans sa soif de rapprochement avec Moscou, La Pira s’appuie sur la prière de milliers d’âmes contemplatives qui intercèdent pour lui dans les monastères du monde entier, plus de 100 000 moines et moniales. Il fait appel aussi aux grands saints qui ont travaillé à la communication avec les Slaves comme saint Cyrille et saint Méthode, co-patrons de l’Europe avec saint Benoît. La Pira prie lui-même et il fait prier pour la conversion de la Russie et de ses leaders politiques.

Nombreux sont les liens qui relient l’Italie à la Russie. Roublev (1360-1430), le peintre des icônes, est contemporain de fra Angelico (1395-1455), patron des artistes. La cathédrale de la Dormition de la Vierge Marie au cœur du Kremlin est l’œuvre d’un architecte de Bologne, Aristotile Fiovaranti, en 1479.

Dans ses échanges avec les pauvres à la Badia, La Pira se réjouit de la démarche du Pape Jean XXIII. « Il a reçu Agiubei avec sa femme, fille de Khrouchtchev, à laquelle il a offert un chapelet en lui disant de « l’apporter à son père«  ». « Ce pape est un vrai père : il reçoit tout le monde et a une parole de douceur pour tout le monde »[13].

Il tisse des liens avec Moscou, en la personne de Khrouchtchev, par l’entremise de l’art. La Pira envoie des livres d’art sur Michel-Ange et fra Angelico au leader du Kremlin. La civilisation européenne reste originale. Il ne confond pas la culture européenne avec la culture occidentale « américanisée »,  dont il se démarque : « Très saint Père. Je suis persuadé : la nation russe cherche sans en avoir une claire conscience ses origines chrétiennes et artistiques : elle trouve des motifs profonds de méditation dans la Renaissance chrétienne florentine (et italienne) : donc, elle cherche des ponts capables d’unir son histoire passée et présente à l’histoire passée et présente de Florence, Rome, Italie, Europe : l’authentique, non « américanisée », « chrétienne » [14].

Pour La Pira, la guerre représente toujours une erreur :  « Faire la guerre, c’est toujours mal, c’est comme quand deux personnes se battent ; la haine c’est toujours comme de l’acide, ça gâche tout. [15] »

La Pira cité par le Pape François

À plusieurs reprises, le Pape François cite la pensée et l’exemple de Giorgio La Pira comme il l’a fait récemment à Malte. Des arguments qui se veulent objectifs sont invoqués pour justifier la guerre. Néanmoins des raisons personnelles agissent aussi dans la décision tragique de déclencher la violence dont le désir de domination est de montrer aux autres que l’on est le plus fort. Sentiment et action habituels des adolescents qui cherchent à faire preuve de puissance et de virilité. Et le pape François de citer la réflexion de sagesse de La Pira dans le contexte de la guerre actuelle : « La situation historique que nous vivons, le choc des intérêts et des idéologies qui secouent l’humanité en proie à un incroyable infantilisme, redonnent à la Méditerranée une responsabilité capitale : redéfinir la règles d’une Mesure où l’homme livré au délire et à l’excès peut se reconnaître » (Discours au Congrès méditerranéen de la culture, 19 février 1960). » Tragique infantilisme !

Le pape François se dit prêt à aller à Moscou pour favoriser la paix comme La Pira le fit en son temps. « Espérant contre toute espérance », s’exclamait souvent La Pira en citant en latin saint Paul : « Spes contra spem » (Rm 4,18).

Dans son encyclique Fratelli tutti (n°261) du 3 octobre 2020, le pape François renverse les arguments en faveur de la guerre : « Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal. N’en restons pas aux discussions théoriques, touchons les blessures, palpons la chair des personnes affectées. Retournons contempler les nombreux civils massacrés, considérés comme des “dommages collatéraux”. Interrogeons les victimes. Prêtons attention aux réfugiés, à ceux qui souffrent des radiations atomiques ou des attaques chimiques, aux femmes qui ont perdu leurs enfants, à ces enfants mutilés ou privés de leur jeunesse. Prêtons attention à la vérité de ces victimes de la violence, regardons la réalité avec leurs yeux et écoutons leurs récits le cœur ouvert. Nous pourrons ainsi reconnaître l’abîme de mal qui se trouve au cœur de la guerre, et nous ne serons pas perturbés d’être traités de naïfs pour avoir fait le choix de la paix. » 

En ce mois de mai 2022, le pape François exhorte les fidèles à prier le chapelet pour la Paix comme le faisait Giorgio La Pira, opposé à l’armement nucléaire, dans la tradition dominicaine du Rosaire à Notre-Dame-de-la-Victoire, prière rendue célèbre par le saint pape Pie V et par la prière des confréries du Rosaire pour la Paix et la délivrance de la guerre et de l’oppression.

 

Saint-Denis (La Réunion), le 5 mai 2022.

Fr. Manuel Rivero, O.P.

Doyen de la Faculté des sciences sociales de Domuni-universitas[2].

 

[1] Le procès diocésain pour sa béatification, ouvert à Florence en 1986, s’est conclu le 4 avril 2005. Son dossier est actuellement entre les mains du Dicastère pour les causes des saints.

[2] https://www.domuni.eu/

[3] Cf. Annachiara VALLE, Giorgio La Pira. Vivere per la comunità. Milano, Edizioni San Paolo, 2018 ; Valerio Lessi, Giorgio La Pira. La fede cambia la vita e la storia. Milano, Paoline Editoriale Libri, 2018 ; Alessandro Cortesi, Marco Pietro Giovannoni, Pietro Domenico Giovannoni. Giorgio La Pira. Vangelo e impegno politico. Firenze, Edizioni Nerbini, 2021 ; La Pira. I colloqui della Badia. Libreria Editrice Fiorentina ; Giorgio La Pira. Il sogno di un tempo nuovo. Lettere a Giovanni XXIII. A cura di Andrea Riccardi e Augusto D’Angelo. Milano. Edizione San Paolo, 2009 ; Giorgio La Pira. La preghiera forza motrice della storia. Lettere ai monasteri femminile di vita contemplativa, Città Nuova, Roma, 2007 ; Giorgio La Pira. Beatissimo Padre. Lettere a Pio XII. Mondadori, Milano, 2004 ; Giorgio La Pira. Abbattere muri, costruire ponti. Lettre a Paolo VI. San Paolo Edizioni, Cinisello Balsamo (MI) 2015 ; Agnès Brot. Giorgio La Pira. Un mystique en politique (1904-1977). DDB, 2017.

[4] Lettera a Pio XII, 10 agosto 1954, in Giorgio La Pira e Russia, a cura di M. Garzanti – L. Tonini, Firenze 2005, pp.3-5.

[5] Ibidem.

[6] Lettre de La Pira a Jean XXIII, 30/7/1959, lettre 17. Cf., a cura di Andrea Riccardi e Augusto D’Angelo. Milano, Edizione San Paolo, 2009, p. 152.

[7] Lettre de La Pira à Jean XXIII, 1/8/1959. Cf. Giorgio La Pira, Il sogno di un tempo nuovo. Lettere a Giovanni XXIII, a cura di Andrea Riccardi e Augusto d’Angelo. Milano, Edizione San Paolo, 2009, p. 156.

[8] Ibidem.

[9] Lettera a Giovanni XXIII, Firenze, 6/8/1959. Trasfigurazione.

[10] Cf. Lettera a Montini, Firenze, 3/9/1959.

[11] Lettera a Giovanni XXIII, Firenze, 5/9/1959.

[12] Lettera a Giovanni XXIII, Firenze, 30/9/1959.

[13] La Pira, I colloqui della Badia. Libreria editrice Fiorentina. SS. Apostoli, domenica 17 marzo 1963, p.148.

[14] La Pira, Lettera a Giovanni XXIII, Firenze, 7/10/1959. Notre-Dame du Rosaire.

[15] La Pira, I colloqui della Badia. Libreria editrice Fiorentina. SS. Apostoli, domenica 2 novembre 1958, p. 32.

 




Fête de la Miséricorde : la joie des pécheurs pardonnés fait toute la joie de Dieu…

Le 30 avril 2000, au cours de la Messe de canonisation de Sœur Faustine Kowalska, Saint Jean Paul II instituait la Fête de la Miséricorde Divine, le premier dimanche après Pâques…

Qu’est-ce donc que la Miséricorde de Dieu ? Nous pouvons répondre avec le prophète Jérémie : « Reviens, rebelle Israël, oracle du Seigneur. Je n’aurai plus pour vous un visage sévère, car je suis miséricordieux – oracle du Seigneur – je ne garde pas toujours ma rancune » (Jr 3,12).

Dans la traduction grecque de la Septante, réalisée par la communauté juive d’Alexandrie à partir du 3° s av JC, nous avons « ἐλεήμων ἐγώ εἰμι, éléêmôn égô eimi, je suis miséricordieux », avec exactement la même expression employée en Ex 3,14 lorsque Dieu révèle son Nom à Moïse lors de l’épisode du buisson ardent : « Quel est ton Nom ? « γ εμι, égô eimi, je suis » ». Autrement dit, en tout son être, Dieu est miséricorde, il n’est que miséricorde… Et qu’est-ce que la Miséricorde ? Elle est le visage et la réaction de l’Amour face à notre misère. Car, en tout son être, « Dieu Est Amour » (1Jn 4,8.16), il n’Est qu’Amour (P. François Varillon ; « Joie de croire, joie de vivre »).

Ainsi lorsqu’il déclare en Jérémie : « Je n’aurai plus pour vous un visage sévère », il évoque cette perception que nous pouvons avoir de Lui et qui ne correspond pas à la réalité. Nous, pécheurs, nous sommes dans les ténèbres : nous le voyons mal, nous le percevons mal, et dire qu’il est « sévère » est inexact. Non, Dieu n’est pas sévère ; il ne répond pas au mal par le mal. Il ne punit jamais, il ne châtie jamais… Aussi, quand nous lisons au Ps 118 (117),18 : « Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé », ce que la Bible de Jérusalem a traduit « Il m’a châtié, il m’a châtié« , ces expressions correspondent à ce que l’Ancien Testament a « d’imparfait et de dépassé », comme le déclare le Concile Vatican II dans sa constitution « Dei Verbum, la Parole de Dieu » au paragraphe 15: (http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19651118_dei-verbum_fr.html).

C’est le mal que nous, nous commettons, qui nous fait du mal, nous blesse et nous plonge dans la souffrance, le mal être : « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal », déclare St Paul (Rm 2,4). Et Jérémie écrivait déjà : « N’as-tu pas provoqué cela pour avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, alors qu’il te guidait sur ta route ? (…) Que ta méchanceté te châtie et que tes infidélités te punissent ! Comprends et vois comme il est mauvais et amer d’abandonner le Seigneur ton Dieu » (Jr 2,17-19)… « Ah ! comme tu t’es tracé un bon chemin pour quêter l’amour ! » (Jr 2,33).

Ainsi, lorsque quelqu’un prononce des paroles acides, elles feront du mal bien sûr à celles et ceux à qui elles sont destinées. Mais cet acide aura déjà brûlé la personne qui aura ainsi parlé… Un pécheur est d’abord un souffrant…

Quelle est donc la réaction de Dieu face à toutes ces souffrances que nous nous infligeons à nous-mêmes lorsque nous agissons mal ? Il « souffre », son cœur est « bouleversé » : « Mon peuple est cramponné à son infidélité. On les appelle en haut, pas un qui se relève ! Comment t’abandonnerais-je ? (…) Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent » (Os 11,7-8)… « Mes entrailles ! Mes entrailles ! Que je souffre ! Parois de mon cœur ! Mon cœur s’agite en moi ! Je ne puis me taire » (Jr 4,19)… Alors, il nous enverra « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), la Parole faite chair, pour nous parler et nous inviter à cesser de faire ce qui nous fait tant de mal… Et la première Parole du Christ en St Marc est (Mc 1,15) : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » de ce Dieu qui est Amour, qui n’Est qu’Amour, et qui ne désire, ne veut, ne cherche que notre bien, notre bonheur… « Heureux » alors « ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29)…

« Cessez donc de faire le mal » qui vous fait mal, et vous rend finalement malheureux. « Apprenez à faire le bien », pour pressentir enfin où se cache le vrai Bonheur… « Allons, discutons, dit le Seigneur. Quand vos péchés seraient rouges comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront » (Is 1,18). Et tel est bien le premier cadeau que le Christ est venu offrir à tout homme : le pardon de toutes ses fautes… « Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis » (Jn 20,22).

« Mes entrailles ! Mes entrailles ! Que je souffre » (Jr 4,19)… C’est dans ces « entrailles de Miséricorde », « bouleversées » face à toutes nos souffrances, que le Christ est venu nous « visiter », pour nous révéler « qui » est Dieu : ce Dieu Amour qui ne poursuit que notre bien, et qui, pour que nous puissions l’atteindre, va nous offrir « le pardon » de toutes ces fautes que nous avons commises à son égard ! « Et toi, petit enfant », dit Zacharie à son fils Jean Baptiste, huit jours après sa naissance, « tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés », grâce à ce pardon donné en surabondance par « le Père des Miséricordes et le Dieu de toute consolation » (2Co 1,3). Et tout cela nous le devons, littéralement, « aux entrailles de miséricorde dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en Haut », Jésus, « Lumière née de Lumière » (Crédo), « Lumière du monde » (Jn 8,12). Ainsi, tout ce que Jésus a vécu, dit, fait, tout s’enracinait « dans les entrailles de miséricorde de notre Dieu », tout était expression, révélation, Don jaillissant « des entrailles de miséricorde de notre Dieu »… Jésus s’est donc « fait chair » (Jn 1,14) pour nous, il a parlé pour nous, agi pour nous, accompli des miracles pour nous, souffert pour nous, été crucifié pour nous, il est ressuscité pour nous, monté aux cieux pour nous et maintenant, « il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous » (Rm 8,34), « il compatit à nos faiblesses » (Hb 4,15), et « si quelqu’un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste » (1Jn 2,1). « Livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification » (Rm 4,25), « c’est lui qui est victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier » (1Jn 2,2).

En tout son être, Jésus, « le Sauveur du monde » (Jn 4,42), Lui qui, maintenant « élevé de terre, attire à lui tous les hommes » (Jn 12,32), est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19), instant après instant, jour après jour… Comme l’écrivait Ste Elisabeth de la Trinité : « Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ : enlever le péché et emmener l’âme à Dieu ». Et tout cela, il l’accomplit par le Don de l’Esprit Saint, l’Esprit qui lave et purifie (Ez 36,24-28), l’Esprit qui justifie (1Co 6,11), l’Esprit qui sanctifie (2Th 2,13), l’Esprit qui vivifie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6) et nous communique la Paix de Dieu et sa Joie… « La Paix soit avec vous », dit par trois fois le Ressuscité à ses disciples (Jn 20,19.20.26), et à travers eux, à tout homme sur cette terre… Et quand ils le virent, déjà remplis par cet Esprit de Lumière qui les éclairaient de l’intérieur et leur donnait de voir l’invisible (Ps 36,10 ; Ep 1,18), ils « furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20,20). Que cette joie, en cette fête de la Miséricorde, soit la nôtre… Alors, la volonté de Dieu s’accomplira, et il sera le premier à en être heureux, car « voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6)…

                                                                                                  D. Jacques Fournier