1

Jésus est mort pour notre vie à tous…

 

  Chaque année, l’Eglise nous invite à revenir longuement sur la Passion, car en elle le Mystère de Dieu se révèle avec le plus de force et d’intensité…

 

 

            En effet, la mission première de Jésus est de nous faire connaître « Qui » est Dieu : « Nul n’a jamais vu Dieu », écrit St Jean au début de son Evangile. « Le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18).

            « Nul n’a jamais vu Dieu »… Et pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas possible de le voir avec nos yeux de chair… A la Samaritaine rencontrée au bord d’un puits, Jésus dira : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et par nature, l’Esprit échappe à la perception immédiate de nos sens. Et Jésus le sait bien. Bientôt, il va mourir sur une croix et être mis au tombeau… Désormais, ses disciples ne le verront plus comme ils en avaient l’habitude… Mais ils ne seront pas laissés à eux-mêmes… Jésus leur promet la venue d’un autre défenseur, l’Esprit de Vérité, l’Esprit Saint, qui sera avec eux tous les jours pour les guider sur les chemins de la vie : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre défenseur pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît » (Jn 14,17). L’Esprit, en effet, est invisible par nature à nos yeux de chair. St Jean écrira aussi par deux fois : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). L’Amour, lui aussi, est par nature invisible à nos yeux de chair… L’Amour ne se voit pas, il se vit…

            Et Jésus vit parfaitement l’Amour… Il n’est pas touché par ce que nous appelons « le péché », c’est-à-dire tout ce qui peut amener une personne à se replier sur elle-même : l’orgueil, l’égoïsme, etc…

            Si Jésus vit parfaitement l’Amour, en le regardant, en l’écoutant, nous pouvons découvrir en ses gestes et en ses paroles, une expression bien perceptible de cet Amour qui, par nature, ne peut qu’échapper à l’emprise de nos sens…

            « Dieu est Amour »… Aussi, nous dira Jésus, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise » (Jn 3,16-17). Cette Parole va devenir acte lorsque Jésus va rencontrer une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Les scribes et les Pharisiens étaient prêts à la lapider. « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » leur dira Jésus. Et tous partiront, l’un après l’autre, en commençant par les plus vieux… Une fois seule avec elle, Jésus lui dira : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? ». « Personne, Seigneur » lui répondit-elle. « Eh bien moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8,1-11).

            « Dieu est Amour », et l’Amour ne recherche que le bien de tous ceux et celles qu’Il aime… Cette réalité va se révéler avec le plus de force dans la Passion de Jésus. Les hommes vont lui faire beaucoup, beaucoup de mal, comme jamais auparavant… Et Jésus ne répondra que par l’Amour… Il ne cessera de rechercher leur bien… C’est donc en ces instants que le Mystère de Dieu se révèle avec le plus d’intensité : « Dieu est Amour », et dans son Amour, écrira St Paul, « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », arrachés au mal qui les domine, les écrase, les blesse, les tue… Et « la preuve que Dieu nous aime », écrira-t-il encore, « c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (1Tm 2,3-7 ; Rm 5,7-9).

            Ainsi, l’Amour transparaît avec encore plus de force et de lumière dans les récits de la Passion…

            Guidés par Judas, les soldats arrivent au jardin de Gethsémani pour arrêter Jésus… Il ne fuit pas… Bien au contraire, il va au devant d’eux… « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne », avait-il déjà dit (Jn 10,17-18). Et aussi : « nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). Et tous les hommes sur cette terre sont les bien‑aimés de Dieu…

            « Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez-vous ? ». Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen ». Il leur dit : « C’est moi. » Quand Jésus leur répondit : « C’est moi », ils reculèrent, et ils tombèrent par terre ». Littéralement, là où nous traduisons « C’est moi ! », St Jean à écrit « Je Suis », le Nom que Dieu a révélé à Moïse dans le buisson ardent : « Je Suis Celui qui Est » (Ex 3,13-15). Alors que les soldats s’avancent, le Mystère du Dieu Tout Puissant se manifeste en Jésus Christ , ce Dieu qui a créé l’infini de l’univers visible qui nous entoure… Qui sont devant lui quelques soldats armés d’épées et de lances ? Rien du tout… C’est pourquoi « ils reculèrent et ils tombèrent par terre »… Ce ne sont pas les hommes qui vont mettre la main sur Dieu. Mais librement, par Amour, le Fils va se livrer entre les mains des pécheurs, pour leur salut et celui du monde entier… Et cet Amour est vraiment pour tous… Pour les disciples bien sûr, sur lesquels Jésus veille : « Je vous l’ai dit », déclare-t-il aux soldats, « c’est moi. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir ». « Quand j’étais avec eux », avait-il dit peu avant en priant son Père, « je les gardais dans ton nom que tu m’as donné », c’est-à-dire dans ton Amour. « J’ai veillé, et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition », Judas, qui a refusé l’Amour, et son apparente faiblesse devant les hommes (Jn 17,12)…

            Simon Pierre a lui aussi une épée, et face aux soldats, il est hors de question pour lui de ne pas réagir : « Il tira l’épée du fourreau, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. » Mais l’Amour de Dieu est aussi pour lui : « Remets ton épée au fourreau », ordonne Jésus à Pierre. Et St Luc nous rapporte que Jésus, « lui touchant l’oreille, le guérit » (Lc 22,51)…

            Mais personne ne réagira devant ce nouvel acte de tendresse et Jésus sera arrêté et conduit au Grand-Prêtre qui le questionnera sur sa doctrine. Jésus l’invitera alors à faire la vérité dans sa vie : « Pourquoi me questionnes-tu ? » Quelle est ton intention profonde ? Quel but poursuis-tu ? Est-ce vraiment ma doctrine que tu veux entendre ? Ne cherches-tu pas plutôt dans mes paroles des éléments qui pourraient t’aider à m’accuser pour me perdre ? Jésus sait en effet que depuis bien longtemps, lui, les scribes et les Pharisiens « cherchaient à le tuer » (Jn 7,19). Et pourtant, si le Grand Prêtre avait accepté de « faire la vérité », il serait venu à la Lumière car « celui qui fait la vérité vient à la Lumière » (Jn 3,21), la Lumière de l’Amour qui ne désire et ne cherche que le bien de tous les hommes qu’il aime… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime », avaient proclamé les Anges au moment de la naissance du Christ (Lc 2,14).

            Jésus aura la même attitude face à Pilate lorsque ce dernier lui demandera : « Es-tu le roi des Juifs ? ». Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi‑même, ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? » Si Pilate avait cherché la vérité de tout cœur, il l’aurait trouvée car « je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci », lui a dit Jésus : « rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Si Pilate avait accepté de faire la vérité sur lui-même, sur sa vie, sur sa misère, sur ses blessures, aussitôt il aurait entendu en Jésus Christ la voix de l’Amour venu en ce monde pour guérir et sauver tous les hommes… « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, au repentir », pour la vie…

            Alors, Jésus va s’offrir, en silence, pour qu’un jour le monde entier soit arraché à ses ténèbres et plongé dans la vie et la lumière de Dieu (Col 1,12‑14). Pour en bénéficier, il suffit de lui dire « Oui ! » en disant « Oui ! » à la vérité de notre vie, « Oui ! » à ses misères, « Oui ! » à ses faiblesses, « Oui ! » à ses blessures… Mais ce « Oui ! » est tout en même temps un « Non ! » à ce mal qui nous fait du mal, le plus grand étant de nous priver de la Plénitude même de Dieu, une Plénitude de Vie, de Lumière et de Paix… Mais « c’est pour nous tous que le Christ a souffert », écrit St Pierre. « Sur le bois, il a porté lui-même nos fautes dans son corps, afin que morts à nos fautes, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,21-25).

            Acceptons avec reconnaissance de bénéficier ainsi des trésors de Miséricorde qui ont été déversés en surabondance sur le monde entier par le Christ transpercé pour chacun d’entre nous… Il est mort pour cela… Souvenons-nous… « Pour que l’Ecriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif ! » Il y avait là un récipient plein de boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » » En effet, dans le Psaume 69, au verset 22, ont peut lire : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre »… Et c’est bien ce qui est arrivé… En disant, « J’ai soif ! », Jésus avait soit d’accomplir l’Ecriture qui révèle le projet de Dieu et sa volonté de salut sur le monde entier… Jésus avait donc soif avant tout de notre salut : il est mort pour que chacun d’entre nous puisse trouver la Vie en acceptant tout simplement de se laisser aimer par Lui tels que nous sommes… Et Jésus, « le Sauveur du monde » accomplira son œuvre en nous, pour nous… « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres, mais ait la lumière de la vie » (Jn 8,12 ; 12,46)…   D. Jacques Fournier




Homélie de la Messe Chrismale le 13 Avril 2022 – Mgr Gilbert Aubry

Pour lire l’homélie en format PDF cliquer sur le lien suivant :

Homélie messe chrismale 2022 – Copie




«Pardonne-nous Seigneur» : prière pour l’Ukraine lue par le Pape François (16/03/22)

A l’issue de l’audience générale ce mercredi 16 mars, le Saint-Père a lu une prière composée ces derniers jours par Mgr Domenico Battaglia, l’archevêque de Naples.

«Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de nous, pécheurs !

Seigneur Jésus, né sous les bombes de Kiev, aie pitié de nous!

Seigneur Jésus, qui est mort dans les bras de sa mère dans un bunker de Kharkiv,

aie pitié de nous !

Seigneur Jésus, envoyé au front à vingt ans, aie pitié de nous!

Seigneur Jésus, qui voit encore des mains armées à l’ombre de ta croix, aie pitié de nous !

Pardonne-nous, Seigneur,

Si, non contents des clous avec lesquels nous avons percé ta main, nous continuons à boire le sang des morts déchirés par les armes.

Pardonne-nous, Seigneur, si ces mains, que tu as créées pour protéger, sont devenues des instruments de mort.

Pardonne-nous, Seigneur, si nous continuons à tuer notre frère, si nous continuons comme Caïn à enlever des pierres de notre champ pour tuer Abel.

Pardonne-nous, Seigneur, si nous continuons à justifier la cruauté par notre fatigue, si par notre douleur nous légitimons la cruauté de nos actes.

Pardonne-nous la guerre, Seigneur.

Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, nous t’implorons ! Arrête la main de Caïn !

Éclaire notre conscience, que ce ne soit pas notre volonté qui soit faite,

Ne nous abandonne pas à nos propres actions !

Arrête-nous, Seigneur, arrête-nous !

Et quand tu auras arrêté la main de Caïn, occupe-toi de lui aussi. C’est notre frère.

O Seigneur, arrête la violence !

Arrête-nous, Seigneur !»

Quant à la Conférence des Evêques de France, elle propose la prière suivante (en cliquant sur elle, elle apparaîtra en grand format…) :




Archéologie et reliques du Nouveau Testament quand la tradition rencontre l’histoire

Conférence donnée

par Yannick LEROY

(Historien des origines du Christianisme – intervenant au SEDIFOP)

Le Samedi 26 Mars 2022 de 14h30 à 17h30

A la Maison Diocésaine

Salle Jean Paul II (3ième étage)

Rue de Paris 97400 St Denis

Port du masque obligatoire / Entrée libre




Couples catholiques et prêtres, ensemble au service de Dieu (Fr Manuel RIVERO O.P.)

Quelle est la relation entre les laïcs et les prêtres ? Comment distinguer et unir leurs vocations et leurs charismes ?

Pour répondre à ces deux questions, la foi chrétienne nous conduit à la consécration baptismale, commun dénominateur des laïcs et des prêtres. De par leur baptême, les laïcs vivent leur sacerdoce royal (I Pierre 2,9), sacerdoce commun des fidèles autre que le sacerdoce ministériel des prêtres.

La prière eucharistique III rappelle l’action de l’Esprit Saint dans le sacerdoce des fidèles laïcs qui offrent le sacrifice du Christ au Père ainsi que tout leur être à Dieu: « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire ».

Le sacerdoce ministériel des prêtres est au service du sacerdoce commun des fidèles. La charité demeure le mystère le plus important car elle unit à Dieu qui est Amour (cf. 1 Jn 4,16). Dans la théologie chrétienne c’est bien la charité qui établit la hiérarchie entre les personnes. Le chrétien qui aime le plus demeure le plus proche de Dieu.

Un « comment » et non un « plus »

L’ordination diaconale, presbytérale ou épiscopale représente un « comment » plutôt qu’un « plus ». L’Église, Corps du Christ, ne ressemble pas à une armée avec des généraux, capitaines, sergents et soldats de la troupe. Tous les baptisés, membres du Corps du Christ, sont consacrés « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » et appelés à la perfection : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 47). La différence entre laïcs et prêtres se trouve dans leur manière de vivre l’appel universel à la sainteté.

C’est pourquoi saint Augustin mettait en lumière la grâce de son baptême par rapport à l’ordination épiscopale : « Si ce que je suis pour vous m’épouvante, ce que je suis avec vous me rassure. Pour vous en effet, je suis l’évêque ; avec vous je suis chrétien. Évêque, c’est le titre d’une charge qu’on assume ; chrétien, c’est le nom de la grâce qu’on reçoit. Titre périlleux, nom salutaire[1]. »

 

 

 

 

Les Équipes Notre-Dame (END)

Fondées par le Père Henri Caffarel (+1996), les Équipes Notre-Dame[2] rassemblent couples et prêtres dans une même recherche de la volonté de Dieu. Le prêtre, assistant religieux d’une Équipe Notre-Dame, participe aux réflexions et aux prière en tant que coéquipier. Sa vocation et sa mission sont très mises en valeur par les couples au sein de l’Équipe qui attend de lui un apport spirituel en harmonie avec sa formation et son charisme de prêtre.

Chaque année, les membres des Equipes Notre-Dame sont invités à se rapprocher de Dieu au cours d’une retraite spirituelle. Cette année, la retraite des Équipes Notre-Dame de La Réunion (France) a eu lieu à Champ Borne les 12-13 février 2022 : oraison et prière de louange, enseignements, catéchèse pour les enfants, messe, temps de détente et de jeux …

Voici le texte des trois enseignements donnés par le frère Manuel Rivero O.P., assistant religieux des END de La Réunion :

1 – Enseignement : Prendre soin de nos blessures. Comment les guérir spirituellement et psychologiquement.

Chacun de nous porte dans son corps, dans son cœur et dans son âme la trace des blessures physiques, affectives et spirituelles.

Que pouvons-nous en faire ? Tout d’abord les reconnaître sans tomber dans la tentation du refoulement ou du déni.

Un jour où je disais à un ami pédiatre qu’il était sûrement difficile de connaître les maladies des enfants qui ne parlent pas, il m’avait surpris en déclarant : « Détrompe-toi, les adultes t’induisent parfois en erreur ! ».

Saint Augustin (354-430), évêque en Afrique du Nord et grand docteur de l’Église, a écrit dans les Confessions : « Nous n’aimons pas que l’on nous mente et pourtant nous nous mentons parfois à nous-mêmes ! ».

Le premier pas consiste à faire un acte de vérité qui rend libre en reconnaissant que des blessures ont marqué mon passé et probablement mon présent.

Je vous invite à faire une démarche concrète en dessinant le fleuve de votre vie sur une feuille format A4 à l’horizontale. Vous pouvez prendre un selfie de votre histoire en traçant une ligne, avec des hauts et des bas, depuis votre naissance jusqu’à maintenant. Il s’agit d’une relecture de votre existence en présence de Dieu et à la lumière de la Parole de Dieu. Vous pouvez signaler sur votre ligne des dates et des événements importants. Vous pouvez aussi reprendre les événements de la Bible pour les appliquer à votre vie : Paradis, paradis perdu, exode, Terre promise, exil, nouvelle naissance, rencontre avec le Christ, guérison des blessures, Pâque (« passage »), résurrection, Pentecôte …

Le Christ agit en médecin des corps et des âmes. Il guérit par son Esprit qui est Amour. Seul l’amour, plus fort que les puissances du mal et du malin, parvient à faire des croyants des créatures nouvelles.

Notre prière se déploie dans un acte de foi : Je suis blessé. Je ne peux pas me guérir tout seul. J’ai besoin de la grâce de Jésus. J’ai besoin d’être sauvé. Je lui présente mes blessures cachées et visibles afin que son Amour transforme le fiel en miel, l’amertume en douceur, le repliement en dialogue, le mutisme en partage, les révoltes en confiance, le scepticisme dans la joie d’être sauvé, la routine en créativité.

Dieu peut et veut faire du neuf dans ma vie.

Demande de pardon : La prière devient alors louange pour la bénédiction divine reçue et demande de pardon pour le manque de foi en Jésus, dont le nom veut dire « Dieu sauve », « Sauveur ».

Je pense aussi aux blessures que j’ai pu infliger à d’autres en commençant par mon conjoint. Dans l’échange prévu en couple, j’ouvre mon cœur à l’autre pour lui demander pardon pour les blessures que j’ai pu occasionner. Je lui donne aussi l’occasion de s’exprimer sur les souffrances ressenties et non encore exprimées.

Dans le sacrement du mariage qui est une participation à la grâce pascale, de mort et de résurrection de Jésus le Christ, le conjoint peut crucifier l’autre mais il peut aussi le ressusciter par sa confession de foi, d’amour et de pardon.

Il est possible de lire l’évangile du Bon Samaritain (Lc 10, 25-37). Mon conjoint peut ressembler à ce blessé sur le bord de la route que je ne veux pas voir, car il y a d’autres urgences vécues au nom de grands principes, à l’exemple du prêtre ou lévite qui, en voyant le blessé agressé par des bandits, sont passés outre. Je peux être ce bon Samaritain qui s’arrête et qui prend soin des blessures. Hélas, je peux laisser à d’autres cette mission de Bon Samaritain et pousser mon conjoint vers l’adultère.

Le prochain le plus proche est bien le conjoint. Parmi les souffrances figure la solitude ou plutôt le sentiment d’être mis à l’écart, isolé malgré soi.

Chacun peut devenir blessé-guérisseur, ayant connu des blessures il s’avère plus facile de compatir aux douleurs des autres. Les blessures qui sont des ouvertures comme les plaies du Christ ouvrent alors nos cœurs fermés à la souffrance des proches.

Ressuscité d’entre les morts, Jésus a présenté ses blessures à l’apôtre Thomas et aux dix autres apôtres, Judas s’étant pendu dans son désespoir. Si Jésus a choisi de communiquer avec ses blessures, nous, en bons disciples, nous avons à imiter la communication de notre Sauveur en nous rapprochant des autres par nos blessures.

Quelle est la plainte la plus fréquente des épouses par rapport aux maris ? Le manque de communication ! La femme veut entendre l’homme qu’elle aime. « La femme est fécondée par l’oreille », dit un proverbe africain. Pour l’homme, faire c’est dire. Pour la femme, faire c’est bien, mais elle a besoin de verbaliser les sentiments et le sens des actions. Le silence demeure ambigu. Il convient d’expliciter.

Les époux peuvent réfléchir un moment à leur manière d’échanger. Le conjoint dit-il « je » ou a-t-il du mal à parler de lui-même ? Quel est le contenu et le niveau de la communication (films vus à la tv ; nouvelles ; évolution intérieure, vie de prière et de foi …).

Si le bonheur se trouve dans la communication, le malheur réside dans l’absence de communication. L’appétit vient en mangeant ! Plus la communication se développe et plus les conjoints ont des choses à se dire et à partager.

Les vieux couples conseillent d’aborder les sujets délicats ou pénibles à la fin du repas et non quand le conjoint traverse la porte de la maison, fatigué et affamé !

Prier ensemble soude les familles comme le rappelait la devise d’un programme d’une radio catholique : « Ceux qui prient ensemble demeurent ensemble ».

La prière en couple semble difficile alors que la prière en famille avec les enfants se déroule plus aisément. C’est un défi à relever que de prier en couple en ouvrant son cœur. La prière constitue un grand moment de communication. Et ne pas prier ensemble représente un handicap dans l’union conjugale. La bénédiction de la table donne du sens au travail dans l’action de grâces au Créateur. La prière du soir introduit dans la paix en chassant les peurs et en enlevant les sujets de discorde qui ont pu être vécus dans la journée.

Les conjoints peuvent demander pardon au Seigneur pour leur manque de foi.

Demander de pardon pour les scandales, occasions de chute au sens étymologique, provoqués par des comportements en désaccord avec l’Évangile. Scandale qui amoindrit la foi du conjoint. Scandale qui fragilise la foi des enfants.

Les époux peuvent demander la grâce au Seigneur de croire qu’ils peuvent devenir blessés-guérisseurs dans leur famille.

2) Enseignement : « Comment développer la confiance en soi, en l’autre, confiance de l’autre en lui-même, en Dieu, en l’Église ».

Saint Augustin enseigne qu’il n’y a pas trois amours : l’amour de Dieu, l’amour des autres et l’amour de soi-même. Il n’y a qu’un seul amour : l’amour de Dieu qui a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous a été donnée (cf. Rm 5,5) ; cet amour divin nous donne d’aimer notre prochain comme nous nous aimons nous-mêmes.

Quand notre amour envers Dieu diminue, l’amour conjugal et familial ramollit aussi et nous perdons l’estime de nous-mêmes. En revanche, quand l’amour de Dieu brûle en nous par l’approfondissement de l’Évangile et la grâce de sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation, l’amour de nos proches gagne en sincérité et en force. L’Esprit Saint est bien l’union du Père et du Fils au cœur de la sainte Trinité et le ciment de nos relations familiales.

Ce qui est dit sur l’amour concerne aussi la confiance. Il n’y a pas trois confiances : en Dieu, dans les autres et en moi-même. Plus je crois en Dieu et plus je fais confiance aux autres tout en grandissant dans la confiance en moi-même.

Dans l’épître aux Galates (cf. Gal 5,22), saint Paul cite la confiance dans les autres comme étant l’un des fruits de l’Esprit Saint dans l’âme du chrétien.

Nos pensées et nos sentiments sont nourris de projections psychologiques. « Pense le voleur que tous sont voleurs », dit un proverbe espagnol. Nous parvenons à imaginer les défauts de nos proches en fonction de notre expérience du mal et de nos vices. Dieu ne pense pas mal ; ce serait une imperfection. Dieu n’est pas évidemment aveugle mais quand il aperçoit le mal, ses yeux purs et aimants pensent à la possible conversion du pécheur.

La foi en Dieu fonde les relations humaines de confiance. Plus nous nous appuyons sur Dieu et plus nous faisons confiance à autrui. Le mot « amen » provient de l’hébreu avec le sens de « s’appuyer sur quelque chose de solide ». Quand nous disons « Amen » nous ne disons pas « ma foi » mais « Dieu, mon roc, ma citadelle, sur qui je m’appuie ».

Dis-moi où sont tes appuis et je te dirai qui tu es. Sur qui comptes-tu ? Sur Dieu, sur tes richesses, sur ton réseau de relations, sur ton habileté personnelle ?

Ce n’est pas sans raison que la foi figure comme la première vertu théologale. La foi représente une réponse à Dieu qui manifeste sa présence agissante et aimante dans notre histoire. Par l’adhésion de la foi, le croyant entre dans la connaissance de Dieu et il reçoit l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’à partir de la foi, le chrétien avance dans l’espérance pour demain et dans la charité, la Vie même de Dieu : « Dieu est amour » (1 Jn 4,16).

Faisons confiance à Jésus à l’exemple de Simon Pierre lors de son appel sur les bords du lac de Tibériade (cf. Lc 5, 1-11). Simon avait peiné toute la nuit sans prendre un seul poisson. Dans la pêche, il y a des jours sans et des jours avec. Alors qu’il est fatigué, le visage pâle en manque de sommeil, les yeux cernés, Jésus lui dit : « Avance en eau profonde et lâchez les filets pour la pêche. » Simon répond : « Sur ta parole je vais lâcher les filets ». Et l’abondance de poissons commençait à déchirer les filets.

Comme Simon, nous pouvons être fatigués et dire : « J’ai déjà essayé et cela n’a servi à rien ! J’ai déjà donné ! » Nous avons à faire confiance à Jésus qui nous exhorte à aller plus loin, à avancer, à lui faire confiance.

Il est très rare qu’un conjoint avoue être fatigué de dialoguer. La plupart du temps les échanges sont rapides voire expéditifs. Nous manquons de confiance en l’autre et dans la fécondité du dialogue. La culture familiale y est aussi pour quelque chose. Dans la tradition créole, la mère parle souvent avec les enfants. Qu’il est beau de voir l’enfant raconter sa journée à sa maman au retour de l’école. Qu’il est magnifique d’assister à la prière d’une maman avec son enfant comme j’ai eu l’occasion de le voir, il y a quelques semaines, dans une église de la Réunion. La maman avec son petit enfant s’étaient mis à genoux dans l’allée centrale de l’église, non loin de l’autel. Elle priait à haute voix en demandant à son enfant de reprendre la prière après elle. Les prières étaient belles. Cela a duré un bon moment. J’ai vécu cela comme une grâce. Dieu me donnait d’assister à la transmission de la prière chrétienne de mère en fils. Nous avons besoin de la prière et de la transmission. La foi évangélique se transmet dans la prière. Les Réunionnais aiment prier. Je n’ai jamais vu un Réunionnais se moquer de la prière. Nous avons à évangéliser la prière pour qu’elle ne soit pas une simple prière païenne de demandes d’aide mais qu’elle ressemble à la prière de Jésus à son Père.

En ce qui concerne la communication du père, la culture familiale créole accordait une grande importance à l’autorité du père qui cultivait ce pouvoir par une certaine distance vécue dans le silence. Le père de famille passait souvent par l’épouse pour apprendre la vie des enfants au lieu de dialoguer directement avec eux.

Les nouvelles générations réunionnaises grandissent dans l’expression et le dialogue à l’école en particulier. Il convient d’en faire du neuf et de développer la communication verbale tout en gardant la communication non verbale de l’être et du faire correctement.

Mgr Pierre Claverie, évêque dominicain en Algérie, mort en martyr et déclaré récemment par l’Église, Bienheureux, n’hésitait pas à affirmer qu’il avait besoin de la vérité des autres. Nous avons besoin de la vérité du conjoint et de la vérité des enfants.

Mgr Pierre Claverie et les Frères Cisterciens de Tibhirine

Simon qui deviendra l’apôtre Pierre a ressenti son indignité devant la pêche extraordinaire : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Puissions-nous en faire la même expérience du passage du découragement à la foi dans la contemplation des merveilles accomplies par le Christ dans notre quotidien.

C’est ainsi que nous irons « de commencement en commencement par des commencement qui n’ont pas de fin », comme le disait saint Grégoire de Nysse. Par sa foi, Simon est passé de pêcheurs de poissons dans le lac de Galilée à pêcheur d’hommes, d’hommes pécheurs, « de gros poissons » comme on dit par l’annonce de la puissance du Christ Jésus.

Ce que nous sommes nous le devons à ceux qui nous ont fait confiance : confiance pour nous embaucher dans une entreprise, confiance pour nous aimer, confiance pour nous confier une mission dans l’Église …

Disons merci à Dieu pour ceux qui nous ont accordé leur confiance et qui nous ont fait grandir. Disons merci aussi dans notre prière et par nos moyens de communication à ceux qui ont mis leur confiance en nous alors que ce l’était évident aux yeux humains, en commençant par Dieu lui-même qui compte sur nous alors que nous sommes pécheurs.

Demandons pardon à Dieu pour toutes les fois où nous avons trahi sa confiance.

Demandons pardon à ceux qui ont été trahis dans leur confiance. En tant qu’aumônier de prison, je constate la souffrance des personnes détenues qui ont discrédité leurs familles en trahissant leur confiance.

Parmi les travaux pratiques que nous pouvons mettre en route figure le développement de la confiance du conjoint en lui-même et des enfants en eux-mêmes.

Il est bon de demander à Dieu la confiance en nous-mêmes. Nous entendons souvent dire « je manque de confiance en moi-même ». Nous avons aussi à développer la confiance du conjoint en lui-même au lieu de lui faire peur pour qu’il reste tranquille et obéissant.

Exercice : pour le DSA (« Devoir de s’asseoir ») en couple, il est possible de rédiger chacun de son côté un petit texte sur la confiance en l’autre et de le partager :

-Ma confiance en toi grandit quand tu dis du bien de moi aux autres et en public.

Ma confiance en toi diminue quand …………………………………….

1)

2)

3)………………………………………….

3) Autorité et pouvoir : comment harmoniser les relations entre l’homme et la femme ?

Le mari est traditionnellement appelé le chef de famille. Des changements sociaux et économiques remettent souvent en cause ce statut de chef qui évoque pouvoir et autorité.

En quelques décennies la vie et le statut de la femme ont connu plusieurs changements, voire révolutions. La femme occupe des postes de responsabilité professionnelle avec un haut degré de compétence et de rémunération. Elle prend la parole en public en tant que responsable politique, enseignante, journaliste … Si auparavant sa sexualité dépendait en grande partie des hommes, à présent la femme décide librement de sa maternité indépendamment de la volonté du mari ou du compagnon. En un mot, elle est devenue indépendante. Parfois la femme gagne plus d’argent que son mari ou son travail s’avère plus intéressant à tout point de vue que celui de son mari.

Comment évaluer l’importance de l’apport de chaque conjoint ? Quels paramètres et quelles variables faut-il intégrer dans cette relecture ? Quelle valeur accorder au temps investi dans la maison et l’éducation des enfants ? Quelles priorités à respecter dans les emplois du temps de chacun ? Comment concilier liberté, épanouissement et vie commune ?

D’ailleurs, il arrive qu’à la sortie d’un mariage, des amis adultes conseillent la jeune mariée en lui disant : « reste libre, ne t’attache pas trop à un homme. »

Comment harmoniser le développement personnel, les nouveaux moyens technologiques et les nouvelles mentalités avec le sacrement du mariage qui unit l’homme et la femme en Dieu au point d’en faire une seul corps et une seule âme dans le Christ ?

Précisons d’abord le vocabulaire. Nous avons à distinguer indépendance et autonomie, pouvoir et autorité. Autonomie est un mot d’origine grecque qui exprime le gouvernement de la personne humaine par elle-même : auto-nomos, devenir sa propre loi. C’est-à-dire que la personne devient protagoniste et décideur des choix de son existence. La personne libre devient « cause de soi » comme dit Aristote (322 av. J.C.). C’est le contraire d’exister par un autre sans pouvoir prendre des décisions ; ce qui correspondrait à l’aliénation : « perte de sa maîtrise et de ses forces propres au profit d’un autre ».

En politique, certains pays ont un gouvernement national avec des régions autonomes (parlement, police, impôts, langue propre …). Chaque région garde son autonomie mais elle dépend du gouvernement central avec sa Constitution pour les questions les plus importantes. Nous pouvons penser aux États-Unis, à l’Espagne …

Dans l’anthropologie biblique, Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance : intelligent et libre, créé par amour pour aimer.

Cette autonomie de l’homme et de la femme correspond à la volonté de Dieu. Mais la personne humaine est née dans des relations et ne peut pas vivre sans relations. L’indépendance solitaire ne s’articule pas avec le plan de Dieu : « Homme et femme, Dieu créa l’homme à son image, homme et femme il les créa » (Gn 1,27). Le Dieu qui s’est révélé dans la Bible n’est pas solitaire mais relation : relation d’égalité, dans la différence et l’amour réciproque, trois Personnes divines, un seul Dieu. Dans le christianisme, le mystère de la Trinité représente la source, le modèle et la finalité des relations humaines, et, en particulier, de la relation de l’homme et de la femme, personnes égales et complémentaires.

Où se situe la source des problèmes ? Dans le désir de domination. Nous n’avons pas attendu Karl Marx pour découvrir les rapports de domination. Ce désir d’asservir l’autre paraît dès les premières pages du livre de la Genèse, dans la Bible, quand Adam et Ève, la première humanité, voulurent devenir dieux sans Dieu. Ils firent alors l’expérience de la solitude, de la honte et de la concupiscence : « Ta convoitise te poussera vers ton mari et lui dominera sur toi » (Gn 3,16).

Le désir de dominer l’autre aboutit à la solitude ; c’est pourquoi cette volonté de domination représente un échec à fuir.

Bernard Shaw, écrivain irlandais, a déclaré avec humour : « Dans le mariage il s’agit de ne faire qu’un, le problème est de savoir lequel des deux ! ».

Jürgen Habermas, philosophe contemporain de la communication, rappelle que les guerres qui ont cherché à dépasser les rapports de domination, aussi bien dans le capitalisme que dans le marxisme, n’ont pas réussi. Comme certains le disent avec humour : « Le capitalisme est l’exploitation de l’homme par l’homme ; le socialisme, l’inverse. »

Le mariage n’anéantit pas l’autonomie personnelle mais les projets de chaque conjoint sont orientés au service du « nous », du bien commun du couple et de la famille. Dans le mystère de la Trinité, l’Esprit Saint représente le « nous » silencieux du Père et du Fils qui les unit dans le ciment de l’Amour. La foi chrétienne repose sur Dieu, Un.

Il convient de distinguer aussi autorité et pouvoir. Ces deux mots sont souvent utilisés de manière équivalente. Ici je choisis de les distinguer en accordant au mot « autorité » son sens positif de « faire grandir », d’après son étymologie latine du verbe « augere » : faire pousser, augmenter. Jésus parlait avec autorité (cf. Lc 4,32 ; Mc 1,22) en auteur à la pensée originelle dans le Père et originale dans son expression et dans sa réalisation. Son enseignement ne relevait du simple commentaire de la Loi de Moïse comme le faisaient les scribes. L’autorité de Jésus se manifestait dans la cohérence de ses paroles et de ses actes. Ce qu’il disait, il l’accomplissait. Ses disciples grandissaient alors en sainteté en faisant l’expérience du Salut et de l’entrée dans le mystère de la connaissance de Dieu.

Le pouvoir est donné par l’institution ; l’autorité, pouvoir moral ou crédit, est accordée par le cœur des personnes qui font, ou pas, confiance à quelqu’un dans l’exercice de sa mission. L’autorité relève de la compétence, de l’honnêteté et de la capacité de faire grandir le bien commun et non seulement l’intérêt personnel.

Et dans le couple, qu’en est-il du pouvoir et de l’autorité ? Qui dit pouvoir dit force, puissance. Le pouvoir dépendra du salaire, des héritages, des connaissances, du statut professionnel, du paraître, du look avec son pouvoir de séduction. Il y a la force musculaire redoutable quand elle est utilisée pour humilier et blesser le conjoint.

Dans les relations humaines, les rapports de force surgissent rapidement pour voir apparaître des dominants et des dominés. Jésus nous met en garde contre ce désir d’asservir les autres. Il n’est pas venu pour être servi mais pour servir et verser son sang pour la rémission des péchés de la multitude.

C’est dans la communion au Christ Serviteur et Serviteur souffrant que le conjoint parvient à vaincre la tentation d’exercer son pouvoir sur l’autre : pouvoir des richesses, pouvoir du savoir, pouvoir des honneurs, pouvoir du statut social.

La vie conjugale dans le sacrement du mariage n’est pas un long fleuve tranquille mais un combat mené avec le Christ contre la tentation du diable qui cherche à tromper et à manipuler.

Les films et les chansons font rêver d’un amour sentimental, doux et capable de combler la soif de toute personne qui aspire à vivre la grande aventure de l’amour.

Il y a l’amour romantique, beau et voulu par Dieu. Mais il y a aussi l’amour tragique, destructeur, qui rend malade. L’un des conjoints devient alors victime manipulée, impuissante à s’en sortir entre la tentation de fuir, la volonté de rester fidèle et la douleur physique, affective et spirituelle. Le conjoint ressemble alors à une proie qui se blesse en cherchant à se libérer. Il s’ensuit la dépression voire l’internement en hôpital psychiatrique. Hélas ! J’ai rencontré ce cas de figure à plusieurs reprises dans mon ministère de prêtre.

Aimer quelqu’un équivaut à lui donner prise pour vous faire souffrir dans l’attachement et les séparations, déchirures physiques et psychologiques.

Chaque conjoint doit se remettre en cause pour épargner cette tragédie à la personne qu’elle a aimée.

Le couple est appelé à vivre beaucoup de pâques, mot qui veut dire « passage » : passage des actes d’humiliation à des démarches de reconnaissance ; passage de l’indifférence aux attentions envers l’autre.

L’autorité prime sur le pouvoir. L’autorité représente le rayonnement de l’être intérieur, de l’âme, du « moi profond » que la Bible appelle le cœur comme lieu d’unification de la personne, là où se prennent les grandes décisions et se font les choix décisifs. L’autorité apporte à l’autre conjoint amour, soutien, force, sens.

Dans le DSA (‘Devoir de s’asseoir’), le couple doit faire œuvre de discernement pour étudier la différence entre le pouvoir et l’autorité. Sans droiture ni générosité, un conjoint riche en pouvoir économique et politique tombe dans la disqualification et le vide dont parle saint Paul dans le chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens. Je vous invite à évaluer votre amour, votre pouvoir et votre autorité en méditant ce texte souvent choisi lors de la célébration des mariages.

Vous pouvez mettre votre prénom à la place du mot amour ou charité selon les traductions. Cela fait éclater de rire. Ce que nous appelons amour reste loin de l’amour de Dieu.

« L’amour est patient ; l’amour est serviable. L’amour ne jalouse pas. L’amour ne se vante pas, il ne se gonfle pas ; il ne fait rien d’inconvenant ; l’amour ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas ; il ne tient pas compte du mal ; l’amour ne se réjouit pas de l’injustice, mais il met sa joie dans la vérité. L’amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.

L’amour ne passe jamais ».

                                                                                                                Fr. Manuel Rivero

[1] Saint Augustin, Sermon 340,1, cité en Lumen Gentium 32, constitution dogmatique sur l’Église du Concile Vatican II.

[2] https://www.equipes-notre-dame.fr/




LE TÉMOIGNAGE DE BERNADETTE (Noéline Fournier)

            7 JANVIER 1844 : Bernadette naît à Lourdes : premier enfant du meunier François SOUBIROUS et de Louise CASTÉROT.

            Elle reçut le baptême, le 9 janvier, sous le nom de Bernarde-Marie.

            Bernadette SOUBIROUS était bien une des dernières auxquelles la sagesse humaine eût fait appel pour porter un message céleste.

            Tout ce qui donne du poids dans le monde (fût-ce le monde ecclésiastique) lui fait défaut. Elle est pauvre en tout : argent, santé, instruction.

           L’instruction religieuse même laisse à désirer : à quatorze ans, « elle ignore tout du Mystère de la Trinité » et n’a pas fait sa Première Communion.

            La misère l’a soustraite au catéchisme et immergée dans une ignorance qui la fait tenir pour sotte ; Nous savons en quel mépris la pauvreté avait fait tomber les SOUBIROUS : suspects à la police par l’excès même de leur détresse.

            Ceux qui rentraient chez eux avec l’argent refusé, rendu, jeté par Bernadette, avaient éprouvé, en actes, le choc du message évangélique sur la richesse et la pauvreté : ce message appelé à prendre pour chacun, selon sa condition, une forme personnelle en pleine vie (Lc 16 ,9).

Dès le 29 mars 1858, Antoinette TARDHIVAIL écrit :

            – « Ses parents sont très pauvres et cependant, ils ne prennent rien… Ils sont pauvres, aussi pauvres que l’était Notre Seigneur sur la terre, et c’est sur cet enfant que Marie a jeté les yeux préférablement à tant de jeunes personnes riches qui, dans ce moment, envient le sort de celle qu’elles auraient regardée avec mépris, et qui s’estiment heureuses de pouvoir l’embrasser ou lui toucher la main. »

8 DÉCEMBRE 1854 : PIE IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie.

 

11 FÉVRIER – 16 JUILLET 1858 : La Vierge Marie apparaît dix-huit fois à Bernadette.

            Principales apparitions : la première, le 11 février ; la 8ème, le 24 février : le triple appel à la pénitence ou à la conversion ; la 9ème, le 25 février : la source ; la 13ème, le 2 mars : la procession et la Chapelle ; la 16ème, le 25 mars : « Je suis l’Immaculée Conception ».

            Le 16 avril 1879, Bernadette – en religion Sœur Marie Bernard – mourait dans l’infirmerie, dite de Sainte-Croix, du Couvent Saint-Gildard à Nevers : elle avait trente cinq ans.

            La Sainte Vierge m’avait dit « qu’elle ne me promettait pas de me faire heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». C’était le 18 février 1858, lors de la 3ème apparition. Oui, nous avons bien entendu : « Pas dans ce monde ». Promesse de la Vierge Marie.

            Bernadette avait toujours été une « enfant chétive. » Très jeune, elle souffrait déjà de l’estomac, puis, après avoir échappé de justesse à l’épidémie de choléra, de 1855, elle connut de douloureuses crises d’asthme. Cette mauvaise santé faillit lui fermer à tout jamais les portes de la vie religieuse.

            Bernadette vit au « cachot », le pauvre logis familial qui leur avait été prêté, trop insalubre pour les prisonniers, puis à l’hôpital tenu par les Sœurs de Nevers. C’est le temps du témoignage : visites, enquêtes se succèdent : Bernadette raconte fidèlement ce qu’elle a « vu et entendu ».

7 Juillet 1866 : Bernadette entre au Couvent Saint-Gildard, à Nevers : c’est la Maison-Mère et le Noviciat des Sœurs de la Charité et de l’Instruction Chrétienne.

            « Monseigneur, elle sera un pilier d’infirmerie », avait répondu Mère Générale Louise FERRAND à Monseigneur FORCADE qui lui proposait d’accueillir Bernadette parmi les sœurs de Nevers.

            29 Juillet : Bernadette reçoit l’habit des Sœurs : elle s’appellera désormais Sœur Marie-Bernard.

            Trois fois au moins dans sa courte existence, elle reçut « l’extrême onction », c’est-à-dire « le sacrement des malades ».

            Le vendredi 28 mars, on lui propose, une fois de plus, la quatrième au moins depuis 1858, l’onction des malades. Elle proteste, instruite par l’expérience :

            – « J’ai guéri toutes les fois que je l’ai reçue… »

            On passe sur ses réticences. L’aumônier arrive à deux heures et demie du soir :

            « Je lui administrai la sainte Communion en Viatique, et ensuite le sacrement de l’Onction. Après la petite allocution que je lui adressai avant la réception de Notre Seigneur Jésus-Christ, elle prit la parole devant un grand nombre de sœurs réunies et d’une voix forte et distincte, elle s’exprima à peu près en ces termes.

            – Ma chère Mère, je vous demande pardon de toutes les peines que je vous ai faites par mes infidélités dans la vie religieuse, et je demande aussi pardon à mes compagnes des mauvais exemples que je leur ai donnés… surtout par mon orgueil. »

Dans le parc du couvent de St Gildard :

Vierge devant laquelle Bernadette aimait venir prier…

Bernadette acceptait sans amertume les observations et reconnaissait ses défauts… y compris l’orgueil.

Selon Sœur Marthe, « la Supérieure générale, les maîtresses et même l’infirmière » lui disaient : « Vous n’êtes qu’une orgueilleuse. » Pourquoi ce reproche ? Cela tenait, semble-t-il, à une certaine existence, à une certaine assurance de Bernadette.

            Elle avait un sens inné du comportement adapté en toutes circonstances, et n’aimait pas changer arbitrairement sur une simple injonction, fût-ce d’une supérieure. Lorsqu’on dénonçait ce « défaut », elle se contentait de répondre avec beaucoup d’humilité et de simplicité : – « C’est bien vrai ». Elle disait encore :

–   « La maîtresse a raison ; j’ai beaucoup d’orgueil ». Parfois elle ajoutait :

– « Priez pour ma conversion ».

            Mais elle savait que « l’orgueil » ainsi compris habite le cœur de tout homme doué de quelque existence. De là cette parabole en actions :

            – Un jour, en récréation, comme on parlait d’amour-propre, Sœur Marie-Bernard (Bernadette) fit avec le pouce et l’index d’une de ses mains un cercle en disant :

            – «  Que celle qui n’en a pas mette ici son doigt. »

            Elle retrouvait ainsi, sans y songer sans doute, le test de Jésus devant la femme adultère, mais pour une faute plus subtile et plus cachée. L’humilité était chez elle pratique, laborieuse, volontaire. Elle disait à d’autres, et se disait à elle-même :

            – « Cet acte d’humilité, il faut le faire ».

            Pourtant, Bernadette n’accueillait pas l’humiliation de manière passive, comme un cadavre, mais bien comme une personne vivante qui sent et ressent, en deçà du ressentiment toutefois.

            Au témoignage de Sœur Marthe, lorsqu’elle recevait des reproches immérités, elle disait : « Le Bon Dieu voit mes intentions. Fiat !

            Et elle gardait la même sérénité d’âme.

            «  Je lui disais » : « Vous êtes bien heureuse, vous ne laissez rien paraître extérieurement. Vous êtes impassible ! Moi, je ne puis en faire autant. »

Elle se montrait aussi aimable qu’auparavant avec les personnes qui lui avaient fait de la peine. »

            Le secret de son humilité, c’est, en définitive, la vive conscience d’avoir tout reçu, sans esprit d’appropriation, et c’est la conviction d’avoir été un instrument, sans être rien par elle-même, devant l’amour qui la comblait.

            Cette humilité est le ressort de son obéissance.

            « Elle n’a jamais failli à cette vertu, » déclare Sœur Marie DELBREL.

            Ce n’était pas pour elle chose facile, car l’obéissance était alors conçue de manière absolue, stricte, minutieuse ; et Bernadette était douée d’une assurance et d’un entêtement exceptionnellement robuste. C’est en ce sens qu’elle assurait à Sœur CHATELAIN en 1872 : « Vous trouverez le bonheur dans l’obéissance »

            Et surtout, son obéissance est relativisée en profondeur par une référence à Dieu. C’est à lui, en fait, qu’elle obéit en toutes choses. C’est selon cette liberté spirituelle, qui fait prévaloir l’homme et Dieu sur le Sabbat que Bernadette a pu dire : « Le bonheur sur la terre, c’est l’obéissance. »

            A l’asthme, s’adjoignirent peu à peu d’autres maladies : tuberculose pulmonaire, tumeur blanche au genou droit, etc…

            Bernadette accepte la souffrance mais ne la cherche pas. Au plus intolérable de la douleur, elle recourait à la croix du Christ. C’est son point de référence, « le fond » de ses « pensées ». Submergée par la douleur, elle « baisait son crucifix ».

            Aussi disait-elle encore : « Je suis plus heureuse avec mon crucifix sur mon lit de souffrance, qu’une reine sur son trône ».

            Le mercredi 16 avril, ses douleurs redoublèrent d’intensité. Un peu avant onze heures, elle parut près d’étouffer. On la transporta dans un fauteuil, les pieds sur un appui, devant le foyer où pétillait un grand feu. Elle mourut vers 15 heures 15.

 

            Ce lot d’épreuves qui était le sien, Bernadette s’attachait à y voir un gage et une assurance : « La Sainte Vierge ne m’a pas menti. »

            Elle se référait à la parole du 18 février 1858, 3ème apparition :

   « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ».

L’accomplissement des premiers mots garantissait celui des derniers qui constituaient la face positive de la Promesse, la face cachée.

            Ainsi confiait-elle à Sœur Marthe : « On dit qu’il y a des saints qui ne sont pas allés tout droit au ciel parce qu’ils ne l’avaient pas assez désiré. Pour moi, ce ne sera pas mon cas ».

            Elle tenait la promesse de la Vierge pour conditionnelle : « Il suffirait d’une pensée d’orgueil… » disait-elle encore.

            Au père PAYRARD qui lui rappelait l’assurance de bonheur donné par la Vierge à la grotte de Massabielle, elle répondit :

            – « Oui, mais à condition que je ferai ce qu’il faut… »

Basilique de Lourdes : l’Ascension

            Pour elle le Ciel, ce n’est pas une imagination lumineuse, une contemplation rutilante, c’est le fruit mystérieux d’une Promesse. C’est ce qu’elle disait à une sœur découragée :

« Ayez confiance, cela n’a qu’un temps.. ; vous en serez récompensée au ciel. » 

« Travaillons pour le ciel, tout le reste n’est rien », ou encore : « Faisons tout pour gagner le ciel ; offrons nos travaux, nos souffrances ».

Ainsi voyait-elle dans le noviciat « le ciel sur la terre » : formule qu’elle a souvent répétée oralement et par écrit. C’est pourquoi, bien qu’éprouvée au-delà de toute imagination, Bernadette est une Sainte Joyeuse.

Elle a su adhérer à tout ce qu’elle vivait comme à un don de Dieu. Elle a vu, dans la souffrance même « une caresse du divin époux », comme elle a dit un jour à sa cousine.

Elle a tenu pour « folie de se replier sur soi ».

Elle a su vivre cela dans un constant amour des autres en Jésus-Christ. Elle ne conçoit pas le Ciel en un sens individualiste, mais comme permanence et accomplissement de toute amitié : « Je n’oublierai personne, disait-elle. Et de même, dans sa lettre au Pape, en 1876, elle dira : « L’arme du sacrifice tombera mais celle de la prière me suivra au ciel où elle sera puissante. »

 

Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus dira plus tard, avec plus d’art :

« Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre ».

 

C’est au niveau de l’amour et de sa gratuité que Bernadette, condamnée à « l’inutilité », a su découvrir consciemment son emploi. Cela nous conduit au plus profond de sa vie, à ce qui explique le reste : la Charité (Rm 12, 9-10 ; Gal. 5,14).

            Entre la petite fille Bernadette choisie pour sa pauvreté et Celle dont le Seigneur avait regardé la pauvreté (Lc 1,48), c’est d’abord un contact silencieux, un contact dans la prière. Les actes ont le pas sur les paroles.

           Dès le début de la première apparition, Bernadette a tiré son chapelet, d’instinct. Elle a tenté de faire le signe de la croix. Ce geste avait en elle des racines.

La seule prière que Bernadette connaisse encore : le chapelet.

            Chaque soir, dans la pénombre du cahot où meurt la dernière braise, elle monte de leurs voix rudes et lassées ; elle monte du cœur aussi. Jamais ils n’ont songé à faire reproche au ciel de ce qui leur arrive, à eux « pauvres pécheurs ».

            Bernadette a reçu cela de source, dans sa famille.

            Le chapelet lui est déjà familier. Aux heures calmes, aux heures difficiles, elle répète volontiers ces phrases en français dont les mots lui échappent, mais qui lui suffisent à rejoindre une Présence.

 

L’Immaculée Conception – Seizième Apparition

 

Le dogme est proclamé le 25 Mars 1858, jour liturgiquement assorti au mystère.

Tout d’abord, elle manifeste le sens et la portée.

 Celle qui est venue choisir Bernadette, cette petite fille pauvre, c’est Celle qui a été choisie Elle-même pour sa « pauvreté » au plein sens de ce mot selon la grâce : la qualité des humbles en Dieu assumée : « Il a regardé la pauvreté de sa servante. » (Lc 1,48). « Il a renversé les puissants de leur trône, et élevé les pauvres » (1,52).

 

Celle qui est venue rappeler la pénitence, dans sa pleine dimension de conversion du cœur, c’est celle dont le cœur a été entièrement tourné vers Dieu, sans ombre de défaillance, depuis le premier instant, c’est aussi Celle qui, personnellement exempte de péché, a consenti à porter le fardeau de notre pénitence, depuis la crèche de Bethléem et surtout, au Golgotha où sa part fut la pire douleur qui pouvait être arrachée à un cœur de mère, une douleur en pleine Rédemption.

Ici encore, en effet, la réalité a devancé les paroles. Bernadette a d’abord appris à connaître la Vierge en la regardant, en regardant cette jeune fille sans ombre de vanité dans sa lumière, en reflétant son sourire – comme l’enfant qui apprend ainsi à connaître sa mère avant d’en connaître le nom – en imitant sa prière, en obéissant à ses ordres.

            A Bernadette, tout a été donné dans une Présence Lumineuse, humble, priante et si triste lorsqu’elle parlait des pécheurs !

Nous autres pécheurs, nous oscillons dangereusement entre dureté et complicité à l’égard des autres. Ou bien nous condamnons ceux qui font le mal avec un mépris pharisaïque, ou bien, si nous nous penchons pour les comprendre, nous perdons le sens du mal : nous n’excusons pas seulement le pécheur, mais le péché même.

            Qui aime vraiment un malade haït sa maladie et cherche tous les moyens de l’en guérir.

            Qui aime vraiment un pécheur haït pareillement son péché et n’a de cesse qu’il ne l’en tire.

            Non, ce n’est pas par le péché qu’on comprend les pécheurs, mais par l ‘amour et la miséricorde.

            Or, on trouve chez la Vierge Marie la plus haute conscience de la plus haute miséricorde de Dieu : la plus haute miséricorde, car Dieu ne l’a pas purifiée, mais préservée du péché, et comblée dès l’origine d’une plénitude de grâces ; la plus haute conscience de cette miséricorde, car sa pureté la rendait plus capable que nul autre de ce sentiment rare et difficile entre tous : la Reconnaissance.

            La vie de Bernadette se réfère en la Présence de l’Immaculée.

            Le décès de sa mère, en la fête de l’Immaculée Conception, avait pour elle un sens. Elle le dit plus tard à Sœur Casimir, en la consolant de la perte de son père :

            «  Moi aussi, j’ai perdu ma mère le 8 décembre. La sainte Vierge le voulait ainsi pour me montrer qu’elle remplacerait ma mère que j’avais perdue ».

            « On sentait son amour pour la sainte Vierge », rapporte une Sœur (1867) ; elle l’exprime parfois en mots simples et courants : « Mes enfants, aimez la Sainte Vierge », dit-elle aux orphelines de Varennes.

            Elle en parlait volontiers, rapporte Sœur Casimir ; elle exprimait surtout sa « grande confiance ».

            Le 14 juin 1925, Pie XI proclamait officiellement Bernadette « Bienheureuse ».

            En ces jours d’août 1925, commençait le long pèlerinage des amis de Sainte Bernadette.

            Et c’est ce que le Père RAVIER  a écrit :

            « Oui, c’est bien le corps de Bernadette,

            dans l’attitude de recueillement et de prière qu’il a prise dans son premier cercueil.

C’est ce visage qui s’est tendu dix-huit fois vers la « Dame de Massabielle ».

Ce sont ces mains qui égrenaient le chapelet avant et pendant les Apparitions.

Ces doigts qui ont gratté le sol et fait jaillir la source miraculeuse.

Ce sont ces oreilles qui ont entendu le message ;

Ces lèvres qui ont redit au Curé PEYRAMALE le nom de la Dame :

« JE SUIS L’IMMACULÉE CONCEPTION ».

            C’est aussi son cœur qui a tant aimé Jésus-Christ et la Vierge Marie

                       et les pécheurs. »

Du petit corps si frêle, elle qui semble absorbée en Dieu, jaillit une voix silencieuse qui nous atteint au plus intime de nous-mêmes.

Bernadette est présente.

Bernadette prie avec nous.

Osons le dire : Bernadette est, en quelque sorte vivante.

Bernadette continue chaque jour, auprès de chaque pèlerin, la mission que lui avait confiée, au nom de Dieu, « l’Immaculée Conception » :

Elle nous redit que Dieu est Amour

            et qu’il ne cesse de nous appeler à passer de la nuit de notre péché

                       à son admirable Lumière.

            Notre Dame de Lourdes, priez pour nous et pour notre conversion !

            Sainte Bernadette, priez pour nous, pécheurs !

            Sainte Bernadette ; priez pour les malades !

                       Fête de Notre Dame de Lourdes – Père René LAURENTIN

                                 Noéline FOURNIER.

 




Fr Denis FOUCHER, OP (3 février 1946 – 1° janvier 2022), « Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25,21).

Fr Denis FOUCHER, OP (3 février 1946 – 1° janvier 2022),

« Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25,21).

         Au dernier trimestre de l’année 2008, Fr Denis Foucher, Dominicain, arrivait à la Réunion. Il avait soixante deux ans… Il avait enseigné la Théologie au séminaire d’Antsirabé et accepta l’invitation à animer les journées du Groupe Cycle Long à Bagatelle consacrées plus spécialement à la Théologie. Il désira alors rencontrer le P. Daniel Woillez qui, à l’époque, assurait déjà ces cours sur St Denis, pour voir comment tout cela se mettait en place… Il m’avait écrit ceci : « Ma rencontre avec le Père Daniel Woillez s’est très bien passée. Je vois mieux ce que je dois faire pendant le prochain cycle de théologie et envisage donc de pouvoir répondre plus facilement à plusieurs propositions à partir du mois de février pour le « Mystère de l’Eglise » et du mois de mars pour le reste… Je peux commencer soit le 8, soit le 15 soit le 22 février. L’avantage du 15 serait, entre autres choses, que je pourrais aller voir le 8 comment le Père Woillez organise un dimanche. Mais je n’en fais pas un empêchement pour ne pas commencer le 8 si vous le souhaitez vraiment »… Humilité, disponibilité… Il était très apprécié… Il intervint ainsi pendant deux ans, puis sa communauté l’invita à retourner en métropole…

               Voici, le 2 janvier, ce qu’a écrit à son sujet Fr. Hervé Ponsot, qui l’a bien connu…

          « Le frère Denis Foucher nous a quittés pour le ciel soudainement et à pas de loups, avec la discrétion et l’humilité qui l’ont toujours caractérisé, ce 1er janvier 2022. Il allait avoir 76 ans, et souffrait depuis quelques années d’une maladie dégénérative, proche de celle d’Alzheimer, qui le limitait terriblement dans son expression, mais ne l’empêchait pas d’être très présent à la vie commune ou aux offices religieux. Il était là, très pieux, fidèle, souriant, accueillant, mais sans pouvoir communiquer.

          Nous nous sommes connus à son arrivée dans le couvent de Toulouse, qui a coïncidé avec la mienne fin 1974. Il venait du monde scientifique » (Ingénieur des Ponts et Chaussées), « et de celui de la non-violence : il en vivait, mais déjà en parlait peu. Il n’était pas d’un tempérament très expansif. Si ma mémoire ne me trahit pas, je crois me souvenir qu’il avait fait avant son arrivée à Toulouse un pèlerinage à Jérusalem, en partie (ou la totalité ?) à pied. C’était de fait un excellent marcheur, et il l’a plus tard souvent montré dans les montagnes des Pyrénées : un vrai cabri !

          Nous avons donc commencé notre noviciat ensemble, le 31 mai 1975, sous l’égide du frère Jean-René Bouchet, et avons prononcé nos vœux temporaires l’année suivante, le 10 juin 1976. Nos chemins se sont ensuite séparés, mais ils se sont croisés ou unis pour des sessions, et plus longuement au fil des études à Toulouse. Nous avons été ordonnés prêtres ensemble le 28 juin 1980 : célébration mémorable qui, autour de six frères, avait rassemblé 1500 invités dans l’église du couvent de Toulouse.

          Il n’est pas facile de « dire Denis » : il ne laissait pas de grandes traces là où il passait, mais se signalait partout par sa gentillesse et son attention aux autres. J’ai parlé de discrétion et d’humilité, car Denis était plutôt petite souris que bon géant. Je me suis demandé s’il fallait voir là un héritage familial, lié à sa naissance et sa vie en Algérie, une période dont il n’a jamais vraiment parlé, et je l’attribue donc plutôt à un trait de caractère personnel : voulant bien faire, très scrupuleux, il doutait et hésitait facilement.

          Avec cela, en toute obéissance religieuse, il a pourtant ajouté au fil du temps de multiples cordes à son arc, mais sans en privilégier une qui l’oriente et le fixe durablement : il a plutôt choisi de répondre aux attentes que l’on mettait en lui et qui correspondaient à sa disponibilité. Il fut donc aumônier d’étudiants ou curé de paroisse à Toulouse, en formation en langue arabe à Rome dans le fameux Pisaï, aumônier d’étudiants à La Réunion, responsable de l’église conventuelle à Bordeaux, enseignant au séminaire à Tananarive, puis Antsirabé, dans une certaine solitude dominicaine pendant laquelle il avait entrepris de maîtriser la difficile langue malgache, aumônier dans divers secteurs à Marseille où il vient de s’éteindre comme une bougie peu à peu consumée.

 

          Quand un proche nous quitte après avoir souffert, comme ce fut aussi le cas du frère Rémy Bergeret en mai 2021, nous disons volontiers, non sans raison : il connaît enfin le soulagement et la paix. On ajoutera parfois que l’on a « gagné » un nouvel intercesseur au ciel. Mais on ne peut échapper pour autant à la tristesse de l’absence !

Triste, un mot qui se lit dans les réactions en ligne suite à l’annonce de la mort de Denis, mais qui n’est pas le mot qui revient le plus souvent et que j’ai moi-même employé : « gentil ». Non pas de cette gentillesse que l’on associe à l’absence de personnalité, mais de cette gentillesse communicative, qui marche au même pas que la douceur et qui devrait inspirer chacun de nous. Elle n’aime rien tant que la discrétion, celle que Denis a manifestée dans sa vie comme dans son départ pour le ciel. »

        

Et voici l’homélie que Fr Manuel Rivéro donna de son côté le 10 janvier à la Cathédrale de St Denis :

          « Les funérailles de notre frère Denis FOUCHER ont eu lieu ce matin au couvent des Dominicains de Marseille.

          Merci, Seigneur, pour les dons accordés au frère Denis et pour tout ce que nous avons reçu de Toi à travers lui. Nous implorons aussi le pardon pour ses péchés.

          « Elle a du prix aux yeux du Seigneur, la mort de ses amis » (Psaume 116,15). Le frère Denis est né dans la banlieue d’Alger le 3 février 1946. Il a grandi en Algérie. Etudiant à Paris, il a réussi sa formation d’ingénieur des Ponts et Chaussées.

          Ayant connu l’Ordre des prêcheurs dans la capitale française, il est arrivé au couvent de Toulouse pour commencer son noviciat en 1975. Nous avons été novices ensemble. Objecteur de conscience, attaché à la non-violence, le frère Denis s’est bien entendu avec le frère Jean-René BOUCHET (1936-1987), maître des novices, qui avait fait la guerre d’Algérie et qui nous partageait la cruauté de ce conflit marqué par des tortures pratiquées aussi par l’armée française. La Providence se manifeste dans les rencontres décisives entre l’esprit du maître des novices et les chercheurs de la volonté de Dieu avec leur histoire. Le frère Denis hésitait souvent et longtemps avant de prendre une décision. Le frère Jean-René a sut le rassurer et l’accompagner comme il le fit envers moi-même. Dans les Cévennes, notre maître des novices avait appris la langue castillane auprès des gitans d’origine espagnole qu’il affectionnait. Les enfants gitans lui avaient fait connaître dans la vie quotidienne la langue de Cervantés qu’il prononçait sans accent tout en commettant quelques erreurs de grammaire.

          Au terme de nos études en théologie, nous reçûmes l’ordination presbytérale ensemble le 28 juin 1980 avec quatre autres frères : Didier, Dominique, Hervé et Nicolas-Jean.

          Compte tenu de son enfance en Algérie, les responsables de la formation avaient proposé au frère Denis de suivre des études en langue arabe au PISAI à Rome, ce qu’il fit avec régularité.

          En 1984, nous nous retrouvâmes à Marseille pour le projet de refondation du couvent. Une bonne partie des frères de la Province de Toulouse pensait qu’il fallait fermer le couvent de la rue Edmond Rostand qui après avoir connu des heures de gloire avait sombré dans des conflits destructeurs. Le chapitre provincial de Montpellier désigna six frères pour cette opération risquée de renouveau du couvent : les frères FREMIN, LASSEGUE, SIBRE, FOUCHER et moi-même. Le frère MERIGOUX qui avait été aussi déposé avec nous ne nous avait pas rejoint pour des raisons personnelles. De 1984 à 1985, nous étions au couvent de Marseille deux communautés distinctes avec deux supérieurs différents. Temps difficile mais qui s’avéra fécond pour l’avenir de la vie dominicaine dans la cité phocéenne. Le frère Denis FOUCHER y fit preuve d’abnégation et d’endurance. Aumôniers de l’université des sciences dans deux campus différents, nous avons œuvré ensemble. Les étudiants ne cachaient pas leur admiration pour ce ministère vécu de manière fraternelle : « C’est rare de voir travailler deux prêtres ensemble ! », disaient-ils.

          Musicien, chantre, rigoureux dans son travail, serviable, le frère Denis a accompli différents ministères dans les églises conventuelles et dans l’apostolat du Rosaire, comme Secrétaire général du Pèlerinage du Rosaire à Lourdes et en tant que directeur national des commissaires et des hôtesses de ce Pèlerinage dominicain qui a lieu au mois d’octobre dans la ville de sainte Bernadette.

          Il a aussi passé sept ans au séminaire d’Antsirabé (Madagascar), de 2001 à 2007, comme enseignant en théologie sans oublier sa mission d’accompagnateur spirituel dans l’équipe des formateurs de ce séminaire interdiocésain qui accueille plus de cent séminaristes chaque année. Plusieurs prêtres malgaches m’ont fait part de l’aide spirituelle décisive reçue de la part du frère Denis au cours de leur formation.

          Humble et discret, homme de prière et austère, le frère Denis savait écouter et soutenir les vocations chrétiennes et sacerdotales. Pendant son séjour malgache, il devint l’aumônier national des Equipes du Rosaire de Madagascar en y apportant des formations théologiques.

          Ces dernières années, avant que la maladie ne l’empêche d’exercer des apostolats, le frère Denis participait à la pastorale catholique de la prison des Baumettes.

          Monsieur Jean-Louis DULOT, responsable provincial des Fraternités laïques dominicaines de la Province de Toulouse, a tenu à exprimer sa reconnaissance envers le frère Denis FOUCHER : « Frère Denis a été pour moi un guide lorsque j’ai commencé à fréquenter les frères dominicains. C’est lui qui m’a fait connaître les fraternités et qui a pris les premières initiatives en vue de créer une nouvelle fraternité à Toulouse ».

               La Réunion a bénéficié pendant deux ans du ministère du frère Denis à la cathédrale et à la Fraternité Sainte Rose de Lima de La Plaine des Palmistes. C’est pourquoi Mgr Gilbert AUBRY a envoyé un courriel pour manifester sa proximité : « Je m’unirai en intention à votre eucharistie. Il a eu un grand rayonnement à La Réunion et à Madagascar. Dans la miséricorde du Seigneur qu’il ait la joie de participer au banquet éternel du Royaume des cieux.

          Bien en communion avec tous les membres de la Communauté Saint Guillaume COURTET ».

          Comment ne pas penser en ce jour de son passage vers le Père aux paroles de Jésus dans la parabole des talents (Mt 25, 14s) ? « C’est bien, serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Seigneur ! ».

 

 

 

 

 

Et ce même 10 janvier, Christian Foucher, son frère, a donné ce témoignage à la fin de la célébration qui avait lieu au couvent des Dominicains de Marseille :

Denis, notre frère,

 

Te voilà étendu devant nous dans ton dernier sommeil, sous les voûtes de cette grande et majestueuse église où tu priais et te recueillais tous les jours. Comment dire simplement, dans l’émotion qui nous étreint tous, tout ce que tu as été pour moi ?

 

 

Tu es né deux ans avant nous, ma sœur jumelle et moi, sous le soleil d’Alger. Huit années d’une enfance qu’on pourrait qualifier d’heureuse vont unir notre trio à l’ombre du trio de nos aînés. Mais en 1954 débutent alors les « évènements d’Algérie », en réalité une guerre toujours plus cruelle et traumatisante. Elle impressionne ton cœur d’enfant puis ta réflexion d’adolescent, divise la famille et influe certainement sur tes choix futurs comme sur les miens. Ta piété précoce, dont nous étions les témoins privilégiés,  se nourrissait sans doute de ce contexte dramatique.

Alors que cette guerre se termine avec les bouleversements qu’on connaît, tu es envoyé à Paris chez des amis de la famille pour poursuivre une scolarité très prometteuse. Tu passes brutalement du soleil d’Alger et de la chaleur familiale à la solitude face à l’écrasante pression d’une grande capitale. C’est du moins l’idée que je m’en fais alors. Je perds mon compagnon, mon confident de tous les jours, mais je partage aussi, à travers les lettres que tu nous écris régulièrement, beaucoup d’éléments de la vie que tu mènes, difficile mais passionnante , qui commencent à nourrir mon admiration pour toi. Brillant élève de terminale puis de classe préparatoire au lycée Louis le Grand, tu intègres l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Mais tu ne nous a jamais dit la somme de sacrifices, de renoncements qu’il t’a fallu consentir pour arriver là.

A la sortie de cette école, ta voie semble toute tracée, entre aisance matérielle et responsabilité professionnelle. Tu la suis pendant deux  ans, mais je sais, à travers les discussions que nous avons quand tu descends nous voir en Provence, que tu te poses beaucoup de questions,  cherches beaucoup en toi-même et envisages déjà un changement radical dans ta vie.

Un premier tournant va te donner un début de réponse : tu accomplis durant deux ans tes obligations de service national dans le cadre d’un service civil d’objecteur de conscience, mettant en cohérence tes convictions chrétiennes de non-violence et ton rôle de citoyen. Sur ce plan je suivrai ta voie, deux ans plus tard, mettant mes pas dans les tiens qui t’ont conduit au Service Civil International. Loin de reprendre ensuite une carrière confortable, tu t’investis une année supplémentaire dans un Comité de Coordination pour le Service civil que tu as contribué à fonder et que tu diriges, en même temps que tu milites dans une association de solidarité avec les travailleurs immigrés vivant dans des bidonvilles à Nanterre. Nous étions  impressionnés par le courage de ton engagement, mais tu en parlais, peu, avec un naturel et une humilité qui t’ont toujours caractérisé depuis.

S’ouvre alors pour toi, cette même année, une voie nouvelle que tu avais commencé à explorer dans un groupe de réflexion autour du Père Haim, « La Route à Jérusalem », qui voulait ouvrir les pistes d’un rapprochement entre les trois religions monothéistes. Tu as partagé avec moi beaucoup de tes réflexions autour de ce projet. En octobre 73 tu prends avec un autre jeune volontaire la route du Moyen-Orient. Elle commence en réalité par une étape maritime. Mais la guerre du Kippour qui vient d’éclater vous bloque à Chypre de longues semaines. C’est vraiment mal parti pour votre projet, pourtant vous réussissez à rejoindre le Moyen-Orient et à commencer votre périple, le plus souvent à pied. Tu y fais beaucoup de rencontres, au Liban principalement, travailles sur des chantiers de volontaires, médites beaucoup, visites de nombreux couvents ou monastères. Mais tu ne nous parles pas beaucoup alors de cette expérience, tes lettres sont très espacées. Peut-être as-tu vécu le sentiment d’un échec, ou au contraire trouvé dans cette confrontation avec une triste réalité l’argument ultime pour sauter le pas. Au bout de huit mois tu rentres en France : tu as définitivement arrêté ton choix , l’engagement dans un ordre religieux.

Nous sommes en juin 74, tu as 28 ans et tu vas entrer chez les Dominicains, non sans avoir sans doute encore vécu quelques mois d’indécision. Après six années d’études et d’un cursus  qu’il m’est difficile de décrire, tu es ordonné prêtre à Toulouse avec cinq autres frères. J’y ai éprouvé le sentiment d’un aboutissement pour toi.  Nous étions désormais en retrait, mais quoi de plus naturel ?   Les vingt années qui suivent sont d’une telle intensité dans tes fonctions et sacerdoces que je ne me risquerai pas à les rappeler, le frère Hervé Ponsot l’ayant déjà fait avec une telle clarté.

Denis, tu nous paraissais parfois hésitant, indécis sur des choix de vie quotidienne ou d’engagements mineurs. Mais quelle force de caractère, quelle disponibilité, quel sens du sacrifice et de la mission sacerdotale ces multiples fonctions et engagements traduisent-ils ! Tu trouvais dans ta foi les ressources physiques et morales pour les assumer en même temps ou tour à tour, tu nous le disais toujours quand on te retrouvait. En même temps tu appliquais vis-à-vis de ta propre famille ces vertus de tolérance et de fraternité chrétienne, cherchant à maintenir ou rétablir des relations parfois distendues par l’éloignement géographique ou des choix de vie différents. Tu étais d’une constitution assez frêle, tu poussais parfois l’humilité jusqu’à l’effacement mais tu étais tenace, méthodique, comme t’y avait préparé sans doute ta formation scientifique durant tes années parisiennes.

En 2000, on t’a vu partir pour une très longue mission à Madagascar. J’étais inquiet, tu étais déjà fragile physiquement. Pourtant  tu as tenu huit ans durant lesquels tu nous a régulièrement envoyé des lettres circulaires sur ton apprentissage de la langue malgache – mais tu n’as jamais été doué pour les langues étrangères ! –  sur tes missions d’enseignant, de responsable de l’aumônerie des équipes du Rosaire. On y sentait aussi parfois – tu restais toujours pudique sur tes impressions – ta confrontation douloureuse avec la violence, la misère, les injustices d’un des pays les plus pauvres du monde. Ta sensibilité, ta douceur tirée de la non-violence ont dû en souffrir. Mais tu aimais ce pays, et quand tu revenais nous voir lors de tes quelques congés, tu me parlais plutôt de la situation politique à Madagascar, des enjeux électoraux, des transports à risques dans les taxis-brousse, des vols de bétail, du retournement des morts. Devant les paysages paisibles des Alpilles où l’on marchait, je t’écoutais, retrouvant les impressions connues 40 ans auparavant en Algérie ou en Provence face à un frère qui me parlait et m’impressionnait beaucoup.

A l’été 2008 tu quittes définitivement Madagascar pour t’établir deux ans à La Réunion. Nous étions soulagés, nous savions que tu allais te refaire une santé. Mais quand tu es rentré en 2010, tu étais quand même affaibli, très amaigri et encore plus fragile.

Tout à droite, Fr Denis Foucher

Pourtant tu t’es à nouveau investi dans d’autres missions auprès de tes frères du couvent de Marseille. La proximité géographique nous permettait de nous voir beaucoup plus souvent et de t’y suivre plus facilement. Ton dernier sacerdoce, le plus dur sans doute vu ton état de santé, t’a conduit comme aumônier à la prison des Baumettes. Nous étions toujours plus inquiets mais tu as tenu bon plusieurs années. Les premières atteintes de la maladie t’ont finalement forcé à y renoncer, et tu en as été très malheureux.

Denis, ces dernières années ont été douloureuses pour toi, de plus en plus conscient de décliner. Tu te sentais inutile, tu souffrais toujours plus de tes difficultés à trouver les mots, de ne plus pouvoir communiquer, de ne plus pouvoir tenir d’homélies, suivre les conversations de tes frères au réfectoire. Nous souffrions de te voir souffrir. Parler au téléphone avec nous était devenu une épreuve, mais tu voulais tellement garder le lien…Tu commençais à être hésitant dans  la marche, un peu craintif, alors que tu as toujours été un  marcheur si endurant lors des randonnées en montagne que je te proposais. En août 2015 encore tu grimpais le Grand Galibier à plus de 3200 m, le vertige seul t’ayant arrêté à moins de 100 mètres du sommet. Le frère Jean-François, au dévouement admirable, dont tu me disais souvent qu’il était extraordinaire, c’étaient tes mots,  t’a entouré de ses soins et de sa présence tout au long de ce déclin.

Tu craignais par-dessus tout de devoir quitter cette communauté, d’être arraché à tes frères dominicains. Je le savais, tu me l’avais fait comprendre. La pneumonie t’a brutalement arrêté sur cette descente qui ne pouvait qu’être  toujours plus douloureuse. 

Denis, tu as fini ta route à Jérusalem. Ton corps est encore là devant nous, entouré de tous tes frères dans la majesté impressionnante de cette nef, et tu nous laisses dans une immense tristesse. Mais tu continues à vivre en moi, en nous, présents ou absents en ce jour, nous qui t’aimions tant.

                                                                                                             

                                                                                                           Christian

  




Pour se préparer à vivre le Synode 2023 : « Pour une Eglise synodale : communion, participation, mission ».

Le Secrétariat Général du Synode des évêques a rendu public le mardi 7 septembre 2021 le Document Préparatoire et le Vademecum qui accompagneront le prochain Synode sur la synodalité. Celui-ci fut ouvert les 9-10 octobre à Rome et le 17 octobre dans les Églises particulières. Dans notre diocèse, la célébration, eut lieu à la Paroisse du Chaudron (cf. https://www.sedifop.com/messe-pour-le-lancement-du-synode-voulu-par-le-pape-francois-dimanche-17-octobre-2021/). Ce synode se conclura par l’assemblée générale au Vatican en 2023.

Nous vous proposons ici quelques extraits de ce Document Préparatoire.

Vous trouverez également, le texte complet, ainsi que celui du Vademecum, que vous pourrez télécharger en cliquant sur les liens qui leur correspondent…

Bonne lecture à vous, et surtout belle et heureuse réflexion « ensemble » pour mieux vivre « tous ensemble » cette Eglise « Mystère de communion dans l’unité d’un même Esprit » appelée à annoncer la Bonne Nouvelle de « l’Amour Inconditionnel » (Pape François ; audience du mercredi 17 juin 2017 : https://www.sedifop.com/audience-generale-du-mercredi-14-juin-2017/) jusqu’aux extrémités de la terre…

 

Pour accéder aux documents en PDF, il suffit de cliquer sur les liens qui vous intéressent  : 

Document préparatoire au Synode 2023 (Extraits)

Document préparatoire Synode 2023 (Complet)

Vademecum – Synode 2023




« Se faire vacciner est un acte d’amour » (Pape François).

En cliquant sur ce lien, vous accéderez à cette vidéo où le Pape François nous invite tous à regarder la vaccination contre la Covid 19 comme un acte d’amour, et donc à nous faire vacciner:

https://youtu.be/x5gL–CNits

 

« Pour ceux qui le peuvent, je ne peux que conseiller de se faire vacciner. Personnellement, j’ai déjà mis ma troisième piqûre de rappel » (Mgr Gilbert Aubry, circulaire du 8 décembre 2021).




« Amour et vérité se rencontrent » (Saint Charbel)

La connaissance a besoin d’amour pour devenir compréhension.

Quand bien même grande est votre connaissance, vous ne pouvez pas comprendre tant que vous n’aimez pas. L’amour est bien plus noble que l’intelligence. La logique de l’amour est bien plus sublime que celle de l’intelligence.

La connaissance sans amour manque d’âme ; elle détruit l’homme. La terre est un globe sanctifié sur lequel Dieu de l’univers a mis pied. Il l’a illuminé de la lumière de l’Esprit et son cœur divin veille sur lui.

Avec leur connaissance dépourvue d’amour, les hommes ont rendu la terre malade. Leur nourriture les empoisonne, leur boisson les assoiffe. Ils prennent leurs maladies pour médicaments ; l’air qu’ils respirent les étrangle, leur repas les fatigue, leur paix les angoisse, leur joie les chagrine, leur bonheur les martyrise, leur vérité est une illusion et leur illusion est vérité, leur lumière, obscurité.

Les hommes possèdent plus de connaissances que de sagesse. Leurs théories sont devenues dans leurs esprits comme le brouillard sur les montagnes et dans les vallées, elles les empêchent de voir les choses telles qu’ elles sont. Leurs théories leur dérobent la vue.

Leurs bâtisses s’élèvent, leur moralité s’abaisse. Leurs biens augmentent, leurs valeurs diminuent. Leurs discours se multiplient, leurs prières s’amoindrissent. Leurs intérêts s’approfondissent, leurs relations se distendent, leurs façades débordent, leurs intérieurs s’appauvrissent. Leurs routes s’élargissent, leurs visions se rétrécissent.

Leurs chemins sont nombreux, mais ils ne mènent pas les uns chez les autres. Leurs moyens de communication sont multiples, mais ils ne les aident pas à communiquer les uns avec les autres.  Leurs lits sont spacieux et confortables, mais leurs familles sont peu nombreuses, désintégrées et épuisées. Ils savent accélérer, sans savoir attendre. Ils courent pour assurer leur vie, oubliant de gérer leur vie.

Ils se pressent vers l’extérieur et négligent l’intérieur. Ils sont des prisonniers qui s’énorgueillissent du confort de leurs prisons, des égarés qui se vantent des distances qu’ils traversent, des morts qui se flattent par le luxe de leurs tombeaux. Ils meurent de faim alors qu’ils sont assis près du pétrin, des pauvres, toutefois assis sur des trésors qu’ils ont enfouis eux-mêmes.

Pourquoi vous mettez-vous sous la table pour manger les miettes qui en tombent alors qu’elle est servie pour vous ? Les hommes sèment les épines qui, encore tendres et fraîches, leur caressent les pieds ; mais une fois endurcies, déchireront les pieds des générations à venir.

Vous coupez le bois, vous les entassez, vous allumez le feu, vous l’alimentez pour vous y jeter, et vous vous étonnez d’en être brûlés ! L’humanité est égarée, l’homme est malade et le monde prend feu.

Dieu est amour, il est le but et le guide de cette humanité égarée. Le Christ est le remède de l’homme malade. C’est l’eau du baptême en Esprit qui éteint l’incendie dans le monde.

Fondez toute connaissance sur le Christ, toute connaissance bâtie en dehors du fondement du Christ, vous condamne. Toute connaissance sans âme passe pour ignorance.

L’édifice, basé sur l’homme, a beau s’élever, il finit par l’écraser. L’homme vit dans la tristesse et l’angoisse, il se satisfait et ne se rassasie que lorsqu’il s’unifie dans le cœur de Dieu.

Rencontrez-vous les uns des autres, regardez-vous les uns les autres, écoutez-vous les uns les autres, saluez-vous les uns les autres, consolez-vous les uns les autres par des paroles charitables et solides, sortez de vous-mêmes pour vous rejoindre les uns les autres, embrassez-vous les uns les autres dans l’amour du Christ, travaillez dans le champ du Seigneur sans fatigue, ni ennui.

Que le son de vos pioches remplisse les vallées et domine le vacarme du monde, et celui de vos faucilles rappelle aux gens la moisson.

Que vos prières fendent les rocs sourds et fassent jaillir les sources muettes. Les rocs entendent la prière, les sources en parlent et tous ensemble prient et glorifient Dieu.

Extrait du livre (Paroles de saint Charbel) écrit par Hanna Shander