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Fr Denis FOUCHER, OP (3 février 1946 – 1° janvier 2022), « Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25,21).

Fr Denis FOUCHER, OP (3 février 1946 – 1° janvier 2022),

« Entre dans la joie de ton Seigneur » (Mt 25,21).

         Au dernier trimestre de l’année 2008, Fr Denis Foucher, Dominicain, arrivait à la Réunion. Il avait soixante deux ans… Il avait enseigné la Théologie au séminaire d’Antsirabé et accepta l’invitation à animer les journées du Groupe Cycle Long à Bagatelle consacrées plus spécialement à la Théologie. Il désira alors rencontrer le P. Daniel Woillez qui, à l’époque, assurait déjà ces cours sur St Denis, pour voir comment tout cela se mettait en place… Il m’avait écrit ceci : « Ma rencontre avec le Père Daniel Woillez s’est très bien passée. Je vois mieux ce que je dois faire pendant le prochain cycle de théologie et envisage donc de pouvoir répondre plus facilement à plusieurs propositions à partir du mois de février pour le « Mystère de l’Eglise » et du mois de mars pour le reste… Je peux commencer soit le 8, soit le 15 soit le 22 février. L’avantage du 15 serait, entre autres choses, que je pourrais aller voir le 8 comment le Père Woillez organise un dimanche. Mais je n’en fais pas un empêchement pour ne pas commencer le 8 si vous le souhaitez vraiment »… Humilité, disponibilité… Il était très apprécié… Il intervint ainsi pendant deux ans, puis sa communauté l’invita à retourner en métropole…

               Voici, le 2 janvier, ce qu’a écrit à son sujet Fr. Hervé Ponsot, qui l’a bien connu…

          « Le frère Denis Foucher nous a quittés pour le ciel soudainement et à pas de loups, avec la discrétion et l’humilité qui l’ont toujours caractérisé, ce 1er janvier 2022. Il allait avoir 76 ans, et souffrait depuis quelques années d’une maladie dégénérative, proche de celle d’Alzheimer, qui le limitait terriblement dans son expression, mais ne l’empêchait pas d’être très présent à la vie commune ou aux offices religieux. Il était là, très pieux, fidèle, souriant, accueillant, mais sans pouvoir communiquer.

          Nous nous sommes connus à son arrivée dans le couvent de Toulouse, qui a coïncidé avec la mienne fin 1974. Il venait du monde scientifique » (Ingénieur des Ponts et Chaussées), « et de celui de la non-violence : il en vivait, mais déjà en parlait peu. Il n’était pas d’un tempérament très expansif. Si ma mémoire ne me trahit pas, je crois me souvenir qu’il avait fait avant son arrivée à Toulouse un pèlerinage à Jérusalem, en partie (ou la totalité ?) à pied. C’était de fait un excellent marcheur, et il l’a plus tard souvent montré dans les montagnes des Pyrénées : un vrai cabri !

          Nous avons donc commencé notre noviciat ensemble, le 31 mai 1975, sous l’égide du frère Jean-René Bouchet, et avons prononcé nos vœux temporaires l’année suivante, le 10 juin 1976. Nos chemins se sont ensuite séparés, mais ils se sont croisés ou unis pour des sessions, et plus longuement au fil des études à Toulouse. Nous avons été ordonnés prêtres ensemble le 28 juin 1980 : célébration mémorable qui, autour de six frères, avait rassemblé 1500 invités dans l’église du couvent de Toulouse.

          Il n’est pas facile de « dire Denis » : il ne laissait pas de grandes traces là où il passait, mais se signalait partout par sa gentillesse et son attention aux autres. J’ai parlé de discrétion et d’humilité, car Denis était plutôt petite souris que bon géant. Je me suis demandé s’il fallait voir là un héritage familial, lié à sa naissance et sa vie en Algérie, une période dont il n’a jamais vraiment parlé, et je l’attribue donc plutôt à un trait de caractère personnel : voulant bien faire, très scrupuleux, il doutait et hésitait facilement.

          Avec cela, en toute obéissance religieuse, il a pourtant ajouté au fil du temps de multiples cordes à son arc, mais sans en privilégier une qui l’oriente et le fixe durablement : il a plutôt choisi de répondre aux attentes que l’on mettait en lui et qui correspondaient à sa disponibilité. Il fut donc aumônier d’étudiants ou curé de paroisse à Toulouse, en formation en langue arabe à Rome dans le fameux Pisaï, aumônier d’étudiants à La Réunion, responsable de l’église conventuelle à Bordeaux, enseignant au séminaire à Tananarive, puis Antsirabé, dans une certaine solitude dominicaine pendant laquelle il avait entrepris de maîtriser la difficile langue malgache, aumônier dans divers secteurs à Marseille où il vient de s’éteindre comme une bougie peu à peu consumée.

 

          Quand un proche nous quitte après avoir souffert, comme ce fut aussi le cas du frère Rémy Bergeret en mai 2021, nous disons volontiers, non sans raison : il connaît enfin le soulagement et la paix. On ajoutera parfois que l’on a « gagné » un nouvel intercesseur au ciel. Mais on ne peut échapper pour autant à la tristesse de l’absence !

Triste, un mot qui se lit dans les réactions en ligne suite à l’annonce de la mort de Denis, mais qui n’est pas le mot qui revient le plus souvent et que j’ai moi-même employé : « gentil ». Non pas de cette gentillesse que l’on associe à l’absence de personnalité, mais de cette gentillesse communicative, qui marche au même pas que la douceur et qui devrait inspirer chacun de nous. Elle n’aime rien tant que la discrétion, celle que Denis a manifestée dans sa vie comme dans son départ pour le ciel. »

        

Et voici l’homélie que Fr Manuel Rivéro donna de son côté le 10 janvier à la Cathédrale de St Denis :

          « Les funérailles de notre frère Denis FOUCHER ont eu lieu ce matin au couvent des Dominicains de Marseille.

          Merci, Seigneur, pour les dons accordés au frère Denis et pour tout ce que nous avons reçu de Toi à travers lui. Nous implorons aussi le pardon pour ses péchés.

          « Elle a du prix aux yeux du Seigneur, la mort de ses amis » (Psaume 116,15). Le frère Denis est né dans la banlieue d’Alger le 3 février 1946. Il a grandi en Algérie. Etudiant à Paris, il a réussi sa formation d’ingénieur des Ponts et Chaussées.

          Ayant connu l’Ordre des prêcheurs dans la capitale française, il est arrivé au couvent de Toulouse pour commencer son noviciat en 1975. Nous avons été novices ensemble. Objecteur de conscience, attaché à la non-violence, le frère Denis s’est bien entendu avec le frère Jean-René BOUCHET (1936-1987), maître des novices, qui avait fait la guerre d’Algérie et qui nous partageait la cruauté de ce conflit marqué par des tortures pratiquées aussi par l’armée française. La Providence se manifeste dans les rencontres décisives entre l’esprit du maître des novices et les chercheurs de la volonté de Dieu avec leur histoire. Le frère Denis hésitait souvent et longtemps avant de prendre une décision. Le frère Jean-René a sut le rassurer et l’accompagner comme il le fit envers moi-même. Dans les Cévennes, notre maître des novices avait appris la langue castillane auprès des gitans d’origine espagnole qu’il affectionnait. Les enfants gitans lui avaient fait connaître dans la vie quotidienne la langue de Cervantés qu’il prononçait sans accent tout en commettant quelques erreurs de grammaire.

          Au terme de nos études en théologie, nous reçûmes l’ordination presbytérale ensemble le 28 juin 1980 avec quatre autres frères : Didier, Dominique, Hervé et Nicolas-Jean.

          Compte tenu de son enfance en Algérie, les responsables de la formation avaient proposé au frère Denis de suivre des études en langue arabe au PISAI à Rome, ce qu’il fit avec régularité.

          En 1984, nous nous retrouvâmes à Marseille pour le projet de refondation du couvent. Une bonne partie des frères de la Province de Toulouse pensait qu’il fallait fermer le couvent de la rue Edmond Rostand qui après avoir connu des heures de gloire avait sombré dans des conflits destructeurs. Le chapitre provincial de Montpellier désigna six frères pour cette opération risquée de renouveau du couvent : les frères FREMIN, LASSEGUE, SIBRE, FOUCHER et moi-même. Le frère MERIGOUX qui avait été aussi déposé avec nous ne nous avait pas rejoint pour des raisons personnelles. De 1984 à 1985, nous étions au couvent de Marseille deux communautés distinctes avec deux supérieurs différents. Temps difficile mais qui s’avéra fécond pour l’avenir de la vie dominicaine dans la cité phocéenne. Le frère Denis FOUCHER y fit preuve d’abnégation et d’endurance. Aumôniers de l’université des sciences dans deux campus différents, nous avons œuvré ensemble. Les étudiants ne cachaient pas leur admiration pour ce ministère vécu de manière fraternelle : « C’est rare de voir travailler deux prêtres ensemble ! », disaient-ils.

          Musicien, chantre, rigoureux dans son travail, serviable, le frère Denis a accompli différents ministères dans les églises conventuelles et dans l’apostolat du Rosaire, comme Secrétaire général du Pèlerinage du Rosaire à Lourdes et en tant que directeur national des commissaires et des hôtesses de ce Pèlerinage dominicain qui a lieu au mois d’octobre dans la ville de sainte Bernadette.

          Il a aussi passé sept ans au séminaire d’Antsirabé (Madagascar), de 2001 à 2007, comme enseignant en théologie sans oublier sa mission d’accompagnateur spirituel dans l’équipe des formateurs de ce séminaire interdiocésain qui accueille plus de cent séminaristes chaque année. Plusieurs prêtres malgaches m’ont fait part de l’aide spirituelle décisive reçue de la part du frère Denis au cours de leur formation.

          Humble et discret, homme de prière et austère, le frère Denis savait écouter et soutenir les vocations chrétiennes et sacerdotales. Pendant son séjour malgache, il devint l’aumônier national des Equipes du Rosaire de Madagascar en y apportant des formations théologiques.

          Ces dernières années, avant que la maladie ne l’empêche d’exercer des apostolats, le frère Denis participait à la pastorale catholique de la prison des Baumettes.

          Monsieur Jean-Louis DULOT, responsable provincial des Fraternités laïques dominicaines de la Province de Toulouse, a tenu à exprimer sa reconnaissance envers le frère Denis FOUCHER : « Frère Denis a été pour moi un guide lorsque j’ai commencé à fréquenter les frères dominicains. C’est lui qui m’a fait connaître les fraternités et qui a pris les premières initiatives en vue de créer une nouvelle fraternité à Toulouse ».

               La Réunion a bénéficié pendant deux ans du ministère du frère Denis à la cathédrale et à la Fraternité Sainte Rose de Lima de La Plaine des Palmistes. C’est pourquoi Mgr Gilbert AUBRY a envoyé un courriel pour manifester sa proximité : « Je m’unirai en intention à votre eucharistie. Il a eu un grand rayonnement à La Réunion et à Madagascar. Dans la miséricorde du Seigneur qu’il ait la joie de participer au banquet éternel du Royaume des cieux.

          Bien en communion avec tous les membres de la Communauté Saint Guillaume COURTET ».

          Comment ne pas penser en ce jour de son passage vers le Père aux paroles de Jésus dans la parabole des talents (Mt 25, 14s) ? « C’est bien, serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Seigneur ! ».

 

 

 

 

 

Et ce même 10 janvier, Christian Foucher, son frère, a donné ce témoignage à la fin de la célébration qui avait lieu au couvent des Dominicains de Marseille :

Denis, notre frère,

 

Te voilà étendu devant nous dans ton dernier sommeil, sous les voûtes de cette grande et majestueuse église où tu priais et te recueillais tous les jours. Comment dire simplement, dans l’émotion qui nous étreint tous, tout ce que tu as été pour moi ?

 

 

Tu es né deux ans avant nous, ma sœur jumelle et moi, sous le soleil d’Alger. Huit années d’une enfance qu’on pourrait qualifier d’heureuse vont unir notre trio à l’ombre du trio de nos aînés. Mais en 1954 débutent alors les « évènements d’Algérie », en réalité une guerre toujours plus cruelle et traumatisante. Elle impressionne ton cœur d’enfant puis ta réflexion d’adolescent, divise la famille et influe certainement sur tes choix futurs comme sur les miens. Ta piété précoce, dont nous étions les témoins privilégiés,  se nourrissait sans doute de ce contexte dramatique.

Alors que cette guerre se termine avec les bouleversements qu’on connaît, tu es envoyé à Paris chez des amis de la famille pour poursuivre une scolarité très prometteuse. Tu passes brutalement du soleil d’Alger et de la chaleur familiale à la solitude face à l’écrasante pression d’une grande capitale. C’est du moins l’idée que je m’en fais alors. Je perds mon compagnon, mon confident de tous les jours, mais je partage aussi, à travers les lettres que tu nous écris régulièrement, beaucoup d’éléments de la vie que tu mènes, difficile mais passionnante , qui commencent à nourrir mon admiration pour toi. Brillant élève de terminale puis de classe préparatoire au lycée Louis le Grand, tu intègres l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Mais tu ne nous a jamais dit la somme de sacrifices, de renoncements qu’il t’a fallu consentir pour arriver là.

A la sortie de cette école, ta voie semble toute tracée, entre aisance matérielle et responsabilité professionnelle. Tu la suis pendant deux  ans, mais je sais, à travers les discussions que nous avons quand tu descends nous voir en Provence, que tu te poses beaucoup de questions,  cherches beaucoup en toi-même et envisages déjà un changement radical dans ta vie.

Un premier tournant va te donner un début de réponse : tu accomplis durant deux ans tes obligations de service national dans le cadre d’un service civil d’objecteur de conscience, mettant en cohérence tes convictions chrétiennes de non-violence et ton rôle de citoyen. Sur ce plan je suivrai ta voie, deux ans plus tard, mettant mes pas dans les tiens qui t’ont conduit au Service Civil International. Loin de reprendre ensuite une carrière confortable, tu t’investis une année supplémentaire dans un Comité de Coordination pour le Service civil que tu as contribué à fonder et que tu diriges, en même temps que tu milites dans une association de solidarité avec les travailleurs immigrés vivant dans des bidonvilles à Nanterre. Nous étions  impressionnés par le courage de ton engagement, mais tu en parlais, peu, avec un naturel et une humilité qui t’ont toujours caractérisé depuis.

S’ouvre alors pour toi, cette même année, une voie nouvelle que tu avais commencé à explorer dans un groupe de réflexion autour du Père Haim, « La Route à Jérusalem », qui voulait ouvrir les pistes d’un rapprochement entre les trois religions monothéistes. Tu as partagé avec moi beaucoup de tes réflexions autour de ce projet. En octobre 73 tu prends avec un autre jeune volontaire la route du Moyen-Orient. Elle commence en réalité par une étape maritime. Mais la guerre du Kippour qui vient d’éclater vous bloque à Chypre de longues semaines. C’est vraiment mal parti pour votre projet, pourtant vous réussissez à rejoindre le Moyen-Orient et à commencer votre périple, le plus souvent à pied. Tu y fais beaucoup de rencontres, au Liban principalement, travailles sur des chantiers de volontaires, médites beaucoup, visites de nombreux couvents ou monastères. Mais tu ne nous parles pas beaucoup alors de cette expérience, tes lettres sont très espacées. Peut-être as-tu vécu le sentiment d’un échec, ou au contraire trouvé dans cette confrontation avec une triste réalité l’argument ultime pour sauter le pas. Au bout de huit mois tu rentres en France : tu as définitivement arrêté ton choix , l’engagement dans un ordre religieux.

Nous sommes en juin 74, tu as 28 ans et tu vas entrer chez les Dominicains, non sans avoir sans doute encore vécu quelques mois d’indécision. Après six années d’études et d’un cursus  qu’il m’est difficile de décrire, tu es ordonné prêtre à Toulouse avec cinq autres frères. J’y ai éprouvé le sentiment d’un aboutissement pour toi.  Nous étions désormais en retrait, mais quoi de plus naturel ?   Les vingt années qui suivent sont d’une telle intensité dans tes fonctions et sacerdoces que je ne me risquerai pas à les rappeler, le frère Hervé Ponsot l’ayant déjà fait avec une telle clarté.

Denis, tu nous paraissais parfois hésitant, indécis sur des choix de vie quotidienne ou d’engagements mineurs. Mais quelle force de caractère, quelle disponibilité, quel sens du sacrifice et de la mission sacerdotale ces multiples fonctions et engagements traduisent-ils ! Tu trouvais dans ta foi les ressources physiques et morales pour les assumer en même temps ou tour à tour, tu nous le disais toujours quand on te retrouvait. En même temps tu appliquais vis-à-vis de ta propre famille ces vertus de tolérance et de fraternité chrétienne, cherchant à maintenir ou rétablir des relations parfois distendues par l’éloignement géographique ou des choix de vie différents. Tu étais d’une constitution assez frêle, tu poussais parfois l’humilité jusqu’à l’effacement mais tu étais tenace, méthodique, comme t’y avait préparé sans doute ta formation scientifique durant tes années parisiennes.

En 2000, on t’a vu partir pour une très longue mission à Madagascar. J’étais inquiet, tu étais déjà fragile physiquement. Pourtant  tu as tenu huit ans durant lesquels tu nous a régulièrement envoyé des lettres circulaires sur ton apprentissage de la langue malgache – mais tu n’as jamais été doué pour les langues étrangères ! –  sur tes missions d’enseignant, de responsable de l’aumônerie des équipes du Rosaire. On y sentait aussi parfois – tu restais toujours pudique sur tes impressions – ta confrontation douloureuse avec la violence, la misère, les injustices d’un des pays les plus pauvres du monde. Ta sensibilité, ta douceur tirée de la non-violence ont dû en souffrir. Mais tu aimais ce pays, et quand tu revenais nous voir lors de tes quelques congés, tu me parlais plutôt de la situation politique à Madagascar, des enjeux électoraux, des transports à risques dans les taxis-brousse, des vols de bétail, du retournement des morts. Devant les paysages paisibles des Alpilles où l’on marchait, je t’écoutais, retrouvant les impressions connues 40 ans auparavant en Algérie ou en Provence face à un frère qui me parlait et m’impressionnait beaucoup.

A l’été 2008 tu quittes définitivement Madagascar pour t’établir deux ans à La Réunion. Nous étions soulagés, nous savions que tu allais te refaire une santé. Mais quand tu es rentré en 2010, tu étais quand même affaibli, très amaigri et encore plus fragile.

Tout à droite, Fr Denis Foucher

Pourtant tu t’es à nouveau investi dans d’autres missions auprès de tes frères du couvent de Marseille. La proximité géographique nous permettait de nous voir beaucoup plus souvent et de t’y suivre plus facilement. Ton dernier sacerdoce, le plus dur sans doute vu ton état de santé, t’a conduit comme aumônier à la prison des Baumettes. Nous étions toujours plus inquiets mais tu as tenu bon plusieurs années. Les premières atteintes de la maladie t’ont finalement forcé à y renoncer, et tu en as été très malheureux.

Denis, ces dernières années ont été douloureuses pour toi, de plus en plus conscient de décliner. Tu te sentais inutile, tu souffrais toujours plus de tes difficultés à trouver les mots, de ne plus pouvoir communiquer, de ne plus pouvoir tenir d’homélies, suivre les conversations de tes frères au réfectoire. Nous souffrions de te voir souffrir. Parler au téléphone avec nous était devenu une épreuve, mais tu voulais tellement garder le lien…Tu commençais à être hésitant dans  la marche, un peu craintif, alors que tu as toujours été un  marcheur si endurant lors des randonnées en montagne que je te proposais. En août 2015 encore tu grimpais le Grand Galibier à plus de 3200 m, le vertige seul t’ayant arrêté à moins de 100 mètres du sommet. Le frère Jean-François, au dévouement admirable, dont tu me disais souvent qu’il était extraordinaire, c’étaient tes mots,  t’a entouré de ses soins et de sa présence tout au long de ce déclin.

Tu craignais par-dessus tout de devoir quitter cette communauté, d’être arraché à tes frères dominicains. Je le savais, tu me l’avais fait comprendre. La pneumonie t’a brutalement arrêté sur cette descente qui ne pouvait qu’être  toujours plus douloureuse. 

Denis, tu as fini ta route à Jérusalem. Ton corps est encore là devant nous, entouré de tous tes frères dans la majesté impressionnante de cette nef, et tu nous laisses dans une immense tristesse. Mais tu continues à vivre en moi, en nous, présents ou absents en ce jour, nous qui t’aimions tant.

                                                                                                             

                                                                                                           Christian

  




Pour se préparer à vivre le Synode 2023 : « Pour une Eglise synodale : communion, participation, mission ».

Le Secrétariat Général du Synode des évêques a rendu public le mardi 7 septembre 2021 le Document Préparatoire et le Vademecum qui accompagneront le prochain Synode sur la synodalité. Celui-ci fut ouvert les 9-10 octobre à Rome et le 17 octobre dans les Églises particulières. Dans notre diocèse, la célébration, eut lieu à la Paroisse du Chaudron (cf. https://www.sedifop.com/messe-pour-le-lancement-du-synode-voulu-par-le-pape-francois-dimanche-17-octobre-2021/). Ce synode se conclura par l’assemblée générale au Vatican en 2023.

Nous vous proposons ici quelques extraits de ce Document Préparatoire.

Vous trouverez également, le texte complet, ainsi que celui du Vademecum, que vous pourrez télécharger en cliquant sur les liens qui leur correspondent…

Bonne lecture à vous, et surtout belle et heureuse réflexion « ensemble » pour mieux vivre « tous ensemble » cette Eglise « Mystère de communion dans l’unité d’un même Esprit » appelée à annoncer la Bonne Nouvelle de « l’Amour Inconditionnel » (Pape François ; audience du mercredi 17 juin 2017 : https://www.sedifop.com/audience-generale-du-mercredi-14-juin-2017/) jusqu’aux extrémités de la terre…

 

Pour accéder aux documents en PDF, il suffit de cliquer sur les liens qui vous intéressent  : 

Document préparatoire au Synode 2023 (Extraits)

Document préparatoire Synode 2023 (Complet)

Vademecum – Synode 2023




« Se faire vacciner est un acte d’amour » (Pape François).

En cliquant sur ce lien, vous accéderez à cette vidéo où le Pape François nous invite tous à regarder la vaccination contre la Covid 19 comme un acte d’amour, et donc à nous faire vacciner:

https://youtu.be/x5gL–CNits

 

« Pour ceux qui le peuvent, je ne peux que conseiller de se faire vacciner. Personnellement, j’ai déjà mis ma troisième piqûre de rappel » (Mgr Gilbert Aubry, circulaire du 8 décembre 2021).




« Amour et vérité se rencontrent » (Saint Charbel)

La connaissance a besoin d’amour pour devenir compréhension.

Quand bien même grande est votre connaissance, vous ne pouvez pas comprendre tant que vous n’aimez pas. L’amour est bien plus noble que l’intelligence. La logique de l’amour est bien plus sublime que celle de l’intelligence.

La connaissance sans amour manque d’âme ; elle détruit l’homme. La terre est un globe sanctifié sur lequel Dieu de l’univers a mis pied. Il l’a illuminé de la lumière de l’Esprit et son cœur divin veille sur lui.

Avec leur connaissance dépourvue d’amour, les hommes ont rendu la terre malade. Leur nourriture les empoisonne, leur boisson les assoiffe. Ils prennent leurs maladies pour médicaments ; l’air qu’ils respirent les étrangle, leur repas les fatigue, leur paix les angoisse, leur joie les chagrine, leur bonheur les martyrise, leur vérité est une illusion et leur illusion est vérité, leur lumière, obscurité.

Les hommes possèdent plus de connaissances que de sagesse. Leurs théories sont devenues dans leurs esprits comme le brouillard sur les montagnes et dans les vallées, elles les empêchent de voir les choses telles qu’ elles sont. Leurs théories leur dérobent la vue.

Leurs bâtisses s’élèvent, leur moralité s’abaisse. Leurs biens augmentent, leurs valeurs diminuent. Leurs discours se multiplient, leurs prières s’amoindrissent. Leurs intérêts s’approfondissent, leurs relations se distendent, leurs façades débordent, leurs intérieurs s’appauvrissent. Leurs routes s’élargissent, leurs visions se rétrécissent.

Leurs chemins sont nombreux, mais ils ne mènent pas les uns chez les autres. Leurs moyens de communication sont multiples, mais ils ne les aident pas à communiquer les uns avec les autres.  Leurs lits sont spacieux et confortables, mais leurs familles sont peu nombreuses, désintégrées et épuisées. Ils savent accélérer, sans savoir attendre. Ils courent pour assurer leur vie, oubliant de gérer leur vie.

Ils se pressent vers l’extérieur et négligent l’intérieur. Ils sont des prisonniers qui s’énorgueillissent du confort de leurs prisons, des égarés qui se vantent des distances qu’ils traversent, des morts qui se flattent par le luxe de leurs tombeaux. Ils meurent de faim alors qu’ils sont assis près du pétrin, des pauvres, toutefois assis sur des trésors qu’ils ont enfouis eux-mêmes.

Pourquoi vous mettez-vous sous la table pour manger les miettes qui en tombent alors qu’elle est servie pour vous ? Les hommes sèment les épines qui, encore tendres et fraîches, leur caressent les pieds ; mais une fois endurcies, déchireront les pieds des générations à venir.

Vous coupez le bois, vous les entassez, vous allumez le feu, vous l’alimentez pour vous y jeter, et vous vous étonnez d’en être brûlés ! L’humanité est égarée, l’homme est malade et le monde prend feu.

Dieu est amour, il est le but et le guide de cette humanité égarée. Le Christ est le remède de l’homme malade. C’est l’eau du baptême en Esprit qui éteint l’incendie dans le monde.

Fondez toute connaissance sur le Christ, toute connaissance bâtie en dehors du fondement du Christ, vous condamne. Toute connaissance sans âme passe pour ignorance.

L’édifice, basé sur l’homme, a beau s’élever, il finit par l’écraser. L’homme vit dans la tristesse et l’angoisse, il se satisfait et ne se rassasie que lorsqu’il s’unifie dans le cœur de Dieu.

Rencontrez-vous les uns des autres, regardez-vous les uns les autres, écoutez-vous les uns les autres, saluez-vous les uns les autres, consolez-vous les uns les autres par des paroles charitables et solides, sortez de vous-mêmes pour vous rejoindre les uns les autres, embrassez-vous les uns les autres dans l’amour du Christ, travaillez dans le champ du Seigneur sans fatigue, ni ennui.

Que le son de vos pioches remplisse les vallées et domine le vacarme du monde, et celui de vos faucilles rappelle aux gens la moisson.

Que vos prières fendent les rocs sourds et fassent jaillir les sources muettes. Les rocs entendent la prière, les sources en parlent et tous ensemble prient et glorifient Dieu.

Extrait du livre (Paroles de saint Charbel) écrit par Hanna Shander




La mort, néant ou expérience de Dieu ? par Fr. Manuel Rivero O.P.

Parler de la mort ne va pas sans sentiment de gêne. Que peut-on dire qui soit audible ? Même des croyants en l’au-delà craignent de sortir du « politiquement correct » qui consiste à ne pas dire grand-chose et à rester dans le flou.

Non sans une certaine angoisse, des enfants posent des questions sur la mort : où est pépé ?

Tout mortel se pose aussi la question de l’au-delà : « Que restera-t-il de moi après la mort ?

La Bible enseigne que Dieu n’a pas créé la mort. Elle est l’ennemi de l’homme que le Messie a vaincu dans la résurrection.

La foi chrétienne repose sur la mort et sur la résurrection de Jésus le Messie. Là où l’homme contemporain façonné par l’athéisme des maîtres du soupçon, Marx, Nietzsche et Freud, voit une dégringolade finale dans le néant, le chrétien voit dans la lumière de la foi une participation à la vie même de Jésus.

La mort comme connaissance.

Au sujet de la mort, saint Paul parle de manière précise. Il s’agit d’une connaissance du Christ Jésus : « Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. » (Épître aux Philippiens 3,10s). C’est-à-dire, la mort fait ressembler à Jésus dans l’acte du don absolu où l’homme remet le souffle vital reçu de Dieu. Le mot « conforme » exprime cette union de ressemblance à Jésus dans sa Passion et dans sa mort. L’homme est « formé » avec le Christ dans sa mort afin de lui ressembler. Connaissance par connaturalité. Jésus a pris notre nature humaine en toute chose sauf le péché.

Dans le livre de la Genèse, Dieu crée l’homme à son image et à sa ressemblance. Dans le mystère pascal, Jésus recrée l’homme à son image et ressemblance. Dans la mort, l’homme ressemble à Jésus qui meurt. Il le connaît par expérience dans l’acte suprême de la mort. En partageant la mort, le disciple de Jésus rejoint l’expérience de Jésus le Vendredi saint. Sur le sommet du Calvaire, le mystère de la Rédemption atteint son sommet dans l’acte de confiance absolue et d’amour total de Jésus envers son Père et pour le salut des hommes : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

La mort, acte absolu de foi et d’amour.

Les paroles de la consécration à la messe mettent en lumière le sens de la mort de Jésus. Amour à mort. Amour plus fort que la mort. En Jésus, l’art d’aimer et l’art de mourir ne font qu’un. Aimer, c’est mourir à l’ego possessif et dominateur. Jésus se donne dans sa mort de manière parfaite : « Voici mon corps livré pour vous ; voici mon sang versé pour vous ». Les paroles qui rappellent la mort de Jésus renvoient aussi au mariage où les époux se donnent l’un à l’autre dans l’amour. C’est ainsi que la mort de Jésus accomplit « une alliance nouvelle et éternelle ».

À la suite de Jésus, le chrétien demande la grâce d’affronter la mort comme un acte absolu de foi et d’amour qui le rend parfait dans l’union à son Maître.

Si la mort ressemble à une chute, elle devient sommet. La Bible avertit l’homme de ne pas juger la valeur d’une existence avant la mort. Les saints en témoignent : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face).

Jésus glorifié dans notre mort

Pour saint Paul, le Christ est même exalté dans la mort de l’homme : « Le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure » (Épître aux Philippiens 1,20). Jésus trouve sa gloire dans la vie de l’homme : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » (Saint Irénée de Lyon).

Que répondre à l’enfant qui demande où sont ceux qui sont morts ? Dans l’azur ? Non ! Dans le Christ, oui ! « Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » (Épître de saint Paul aux Romains, 6,8) ; « Si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. » (Rm 6,5).

La mort, béatitude des pauvres.

Dans la mort, le chrétien est appelé à faire sienne la première des béatitudes : « Heureux vous les pauvres,  car le Royaume des cieux est à vous » (Lc 6,20). Dans la mort, expérience de pauvreté absolue, l’homme attend la manifestation de la miséricorde divine : « Aux yeux du Seigneur, la mort de ses saints a beaucoup de prix » (Ps 116,15) ; « Heureux dès à présent ceux qui sont morts dans le Seigneur ! » (Ap 14,13).

La résurrection, unification de la personne humaine dans la gloire

La mort de Jésus donne sens à notre mort : « Ainsi, ayant voulu sauver tout l’homme, le Sauveur avait pris un corps, une âme et un esprit : ces trois éléments ont été séparés au moment de la Passion et, au moment de la Résurrection, ils ont été réunis. Dans la Passion, ils ont été séparés : comment ? Le corps dans la tombe, l’âme dans les enfers, et l’esprit, il l’a remis entre les mains du Père ». (Origène, Colloque avec Héraclite, SC 57, Paris, 1960, p.68-70). Le Vendredi saint, Jésus est dans le tombeau, dans les enfers et dans les bras du Père. Sa résurrection unira sa dépouille mortelle, son âme humaine et son esprit divin dans l’union au Père qui donne la Vie, son Esprit Saint.

Nous avons tous rendez-vous avec le Vendredi saint. Jésus ressuscité donne rendez-vous à tous la nuit de Pâques : « Par sa mort, Jésus a vaincu la mort ; aux morts, il donne la vie », chantent les chrétiens dans la Veillée pascale.

Saint Augustin appelait le sacrement du baptême « salus », le « Salut », tandis qu’il désignait le sacrement de la messe comme « vita », la « Vie ».

Nous comprenons sans peine que le rituel des funérailles propose la célébration de la messe pour les fidèles. Source et sommet de la vie chrétienne, la messe unit dans l’Amour les morts au Seigneur Jésus, le Vivant, l’Église de la terre à celle du Ciel.

Au Ciel, il n’y aura pas de séparation ! 

Saint-Denis/La Réunion, le 30 octobre 2021.

 

 

 




Annoncer Jésus en prison, grâces et défi. par Fr. Manuel Rivero O.P., aumônier de la prison de Domenjod

Lors de leur arrivée en détention, Jésus vivant, ressuscité, les a déjà précédés. Privés de liberté, mis en cellule malgré eux, les détenus ne sont pas seuls. Celui qui a déclaré aux apôtres « et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20) se tient là, invisible mais bien présent.

Nombreux sont les témoignages sur cette présence du Christ Jésus en prison, lui qui a passé une nuit « en garde à vue » dans la maison du grand-prêtre, Caïphe ( cf. Jn 18,24), la veille de son exécution sur la croix.

Grâce de la miséricorde.

Accusé, sous surveillance, le détenu découvre la compassion de Jésus qui a subi lui-même la Passion sur le chemin du Calvaire. Le bon larron n’a pas reçu des promesses pour des lendemains : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23,43). Dans l’angoisse, le détenu est introduit par sa foi, si intéressée soit-elle, dans le Paradis d’où avait été chassée la première humanité en raison de son manque de foi. C’est l’aujourd’hui de Dieu. Dieu habite à l’intérieur des murs des prisons comme là-haut dans le Ciel. Jésus pose son regard d’amour sur les prisonniers arrachés à la liberté et liés souvent par des chaînes des passions mortifères qui les gardent enchaînés à l’intérieur de leur être.

Miséricorde, « miseria-cordis », avoir un cœur sensible au malheur des autres. Les entrailles de Jésus frémissent en voyant la détresse des détenus. Il ne reste pas passif. Par son amour plus fort que les puissances du mal, Jésus libère le cœur du détenu croyant qui se tourne avec foi vers lui.

Grâce du pardon.

Le bon larron, en se débattant dans les tourments de la crucifixion, n’a pas présenté à Jésus sa liste de péchés. Il n’a pas récité non plus son acte de contrition sans se tromper. Un cri a remplacé son aveu de pécheur. Un cri a obtenu sa libération et plus que cela sa béatitude éternelle. Les portes du Ciel se sont ouvertes en réponse à sa prière de demande : « Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton Royaume » (Lc 23,42).

Grâce d’une vie nouvelle.

« Je suis devenu un homme nouveau, une nouvelle création », me disait un jour un détenu qui parcourait les couloirs de la prison depuis plusieurs années.

La nouvelle naissance demeure possible. « Ici, ce n’est pas la fin ; ici, tout commence », déclarait un surveillant à un homme abattu dans l’enfer de l’enfer-mement.

Avec Dieu, le meilleur se trouve devant, sur le chemin de la foi.

Grâce des sacrements.

Les sacrements du baptême, de l’eucharistie et de la confirmation font rayonner de joie ceux et celles qui deviennent chrétiens en prison. « La prison, un mal pour un bien », disent certains détenus. Ce qui fait penser à l’expérience de saint Augustin qui s’exclamait en pensant au péché des origines de l’humanité: « Heureuse faute qui nous valut un tel Sauveur ! ». Il enseignait aussi avec saint Paul que « tout concourt au bien de ceux qui cherchent Dieu » (Rm 8,28), « même le péché ». Oui, le péché peut devenir un tremplin pour se jeter dans les bras de Jésus, Sauveur.

Grâces pour ceux qui annoncent Jésus.

Il s’agit d’une loi de la vie humaine et chrétienne : « c’est en donnant que l’on reçoit ; c’est en enseignant que l’on apprend ; c’est en annonçant l’Évangile, que prêtres, religieux et laïcs, grandissent dans leur foi en recevant la grâce de l’intelligence de la foi et en contemplant les merveilles que Dieu accomplit dans les cœurs des détenus.

Les prisonniers sont plus grands que leurs fautes. Porteurs de richesses humaines et capables de recevoir Dieu dans leur âme, ils annoncent le Salut de Dieu. Ils peuvent manifester foi et humilité dans l’échec et la honte, loin des esprits pharisiens contents d’eux-mêmes, voire méprisants envers les faibles et les pêcheurs (cf Lc 18, 9s).

Grâce et défi pour la prédication du mystère pascal.

Est-il possible d’annoncer la joie pascale à ceux qui gisent dans les privations de liberté et des plaisirs habituels de l’existence humaine ? Est-il honnête et sérieux de prêcher le bonheur de croire, de prier et d’aimer Dieu à des détenus qui vont rester enfermés pendant de longues années tandis que les équipes de la pastorale catholique quittent sans encombre les murs de la prison pour retrouver le paysage des montagnes, le vent et le soleil ?  

La prédication de la résurrection de Jésus appelle à la conversion non seulement les condamnés et les pécheurs publics mais aussi et avant eux les prédicateurs eux-mêmes.

Ces prédicateurs reçoivent alors la grâce de la prédication multipliée par la rencontre avec les détenus, témoins de la miséricorde de Dieu et dont le visage peut annoncer la lumière du Ressuscité.

La grâce de l’intelligence du mystère pascal fait partie de grands cadeaux offerts par les détenus aux catéchistes qui se sont rendus en prison à leur service.

Ce passage des ténèbres de la mort à la lumière de la Gloire, ce passage de l’échec honteux au sourire de joie surnaturelle va accroître la puissance de la prédication des témoins du Christ Jésus.

La prison apparaît alors comme le creuset où se forgent les cœurs brûlants des prédicateurs, portés et poussés en avant dans leur foi, par le témoignage et la prière des détenus.

Saint-Denis/ La Réunion, le 9 octobre 2021.

 

 

 

 

 




Inauguration des Fêtes de Ste Thérèse à Lisieux (24 sept. au 3 oct. 2021).

Si vous désirez agrandir l’une ou l’autre photo, il suffit de cliquer sur elle…

Dimanche 26 septembre, messe d’inauguration des fêtes de Ste Thérèse de L’Enfant Jésus et de la Sainte Face, célébrée solennellement le 1° octobre, messe présidée par Mgr Jacques HABERT, nouvel évêque de Bayeux-Lisieux depuis le 10 janvier 2021…

 

 




« Histoire d’une Âme » de Ste Thérèse de Lisieux (Noéline Fournier)

Aujourd’hui, 1er Octobre, nous fêtons Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

Connaissons-nous vraiment qui est Thérèse ?

Avons-nous lu « Histoire d’une âme » ?

Si vous ne l’avez pas fait, dépêchez-vous, parce que Thérèse vous attend pour marcher avec elle sur le chemin de la Confiance et de l’Amour de Dieu en toute humilité. Et, si vous n’y arrivez pas, n’ayez crainte, c’est elle qui vous guidera.

Ensemble, essayons de la comprendre, pour mieux l’aimer et la prier, et ainsi, avec sa grâce, apprendre à aimer Dieu avec l’aide de sa « petite voie ».


Elle a vécu de 1873 à 1897. Elle est entrée au Carmel de Lisieux à l’âge de 15 ans. Elle est Docteur de l’Eglise depuis 1997, Patronne des Missions.

Il est rare qu’aux yeux du monde la mort soit un commencement. Ce fut le cas pour Thérèse de Lisieux, morte inconnue en 1897, mondialement célèbre et vénérée.

 

 

Que s’est-il passé pendant toutes ces années ?

 

Thérèse n’a pas surgi de l’obscurité par un coup de baguette magique. Beaucoup d’évènements se sont succédé tout au long du XXè siècle qui ont d’abord fait connaître, ensuite mené à la célébrité mondiale, le visage et le message de la Sainte Normande.

S’appuyant au départ sur un travail réalisé pour France 3 Normandie, les auteurs, journalistes et documentalistes, ont mené l’enquête dans l’esprit de leur profession, utilisant témoignages, archives publiques et privés, interviews de spécialistes. Ils garantissent que rien, dans la multitude des faits qu’ils rapportent, ne ressort de la fiction.

Thérèse MARTIN, naît le 2 janvier 1873 à Alençon de parents très pieux, dont les cinq filles vivantes sont religieuses.

 

Orientée, dès son enfance, vers la réflexion et la contemplation. Elle entre au carmel de Lisieux, par dérogation spéciale, à 15 ans. Sur l’ordre de sa Supérieure, elle écrit son expérience spirituelle. Elle meurt de tuberculose à Lisieux le 30 septembre 1897. Trois de ses sœurs sont, elles aussi, moniales au Carmel de Lisieux.

 

Pauline MARTIN (Mère Agnès de Jésus), 1861-1951. C’est elle qui, lorsqu’elle était prieure, a ordonné à sa cadette de rédiger ses souvenirs d’enfance.

 

 

 

 

 

 

 

Céline MARTIN (Sœur Geneviève de la Sainte Face), 1869-1959. C’est l’artiste de la famille, elle dessine, peint et photographie.

 

 

 

 

 

 

 

Marie MARTIN (Sœur Marie du sacré-Cœur), 1860-1940, aînée de la famille et marraine de Thérèse.

 

 

 

 

 

 

 

 

Léonie MARTIN (Sœur Françoise-Thérèse), 1863-1941, est, elle, Religieuse à la Visitation de Caen.

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis MARTIN (le Père), 1823-1894 et Azélie GUÉRIN (la Mère), 1831-1877, sont tous deux morts lorsque commence ce récit. Béatifiés le 19 octobre 2008 à Lisieux et canonisés à Rome le 18 octobre 2015 par le Pape François.

 

 

 

 

 

 

 

Isidore GUÉRIN (1841-1909), pharmacien, frère d’Azélie, oncle des sœurs MARTIN qui se sont installées auprès de lui à Lisieux après la mort de leur mère. Notable de Lisieux, militant Catholique.

 

 

 

 

 

Le Révérend Père Godefroi MADELAINE (1842-1932), prieur du Monastère des prémontrés de Mondaye (CALVADOS). A prêché des retraites à Lisieux et a appuyé le projet du carmel de faire connaître les écrits de Thérèse. Il participe au travail de mère Agnès sur les manuscrits.

 

 

 

Monseigneur Flavien HUGONIN (1823-1898), Évêque de Bayeux et Lisieux. Première autorité Ecclésiastique à autoriser la publication de l’Histoire d’une âme. Il meurt quelques mois après Thérèse.

 

 

 

Qu’est-ce que le Carmel ?

 

Au XIIIè siècle, des ermites retirés sur le Mont Carmel, massif boisé dominant l’actuelle Haïfa, et vivant selon l’esprit du Prophète Elie et dans la contemplation de la Vierge Marie, se constituent en Communauté selon une règle donnée par le Patriarche de Jérusalem.

 

 

 

Trois cents ans plus tard, en Espagne, Sainte Thérèse d’Avila et Saint Jean de la Croix réforment l’Ordre du Carmel et donnent naissance à une branche nouvelle : les Carmes déchaux (c’est-à-dire « déchaussés », cela pour marquer le retour à la rigueur monastique). Les premiers Carmes et Carmélites réformés apparaissent en France au début du XVIIè siècle.

Le Carmel de Lisieux est fondé en 1838.

La règle des Carmels, assouplie depuis, reste stricte. Les Religieuses respectent toujours, pour l’essentiel, la clôture. Leur journée s’articule autour de la prière silencieuse et personnelle, liturgique en communauté pour la messe et les offices – et le travail en cellule pour assurer le gagne-pain du Monastère. La journée est vécue dans le silence et la solitude – le « désert » -, s’appuyant sur une Vie Communautaire Fraternelle.

 

« Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre »

 

Le jeudi 30 septembre 1897.

Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, 24 ans, carmélite, entre en agonie.

Elle est malade depuis plusieurs mois : fièvre, toux, douleurs dans la poitrine etc…

S’affaiblissant de semaine en semaine, elle ne quitte plus l’infirmerie et chacun sait, en ce jeudi, que la fin est imminente. Veillée par la Communauté, Thérèse meurt à 19h20.

Dans la Chapelle du Monastère, Léonie MARTIN et son oncle maternel, Isidore GUÉRIN, prient pour la mourante. Depuis la clôture, les Carmélites leur font porter un billet :

« Notre ange est au Ciel. Elle a rendu le dernier soupiren pressant son crucifix sur son cœur et disant : « Oh, je vous aime ! » Elle venait de lever les yeux au Ciel. Que voyait-elle !!! »

Léonie, Isidore et sa femme, après une dernière prière, rentrent chez eux. Les parapluies dont ils s’étaient munis, tellement le temps avait été exécrable tout au long de la journée, ne sont plus nécessaires. Le ciel est devenu serein. Plus de nuages. Se souviennent-ils que Thérèse avait dit à plusieurs reprises qu’il ferait beau le jour de sa mort ?

A la mort de la jeune Carmélite, sa parenté proche est composée de ses quatre sœurs : Trois sont au Carmel de Lisieux : Pauline (Mère Agnès de Jésus), Marie (Sœur Marie du Sacré-Cœur) et Céline (Sœur Geneviève).

L’autre, Léonie, est « dans le monde » après deux tentatives à la Visitation de Caen. Elle seule accompagnera Thérèse au cimetière. Après la mort de leur mère, Zélie GUÉRIN, en 1877 (Thérèse a 4 ans), les orphelines sont venues avec leur père, Louis MARTIN – qui mourra en 1894 -, s’installer à Lisieux près de leur oncle maternel, Isidore GUÉRIN, qui a lui-même deux filles… dont une sera, aussi, Carmélite.

Thérèse a le goût de l’écriture. La jeune carmélite écrit des poèmes, des pièces de théâtre, des réflexions spirituelles. Elle écrit comme sa sœur Céline peint…

Un soir de l’hiver 1894, Sœur Marie du Sacré-Cœur dit à sa sœur Pauline, alors prieure, en parlant de Thérèse : « Est-il possible que vous lui laissiez faire de petites poésies pour faire plaisir aux uns et aux autres et qu’elle ne nous écrive rien de ses souvenirs d’enfance ?

Vous verrez, c’est un ange qui ne restera pas longtemps sur terre et nous aurons perdu tous ces détails si intéressants pour nous… »

La prieure hésite quelques jours, puis ordonne à Thérèse de rédiger ses souvenirs d’enfance.

Thérèse écrit les souvenirs de sa vie passée en les éclairant par la Bible et, surtout, les progrès spirituels qu’elle a accomplis depuis son entrée au Carmel et de sa grande « découverte » : la « petite voie d’amour ».

Deux ans passent. A l’été 1897, Thérèse contracte ce qui sera sa dernière maladie. Elle révèle à sa sœur pauline qu’elle crache du sang.

Effondrée, Pauline va trouver Mère Marie de Gonzague, qui l’a remplacée en tant que Prieure, et lui révèle l’existence du petit cahier. « J’ai relu cela il y a quelques jours, dit-elle, c’est gentil, mais vous ne pourrez pas en tirer grand-chose pour faire sa circulaire après sa mort car il n’y a presque rien sur sa vie de religieuse. Si vous le lui commandiez, elle pourrait écrire quelque chose de plus sérieux. »

Dès le lendemain, on fournit à Thérèse un autre petit cahier. Pendant les quatre mois qui précèdent sa mort, elle va, malgré sa souffrance et son épuisement, écrire ce que l’on peut appeler son itinéraire spirituel. Comme on lui dit un jour que son texte ira peut-être jusqu’au Saint-Père, Thérèse, qui ne dédaigne pas les jeux de mots, répond : Et nunc et semper » (maintenant et toujours).

Dès le 29 octobre 1897Thérèse est morte depuis moins d’un mois -, Mère Marie de Gonzague expédie une lettre au père MADELAINE :

« Les derniers évènements arrivés chez nous (il s’agit du décès de Thérèse) me laissent presque muette. Je ne sais pas trop où je suis et où je vais. La mort de notre ange me laisse un vide… Par obéissance elle m’a laissé des pages délicieuses que je suis entrain de relever avec mère Agnès et je crois que nous pourrions les faire connaître. Ceci est un secret pour vous… Vous voudrez bien nous le corriger… ou le faire corriger.

Personne ne le sait, même dans la Communauté. Il n’y a que le Supérieur (le curé de Saint-Jacques à Lisieux) qui m’a permis (de vous écrire). »

Le prémontré étudie le manuscrit pendant trois mois, en assure la cohérence, procède à quelques corrections de forme.

Le 8 avril 1898, il écrit à Mère Marie de Gonzague : « La première lecture de l’Histoire d’une âme (le titre avait été trouvé par Pauline) me charma, la seconde me laisse dans un ravissement inexprimable. Il y a dans ce livre des pages si vivantes, si chaudes, si suggestives qu’il est impossible de ne pas en être saisi. On trouve une théologie que les plus beaux livres spirituels n’atteignent que rarement à un degré aussi élevé…

Le 11 janvier 1898, le Père Norbert, prémontré de Mondaye, à qui le Père MADELAINE a fait lire le texte, écrit à Mère Marie de Gonzague que les phrases de Thérèse on fait « un bien immense à mon âme  : Paix, amour du Christ. Je suis persuadé que ces récits produiront les mêmes effets sur tous ceux qui les liront… » Il ajoute : « Ces écrits me prépareront à bien mourir. »

Le 30 juin 1898, un religieux de 80 ans, le Père Louis, fait part de son enthousiasme :

« Pendant trois jours, j’ai vécu avec un ange ! Que Dieu est admirable ! Quelle nouvelle invention de sainteté, j’ose dire, inconnue jusqu’à ce jour !

Quelle révélation est faite au monde ! C’est bien un genre de sainteté suscité par l’Esprit Saint pour l’heure présente où tant d’âmes, mêmes chrétiennes, ne voient dans les sacrifices du cloître que les horreurs de la Croix. »

Le 30 septembre 1898, un an, jour pour jour, après la mort de Thérèse, un peu plus de quarante années après la dernière Apparition de Marie à Lourdes, paraît « Histoire d’une âme ».

« Après ma mort, avait dit Thérèse, vous irez du côté de la boîte aux lettres et vous y trouverez des consolations. »

Effectivement, le flot quotidien du courrier s’établit à 50 dans les premiers mois, pour atteindre 500 un peu plus tard. Chaque lettre reçoit une réponse ; c’est un principe établi que les Carmélites observent encore et auquel elles n’ont jamais manqué. Céline ne cesse de peindre et de retoucher ses photos. Plus de 100 000 images sont expédiées chaque année (183 348 exactement en 1909 !).

« Quelle affaire, mon Dieu, sur nos vieux jours ! S’écriera Mère Agnès. Jamais je n’aurai pu soupçonner seulement la centième partie de cet embrasement universel quand j’ai lancé, timidement, la première édition en 1898. » A cette avalanche les religieuses font face.

 

VIVRE D’AMOUR

Vivre d’amour, c’est te garder Toi-Même

Verbe incréé Parole de mon Dieu,

Ah ! Tu le sais, Divin Jésus, je t’aime

L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu

C’est en t’aimant que j’attire le Père

Mon faible cœur le garde sans retour.

O Trinité ! Vous êtes Prisonnière

De mon Amour… !

Mourir d’Amour, voilà mon Espérance

Quand je verrai se briser mes liens

Mon Dieu sera ma Grande Récompense

Je ne veux point posséder d’autres biens.

De son Amour je veux être embrasée

Je veux Le voir, m’unir à Lui toujours

Voilà mon Ciel… voilà ma destinée :

Vivre d’Amour !!..

(Poème de Thérèse)

« Thérèse de Lisieux ou La saga d’une Petite Sœur » par Bernard GOULEY, Rémi MAUGER, Emmanuelle CHEVALIER (Ed. Fayard 1897-1997).

 

Noéline Fournier




Ste Thérèse de Lisieux : la petite voie de l’amour…

Thérèse Martin entre au Carmel de Lisieux le 9 avril 1888. Neuf ans plus tard, rongée par la tuberculose, elle « entre dans la vie », le 30 septembre 1897 à l’âge de 24 ans. Deux ans auparavant, en janvier 1895, sur l’ordre de sa sœur Pauline, carmélite elle aussi depuis 1886, Ste Thérèse a commencé à écrire sur un petit cahier ce qui deviendra plus tard « Histoire d’une Ame », l’histoire de son âme. Elle écrira aussi des lettres, des poèmes…

Mais avant d’écrire, Ste Thérèse a beaucoup lu. Et son livre de référence était la Bible, et surtout le Nouveau Testament avec les quatre Evangiles. « C’est par‑dessus tout l’Evangile qui m’entretient pendant mes oraisons », écrit-elle. « En lui je trouve tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux »[i]

Un jour, elle découvre que Ste Cécile, honorée à Rome dès le 5°s comme vierge et martyre, portait toujours l’Evangile sur son cœur. Pourquoi n’en ferait-elle pas autant ? Aussitôt, elle demande à sa sœur Céline, qui la rejoindra plus tard au Carmel en 1894, de lui faire relier les quatre Evangiles. Mais comme cette première « édition » se révèle encore trop grande, elle en fera une autre, plus petite (115mmx75). Désormais, l’Evangile reposera sur son cœur. A la fin de sa vie, elle écrira au Père Roulland : « L’image que vous m’avez donnée repose toujours sur mon cœur dans le Livre des Evangiles qui ne me quitte jamais »[ii]. Personne au Carmel de Lisieux n’avait eu cette idée avant elle. Mais beaucoup l’imiteront par la suite…

Cette intuition de Ste Thérèse de Lisieux rejoint tout à fait l’invitation que le Concile Vatican II a lancé à toute l’Eglise. En 2012, nous fêterons le 150° anniversaire de son lancement, le 11 Octobre 1962, par le Pape Jean XXIII. Son successeur Paul VI le conclura trois ans plus tard, le 8 décembre 1965. Et à la fin de la Constitution dogmatique « Dei Verbum », « la Parole de Dieu », on peut lire : « Il appartient aux saints évêques  » chez qui se trouve la doctrine apostolique  » de former opportunément les fidèles qui leur sont confiés à un usage judicieux des Livres divins, surtout du Nouveau Testament, et en tout premier lieu, des Evangiles, au moyen de versions des textes sacrés, qui soient munies d’explications nécessaires et vraiment suffisantes, pour que les fils de l’Eglise fréquentent les Ecritures en toute sécurité et de manière profitable, et se pénètrent de leur esprit » (DV & 25).

Ste Thérèse de Lisieux nous offre un magnifique exemple de cette lecture assidue et attentive « du Nouveau Testament, et en tout premier lieu, des Evangiles ». Or la Parole de Dieu ne fait que nous révéler ce que Dieu veut faire au cœur de chacun d’entre nous : nous communiquer sa propre Vie pour que nous soyons en communion avec lui. Dei Verbum commence ainsi : « Quand il écoute religieusement et proclame hardiment la Parole de Dieu, le saint Concile obéit aux paroles de saint Jean :  » Nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue : ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous soyez vous aussi en communion avec nous, et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus‑Christ  » (1 Jn 1, 2-3).

Or le Christ déclare en Jn 3,34 : « Celui que Dieu a envoyé », et c’est lui, Jésus Christ, « proclame les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure ». Autrement dit, l’Esprit Saint se joint toujours à la Parole de Dieu. Ouvrir son cœur à la Parole c’est ouvrir son cœur à l’Esprit Saint, qui, par sa simple Présence, vient la dire au plus profond de nous-mêmes. Il accomplit alors en nous, très concrètement, ce que la Parole nous dit… Or, le premier fruit de l’Esprit est de nous communiquer la Vie de Dieu : « C’est l’Esprit qui vivifie », nous dit Jésus. « Les Paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles son Vie » (Jn 6,63). Autrement dit, accueillir la Parole de Dieu, c’est accueillir avec elle l’Esprit, « l’Esprit qui vivifie », l’Esprit qui donne la Vie. St Pierre l’avait bien reconnu lorsqu’il dit à Jésus : « Tu as les Paroles de la Vie éternelle » (Jn 6,68). En écoutant Jésus, il vivait quelque chose d’unique, quelque chose qu’il n’avait jamais vécu auparavant avec personne d’autre… Et ce « quelque chose » était de l’ordre de la vie, d’une Plénitude de Vie, la Vie même de Dieu… « Je suis venu pour qu’on ait la Vie et qu’on l’ait en abondance », nous dit Jésus (Jn 10,10). Et ce désir de Dieu se réalise dès que nous accueillons le Don de l’Esprit : « Si quelqu’un a soif », disait-il encore, soif de Plénitude et de Vie, « qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi. Selon le mot de l’Ecriture : « De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7,37-39)… « Recevez l’Esprit Saint », dira-t-il, ressuscité, à ses disciples (Jn 20,22)…

« Celui que Dieu a envoyé », Jésus Christ, « proclame les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34), « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Ce bon parfum de la Vie, qui est tout en même temps Plénitude, Paix et Joie profonde, voilà ce que Ste Thérèse de Lisieux expérimentait lorsqu’elle ouvrait son petit livre des Evangiles… Et là était tout son Bonheur… Et lorsqu’elle évoque ce Bonheur en termes de Lumière et de « parfum de la vie », notons toutes les allusions et citations qu’elle fait des Evangiles, et notamment de l’Evangile selon St Luc. Elles prouvent à quel point elle se nourrissait de la Parole de Dieu et de l’Esprit qui se joint toujours à elle… Puissions-nous aujourd’hui, nous aussi, faire de même…

« Puisque Jésus est remonté au Ciel (Lc 24,50-51 ; Mc 16,19) », écrit-elle, « je ne puis le suivre qu’aux traces qu’Il a laissées, mais que ces traces sont lumineuses, qu’elles sont embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le Saint Evangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir… Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance (Lc 14,7-11) ; au lieu de m’avancer avec le pharisien, je répète, remplie de confiance, l’humble prière du publicain (Lc 18,9‑14) ; mais surtout j’imite la conduite de Madeleine, son étonnante ou plutôt son amoureuse audace qui charme le Cœur de Jésus (Lc 7,36-50), séduit le mien. Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui (Lc 15,11-32) »[iii].

Jésus, au cœur de son cœur…

Dès sa plus tendre enfance, Ste Thérèse avait ouvert son cœur à Dieu. Elle le priait, elle le cherchait, elle voulait lui faire plaisir en accomplissant le mieux possible sa volonté. Bref, elle vivait avec Lui un cœur à cœur où « elle pressentait » le bonheur et la plénitude de Vie que Dieu désire offrir à tous les hommes : « Toutes les grandes vérités de la religion, les mystères de l’éternité, plongeaient mon âme dans un bonheur qui n’était pas de la terre… Je pressentais déjà ce que Dieu réserve à ceux qui l’aiment (non pas avec l’œil de l’homme mais avec celui du cœur) » (cf. 1Co 2)…

« Je comprends et je sais par expérience « Que le royaume de Dieu est au-dedans de nous » (Lc 17,21). Jésus n’a point besoin de livres ni de docteurs pour instruire les âmes ; Lui, le Docteur des docteurs, il enseigne sans bruit de paroles… Jamais je ne l’ai entendu parler, mais je sens qu’Il est en moi, à chaque instant, Il me guide et m’inspire ce que je dois dire ou faire. Je découvre juste au moment où j’en ai besoin des lumières que je n’avais pas encore vues, ce n’est pas le plus souvent pendant mes oraisons qu’elles sont le plus abondantes, c’est plutôt au milieu des occupations de ma journée »…

La vie de Thérèse, à la lumière de la Parole de Dieu…

Ste Thérèse avait bien du mal à trouver les mots justes pour exprimer ce qu’elle pressentait en son cœur. A sa sœur aînée Marie, devenue au Carmel Sr Marie du Sacré Cœur, elle écrit en 1896 : « O ma Sœur chérie ! vous voudriez entendre les secrets que Jésus confie à votre petite fille, ces secrets Il vous les confie… Je vais essayer de balbutier quelques mots, bien que je sente qu’il est impossible à la parole humaine de redire des choses que le cœur humain peut à peine pressentir »… Oui, « je sens mon impuissance à redire avec des paroles terrestres les secrets du Ciel et puis, après avoir tracé des pages et des pages, je trouverais n’avoir pas encore commencé »…

Et ailleurs, elle écrit : « La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ».

Alors, comment faire pour exprimer ce qui échappe au pouvoir des mots ? La Parole de Dieu va venir à son secours car cette Parole correspond parfaitement à ce que Dieu fait dans sa vie. En lisant certaines phrases, elle ne peut que dire : « Oui ! C’est çà ! » Aussi va-t-elle puiser abondamment dans les Livres Saints pour exprimer ce qu’elle vivait : Ah ! Si je pouvais exprimer ce que je comprends… « mais hélas ! je n’ai que des bégaiements enfantins à vous faire entendre… Si les paroles mêmes de Jésus ne me servaient pas d’appui, je serais tentée de vous demander grâce et de laisser la plume… Mais non, il faut que je continue par obéissance ce que j’ai commencé par obéissance »[iv]

« A moi Il a donné sa Miséricorde infinie »…

Dans l’Evangile selon St Jean, on peut lire (3,16-17) :

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique,

afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.

(17) Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde,

mais pour que le monde soit sauvé par Lui ».

Et de fait Jésus dira (Jn 10,10) :

« Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance »…

Ste Thérèse va chanter cette Vie qu’elle sait recevoir gratuitement de la Miséricorde de Dieu, et elle la chantera comme des centaines d’années avant elle le psalmiste lui aussi la chantait :

O ma Mère chérie ! après tant de grâces ne puis-je pas chanter avec le psalmiste : « Que le Seigneur est BON, que sa MISÉRICORDE est éternelle. »[v] Il me semble que si toutes les créatures avaient les mêmes grâces que moi, le Bon Dieu ne serait craint de personne, mais aimé jusqu’à la folie, et que par amour, et non pas en tremblant, jamais aucune âme ne consentirait à Lui faire de la peine… A moi Il a donné sa Miséricorde infinie c’est à travers elle que je contemple et adore les autres perfections Divines!… Alors toutes m’apparaissent rayonnantes d’amour, la Justice même (et peut-être encore plus que toute autre) me semble revêtue d’amour… Quelle douce joie de penser que le Bon Dieu est juste, c’est-à-dire qu’Il tient compte de nos faiblesses, qu’Il connaît parfaitement la fragilité de notre nature. De quoi donc aurais-je peur ? Ah ! le Dieu infiniment juste qui daigna pardonner avec tant de bonté toutes les fautes de l’enfant prodigue (Lc 15,11-32), ne doit-Il pas être juste aussi envers moi qui « suis toujours avec Lui » ? »

Ste Thérèse a donc découvert combien « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), un Amour qui ne désire qu’une chose : se donner pour combler ses créatures et les conduire ainsi à la Plénitude du bonheur et de la Vie. Oui, elle en est sûre, « Il ne désire que notre bonheur »[vi]. Alors, « votre Amour méprisé va-t-il rester en votre cœur ? » N’y aura-t-il personne pour l’accueillir ? Pourtant, « il me semble que vous seriez heureux de ne point comprimer les flots d’infinies tendresses qui sont en vous »…

« Ma Mère chérie, vous qui m’avez permis de m’offrir ainsi au Bon Dieu, vous savez les fleuves ou plutôt les océans de grâces qui sont venus inonder mon âme… Ah ! depuis cet heureux jour, il me semble que l’Amour me pénètre et m’environne, il me semble qu’à chaque instant cet Amour Miséricordieux me renouvelle, purifie mon âme et n’y laisse aucune trace de péché »[vii]

Toute sa vie Ste Thérèse ne cessera de s’appuyer sur cet Amour absolument inébranlable de Dieu. Rien ne peut l’empêcher de nous aimer. Forte de cette certitude, elle ne se découragera jamais de ses faiblesses, de ses imperfections. Bien au contraire, elle les offrira à Celui qui est venu appeler non pas les justes mais les pécheurs (Mt 9,10‑12), et elle laissera le Dieu Sauveur la réconcilier et l’unir à Lui dans sa Miséricorde infinie…

« Oui je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui (Lc 15,20-24) »[viii].

« O Jésus ! laisse-moi dans l’excès de ma reconnaissance, laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie… Comment veux-tu devant cette Folie, que mon cœur ne s’élance pas vers toi ? Comment ma confiance aurait-elle des bornes ? »…

« O Jésus ! je sens que si par impossible tu trouvais une âme plus faible, plus petite que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes encore, si elle s’abandonnait avec une entière confiance à ta miséricorde infinie. Mais pourquoi désirer communiquer tes secrets d’amour, ô Jésus, n’est-ce pas toi seul qui me les a enseignés et ne peux-tu pas les révéler à d’autres ?… Oui, je le sais, et je te conjure de le faire »…

Mais ce Dieu qui nous aime a soif de notre amour : « Voilà tout ce que Jésus réclame de nous ; il n’a pas besoin de nos œuvres, mais seulement de notre amour »… Lorsque Jésus demandait un peu d’eau à la Samaritaine, « il avait soif… Mais en disant : « Donne moi à boire » (Jn 4,6-13), c’était l’amour de sa pauvre créature que le Créateur de l’univers réclamait. Il avait soif d’amour… Ah ! je le sens plus que jamais Jésus est altéré », mais hélas ! il trouve peu de cœurs qui se livrent à lui sans réserve, qui comprennent toute la tendresse de son Amour infini »[ix].

La petite voie

« Se livrer à Jésus sans réserve ». Voilà le secret de Ste Thérèse. Elle reprend d’ailleurs cette attitude de cœur dans ce qu’il est coutume d’appeler « la petite voie », mais elle l’exprime cette fois-ci en fixant son regard sur Dieu le Père  :

« Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père » (cf. Ps 127(126),2)[x]

Tout repose donc sur cette certitude que Dieu est Père, un Père dont « la tendresse de son Amour infini » peut être comparée à une vraie « fournaise »…

Après avoir donné le principe de sa petite voie, Ste Thérèse va abondamment citer la Parole de Dieu pour asseoir en elle le fondement de notre confiance :

« « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi » (Pr 9,4) a dit l’Esprit Saint par la bouche de Salomon et ce même Esprit d’Amour a dit encore que « La miséricorde est accordée aux petits. » (Sg 6,7). En son nom, le prophète Isaïe nous révèle qu’au dernier jour « Le Seigneur conduira son troupeau dans les pâturages, qu’il rassemblera les petits agneaux et les pressera sur son sein » (Is 40,11), et comme si toutes ces promesses ne suffisaient pas, le même prophète dont le regard inspiré plongeait déjà dans les profondeurs éternelles, s’écrie au nom du Seigneur : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous caresserai sur mes genoux » (Is 66,12-13). O Marraine chérie ! après un pareil langage, il n’y a plus qu’à se taire, à pleurer de reconnaissance et d’amour… Ah! si toutes les âmes faibles et imparfaites sentaient ce que sent la plus petite de toutes les âmes, l’âme de votre petite Thérèse, pas une seule ne désespérerait d’arriver au sommet de la montagne de l’Amour, puisque Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la reconnaissance»[xi].

Elle ne recommandera pas autre chose à l’Abbé Bellière dans une de ses lettres : « Quand je serai au port, je vous enseignerai, cher petit Frère de mon âme, comment vous devez naviguer sur la mer orageuse du monde : avec l’abandon et l’amour d’un enfant qui sait que son Père le chérit et ne saurait le laisser seul à l’heure du danger… la voie de la confiance simple et amoureuse est bien faite pour vous »[xii].

Et les tout derniers mots de son œuvre maîtresse, « Histoire d’une Ame » sont : « je m’élève à Lui par la confiance et l’amour »[xiii].

L’ascenseur pour s’élever jusqu’à Jésus

« Se livrer à Jésus sans réserve », tout lui donner, le bien comme le mal, s’abandonner totalement entre ses mains, se laisser aimer, se laisser prendre, telle est à nouveau l’attitude de cœur que Ste Thérèse exprime avec une image qui correspond à notre monde moderne, celle de l’ascenseur…

Ste Thérèse a le désir d’être sainte… Mais lorsqu’elle se compare aux Saints dont on raconte la vie et les actions héroïques, elle se sent incapable de les imiter. Et pourtant, elle aussi, elle veut aller au ciel…« Au lieu de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections, mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier », les ascenseurs les remplacent avantageusement. « Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection ».

Pour trouver cet ascenseur, elle va aussitôt se mettre à chercher dans la Parole de Dieu : « Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir, et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse éternelle : « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi » (Pr 9,4). Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu ! ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! » (Is 66,12-13). Ah ! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme. L’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus »[xiv].

Demandons à Ste Thérèse de marcher à sa suite et de nous abandonner nous aussi de tout cœur entre les mains de Jésus… Offrons au Seigneur toute notre vie, le bien comme le mal. A l’exemple de St Paul, laissons-nous « saisir » (Ph 3,12) par le Christ et il réalisera ce qui est impossible à nos seules forces humaines (Mt 19,25-26) : « Lorsque je serai allé, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi afin que là où Je Suis, vous aussi vous soyez »… Alors, pour nous tous, ce sera : « Rendez-vous au ciel ! ».

                                                                                                                     D. Jacques Fournier

Notes

[i] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame (Editions du Cerf 1995) p. 176.

[ii] GAUCHER Guy, dans l’introduction à La Bible avec Ste Thérèse de Lisieux (Editions du Cerf et Desclée de Brouwer, 1997) p. 20-21.

[iii] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 257.

[iv] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 230.

[v] Psaume 118 (117),1.

[vi] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 114 et p. 178, elle écrit : « Je sais que Jésus ne peut désirer pour nous de souffrances inutiles ».

[vii] Id p. 177.

[viii] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 257.

[ix] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 187.

[x] Id p. 186.

[xi] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 186.

[xii] Id p. 265.

[xiii] Id p. 257.

[xiv] Ste THÉRÈSE, Histoire d’une Ame p. 206.

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Ste Thérèse de Lisieux, le Pape François et la Vierge Marie

                                                                                       (Noéline Fournier)

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Le père Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+1897) par Fr. Manuel Rivero O.P

Le père Marie-Joseph Lagrange (+1938) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (+1897)

Fr. Manuel Rivero O.P., président de l’association des amis du père Lagrange

Dans son Journal spirituel1, le père Lagrange cite à deux reprises sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. La première fois, le 30 septembre 1924, alors que Thérèse vient d’être béatifiée par le pape Pie XI l’année précédente, pour lui confier une intention de prière : « Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus, je vous recommande instamment cette bonne Madame Cauvin… Vous voulez passer votre ciel à faire du bien : assistez cette pauvre femme, si abandonnée… ».
L’année suivante, le 16 octobre 1925, Thérèse a été canonisée peu avant par le même pape Pie XI, le père Lagrange écrit : « Lu la vie de sainte Thérèse de Lisieux par elle-même. Première impression étrange. Elle parle tant d’elle, de ses goûts, des signes qu’elle a demandés et obtenus, de sa sainteté… avec tant de fleurettes, de jouets. On se sent si loin de saint Augustin ou de sainte Thérèse d’Avila… Mais le sens de tout cela est ama et fac quod vis. Dans l’immense clarté d’amour divin où elle vivait, elle se voyait si peu de chose qu’elle pouvait parler d’elle sans le moindre amour-propre. Admirable leçon qu’elle donne plus que tout autre saint, avec un abandon d’enfant gâtée… ».
Il faudrait évoquer aussi les commentaires du frère dominicain Ceslas Lavergne à la synopse des quatre évangiles qui date de 1927, dont la traduction du grec relève du père Lagrange. Les trois premiers évangiles, Matthieu, Marc et Luc, sont appelés synoptiques car leurs ressemblances facilitent leur présentation en colonnes parallèles qu’il est possible de regarder « d’un coup d’oeil », ensemble. Le père Lagrange avait composé une synopse en langue grecque2 des trois évangiles synoptiques plus celui de saint Jean. Son disciple et ami, le père C. Lavergne3 a publié la traduction française de la synopse grecque des quatre évangiles du père Lagrange en reprenant les traductions et certains commentaires des quatre évangiles du fondateur de l’École biblique de Jérusalem.

La synopse du père Lagrange a été la première à placer saint Luc suivi de saint Marc et de saint Matthieu, en raison de la valeur historique de saint Luc et de sa juste chronologie.
Dans l’avertissement qui ouvre son ouvrage, le père C. Lavergne explique la méthode utilisée : « Enfin, mon cher maître, m’ayant encouragé à appuyer discrètement sur la note de piété, j’ai eu recours à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Dans un temps où l’Évangile n’occupe pas la place qui lui est due dans les lectures et les méditations des chrétiens, n’est-il pas admirable que cette chère petite sainte, qui paraît si uniquement envahie du pur amour de Dieu, se soit si visiblement complue à cette divine lecture. C’est elle-même qui nous l’a dit : ‘ Puisque Jésus est remonté au ciel, je ne puis le suivre qu’aux traces qu’il a laissées. Ah ! Que ces traces sont lumineuses ! Qu’elles sont divinement embaumées ! Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile : aussitôt je respire le parfum de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir4’ . ‘Et elle ajoutait : ‘C’est par-dessus tout l’Évangile qui m’entretient pendant mes oraisons ; là je puise tout ce qui est nécessaire à ma pauvre petite âme. J’y découvre toujours de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux’.5 »
C’est ainsi que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui ne disposait pas d’une synopse évangélique copiait dans sa cellule du carmel de Lisieux les passages concordants des évangiles et de la Bible remarquant les ressemblances et les divergences des traductions. Elle aurait aimé pouvoir étudier le grec et l’hébreu pour lire les Écritures dans leur langue originale.


Au terme et sommet de sa vie, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait écrit : « Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit ».
Qu’il est beau de retrouver la même expérience mystique fondée sur la révélation évangélique chez le père Lagrange, bibliste, et chez la carmélite, docteur de l’Église.
Le père Ceslas Lavergne enrichit la présentation de l’Ascension de Jésus au Ciel en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « C’est toi, qui remontant vers l’inaccessible lumière, restes caché dans notre vallée de larmes sousl’apparence d’une blanche hostie, et cela pour me nourrir de ta propre substance, Ô Jésus ! laisse-moi te dire que ton amour va jusqu’à la folie … ». Le cardinal Joseph Ratzinger, le 21 septembre 1993, dans le document issu de la Commission biblique pontificale sur l’Interprétation de la Bible dans l’Église, avant de devenir pape en 2005, a mis en valeur l’apport des exégètes à l’interprétation de la Bible. Il a cité le père Lagrange : « Bien que leurs travaux n’aient pas toujours obtenu les encouragements qu’on leur donne maintenant, les exégètes qui mettent leur savoir au service de l’Église se trouvent situés dans une riche tradition, qui s’étend depuis les premiers siècles, avec Origène et Jérôme, jusqu’aux temps plus récents, avec le Père Lagrange et d’autres, et se prolonge jusqu’à nos jours. En particulier, la recherche du sens littéral de l’Écriture, sur lequel on insiste tant désormais, requiert les efforts conjugués de ceux qui ont des compétences en matière de langues anciennes, d’histoire et de culture, de critique textuelle et d’analyse des formes littéraires, et qui savent utiliser les méthodes de la critique scientifique. En plus de cette attention au texte dans son contexte historique originel, l’Église compte sur des exégètes animés par le même Esprit qui a inspiré l’Écriture, pour assurer « qu’un aussi grand nombre que possible de serviteurs de la Parole de Dieu soient en mesure de procurer effectivement au peuple de Dieu l’aliment des Écritures » (Divino Afflante Spiritu, 24 ; 53-55 ; EB 551,567 ; Dei Verbum. 23 ; Paul VI, Sedula Cura 19711). Un sujet de satisfaction est fourni à notre époque, par le nombre croissant de femmes exégètes qui apportent, plus d’une fois, dans l’interprétation de l’Écriture, des vues pénétrantes nouvelles et remettent en lumière des aspects qui étaient tombés dans l’oubli. » Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus n’a pas été une exégète professionnelle et scientifique. Néanmoins elle a apporté à l’interprétation des évangiles son expérience de Dieu nourrie de la méditation de la Bible. Le pape Benoît XVI dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini, publiée en 2010, a mis en lumière la contribution des saints à l’interprétation de l’Écriture. Il n’a pas hésité à souligner le rôle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « qui découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : ‘ Je n’ai qu’à jeter les yeux sur le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir (Histoire d’une âme, Ms C, f.35 verso)’ . » (n° 48).

Saint-Denis (La Réunion), le 8 septembre 2021, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.

1 Marie-Joseph Lagrange, Journal spirituel, Paris, Cerf, 2014.

2 Synopsis Evangelica. Textum graecum quattuor Evangeliorum recensuit et juxta ordinem chronologicum Lucae praesertim et Iohannis concinnavit. R.P. Maria-Josephus Lagrange, O.P., sociatis curis R.P. Ceslas Laverge, ejusdem ordinis. 1 volume in-4°, Paris. Gabalda.

3 Synopse des quatre évangiles en français d’après la synopse grecque du R.P. M.-J. Lagrange O.P. par le R.P. C. Lavergne, O.P. Trente-huitième mille. Paris. Librairie Lecoffre. J. Gabalda et Cie, Éditeurs. Rue Bonaparte. 90. 1942.

4 Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Histoire d’une âme, écrite par elle-même, ch. XI.

5 Ibidem, chapitre VIII.

6 Saint Thérèse de ‘Enfant Jésus. Novissima verba, 15 mai 1897.