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Le sacrement du pardon

Le sacrement du pardon, ou sacrement de réconciliation: est signe de l’amour inconditionnel de Dieu.

Lorsque nous prenons conscience que nous avons fait volontairement du mal à quelqu’un, lorsque la relation aux autres et à Dieu est abîmée par notre faute (c’est le sens du mot péché), un signe, une parole de pardon peut nous aider à renouer les liens (réconciliation), à reprendre confiance et à ne pas rester dans la culpabilité.

Comme Père de tous les hommes, Dieu n’est pas indifférent aux maux qui déchirent la famille humaine. Mais dans la personne de son Fils, Jésus-Christ, il nous a montré à quel point son amour est plus fort : un amour toujours prêt à pardonner.

Dans le sacrement de la réconciliation, la personne baptisée, reconnaissant ses péchés, vient demander le pardon de Dieu et le reçoit par le prêtre. C’est une force sur laquelle s’appuyer pour se réconcilier avec les autres et pour renouveler sa manière de vivre, dans le prolongement du baptême.

  • Le mot “confession” indique seulement l’aveu des péchés sans suggérer le pardon.

  • Le terme “pénitence” évoque l’expiation, la mortification. Il est insuffisant pour exprimer le pardon de Dieu.

  • Le mot “réconciliation” (utilisé de puis le concile Vatican II) exprime l’essentiel, qui est le pardon de Dieu dans la rencontre.

  • L’expression “sacrement du pardon” convient aussi tout à fait.

C’est une démarche personnelle. Tu en as sans doute plus ou moins l’habitude, ou peut-être que tu n’as jamais reçu ce sacrement. Pas de soucis, les indications ci-dessous peuvent t’aider, et le prêtre est là pour te guider.

Comment se préparer à la confession ?

Quand on n’a pas l’habitude de se confesser ou que l’on a l’impression de ne pas bien faire la confession, on se demande comment se confesser.

Pour se préparer à recevoir le sacrement de pénitence, on commence habituellement en faisant son examen de conscience, mais il y a quelque chose à faire avant. La réforme liturgique de Vatican II insiste sur ce point. Il faut d’abord se mettre devant la Parole de Dieu en lisant un passage de la Bible. L’écoute de la Parole en nous révélant l’amour de Dieu et sa miséricorde nous dévoile en même temps notre propre péché. Malheureusement on le fait rarement en dehors des célébrations communautaires.

Comment faire son examen de conscience ?

Il y a des manières très diverses de faire son examen de conscience. On peut partir du texte des Béatitudes ou d’un texte de l’Évangile qui nous a touché. Dans les célébrations pénitentielles, les animateurs proposent parfois un examen de conscience centré sur un aspect de la vie, les relations avec les autres et avec Dieu. On peut aider les enfants à faire leur examen de conscience à partir de leur vie.

Dans une optique traditionnelle, on peut chercher ses péchés et faire son examen de conscience à partir des commandements de Dieu et de l’Église ou de la liste des péchés capitaux. On peut aussi chercher les péchés que l’on a faits par penser, par parole, par action et par omission. Certains voudraient qu’on leur donne une liste des péchés, mais ce n’est pas possible.




Le sacrement de Confirmation

La Confirmation : recevoir la force de l’Esprit Saint

Par la confirmation, nous recevons l’Esprit Saint, don de Dieu pour déployer dans toute notre vie les grâces du baptême. L’Esprit Saint nous rend capable de témoigner de la foi chrétienne par nos paroles et nos actions et de participer à la croissance de l’Eglise.

 

C’est l’Évêque qui confère ce sacrement. Il impose les mains sur le candidat, puis il trace le signe de croix sur son front avec une huile parfumée, appelée le Saint Chrême, en disant « Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu ».

Baptême, confirmation et eucharistie sont les trois sacrements de l’initiation chrétienne, ils permettent de devenir disciple du Christ, c’est à dire de suivre son exemple en grandissant aussi bien dans la foi, la prière, la participation à la vie de l’Eglise que dans la manière d’agir et de vivre en chrétien.

La confirmation : une nouvelle Pentecôte

Les « dons de l’Esprit »

Pendant l’imposition des mains, l’évêque demande à Dieu de donner en plénitude l’Esprit qui reposait sur son fils Jésus : l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force, l’esprit de connaissance et d’affection filiale et l’esprit d’adoration.

Cette demande est inspirée par un texte du prophète Isaïe (11,2-3) qui décrit les dons que le messie recevra de Dieu. La tradition chrétienne a beaucoup insisté sur sept dons de l’Esprit.

Mais cette liste n’est pas limitative. Les béatitudes sont aussi des dons de l’Esprit.

La mission de témoignage

De même que les apôtres, remplis de l’Esprit saint à la Pentecôte, se sont mis à annoncer la Bonne nouvelle, de même les dons de l’Esprit à la confirmation appellent au témoignage et donnent l’aptitude au témoignage. Le confirmé témoigne pour bâtir l’Église, il rend témoignage au Christ pour l’édification de son Corps. Le confirmé est appelé à prendre une part active à la vie de l’Église.

Une confirmation en cinq signes :

  1. L’appel

Chacun des confirmands est appelé par son prénom, comme au baptême. Dans la tradition biblique, nommer une personne manifeste l’appel que Dieu lui adresse personnellement. Celle-ci répond librement « Me voici » et s’avance.

  1. La profession de foi

Proclamer publiquement le Credo de l’Église est une affirmation d’adhésion libre à la foi, un signe d’appartenance à la communauté et un engagement à vivre sa vie selon l’Évangile.

  1. L’imposition des mains et l’appel de l’Esprit

L’évêque impose les mains aux confirmands. Ce geste se retrouve pour tous les sacrements de l’Église. Depuis le temps des apôtres, il est le signe du don de l’Esprit. Tout en accomplissant ce geste, l’évêque demande les sept dons du Saint-Esprit : la sagesse et l’intelligence, le conseil et la force, la connaissance et l’affection filiale et la crainte de Dieu (qui n’est pas synonyme de terreur, mais de profond respect envers Dieu).

  1. L’onction avec le saint chrême

Le saint chrême est une huile parfumée. Elle est consacrée par l’évêque, entouré par tous les prêtres du diocèse, pendant la semaine sainte (cette messe solennelle est dite « chrismale »). Le saint chrême est le signe du don de l’Esprit saint. Le baptisé a déjà été marqué sur le front du saint chrême le jour de son baptême ; cette « seconde onction » de la confirmation n’en est en fait qu’une seule. Elle prolonge celle du baptême et marque l’unité des deux sacrements. L’évêque, en appliquant le saint chrême dit : « N., sois marqué de l’Esprit saint le don de Dieu. » Dans les Églises orientales de rite byzantin, l’onction se fait sur le front, les yeux, les narines, les oreilles, les lèvres, la poitrine, le dos, les mains et les pieds.

  1. Le baiser de la paix

Le baiser de paix, qui achève le rite du sacrement, signifie et manifeste la communion ecclésiale avec l’évêque et avec tous les fidèles.




Qui est sainte Marie-Madeleine ? Disciple missionnaire (Fr. Manuel RIVERO O.P.)…

Les évangiles présentent sainte Marie-Madeleine comme disciple-missionnaire de Jésus-Christ.

Possédée par sept démons, libérée du mal par Jésus, Marie-Madeleine fait partie de la communauté apostolique formée par Jésus (cf. Lc 8).

Modèle de foi, d’amour et d’espérance, saint Thomas d’Aquin (+1274) l’appelle «la femme nouvelle », « la nouvelle Ève ». Dans le jardin de la résurrection, Jésus, « le Nouvel Adam », et Marie-Madeleine, « la nouvelle Ève », symbolisent la rencontre du Christ et de l’Église dans la joie pascale. Les pleurs de tristesse se changeront en larmes de joie quand Jésus l’appellera par son prénom « Marie ». En peu de mots, elle exprimera sa foi et son attachement au Maître : « Rabbouni ! » (Jn 20, 16). « Plus l’amour est grand et plus le langage se fait court », disait le père Lacordaire O.P..

 

Pour le père Marie-Joseph Lagrange O.P., fondateur de l’École biblique de Jérusalem, « Marie Magdeleine était consacrée l’apôtre des apôtres [1]» par Jésus. Consacrée prophète par l’appel et l’envoi divins : « Va trouver mes frères pour leur dire aux je monte vers mon Père et votre Père » (Jn 20, 17), Marie-Madeleine accomplit sa mission en annonçant la résurrection du Seigneur aux apôtres sceptiques. En réponse à son témoignage « J’ai vu le Seigneur », les apôtres parleront de « radotage » (Lc 24, 11) et « ils ne la crurent pas ».

Marie et Marie-Madeleine

Le peintre Fra Angelico O.P. (+1455), le patron des artistes, a uni sur le Calvaire Marie, la mère de Jésus, la toute sainte, et Marie-Madeleine, l’ancienne pécheresse. Alors qu’une épée traverse l’âme de Marie en contemplant son Fils Jésus mis en croix, Marie-Madeleine, à genoux, étreint le corps virginal de la Mère de Dieu, pour qu’elle demeure debout dans la douleur.

La Vierge Marie n’a pas reçu le charisme apostolique mais la grâce de la maternité divine et de la maternité spirituelle. Avant de mourir, pour achever l’œuvre de la Rédemption, Jésus a donné Marie, sa mère, comme mère spirituelle à son disciple bien-aimé, Jean, figure de la communauté croyante. Et le disciple la prit « chez lui » (Jn 19,27). La Vierge Marie agit en mère spirituelle par son intercession et sa présence toute proche, pleine de miséricorde. Chacun connaît la profondeur et la puissance des pensées et des actions d’une mère.

Sainte Marie-Madeleine a reçu la grâce prophétique, apostolique, pour annoncer le mystère pascal. Par la résurrection de Jésus, le Père Jésus devient le Père des fidèles. Jésus appelle ses disciples « ses frères » et non les frères de Marie-Madeleine. Le mystère pascal transforme les relations avec Dieu et entre les hommes. Une nouvelle création a surgi du tombeau. Une nouvelle fraternité apparaît sur la terre.

Marie-Madeleine fait partie du peuple de Dieu « sacerdotal, royal et saint » (I Pierre 2,9). Les trois vertus théologales brillent en elle. Par son amour, Marie-Madeleine s’est levée dans la nuit pour honorer la dépouille de celui que son âme aimait (cf. Ct 3) ; par sa foi, elle a obéi à son maître en annonçant la joie pascale ; par son espérance, elle s’est tournée vers le Père de Jésus devenu son Père.

Grandeur et plénitude de la vocation chrétienne

L’exemple de sainte Marie-Madeleine met en lumière la vocation baptismale et les charismes communs aux disciples-missionnaires de Jésus. Il ne convient pas de présenter la vocation religieuse ou presbytérale comme « un plus » mais plutôt comme un « comment » pour accomplir la volonté de Dieu, chacun selon son appel. Les baptisés risqueraient de se démobiliser en sous-estimant leur mission et leur charisme. Saint Augustin prêchait à ses fidèles que son titre de gloire et son salut se trouvaient dans son baptême tandis que son épiscopat représentait une charge et un service. Les charismes sont interdépendants et complémentaires dans l’Église, Corps du Christ.

Saint-Denis (La Réunion), le 22 juillet 2021.

[1] Marie-Joseph Lagrange o.p., L’Évangile de Jésus Christ avec la synopse évangélique, Artège-Lethielleux, 2017, p. 631-632.

 




Le sacrement de l’Eucharistie

Le dimanche, jour du Seigneur, jour de la Résurrection du Christ, les chrétiens se rassemblent pour célébrer la messe, appelée aussi eucharistie. Ce terme vient d’un mot grec qui signifie « action de grâce », une expression de reconnaissance pour les dons de Dieu. Jésus avait rendu grâce sur le pain et le vin au cours de son dernier repas avec ses apôtres à la veille de sa mort, et ce mot en est venu à désigner ce repas lui-même, le « Repas du Seigneur ».

Or nous sommes tous invités au repas du Seigneur. En répondant à l’invitation, nous nous rassemblons dans la prière (1), nous écoutons la Parole de Dieu (2), nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus au cours de la prière eucharistique, prière d’action de grâce, (3) et, nous sommes envoyés (4) témoigner, avec l’aide de l’Esprit Saint, en paroles et en actes, de l’amour de Dieu pour nos proches et pour tous les hommes.

Ce sont les quatre temps de la messe que l’on peut rapprocher du récit des pèlerins d’Emmaüs.

Les baptisés qui s’y sont préparés peuvent recevoir le pain de vie, le Corps du Christ.

La première communion, c’est recevoir pour la première fois le corps du Christ sous la forme du pain consacré par le prêtre lors de la prière eucharistique. Cette communion nourrit la foi, fait grandir l’espérance et donne la force d’aimer. En général, les enfants, qui s’y préparent pendant leurs années de catéchisme, communient pour la première fois entre 8 et 10 ans. Mais on peut s’y préparer à tout âge. On parle aussi de communion parce que ce sacrement nous unit au Christ pour former un seul corps, le peuple des baptisés.

L’Eucharistie est une nourriture donnée par Dieu aux hommes afin qu’ils vivent de lui.




Le sacrement du Baptême

Le Baptême : Naître à la vie de Dieu

Le mot « baptême » vient d’un verbe grec qui signifie » plonger, immerger « Le baptême est un rite de passage en lien avec la mort et la résurrection du Christ. Marqué du signe de la croix, plongé dans l’eau, le nouveau baptisé renaît à une vie nouvelle. Devenu chrétien et membre de l’Église, il peut vivre selon l’Esprit de Dieu.

Le baptême est le premier de tous les sacrements. Il fait entrer dans le peuple de Dieu, dans la grande famille des chrétiens. Avec les sacrements de l’eucharistie et de la confirmation, il donne la force de cheminer à la suite du Christ.

L’Onction avec le St Chrême fait du baptême quelque chose d’irréversible et d’ineffaçable.

Le Baptême est un point de départ d’un chemin de vie : le baptisé est appelé à approfondir et à renouveler sans cesse sa relation au Père, au Fils et à l’Esprit.

On peut être baptisé à tout âge !

Les gestes du baptême

Le signe de l’eau : l’eau est signe de la vie. Sans eau, il n’y a pas de vie possible. L’eau que l’on verse sur le front du baptisé est à la fois signe de vie et de mort. Le baptême est signe de la mort au péché. Il est le signe que le baptisé accepte de mourir pour les autres, comme Jésus l’a fait. Il est aussi signe de vie, et même de vie éternelle. C’est Dieu qui est la source de cette vie là.

Le signe de l’huile : il suffit d’une petite goutte d’huile pour faire une marque indélébile. Avec une huile parfumée, le saint chrême, le prêtre marque le front du baptisé. C’est le signe de l’Esprit-Saint qui se répand en lui pour lui donner sa force et l’aider à rester toujours fidèle à Jésus.

Le vêtement blanc : le blanc, dans notre culture, est le signe de la fête. Le jour de son baptême, le baptisé revêt un vêtement blanc, vêtement de fête. Le blanc est aussi la « couleur de Dieu ». Le baptisé a revêtu le Christ, il est un homme nouveau, c’est pourquoi, il porte un vêtement blanc. La lumière : on donne au baptisé un cierge allumé pour dire que maintenant il est la lumière du Christ et que cette lumière doit briller autour de lui : « vivez comme des fils de lumière » (Ephésiens 5,8)




L’aridiré spirituelle – P. Matta El Maskine

Le jour, j’appelle, et tu ne réponds pas, mon Dieu, la nuit, et je ne trouve pas le repos…

Ma vigueur est comme un tesson, la langue me colle aux mâchoires (Ps 22, 3.16).

L’âme qui fait pour la première fois l’expérience de l’aridité spirituelle se trouble profondément, surtout quand elle s’applique à l’adoration avec assiduité, dévouement et fidélité. Déconcertée de ce qui lui arrive, elle en cherche la raison en fouillant ses défauts.

Mais en réalité, l’aridité spirituelle ne signifie nullement que l’on ait perdu quoi que ce soit de notre bonne relation avec Dieu. C’est une étape importante et nécessaire, pour éduquer l’âme et la préparer à une vie spirituelle plus avancée qui ne soit plus tributaire des facteurs psychologiques ou des satisfactions subjectives.

C’est, en quelque sorte, une nourriture un peu difficile à digérer, mais d’une grande utilité. Ainsi, si nous acceptons de bon gré, avec lucidité et patience, de nous soumettre à cette expérience, si nos âmes ne s’étiolent pas en l’absence de consolations et d’encouragements, mais qu’elles mettent tout leur espoir dans la véracité des promesses divines, alors cette expérience nous fera accéder à la stature des fils parfaits, dignes de cet amour supérieur qui « ne cherche pas son intérêt » (I Co 13, 5), ne se soucie pas de recevoir, mais se contente de donner et de se dépenser.

Si nous examinons cette expérience attentivement, nous trouvons qu’elle ne comporte aucun trouble et qu’elle ne frappe le cœur d’aucune gêne. L’aridité atteint l’âme en ses sentiments et ses émotions sans toucher à la paix, et au calme intérieur ; mais c’est une paix sans chaleur émotive, un calme sans attrait ni satisfaction.

C’est pour cela que cette expérience de l’aridité n’est durement ressentie que par ceux dont l’âme choyée a été habituée aux consolations et aux encouragements, ceux dont la piété se fonde sur le « recevoir » et qui ne considèrent comme preuve de progrès spirituel que les manifestations sensibles.

Le danger de cette étape est que l’homme, commençant à douter et à s’imaginer que sa relation avec Dieu est interrompue, s’arrête finalement de prier ; pourtant cette expérience, dans ses propres limites – c’est-à-dire, l’aridité spirituelle provoquée par la grâce – permet à l’homme de continuer la prière car elle ne le prive pas de la capacité de prier et d’y persévérer ; elle le prive uniquement des consolations secondaires sur lesquelles il s’appuyait.

Si l’homme arrête la prière sous prétexte d’aridité spirituelle et de perte des consolations, il régresse spirituellement et s’expose sans raison à une épreuve néfaste et dangereuse, celle de murmurer contre Dieu.

On se trompe donc si on se trouble en passant par l’étape de l’aridité ; de même qu’il est dangereux d’arrêter de prier sous prétexte de ne plus y trouver de satisfaction. L’aridité est une expérience inhérente à la nature même de la prière, capable, si nous l’accueillons lucidement et de bonne grâce, de nous porter à un degré supérieur, celui de la prière pure qui ne s’appuie pas sur les sentiments, les sensations et les encouragements.

L’homme pourra bien avoir le sentiment que la grâce apparemment l’abandonne, qui lui suffise l’action intérieure et secrète de cette grâce ; qu’il s’appuie alors sur l’impulsion acquise dans sa vie passée avec Dieu. Il s’en contentera pour traverser les premières étapes de cette expérience, jusqu’à ce que son âme apprenne à se fixer en Dieu, sans intermédiaires ni encouragements.

De même, pendant cette expérience, que celui qui chemine sur cette route s’appuie sur les conseils d’un père spirituel dont il suivra avec une grande fidélité les directives. Celles-ci sont, à ce stade, d’une valeur fondamentale. Mais peut-être la recommandation la plus importante et la plus utile est-elle d’accepter avec humilité l’aridité spirituelle, d’accepter d’être traité comme le dernier des hommes, inapte à recevoir les consolations, et même si l’on devait considérer l’aridité comme une correction, cette attitude ne serait pas dépourvue de bienfaits (alors qu’en réalité l’aridité n’est pas une correction, mais une éducation).

A celui qui traverse cette étape, il ne sert à rien de s’arrêter pour analyser sa situation, d’en rechercher les raisons et les causes, et d’essayer de faire des plans pour en sortir en multipliant les veilles, les prières et les jeûnes ; cela est peine perdue et risque de la sortir du champ de la grâce. Par contre, ce qu’il peut faire de mieux, c’est d’accepter l’aridité et de persévérer, attentif et pondéré, dans son œuvre spirituelle, ne ménageant pas ses efforts et sa peine pour poursuivre sa route au même rythme, tel le voyageur sur les pistes du désert que la disparition des plaisirs de la ville ne détourne pas de sa marche dans les profondeurs arides du désert, jusqu’au bout.

L’attitude essentielle en toute expérience spirituelle est de l’accepter comme telle sans aucune arrière-pensée. L’aridité spirituelle est une épreuve spirituelle proposée comme telle, comme une contingence incontournable du chemin étroit.

Si nous acceptons les épreuves spirituelles de façon générale, ce n’est pas poussés par un désir de parvenir à la perfection, cela comporterait une certaine exaltation du moi ; nous nous soumettons plutôt au plan de Dieu en vue d’accomplir sa volonté ; notre soumission à Dieu conditionne notre communion avec lui ; et celle-ci seule peut nous conduire à la perfection.

                                                             P. Matta el-Maskîne

                                                        Extrait de « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »

                                                               (Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)




QU’EST-CE QU’UN SACREMENT ?

A travers ces actes d’Église que sont les sacrements, ce sont les actes du Christ qui continuent : les sacrements tirent leur source des gestes mêmes du Christ. Quand l’Église baptise, confirme, réconcilie, célèbre l’Eucharistie, c’est Dieu lui-même qui baptise, confirme… C’est le Christ qui agit dans les sacrements par l’intermédiaire des ministres de l’Église et son action est fondée sur les mystères de la vie de Jésus le Christ parmi nous.

Les sacrements sont des actes qui nous unissent au Christ par l’action de l’Esprit Saint : ils relient les hommes à Dieu mais aussi à leurs frères. En nous permettant d’être en communion avec Dieu mais aussi avec nos frères, ils nous font entrer dans le Corps du Christ, donc de l’Église.

Les sept sacrements marquent les moments décisifs de la vie humaine. Ils manifestent que c’est toute l’existence, dans ses différentes étapes, qui est appelée à être vécue avec le Christ. On les regroupe ainsi :

  • Les trois sacrements de l’initiation chrétienne : le Baptême, l’Eucharistie et la Confirmation sont trois étapes qui permettent d’entrer dans le mystère du Christ mort et ressuscité et de grandir dans la foi.

  • Les sacrements de guérison : la Réconciliation et l’Onction des malades ouvrent un chemin d’espérance.

  • Les sacrements de l’engagement : L’Ordre et le Mariage consacrent des choix de vie.




Sur l’éducation chrétienne dans l’Année de la famille – Fr. Manuel Rivero O.P.

Sur l’éducation chrétienne dans l’Année de la famille

Des propositions concrètes

Fr. Manuel Rivero O.P.

Le pape François a fait de cette année 2021 une année de lumière à la suite de saint Joseph. Il a aussi voulu que l’Église approfondisse le mystère de la famille voulue par Dieu.

Attentif aux besoins et aux souffrances de la jeunesse, le pape François exhorte les jeunes à l’audace vécue de manière communautaire. De nouveaux modèles économiques sont possibles. Il leur propose de travailler ensemble comme des frères afin de ne pas succomber au désespoir engendré par le chômage. Lors de la célébration des 25 ans du Projet Policoro[1], le pape a cité le laïc dominicain, Giorgio La Pira (+1977), ancien maire de Florence, Serviteur de Dieu : le chômage est « un gaspillage de forces de production[2] ». Dieu veut que la jeunesse vive et devienne protagoniste de l’économie et de la vie sociale, politique et ecclésiale. Aucun enfant, aucun jeune n’est de trop sur la terre.

  • La communication dans le couple 

L’enfant participe aux sentiments positifs et négatifs de ses parents. Quand le couple communique bien, l’enfant va bien. C’est pourquoi le plus beau cadeau qu’un parent puisse offrir à son enfant, c’est d’aimer son conjoint.

Les Équipes Notre-Dame[3], fondées par le prêtre lyonnais Henri Caffarel (+1996), manifestent la grandeur de l’amour conjugal appelé au perfectionnement, à la conversion et à la sainteté.

L’une des spécificités des Équipes Notre-Dame est le dialogue fréquent du couple dans la prière. Appelé « le devoir de s’asseoir », il favorise le dépassement des « non-dits », véritable cancer de la relation conjugale qui se reproduit rapidement s’il n’est pas arrêté à temps.

Le « devoir de s’asseoir » consiste à prendre rendez-vous, même si les conjoints se voient tout le temps, dans un cadre propice au dialogue et à la disponibilité, en absence des enfants, sans téléphone et sans bruit. Il faut bien avouer que sa pratique exige courage car le « devoir de s’asseoir » chasse les tabous et il libère la parole : « est-ce que ça va ? » ; « y a-t-il quelque chose qui te dérange ? » ; « est-ce que tu aimerais quelque chose que tu n’oses pas demander ? » …

Chaque conjoint prend la parole à tour de rôle sans interrompre l’intervention de l’autre et en lui disant à la fin « merci » même si les propos étaient durs ou inexacts. Le merci correspond à l’expression sincère. Évidemment, éviter tout règlement de comptes, le devoir de s’asseoir ne peut se vivre que dans un climat de prière et d’humilité.

La fréquence de ce rendez-vous où « amour et vérité se rencontrent » (Psaume 84,11) relève de la liberté des époux. À l’image du proverbe qui affirme que « l’appétit vient en mangeant », les couples des Équipes Notre-Dame témoignent de la richesse inépuisable de cet exercice de communication spirituelle. Plus les conjoints partagent et plus ils ont des choses à se dire. Honoré de Balzac (+1850) déclarait : « En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie ». Le « devoir de s’asseoir » offre une expérience opposée à l’ennui et il permet aux conjoints d’avancer « de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin » (saint Grégoire de Nysse, mort vers l’an 395).

 

  • L’importance de la parole 

Dans l’Évangile, lors des tentations au désert, Jésus répond au diable qui lui demande de manifester sa divinité en changeant les pierres en pain : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4).

J’aime à commenter cette phrase : L’homme ne vit pas seulement d’argent et de loisirs mais de toute parole qui sort de la bouche de sa femme. La femme ne vit pas seulement de robes à la mode et de voyages mais de toute parole qui sort de la bouche de son mari. L’enfant ne vit pas seulement de jeux vidéo mais de toute parole qui sort de la bouche de son père et de sa mère.

En Roumanie, des expériences ont été faites dans certains orphelinats : des enfants étaient partagés en deux groupes qui recevaient la même nourriture ; mais aux enfants d’un groupe les adultes parlaient avec affection, tandis que l’autre groupe demeurait en silence, mais bien nourri. La différence ne tarda pas à se manifester : les enfants à qui on parlait grandissaient plus vite et mieux.

La parole est une nourriture. Le langage n’a pas pour unique fonction de transmettre des messages ; il est aussi créateur de relation et de développement psychologique et affectif.

Il m’arrive de demander aux enfants dans les écoles : Est-ce que vous parlez avec votre papa et votre maman ? Les réponses sont variables : certains enfants se disent contents de leurs échanges avec leurs parents, tandis que d’autres regrettent que leur mère soit toujours occupée et que leur père ne leur adresse pas la parole.

Très souvent, les filles se plaignent de la pauvreté du dialogue avec leur père. Mon père ne sait dire que deux choses : « Ça va à l’école ? Et les notes ? »

Éduquer, c’est aimer. Lors d’une homélie dialoguée avec des enfants, je leur demandais : « Et qu’est-ce que l’on fait quand on aime quelqu’un ? » Après un temps de réflexion, une petite fille leva le bras pour dire : « Quand on aime quelqu’un, on lui parle. »

Aimons nos enfants et prenons le temps de leur parler.

À La Réunion, avant l’arrivée de la télévision et d’Internet, les mamans avaient l’habitude de parler avec leurs enfants au retour de l’école : « Raconte-moi ta journée. » Et l’enfant de reprendre, de relire et d’interpréter pour sa maman chaque heure passée à l’école. Exercice profond qui apprend la communication, le dialogue et le discernement.

  • Ne jamais se contredire devant l’enfant

L’enfant agit comme les politiques qui cherchent à diviser pour régner. C’est ainsi qu’il va opposer l’avis du père à celui de la mère, ou l’inverse dans le but d’obtenir ce qu’il veut.

Certains parents qui n’ont pourtant pas suivi de longues études peuvent faire preuve de cette sagesse éducative. Je pense ici à mes propres parents qui ne se sont jamais contredits ni discrédités devant leurs enfants. Si ma mère disait « non », mon père aussi disait « non ». Il n’y avait plus matière à discussion. Pas de négociations sans fin !

La multiplication des divorces et des séparations favorise les réactions de critique et de mépris de la part d’un parent par rapport à l’autre : « Ton père t’a dit cela ! Il ne comprend rien ! » ; « Ta mère t’a dit non, c’est idiot, bien sûr que tu peux le faire. »

De ce jeu, ce sont les deux parents qui sortent disqualifiés aux yeux de l’enfant.

  • Dire du bien de son conjoint, dire du bien de l’enfant

La foi chrétienne repose sur la bénédiction et la louange divines. Il convient de prendre l’habitude de dire du bien de son mari, de son épouse et des enfants.

Parfois, je demande aux parents dans les groupes de formation chrétienne : « Quand avez-vous dit du bien de votre mari, de votre femme ? » Souvent je me heurte à un silence d’étonnement : « Qu’est-ce que vous voulez dire ? » Et moi de continuer : « Quand avez-vous dit : mon mari est merveilleux, je l’aime beaucoup » ? Les épouses éclatent de rire.

Alors je leur pose une autre question : « Quand avez-vous critiqué votre mari ou votre femme ? » La réponse jaillit tout de suite : « Hier soir, il m’a agacée parce que… »

Parfois, une épouse dit en public : « Mon mari est idiot. » Je lui dis alors : « Madame, si vous étiez intelligente vous ne l’auriez pas choisi ! ».

Il convient non seulement de dire du bien de son conjoint – vive la théologie de la bénédiction – mais aussi de souligner les qualités des enfants. Quand j’étais enfant moi-même, j’entendais certains parents faire l’éloge de leur enfant comme étant intelligent, mais mon expérience dans la même classe me disait que cela n’était pas vrai. Pourtant, les gens considéraient cet enfant comme étant intelligent à la suite des propos des parents. Il arrivait aussi que des enfants travailleurs et intelligents soient sous-estimés publiquement par leurs parents qui en attendaient davantage. Du coup, l’enfant subissait injustement le regard de réprobation ou de mépris de la part des autres.

Nous avons à traiter les problèmes, face à face, cœur à cœur, à la maison. En revanche, à l’extérieur, nous avons à bénir et à louer notre prochain : conjoint ou enfant.

 

  • L’enfant vient après le couple

Des mères et des pères disent aimer leur conjoint à cause de l’enfant qu’ils ont eu ensemble. L’enfant occupe alors la première place ; il passe avant le père ou la mère. D’ailleurs, nous voyons l’enfant vouloir se mettre au milieu des parents sous prétexte d’être entouré par leur amour.

En bonne éducation, il convient de rappeler à l’enfant qu’il est le fruit de l’amour de ses parents et qu’il vient après le conjoint. L’époux n’est pas aimé à cause de l’enfant mais l’enfant est aimé à cause de l’époux. D’ailleurs, la nature fait ici merveilleusement les choses : l’enfant relève, à part égale, du père et de la mère : 50% chacun dans la science biologique.

  • Père spirituel, mère spirituelle

En tant qu’aumônier de jeunes il m’est arrivé d’entendre : « Mon père n’est pas mon père ; ce n’est pas lui qui m’a appris à vivre. » Les parents sont parents génétiques, psychologiques et aussi spirituels.

Dans le mystère de l’amour humain divinisé par le Christ, l’épouse conduit l’époux à Dieu. L’époux révèle à l’épouse le visage de Dieu. En s’aimant, ils se transmettent l’amour de Dieu. Au cœur du quotidien qui pourrait paraître matérialiste, monotone et plat, ils grandissent en sainteté : « Dieu est présent dans les marmites », s’exclamait sainte Thérèse d’Avila.

Les parents sanctifiés dans le sacrement du mariage, sanctifient les enfants et les enfants les sanctifient.

Par le bon exemple de leur foi et de leur amour, les parents mettent l’enfant sur le chemin de l’Évangile.

La prière en famille favorise la réconciliation, la paix et l’harmonie dans les familles.

Aujourd’hui, l’école laïque n’éveille pas l’enfant à la vie intérieure. Pour être tranquilles, les parents imposent parfois à leurs enfants de multiples activités qui les épuisent : sport, musique, danse…

Mais l’enfant a une âme, et soif de Dieu. C’est dans la prière avec Jésus qu’il reçoit paix et plénitude.

  • « Que nos enfants ne manquent de rien »

Des parents avouent souvent travailler et se sacrifier pour que leurs enfants ne manquent de rien. Peine perdue ! Ils manqueront toujours de quelque chose. L’expérience prouve que l’aventure humaine comporte toujours des échecs, des souffrances et des insatisfactions, sur le plan physique, affectif ou professionnel. Ce serait se faire illusion que de croire que l’enfant aura toujours ce qu’il veut pour réussir. L’éducation consiste à former l’enfant à traverser les épreuves et les manques, en allant à l’essentiel.

Réussir dans la vie ne veut pas dire réussir sa vie. Réussir dans la vie équivaut à posséder de l’argent, du prestige et du pouvoir, au risque de devenir le jour de la mort « le plus riche du cimetière ». Réussir sa vie à la lumière de l’Évangile représente une autre démarche que celle de la possession et de la domination. Tout au long de son existence, le chrétien grandit en foi, espérance et amour, en marchant à la suite de Jésus, « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6), afin d’atteindre la plénitude de son humanité par Jésus et en Lui.

Jésus, l’homme parfait, communicateur et éducateur parfait, purifie et divinise ses disciples qui participent à la gloire de son Père.

Réussir sa vie équivaut à apprendre à aimer auprès de Jésus et devenir amour en Dieu par sa grâce.

« L’homme ne se trouve qu’en se donnant », enseigne le Concile Vatican II dans Gaudium et Spes (n° 22). C’est le don de soi par amour qui donne le discernement et l’intelligence sur le mystère de la vie (cf. Philippiens 1, 9-10). Les bons choix s’accomplissent dans la lumière de l’amour. Éduquer, c’est aimer et conduire à l’amour de Dieu, d’autrui et de soi-même.

  • Éduquer au bonheur 

Dans un souci de bien faire, des parents peuvent transmettre à leur enfant non pas le sens de la responsabilité et du travail mais la peur et l’angoisse : « Fais attention ! Tu ne vas pas vivre comme maintenant ni comme tes grands-parents. Demain ce sera pire ! »

Malheureusement, au lieu de se réveiller et d’apprécier ce qu’il a, l’enfant peut se dire : « Puisque le futur sera catastrophique, profitons du présent. »

Les grandes traditions philosophiques ont toujours visé le bonheur : les philosophes grecs, Jésus dans l’Évangile, la théologie de saint Thomas d’Aquin et même Freud. L’homme cherche le bonheur. Dans ses actes, c’est-à-dire dans sa morale, l’homme cherche le bonheur.

Il reste à en préciser le contenu et la méthode.

Le bonheur n’est pas une destination mais une manière de marcher, une manière d’être, un style de vie.

Le bonheur ne se trouve pas dans le monde extérieur mais à l’intérieur de la personne.

Pour le chrétien, le bonheur est un don de Dieu : Vérité et Amour.

Des amis m’ont raconté comment leurs grands-parents finissaient chaque journée avec une prière d’action de grâces au Seigneur : « Nous te rendons grâce car nous sommes heureux. » Heureux de partager l’amour de Dieu, heureux de s’aimer, heureux de marcher vers la plénitude de la Résurrection où il n’y aura plus de maladie, ni de deuil, ni de larmes, ni de séparation.

Dans la lumière de la foi, les parents peuvent dire à l’enfant : « Nous sommes heureux, tu es heureux, tu peux l’être, non seulement demain mais maintenant, dans la vérité et l’amour. »

Il est rare d’entendre des parents tenir ces propos sur le bonheur.

Le bonheur commence avec la bonne humeur. Commençons nos journées avec un signe de croix, dans la présence de Dieu, avec le souci d’accomplir sa volonté. Ayons comme pédagogie la joie. Un frère des Écoles chrétiennes, bon pédagogue, conseillait aux professeurs et aux parents, trois choses : « La joie, la joie, la joie ! » Soyons des éducateurs de la joie, de la joie intérieure que personne ne pourra ravir.

  • Ni coqs, ni guerriers

Beaucoup d’enfants sont tristes. Pas de père à la maison, leur propre père du moins.

Des enfants sont parfois traumatisés par la violence de leur père.

Des filles nées de mère célibataire deviennent parfois filles-mères à leur tour.

Des garçons battus deviennent parfois des pères qui battent femme et enfants.

Mimétisme, identification au modèle parental, que sais-je ?

Pourquoi ne pas travailler cette question si grave ?

Un jour, en Guadeloupe, une dame m’a expliqué la raison pour laquelle les mères engendraient des enfants « coqs » alors qu’enfants elles en avaient souffert. Voici l’hypothèse énoncée par cette mère de famille : « Quand une mère veut rester la première femme dans la vie de son fils, elle gagne à éduquer son enfant comme un coq qui ayant plusieurs relations ne s’attachera pas vraiment à l’une d’entre elles. »

Au début de la Bible, le livre de la Genèse transmet la volonté de Dieu pour le couple : « L’homme quittera son père et sa mère ; il s’unira à sa femme et ils ne feront qu’une seule chair. » Des épouses se plaignent que leur mari n’a pas quitté sa mère, ce qui met en cause la construction du couple.

Il importe que le père et la mère éduquent le garçon au respect de la femme et à la construction du couple et de la famille.

Les « coqs » et les « guerriers » ne rendent pas les familles heureuses !

C’est quoi un homme ? Il arrive que des femmes déclarent désabusées : « L’homme a un problème ! ».

« Voici l’homme !» (Jn 19,5), s’était exclamé Pilate le Vendredi saint. Il ne pensait pas si bien dire.

« Voici l’homme ! » Cette déclaration prophétique de Pilate interpelle l’homme contemporain. Qu’est-ce qu’un homme ? Où se trouve la grandeur de l’homme ? Tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples ont célébré les héros qui ont versé leur sang pour Dieu, pour la patrie, pour défendre la justice et les faibles … L’Église célèbre avec éclat ses martyrs. Le plus grand des martyrs est Jésus, le témoin fidèle de Dieu.

Pilate a eu raison de dire à la foule « Voici l’homme ! » En effet, Jésus est l’homme parfait qui a donné sa vie pour sauver l’humanité.

Le philosophe français, Blaise Pascal (1662) a écrit : « Le propre de la puissance est de protéger [4]».  La puissance de l’homme se manifeste dans la protection de la vie.

La femme a connu des évolutions et des révolutions qui ont modifié considérablement son statut social et sa mentalité. Elle ne votait pas, maintenant elle assume les plus hautes responsabilités dans l’État. Elle restait souvent à la maison accomplissant un véritable labeur de gestion et d’éducation des enfants, maintenant elle assume et le travail professionnel et la prise en charge de la maison et des enfants. Elle dépendait de l’homme dans sa vie sexuelle et pour la maternité, maintenant elle décide d’avoir ou de ne pas avoir d’enfants et de gérer sa sexualité sans lien direct avec la maternité. Il arrive que l’homme demande dans le couple à avoir un enfant et la femme refuse. La femme peut aussi vivre la maternité sans mener une existence conjugale par les techniques artificielles de fécondation. Il arrive que des femmes déclarent ouvertement : « Nous allons prendre le pouvoir. »

En revanche, l’homme continue son travail, sa vie sexuelle et sa participation à la politique comme dans les siècles précédents.

Il ne se passe pas un jour sans que les moyens de communication sociale racontent des faits de violence conjugale qui peuvent aller jusqu’au meurtre.

Comment dépasser les rapports de domination qui ne conduisent qu’au malheur ? Comment harmoniser les relations homme et femme et sur quelles valeurs ? En quoi consiste le pouvoir et la force ? Quel est le but de l’existence ?

Ces questions ne sont pas inutiles. Elles s’avèrent même indispensables.

Quel est l’image de l’homme aujourd’hui ? Quelle est son identité ?

La publicité et les films nous montrent un idéal masculin qui repose sur l’avoir : des richesses, le pouvoir, la musculation, des tatouages, des vêtements et des voitures de luxe … Tout cela constitue des moyens. Les médias exaltent aussi l’image de l’homme séducteur, fêtard, avec la mentalité d’un adolescent qui ne s’engage pas et qui critique tout sans construire grand-chose. Parmi ces exemples, il y a James Bond. Image affligeante d’un irresponsable stérile.

Où se trouve donc le sens de la vie de l’homme ?

« Voici l’homme ! » Jésus représente la perfection de la masculinité, pleinement homme et pleinement Dieu. Jésus est l’homme qui est allé le plus loin dans l’amour des autres parce qu’il est allé le plus loin dans sa relation à Dieu le Père. Comme la croix comporte une dimension verticale vers le Ciel et une dimension horizontale, ainsi l’homme trouve son équilibre et sa perfection dans la relation verticale avec Dieu et dans la relation horizontale avec ses frères et ses sœurs en humanité.

Le saint pape Jean Paul II nous a donné une belle formule pour le mystère de Jésus qui éclaire le mystère de tout homme : « Jésus est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme. » (Ecclesia in America, n° 67). L’homme a une vocation à partager la vie de Dieu et à protéger la vie du prochain.

Le philosophe italien Jules Evola a parlé de l’homme « crustacé » pour évoquer la dureté extérieure et la mollesse intérieure qui peuvent menacer l’homme. D’ailleurs, plus l’homme sent sa faiblesse et plus il fait montre de force et l’inverse. Comme dit le proverbe : « Dis-moi de quoi tu te vantes et je te dirai ce qui te manque ! ».

Il convient de parler de la virilité spirituelle, de cette force d’âme au service de la vie sans peur ni mollesse. D’ailleurs la virilité spirituelle est vécue par des femmes qui aiment de manière désintéressée en faisant face à de nombreuses épreuves et souffrances pour protéger la vie.

L’homme aime les défis que ce soit dans le sport, dans la politique, dans l’économie ou dans l’amour. Aujourd’hui, l’homme à un défi à relever pour harmoniser les relations familiales dans la force de l’amour et de la vérité.

L’historien anglais Arnold Joseph Toynbee (1975), après avoir étudié l’histoire des civilisations, est arrivé à la conclusion que les civilisations naissent en réponse à un défi. Des « minorités créatrices » apportent alors une vision et elles conçoivent des plans d’action pour l’ensemble de la société. Les civilisations déclinent quand le défi disparaît. D’où sa phrase lapidaire : « Les civilisations meurent par suicide, non par meurtre. »

L’Église catholique a aussi un défi à relever dans la pastorale des hommes. Ils sont rares dans les églises par rapport au nombre de femmes. Pourquoi ? Pour quel motif les hommes ne sont-ils pas attirés par la prière communautaire et la catéchèse ? Faut-il renouveler la pastorale et la spiritualité masculine ?

Dans son Exhortation apostolique catholique aux hommes, mes fils spirituels du diocèse de Phoenix , datée du 29 septembre 2015, Monseigneur Thomas J. Olmsted, évêque de Phoenix (États-Unis), analyse l’évolution de l’identité masculine et il propose des pistes pour un renouveau de l’évangélisation de l’homme et de sa mission dans l’Église.

Chaque diocèse gagnerait à contextualiser la réflexion sur le plan local.

Les jeunes garçons ont besoin de « tuteurs » pour grandir dans la droiture aussi bien dans les quartiers que dans les paroisses.

Certaines activités peuvent être vécus entre hommes. Nous avons des exemples dans le pèlerinage des pères de famille, ou dans le cycle de formation biblique à l’île Maurice « Jésus, vrai homme ».

Il faudrait aussi travailler l’image de l’homme dans le cœur des femmes et des enfants. Je me souviens de cet enfant qui disait en catéchèse, probablement en reprenant des propos de sa mère : « Les hommes, on n’en a pas besoin ! » Déclaration qui renvoyait à des souffrances : alcoolisme, irresponsabilité, violences, infidélité …

Des études statistiques récentes en Martinique signalaient que 60% d’enfants grandissaient sans père. L’absence du père a des conséquences négatives profondes sur l’enfant. La mère doit accomplir les rôles du père et de la mère.

En prison, des personnes détenues avouent toujours souffrir de l’absence du père : « Je n’ai jamais appelé un homme en lui disant ‘papa’ ».

« Voici l’homme Jésus ! » Il est le modèle de masculinité réussie !

Il s’avère nécessaire de travailler l’identité masculine et de la mettre en valeur.

  • Ne pas cacher la mort aux enfants

L’historien de la mort, Philippe Ariès, disait, il y a déjà une quarantaine d’années, que la mort avait remplacé la pornographie comme sujet tabou à ne pas évoquer en société.

L’enfant a besoin d’aborder le réel et d’en recevoir des explications sur la vie et la mort, autrement il plonge dans des silences d’angoisse et de refoulement, tout en passant des heures à « tuer » sur les jeux vidéo.

  • La généalogie de Jésus

Saint Matthieu commence son Évangile avec la généalogie de Jésus où figurent le roi David, adultère et assassin, ainsi que des femmes de mœurs douteuses et d’origine étrangère : Tamar qui se déguise en prostituée ; Rahab, étrangère de la ville de Jéricho, prostituée professionnelle ; Bethsabée, adultère, mariée à Urie, le Hittite ; Ruth, étrangère de Moab.

Dans toutes les familles, il y a des sujets de honte et de scandale.

La Bible appelle « une histoire sainte » les histoires des hommes et des femmes pécheurs que Dieu a sanctifiés dans sa miséricorde.

À la lumière de la généalogie de Jésus, toute famille peut être fière de la vie reçue et de la vocation universelle à la sainteté.

À proprement parler, il n’y a pas de bonnes familles et de mauvaises familles. Toutes les familles sont aimées de Dieu, revêtues de la dignité sacrée de fils et de filles de Dieu et destinées à partager la gloire de Dieu, par pure grâce, moyennant la foi en Jésus le Christ, né d’une femme, Marie, qui a été enfant et adulte pour récapituler l’histoire de l’humanité l’élevant par sa Croix à la lumière de sa Résurrection.

  • Participer à des projets humanitaires

La doctrine sociale de l’Église met en lumière des valeurs fondamentales : la participation à la vie politique, sociale et économique, le développement des talents et le bien commun, le souci prioritaire des pauvres et des personnes vulnérables …

Il convient de valoriser le travail en équipe et le sens des responsabilités. Avec les parents, premiers responsables de l’éducation des enfants, l’Église forme un grand nombre d’enfants dans la catéchèse, les paroisses et l’Enseignement catholique. L’esprit missionnaire comprend la culture du projet humanitaire. Il reste beaucoup à faire pour développer la culture de la participation. Des formations à la gestion des projets pourraient être insérées dans les cours donnés aux enfants et aux jeunes, de façon à écrire ensemble des projets et à les mener à bien de manière rigoureuse et honnête. Il y aurait alors, non seulement de bons résultats matériels dans les domaines de l’économie et de la santé, mais aussi un recul de la peur de s’engager et la croissance du sens de la responsabilité. En réussissant dans l’accomplissement de petits projets, les enfants et les jeunes accepteront d’assumer des responsabilités de plus en plus importantes.

Qu’il est dommage de voir des projets échouer faute de formation [5]! Par ailleurs, de bons projets pourraient voir le jour dans une culture du projet où l’Église a un rôle important à jouer.

Dans l’Évangile, ce qui est partagé est aussi multiplié. Les cinq pains et les deux poissons apportés par un enfant ont nourri la foule (cf. Jn 6,1-16). Jésus déploie sa puissance dans le partage et la faiblesse des moyens.

La foi en Jésus se manifeste dans la confiance mise dans des projets au service de ceux qui en ont besoin.

Saint-Denis (La Réunion), le 21 juin 2021.

 

 

 

 

[1] Cf. ZENIT, 5 juin 2021 « Ce sont les audacieux qui changent le monde ». Le pape reçoit le « Projet Policoro ».

[2] Giorgio La Pira, L’attesa della povera gente, LEF, Firenze 1978, 20.

[3] Cf. https://www.equipes-notre-dame.fr/

[4] Blaise Pascal, Pensées diverses VI, Fragment n°5/5.

[5] DOMUNI universitas (https://www.domuni.eu/fr/) , université dominicaine numérique, propose une formation à la gestion des projets : Ancrer le changement en mode de projet. Fr. Manuel Rivero O.P., professeur de théologie, doyen de la faculté des sciences sociales de « DOMUNI universitas ». D.E.A en sciences économiques. Docteur en théologie et en sciences de la communication. Madame Marie-Laure Dufour, formatrice consultante, directrice de « Faire plus » (http://www.faireplus.com/) et fondatrice de « Lab to Be » (abtobe.com).

 




La prière continuelle – P. Matta el-Maskîne

Il faut prier sans cesse, sans jamais se lasser ( Lc 18, 1)

La vie, en son sens le plus profond, se résume en deux actes permanents d’une extrême simplicité, le premier est l’amour dont la source est Dieu, et le deuxième, l’adoration qui est le propre de la création : « Dieu est amour » (I Jn 4, 16). « Je ne suis que prière » (Ps 109, 4).

Ces deux actes sont d’une permanence qui ne souffre aucune interruption ; ainsi, Dieu ne cesse d’aimer la création, et la création ne cesse d’adorer Dieu : « Je vous le dis, si eux se taisent, les prières crieront » (Lc 19, 40).

Tous les actes et les multiples occupations de cette vie passeront et disparaîtront, après nous avoir valu condamnation ou récompense, et il n’en restera que ces deux actes extraordinaires : l’amour de Dieu pour nous, et notre adoration de Dieu. Ces deux-là ne passeront jamais et demeureront éternellement, Car Dieu est heureux de nous aimer : « Je mis mes délices, dit-il, à fréquenter les enfants des hommes » (Ps 8, 31), et nous trouvons tout notre bonheur dans l’adoration de Dieu.

Cette adoration est une intuition divine déposée par Dieu au cœur de la nature de l’homme, afin qu’il soit heureux d’adorer la source du vrai bonheur. Cela, nous l’avons touché du doigt, expérimenté et vérifié maintes et maintes fois ; nous avons acquis la certitude que la prière et l’adoration sont sources de bonheur permanent. Y a -t-il donc moyen de mener une vie d’adoration et de prière ininterrompues, de mettre Dieu au centre de notre pensée, de faire que tous nos actes et nos comportements gravirent autour de lui, de vivre en sa présence du matin au soir et du soir au matin ?

En vérité, cette œuvre-là n’est pas une sinécure ; elle exige de notre part une grande détermination, de la persévérance et beaucoup d’attention. N’oublions pas toutefois que, ce faisant, nous réalisons le summum de la volonté et du plan divins, et que, par conséquent, nous y serons immanquablement aidés, aimés et guidés par Dieu.

Nous résumerons l’essentiel de cet exercice de la manière suivante :

Premièrement : les objectifs de la prière continuelle :

  • Vivre en permanence en présence de Dieu.

  • Associer Dieu à toutes nos activités, à toutes nos pensées, et connaître sa volonté.

  • Accéder à une vie de joie, en nous approchant de la source même du bonheur : Dieu, et jouir de son amour.

  • Acquérir une haute connaissance de Dieu en son être même.

  • Pratiquer un heureux détachement des choses de ce monde, sans rien y regretter.

Deuxièmement : Quelques directives concernant la prière continuelle :

  • Raviver le sentiment d’être en la présence de Dieu qui toit tout ce que nous faisons et entend tout ce que nous disons.

  • Essayer de lui parler de temps en temps, avec des phrases courtes qui traduisent nos états du moment.

  • Associer Dieu à nos travaux en lui demandant d’être présent à nos activités, lui en rendre compte après les avoir terminées, l’en remercier en cas de réussite, lui dire nos regrets en cas d’échec, tout en recherchant les raisons : peut-être nous sommes-nous éloignés de lui, ou avons-nous omis de demander son aide ?

  • Essayer de percevoir la voix de Dieu à travers nos travaux.

Bien souvent il nous parle intérieurement mais, ne lui étant pas attentifs, nous perdons l’essentiel de ses orientations.

  • Dans les moments critiques, quand nous recevons des nouvelles alarmantes, ou quand nous sommes agressés, demandons-lui aussitôt conseil ; il est dans l’épreuve l’ami le plus cher et le conseiller le plus sûr.

  • Dès que le cœur commence à s’irriter et les sentiments à s’agiter, tournons-nous vers lui pour calmer cette agitation néfaste avant qu’elle n’envahisse notre cœur ; envie, colère, jugement, vengeance, tout cela nous ferait perdre la grâce de vivre en sa présence, car Dieu ne peut cohabiter avec le mal.

  • Essayer autant que possible de ne pas l’oublier, en revenant aussitôt à lui, dès que nos pensées sont prises en flagrant délit de vagabondage.

  • Ne pas entreprendre un travail ou donner une réponse avant de recevoir une incitation de Dieu. Celle-ci devient de plus en plus discernable à la mesure de la fidélité de notre marche en sa présence et de notre détermination à vivre avec lui.

Troisièmement : Principes de base pour une vie de prière continuelle :

  • Crois-tu en Dieu ? Alors, que Dieu soit à la base de tous tes comportements ; avec lui, accueille tout ce que tu rencontres dans la vie, bonheur ou tristesse. Que ta foi ne change pas chaque jour au gré des circonstances. Ne laisse ni le succès augmenter ta foi, ni l’échec, la perte ou la maladie, l’affaiblir ou l’anéantir.

  • As-tu accepté de vivre avec Dieu ? Alors une fois pour toutes, mets en lui toute ta confiance, et n’essaie pas de reculer ou de battre en retraite. Sois-lui fidèle jusqu’à la mort.

  • Confie-lui toutes tes affaires matérielles et spirituelles ; il est vraiment à même de les régir toutes. Sache que la vie avec Dieu supporte tout : maladie, faim, humiliation… et ne sois pas surpris si ces choses-là t’arrivent ; prends patience et tu les verras se transformer et se ranger toutes de ton côté pour ton plus grand bien.

  • Centre ton amour sur Dieu et ne laisse pas les obstacles amoindrir cet amour ; au contraire, accueille toute souffrance sans amertume mais avec douceur, à cause de cet amour, car l’amour véritable transforme la souffrance en bonheur.

  • Heureux ceux qui ont été jugés dignes de souffrir pour son nom. Plus heureux encore ceux qui souhaitent ardemment se sacrifier par amour pour son nom.

P. Matta el-Maskîne

                                                        Extrait de « L’expérience de Dieu dans la vie de prière »

                                                               (Abbaye de Bellefontaine – Editions du Cerf)




Le Mystère de la Trinité (4) : «  L’œuvre de l’Esprit Saint, Troisième Personne de la Trinité »

 

        « Si vous m’aimez », nous dit Jésus, « vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité », l’Esprit Saint Troisième Personne de la Trinité, « lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous », en côte à côte, en face à face, comme peuvent l’être deux personnes bien distinctes l’une de l’autre, « et il sera en vous » par le Don qu’il ne cesse de faire de Lui‑même, le Don de « l’Esprit Saint », Plénitude d’Être (« Dieu Est Esprit » (Jn 4,24)) et de Vie (« L’Esprit est Vie » (Rm 8,10)), de Paix, de Douceur et de Joie (Jn 14,15‑17 ; Ga 5,22)…

            La mission première de l’Esprit Saint Seigneur à notre égard est en effet de nous donner la vie : « Je crois en l’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » (Crédo). Il l’a déjà fait en participant, avec le Père et le Fils, à notre création. « Je crois en Dieu, le Père tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre » (Crédo), ce Père qui a tout fait par son Fils, « tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (Jn 1,3), et par l’Esprit Saint Seigneur… Souvenons-nous de l’image de St Irénée : le Fils et l’Esprit Saint sont « les deux mains du Père »…

            Nous pressentons d’ailleurs la Présence de cet Esprit Saint Seigneur dans le second récit de la création : « Le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2,7). L’image du « souffle de vie » renvoie à cette Plénitude spirituelle d’Être et de Vie qui est celle de Dieu Lui-même : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et « l’Esprit est Vie » (Rm 8,10). Le prophète Isaïe fait d’ailleurs un lien explicite entre « l’Esprit » et « le souffle » en un texte où il évoque le Dieu Créateur : « Ainsi parle Dieu, le Seigneur, Lui qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le souffle au peuple qui l’habite, et l’esprit à ceux qui la parcourent » (Is 42,5). Et c’est justement dans ce Don du Souffle de Vie, de l’Esprit de Vie, que nous pressentons la Présence de cette Troisième Personne de la Trinité, cet « Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » en donnant ce qui le constitue Lui-même, sa Plénitude d’Être et de Vie, le Souffle de Vie, l’Esprit de Vie, « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)…

            Tout homme est donc une créature spirituelle, et c’est d’ailleurs, dans sa dimension spirituelle que se cache le mystère de sa vie. Avant que Dieu ne lui communique son Souffle de vie, il n’était qu’une ‘statue d’argile’, pour reprendre l’image du Livre de la Genèse qui évoque ainsi notre dimension matérielle de chair et de sang. Et ce n’est que lorsque Dieu a ‘soufflé’ en cette ‘statue’ que cette dernière est devenue « un être vivant »… Ce « Dieu » qui « Est Esprit » (Jn 4,24) et Vie nous a donc donné à notre tour d’être « esprit » (cf. 1Th 5,23) et vie en nous donnant d’avoir part à son propre « Esprit », à sa propre Vie. Nous retrouvons la logique de l’Amour : aimer, c’est tout donner et se donner soi-même… Ce Dieu qui, de toute éternité, Est « l’Être Vivant » par excellence nous a tous créés « êtres vivants » en se donnant lui-même, par Amour… « Tu aimes tout ce qui existe et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24)… « Dieu a fait l’homme image de sa propre éternité », lit-on encore dans le Livre de la Sagesse (Sg 2,23), un texte que le Père Ceslas Spicq commente en écrivant : « Il faut au moins en conclure qu’ « être l’image » c’est « participer l’Être » et la Vie, donc ici celle du « Dieu vivant ».[1]

            Et ce Mystère de création se renouvelle instant après instant… En effet, nous lisons en Jb 34,14-15 : « Si Dieu tournait vers Lui son cœur », ce qu’il ne fait pas Lui qui est Pur Amour toujours tourné vers l’autre pour le meilleur de l’autre, « s’il concentrait en Lui son souffle et son haleine », ce qu’il ne fait pas puisque, étant Amour, il est Don éternel de tout ce qu’Il Est en Lui-même, gratuitement, par amour, « toute chair en même temps expirerait et l’homme retournerait à la poussière ». En effet, « c’est en elle », la Divinité, « que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17,28).  Ainsi, Dieu, instant après instant, par le Don gratuit de son Amour, maintient dans l’être et dans la vie toute femme, tout homme ici-bas, quoiqu’ils fassent, quoiqu’ils disent, quoiqu’ils pensent… Nous l’avons déjà vu, « il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5,45). Ce Don gratuit de l’Amour se communique ainsi aux hommes de volonté, aux cœurs ouverts, amis de la vérité, de la droiture, de la justice, en paix, autant que la faiblesse humaine le permet, avec leur conscience… Et pour les autres, ce même Don, en frappant à la porte des cœurs fermés (Ap 3,20), en courant après celles et ceux qui se sont détournés jusqu’à ce qu’il les retrouve (Lc 15,4-7), sera appel discret, fidèle et respectueux à se repentir, à consentir à faire la vérité pour recevoir le pardon, en surabondance, et avec lui, la possibilité de recevoir enfin tout ce dont ils s’étaient privés eux-mêmes par suite de leurs fautes : la Plénitude du Don gratuit de l’Amour qui, seul, peut nous apporter le vrai Bonheur…

            En effet, ce Dieu Amour qui « Est Esprit » nous a tous créés « esprit » pour que nous puissions participer, grâce au Don qu’il ne cesse de faire de Lui-même, à la Plénitude de son Esprit, et donc de son Être et de sa Vie. St Luc emploie alors une expression qui lui est propre : « être rempli du Saint Esprit », « le Don de Dieu » (Lc 1,15.41.67 ; Jn 4,10). Jésus apparaît ainsi dans son Evangile comme étant lui aussi « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1), et il en est bien ainsi de toute éternité, le Père lui donnant par Amour cette Plénitude d’Être et de Vie qui « l’engendre » en Fils « né du Père avant tous les siècles » (Crédo). Mais « être rempli du Saint Esprit », sous entendu par un Autre que soi-même, suppose d’être tourné de cœur vers cet Autre pour recevoir le Don gratuit de son Amour. Telle est l’attitude éternelle du Fils vis-à-vis du Père, « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), « demeurant dans son amour » (Jn 15,10), accueillant le Don de la Plénitude de sa Vie (Jn 6,57 ; 5,26) par le Don de l’Esprit Saint, ce Don que le Père ne cesse de lui faire. Le Fils est alors « rempli d’esprit Saint » par le Père, et cela depuis toujours et pour toujours. Or, c’est pour que nous puissions recevoir le même Don de Dieu que le Fils « s’est fait chair » (Jn 1,14) et nous a rejoints dans notre condition humaine. « Si tu savais le Don de Dieu », dit-il à la Samaritaine, « et qui est celui qui te parle, c’est toi qui l’aurait prié et il t’aurait donné de l’Eau Vive », c’est-à-dire ce Don de Dieu même, le Don de l’Esprit Saint Plénitude d’Être et de Vie (Jn 4,10 ; 7,37-39). Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut que nous acceptions, librement, de tout cœur, de nous tourner vers Dieu. D’où ces premières paroles de Jésus en St Marc : « Repentez-vous » (Mc 1,15), convertissez-vous, détournez-vous du mal, tournez-vous vers Dieu, et vous ne pourrez qu’être comblés par le Don gratuit de cet Amour qui ne cherche, ne désire, ne poursuit que le bien de tout être humain ici-bas…

            Qu’un homme, créature spirituelle, créature « esprit », en vienne à se détourner de cœur de son Créateur, et le voilà aussitôt privé de la Plénitude du Don de l’Amour, qui Est Esprit et Vie. Et c’est ainsi que la mort, au sens d’une privation d’une Plénitude de Vie, a fait son entrée dans le monde… St Paul l’évoque avec la figure d’Adam : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché » (Rm 5,12). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu », écrit-il encore (Rm 3,23), « Présence de Dieu se communiquant à l’homme de façon de plus en plus intime », précise en note la Bible de Jérusalem. Et l’on pourrait rajouter, par le Don de « l’Esprit de Gloire, l’Esprit de Dieu », pour reprendre une expression de St Pierre (1P 4,14). Toute l’œuvre de salut accomplie par Jésus consistera donc à nous redonner, gratuitement, par Amour, tout ce que nous avons perdu par suite de nos fautes. Le premier cadeau qu’il est venu nous offrir au Nom de son Père est donc le pardon de toutes nos fautes, en surabondance, inlassablement, car Dieu ne cesse d’Être Amour, quoique nous pensions, disions ou fassions… Et l’Amour ne cesse de poursuivre le seul bien de l’être aimé… « Dieu ne se lasse jamais de pardonner, jamais ! C’est nous qui nous lassons de lui demander pardon » (Pape François).

            « Et toi, petit enfant », dit Zacharie, le père de Jean-Baptiste, en regardant son fils qui vient de naître, « tu seras appelé prophète du Très-Haut ; tu marcheras devant, à la face du Seigneur », le Christ Jésus, « et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés, grâce aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu, dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en haut, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix » (Lc 1,76‑79). Le premier cadeau qui nous est offert, à nous pécheurs, est donc « la rémission des péchés », le pardon de toutes nos fautes, de tous nos actes manqués… Et nous constatons que nous retrouvons aussitôt tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes : la Lumière au lieu des « ténèbres », la Vie, une Plénitude de Vie au lieu de « l’ombre de la mort »… Jésus est donc bien « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), avec ce double sens que prend le mot péché dans la Bible : acte et conséquences de l’acte… L’acte est ‘effacé’ par le pardon, les conséquences de l’acte sont effacées elles aussi par ce Don que l’Amour n’a jamais cessé de faire de Lui-même, un Don que Jésus nous rend capables, par ce pardon proposé et reçu, de recevoir de nouveau… Et ce Don nous est communiqué par la Troisième Personne de la Trinité, l’Esprit Saint… « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23), grâce « à l’Esprit qui est Seigneur et qui donne la Vie » (Crédo)…

            Cette Vie est la Plénitude d’Être et de Vie que Lui-même reçoit du Père et du Fils en tant qu’ « il procède du Père et du Fils », le Fils recevant Lui-même cette Vie du Père en tant qu’il est « engendré non pas créé, né du Père avant tous les siècles »… Nous retrouvons toute cette dynamique dans les dernières paroles que Jésus a adressées à ses disciples peu de temps avant sa Passion : « J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de son propre chef, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous communiquera tout ce qui doit venir. Lui me glorifiera, car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera. Tout ce qu’a le Père est à moi. Voilà pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi ». Autrement dit, l’Esprit Saint nous fait « accéder à la vérité tout entière », qui est celle de Dieu Lui-même, Mystère éternel de Communion de Trois Personnes divines distinctes dans l’unité d’une même Plénitude d’Être et de Vie, « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), « en nous communiquant tout ce qui doit venir », c’est-à-dire cette Vie du Ciel même pour laquelle nous avons tous été créés. Mais cette Vie nouvelle et éternelle est la sienne : il la reçoit de Jésus en tant qu’il procède (du Père) et du Fils, et il nous la communique dans ce mouvement propre à l’Amour qui en Dieu est Don de ce qu’Il Est en Lui-même…

            Le mystère premier de la vie chrétienne réside donc dans l’accueil de ce Don gratuit de l’Amour, ce Don de l’Esprit Saint, Plénitude d’Être et de Vie, Trésor commun du Père, du Fils et du Saint Esprit, Trésor qu’ils veulent offrir à toute personne humaine qui acceptera de le recevoir, dans la vérité… Pour nous pécheurs, cette vérité est celle de nos misères, de nos failles, de nos blessures, de nos faiblesses, mais rien, absolument rien n’empêche notre Père de nous regarder comme ses enfants… Et si le mal fait en premier lieu du mal à celui qui le commet, « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait du mal » (Rm 2,9), un pécheur est d’abord pour Dieu un enfant en souffrance, et donc un enfant à guérir, un enfant qui demande des soins tout particuliers pour lui permettre de retrouver la paix profonde, fondement du seul vrai bonheur… Un pécheur est donc celui qui mobilise tout particulièrement l’attention de Notre Père des Cieux, ce « Père des Miséricordes » (2Co 1,3) qui, n’étant qu’Amour, ne cesse, inlassablement, de poursuivre notre seul bien… Dès lors, le plus grand pécheur, et donc le plus grand souffrant, sera celui dont l’état bouleversera le plus le cœur de Dieu, et donc qui le plus invité à recevoir ses trésors de Miséricorde, de Compassion et de Bonté, et cela bien sûr, avec un cœur droit, loyal et sincère… Autrement, cela voudrait dire que nous sommes toujours dans le péché, le mensonge, et donc… dans la souffrance intérieure… face à laquelle Dieu ne pourra qu’avoir toujours et encore cette même attitude, cette réaction propre à l’Amour qui ne cesse envers et contre tout de chercher encore et toujours le bien de l’être aimé. « Quand nous sommes infidèles, Dieu lui reste à jamais fidèle car il ne peut se renier Lui-même » (2Tm 2,13) : il Est Amour, en tout son Être, Amour Pur qui ne désire et ne poursuit, inlassablement, que le bien de celles et ceux qu’Il aime…  L’invitation qu’il nous adresserait en pareil cas ne pourrait donc qu’être invitation pressante à renoncer à tout mensonge, à tout calcul, pour retrouver une conscience droite et avec elle, le Don surabondant de son pardon et de son Amour pour connaître enfin cette intensité de Vie insoupçonnée, qui est celle de Dieu Lui-même…

            Et dans cette dynamique propre à l’Esprit Saint Seigneur, « donner la vie » en donnant « l’Esprit qui vivifie », ce Don spirituel n’opèrera pas simplement le pardon des péchés, le passage de la mort à la vie, des ténèbres à la Lumière, de l’angoisse à la paix, mais il apportera aussi toutes ces richesses propres à l’Amour, ces charismes qui permettront à tous les pécheurs pardonnés que nous sommes de pouvoir rendre témoignage, chacun à sa façon, à la Miséricorde toujours fidèle et surabondante de Dieu… « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien de tous. À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter. Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier » (1Co 12,4-10), pour son bien et le bien de tous… « Heureux ceux qui croient sans  avoir vu ! » (Jn 20,29)…

D. Jacques Fournier

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[1] SPICQ C., « eikvn », Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 429-431.