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L’Ascension par P. Claude Tassin (5 Mai 2016)

Actes des Apôtres 1, 1-11 (« Tandis ques les Apôtres le regardaient, il s’éleva »)

Le texte, qui ouvre le livre des Actes des Apôtres, se divise en trois parties.

1) Le prologue s’adresse à Théophile, qui était déjà le destinataire, réel ou fictif, du «premier livre», l’évangile de Luc. Pour l’auteur, la mission du Christ va du «commencement», c’est-à-dire le Baptême de Jésus par Jean, jusqu’à l’Ascension, une autre manière de parler de Pâques : Jésus le Crucifié est exalté par Dieu. Dans son évangile, Luc place l’ascension au soir de Pâques (Luc 24, 50-52) ; au début des Actes, il la situe au bout de quarante jours d’apparitions «pédagogiques». Ce sont deux manières de présenter, dans le temps, un mystère qui échappe au temps.

2) L’ultime dialogue s’articule ainsi : les Apôtres vont être baptisés dans l’Esprit Saint, comme Jésus le fut au seuil de sa mission (Lc 3, 21-23). En bons lecteurs des prophètes, ils pensent que la fin des temps arrive, puisque l’Esprit revient. Jésus va donc restaurer l’État d’Israël. Qu’ils se détrompent! L’Esprit les fera prophètes, témoins de Jésus, pour prolonger son message «jusqu’aux extrémités de la terre».

3) La scène de l’ascension elle-même est sobre : «* ils le virent s’élever»… L’accent porte sur l’intervention des deux êtres «en vêtements blancs», des anges. Par eux, le Ciel confirme notre espérance (Christ viendra), mais nous interdit toute attente béate et stérile et nous pousse au témoignage, par la force de l’Esprit.

* «Ils le virent s’élever»… «Iils le regardaient»…, «à leurs yeux»…, «ils fixaient le ciel»…, «pourquoi… regarder vers le ciel»…, «de la même manière que vous l’avez vu»… Cinq mentions de «vision» pour treize lignes du lectionnaire! Qui peut faire plus ? Pourquoi cette insistance ? La clé se trouve dans la scène de l’ascension d’Élie en 2 Rois 2, 1-14, où se trouve la même insistance : Élisée recevra la plénitude de l’Esprit prophétique d’Élie s’il voit l’enlèvement céleste de son maître. Et il le voit ! Or, pour saint Luc, Jésus est le nouvel Élie. Comme Élisée hérita de l’Esprit prophétique d’Élie, de même les Apôtres vont hériter, à la Pentecôte, de l’Esprit de Jésus. Ne coinçons pas nos doigts entre l’arbre et l’écorce en prétendant trouver «ce qui s’est passé» (l’écorce) dans le mystère indicible de l’Ascension (l’arbre) ! Contentons-nous de comprendre ce que Luc veut nous dire en recourant à l’icône de l’ascension d’Élie : nous avons à continuer par le monde entier l’œuvre prophétique de libération que Jésus a inaugurée au pays des Juifs..

Lettre aux Hébreux 9,24-28 ; 10,19-23 (« Le Christ est entré dans le ciel même »)

L’Ascension est l’entrée de Jésus, le grand prêtre, dans le sanctuaire du ciel, et notre entrée à sa suite. La figure du grand prêtre juif nous parle peut-être peu. Alors, dans le contexte de ce passage, prenons l’image plus séculière d’un délégué, notre représentant auprès de Dieu. Jésus, notre délégué, entre chez Dieu, rouvre la porte, *«le rideau du Sanctuaire» et, à nous qui sommes massés derrière lui, il reviendra dire qu’il a gagné notre cause, que nous sommes admis auprès de Dieu.

Pourtant, nous pourrions hésiter à suivre l’auteur, pour trois raisons : 1) Ce délégué nous représente-t-il vraiment ? Ne défend-il pas ses propres intérêts ? Non, dit la Lettre aux Hébreux : ce médiateur a payé de son sang l’accès auprès du Maître de l’univers. 2) Admettons ! Mais sommes-nous sûrs qu’il est bien entré chez Dieu, et non pas dans un de ces vestibules d’attente que sont les temples terrestres ? «Il est entré dans le ciel même» et Dieu l’a même «établi» sur sa «maison», affirme l’auteur. 3) Soit ! Mais une foule de médiateurs prétendent faussement nous conduire à Dieu. Ce n’est pas le cas, répond l’auteur, de celui qui se donne lui-même totalement, «une fois pour toutes».

* Le rideau du Sanctuaire. L’auteur songe au voile qui séparait le Saint des Saints du reste du Temple. Le grand prêtre, et lui seul, traversait une fois par an ce rideau, au jour du Grand Pardon (le Kippour) pour obtenir de Dieu le pardon des péchés commis par le Peuple élu. C’est cette tenture que les évangiles voient se déchirer lors de la mort de Jésus (Marc 15, 38). Par ce symbole, ils signifient à la fois la fin du culte ancien de Jérusalem et l’accès de tous les humains, sans plus de voile, auprès de Dieu.

La lettre aux Hébreux choisit une autre transposition : chaque année, le grand prêtre, gravissait quelques marches pour exerceer sa fonction (symbole horizontal) sans vraiment rencontrer Dieu ; le Christ, lui, par sa résurrection, est monté dans le vrai Saint des Saints, une fois pour toutes (symbole vertical). Nous bénéficions de son ministère sacerdotal de pardon.

 

Luc 24, 46-53 (« Tandis qu’il les bénissait, il fut emporté au ciel »)

Luc boucle son évangile en une journée, celle de Pâques. Le soir, après l’épisode des disciples d’Emmaüs, Jésus rejoint «les onze apôtres et leurs compagnons». Il leur livre son ultime testament et les entraîne vers le lieu de son ascension.

Le testament de Jésus

Le testament de Jésus est un envoi pour lequel d’abord «il leur ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures» (verset 45) : nous devons lire l’Ancien Testament avec des lunettes chrétiennes, c’est-à-dire comme une carte tracée par Dieu pour nous conduire à la révélation de son Fils. D’ailleurs la mission confiée à l’Église par Jésus se branche sur le dernier prophète de l’Ancien Testament, Jean Baptiste, qui «proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés» (Luc 3, 3).

Luc annonce aussi le plan des discours que prononceront les Apôtres dans les synagogues juives. C’est d’ailleurs le schéma de toute prédication chrétienne : la Passion, la résurrection du Christ, l’appel à la conversion en vue du «pardon des péchés», nouveau départ dans la vie, une grâce divine que le monde juif expérimente au jour du Grand Pardon (le Kippour).

Ce message concerne «toutes les nations, en commençant par Jérusalem» : ce que Jésus a inauguré au sein de son peuple, «les témoins» l’exporteront par le monde entier. Ils pourront le faire parce qu’ils vont recevoir la «force venue d’en haut», c’est-à-dire l’Esprit Saint que Jésus reçut à son baptême et qui anima sa mission de Messie prophète. Que les disciples doivent être «revêtus» de l’Esprit est une expression étrange. Elle vient du passage biblique selon lequel l’Esprit prophétique passa à son disciple Élisée par le biais du vêtement de son maître Élie (2 Rois 2, 13-15 – comparer 1 Rois 19, 19 !). Or, pour Luc, Jésus est le nouvel Élie transmettant à ses disciples l’Esprit qui aniimait sa mission terrestre.

L’Ascension

La fin de l’évangile de Luc et le début des Actes des Apôtres se «tuilent», selon un procédé littéraire cher à l’évangéliste : mêmes derniers entretiens de Jésus avec les siens, même programme d’une mission universelle, même scène d’ascension (cf., ci-dessus, le commentaire de la 1ère lecture).  Mais les points de vue diffèrent. Les Actes situent l’ascension sur le mont des Oliviers (Actes 1, 12 – comparer Zacharie 14, 4), et l’icône est celle du nouvel Élie, le prophète, qui revêtira ses disciples de son Esprit prophétique. L’évangile situe l’ascension à Béthanie, là où les croyants avaient proclamé la souveraineté de Jésus (voir Luc 19, 29-38), et l’icône est celle d’un nouvel Élie *grand prêtre en qui le culte nouveau se réalise. D’ailleurs, c’était le 1er du mois de Nisan, peu avant la fête de la Pâque, que le nouveau grand prêtre entrait en fonction.

Du Temple au Temple

L’évangile de Luc commençait au Temple, avec la vision de Zacharie, père de Jean Baptiste. Il s’achève au Temple, avec les disciples de Jésus qui ont désormais un grand prêtre céleste (2e lecture). Ils attendent, dans une grande joie la venue de l’Esprit par qui va s’ouvrir un culte nouveau, et qui fera d’eux les témoins de la mission de Jésus par tout l’univers.

*Jésus, grand prêtre. Selon Luc, Jésus avait annoncé «une année de bienfaits», allusion à l’année jubilaire juive en laquelle les dettes étaient remises et les esclaves libérés (cf. Luc 4, 18). Or, c’est le grand prêtre qui ouvrait officiellement l’année jubilaire, à la fête du Grand Pardon (le Kippour). Et nous lisons, au terme de l’évangile : «levant les mains, il les bénit». Jésus imite le grand prêtre qui, lors du Grand Pardon, bénissait l’assemblée prosternée (voir la scène en Siracide 50, 20-21).

Certains cercles juifs d’alors spéculaient sur l’existence d’un grand prêtre qui, monté au ciel, officiait devant Dieu et reviendrait à la fin des temps libérer son peuple : pour les uns, c’était Élie – or, Luc voit en Jésus le nouvel Élie ; pour d’autres, c’était le patriarche Hénoch, né sans père selon les légendes ; pour les gens de Qumrân, c’était Melkisédeq (cf. Genèse 14, 17-20), figure du Christ selon la Lettre aux Hébreux. Le Nouveau Testament exploite les figures légendaires susceptibles de donner toute son ampleur à la mission du Christ.

 




Rencontre autour de l’Évangile – 6ième Dimanche de Pâques

« Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole »

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Ensemble lisons et situons le texte (Jn 14, 25-27)

Dans le discours après la Cène, Jésus vient d’annoncer la mission de l’Esprit qui le rendra présent dans l’Eglise. A ceux qui gardent sa Parole, son Père et lui se feront connaître : ils habiteront en eux comme dans un temple. Et l’Esprit les conduira vers la vérité toute entière. Dès maintenant Jésus leur lègue la paix qui sera le fruit de sa victoire sur le péché et sur la mort.

Soulignons les mots importants

Si quelqu’un m’aime : Jésus dit clairement c’est quoi l’aimer.

Fidèle à ma parole : Que signifie ce mot « fidèle» appliqué à la parole de Jésus ?

Nous viendrons chez lui : De qui Jésus parle-t-il en disant « nous » ?

Demeurer auprès de lui : Comment comprendre ce mot « demeurer » ? Qu’est-ce qu’il nous dit d’important de la vie du chrétien ?

Du Père qui m’a envoyé : Jésus dit clairement qu’il a reçu une mission : de qui et dans quel but ?

L’Esprit Saint : Quel sera le rôle de cette Personne que Jésus révèle ?

La paix : C’est quoi cette paix que Jésus laisse à ses disciples

« Je m’en vais et je reviens » : Comment comprendre cette parole de Jésus ?

Le Père est plus grand que moi : Cette parole de Jésus est étonnante. N’est- il pas le Fils, en tout égal à son Père ?

 

Ta Parole dans nos cœurs

 Contemplons le Seigneur Jésus.

Jésus fait à ses amis, et à nous, des révélations très importantes sur lui, sa mission, sur Dieu, sur l’Esprit Saint, sur la dignité du baptisé.

Chacun peut redire une parole de Jésus qui l’a touché, quelques mots importants du texte, répétés comme en écho.

 

Pour l’animateur

  • Aimer Jésus, c’est essentiellement être fidèle à sa parole, garder sa parole, mettre en pratique l’Evangile : en un mot le commandement de l’amour. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime » (Jn 14, 21). Il faudrait ici lire tout le Sermon de Jésus sur la Montagne (Mt Ch.5,6,7). Ce n’est pas une affaire de sensibilité. Ce n’est pas dire « Seigneur, Seigneur…Mt7,21) »

     Etre fidèle à la parole de Jésus, c’est finalement être fidèle à Jésus lui-même et au Père qui l’a envoyé : ne pas s’écarter de lui, lui rester attaché de manière durable, même et surtout dans les moments difficiles. Cette fidélité n’est possible que par le don du Défenseur, l’Esprit de vérité.

     Le résultat de cette fidélité à Jésus, c’est l’habitation de « la famille divine » en chacun des chrétiens : en disant « nous viendrons chez lui », Jésus nous révèle qu’il est intiment uni au Père et à l’Esprit dans le coeur du baptisé. Comme le dit l’apôtre saint Paul « vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes…ous êtes de la famille de Dieu » (Ep 2,19)

     Jésus se reconnaît comme l’Envoyé du Père : et il est en permanence en communion avec lui. Tout ce qu’il dit et tout ce qu’il fait exprime la parole et l’action de son Père. Cependant, dans la condition humaine, sa gloire de Fils éternel, égal au Père, est voilée : c’est ce que Jésus veut dire en disant « le Père est plus grand que moi. » Le Père est plus grand parce que tout vient de lui et tout va à lui : en particulier l’envoi du Fils et sa glorification. Cela montre combien Jésus se reconnaît vraiment l’un de nous, acceptant avec amour et soumission sa condition humaine.

     Le soir de Pâques, en se montrant à ses disciples, la première parole qu’il leur dit c’est « Paix à vous » et il souffle alors sur eux en leur disant « recevez l’Esprit-Saint » (Jn 20, 19-22). Cette paix, c’est le salut (pardon et vie de Dieu) que Jésus a mérité par sa mort et sa résurrection, et qu’il communique par son Esprit. C’est la paix messianique annoncée par les prophètes et que Jésus donne à ses disciples pour toute la durée de l’histoire, quelles que soient les épreuves.

     « Je m’en vais et je reviens vers vous » c’est ainsi que Jésus annonce sa mort et sa résurrection : il est désormais présent, mais d’une autre manière, de façon permanente auprès de ses disciples et ce doit être pour eux une source de joie.

 

 

L’ Évangile aujourd’hui dans notre vie

Souvent nous cherchons Dieu en dehors de nous. Où est Dieu ?

Que nous révèle Jésus dans cet Evangile ? Cela devrait entraîner des conséquences pour notre vie quotidienne ? pour notre prière. (Cherchons ensemble)

 Nous connaissons bien des bouleversements dans le monde et dans l’Eglise :

Pouvons-nous citer quelques-uns qui peut-être nous touchent de plus près ? Quelles sont nos raisons de ne pas désespérer ? (Jésus lui-même nous dit : nous avons un Défenseur. Il nous assure de sa présence : « Je m’en vais et je reviens vers vous ». Sa présence met notre coeur dans « sa paix »)

 Jésus ne cesse de communiquer sa paix par son Esprit-Saint (lorsque nous sommes en relation avec lui, dans un groupe de disciples, dans la prière, dans l’accueil de sa parole, dans l’eucharistie

Comment vivre de cette paix ? Quels sont les lieux sur notre paroisse ou notre commune…où nous voyons des situations de « non-paix » ? Comment faire gagner la paix ?

L’Esprit Saint est le « maître intérieur » de l’Eglise et de chacun de nous. C’est lui qui enseigne à comprendre et à vivre l’Evangile aujourd’hui.

Quel temps donnons-nous à la prière personnelle, à la méditation de l’Ecriture, à notre formation chrétienne : dans les groupes de réflexion, dans les propositions de formation proposées par le diocèse ?

Ensemble prions 

 

O Christ, toujours vivant dans ton Eglise Conduis-là par ton Esprit à la plénitude la vérité. Tous : Reste avec nous, Seigneur Jésus. Tu veux habiter en nous avec le Père et l’Esprit-Saint : Donne- nous le goût de la Parole et aide-nous à la mettre en pratique. (Tous : reste …) Par ta résurrection, tu as vaincu la mort et les forces du mal, et tu nous donnes ta paix : soutiens notre combat pour faire reculer la violence. Chant : Seigneur, foyer d’amour p.115 Ou Donne à ceux qui demandent p.233

 

 

 Pour lire ou imprimer le document en PDF cliquer ici : 6ième Dimanche de Pâques Année C

 

 

 

 

 

 

 

 

 




L’Annonciation du Seigneur par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures de la messe du lundi 4 Avril 2016

 

Isaïe 7, 10-16 (Voici que la Vierge concevra)

Rappelons d’abord que la solennité de «l’Annonciation» n’est pas une fête mariale, mais une fête du Seigneur Jésus, la célébration de son «incarnation» en Marie (le 25 mars et le 25 décembre se font chronologiquement pendant, évidemment).

Les circonstances historiques de l’oracle

«Les deux rois» (finale du texte) de Damas et de Samarie vont assiéger Jérusalem pour forcer le roi Acaz à se coaliser avec eux contre l’Assyrie. S’il refuse, ils le déposeront, le remplaceront par un inconnu de leur choix, et ce sera la fin de l’alliance de Dieu avec la «maison de David», la dynastie de David. Acaz a choisi de se soumettre à l’Assyrie. Dans la culture de l’époque, cela signifie que ce traité de vassalité soumet le Dieu d’Israël aux dieux assyriens.

La position du prophète Isaïe

La position d’Isaïe, qui s’affronte à son roi, est claire : Pas d’alliance avec l’Assyrie ! Il faut tenir bon dans la confiance envers le Dieu qui a juré fidélité à David. Et si Acaz doute, qu’il demande à Dieu un signe extraordinaire. Mais le roi ne veut pas faire marche arrière ; il se dérobe au conseil d’Isaïe par un argument de fausse piété : il ne faut pas tenter le Seigneur, dit-il, en lui demandant un signe.

La promesse de l’Emmanuel

Dans ce cas, répond le prophète, Dieu fournira son propre signe aux incrédules, puisque c’est le Seigneur lui-même qui propose son signe : «la jeune femme», la reine, femme d’Acaz, est enceinte. Le fils qui naîtra s’appellera *Emmanuel, car on verra que «Dieu est avec nous». Sa nourriture sera le lait et le miel, signe d’abondance et de paix pastorale. Il aura le discernement qui manque à Acaz, son père. Et avant même qu’il ait atteint l’âge de raison, l’Assyrie aura châtié Damas et Samarie. Pour nous, la promesse de l’Emmanuel trouvera tout son sens dans la venue de Jésus, né de la Vierge Marie.

* L’Emmanuel (en hébreu Immanou-El = «Avec nous Dieu») rendrait Dieu présent «avec nous» par ses qualités. Ainsi naquit Ézékias, fils et successeur d’Acaz ; mais il fut un souverain décevant. Pourtant, la Bible conserva l’oracle de l’Emmanuel. Si aucun roi, dans l’histoire, ne réalisait l’idéal annoncé par Isaïe, pensait-on, on devait encore attendre avec confiance celui qui serait le vrai Messie. Puis les Juifs d’Alexandrie traduisirent Isaïe en grec. «Voici que la jeune femme conçoit», lisait-on en hébreu. Ce qui devint, en grec : « oici que la vierge concevra.» Cette vierge est l’Israël idéal qui donnera le Messie au monde. La Bible grecque offrait aux évangélistes un dernier chaînon pour rendre compte de la conception virginale de Jésus (cf. Matthieu 1, 22-23 ; Luc 1, 31).

Hébreux 10, 4-10 (« Je suis venu pour faire ta volonté »)

L’auteur anonyme de la Lettre aux Hébreux s’adresse à des chrétiens qui fondaient trop leur foi sur le culte du Temple de Jérusalem ; il leur montre que la venue du Christ doit changer notre lecture de l’Ancien Testament. Dans ce passage, il raisonne ainsi, sur trois plans.

1) Selon notre auteur, dans le Psaume 39 [40], c’est le Christ qui, prophétiquement, parle par avance. Il dit que Dieu n’attend pas de lui, pour montrer la fidélité de sa mission terrestre, des sacrifices matériels, mais l’offrande de son corps, de toute sa personne, en totale obéissance à sa volonté : «Me voici, je suis venu pour faire ta volonté.» Dans ces quelques mots se résument le mystère et le sacrifice de la Croix, aboutissement de l’Incarnation.

2) L’auteur précise alors : les sacrifices du Temple de Jérusalem étaient prescrits par la Loi de Moïse. Or, avec la venue du Christ, Dieu «n’en a plus voulu». C’est donc qu’un nouveau culte, l’offrande de soi du Christ, remplace l’ancien.

3) De fait, par cette volonté de Dieu accomplie jusqu’au bout, par le don de soi du Christ en sa Passion, nous sommes «sanctifiés», c’est-à-dire de nouveau en relation vraie avec Dieu – et cela «une fois pour toutes», alors qu’avant, à Jérusalem, il fallait refaire chaque année les mêmes sacrifices pour obtenir le pardon divin, la restauration de bonnes relations avec lui.

Ainsi, l’Incarnation annoncée à Marie (évangile) inaugure la route du *sacrifice de la Croix qui aboutit à notre rédemption. Dieu n’attend plus que nous lui offrions «des choses», mais que nous nous offrions sans cesse à son vouloir, à la suite d’un Christ «frère des hommes».

* Le sacrifice de la Croix. « En souffrant pour nous, [le Fils de Dieu] ne nous a pas seulement donné l’exemple, afin que nous marchions sur ses pas, mais il a ouvert une route nouvelle : si nous la suivons, la vie et la mort deviennent saintes et acquièrent un sens nouveau (Vatican II, Gaudium et Spes, n° 22).

 

Luc 1, 26-38 (Marie comblée par Dieu)

Pour présenter *l’incarnation du Messie et la mission de sa Mère, Luc utilise le schéma biblique des récits d’Annonciation (voir le même schéma dans l’Annonciation à Joseph, ci-dessus, le 19 mars). On en repère aisément les éléments principaux :

Manifestation du messager de Dieu.

L’ange Gabriel s’est présenté à Zacharie (Luc 1, 11.19). La seconde Annonciation, à Marie, ne se situe plus dans le Temple illustre de Jérusalem, mais dans un lieu retiré, en Galilée. Jésus sera le Messie des humbles, le Galiléen. Luc présente Marie comme une vierge (cf. 1ere lecture) et comme accordée en mariage à «un homme de la maison de David», la famille dont doit naître le Messie. Selon la coutume, un temps notable s’écoulait entre la conclusion du mariage et l’installation de l’épouse chez son époux. L’ange salue Marie en lui donnant pour nom «Comblée de grâce», un titre dans lequel la Tradition catholique voit le signe de sa conception immaculée. «Le Seigneur est avec toi» : cette formule, dans maints récits de vocation (Moïse, Exode 3, 12 ; Gédéon, Juges 6, 12), signifie que Dieu confie une mission à quelqu’un et lui apporte son soutien.

Réaction de Marie.

Zacharie était saisi de crainte (Luc 1, 12). Le bouleversement de Marie tient simplement à une interrogation sur ce que Dieu attend d’elle. Luc signale la non-foi de Zacharie (Luc 1, 20) et la foi de Marie (1, 45). Mais il serait vain de chercher les indices de ce contraste : le récit n’en livre aucun.

Le message de l’ange.

Voici en quoi Marie est «comblée de grâce» : Dieu la charge d’enfanter le Messie. Car l’ange assemble, dans son annonce, une mosaïque d’expressions qui renvoient notamment à la prophétie de l’Emmanuel : «Voici que la vierge enfantera et concevra un fils» (Isaïe 7, 14, selon la Bible grecque ; voir aussi Isaïe 9, 6). Le messager céleste s’exprime selon les clichés de l’Ancien Testament, même si, en profondeur, «le règne qui n’aura pas de fin» évoque déjà le règne du Christ ressuscité (Actes 2, 29-36).

Objection, réponse et don d’un signe.

Si Marie connaît, imaginons-le, les merveilleuses naissances de la Bible, comme celle d’Isaac (voir Genèse 17). Si elle sait que sa mission s’impose, son actuelle virginité n’est-elle pas un obstacle insurmontable au projet divin ? L’objection de l’élue permet à l’ange Gabriel d’approfondir, pour nous lecteurs, le mystère du Messie : nouvelle Ève, Marie enfantera le Vivant (Luc 24, 5) par un acte de l’Esprit qui présidait à la première création (Genèse 1, 2). La puissance de Dieu investira Marie, telle la nuée du désert «prenant sous son ombre» la Demeure de Dieu (Exode 40, 35). Et puisque l’Esprit créateur est «saint», l’enfant sera «Saint», consacré. Cet adjectif, chez les premiers chrétiens, est un des titres les plus anciens du Messie (cf. Luc 4, 34 ; Actes 3, 14).

Déjà – tel est le signe donné par l’ange et que Marie vérifiera par la bouche de sa cousine –, Dieu a réalisé pour Élisabeth, stérile et âgée, ce qu’il avait accompli pour Sara (cf. Genèse 18, 14). Marie croit-elle que Dieu peut faire plus encore, et introduire son Fils, grâce à elle, par une création qui enracine Jésus en «Adam, fils de Dieu» (Luc 3, 38) ?

La foi de Marie

Oui, selon le récit de Luc, elle le croit ! Elle est la figure de l’Église chargée d’enfanter son Sauveur au monde d’aujourd’hui. Elle est le modèle de tout croyant qui se fait serviteur de la parole du Seigneur, qui sait que «rien n’est impossible à Dieu».

* L’incarnation. «Parce que [dans le Christ] la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché» (Vatican II, Gaudium et Spes, n° 22).

 

 




2ième Dimanche de Pâques par P. Claude Tassin (3 Avril 2016)

Actes des Apôtres 5, 12-16 (La communauté des premiers chrétiens)

L’Église unit des gens qu’a priori rien ne rassemble, sinon le fait qu’ils vivent une communion sans pareille parce qu’ils éprouvent au milieu d’eux la présence de celui qui, depuis l’Ascension, est l’Absent. Dans les Actes des Apôtres, Luc résume cette expérience en *trois sommaires (égrenés au 2° dimanche de Pâques des années A, B, C) montrant comment les chrétiens découvrent cette présence de l’Absent. Le 3° sommaire, aujourd’hui, souligne trois traits :

Signes et prodiges

Les Apôtres continuent les «signes et prodiges» accomplis par Jésus. Le contact physique de Pierre guérit, et même son ombre, comme naguère le contact de Jésus (Marc 6, 56). Partout où l’Église s’occupe de la santé des humains, le Christ ressuscité révèle sa présence.

Crainte et attachement

La communauté, dit Luc, produit une double réaction dans l’environnement : de crainte sacrée (on n’osait pas se joindre à eux) et d’attirance (on s’attachait au Seigneur par la foi). Les vraies Églises révèlent toujours une présence mystérieuse et attirante, celle du Christ. Ce sentiment ambigu du sacré se traduit dans certaines traditions animistes par cette boutade (que j’ai entendue) adressée aux chrétiens : «Nos fétiches ne peuvent rien contre vous, car les vôtres sont plus forts que les nôtres.»

Le portique

Luc montre les croyants déambulant, au Temple de Jérusalem, sous le «portique» de Salomon. Les philosophes grecs les plus populaires de ce temps étaient ceux du Portique, ou stoïciens. Ils déambulaient sous les portiques pour délivrer leur enseignement à leurs adeptes. l’Église essaie toujours de participer aux meilleurs courants de pensée de son temps.

* Les trois sommaires sur la première Église. Luc parsème ses Actes des Apôtres de « sommaires », des résumés ou refrains, soit qu’il se trouve à court de documents pour présenter les premières Églises, soit qu’il veuille nous livrer par là, dans les années 80, son interprétation des origines chrétiennes. Ainsi a-t-il bâti trois sommaires sur l’Église de Jérusalem, trois tableaux subtils dont se serviront ensuite, parfois sans grand discernement, certaines Églises et maints instituts religieux. Le 1er sommaire (Actes 2, 42-47), année A, insiste sur la communion fraternelle. Le second sommaire, Année B, toujours au 2e dimanche de Pâques (Actes 4, 32-35), insiste sur le partage concret incarnant cet idéal de communion. Les trois sommaires reprennent une même expression : «d’un même cœur». Ces tableaux de l’Église primitive ne décrivent pas un l’âge d’or du christianisme. Cet âge d’or n’a jamais existé. Luc indique simplement à quelles conditions les Églises à venir seront des témoins authentiques du Christ ressuscité.

 

Psaume 117 (« Le jour que fit le Seigneur »)

Nous retrouvons ce psaume que nous chantions en la veillée pascale et au matin de Pâques. En ce dimanche, le poème a peu à voir avec la lecture des Actes qui le précède. Il s’agit d’une prière « phare » pour l’ensemble du temps pascal. Rappelons la mise en scène proposée par le livre des psaumes : un roi, après une victoire difficile, vient rendre grâce au Temple. Il converse rituellement avec le peuple qui l’entoure et les prêtres qui accueillent le souverain. Cette forme de dialogue apparaît mieux dans les versets retenus aujourd’hui :

Le roi : Oui, que le dise Israël !

Le peuple : Éternel est son amour !

Le roi : Oui, que le dise la maison d’Aaron [= les prêtres]^ :

Le prêtre  :  Éternel est son amour !

Le roi :  Qu’ils le disent ceux qui craignent le Seigneur [= le peuple et les prêtres] :

Tous :  Éternel est son amour !

Le prêtre :  La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle.

Tous : C’est là l’œuvre du Seigneur, La merveille devant nos yeux.

Le prêtre : Voici le jour que fit pour nous le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

Tous : Donne, Seigneur, donne le salut !  Donne, Seigneur, donne la victoire !

[Que] Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! [= Bénis-nous avec le roi sui vient.]

Le prêtre : De[puis] la maison du Seigneur, nous vous bénissons !

Tous : Dieu, le Seigneur, nous illumine !

Inutile d’expliciter le sens pascal chrétien de ce psaume, à moins d’une totale absence de sens poétique. Cependant, rappelons que dans le prêtre, nous entendons la voix de Dieu le Père ; que, par la voix du roi, c’est le Christ ressuscité qui s’exprime, et que, par le tous, c’est nous qui disons notre foi pascale.

Ajoutons un détail : l’expression «donne le salut» a été rendu curieusement dans la Bible grecque par Hosanna, une version conservée pour l’entrée de Jésus à Jérusalem, à savoir une annonce de la victoire pascale :  Hosanna au Fils de David !  Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (Matthieu 21, 9). Ce texte est passé dans notre liturgie eucharistique, avec une transposition. Car, au départ, il faut comprendre ceci : Que soit beni par le nom du Seigneur – par les prêtres – celui qui vient, c’est-à-dire le roi qui va entrer dans le Temple. La tradition juive et chrétienne a compris : «celui qui vient au nom du Seigneur», c’est-à-dire le Messie.

 

Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19 (« J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles »)

Les visions de l’Apocalyse présentent des icônes littéraires : elles dépeignent des tableaux du Christ ressuscité en collant ensemble, de manière inattendue et poétique, des citations de l’Ancien Testament.

Aujourd’hui, nous lisons la vision inaugurale qui éclaire tout le livre. Jean, auteur inconnu (ce n’est pas l’évangéliste du même nom), est déporté sur l’île de Patmos en raison de la persécution menée par l’empereur Domitien (81-96). L’assemblée eucharistique, «le jour du Seigneur», est pour l’auteur l’occasion d’une vision : derrière lui s’ouvre le Temple du ciel aux sept chandeliers (le Temple de Jérusalem n’avait qu’un chandelier à sept branches). Si Jean tombe «comme mort» d’émotion (un cliché des apocalypses juives), c’est en découvrant le «Fils d’homme» annoncé par Daniel 7, 13-14 et le grand prêtre céleste ; car la ceinture d’or barrant la poitrine est un insigne sacerdotal. Il s’agit surtout du Ressuscité qui détient les clés de la Mort et ouvre les portes de la vie à ceux qui meurent par fidélité à leur foi. Le dimanche, *«jour du Seigneur», nous n’avons sans doute pas de visions, mais la certitude répétée que notre foi au Ressuscité nous sauvera de la mort.

* Le jour du Seigneur. C’est le grand jour ! «Le jour de gloire est arrivé», chante la Marseillaise. Dans l’Ancien Testament, sous la plume des prophètes, le «jour du Seigneur», espéré comme un jour de victoire, devint un jour de jugement divin sans concession (voir Amos 5, 18). Chez les chrétiens, le dimanche, c’est-à-dire, selon l’étymologie latine (dominica dies), le jour du Seigneur redevient un jour d’espérance, dans la suite du Christ, premier-né de notre future résurrection.

 

Jean 20, 19-31 (« Huit jours plus tard, Jésus vient »)

Cette page d’évangile, lue chaque année en ce dimanche, constituait sans doute primitivement la fin de l’évangile de Jean et son sommet. Quatre séquences nous conduisent pas à pas à saisir notre situation de croyants.

Il était là

C’est l’apparition de Jésus aux disciples, le soir de Pâques. Jean ne précise pas l’identité du groupe : il vise toute la communauté chrétienne, et pas seulement les Onze. C’est une réunion liturgique, «le premier jour de la semaine» (cf. «le jour du Seigneur», 1ère lecture). Alors Jésus «vint», *«il était là» et se fait reconnaître comme le Crucifié. On dit pas qu’il traverse les portes verrouillées, mais qu’il se rend présent dans une totale liberté. C’est pour les disciples une bénédiction (ils sont «remplis de joie») et un acte de foi, car ils voient non pas seulement Jésus, mais «le Seigneur». Celui-ci apporte la paix qu’il avait promise (cf. Jean 14, 27) et les recrée : comme Dieu «insuffla dans les narines (d’Adam) le souffle de vie», Jésus répand sur eux son souffle et leur donne mission de remettre ou de maintenir les péchés, de discerner le bien et le mal dans ce monde divisé. Ce qui se réalisera, grâce au baptême et à la lutte contre le péché, par exemple par la prière (cf. 1 Jean 5, 16-17).

Ainsi s’accomplissent les grandes promesses de la Bible : la nouvelle création, **la venue de l’Esprit qui purifie (Ezékiel 36, 25-27) et le pardon des péchés inaugurant l’Alliance nouvelle (Jérémie 31, 31-34).

Une transition

Les disciples ont vu et ils ont cru. Ils communiquent à Thomas leur credo pascal : «Nous avons vu (celui qui est maintenant) le Seigneur». Thomas repousse leur témoignage ; il lui faut des signes miraculeux (voir le reproche de Jean 4, 40).

Avec Thomas

C’est la seconde apparition avec la présence de Thomas, «le huitième jour». Grâce à la parole de Jésus, Thomas accède à la vraie foi. Les païens saluaient l’empereur Domitien comme «notre Seigneur et notre Dieu» ; c’est Jésus que le disciple confesse ainsi : «mon Seigneur et mon Dieu», les titres mêmes du Dieu d’Israël. Les autres avaient reconnu le Seigneur ; lui confesse le Verbe de Dieu qui est retourné en Dieu, dans la gloire qu’il avait «avant le commencement du monde» (Jean 17, 5).

Thomas est béni comme le dernier de ceux qui ont vu et qui ont cru. Depuis que ces témoins ont disparu, nous sommes bénis comme «ceux qui croient sans avoir vu».

Conclusion

«il y a encore beaucoup d’autres signes…» Jean ne dit pas que le Christ se sépare des disciples. Car il nous reste une présence invisible, grâce à l’Esprit qui apporte le pardon, qui nous rappelle et nous fait comprendre ce que Jésus a fait et dit «en présence des disciples». Ce souvenir nous conduit à la foi en Jésus comme Fils de Dieu, et la foi nous conduit à la vie.

* «Il était là». Les récits d’apparitions pascales tentent de rendre ce qui dépasse l’expérience ordinaire. Les témoins constatent que Jésus est vivant, que sa présence s’impose et qu’il leur donne une mission. Leur vocabulaire est riche et varié : Il se fit voir, il vint, il se tint au milieu d’eux, il les rencontra, il s’approcha d’eux, il se manifesta. L’expérience des premiers témoins fut sans pareille ; mais les mots qu’ils emploient disent que, dans notre vie aussi, le Ressuscité se rend présent.

* La venue de l’Esprit. On ne date pas la venue de l’Esprit Saint sur un calendrier et les évangélistes cherchent seulement à déployer la richesse du don de cet Esprit. Si on traduit Jean 19,30 par «il transmit l’Esprit», alors cet Esprit, signifié par l’eau et le sang, est offert dans le don suprême de la croix. En Jean 20, c’est au soir de Pâques que le Christ souffle l’Esprit de la création nouvelle. La Pentecôte juive célébrant l’alliance du Sinaï, c’est ce jour-là que Luc situe l’irruption de l’Esprit de la nouvelle alliance (Actes 2).

 

 

 

 

 

 

 




Messe Christmale 2016 : homélie de Mgr Gilbert Aubry

« LEVEZ-VOUS, ALLONS ! » (St Jean Paul II)

prodigueCette année, d’une manière particulière, nous sommes invités à accueillir et à vivre la miséricorde qui nous vient du Père, par Jésus le Christ, dans le souffle de l’Esprit. Père, Fils, Esprit. L’Humanité a toujours été à la recherche de Dieu. Dans sa longue histoire, c’est seulement depuis 2000 ans que les disciples de Jésus-Christ se situent sous le signe de la croix glorieuse. Nous faisons le signe de la croix sur nos corps pour dire que nous demandons à Dieu de nous prendre pour Lui, de nous protéger en nous maintenant en sa sainte volonté. Le baptême nous fait devenir enfants de Dieu et de l’Eglise. Nous devenons membres du Christ, prêtres, prophètes et rois.

Pape FrancoisLorsque nous chantons parfois « Peuple de prêtres, peuple de rois », il s’agit de toute l’Eglise, de tous les baptisés ensemble, en route vers la sainteté, vers la plénitude du Royaume. Isaïe avait déjà prophétisé « Vous serez appelés « Prêtres du Seigneur » ; ou on vous dira « Serviteurs de notre Dieu » (cf. Isaïe 61). L’Apocalypse de Jean écrit que Jésus-Christ « fait de nous un royaume de prêtres pour son Dieu et Père ». L’Evangile de Luc nous montre Jésus proclamant qu’aujourd’hui s’accomplit le passage de l’Ecriture « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce-que le Seigneur m’a consacré par l’onction, Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération ». C’est toute l’Eglise qui est sacerdotale, c’est toute l’Eglise qui est un « peuple sacerdotal ». Si dans l’Eglise, il y a des baptisés-confirmés qui sont appelés et ordonnés prêtres comme signes du Bon Pasteur pour être et agir « in persona Christi capitis » : « dans la personne du Christ, en tant que personne du Christ, Christ tête ». Rassembler, proclamer la Bonne Nouvelle, sanctifier. Vivre et proclamer la Bonne Nouvelle, pardonner les péchés, célébrer l’Eucharistie. Ce mystère est grand. Nous prêtres, nous l’expérimentons dans notre générosité et aussi dans nos faiblesses.

Nous expérimentons ce grand mystère dans notre générosité. La gratuité d’un moment de plénitude spirituelle peut nous être donnée dans la célébration d’un sacrement, dans les tâches multiples du service sacerdotal et pastoral, lorsque souvent nous supportons le poids du jour et de la chaleur. Je t’aime Seigneur tel que je suis en me laissant façonner par toi pour devenir ce que tu veux. Le poids du jour et de la chaleur, vous l’avez porté plus particulièrement la semaine dernière dans ces longues liturgies pénitentielles où la fatigue elle-même devenait sanctifiante. « Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » (Mc 2, 7). Va et ne pèche plusJésus pardonne « Va, ne pèche plus ». Nous ne sommes pas Dieu et nous pardonnons parce que nous recevons la mission de « lier et de délier » par le Christ lui-même. Nous ne sommes pas le Christ et pourtant, c’est Lui qui agit à travers nous et se rend présent avec son corps, son sang, son âme et sa divinité quand Il dit en nous « Ceci est mon corps… ceci est mon sang ». C’est lui qui agit et nous agissons en Lui parce que sa Parole est vraie sur chacun de nous. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et institués afin que vous partiez, que vous donniez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn15, 16). Le Christ souverain Prêtre nous aime comme le Père l’a aimé. Il donne sa vie pour ses brebis. En ne faisant qu’un avec le Christ, nous avons à vivre le commandement qu’Il nous laisse, plus particulièrement à nous ses prêtres bien-aimés. « Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 9). Cette messe chrismale et la célébration du Jeudi Saint nous remue d’une manière spéciale.

Le regard des brebis

Saint JeanLa grandeur du sacerdoce ministériel, nous l’expérimentons aussi dans nos faiblesses. Quand la communauté ecclésiale, le groupe, la paroisse, l’Eglise ne correspondent pas à l’idée que nous nous en faisions ou à celle que l’on voudrait avoir ou à celle qu’elle doit être, alors nous prêtres, nous pouvons connaître la tentation du doute. Nous pouvons nous sentir moches. Le désespoir peut arriver. Tentation de nous dire à nous-mêmes, je me retire. J’arrête. Mais déjà le regard des brebis qui nous ont été confiées par le Christ se pose sur nous et nous supplie : « Nous avons besoin de toi pour avancer, avance avec nous, nous avancerons avec toi ». Dans ce regard, nous rencontrons le regard du Christ qui s’était posé sur l’enfant, l’adolescent, le jeune homme, l’homme que nous étions, l’adulte que nous sommes devenus.

Ce regard était une Parole. Elle nous arrivait à travers la Tradition de l’Eglise, à travers la vie de l’Eglise dans notre vie. Dans le souffle de l’Esprit, c’est le Christ lui-même qui nous a dit « Viens, suis-moi, j’ai besoin de toi ! Je ferai de toi un pêcheur d’hommes ». Nous l’avons suivi dans la disponibilité et la joie. Et nous avons fait -ou nous ferons aussi- l’expérience de l’homme perdu, au creux même de notre ministère. Aujourd’hui, le regard du Christ se pose encore sur moi, sur toi, sur chacun de nous, prêtre. Christ-Bon-Pasteur-mosaïque-de-San-Lorenzo-détailJésus me soulève, moi brebis peut-être perdue. Il me prend sur ses épaules. Il me porte. Et nous voilà tête contre tête. Nos regards regardent ensemble dans la même direction, dans la même mission. Porter la Bonne Nouvelle, ensemble. En Lui, le Christ Jésus a besoin de mon regard en son regard pour descendre à la profondeur de la détresse humaine rencontrée en moi et dans les autres. En moi, j’ai besoin du regard du Christ Jésus en mon regard pour regarder la vie sauvée et transfigurée en Dieu. Chacun de nous peut se souvenir alors de la Parole que le Seigneur Jésus avait dite à Pierre « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois » (Lc 22,61). « Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7). Devenons en tant que prêtres « Miséricordieux comme le Père » dans nos regards, dans nos paroles, dans nos attitudes, dans nos relations. Comme l’apôtre Pierre, nous pouvons dire au Christ « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime » (Jn 21,15).

Saint Léon le Grand a écrit : « (…) cette adoption de notre nature par la divinité, grâce à laquelle le Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous, a-t-elle exclu aucun homme de sa miséricorde, sauf s’il refuse la foi ? L’homme n’a-t-il pas une nature commune avec le Christ, s’il a accueilli Celui qui a pris cette nature et s’il n’a été régénéré par l’Esprit qui a engendré le Christ ? Celui qui a pris la nourriture, a connu le repos du sommeil, le trouble de la tristesse, les larmes de l’amitié ; cela ne prouve-t-il pas qu’il avait pris la condition d’esclave ? » (Bréviaire T. II, p. 239). La condition du serviteur des serviteurs de tous. Nos frères diacres par leur ordination et leur ministère nous rappellent à tous que cette dimension du service est fondamentale : nouer le tablier et nous laver les pieds les uns aux autres. Surtout quand c’est sale. Surtout quand ça sent mauvais.

Icône Christ TaizéAujourd’hui, chers frères prêtres, laissons-nous aimer par le Seigneur qui nous a choisis et qui nous choisit encore, pour « servir en sa présence ». Il sait bien de quelle pâte nous sommes pétris. Etant aimés par le Seigneur, nous pouvons à notre tour aimer comme Il nous aime, jusqu’au bout de l’amour. Dans un instant, nous allons renouveler nos promesses sacerdotales. En réalité, c’est Dieu qui s’est promis à nous en Jésus-Christ, par Lui et avec Lui le souverain prêtre éternel. Renouveler nos engagements, c’est d’abord reconnaître que Dieu lui-même a mis en nous prêtres le désir de répondre à son appel, l’intelligence, la compréhension de ce qu’Il attend de nous et la volonté de suivre le Christ, même « si parfois la croix nous semble dure et si nos mains craignent les clous ». Alors, n’hésitons pas à nous laisser renouveler par le Christ en renouvelant nos engagements. Que cela nous stimule à vivre cette fraternité sacerdotale qui sera pour les autres un témoignage et pour nous-mêmes un soutien tant pour notre vie personnelle que pour nos diverses missions pastorales. Comme disait le pape Jean-Paul II « Levez-vous, allons ! »

Île de la Réunion -Cilaos - Hélico

Ile de la Réunion : la ville de Cilaos, au pied du Piton des Neiges

Chers frères, chères sœurs, chers laïcs, chers amis, à La Réunion, nous avons la réputation de donner publiquement une place à la religion, au fait religieux. Nous sommes des êtres religieux. C’est bien. Mais est-ce que nous sommes vraiment chrétiens ? Nous n’avons pas fini d’apprendre à être vraiment disciples du Christ dans tous les domaines de notre vie. Il nous faut davantage mettre en cohérence notre vie et notre foi, dans la miséricorde et la patience de Dieu. Qu’il nous donne cet élan à faire Eglise dans l’Eglise même d’abord. Et le monde dira « Voyez comme ils s’aiment ». Sans le savoir, nous leur ouvrirons peut-être le chemin de la foi.

Chaque famille est telle qu’elle est, mais nous ne lâchons jamais cet idéal et ce soutien où Dieu Lui-même vient faire alliance avec un homme et une femme dans le mariage. Le sacrement de mariage c’est pour que la vie continue d’une génération à l’autre, pour que l’Eglise continue d’une génération à l’autre. Apprenons à nous écouter, à nous pardonner, à nous entraider pour que la violence disparaisse et que s’instaure un climat de paix.

le de la Réunion - Confirmation dans la chapelle du Cirque de Mafate

Ile de la Réunion – Confirmation dans la chapelle du Cirque de Mafate

Vous les jeunes, gardez en vous votre capacité d’émerveillement, de créativité. Vous avez des talents qu’il vous appartient de développer pour aimer, pour gagner votre vie, pour aider les autres à gagner leur vie, pour harmoniser notre société. Cherchez votre vocation. Cherchez et vous trouverez.

Confirmation Cirque de Mafate - Mgr Gilbert Aubry

Confirmation dans le Cirque de Mafate – Mgr Gilbert Aubry

« Consacrés par l’onction » que le Seigneur nous donne la grâce d’être réconciliés avec la grâce de notre baptême, de notre confirmation, de nos diverses consécrations, de notre ordination diaconale, de notre ordination presbytérale, de notre ordination épiscopale. En cette année de la miséricorde, ayant reçu la Bonne Nouvelle de la miséricorde, portons cette Bonne Nouvelle à tous les humbles, à tous les pauvres.

 

                                                                                       Monseigneur Gilbert Aubry

                                                    Messe Christmale, Eglise de St Louis, le mercredi 23 Mars 2016




Vivre du Dieu « Source de Vie »…

« Dieu est Esprit » nous dit St Jean (Jn 4,24) et il a créé l’homme « esprit » pour lui donner de pouvoir participer à ce qu’Il Est Lui-même. Notre « esprit » peut ainsi être comparé à une « capacité spirituelle » que Dieu désire « remplir » de ce qu’Il Est Lui‑même : son Esprit qui est Vie…

Le prophète Jérémie présente ainsi deux fois « Dieu » comme étant « une Source d’Eau Vive » :

Jr 2,13 : « Mon peuple a commis deux crimes :

Ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive,

pour se creuser des citernes,

citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau. »

Source 3

Jr 17,13 : « Espoir d’Israël, Yahvé,

tous ceux qui t’abandonnent seront honteux,

ceux qui se détournent de toi seront inscrits dans la terre,

car ils ont abandonné la source d’eaux vives, Yahvé. »

Le Psaume 36 présente également Dieu comme une Source :

Ps 36,10 : « En toi (Seigneur) est la source de vie,

par ta lumière nous voyons la lumière. »

St Jean reprendra l’image de l’Eau Vive en expliquant qu’elle représente l’Esprit de Dieu, et donc ce que Dieu Est en Lui-même :

Jésus Miséricordieux

 Jn 7,37-39 : « Le dernier jour de la fête, le grand jour,                                                     Jésus, debout, s’écria :

Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive,                                                      

              celui qui croit en moi !  

selon le mot de l’Écriture :                                                                                        

             De son sein couleront des fleuves d’eau vive.

Il parlait de l’Esprit                                                                                          

             que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui »…

Et puisque Dieu nous a tous créés pour être remplis de l’Eau Vive de son Esprit, tous les hommes ont un désir spirituel, une faim spirituelle, une soif spirituelle… Comme image, nous pouvons prendre notre corps qui a été créé pour vivre de ce qu’il reçoit : nourriture et boisson… Pour cela il dispose d’un « estomac » qui est « capacité corporelle » destinée à être remplie de ce pour quoi elle a été faite… Et lorsque notre « estomac » est vide, tout le corps réclame de la nourriture : nous avons faim, nous ne pouvons plus vivre pleinement, nous expérimentons une souffrance, un mal-être général… Par contre, quand il est plein, nous ressentons une impression de bien-être. Il en est de même de notre dimension spirituelle… Lorsque notre esprit ou notre cœur est vide des réalités spirituelles pour lesquelles il a été créé, nous expérimentons un manque, une faim, une soif de plénitude, le désir d’un bonheur profond qui n’est pas au rendez-vous, un mal-être difficile à exprimer, une tristesse générale mêlée de souffrance et d’angoisse… Et pourtant, Dieu n’a qu’un seul désir : le remplir, car il nous a tous créés pour cela…

C’est pourquoi le psalmiste exprime ce désir avec l’image de « la soif de Dieu », car il est une révélation indirecte de ce pour quoi nous avons tous été créés : pour être remplis de l’Esprit de Dieu, cette « Eau Vive » qui est Plénitude de Vie, de Paix et donc Bonheur profond, la seule qui peut combler notre soif profonde…

Cerf altéré - St Clément RomePs 42,2-3 :

« Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,

        ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu.

Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant.

Quand pourrai-je m’avancer,

          paraître face à Dieu ? »

Or, comme le disait le prophète Jérémie, en abandonnant Dieu « Source d’Eau Vive », l’homme se prive par lui-même de la Plénitude de cette Eau Vive, la Plénitude de la Vie éternelle… Mais comme nous avons tous été créés pour être comblés, pour être heureux, l’homme va se lancer dans une quête éperdue de bonheur… Et il le cherchera dans une recherche effrénée des plaisirs de la vie, du pouvoir, de l’argent, des réalités matérielles… Mais s’il est sincère avec lui-même, il ne pourra que constater que le vrai bonheur n’est toujours pas au rendez-vous… Alors, faut-il « avoir » plus ? Il essaiera, sans résultats… Peut-être faut-il être plus haut placé dans la société ? Il essaiera, sans résultats… Toutes ces quêtes sont comme des citernes qu’il prend beaucoup de peine à creuser en espérant qu’un jour elles seront pleines d’eau, et donc de vie, de promesses de vie, de rassasiement, de bonheur… Mais comme l’écrit Jérémie, elles sont fissurées dès le départ … Elles ne peuvent retenir l’eau et offrir le vrai bonheur, la vraie vie… L’espérance de plénitude ne peut qu’être déçue… Pire, le fait qu’elles soient à sec est synonyme de mort…

Le Père va donc envoyer le Fils dans le monde pour donner aux hommes de pouvoir retrouver avec Lui le chemin qui conduit à Dieu et donc à l’Eau Vive de l’Esprit qui ne cesse de jaillir de Lui pour combler ses créatures… « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi », disait St Augustin. Le Christ est ainsi venu offrir aux hommes, gratuitement, par amour, cette Plénitude d’Esprit et donc de Vie pour laquelle nous avons tous été créés…

Jésus et la SamaritaineDans l’Evangile selon St Jean, au chapitre 4, Jésus est présenté comme étant assis près d’un puits… Cette image visible est la révélation invisible de ce qu’Il Est de toute éternité : le Fils qui est tourné vers le Père « Source d’Eau Vive ». Voilà ce qu’il reçoit de Lui depuis toujours et pour toujours : l’Eau Vive de l’Esprit. Or, si Dieu est Esprit (Jn 4,24), ce mot « Esprit » suffit à lui seul pour évoquer le mystère de la nature divine, c’est-à-dire ce que Dieu Est en Lui-même. St Jean dira également « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) et deux fois « Dieu est Amour » (1Jn 1,4,8.16). Ces trois mots expriment donc des aspects d’une seule et unique réalité : cette nature divine que le Père donne au Fils de toute éternité. Et nous confessons du Fils dans notre Crédo : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu. Engendré non pas créé, de même nature que le Père »…

Ainsi, Jésus assis près du puits est une image du Fils toujours près du Père, tourné de cœur vers le Père (Jn 1,18), recevant du Père la Vie que le Père a en lui-même (Jn 5,26). Et il va dire « J’ai soif » à une femme samaritaine… En effet, il est « fatigué par la marche » et « c’était environ la sixième heure, c’est-à-dire midi ». La Samaritaine va s’étonner que Jésus lui adresse la Parole car la Loi interdisait à un homme d’aborder une femme seule, et les Juifs n’entretenaient pas de relations avec les Samaritains, leurs ennemis « héréditaires »… Mais Jésus fait tomber toutes ces barrières car il a, lui, le désir de partager avec elle ce Don de la Plénitude de l’Esprit qu’il ne cesse de recevoir de son Père et qui comble son cœur… Alors, il va lui mettre « l’eau à la bouche » et lui parler de cette Eau Vive en espérant que viendra le moment où elle aussi lui dira « J’ai soif » de recevoir cette Vie dont tu me parles…

Jn 4,10 : Jésus lui dit :

A – Si tu savais le don de Dieu                         Le Don de Dieu est évoqué

                   B – et qui est celui qui te dit :        Jésus demande à la femme

                                    C – Donne-moi à boire,                                      Donne-moi à boire

                   B’ – c’est toi qui l’aurais prié          La femme aurait demandé à Jésus

A’ – et il t’aurait donné de l’eau vive.                Le Don de Dieu est précisé : l’Eau Vive

Le texte est très bien construit : Jésus dit à la Samaritaine « Donne-moi à boire » pour qu’un jour la Samaritaine lui dise « Donne-moi à boire »… Jésus lui révèle ainsi le Don qu’il est venu offrir à tous les hommes : l’Eau Vive de l’Esprit, la seule réalité capable de remplir nos cœurs et donc de nous offrir la vraie Vie, le vrai Bonheur… Voilà pourquoi il nous invite à le demander en St Luc avec une incroyable insistance :

Lc 11,9-13 : « Et moi, je vous dis :

A – demandez et l’on vous donnera ;

         B – cherchez et vous trouverez ;

                  C – frappez et l’on vous ouvrira.

 A’ – Car quiconque demande reçoit ;

           B’ – qui cherche trouve ;

                   C’ – et à qui frappe on ouvrira.

Exemple I – Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson,

                             et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ?

Exemple II – Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ?

Conclusion : A – Si donc vous, qui êtes mauvais,

                                  B – vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,

                        A’ – combien plus le Père du ciel       (qui est infiniment bon)

                                    B’ – donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Demander, librement, manifestera alors notre désir de recevoir… Et nous ne pourrons qu’être exaucés car la Source n’a pas attendu notre demande pour couler : elle coule de toute éternité… Le Psalmiste exprime également ce Mystère de l’Amour de Dieu avec l’image du Soleil… Dieu est un Soleil, il ne cesse de briller, il ne cesse de donner la Lumière et il est Lumière… Autrement dit, il ne cesse de donner ce qu’il est en Lui‑même… Dieu est Esprit ? Il est Source, et ne cesse de donner l’Eau Vive de l’Esprit… Se tourner de tout cœur vers Lui, c’est déjà recevoir, gratuitement, par amour… Nous retrouvons cette phrase de Ste Thérèse de Lisieux, à appliquer littéralement à Dieu qui est Amour, et tout spécialement au Père : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même ». Dieu est Esprit ? Il donne l’Esprit… Dieu est Lumière, Soleil ? Il donne la Lumière…

Dieu Soleil

Ps 84,12 : « Le Seigneur Dieu est un Soleil…

                             Il donne la grâce,

                                    il donne la gloire »…

Alors, si nous répondons à l’appel de Dieu, « repentez-vous, tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les lointains de la terre » (Is 45,22), en tournant notre cœur vers la Source d’Eau Vive, nous serons intérieurement comme un jardin tout irrigué :

jardin arroséIs 58,11 : « Le Seigneur sans cesse te conduira,

il te rassasiera dans les lieux arides,

il donnera la vigueur à tes os,

et tu seras comme un jardin arrosé,

comme une source jaillissante 

                       dont les eaux ne tarissent pas.»

                                                                                   

C’est ce que dit Jésus à la Samaritaine :

Jn 4,13-14 : « Jésus lui dit :

Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau ;

mais qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ;

l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. »

Herbe-arrosée-300x183Et comme « un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27), celui qui a, c’est qu’il a reçu… S’il a reçu, c’est qu’il est tourné vers Dieu et ouvert à Dieu. Et comme Dieu est Source, il recevra et recevra encore : « C’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans votre sein » (Lc 6,38)…

Et le Christ va mourir sur la croix pour que nous puissions recevoir cette Eau Vive de l’Esprit. Là encore, le corporel est signe visible du spirituel. Un soldat romain va transpercer son cœur d’où s’écouleront sur la terre toute « l’eau et le sang » qui le remplissaient (Jn 19,33-35). Or dans la Bible, les deux sont symbole de vie. Ainsi, le cœur « spirituel » est désormais ouvert à tous les hommes et de lui s’écoule pour eux la Plénitude de l’Eau Vive de l’Esprit qui le remplit et qu’il reçoit de son Père de toute éternité… Avec Lui et par Lui, une Source a jailli en ce monde pour combler notre soif intérieure…

Waterfall

Joël 4,18 :

« Une source jaillira de la maison de Yahvé

et arrosera le ravin des Acacias »…

Deux images de l’Ancien Testament sont accomplies. Celle du Rocher :

Ex 17,1-7 : Toute la communauté des Israélites partit du désert de Sîn, sur l’ordre de Yahvé,

            et ils campèrent à Rephidim. Or il n’y avait pas d’eau à boire pour le peuple.

( 2)             Celui-ci s’en prit à Moïse; ils dirent : Donne-nous de l’eau, que nous buvions !

            Moïse leur dit : Pourquoi vous en prenez-vous à moi ?

            Pourquoi mettez-vous Yahvé à l’épreuve ?

( 3)             Le peuple y souffrit de la soif, le peuple murmura contre Moïse et dit :

            Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ?

            Est-ce pour me faire mourir de soif, moi, mes enfants et mes bêtes ?

( 4)             Moïse cria vers Yahvé en disant : Que ferai-je pour ce peuple ?

            Encore un peu et ils me lapideront.

( 5) Yahvé dit à Moïse : Passe en tête du peuple et prends avec toi quelques anciens d’Israël ;

            prends en main ton bâton, celui dont tu as frappé le Fleuve, et va.

( 6)             Voici que je vais me tenir devant toi, là sur le rocher (en Horeb),

            tu frapperas le rocher, l’eau en sortira et le peuple boira.

            C’est ce que fit Moïse, aux yeux des anciens d’Israël.

( 7)             Il donna à ce lieu le nom de Massa et Meriba,

            parce que les Israélites cherchèrent querelle

            et parce qu’ils mirent Yahvé à l’épreuve en disant :

            Yahvé est-il au milieu de nous, ou non ?

Ce texte sera très souvent repris par la suite (Nb 20,1-13 ; Is 48,21 ; Ps 78,15-16 ; 105,41 ; 114,8 ; Sg 11,4). Et l’image du rocher renvoie dans la Bible au Mystère de Dieu (Ps 18,3 ; 18,32 ; 18,47 ; 19,15 ; 28,1 ; 31,4…).

St Paul dira que ce rocher dans le Livre de l’Exode, c’était le Christ…

Jésus Miséricordieux1Co 10,1-4 : « Je ne veux pas que vous l’ignoriez, frères :

nos pères ont tous été sous la nuée,                                                                                          

tous ont passé à travers la mer,

tous ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer,

tous ont mangé le même aliment spirituel

et tous ont bu le même breuvage spirituel

ils buvaient en effet à un rocher spirituel                                                                                               

qui les accompagnait, et ce rocher c’était le Christ. »

Avec le Christ et par le Christ, vrai homme et vrai Dieu, c’est Dieu Lui-même qui a été frappé et l’Eau Vive de sa Vie s’écoule en Plénitude sur les hommes pécheurs qui l’ont frappé pour les guérir petit à petit de leur méchanceté et leur donner enfin d’aimer…

La deuxième image est celle du Temple.

            Ez 47, 1-12 : « Il me ramena à l’entrée du Temple,

            et voici que de l’eau sortait de dessous le seuil du Temple, vers l’orient,

            car le Temple était tourné vers l’orient.

            L’eau descendait de dessous le côté droit du Temple, au sud de l’autel.

(2)             Il me fit sortir par le porche septentrional et me fit faire le tour extérieur,

            jusqu’au porche extérieur qui regarde l’orient,

            et voici que l’eau coulait du côté droit.

(3)             L’homme s’éloigna vers l’orient, avec le cordeau qu’il avait en main,

            et mesura mille coudées;

            alors il me fit traverser le cours d’eau :

                        j’avais de l’eau jusqu’aux chevilles.

(4)             Il en mesura encore mille et me fit traverser le cours d’eau

                        j’avais de l’eau jusqu’aux genoux.            

            Il en mesura encore mille et me fit traverser le cours d’eau :

                        j’avais de l’eau jusqu’aux reins.

(5)             Il en mesura encore mille,

                        et c’était un torrent que je ne pus traverser,

                        car l’eau avait grossi pour devenir une eau profonde, un fleuve infranchissable.

Fleuve abondant

(6)             Alors il me dit : As-tu vu, fils d’homme?  

            Il me conduisit puis me ramena au bord du torrent.

(7)             Et lorsque je revins, voici qu’au bord du torrent

            il y avait une quantité d’arbres de chaque côté.

(8)             Il me dit : Cette eau s’en va vers le district oriental, elle descend dans la Araba

et se dirige vers la mer ; elle se déverse dans la mer en sorte que ses eaux deviennent saines.

(9)             Partout où passera le torrent, tout être vivant qui y fourmille vivra.

            Le poisson sera très abondant, car là où cette eau pénètre, elle assainit,

            et la vie se développe partout où va le torrent.

Réplique de la mosaïque de Madaba

Réplique de la mosaïque de Madaba (6° s) : le Jourdain (et ses poissons) se jette dans la Mer Morte, la Araba…

(10)             Sur le rivage, il y aura des pêcheurs.

            Depuis En-Gaddi jusqu’à En-Églayim des filets seront tendus.

  Les poissons seront de même espèce que les poissons de la Grande mer, et très nombreux.

(11)       Mais ses marais et ses lagunes ne seront pas assainis, ils seront abandonnés au sel.

(12)      Au bord du torrent, sur chacune de ses rives, croîtront toutes sortes d’arbres fruitiers

            dont le feuillage ne se flétrira pas et dont les fruits ne cesseront pas :

            ils produiront chaque mois des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire.

            Les fruits seront une nourriture et les feuilles un remède. »

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Le Christ en se présentant comme le vrai « Sanctuaire de Dieu » (Jn 2,13-22), car « le Père est en lui » (Jn 14,11 ; 17,21), accomplira ce texte… Et de son côté ouvert sur la Croix, le côté droit (Ez 47,2) d’après le Linceul de Turin, coulera en surabondance l’Eau Vive de l’Esprit qui purifie et rend la vie aux cœurs blessés par la mort du péché. Ce même Esprit nourrit et donne de porter du fruit en tout temps, des fruits pour la vie des autres… Et même les feuilles deviennent des remèdes pour guérir les malades. Ainsi, grâce à l’Esprit, ceux et celles qui le reçoivent contribuent à la vie du monde en tout ce qu’ils sont et en tout ce qu’ils font… Telle est l’Eglise qui, en témoignant de ce qu’elle a reçu elle-même de la Miséricorde de Dieu, travaille à ce que le plus possible de pécheurs puissent eux aussi vivre ce qu’elle a vécu. «  Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour », dit le Ressuscité à ses disciples, « et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins » (Lc 24,46-48), les heureux témoins…

                                                                                                                      D. Jacques Fournier

Dieu Source d’Eau Vive  cliquer sur le titre suivant pour accéder au fichier PDF pour lecture ou éventuelle impression




Session d’Introduction au Cycle Long 2016

Le dimanche 31 janvier, tous ceux et celles qui se sont inscrits à la formation Cycle Long (une journée par mois, pendant deux ans, pour approfondir sa foi) étaient invités à se retrouver au Collège St Michel, à St Denis. Ils étaient environ 220 « première année » et 110 « seconde année » à avoir pu faire le déplacement sur les 391 inscrits…

Dès l’entrée dans la cour du Collège, ils ont été accueillis par des membres de l’équipe Cycle Long (Une trentaine de bénévoles), aidés par des « seconde année » :

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Puis tous les participants ont été invités à se retrouver dans la grande salle d’étude du Collège, où Mario Lauret leur a présenté la Liturgie des Heures (Prière du Temps Présent) et plus particulièrement la prière du matin, les Laudes, que nous avons ensuite célébrée. Une équipe avait préparé les chants, les tons des Psaumes, les lectures, et pour une première fois pour beaucoup, le résultat fut plus qu’encourageant…

Puis l’équipe de Service Cycle Long s’est présentée, groupe par groupe, trente anciens du Cycle Long qui, au bout de leurs deux années, ont souhaité se mettre au service des nouveaux à St Benoît, Ste Suzanne, St Denis (deux groupes, samedi et dimanche) et St Louis (deux groupes, samedi et dimanche)… Et c’est grâce à eux, grâce à leur engagement, que cette formation peut exister…

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Puis nous avons partagé un bon petit déjeuner préparé par toute l’équipe (café, thé, pain, beurre, confitures, croissants, pains aux raisins, pains au chocolat, jus d’orange, etc…).

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Nous sommes ensuite remontés dans grande la salle d’étude, et D. Jacques Fournier a présenté le programme biblique des cinq premières rencontres qui seront consacrées au Mystère du Christ, le thème de l’année…

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Puis ce fut le tour du P. Christophe Kérhardy (SJ) de présenter le programme des quatre rencontres de théologie qui suivront, toujours consacrées au Mystère du Christ.

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Puis le Père Christophe Kérhardy est allé sous un des préaux de la cour, avec les « seconde année », sur le thème « Heureux les Miséricordieux », pendant que le D. Jacques Fournier proposait aux « première année » une introduction à la Bible:

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Nous sommes ensuite allés prendre le repas…

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Et l’équipe de Service avait bon appétit :

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Après la vaisselle, le rangement et le nettoyage de la salle où tout le monde était invité à donner un coup de main, un bon café était proposé. Jocelyne et Nathalie proposaient le livre « Prière du Temps Présent », « L’Evangile selon St Luc », un petit fascicule à diffuser le plus largement possible (Evangile de l’année, donnant une place toute particulière à la Miséricorde de Dieu »), et deux magnifiques témoignages : « Histoire d’une Âme » de Ste Thérèse de Lisieux (Patronne du Sedifop), et « Dans cinq heures, je verrai Jésus » de Jacques Fesch, un des derniers condamnés à mort en France ; il a vécu en prison une magnifique rencontre avec le Christ qui l’a accompagné et soutenu jusqu’à la fin…

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Les « seconde année » furent invités à se retrouver de nouveau sous un des préaux de la cour avec le P. Joseph Lekundayo, sur le thème : « Jésus Christ est le visage de la Miséricorde du Père » (Pape François):

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Pendant ce temps-là, l’équipe de Service présentait aux « première année » tout ce qui fait la vie d’une journée Cycle Long : la prière de la Liturgie des Heures, l’attention à la vie fraternelle, la promotion d’une spiritualité de la communion, l’accomplissement ensemble des différents services nécessaires au bon déroulement de la journée, la manière de vivre un temps de carrefour… Les différents points concrets pour une bonne organisation ont aussi été abordés : privilégier pendant deux ans sa formation par rapport à ses différents engagements, pour pouvoir mieux y revenir par la suite ; penser à prévenir son responsable de groupe si vraiment, un jour, il n’est pas possible de venir à la rencontre prévue ; lui indiquer l’autre groupe où l’on pourra rattraper cette journée de formation ; enfin, ne jamais abandonner sa formation pour des raisons financières : ne pas hésiter à en parler avec son responsable de groupe. Nous sommes là pour nous entraider…

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Et notre journée s’est terminée par la célébration de l’Eucharistie présidée par notre Evêque Mgr Gilbert Aubry, avec la présence des Pères Joseph Lekundayo et Célestin Ranaivoson, curé de la Paroisse Marie Reine du Monde, au Tampon 14° km… Un merci tout particulier à Yolain, à son fils, à Dominique qui sont venus tout spécialement de St Paul pour assurer la partie musicale…

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Nous confions cette année Cycle Long à la grâce de l’Esprit Saint dont la mission première est de nous introduire dans la vérité tout entière, et nous nous appuyons sur cette promesse du Christ : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements », et « le commandement » du Christ « est vie éternelle » (Jn 12,50). « Et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous; et en vous il sera… Et l’Esprit Saint, ce Paraclet que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et il vous rappellera tout ce que je vous ai dit… Quand il viendra, il vous guidera dans la vérité tout entière » (Jn 14,15-17; 14,26; 16,13)…

                                                                                                                       D. Jacques Fournier

 




« En l’espace d’un instant, Jésus est entré dans ma vie, dans mon cœur. »

« J’ai cru guérir de ce cancer de la langue qui m’a touché en février 2013. Je me suis trompé. Il est revenu. Il y a une guerre au fond de ma gorge. Je me bats, je travaille à guérir. Pour un chanteur, perdre sa voix, c’est la pire épreuve. Depuis l’âge de 18 ans, la chanson est toute ma vie. Deux cents chansons en cinquante ans de carrière, dont trente “tubes”.

Curieusement, alors que je vis pour ma voix et par ma voix, je n’ai pas interpellé Dieu, je ne me suis jamais dit que ce qui m’arrivait était injuste. Peut-être parce que je commence à vivre non plus par ma voix, mais par la foi ? Pour parodier le titre d’une mes chansons – “Le Loir et Cher” –, je dis aujourd’hui : “La foi m’est chère”.

Mon premier cancer avait mis ma vie spirituelle en veilleuse. Je ne pouvais plus lire, ni me nourrir intellectuellement, moi qui suis féru de théologie. Cette rechute me révèle que la vie spirituelle ne se loge pas dans l’intellect, mais qu’elle est la VIE même – la vie de Dieu qui irradie tout l’être, et pas seulement la tête.

Je suis profondément croyant. J’ai vécu un jour un “choc religieux” à Jérusalem, où j’ai rencontré le Christ. Je visitai le Saint-Sépulcre avec ma femme, et là, pressé pourtant par de nombreux pèlerins, soudain, devant le Tombeau, je m’agenouille et me voilà chrétien. Un peu comme Frossard, Claudel, Clavel – d’un coup. En l’espace d’un instant, Jésus est entré dans ma vie, dans mon cœur. C’était très doux. J’ai immédiatement eu la sensation que j’étais sauvé. Tout ce qui m’était arrivé auparavant devenait caduc. La seule chose que je ne remette jamais en doute, c’est l’existence de Dieu.

Je suis d’un naturel plutôt ténébreux, un hypersensible qui s’en fait pour un rien. Je crois savoir où est la sagesse à force de lectures et de rencontres, mais je ne l’ai pas encore trouvée. Or, dans cette chambre d’hôpital, depuis des mois, curieusement, je n’ai jamais été aussi apaisé. Ce “re-cancer” ne m’a pas brisé : je crois qu’il me grandit.

Dans l’épreuve, quelles sont mes consolations ? D’une part, l’amitié. Je n’avais pas réalisé que j’avais autant d’amis. Dans le tourbillon de la vie “du dehors”, la vie quotidienne, nous ne trouvons jamais le temps de nous arrêter pour voir ceux qui nous sont chers, et les années passent, les liens se distendent… Trop bête ! C’est quand ça ne va pas que l’essentiel resurgit. Et l’amitié fait partie de l’essentiel.

J’ai été soutenu physiquement et psychologiquement par la bienveillance qui m’entoure. L’amour de ma femme, de mes enfants, la tendresse et la compétence du personnel médical et infirmier. On guérit plus vite quand on aime et qu’on est aimé, j’essaierai de ne pas l’oublier.

Curieusement, moi qui suis un gourmand invétéré, je n’ai plus de consolation culinaire. Je n’ai même plus le désir d’une bonne entrecôte avec un verre de Saint-Émilion ! On me nourrit avec des sondes et des pipettes. Pourtant, l’autre jour, le goût m’est un peu revenu en absorbant une cuillerée de glace au café. Elle m’a irrésistiblement évoqué La Première Gorgée de bière de Philippe Delerm ! Depuis, je suis plus ouvert aux toutes petites choses de la vie, ces surprises discrètes qui émaillent l’existence et peuvent nous passer sous le nez sans même qu’on les remarque.

Je goûte aussi des consolations plus spirituelles. Ainsi, celle de la patience. Le cancer est l’une de ces épreuves qui vous enseignent cette vertu. Vous pouvez fulminer, vous morfondre, crier, pleurer, cela ne changera rien. N’allez pas croire que je suis un saint homme ! Au quotidien, face aux mini-tracas, je peux être sanguin, colérique, râleur. J’ai tous les défauts de la terre pour les petits soucis. Mais là, c’est autre chose : il y a un “vrai” combat à mener. Ai-je reçu une grâce de Dieu pour cela ? Je le crois. Je sais qu’Il est à mes côtés.

Patience quand j’articule mal, que je suis inaudible. Patience quand la douleur se réveille et me contraint au silence. Patience face aux régressions inévitables, aux déceptions inhérentes, parce que les traitements semblent inefficaces. Patience quand je me fatigue très vite. Patience devant la mélancolie qui m’est familière…

J’étais jeune, j’avais du succès, la vie me souriait, lorsqu’une profonde dépression m’a mis à terre. J’ai plongé très bas. La maladie m’a tenu éloigné de la scène pendant dix ans. J’ai fait une rechute dépressive après mon premier cancer. J’ai survécu au jour le jour, les petites victoires se sont accumulées ; finalement, je me suis retrouvé à quai, quand patatras, le cancer est revenu.

Durant cette plongée dans les ténèbres de la dépression, j’ai connu le chaos. J’ai cherché à en sortir par le “haut”, en tâtant du bouddhisme, de l’hindouisme, en essayant la méditation transcendantale… Mais je me suis rendu compte, progressivement, que tout cela n’était pas un chemin fécond pour moi. J’étais en train de me perdre. J’ai commencé simultanément à m’intéresser à cette part de mon identité que je refusais jusqu’alors de regarder : la religion chrétienne. Et j’ai osé… le christianisme ! Je ne sais si j’aurais eu cette hardiesse sans la dépression, je ne sais pas si je serais allé aussi loin dans cette voie. Une chose est sûre : depuis, Dieu reste l’objet incessant de ma quête.

Je me suis formé tout seul. J’ai beaucoup lu. Des livres qui ne sont pas tous “modernes” : Isaac le Syrien et Thomas Merton, saint Jean de la Croix et les Pères du désert, saint Augustin et l’Introduction à la vie dévote de François de Sales ; Urs von Balthasar et Thérèse d’Avila dont je retiens cette phrase : “Seigneur, si Tu n’existes pas, ça n’a pas d’importance. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour Toi”.

Je suis un homme de peu de foi. Telle est ma tragédie. Ma foi n’est pas un long fleuve tranquille : elle est dans la torture, dans la complexité. J’en suis parfois épuisé. Pourtant, je plains ceux qui n’ont pas la chance de connaître ce tumulte-là. Il fait vivre jusque dans l’Au-delà ! Je ne pense pas que le Ciel se soit mêlé de mon cancer, mais je lui demande de m’aider à avoir la force de le surmonter, de me plier à la discipline indispensable, de faire ce qu’il m’est exigé de faire. Je n’ai jamais prié pour guérir, j’ai plus souvent pensé : “Que ta volonté soit faite”.

Autre consolation que permet le repos qu’impose la maladie, c’est une relecture apaisée de l’existence, même si je n’aime pas trop regarder en arrière. J’en ai fait des bêtises ! La fiesta, les filles, quelques drogues, étaient intimement liées à l’univers de la chanson, surtout dans les années 1960 et 1970. J’ai été un oiseau de nuit. Mais je crois en la miséricorde et au pardon – qui sont les plus grandes consolations qui soient.

Mais il n’y a pas que le pardon de Dieu qui console, il y a aussi… le foot. Je passe du coq à l’âne. J’ai une passion pour le foot. Quand j’ai fini de regarder KTO, que j’apprécie beaucoup, voir un bon match à la télé me fait oublier mes tracas. Après le foot – revenons au spirituel, quand même ! – il y a l’oraison. C’est une forme de prière méditative, une prière du cœur, plus proche de la contemplation que de l’imploration. Sainte Thérèse d’Avila, pour qui j’ai une tendresse particulière, en donne une jolie définition : “L’oraison est un échange d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on se sent aimé”. Si je ne prie pas, si je ne me livre pas à l’oraison, en quoi consistent ces plages de silence qui me font tellement de bien, au corps et au cœur ?

Un philosophe me console aussi, c’est Gustave Thibon. Je suis fasciné par la vérité et la force spirituelle du verbe de ce génie autodidacte qui a révélé Simone Weil. Je l’ai convié à une émission de télévision à laquelle j’étais invité. Il est venu et a subjugué l’auditoire. Nous sommes devenus amis. Je suis allé le voir plusieurs fois chez lui, en Ardèche. Je fais mienne cette phrase de lui : “Je croyais en Dieu, et maintenant je ne crois plus qu’en Dieu”. Et cette autre : “Dieu ne te délivrera pas de toi-même ; Il te délivrera de la lassitude et du dégoût de toi-même”.

La maladie vous dépossède. Elle vous dénude. Elle vous contraint à vous interroger sur les vraies valeurs. Nous voulons une plus grande maison, une plus puissante voiture, plus d’argent, mais en serons-nous plus heureux ? Je constate souvent chez ceux qui possèdent moins un sourire plus radieux que chez ceux qui ont tout.

“Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu‘il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive”, dit Jésus (Mt 16, 24). Alors je porte ma croix et je découvre que c’est le secret de la joie. Je réalise aussi que Dieu est là afin de m’aider à la porter. Pour la première fois de ma vie, je n’envisage pas une solution à une épreuve que j’affronte. Je sais aujourd’hui que je risque fort de ne plus pouvoir chanter. Ma confiance la plus totale, c’est en Dieu que je la place : “Que ta volonté soit faite Seigneur ! Sans Toi, je suis perdu”. »




« OÙ EST VOTRE DIEU ? » (Mgr Gilbert Aubry)

Ouverture de la Porte de la Miséricorde, le 13 décembre 2015, Cathédrale de Saint-Denis

 

Souvent, quand nous voulons avancer dans la vie, nous sommes comme devant un mur. Impossible. La société, l’Humanité s’enferment à l’intérieur de leurs murailles d’égoïsme, d’orgueil, de suffisance, de conflits, de haines, de guerres. Dans beaucoup de domaines, l’Humanité n’en fait qu’à sa tête et, même, renie Dieu. Pourtant, avec l’incarnation de son Verbe en Marie, Dieu s’est situé délibérément du côté de l’Homme, du côté des hommes. Le Verbe par qui Dieu Notre Père a tout créé, le Verbe par qui tout existe maintenant, le Verbe de vie s’est fait chair. Saint Jean a contemplé ce mystère en contemplant Jésus. Jean a entendu Jésus ; il l’a vu de ses yeux, il l’a touché. Jean proclame la vie éternelle, il veut nous faire cheminer à la suite de Celui qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6).

Croix Alain Dumas

Jésus-Verbe-de-Vie nous conduit à Dieu Notre Père et à nos frères en même temps. Dieu, en Jésus-Christ, se situe du côté des hommes. Il prend parti pour leur bonheur. Ceux-ci vont le tuer et enfermer son corps dans un tombeau. Mais les murailles de la mort et de l’inhumanité ont explosé avec l’humanité glorifiée de Jésus au cœur du Père, au souffle de l’Esprit qui renouvelle la face de la terre et veut renouveler le cœur des hommes. L’échange réciproque d’amour entre le Père et le Fils rayonne un seul et même Esprit. La relation d’amour est donc rétablie par le Verbe-fait-chair, Jésus-Christ, entre Dieu et l’homme, entre l’homme et Dieu, entre tous les hommes, entre tous les hommes et la Création, entre le monde visible et invisible.

Le cœur de Jésus, son saint cœur transpercé par la lance, son sacré-cœur, devient la référence de toute relation à réussir entre les hommes, entre les hommes et Dieu, entre les hommes et la création. Avoir le regard du cœur, sentir avec le cœur, agir avec le cœur. Jésus a le visage lacéré par les coups, il a le cœur déchiré jusqu’au bout de l’amour. Il manifeste ainsi la miséricorde infinie du Père pour ses enfants qui ont besoin de retrouver le chemin du bonheur. Jésus donne l’exemple du jusqu’au bout de l’Amour parce qu’il est fidèle à la mission de révéler le Père et qu’Il donne l’Esprit qui renouvelle les relations humaines, à tous les niveaux. Après la rencontre avec la personne de Jésus crucifié et ressuscité et Verbe de Vie depuis toujours et à toujours, rien ne peut plus être comme avant : « Par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles » (Canon de la messe).

Sacré Coeur Vézelay 2

La Puissance et la Gloire, cela ne se voit pas. On pourrait même se moquer de nous et nous combattre : « Où est votre Dieu ? » La Puissance et la Gloire sont encore cachées et attendent le moment d’être manifestées à nos yeux et à toute l’humanité. Mais, dans la foi, nous pouvons proclamer que la Puissance, l’Honneur et le Gloire sont réellement dans la patience de Dieu qui se soumet au temps, qui prend le temps de nous laisser le temps de la conversion. Il n’est pas en retard. Il n’est pas dépassé. Il nous dit que c’est le moment favorable pour que Lui prenne toute la place en chacun de nous. Que ce soit Lui qui vive en chacun de nous, en nous tous et entre nous tous ! Avec le cœur de Jésus uni substantiellement au Verbe de Vie et à nos cœurs, toutes nos relations humaines peuvent s’humaniser de miséricorde à l’Infini. Dieu ne fait plus peur. Il aime. N’ayons pas peur. Dieu se coule dans notre faiblesse, nos faiblesses, pour ne pas forcer notre liberté. Le Tout Puissant manifeste sa plus grande force quand il se rend faible en moi pour me fortifier en Lui. Il me fait confiance pour que je trouve une juste confiance en moi, dans les autres, dans la communion des saints. Nos relations quotidiennes sont appelées à être des relations de miséricorde.

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Le Verbe-fait-chair, Jésus crucifié-ressuscité est vraiment « le visage de la miséricorde » qui prend sur Lui toutes nos croix et les transfigure dans sa croix glorieuse. Jésus-en-nous peut être la réponse parfaite à l’amour du Père pour nous et aux besoins de nos frères autour de nous. Accueillir, écouter, comprendre, être compris, changer nos mentalités, ne pas juger les personnes tout en constatant des faits et en pouvant les partager, encore écouter, apprendre à dire, essayer de faire bouger les choses ensemble, s’encourager, demander pardon, accepter le pardon, recommencer à être ensemble, vivre ensemble, mieux vivre ensemble. Avec Jésus miséricordieux, c’est possible. « Heureux les Miséricordieux, ils obtiendront miséricorde ! » (Mt 5,7) Les œuvres de miséricorde deviennent possibles.

Jésus est le Seul Prêtre, le seul grand Prêtre capable de compatir à nos faiblesses et à celles de l’Humanité (cf. Heb 4, 14-16). Il nous faut donc nous approprier sa victoire sur le péché, sur le Mal et sur la Mort. Par sa résurrection et le don de l’Esprit, Jésus le Verbe de vie fait chair fait exploser les murailles d’enfermement, il fait une brèche dans un mur de désespoir. Il se tient debout au milieu de la brèche, les bras en croix dans la lumière, pour empêcher que les pans de murs ne s’écroulent sur ceux qui veulent être sauvés. En quelque sorte, il nous dit : « Passez ! Je suis la porte, il n’y a plus de voleurs, de brigands, de mercenaires, je suis là avec vous jusqu’à la fin des temps… »

Logo année de la Miséricorde - détailEt il est impossible pour nous de nous mettre à la suite de Jésus, de le suivre si nous ne portons pas notre croix chaque jour avec Lui, ne pas avoir honte de Lui. Comme Marie, il nous faut être debout au pied de sa croix. Notre monde déchiré aspire à un salut inavoué mais peut être secrètement attendu : notre monde travaillé par la miséricorde de Dieu est en gestation des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Nous sommes dans les douleurs de l’enfantement par la croix qui lui transperce le cœur et qui en même temps nous délivre à la vie. La mère de la miséricorde est une perle unique et resplendissante de la miséricorde se déversant sur les Temps nouveaux. Marie est la Nouvelle Eve d’une nouvelle genèse. Elle est disciple du jusqu’au bout de l’Amour dans une souffrance d’amour.

Marie - Musée de SensDéchirement d’un cœur de mère ! Elle a entendu son Fils intercéder pour tous les pécheurs, tous les larrons, tous les malfrats. « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis. » Comment LA MERE oublierait-elle cette promesse de salut dans sa mission de nous prendre pour ses enfants en prenant saint Jean pour son fils ? « « Voici ton fils » ! Alors, comme le disciple bien-aimé, prenons Marie chez nous. Avec Marie contemplons « le visage de la Miséricorde » en contemplant le visage du « Verbe fait chair », du « crucifié – ressuscité ». Il nous offre la miséricorde à l’infini de son amour.

                                                                                                                    Mgr Gilbert Aubry




Travailler à la paix ! (Mgr Gilbert Aubry)

Nous avons tous besoin d’aimer et d’être aimés. Pas de haine envers qui que ce soit. Ni envers les personnes ni les groupes religieux ni les peuples. Un an après l’attentat contre Charlie Hebdo, ce journal reste fidèle à lui-même, à la dérision, à la provocation, à une idée laïciste de la laïcité. Le contexte international a évolué. La kalachnikov sur l’image censée représenter Dieu fait penser aux terroristes de Daech. Le triangle sur la tête du fuyard déphasé et fuyant renvoie à des religions ou à une transcendance qui n’a rien à voir avec les terroristes. Si la une de Charlie Hebdo descend Daech, le télescopage des symboles fait indirectement le jeu de Daech : la division, la suspicion et la peur nous sautent à la figure. Peut-être la haine. Lecture au premier degré. Deuxième degré : le faux dieu s’enfuit. Ne pas rester sur la réaction immédiate, dépasser la peur, ne pas avoir honte de sa religion, relever la tête, avancer paisiblement et courageusement dans la vie. Cela me conduit à reprendre l’essentiel de ma réflexion d’il y a un an « Nos raisons de vivre ».

On ne peut pas se représenter Dieu car toute représentation de Dieu ne représenterait que l’idée de l’auteur ou de l’artiste qui prétendrait représenter Dieu, ou encore l’idée d’une caricature de Dieu. En disant le mot Dieu ou en priant Dieu, les religions, d’une manière ou d’une autre, font référence à la source de la vie, au Créateur, à l’origine qui est en même temps la fin de toute chose, à la lumière de la lumière. Pour les chrétiens, autre chose est de se représenter le Christ qui est l’incarnation de Dieu donnant une valeur suprême à chaque être humain dans sa propre chair. Toute religion qui se respecte est une source de valeurs qui vient enrichir le vivre ensemble d’une communauté humaine, d’une communauté de destin.

Pour un être profondément croyant, s’attaquer à Dieu ou au nom de Dieu, c’est s’attaquer à l’humanité elle-même, à la source de la vie, à l’égalité entre les êtres humains qui sont tirés du même « humus », sur la même terre. Mais attention à nous ! Ce n’est pas nous qui pouvons défendre Dieu. C’est Dieu qui nous maintient dans l’existence, nous protège et qui nous dit au fond de notre conscience : tu ne tueras pas au nom de Dieu ! Hélas, dans l’histoire et aujourd’hui encore, nous pouvons trahir Dieu quand nous le mettons à toutes les sauces en nous servant de lui au lieu de le servir et de servir nos frères.

Nous pouvons débattre. Nous devons débattre. Mais comme dans tout débat, nous devons nous garder de contribuer à déchirer une religion, une société, à envenimer le contexte national et international, à susciter des conflits. Tous nous avons condamné la barbarie, l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo. Nous avons prié pour les morts, pour tous les morts de ce drame. Prions encore.

Tous nous sommes pour la liberté de la presse. Que la presse puisse se développer et qu’elle puisse librement s’exprimer sur tous les sujets. Cependant, la liberté de la presse ne permet pas de tout dire et de tout montrer au nom de cette liberté si elle piétine la liberté des autres dont la liberté de croire. Le 15 janvier 2015, le pape François a déclaré « On ne peut provoquer ou insulter la foi des autres. On ne peut la tourner en dérision ». Tout groupe a droit à une existence paisible quand il ne menace pas le bien commun.

Tous nous devons défendre la liberté de tous. Elle se conjugue avec l’égalité. Elle se signe avec la fraternité. Tout ce qui vient détruire ce trépied « liberté, égalité, fraternité », en France et ailleurs, fragilise le vivre ensemble humain et risque de hâter sa destruction. C’est le contraire qu’il faut rechercher et bâtir. Travailler à la paix. Mieux vivre ensemble pour construire notre vivre ensemble. Etre avec. Nos raisons de vivre doivent nous aider à raison garder. Développons l’estime les uns vis-à-vis des autres, les uns avec les autres. Et nous gagnerons la paix. Ensemble.

Le 5 janvier 2016, Monseigneur Gilbert AUBRY