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31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

« Ce dimanche 05 novembre, le Service Diocésain du Catéchuménat organise une rencontre pour tous les accompagnateurs des catéchumènes et des recommençants de l’île, à l’Étang-Salé – Maison du Pèlerin. Voici l’homélie du P. Rodolphe EMARD qui sera donnée lors de l’Eucharistie concluant cette rencontre »… 

 

Évangile de référence : Mt 23, 1-12.

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Chers accompagnateurs et accompagnatrices,

C’est une grande joie pour moi de célébrer cette messe avec vous et pour vous, pour le lancement de la nouvelle année pastorale. L’évangile de ce 31ème dimanche tombe à pic car il nous donne de précieuses pistes dans notre mission d’accompagnement des catéchumènes et des recommençants.

Avant de revenir sur cet évangile, je souhaiterais vous évoquer deux numéros du Directoire pour la catéchèse. Ces numéros[1] nous rappellent ce qu’est un catéchiste, c’est-à-dire ce que vous êtes, chers accompagnateurs :

  • Être accompagnateur est avant tout un « appel particulier de Dieu ». Cela en « vertu de la foi et de l’onction baptismale ».

  • En tant qu’accompagnateur, vous avez plusieurs tâches à accomplir :

  • Être un « témoin de la foi et gardien de la mémoire de Dieu ».

  • Être un « enseignant et mystagogue », celui qui communique la « connaissance du Christ » et qui « introduit dans le mystère de Dieu ».

  • Être un « accompagnateur et un éducateur de ceux qui lui sont confiés par l’Église ». Un accompagnement dans l’écoute et qui forme « à la vie chrétienne ».

De lourdes mais de belles tâches ! L’Église à la Réunion vous confie une belle mission ! Cette mission exige de vous que vous exerciez une saine et juste autorité. Dans l’évangile, Jésus nous met en garde contre quatre pièges dans l’exercice de cette autorité qui nous a été confiée par l’Église.

Ce que Jésus nous dit vaut pour toutes les formes d’autorité que nous sommes amenés d’exercer : l’autorité dans le cadre politique, professionnel, familial mais également religieux (en ce qui concerne notre mission d’accompagnement). Analysons ces quatre pièges :

Premier piège : « Ils disent et ne font pas ». Nous reconnaissons tous le fossé entre nos paroles et nos actes de la vie de tous les jours. Pour être un témoin crédible du Christ, il est important que chacun pratique ce qu’il enseigne. Nous sommes envoyés pour annoncer l’Évangile du Christ mais il importe que toute notre vie soit ajustée à cette Parole.

Deuxième piège : Pratiquer l’autorité comme une domination et non comme un service. Jésus reproche aux scribes et aux pharisiens de lier « de pesants fardeaux » et d’en charger les épaules des gens mais eux-mêmes « ne veulent pas les remuer du doigt ». Ils ont l’avoir, le savoir et le pouvoir, ces acquis pourraient être de solides moyens pour servir les autres mais au lieu de cela, ils ne pensent qu’à dominer et à assurer leurs propres intérêts.

Faisons attention au piège de vouloir nous servir dans l’acte de l’accompagnement. Dominer ce n’est pas respecter la liberté de l’autre. Le respect inconditionnel de la liberté de celui ou de celle que nous accompagnons est toujours à promouvoir ! Rappelons-nous cette parole de Bernadette chargée de transmettre le message de la Vierge Marie : « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire. Je suis chargée de vous le dire ».

Troisième piège : Vouloir paraître : « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens ». Nous connaissons tous cette tentation d’aimer paraître, de rechercher la considération et la reconnaissance.

Jésus nous recommande de n’agir que par amour pour Dieu et par amour pour nos accompagnés sans chercher leurs louanges. Cherchons à être nous-même, avec nos qualités et nos défauts mais en tant qu’authentiques enseignants du Christ. Fuyons le péché de l’hypocrisie[2].

Quatrième piège : Se croire important, avoir le goût des honneurs : « ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi [= Maître] ». Jésus dénonce la mondanité de ceux qui cherchent les titres et les honneurs pour eux-mêmes.

Un autre péché est ici pointé, celui de l’orgueil. L’orgueil nous détourne de Dieu et des autres. L’orgueil fait de l’ombre, beaucoup d’ombre dans l’accompagnement. Les titres et les honneurs ne sont pas à condamner en eux-mêmes. Cependant, le fait de les recevoir implique une responsabilité, un témoignage du Christ à donner, une mission à former à la vie chrétienne. On grandit qu’en se mettant au service des autres.

Notre mission est bien d’accompagner les catéchumènes et les recommençants. Pour atteindre le plus efficacement possible cet objectif, nous devons opter pour la vertu de l’humilité. Voyons humblement notre service d’accompagnement, comme un moyen de grandir aux yeux de Dieu et aux yeux de nos frères.

Pour conclure :

L’évangile de ce dimanche nous invitent clairement à une véritable remise en question dans notre mission d’accompagnement. Que le Seigneur nous donne sincèrement de considérer ces appels.

Accompagner est en tout premier lieu une affaire de « l’être ». Le pape François nous encourage à être d’authentiques « disciples missionnaires », c’est-à-dire de véritables témoins engagés du Christ ressuscité.

Cette exigence n’est pas sans nous rappeler de l’intimité profonde que nous avons sans cesse à créer avec le Christ. Sans cette intimité profonde, le risque est fort de s’annoncer soi-même au lieu d’annoncer l’unique Sauveur de l’humanité. Qu’il nous bénisse et qu’il nous garde dans son amour et dans sa paix. Amen.

[1] Voir numéros 112 et 113.

[2] Hypocrisie : Fait de déguiser son véritable caractère, d’exprimer des opinions, des sentiments qu’on n’a pas.




Rencontre autour de l’Évangile – 31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12)

« Vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères…

le plus grand parmi vous sera votre serviteur.. »

 

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mt 23, 1-12)

Comme les prophètes anciens, Jésus est contesté par les responsables officiels d’Israël. Ayant réduit ses accusateurs au silence, Jésus met les foules et ses disciples en garde contre les scribes et le pharisien.

 

Soulignons les mots importants 

 «Scribes et pharisiens » : Qui Jésus désignent-ils par cette expression ?

La chaire de Moïse : Si l’on dit de tel professeur d’université qu’il occupe la « chaire de médecine »,  quand Jésus parle de celui qui  enseigne sur « la chaire de Moïse » que veut-il dire ?

Pratiquez et observez : Que signifient ces deux mots ?

Est-ce que Jésus conteste l’enseignement des scribes ?

« Ils disent et ne font pas » : Que penser de ce jugement de Jésus sur le comportement des scribes ? Quelle est la portée de ces paroles pour nous ?

Quels sont les comportements que Jésus dénonce chez ces maîtres qui enseignent la Loi de Moïse ? (citer les mots du texte)

Les phylactères : qu’étaient-ce ?

Rabbi : On parle aujourd’hui des « rabbins » : quel était l’importance de ce titre à l’époque de Jésus ?

Un seul enseignant : Qu’est-ce qu’un enseignant ? En quoi Jésus seul mérite-t-il ce titre ?

Tous frères : Sur quoi Jésus veut-il insister pour les membres de son Eglise ?

Ne nom de Père: Pourquoi Jésus demande de ne pas donner ce nom à es hommes ? Et alors, quand nous parlons du « père » de famille, ou du « père untel », qu’en est-il ?

Ne vous faites pas appeler « maîtres », vous n’avez qu’un seul « maître » : quel sens peut-on donner à ce mot pour être fidèle à Jésus

Pour l’animateur  

Scribes et pharisiens : Les scribes étaient des pharisiens qui avaient autorité pour interpréter la Loi de Moïse dans les synagogues. Ils s’asseyaient alors sur un siège mobile qu’on appelait « la chaire de Moïse ». La « chaire de Moïse » désigne donc l’autorité de la Loi de Moïse. « Scribes et pharisiens »  désigne un même bloc à combattre.

Jésus ne conteste pas l’autorité des scribes pour interpréter la Loi de Moïse : c’est pourquoi il demande à ceux qui les écoutent de mettre en pratique leur enseignement. Mais il les accuse d’avoir des comportements qui sont en contradiction avec leurs paroles : « ils disent, et ne font pas. » C’est un jugement sévère. Valable aussi pour nous, les chrétiens !

Pour que la Loi reste pure et forte, les scribes et les pharisiens imposent aux gens des règles pesantes, mais eux-mêmes ne les respectent pas, à l’opposé de Jésus qui accomplit toute la loi, mais avec douceur, plein d’attention pour ceux qui peinent.(Mt 11,28-30). Ils se présentent comme des modèles de façade : façade de piété, façade des honneurs en société.

Les phylactères étaient des boîtes de cuir contenant des versets bibliques qui se portaient pour la prière.

Les franges du vêtement étaient aussi une marque de piété : Jésus les portait aussi puisque les malades cherchaient à les toucher pour être guéris. (Mt 9,20) Ce qui est dénoncé ici, ce sont les dimensions de ces objets !

Le mot rabbi était un titre honorifique ; le rabbin désigne aujourd’hui la fonction d’un juif qui est responsable d’une communauté juive.

Si l’enseignant est celui à qui l’auditeur fait confiance,  Jésus est le seul qui mérite la confiance absolue pour l’interprétation des Ecritures. Et ceux qui écoutent la Parole de Dieu se reconnaissent frères en Christ : c’est l’Eglise.

Les disciples de Jésus reconnaissent à Dieu seul le titre de « Abba, Père ». Les chefs religieux se faisaient appeler « Abba » par leurs disciples. Jésus ne parle pas ici de l’usage familial du mot « père » ; il ne s’agit pas non plus du mot qu’on donne aujourd’hui au « pasteur » d’une communauté d’Eglise (« père » untel). Dans le contexte du passage,  Jésus demande de ne pas dévaluer la richesse d’un mot par lequel il a appris à ses disciples de désigner Dieu lui-même.

Le mot maître signifie « guide ». Le Christ est notre seul véritable guide. Et Jésus d’ajouter que toute personne qui exerce un ministère dans la communauté sera jugée par Dieu selon qu’il aura ou non cultivé l’humilité !

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Seigneur Jésus, nous reconnaissons en toi le seul qui nous parle vraiment avec autorité de Dieu ; toi seul nous permets de comprendre le sens des Écritures, grâce à l’Esprit-Saint que tu as promis à ton Église. Et nous savons que tu as toujours vécu conformément à la volonté de ton Père. Tu as été « doux et humble de cœur » et le seul « fardeau » que tu nous demandes de porter, c’est celui de l’amour. Préserve-nous de tout esprit de suffisance et du paraître.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie             

L’enseignement de Jésus s’adresse en particulier aux chrétiens qui détiennent quelques responsabilités dans l’Eglise :

  • Dire et ne pas faire.

  • Imposer aux autres des exigences qu’on n’observe pas soi-même

  • Rechercher avec vanité la considération des gens, agir pour se faire bien voir.

Est-ce que j’essaie de vivre ce que je dis : dans mon groupe de catéchèse, dans une  équipe du Rosaire, dans mon quartier, dans l’équipe de liturgie, dans ma famille… ?

Avons-nous pour nous les mêmes exigences que nous avons pour les autres ?

Dans quel état d’esprit nous exerçons telle responsabilité qui nous a été confiée ?

Comment je me situe vis à vis des personnes ? D’une manière qui est un service pour les aider à grandir ? Ou d’une manière dominatrice pour faire sentir mon autorité ?

Ensemble prions 

Chant : Garde mon âme dans la paix p.285 c.1 et 2

Accorde-moi, Seigneur, un esprit souple afin que j’accepte de paraître faible et sans défense, plutôt que de peiner ou de briser.

Accorde-moi un esprit simple afin que je ne sois pas un poids pour ceux qui m’entourent.

Accorde-moi un cœur humble afin que je ne me raidisse pas devant une critique.

Accorde-moi une volonté patiente afin que mes frères soient heureux malgré leurs défauts, malgré leur faiblesse.

Accorde-moi une volonté rayonnante afin qu’autour de moi personne ne se décourage, personne ne désespère.

Accord-moi de savoir écouter, de savoir deviner, de savoir pardonner

 

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31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12)- par le Diacre Jacques FOURNIER

 » Devenir serviteurs à la suite du Christ Serviteur « 

(Mt 23,1-12)

  En ce temps-là, Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples,
et il déclara : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse.
Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas.
Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt.
Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ;
ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues
et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi.
Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères.
Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux.
Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ.
Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.
Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »

         

            Les Pharisiens enseignaient la Loi, et « la Loi est sainte ; le commandement est saint, juste et bon » (Rm 7,12). Mais leurs actes ne correspondaient pas à ce qu’ils disaient. Ils ne pouvaient donc pas être donnés en exemple… Et comme les apparences sont souvent trompeuses, Jésus va donner ici à ses disciples quelques critères qui, à partir des actes, permettent de discerner les cœurs… « Agir pour être remarqué des hommes » révèle non pas un amour pour Dieu mais une recherche égoïste et orgueilleuse de soi. Et il donne des exemples : ils portent des marques extérieures de religiosité exagérées, des habits « très » différents de ceux portés habituellement ; « ils aiment les places d’honneur, les premiers rangs, les salutations publiques, les titres », bref, tout ce qui se rapporte à eux, les distingue et les élève, du moins le croient-ils, au-dessus des autres. Ils cherchent plus la gloire des hommes, vide, temporaire, illusoire, que celle, incomparable, qui vient du Dieu unique (Jn 5,44)… « Le Seigneur Dieu est un Soleil, il donne la grâce, il donne la gloire » (Ps 84,12). La gloire de Dieu n’étant que le rayonnement, d’une manière ou d’une autre, de son Être, « donner la gloire » revient à donner de pouvoir participer, gratuitement, par amour, à ce qu’Il Est… Dieu peut-il nous donner plus que la Plénitude qui le constitue ?

            « Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul enseignant »… « Ne vous faites pas donner », n’exigez pas qu’on vous appelle ainsi, ce qui prouverait votre désir de vous mettre « au-dessus » des autres alors que « vous êtes tous frères ». Mais au moment où Jésus parle ainsi, il est bien « enseignant » et beaucoup de ses disciples l’appellent habituellement « Rabbi » (Jn 4,31 ; 6,25 ; 9,2) sauf justement en St Matthieu où seul Judas l’appelle ainsi (Mt 26,25.49)… Mais Jésus ne le leur a jamais demandé… Etant donné ce qu’il fait, ce sont les habitudes de l’époque, et il les accueille… Mais il ne cessera de leur dire que sa doctrine ne vient pas de lui mais du Père (Jn 7,17). Il est « le Serviteur » du Père (Ac 3,13.26) : « Je Suis, mais je ne fais rien de moi-même : je dis ce que le Père m’a enseigné » (Jn 8,28). Et puisque le Père ne recherche que le salut de tous les hommes, Jésus, qui n’a qu’un seul désir, accomplir la volonté du Père (Jn 4,34), se fera le Serviteur de tous pour le salut de tous, jusqu’à « donner sa vie » sur une Croix pour sauver « la multitude » des hommes (Mt 20,28). Est-ce en suivant un tel Maître que nous pourrions nous mettre au-dessus des autres ?                                                              

DJF

           




31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12)- Homélie du Père Louis DATTIN

Pharisaïsme

 Mt 23, 1-12

Rappelez-vous, frères et sœurs, pour les plus âgés d’entre nous, le pharisaïsme de l’Eglise, du temps de notre enfance.

– Les prie-Dieu de velours au 1er rang avec la plaque de cuivre des titulaires tandis que derrière, il y avait des bancs de bois pour « le petit peuple ».

– Des catholiques classés « A », « au-dessus de tout soupçon », friands de tous les diplômes d’honorabilité, qui soignaient leur réputation avec une minutie déconcertante, désignés, à la Fête-Dieu, pour porter le « dais » ou les cordons qui l’entouraient ; avec un peu de diplomatie, décorés de l’ordre de St-Grégoire le Grand, ils étaient « les pères et les mères de l’Eglise » et les curés étaient dans leurs petits souliers s’ils n’avaient pas prévu pour eux une place d’honneur à la messe de minuit ou dans un banquet dit de « charité ».

Mais où sont-ils ? Cela ne date pas pourtant du Moyen-Age ! Sont-ils tous devenus des publicains ?

Il n’est plus tellement glorieux d’être « catholique officiel » et l’on ne voit plus de chanoines avec leurs camails ornés de boutons rouges et des fourrures en peau de lapin ; alors, que faire, sinon prendre sa retraite de pharisien ? Ceux qui persistent risquent de tomber dans le ridicule.

Bien sot, celui qui oserait adopter, de nos jours, le genre pompier dans son attitude religieuse : il reste quelques spécimens, mais ils sont tellement d’un autre monde qu’on les regarde avec une douce ironie.

            Passons, si vous le voulez bien, non plus à ces anciens pharisiens, mais à nos nouveaux publicains. Si les chrétiens de maintenant en venaient à l’excès contraire ? Sombrer dans une humilité morbide, s’effacer comme s’ils étaient des ratés, pratiquer une religion tellement privée, qu’elle est ignorée de tous, des chrétiens tellement discrets que personne dans le quartier ne sait quelle est leur conviction. Par peur d’une opinion qui, certes, ne porte pas le christianisme aux nues, peut-être sommes-nous devenus à l’heure actuelle tellement « fond de tapisserie » que personne ne sait que nous avons à porter un témoignage et à annoncer une bonne nouvelle : ce n’est pas plus brillant que le pharisaïsme que nous avons évoqué, il y a une minute.

Nous sommes très nombreux, à l’heure actuelle, qui voulons faire pardonner notre foi. Tellement de chrétiens veulent passer inaperçus que c’en est triste. Demandez à des élèves d’un collège ou d’un lycée privé de dire devant les autres et avec une certaine fierté qu’ils sont des chrétiens et contents de l’être : on dirait même qu’ils supplient les autres de ne pas s’engager dans un chemin où ils se sont eux-mêmes fourvoyés.

Nous venons d’écouter St-Paul, « fier de sa foi ». C’était pour lui, une gloire, une joie immense. Il ne voulait rien savoir d’autre. Tous les grands témoins du Seigneur étaient comme lui. Par contre, tous les chrétiens limaces, qui rampent chrétiennement, se considèrent comme les derniers des hommes. Ils ne sont pas des témoins tellement reluisants du Christ ressuscité !

Ne croyez-vous pas qu’il y a une recrudescence de ce que l’on appelait autrefois le « respect humain », c’est-à-dire la peur d’être reconnu pour ce que l’on est : un chrétien qui met son drapeau dans sa poche et qui cache aux autres que non seulement il est croyant mais aussi et surtout un pratiquant.

Actuellement, c’est un peu le contraire de la société du temps de Jésus. Il y avait alors surtout des pharisiens qui pratiquaient beaucoup, mais qui croyaient peu, et des publicains qui ne pratiquaient pas, mais qui avaient souvent la foi.

Maintenant, les pharisiens ont disparu, mais il est bon ton de devenir et de paraître publicains : ce qui crée un nouveau pharisaïsme. C’est vrai, l’Eglise tend à se libérer de tous les colifichets qui la paraient d’une fausse richesse. Depuis Vatican II, elle se veut « servante » et « pauvre ». Mais par contre, elle doit être fière de porter le Christ aux hommes d’aujourd’hui et de rester la messagère de Dieu pour le salut des hommes.

L’humanité n’a rien à voir avec la peur ; de toutes façons, l’Eglise doit se rappeler, comme St-Paul, que c’est lorsqu’elle est faible qu’elle devient forte, de la force du Christ, mais qu’elle s’affaiblit vraiment lorsqu’elle devient suffisante et puissante aux yeux des hommes.

Sommes-nous fiers d’être chrétiens ? Et le montrons-nous ? Le manifestons-nous assez aux autres ?

Je me dis quelque fois que si je n’étais pas croyant, ce n’est pas la joie des chrétiens ni leur enthousiasme qui m’attireraient vers eux… C’est vrai, on assiste actuellement à une volte-face assez frappante chez les publicains : on dirait qu’ils ont tendance à en faire un pharisaïsme.

Avez-vous remarqué dans les médias ou auprès de certaines personnes, comme ils sont orgueilleux, non pas de leur foi, mais de leur incroyance. Il est souvent « de bon ton » de critiquer l’Eglise et de déclarer que l’on ne croit à rien. Ils nous chantent à l’envers l’ancien cantique : « Je ne crois plus, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien ».

Ils se sont libérés » comme ils disent, de tous leurs tabous et leur laïcité n’est plus le respect de la foi de l’autre, mais une offensive contre la foi des autres. Ils vous regardent de haut en disant : « Je ne suis pas comme le reste des hommes, ignorants, superstitieux, remplis de tabous » et ils cherchent des admirateurs : ce sont les vrais docteurs de la loi du 21e siècle.

A l’université, il y avait un professeur, tellement athée dans son enseignement, que les élèves chrétiens à la fin s’en amusaient. Les musulmans étaient choqués et même les élèves athées commençaient à en avoir plein le dos et désiraient qu’elle change de disque. Voilà les nouveaux parisiens. Il y a une pédanterie de la non-croyance qui est aussi ridicule que la suffisance de nos pharisiens d’antan. L’anticléricalisme de certains devient un pharisaïsme à l’envers.

Alors, pratiquement, pour nous chrétiens, pour éviter ce que dénonce le Christ dans cet Evangile, sachons qu’il y a trois dangers et trois remèdes.

Passons d’abord aux dangers à éviter :

. 1er danger : dire et ne pas faire. Il n’y a pas besoin d’aller chez les autres pour détecter cela !

Combien de fois nous sommes-nous pris nous-mêmes en flagrant délit de « dire et ne pas faire » ?

Qui d’entre nous peut prétendre à une totale cohérence entre son idéal et sa conduite réelle ?

Que de distances entre ce que nous disons et ce que nous faisons effectivement ! Quel fossé entre nos principes et nos actes !

 

. 2e danger : vouloir dominer = le pouvoir, l’autoritarisme qui n’est pas que l’apanage des pharisiens d’autrefois : combien de petits chefs parmi nous ! Quelle assurance dans nos jugements ! Tous nos « il n’y a qu’à » et les « faut qu’on », nous sommes seuls à détenir la vérité, les autres se trompent : « Mon point de vue est le seul bon ».

Ne tombons jamais dans ce travers des redresseurs de torts qui « graissent l’axe du monde au café du commerce ».

. 3e danger : se faire remarquer = la vanité, être vu et admiré : ma tenue vestimentaire, mon automobile, être « in », à la mode, la course aux honneurs, la recherche de privilège, le « look », le « standing », le désir d’apparaître le plus avantageux possible.

En face de ces 3 dangers, le Christ propose à ses disciples trois valeurs essentielles, attitudes positives qu’il souhaite nous voir adopter pour éviter les dangers que nous avons désignés :

. 1ière valeur : la fraternité vraie. « Vous êtes tous frères ». Voilà un principe révolutionnaire, un principe d’égalité radicale, un appel concret à vivre un certain style de vie au lieu de nous draper dans nos différences et dans nos titres ronflants, regarder chacun comme notre égal et l’aimer vraiment comme un frère.

. 2e valeur : la simplicité. Elle s’enracine dans la conviction que Dieu seul a droit à des hommages car lui seul est vraiment au-dessus de tout, et puis c’est tellement plus agréable d’avoir affaire à quelqu’un de simple qu’à un comédien ou un homme à double jeu.

. 3e valeur : le service.

« Le plus grand parmi vous sera votre serviteur ».

 « Qui s’abaisse, sera élevé ».

Ce sens du service, selon Jésus, n’est pas du tout aliénant ni humiliant. C’est être « grand » que d’être « serviteur ». Non, le service des autres n’est pas la négation de la personnalité car personne n’est plus heureux que celui qui sait aimer concrètement ses frères.

Si nous voulons être honnêtes avec nous-mêmes, demandons-nous vraiment ce que Jésus nous dirait à nous, aujourd’hui, et ce qu’il attend de nous maintenant. AMEN




31ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 23, 1-12) – par Francis COUSIN

« Hypocrisie »

Encore une fois, Jésus s’en prend aux scribes et aux pharisiens pour dénoncer leur double langage, ou plutôt l’inadéquation de leurs enseignements avec leurs actes.

En théorie, ils sont bons, et Jésus le reconnaît, ils « enseignent dans la chair de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. ».

Mais pour ce qui est de la pratique, c’est autre chose … « Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. ».

Et la fin est terrible : « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens. ».

Jugement sans appel … qui peut surprendre de la part de Jésus : tous dans le même panier !

Mais élargissons notre regard, car peut-être il nous arrive de faire de même …

Et cette diatribe vis-à-vis des scribes et aux pharisiens ne concerne pas seulement ceux-ci, mais chacun de nous … dire et ne pas faire … agir pour se faire remarquer …

Il semblerait d’ailleurs que Matthieu « à travers des reproches de Jésus à l’encontre des pharisiens, [il] vise certains responsables de la jeune Église chrétienne dont l’arrogance et l’hypocrisie font déjà des ravages parmi les frères. » (Michel Hubaut).

Ce qui était vrai à l’époque est encore toujours vrai … et sur ce sujet, la nature de l’homme n’a pas changé … et le ’’paraître’’ est peut-être de plus en plus important pour beaucoup …

Il ne s’agit pas de regarder si un tel ou un tel est comme cela … mais de regarder si soi-même a parfois des attitudes répréhensibles de ce genre …

Et Jésus continue : « Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. ».

On comprend bien ce que Jésus veut dire : tout ramener à Dieu et à Jésus, dont la Parole est ’’une’’, mais ces mots ont un sens courant, et il est difficile de ne pas les utiliser, et cela enlèverait du sens à Dieu Père de tous, et à Jésus maître spirituel pour tous.

Jésus dit aussi : « Vous êtes tous frères ».

Tous, c’est-à-dire, quelque notre race, langue, peuple, nation, couleur de peau, niveau d’instruction, religion …

« Tous frères ».

Comment peut-on dans ces conditions se faire la guerre … ?

Je pense bien sûr à la guerre à Gaza, … mais pas que …

Comment se peut-il que des personnes décident de faire une guerre à outrance, sans tenir compte des personnes civiles qui sont toutes soit juives, soit musulmanes, soit chrétiennes, c’est-à-dire toutes descendantes de la lignée d’Abraham … ?

« Nous, croyants, nous pensons que, sans une ouverture au Père de tous, il n’y aura pas de raisons solides et stables à l’appel à la fraternité. Nous sommes convaincus que « c’est seulement avec cette conscience d’être des enfants qui ne sont pas orphelins que nous pouvons vivre en paix avec les autres ». En effet, « la raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité ». (Fratelli Tutti 272)

« Il y a un droit fondamental qui ne doit pas être oublié sur le chemin de la fraternité et de la paix. C’est la liberté religieuse pour les croyants de toutes les religions. Cette liberté affirme que nous pouvons « trouver un bon accord entre cultures et religions différentes ; elle témoigne que les choses que nous avons en commun sont si nombreuses et si importantes qu’il est possible de trouver une voie de cohabitation sereine, ordonnée et pacifique, dans l’accueil des différences et dans la joie d’être frères parce que enfants d’un unique Dieu ». (Fratelli Tutti 279)

« Un cheminement de paix est possible entre les religions. Le point de départ doit être le regard de Dieu. Car « Dieu ne regarde pas avec les yeux, Dieu regarde avec le cœur. Et l’amour de Dieu est le même pour chaque personne, quelle que soit sa religion. Et si elle est athée, c’est le même amour. Au dernier jour et quand il y aura la lumière suffisante sur la terre pour voir les choses telles qu’elles sont, il y aura des surprises ! ». (Fratelli Tutti 281)

Saint Paul nous dit à la fin de la deuxième lecture : « Quand vous avez reçu la parole de Dieu que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie pour ce qu’elle est réellement, non pas une parole d’hommes, mais la parole de Dieu qui est à l’œuvre en vous, les croyants. »

Seigneur Jésus,

Fais que s’arrête cette tuerie à Gaza

entre des descendants d’Abraham,

que les volontés de pouvoir politique

des uns et des autres

passent après la vie des innocents

de tout bord,

et que chacun puisse vivre en paix

dans une fraternité retrouvée,

dans l’écoute de ta Parole.

 

Francis Cousin

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Prière dim ord A 31°

 




Commémoration de tous les fidèles défunts (Jn 6, 37-40) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

Aujourd’hui, nous faisons la commémoration de tous les fidèles défunts. L’Église a toujours prié pour les défunts. Nous pouvons trouver des témoignages qui datent du IIème siècle et qui attestent que les chrétiens priaient et célébraient l’Eucharistie pour leurs morts.

La commémoration des défunts est inséparable de la solennité de Tous les saints que nous avons célébrée hier. Cette commémoration est le prolongement de la Toussaint. Le 01er novembre, nous fêtons tous les saints qui sont dans la gloire du Ciel. Le 02 novembre, comme les premiers chrétiens, nous prions et nous célébrons l’Eucharistie pour nos défunts. Nous demandons au Seigneur de les accueillir dans la « communion » des saints.

Le « souvenir » de nos défunts doit donc être vécu sous le signe de l’espérance. C’est l’occasion pour nous d’affirmer notre espérance en la Vie éternelle grâce à la mort et à la Résurrection du Christ. Nous avons l’espérance pour nos défunts et pour nous-mêmes, que tous, nous partagerons la gloire du Christ ressuscité :

« Telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».

Cette commémoration des défunts nous rappelle la réalité de la mort que nous devons tous assumer. Plusieurs contemporains occultent cette réalité ou sont dans le déni. Mourir ce n’est pas disparaître mais c’est faire le passage vers une autre « rive » qui mène à Dieu et dans une condition nouvelle. Certes, le corps du défunt se dégrade mais l’âme demeure éternelle, dans l’attente de la résurrection des corps lorsque Jésus fera sa venue dans la gloire.

Notre célébration nous rappelle que nos défunts sont toujours « vivants » et que nous sommes faits pour l’éternité. Relisons la réalité de la mort à la lumière de la mort et de la Résurrection de Jésus. Deux préfaces pour la messe des défunts peuvent nous éclairer[1] :

  • « Lui seul [= le Christ], en acceptant la mort, nous arrache à la loi de la mort ; lui seul, en donnant sa vie, nous fait vivre éternellement pour toi [Dieu le Père] » (Préface des défunts n°2).

  • « Nous sommes destinés à mourir ; mais quand la mort nous frappe en châtiment du péché, ton cœur de Père nous sauve par la victoire du Christ qui nous fait revivre avec lui » (Préface des défunts n°5).

Si nous nous remettons sincèrement au Christ, il nous donnera la force et la sérénité pour assumer la réalité de la mort et traverser l’épreuve du deuil de la mort. Il nous promet l’éternité !

Pour conclure, rappelons qu’à chaque messe nous prions pour nos défunts, durant la prière eucharistique, le Memento : « Pour nos frères et sœurs défunts, et pour tous ceux qui ont quitté ce monde et trouvent grâce devant toi, nous te prions : en ta bienveillance, accueille-les dans ton Royaume » (Prière eucharistique n°4).

Demandons au Seigneur de nous fidéliser à l’Eucharistie car nous avons un moyen sûr pour être en communion avec nos défunts. Confions-les à l’intercession des saints : « Saints et saintes de Dieu, intercédez pour nos défunts auprès de notre Seigneur Jésus-Christ. Saints et saintes de Dieu priez pour nous. Amen ».

[1] Cf. Missel des défunts, pages 87 et 90. Cinq préfaces sont proposées pour la messe des défunts.




Solennité de Tous les Saints — (Mt 5, 1-12a) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

Lectures de référence : Ap 7, 2-4.9-14 ; Mt 5, 1-12a

C’est aujourd’hui la solennité de tous les saints, ceux qui vivent dans la gloire totale de Dieu. Nous fêtons ceux qui sont reconnus par l’Église mais aussi tous les anonymes, ceux de nos familles qui nous précédé dans la foi.

Dans la première lecture, tirée du livre de L’Apocalypse, saint Jean nous donne une vision pleine d’espérance. La sainteté n’est pas une grâce réservée à quelques privilégiés, nous sommes tous appelés à la sainteté. Le chiffre 144 000 est symbolique[1], il représente tous les peuples qui viennent de tous les horizons de la terre : « voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues ».

Le concile Vatican II nous rappelle bien cet appel universel de la sainteté, dans sa constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium : « Aussi dans l’Église, tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient régis par elle, sont appelés à la sainteté selon la parole de l’apôtre : « Oui, ce que Dieu veut c’est votre sanctification » (1 Th 4, 3 ; cf. Ep 1, 4) » (n°39).

La sainteté a commencé pour nous depuis notre baptême comme nous le rappelle encore la constitution dogmatique : « les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie. C’est l’apôtre qui les avertit de vivre « comme il convient à des saints » (Ep 5,3), de revêtir « comme des élus de Dieu saints et bien-aimés, des sentiments de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de longanimité[2] » » (Col 3, 12) » (n°40).

Avec cette citation de Vatican II, nous rejoignons l’évangile. Le chemin de la sainteté est celui des béatitudes, c’est ainsi que nous serons « heureux »[3] en Dieu pour l’éternité : « Heureux les pauvres de cœur… ceux qui pleurent… les doux… les miséricordieux… les cœurs purs… les artisans de paix…  ceux qui sont persécutés pour la justice… ceux qui sont insultés à cause du Christ »

Voilà le chemin que nous devons tous entreprendre pour « conserver et achever » la vie de sainteté qui a commencé depuis le baptême. La sainteté n’est pas quelque chose que nous pouvons acquérir par nos simples forces ni en accomplissant des prouesses spirituelles, c’est Dieu qui nous la communique notamment dans les sacrements. Cela me permet de faire écho à deux sacrements qui contribuent grandement à notre sainteté : l’Eucharistie et le Pardon.

Les saints que nous fêtons aujourd’hui, ont tous, sans aucune exception, entrepris le chemin des béatitudes. Ils intercèdent pour notre sainteté. Sur le chemin de la sainteté, les saints nous stimulent et nous inspirent pour vivre le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Ils nous éclairent sur le chemin de la sainteté, ils sont de vrais « réverbères » de la lumière du Christ. La préface de cette messe situe les saints comme « un secours pour notre faiblesse ».

Les saints nous apprennent que la sainteté se vit dans le quotidien de nos vies, dans nos différentes activités : professionnelles, associatives, caritatives et dans les différents milieux de vie qui sont les nôtres : dans nos familles, nos quartiers et pour les plus jeunes d’entre nous, les étudiants, dans les milieux scolaires qu’ils appartiennent et les activités parascolaires qui rythment leurs semaines.

Notre société est marquée par des drames humains qui affectent la sainteté de Dieu. Nous pouvons souligner le drame qui s’est produit samedi dernier à la Possession (28 octobre) avec un triple meurtre et sept personnes blessés par un forcené, suite à une colère « incontrôlée ». Nous devons scruter les signes de sainteté à l’œuvre dans ce monde pour éviter de tomber dans le pessimisme.

Le pape François nous invite à voir la sainteté à l’œuvre autour de nous. Je le cite dans son exhortation apostolique, sur l’appel à la Sainteté dans le monde actuel, Gaudete et exsultate « J’aime voir la sainteté dans le patient peuple de Dieu : chez ces parents qui éduquent avec tant d’amour leurs enfants, chez ces hommes et ces femmes qui travaillent pour apporter le pain à la maison, chez les malades, chez les religieuses âgées qui continuent de sourire. Dans cette constance à aller de l’avant chaque jour, je vois la sainteté de l’Église militante. C’est cela, souvent, la sainteté ‘‘de la porte d’à côté’’, de ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, ‘‘la classe moyenne de la sainteté’’ » (n°7).

Découvrir la « sainteté de la porte d’à côté » et être de la « classe moyenne de la sainteté ». Pour progresser sur le chemin de la sainteté, nous devons nous orienter vers le Christ, le « seul saint » qui nous donne d’être saint par la grâce de son mystère pascal, sa mort et sa Résurrection.

Pour conclure, les saints nous mettent en garde contre cette tentation de croire que le bonheur c’est d’être riche et en bonne santé. Nos actions sont souvent orientées vers l’appât du gain… Le vrai bonheur se trouve en Dieu, n’oublions pas cette troisième parole qu’a adressée la Vierge Marie à sainte Bernadette, à Lourdes : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ».

C’est la grâce que nous pouvons demander en cette solennité, que nous puissions prendre au sérieux notre propre chemin de sainteté, cet appel de Dieu à devenir saint comme le Christ, l’Agneau sans péché. Ensemble, nous pouvons chanter : « Dieu, nous te louons, Seigneur, nous t’acclamons dans l’immense cortège de tous les saints ».

[1] 144 000 est un diminutif de 7, le chiffre de la perfection, de la totalité.

[2] Longanimité = patience, persévérance.

[3] Notons que le terme apparaît neuf fois dans notre récit.




Solennité de la Toussaint – par le Diacre Jacques FOURNIER (Mc 5, 1-12)

« Dieu nous appelle tous au Bonheur … »

(Mc 5, 1-12)

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »

Jésus n’a semble-t-il, ici, qu’un seul mot à la bouche : « Heureux », répété neuf fois, et ce bonheur est proposé dès maintenant. En effet, dans cet appel, « heureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux ! », le verbe est au présent ! Mais qui sont ces « pauvres de cœur » ? Jésus en est le premier exemple… Il est « l’Unique Engendré » (Jn 1,14.18) en tant qu’il reçoit de toute éternité du Père son être et sa vie. « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. Je vis par le Père » (Jn 5,26 ; 6,57). Et il ne peut même rien faire de lui-même (Jn 5,19-20.30), car ses œuvres sont en fait celles du Père (Jn 14,10). Lui, il est « le Serviteur » du Père (Ac 3,13.26 ; 4,27). Jésus est donc « pauvre de cœur », « doux et humble de cœur » (Mt 11,29), car tout ce qu’Il Est, tout ce qu’il fait, il le doit non pas à lui-même, mais à un autre, le Père… « Être pauvre de cœur », c’est donc mettre un autre que soi-même à la première place en son cœur. C’est accepter de recevoir tout ce que l’on est, tout ce que l’on vit d’un autre… Le Royaume des Cieux n’est pas ainsi une réalité spirituelle qui se gagne à coup de bonnes actions qui mériteraient une récompense. Non, le Royaume des Cieux est une histoire d’amour entre le Maître de ce Royaume, Dieu, et tous ceux et celles qu’il invite à y entrer : tous les hommes, ses enfants, tous créés « à l’image et ressemblance » (Gn 1,26-28) de leur Dieu et Père (Lc 11,2 ; Jn 20,17). En effet, nous dit Jésus, « ne crains pas, petit troupeau car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Ce Royaume est donc donné gratuitement par amour à quiconque est assez « pauvre de cœur » pour accepter de le recevoir… Et ce Royaume des Cieux n’est pas un lieu, mais un état de vie, un Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité d’un même Esprit : « Le Royaume des Cieux est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), cet Esprit Saint que Dieu donne gratuitement (1Th 4,8), par amour, « aux méchants et aux bons, aux justes et aux injustes » (Mt 5,45). Mais pour recevoir ce « Don de Dieu » (Jn 4,10, Ac 2,38 ; 8,20 ; 10,45 ; 11,17…), puisque le mal ne peut coexister avec Dieu, il est absolument nécessaire de se convertir de tout cœur, de renoncer au mal avec l’aide de Dieu, de changer de vie… D’où les premières Paroles de Jésus en St Marc : « Le Royaume des Cieux est tout proche ; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15), Bonne Nouvelle d’un Royaume donné gratuitement avec le Don de l’Esprit Saint… « Recevez l’Esprit Saint » dira le Ressuscité à ses disciples (Jn 20,22)… et avec ce Don de Dieu, « entrez dans la Vie » (Mc 9,43.45.47), la Vie éternelle, Source du seul vrai Bonheur…              DJF

 




Solennité de la Toussaint – Homélie du Père Louis DATTIN

 En route vers la sainteté

Mt 5, 1-12

Un jeune de treize ans à qui je reprochais sa médiocrité, m’a répondu un jour : « Tout le monde ne peut pas être un Saint » comme pour s’excuser de ne pas en être  ̏un  ̋. Et je lui ai répondu : « C’est vrai. Mais tout le monde peut se mettre en route vers la Sainteté ».

En effet, vous tous, frères et sœurs, quel que soit le degré de sainteté auquel vous êtes parvenus (ce que vous ignorez, et cela vaut beaucoup mieux pour vous ; seul Dieu peut être juge pour en décider), quel que soit ce degré, il faut vous mettre en route vers la Sainteté. Pour cela, rassurez-vous, il ne suffit pas de faire des choses extraordinaires : de rentrer dans un couvent, de faire des miracles ou d’avoir des apparitions du Sacré-Cœur.

C’est au contraire à travers les circonstances les plus ordinaires de votre vie à vous (pas celle des autres) que vous devez vous mettre en route vers la sainteté.

Sainteté : dans la vie de famille avec le mari ou la femme que vous avez, dans le travail, avec le métier que vous exercez, dans les loisirs, avec la détente que vous recherchez, dans le quartier où vous habitez.

C’est curieux, on rêve toujours d’une sainteté dans des circonstances différentes de celles que nous vivons !

« Ah ! Si je n’avais pas le mari que j’ai ! »

« Ah ! Si j’exerçais une autre activité, alors, là, oui, je le sens bien je pourrais faire des progrès sensationnels ! »

Eh non ! La sainteté est le résultat de choses toutes simples, toutes ordinaires, mais seulement faites par amour de Dieu et par amour des autres. Et cela, voyez-vous, qui que vous soyez : petits ou grands, riches ou pauvres, en bonne santé ou malades, vous êtes tous capables de le faire, avec l’aide de Dieu qui ne vous manquera jamais !

Pour devenir un Saint, il n’est pas nécessaire de passer à la télévision ou de recevoir le prix  ̏Nobel de la paix  ̋ ou d’avoir son nom dans les journaux comme l’abbé Pierre ou mère Thérésa.

Ce qu’il faut : c’est faire toutes choses, même les plus petites, même les plus banales avec amour, amour pour Dieu, amour pour les autres.

Guy de Larigaudie disait : « Il vaut mieux éplucher des pommes de terre avec amour que de bâtir une cathédrale sans enthousiasme » et St-Paul disait à son tour : « Frères, j’aurais beau connaître toutes les langues de la terre, être le plus savant des hommes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien ».

Une fille de 4e année de catéchisme, me disait un jour :

« Oh ! Vous savez, ma grand-mère, c’est une dévote, c’est une sainte ! Elle dit son chapelet tous les jours mais elle vit toute seule dans sa grande maison. Elle ne reçoit jamais personne, aussi on ne la voit pas beaucoup : elle a peur que si nous allons chez elle, on lui casse des vases ou on salisse le salon. Elle garde tout pour elle : on ne l’aime guère et je crois qu’elle ne nous aime pas beaucoup non plus ! »

Eh bien, non ! Cette grand-mère n’avait rien d’une sainte. Il ne faut pas confondre sainteté et bigoterie ou  ̏sainteté  ̋et  ̏dévotion  ̋.

C’est sur l’amour que nous serons jugés et pas sur le nombre de chapelets que nous aurons débités : les vrais saints, on les admire et on sent bien qu’ils nous aiment !

Autre chose à ne pas confondre : sainteté et perfection.

Vous connaissez le proverbe : « La perfection n’est pas de ce monde ». C’est vrai, c’est impossible d’être parfait et de n’avoir aucun défaut (il n’y a que Dieu).

Personnellement, je ne connais personne qui soit sans défaut. En revanche, je connais pas mal de gens qui sont en marche vers la sainteté.

Tous les saints avaient leurs défauts, leurs faiblesses, leurs moments de révolte ou de colère. Les saints n’étaient pas parfaits : seulement, ils étaient en marche vers la sainteté. Bien sûr, ils retombaient dans leurs pauvres petits péchés quotidiens, ils le reconnaissaient humblement et se relevaient bien vite, avec l’aide et le pardon de Dieu et ils repartaient confiants sur la route du don de soi au Seigneur, du don de soi aux autres.

Mais le Seigneur, dans l’Evangile que nous venons de lire, nous dit : « Attention ! Ne vous laissez pas piéger ! »

Sur la route de la Sainteté, il y a des pièges et vous risquez de tomber dedans ! Quels pièges ?

 

* l’amour de l’argent : la solution de Jésus est « Bienheureux les pauvres de cœur » = ceux qui sont détachés des richesses matérielles et qui ne recherchent pas seulement leur bien-être, leur confort, leur tranquillité

 

 

* l’indifférence à l’égard des autres : « Après tout, cela ne me regarde pas, ils n’ont qu’à se débrouiller ! Je ne suis pas chargé d’eux »

* le piège de la violence : « Bienheureux les doux » !

* le piège de la rancune : « Heureux les miséricordieux » !

* la peur de l’engagement au service de la justice : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice ! »

Au fond, toutes les Béatitudes pourraient se résumer en une seule : « Heureux ceux qui ne se laissent pas piéger sur la route du Royaume des Cieux, sur la route de l’amour ».

Ces Béatitudes que nous venons de proclamer nous rappellent que, pour Jésus, l’amour, ce n’est pas affaire de sentiments, mais d’actes.

Aimer, ce n’est pas d’abord un état du cœur larmoyant « Oh ! comme c’est dommage ! Oh ! Comme c’est triste ! », mais se dire tout de suite « Et moi : qu’est-ce-que je peux faire pour rétablir la situation ? »

Aimer, c’est s’oublier pour les autres et partager avec eux.

Aimer, c’est être sensible aux peines des autres et pleurer avec eux.

Aimer, c’est avoir faim et soif de justice et donc, se battre contre toutes les injustices d’aujourd’hui et Dieu sait s’il y en a !

Aimer, c’est se réconcilier, refaire la paix.

Aimer, c’est s’engager et se compromettre jusqu’à se faire mal voir pour bâtir un monde plus juste, plus tolérant, plus fraternel, plus respectueux de l’autre.

Oui, heureux tous ceux qui aiment ainsi : c’est de cette manière-là que Jésus nous aime et que nous sommes en marche vers la Sainteté.

Oui, frères et sœurs, il est donc possible de devenir des saints, même si nous avons des défauts, car nous pouvons toujours nous relever par le sacrement de la Réconciliation.

Il est possible de devenir des saints même si nous sommes capables du pire à certains jours car n’oublions pas l’aide du Seigneur. Ce n’est pas avec nos efforts à nous tout seuls que nous y arriverons : c’est parce que le Seigneur est , prêt à nous aider, prêt à nous encourager par l’Esprit-Saint.

Il est possible de devenir des saints même si nous sommes des gens très ordinaires, mais, pour cela, il ne faut pas nous laisser piéger.

Quand on ferme la télévision, on finit par penser que le mal et la violence sont les maîtres du monde.

. Il faudrait, qu’en nous voyant, les autres puissent se dire :

« Des gens en marche vers la sainteté, ça existe !

. Des familles unis entre époux, entre parents et enfants, ça existe !

. Des quartiers où l’on est prêt à ouvrir sa porte à un voisin en difficulté, ça existe !

. Des lieux de travail où il y a de l’entraide et de la solidarité, ça existe !

. Des communautés accueillantes, chaleureuses, fraternelles, ça existe !

Non ! Il n’y a pas que du mal et de la violence dans le monde d’aujourd’hui : il y a aussi beaucoup de bien, beaucoup d’amour, beaucoup de gens semeurs de lumière et d’amitié, beaucoup de gens qui sont sources d’espérance et de confiance dans l’avenir.

L’avenir, c’est la fête de la Toussaint : c’est cette marche de l’Humanité entière vers le Royaume de Dieu, ce Royaume que Jésus nous a promis, ce Royaume où nous retrouverons dans la joie, ceux qui nous ont quittés, dans la pleine lumière du Seigneur. AMEN




DES CHRISTIANISMES ET DES CHRISTS, Orthodoxie et hétérodoxies (« hérésies ») aux premiers siècles par Yannick LEROY

PROPOSITION DE CONFÉRENCE EXCEPTIONNELLE

 

De nos jours, tout chrétien possède sur le Christ une vision globalement unifiée malgré les appartenances à différentes Églises (catholique, protestantes, orthodoxe …) et il apparaît que toute vision autre semble erronée. Deux milles ans de construction du Christianisme ont en effet transmis aux générations actuelles un « visage » de Jésus unanimement reconnu, jusque dans les productions cinématographiques. Mais si nous effectuons un retour soudain à l’aube du parcours de disciples et de leurs descendants, il sera surprenant de constater que ce visage fut longtemps sujet à questions. Qui était-il réellement ? Comment les premiers chrétiens voyaient-ils Jésus ? Homme ? Dieu ? Messie ? Logos ? Au-delà, comment appréhendaient-ils Dieu ? Y avait-il une vision unique considérée comme orthodoxe ? A travers ces interrogations, nous plongerons dans ce que furent les racines des premières « hétérodoxies » (davantage connues sous la dénomination « hérésies ») du mouvement nazaréen – hétérodoxies qui conduiront finalement à la définition de l’orthodoxie et donc de l’Église. Il est ici proposé un voyage dans les germes de ce que deviendront les chrétiens actuels…

 

SAMEDI 28 OCTOBRE 2023

14h – 17h

MAISON DIOCÉSAINE (36 rue de Paris, Saint-Denis)

Salle Jean-Paul II

ENTRÉE LIBRE