1

25ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 20, 1-16)- Homélie du Père Louis DATTIN

 Les ouvriers de la 11e heure

Mt 20, 1-16

Vous vous en doutez bien, frères et sœurs, cette page d’Evangile n’est pas pour nous dire comment un chef d’entreprise doit payer son personnel. S’il en était ainsi, l’entreprise en question aurait vite fait de se mettre en faillite et d’envoyer au chômage tous ses employés avec l’accord unanime de tous les syndicats.

Le but de Jésus, dans cette parabole est tout autre : elle veut nous faire comprendre l’immense bonté de Dieu pour les pauvres, les déshérités, les marginaux et son amour gratuit, désintéressé à l’égard de ceux qui n’ont aucun mérite à faire valoir. « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui embauche des ouvriers pour les vendanges ».

– Le Royaume des cieux : c’est Dieu lui-même ; les ouvriers : c’est nous, les humains.

– Il embauche le matin puis à midi, à trois heures, à cinq heures du soir ! Il n’y a pas d’heure pour travailler à l’œuvre du Père : quel que soit le moment de la journée, Dieu embauche et ce n’est pas tant l’urgence du travail que la vision de ces gens affalés, oisifs, démobilisés et pauvres par voie de conséquence qui va inciter le maître à les envoyer à sa vigne : les ouvriers, c’est nous, les humains ; tous, quel que soit notre âge, notre condition, nos forces, nos capacités, nous sommes embauchés au travail du Père. A la fin de la journée, c’est la paye : et, surprise ! Indignation ! Il donne aux derniers embauchés le salaire d’une journée, comme à ceux qui avaient travaillé dès le matin alors que les derniers n’ont fait qu’une heure. Qu’est-ce-que ça veut dire ?

– Ces derniers embauchés représentent les paumés, les pauvres types, ceux qui n’ont pas eu de chance dans leur vie, ceux que l’on a envie d’ignorer : voyous, clochards, cagnards et vauriens de toutes sortes, ceux que l’Evangile appelle souvent « les publicains et les pécheurs ». Eh bien ! Ceux-là, Jésus nous dit que Dieu les aime autant que les autres. Ils gardent toute leur valeur à ses yeux : d’ailleurs, Jésus, non seulement les fréquente, mais il mange avec eux, comme avec des amis.

« La volonté de mon Père, dit-il, c’est que pas un seul d’entre eux ne se perde ! » Eh bien oui ! Dieu est comme ça ! Il ne pose aucune condition discriminatoire à l’amour qu’il porte aux pauvres et aux pécheurs. Tout homme, quel qu’il soit, est précieux à ses yeux.

Attention, frères et sœurs, à ne pas nous tromper de Dieu ! Le vrai Dieu révélé par Jésus-Christ, c’est celui qui nous a aimé le premier, sans initiative de notre part alors que nous ne le connaissions même pas ! C’est le Dieu généreux qui n’attend pas que l’on ait fait un premier geste à son égard, mais qui met son point d’honneur à offrir son salut à tous les pécheurs, à tous les malchanceux. L’obtention de la présence de Dieu n’est pas due à nos mérites, mais à sa miséricorde : Dieu est tellement différent de ce que nous pensons de lui ! Ses réactions, ses penchants sont si dissemblables des nôtres !

Rappelez-vous aussi la parabole de l’enfant prodigue : ce garnement, égoïste et ingrat qui quitte la maison familiale pour aller faire la noce dans un pays lointain et qui finit par revenir, non pas à cause de son père ! Mais parce qu’il n’avait rien à manger ! Son Père, notre Dieu, court au-devant de lui, dès qu’il l’aperçoit sur la route du retour, il l’embrasse, il lui a déjà tout pardonné : on fait la fête pour l’accueillir !

A travers ces paraboles, Jésus nous dit 3 choses :

– la 1ère, vous aussi, faites de même : ne soyez pas mesquins, vengeurs ; soyez généreux, magnanimes, miséricordieux comme votre Père du ciel ; ne calculez pas comme Pierre qui fait des comptes : « Combien de fois devrais-je pardonner ? Jusqu’à 7 fois ? »

« Mais non, répond Jésus, pas jusqu’à 7 fois, mais jusqu’à 77 fois sept fois ! Cesse donc de calculer ! Est-ce-que, moi, Dieu, je calcule le nombre de fois où je vous pardonne ? »

Rappelez-vous Jésus, avec Pierre justement, après la Résurrection : Pierre l’avait renié ; non seulement Jésus lui pardonne mais il lui redonne toute sa confiance, il en fait le premier pape de l’Eglise :

« Sois le pasteur de mon troupeau tout entier ». Folie de l’amour de Dieu !

– 2e chose à retenir : si Dieu regarde avec amour, comme ses enfants bien aimés, les plus pécheurs, les plus malchanceux, les plus voyous, à plus forte raison les étrangers, comoriens ou autres mahorais, sachons les regarder, nous aussi avec amour, avec respect et les considérer comme des frères, sans les juger ? Ce n’est pas facile d’avoir, à notre tour, sur eux, le même regard que Dieu.

– 3e chose à retenir surtout : souvenons-nous que nos rapports avec Dieu, ne sont pas des rapports de serviteurs à maître. Jésus nous a dit : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais ‘’ AMIS ’’ ».
Le serviteur attend de son patron un salaire pour le travail fourni, peut-être même un peu plus… un treizième mois, toujours prêt s’il est, en plus, un bon syndicaliste, à réclamer davantage, il va comparer son salaire avec celui des autres par jalousie, par dépit de voir ceux qui n’ont travaillé qu’une heure recevoir autant que lui. C’était la mentalité de ces bien-pensants du temps de Jésus, les pharisiens, puisqu’ils pratiquaient la loi, ils s’estimaient être quittes envers Dieu et Dieu se devait de les récompenser !

 

« J’ai fait ceci, tu me dois ça ! », « J’ai dit cette prière, j’ai fait cette neuvaine, j’ai fait plaisir à mon voisin ; maintenant, à mon tour : Paye-moi ! ».

Non ! Dieu n’est pas un commerçant dont nous sommes les clients.

 

 

Il n’est pas derrière un comptoir avec un grand livre où il fait le total de ce que j’ai fait pour lui. Il me prend dans ses bras et me dit : « Mais toi, tu es mon fils ».

Si nous avons cette mentalité du  » donnant-donnant  » avec le Père, nous sommes de ceux qui se croient  » les premiers  » et qui seront  » les derniers  » dans le Royaume des cieux, après les publicains et les prostituées qui se sont convertis au dernier moment. L’explication, voyez-vous, c’est que nous ne sommes plus sous le régime du droit et de la loi mais sous le régime de l’amour et de la grâce. Nous ne serons jamais quittes envers Dieu et jamais nous ne pourrons l’aimer comme il nous a aimés ! Alors ? Que faut-il faire ?

Il nous traite comme des fils parce qu’il est Père : aimons-le d’un cœur filial. Aimons Jésus de toutes nos forces puisqu’il nous a choisis comme Amis ! Passons d’une mentalité juridique à une mentalité affectueuse et nous serons dans le « vrai « .

A travers ces paraboles qui nous choquent parce que notre mentalité n’est pas celle de Dieu, nous n’aurons jamais fini de découvrir Dieu ! Isaïe, tout à l’heure, nous disait :

« Cherchez Dieu, cherchez le Seigneur, cherchez-le dans la prière filiale, cherchez-le dans la méditation de l’Evangile : vous verrez

 Dieu n’est pas celui que vous croyez, cherchez-le avec votre intelligence et aussi et surtout avec votre cœur… Et plus vous le chercherez, plus vous constaterez qu’il est différent de nos réactions humaines, mesquines, égoïstes, juridiques ».

« Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant ses chemins sont élevés au-dessus de vos chemins et ses pensées au-dessus de vos pensées ».

 Dieu nous dépassera toujours… heureusement pour nous ! AMEN




24ième Dimanche du Temps Ordinaire par le Diacre Alexandre ROGALA

Dans l’extrait du chapitre 14 de la Lettre aux Romains que la liturgie nous propose comme deuxième lecture ce dimanche, saint Paul écrit:

« Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, cest pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants » (Rm 14, 8-9)

Celui qui, comme l’Apôtre, vit pleinement son appartenance au Christ Jésus, ne craint pas de mourir. La mort et la résurrection du Christ lui garantissent la présence de Dieu, non seulement dans sa vie, mais aussi dans sa mort. Celui qui appartient au Christ « a la certitude que rien ne pourra le séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur » (cf. Rm 8, 39)

Cette certitude, est-elle aussi la nôtre ? Si nous appartenons au Christ; si nous sommes chrétiens, nos vies ne devraient-elles pas refléter cet amour miséricordieux de Dieu pour nous ?  Alors que dimanche dernier, les lectures proposées par la liturgie nous rappelaient la nécessité de la correction fraternelle, celles de ce dimanche, nous invitent à la pratique du pardon fraternel.

La première lecture est tirée du Livre de Ben Sira. Ben Sira était un sage qui vivait à Jérusalem au IIe siècle avant J.C. Il tenait dans la Ville Sainte, une école dans laquelle il enseignait à des jeunes garçons vraisemblablement issus de bonnes familles. Ben Sira préparait ces jeunes aristocrates à la vie adulte, c’est à dire à exercer des responsabilités dans la société et dans la communauté, mais aussi à bien choisir leurs épouses et leurs amis.

Ben Sira était un homme de prière qui avait l’humilité de demander pardon pour ses fautes. Dans le magnifique texte que nous avons entendu aujourd’hui en première lecture, Ben Sira nous enseigne que le pardon du prochain est la condition pour que nous puissions recevoir le pardon divin:

« Pardonne à ton prochain le tort quil ta fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? Sil na pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses péchés à lui ? Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ; qui donc lui pardonnera ses péchés ? Pense à ton sort final et renonce à toute haine » (Si 28, 2-6a)

Dimanche dernier, Jésus nous a exhorté à pratiquer la correction fraternelle dans le but de gagner un frère qui s’égare (Mt 18, 15-20). Pierre a bien compris qu’il devait accorder son pardon au frère qui se repent suite à la réprimande qui lui a été adressée. Dans le texte d’évangile d’aujourd’hui, il pose maintenant la question de la limite du pardon, en la centrant sur le tort subi à titre personnel.

L’offre de Pierre de pardonner à son frère « jusqu’à sept fois » est généreuse comparée à la réponse à cette question la plus courante dans le judaïsme rabbinique qui était « quatre fois ». Toutefois, Jésus va encore plus loin en déclarant qu’au sein de la communauté chrétienne, le pardon ne connait aucune limite.

Pour expliquer à Pierre la raison pour laquelle le chrétien doit toujours pardonner à son frère, Jésus lui propose une parabole.

Dans la première scène de celle-ci, il est question d’un roi auquel un serviteur est incapable de rembourser sa dette de dix-mille talents. Dix-mille talents correspond au salaire de soixante millions de journées de travail pour un ouvrier. Il s’agit donc d’une somme colossale qu’il est impossible de rembourser. Face à cette situation, le maitre décide de vendre son serviteur, avec sa famille et toutes ses possessions. Dans un geste de soumission, le serviteur se jette aux pieds du roi et fait la promesse irréaliste de  rembourser sa dette astronomique. À ce moment là, coup de théâtre ! Le roi décide d’annuler la dette de son serviteur.

Dans la deuxième scène de la parabole, le débiteur qui vient d’être gracié, rencontre un compagnon de service qui lui doit une somme modique. Le compagnon de service supplie le premier serviteur de prendre patience en utilisant des termes identiques à ceux auxquels il avait eu lui-même recours devant le roi: « Prends patience envers moi, et je te rembourserai ». Contrairement à la dette initiale de dix-mille talents du premier serviteur, il est tout a fait possible de rembourser une dette de cent deniers. Mais le premier serviteur ne veut rien entendre, et fait emprisonner son compagnon.

Dans la dernière scène, quand le roi est informé de ce qui s’est passé, la sanction ne se fait pas attendre: le maitre livre son serviteur aux bourreaux.

Comment se fait-il qu’à l’instar des compagnons du premier serviteur, nous soyons nous-aussi, « profondément attristés » (v. 31), voire scandalisés, par sa décision de faire jeter en prison le compagnon qui lui devait cent deniers ? N’est-il pas normal d’exiger d’une personne qui nous a emprunté de l’argent, qu’elle nous rembourse ? Aujourd’hui encore, dans certains pays, la peine d’emprisonnement pour dette existe. Alors, comment se fait-il que l’application d’une justice sans-pitié par le premier serviteur soit intolérable pour l’auditeur de la parabole ?

C’est en répondant à ces questions que nous pouvons comprendre la raison pour laquelle, à l’intérieur de l’Église, le pardon est une obligation absolue. N’aurait-il pas été naturel qu’après avoir fait l’expérience d’un acte de miséricorde inouï, le premier serviteur entre lui-même dans le monde de la gratuité et de la miséricorde du roi ?

À la question de Pierre sur le nombre de fois où nous devons pardonner à un frère, Jésus répond qu’il n’y a aucune limite au pardon fraternel, parce que celui qui est prié de pardonner est quelqu’un qui vit lui-même du pardon infiniment plus grand de Dieu.

Enfin, si celui a qui je dois toujours pardonner est mon « frère », cela signifie que si je ne peux pas pardonner à quelqu’un qui m’a fait du mal, cette personne n’est plus mon « frère », mais mon « ennemi ».

Soyons honnêtes ! Nous avons tous des personnes dans notre entourage à qui nous n’arrivons pas à pardonner de tout notre cœur. Parfois même, ces personnes font partie de la même  communauté paroissiale que nous.

Il me semble que dans cette situation, nous devons appliquer un autre commandement du Seigneur Jésus: « Vous avez appris quil a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5, 43-44). Il est possible qu’à force de prier pour mon « ennemi », celui-ci redevienne un « frère » à qui je peux pardonner.

Par nos propres forces, il est évidemment impossible de vivre l’exigence évangélique du pardon fraternel. Demandons donc à Dieu notre Père de transformer nos cœurs afin que nous puissions voir tout homme, comme le frère (ou la sœur) à qui nous pouvons toujours accorder notre pardon.

Amen !




Audience Générale du Mercredi 13 septembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 13 septembre 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 20. Le bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros, médecin des pauvres et apôtre de la paix 

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans nos catéchèses, nous continuons à rencontrer des témoins passionnés de l’annonce de l’Évangile. Rappelons qu’il s’agit d’une série de catéchèses sur le zèle apostolique, la volonté et aussi l’ardeur intérieure pour réaliser l’Évangile. Aujourd’hui, rendons-nous en Amérique Latine, plus précisément au Venezuela, pour connaître la figure d’un laïc, le Bienheureux José Gregorio Hernández Cisneros. Né en 1864, il a appris la foi surtout auprès de sa mère, comme il l’a raconté : « Ma mère m’a enseigné la vertu dès le berceau, elle m’a fait grandir dans la connaissance de Dieu et m’a donné la charité comme guide. » Soyons attentifs : ce sont les mamans qui transmettent la foi. La foi se transmet en dialecte, c’est-à-dire dans le langage des mères, ce dialecte que les mères savent parler à leurs enfants. Et vous, les mères, soyez attentives à transmettre la foi dans ce dialecte maternel.

La charité fut en effet l’étoile polaire qui orienta l’existence du Bienheureux José Gregorio : bon et solaire, d’humeur joyeuse, il était doué d’une grande intelligence et devint médecin, professeur d’université et scientifique. Mais il fut surtout un médecin proche des plus faibles, au point d’être connu dans sa patrie comme « le médecin des pauvres ». Il s’occupait des pauvres, toujours. À la richesse de l’argent, il préféra celle de l’Évangile, dépensant sa vie pour aider les nécessiteux. Dans les pauvres, les malades, les migrants, les souffrants, José Gregorio voyait Jésus. Et le succès qu’il ne chercha jamais dans le monde, il le reçut, et continue de le recevoir, des gens qui l’appellent « saint du peuple », « apôtre de la charité », « missionnaire de l’espérance ». De beaux noms :  » Saint du peuple « ,  » apôtre de la charité « ,  » missionnaire de l’espérance « .

José Gregorio était un homme humble, un homme aimable et serviable. En même temps, il était animé d’un feu intérieur, d’un désir de vivre au service de Dieu et du prochain. Poussé par cette ardeur, il essaya à plusieurs reprises de devenir religieux et prêtre, mais divers problèmes de santé l’en empêchèrent. Sa fragilité physique ne l’a cependant pas conduit à se renfermer sur lui-même, mais à devenir un médecin encore plus sensible aux besoins des autres ; il s’attacha à la Providence et, forgé dans son âme, alla davantage à l’essentiel. Voici le véritable zèle apostolique : il ne suit pas ses propres aspirations, mais la disponibilité aux desseins de Dieu. C’est ainsi que le Bienheureux comprit qu’en soignant les malades, il mettait en pratique la volonté de Dieu, en aidant les souffrants, en donnant de l`espérance aux pauvres, en témoignant de la foi non pas avec des paroles mais par l’exemple. C’est ainsi que – à travers ce chemin intérieur- il a accueilli la médecine comme un sacerdoce : « le sacerdoce de la douleur humaine » (M. YABER, José Gregorio Hernández : Médico de los Pobres, Apóstol de la Justicia Social, Misionero de las Esperanzas, 2004, 107). Combien est-il important de ne pas subir passivement les choses, mais, comme le dit l’Écriture, de tout faire dans un bon esprit, pour servir le Seigneur (cf. Col 3, 23).

Mais interrogeons-nous : d’où José Gregorio tenait-il tout cet enthousiasme, tout ce zèle ? Cela venait d’une certitude et d’une force. La certitude était la grâce de Dieu. Il écrivait que « s’il y a des bons et des mauvais dans le monde, les mauvais y sont parce qu’ils sont devenus mauvais eux-mêmes, mais les bons ne le sont qu’avec l’aide de Dieu » (27 mai 1914). Et lui en premier se sentait dans le besoin de la grâce qu’il mendiait dans les rues et avait grand besoin de l’amour. Et voici la force dont il s’inspirait : l’intimité avec Dieu. C’était un homme de prière – il y a la grâce de Dieu et l’intimité avec le Seigneur – c’était un homme de prière qui participait à la Messe.

Et au contact de Jésus, qui s’offre sur l’autel pour tous, José Gregorio s’est senti appelé à offrir sa vie pour la paix. Le premier conflit mondial était en cours. Nous arrivons ainsi au 29 juin 1919 : un ami lui rend visite et le trouve très heureux. José Gregorio a en effet appris que le traité mettant fin à la guerre avait été signé. Son offrande a été accueillie, et c’est comme s’il pressentait que sa tâche sur terre est terminée. Ce matin-là, comme d’habitude, il était allé à la messe et il descend maintenant dans la rue pour apporter des médicaments à un malade. Mais en traversant la route, il est percuté par un véhicule ; transporté à l’hôpital, il meurt en prononçant le nom de la Vierge. Son voyage terrestre se termine ainsi, sur une route en accomplissant une œuvre de miséricorde, et dans un hôpital, où il avait fait de son travail un chef-d’œuvre comme médecin.

Frères, sœurs, devant ce témoignage, demandons-nous : moi, devant Dieu présent dans les pauvres près de moi, devant ceux qui, dans le monde, souffrent le plus, comment est-ce que je réagis ? Et comment l’exemple de José Gregorio me touche-t-il ? Lui nous stimule à nous engager face aux grandes questions sociales, économiques et politiques d’aujourd’hui. Beaucoup en parlent, beaucoup critiquent et disent que tout va mal. Mais le chrétien n’est pas appelé à cela, mais à s’en occuper, à se salir les mains : tout d’abord, comme nous l’a dit saint Paul, à prier (cf. 1 Tm 2, 1-4), et ensuite à s’engager non pas dans le bavardage – le bavardage est une peste -, mais à promouvoir le bien, à construire la paix et la justice dans la vérité. Cela aussi est le zèle apostolique, c’est l’annonce de l’Évangile, et ceci est la béatitude chrétienne : « Heureux les artisans de paix » (Mt 5,9). Suivons le chemin du bienheureux Grégoire : un laïc, un médecin, un homme du quotidien, poussé par le zèle apostolique à vivre en faisant la charité durant toute sa vie.

* * *

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier un groupe de la Fédération Internationale des Universités Catholiques et les pèlerins venus du Canada.

Le chrétien n’est pas appelé à parler seulement, mais à se « salir les mains » et à agir. À l’exemple du bienheureux José Gregorio, sachons nous engager concrètement au service des autres. Que Dieu vous bénisse et vos familles.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – Homélie du Père Rodolphe EMARD

Lectures : Si 27, 30 – 28, 7 ; Mt 18, 21-35

 

La première lecture et l’Évangile de ce dimanche abordent la question du pardon. Le commandement du pardon est bien manifeste dans l’Ancien Testament (première lecture) : « Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. » Jésus ne fera qu’accomplir ce commandement, en le menant à sa perfection. Suivre Jésus, c’est désormais sortir de la loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent ».

La réponse de Jésus à la question de Pierre, dans l’Évangile, va bien dans ce sens : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. » Le chiffre sept dans la Bible est symbolique, il exprime la perfection. Nous devons pardonner indéfiniment…

Le terme « pardon » vient du latin per qui exprime l’idée de perfection et de donare qui signifie « donner ». Littéralement, le pardon est le don parfait. Le pardon vient de Dieu car Dieu est miséricordieux. La miséricorde exprime une attitude de l’être profond de Dieu qui remue comme aux entrailles. Dieu rejette le péché mais pas le pécheur. Sa miséricorde le pousse à agir pour secourir l’homme égaré. Jésus est l’incarnation de ce Dieu miséricordieux, le bon Pasteur.

De ce fait, le pardon est un devoir à accomplir. Il nous faut prendre le chemin de la réconciliation. Un chemin qui peut être long et plus difficile selon les cas… il n’y a pas de recette toute faite dans le chemin de la réconciliation mais nous pouvons souligner huit caractéristiques à considérer dans toutes les situations :

  • C’est d’abord une grâce à demander au Seigneur. C’est Dieu qui fera ce travail de pardon dans nos cœurs.

  • Pardonner ne signifie pas oublier. Le pardon n’est pas l’amnésie. Nous ne pouvons pas non plus faire semblant d’avoir oublié.

  • Il faut éviter de ressasser les évènements. Ressasser n’aide pas à la réconciliation. Ressasser alimente la douleur, la rancune, la colère et la haine. Ben Sira le Sage nous met en garde contre ces sentiments destructeurs : « Rancune et colère, voilà des choses abominables
    où le pécheur est passé maître. (…) Pense à ton sort final et renonce à toute haine, (…) Pense aux commandements et ne garde pas de rancune envers le prochain, (…) et sois indulgent pour qui ne sait pas. ».

  • Consentir à la rude épreuve de la patience. La réconciliation se fait sur le temps… Il faut opter pour la patience envers les autres mais aussi, en premier lieu, la patience envers soi-même.

  • Il faut sans cesse prier comme nous le demande Jésus : prier pour nos ennemis, nos persécuteurs, ceux qui nous haïssent et nous maudissent. La prière nous permet de recevoir la force de Dieu pour entreprendre le chemin de la réconciliation.

  • Faire la vérité sur les faits. Il est bon de reconnaître la responsabilité de l’autre mais sans occulter ou minimiser sa propre responsabilité. Cela est nécessaire pour un vrai acte de pardon.

  • Vivre le sacrement du pardon. Ce sacrement peut vraiment nous apporter une résurrection spirituelle. Le sacrement du pardon permet de parler de sa(ses) blessures, de recevoir des conseils et de discerner les appels de Dieu.

  • Consentir que notre démarche de réconciliation puisse être refusée par l’autre, même si dans les faits, nous ne sommes pas nos torts. Aussi dur que sera ce refus, nous aurons accompli ce que demande l’Évangile. Cela nous apportera une sérénité et une paix car nous aurons vécu le commandement du pardon jusqu’au bout. Poser cet acte dépend de chacun de nous en nous rappelant que le refus du pardon restera l’affaire de l’autre avec le Seigneur. Nous serons ainsi en accord avec notre conscience.

Ces quelques caractéristiques nous rappellent que pour entreprendre le chemin de la réconciliation, il nous faut faire preuve de beaucoup de compassion, d’indulgence, non pas comme le mauvais serviteur de la parabole. Il a pourtant bénéficié de la compassion de son maître mais il n’est pas capable d’en faire preuve envers son compagnon qui lui devait de l’argent, un cœur sans pitié. Ne relativisons pas trop vite nos duretés de cœur, Jésus nous met en garde : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

Les lectures de ce dimanche nous alertent sur le commandement du pardon. Aussi dure qu’il soit, il n’est pas impossible et c’est une exigence pour entrer dans le royaume des Cieux. Nous serons jugés sur les actes de miséricorde que nous aurons posés. C’est la grâce que nous demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie, que nous soyons davantage enveloppés de la compassion de Dieu envers notre prochain.

Pour conclure, rappelons-nous que pour pouvoir pardonner, il faut tout d’abord faire l’expérience du pardon de Dieu dans nos propres vies. C’est la base pour pouvoir vivre la réconciliation avec les autres. Et ce n’est pas non plus sans rappeler la nécessité de se pardonner soi-même en vue d’un vrai acte extérieur de réconciliation.

Seigneur Jésus, apprends-nous à pardonner. Nous te confions ces chemins de réconciliation encore difficiles à entreprendre. Fais que nous ressentions l’effet de ton pardon dans nos vies et donne-nous des cœurs plus compatissants et plus miséricordieux, des cœurs semblables au tien. Amen.




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – par Francis COUSIN

« Pardon reçu … pardon donné … »

 

Le pardon … voilà un sujet bien difficile … mais qui ne devrait pas l’être …

Et de plus en plus, on parle de choses impardonnables …

Non pas comme certains qui font des remontrances et qui, sous le coup de la colère, s’écrient « Ce que tu as fait là est impardonnable ! » … mais quand ce sont des parents qui disent cela à leur enfant, on sait qu’ils ne le pensent pas vraiment … et qu’ils oublieront vite la faute …

Mais on en parle de plus en plus souvent même dans la législation … notamment en ce qui concerne des crimes de guerre … ou contre l’humanité …

Il y en a aussi qui disent : « Je te pardonne … mais je n’oublie pas ! » … ce qui, en fait, n’est pas un pardon dans la pensée de Dieu. Quand Dieu pardonne, il oublie tout ce qui a mené à son pardon … la faute n’est plus, car pardonnée !

Il y a même des personnes qui, en disant le Notre Père, passent au-dessus des paroles concernant le pardon : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », de peur d’être pris en otage par une parole qu’ils n’ont pas l’intention de mettre en œuvre … et d’autres qui les disent comme une sorte de chantage vis-à-vis de Dieu : « J’ai pardonné, donc tu devras me pardonner par la suite … ». Mais un pardon sans réelle volonté de pardonner n’est pas un réel pardon … Il n’a aucune valeur …

Dans le passage d’évangile de ce jour, c’est Pierre qui s’approche de Jésus pour lui demander combien de fois faut-il pardonner : « Jusqu’à sept fois ? », ce qui signifie l’achèvement du pardon … En donnant ce nombre, Pierre pensait sans doute faire preuve de grandeur d’âme …

La réponse de Jésus est différente et va bien plus loin : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. », c’est-à-dire tout le temps … Il n’y a pas de limite au pardon de Dieu, et donc aussi au pardon de chacun.

Et Jésus enchaîne sur une parabole, avec des nombres assez extravagants : un roi, qui représente Dieu, fait les comptes avec ses serviteurs. « Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent). ».

Le nombre n’a rien de possible, car on voit mal un serviteur qui puisse avoir une dette aussi énorme : si on considère que le prix d’une journée de travail est d’une pièce d’argent (cf les ouvriers envoyés à la vigne Mt 20,2), cette somme correspond à environ 166 667 années de travail sans jours de congés … mais cette somme impensable est là pour montrer la grandeur de l’amour de Dieu vis-à-vis des humains.

Bien entendu, le serviteur ne peut pas rembourser une telle somme, et devant la menace d’être vendu avec toute sa famille, et privé de tous ses biens, il promet ce qu’il ne peut tenir : « Je te rembourserai … prend patience. »

Et le maître, saisi de compassion, et plein de miséricorde, lui remet totalement sa dette.

Cela aurait pu en rester là … le serviteur est quitte de sa dette … et le roi (Dieu) a tellement d’amour en lui que le peu qu’il a concédé à son serviteur ne lui coûte rien, lui qui n’est qu’amour.

Mais voilà qu’en sortant de chez son maître, le serviteur tombe sur un de ses compagnons qui lui doit une somme dérisoire, tout au moins par rapport à la sienne, et sans doute vexé d’avoir été le premier à être convoqué par le maître, il lui saute dessus et lui demande de rembourser sa dette : pas grand-chose par rapport à sa dette à lui : cent pièces d’argent ! Soit 600 000 fois moins que sa propre dette. Il aurait pu abandonner sa créance, vu la largesse dont il avait bénéficié … mais il insiste et menace son collègue …

Mais le pauvre homme ne peut le rembourser. Il utilise les mêmes mots que lui-même avait utilisé : « Je te rembourserai … prend patience. ».

Mais lui, refuse et le fait jeter en prison.

C’est cette réaction, dépourvue de compassion, qui met en colère le roi : « Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? », et il livra aux bourreaux.

Il est condamné parce qu’il a refusé le pardon qu’il avait reçu en premier …

« C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. ».

Le vrai pardon ne peut être donné qu’avec un sentiment d’humilité et d’amour vis-à-vis de la personne à qui on pardonne.

Et cela n’est pas toujours facile …

Seigneur Jésus,

dans ton grand amour,

tu es toujours prêt

à pardonner nos fautes

si nous en faisons vrai contrition,

dans l’humilité et dans le respect

des autres, mais surtout

si nous pardonnons aux autres

leurs fautes envers nous.

Merci de ta miséricorde.

 

Francis Cousin

Cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder à l’image illustrée :

Prière dim ord A 24°

 




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – par le Diacre Jacques FOURNIER

« Pardonner comme Dieu pardonne »

(Mt 18, 21-35)

  En ce temps-là, Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi,10 combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).
Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.”
Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : “Rembourse ta dette !”
Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai.”
Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait.
Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s’était passé.
Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : “Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié.
Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?”
Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

                    

           Dans sa question à Jésus, Pierre met une limite maximale au pardon : pas plus de « sept fois »… Et cela doit lui apparaître énorme… Mais Jésus lui répond « soixante dix fois sept fois », c’est-à-dire toujours… Le contraste entre la petitesse de nos visions humaines et l’infini de Dieu est ici saisissant… Et nous retrouverons ces proportions dans la parabole que Jésus donnera pour illustrer ce principe.

            Un serviteur devait 10 000 talents à son roi, soit environ 280 millions d’Euros… Bien sûr, il ne peut pas rembourser. S’applique alors la règle de l’époque : le vendre, lui, ses biens et toute sa famille en remboursement de sa dette. Il était libre, il sera esclave… Il vivait avec sa femme et ses enfants : ils seront séparés, dispersés, chacun étant promis à un avenir de souffrances et d’oppression… Cet homme est brutalement plongé dans la détresse : tout s’écroule autour de lui, et lui-même s’effondre aux pieds de son roi… Ce vocabulaire de la dette sera repris par Jésus dans le Notre Père (Mt 6,12) : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs ». Nous avons donc ici une belle image du péché et de ses conséquences souvent dramatiques : il détruit l’homme, et c’est cela que Dieu ne supporte pas…

            « Prends patience envers moi, et je te rembourserai »… Il a vraiment tout perdu, même son bon sens… A une époque où un employé agricole gagnait une pièce d’argent par jour (Mt 20,2), il faudrait qu’il reverse intégralement son salaire au roi pendant 165 000 ans ! Mais face à lui, le roi est « bouleversé jusqu’au plus profond de ses entrailles », il ressent « une viscérale compassion ». Il le comprend, il se met à sa place, sa détresse devient la sienne ; il a du cœur et il agit selon son cœur : « il lui fit remise de sa dette ». L’énormité de cette dette témoigne de l’infini de sa générosité…

            Mais en sortant, le serviteur rencontre un compagnon qui lui devait 100 deniers, soit 415 €. La somme est importante et correspond bien aux montants de nos échanges, mais quelle comparaison possible avec la précédente ? L’homme se montrera pourtant intraitable… Il n’a pas « remis à son débiteur comme Dieu lui avait remis ». Il n’a pas fait preuve de compréhension, de compassion, de miséricorde. Il n’a pas su donner un peu, alors qu’il avait reçu infiniment… En agissant ainsi, il se condamne en fait lui‑même en s’excluant de la logique de l’Amour, de la Lumière et de la Vie… DJF

             




Rencontre autour de l’Évangile – 24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35)

 » Quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ?« 

 

 

 TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mt 18, 21-35)

Dans le « Discours sur l’Eglise » Jésus nous enseigne aujourd’hui le pardon et la miséricorde, un pardon sans calcul, à la mesure du pardon et de la miséricorde immense de Dieu.

Soulignons les mots importants

Après la lecture, chacun note ce  qui a retenu son attention, ce qui l’a frappé.

Pour entrer dans le texte :

  • C’est Pierre qui reprend la parole : Pourquoi lui ?

  • Pardonner « jusqu’à 7 fois?»  Pour ce chiffre « 7 » ?

  • Comment interpréter la réponse de Jésus : « Jusqu’à soixante dix fois 7 fois » ? (l’animateur pourrait lire ce qui est dit au livre de la Genèse 4, 24 à propos de la vengeance et montrer que Jésus prend le contre-pied de la vengeance)

  • « le  Royaume des cieux » : est-ce qu’on peut le mériter ou non ?

  • Pourquoi Jésus met-il une si grande différence entre la dette que le roi remet à son serviteur et la dette que ce serviteur  exige de son compagnon? Que veut-il nous faire comprendre ?

  • Qu’est-ce que nous admirons dans l’attitude du Roi ?

  • Qu’est-ce qui nous attriste dans l’attitude du « mauvais serviteur » ?

  • « Pardonner à son frère  de tout son cœur» : qu’est-ce que Jésus demande à ses disciples, qui sont comme lui fils du « Père du Ciel »?

 

Pour l’animateur  

  • Pierre reprend la Parole, parce que son rôle sera de transmettre à la communauté l’enseignement livré par Jésus sur le pardon.

Certes les frères doivent se pardonner mutuellement, mais faut-il aller jusqu’au chiffre parfait, « 7 fois » ?

  • Jésus répond « jusqu’à soixante dix fois sept fois », en se rappelant un poème cruel de la Bible (Gn 4, 24) où il est dit que Lamek, un descendant de Caïn doit être vengé « soixante dix fois sept fois. A la réaction en chaîne de la vengeance et de la violence sans fin, Jésus oppose une fraternité disposée à un pardon sans limite.

  • Dans cette parabole Jésus présente le Royaume des Cieux comme une réalité que nous ne pourrons jamais revendiquer comme un mérite, un droit. Nous sommes des débiteurs insolvables envers Dieu qui nous aime gratuitement et qui nous offre une miséricorde infinie alors que nous sommes pécheurs.

  • La différence énorme entre la dette que le Roi réclame à son serviteur insolvable et la dette minime que le serviteur réclame à son compagnon souligne la petitesse, la mesquinerie de notre cœur quand nous refusons de donner un pardon par rapport à la générosité infinie du Père du Ciel envers nous.

  • Mais peut-être que nous ne réalisons pas la gravité de nos fautes, le poids énorme de nos dettes d’amour envers notre Père des cieux et nos frères, comme le triste individu de la parabole qui par son attitude impitoyable n’a pas du tout compris la grâce qui lui était faite.

  • Jésus au lieu de revenir sur le nombre de fois où il faut pardonner préfère revenir à la prière du Notre Père : celui qui a entendu l’Evangile et s’est lié à Jésus est comme un débiteur insolvable qui doit sa vie à la seule grâce de Dieu. S’il ne pardonne pas à « son frère », sans calcul, « du fond du cœur » il se montre indigne du Père céleste qui au terme, ne fera pas une comptabilité de ses actes de pardon, mais jugera ses efforts en ce sens.

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Jésus, tu nous révèles que Dieu ton Père est patient envers nous, et que son pardon nous est toujours et totalement offert. Il attend de nous un pardon sans calcul et sans réserve à l’égard de nos frères. Tu connais l’étroitesse et la dureté de nos cœurs. Donne-nous un cœur nouveau. Tourne nos cœurs vers ta croix.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie  

Vis-à-vis de Dieu nous sommes dans la situation de ce serviteur qui doit à son Maître une somme énorme. Par un amour incompréhensible, Dieu nous a remis notre dette.

Comment se fait-il que nous soyons si exigeants et si durs à pardonner quand quelqu’un nous a offensés ? 

Notre pardon est-il large, sans calcul, sans arrière-pensée, sans mesure ?

Quand nous sommes dans une situation où nous avons à pardonner,  avons-nous le réflexe de regarder du côté de Dieu pour être capables de pardonner. 

Savons-nous reconnaître tout ce que nous devons à Dieu et que nous ne pourrons jamais rembourser (la vie, notre personnalité, la liberté notre famille, le monde dans lequel nous vivons… et  tous les bienfaits reçus de sa grâce) ?

 

Ensemble prions 

Chant : Dieu de tendresse  p. 257  c. 1 et 3

Père, dans ton immense bonté, regarde-nous, nous ces serviteurs de la parabole qui doivent à leur maître une somme énorme et se voient pourtant remettre toute leur dette.

A peine avons-nous reçu cette faveur, que nous saisissons à la gorge ceux qui ne nous doivent presque rien, pour commander qu’ils nous remboursent tout ; immédiatement.

Père, nous désapprenons vite que Tu nous nous as tout pardonné. Nous sommes des débiteurs à la mémoire courte, qui deviennent en un instant des créanciers impitoyables, exigeant d’être payés jusqu’au dernier sou.

Garde-nous, Père, d’une telle arrogance et d’un tel oubli, car Tu nous as tout pardonné. Amen.  (Cardinal Danneels)

 

 Pour lire ou imprimer le document en PDF cliquer ici :  24ième Dimanche du Temps Ordinaire

 

 

 

 

 

 

 




24ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 21-35) – Homélie du Père Louis DATTIN

 Le pardon

 Mt 18, 21-35

A la fin d’une réunion publique, l’orateur donne souvent la parole à la salle. Alors, quelques fois, des auditeurs posent des questions, parfois longues et compliquées, auxquelles l’orateur répond aussi de manière longue et compliquée. Résultat : un ennui poli dans la salle.

Et puis, parfois, surgit une question si simple, si naïve qu’elle fait sourire et voilà que le conférencier, pour rester dans le ton, donne une réponse, si simple, si limpide, qu’on se dit que ce naïf a rendu service à toute l’assemblée. Merci donc à St-Pierre, aujourd’hui, d’avoir posé cette question à Jésus. Pour nous, chrétiens de vieille souche, la question prête à sourire :

« Combien de fois dois-je pardonner à mon frère ? »

Quelle idée de compter les pardons ! Mais la question n’est pas sotte, puisque nous-mêmes, sans vouloir calculer, nous disons à l’autre : « C’est la dernière fois que je te le dis ! », « Pour une fois, je passe, mais gare à toi maintenant ».

Autrement dit, dans notre langage, nous donnons au pardon une chance, peut-être deux. Mais notre patience a des limites. Nous ne voulons pas passer pour des poires. Nous ne voulons pas être des dupes. Il arrive, comme on dit « que le vase déborde » : « Non, c’est assez. Je t’avais prévenu, tu vas me payer ça ! »

Il m’est arrivé, à propos des absences au catéchisme, de dire « une fois ça passe ; deux fois, ça lasse ; trois fois, ça casse ». Je n’ai pas été jusqu’à trois fois !

Alors, « oui, Seigneur, jusqu’où devons-nous aller ? » Ce serait facile d’avoir un règlement et un compteur à pardons… au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable. Or, Jésus nous répond : « Soixante-dix-sept sept fois sept fois ! » autant dire « encore et encore, sans cesse et sans limite, indéfiniment ».

L’énormité de la somme qu’il remet totalement à celui qu’il convoque : 10 000 talents = 60 millions de francs or, somme fantastique, extravagante. Pour vous donner un point de repère, l’historien Flavius Joseph estime qu’au temps de Jésus, les deux provinces de Galilée et de Pérée payaient 200 talents d’impôts, c’est-à-dire le 50e du chiffre cité par Jésus.

Quel est donc ce roi pour avoir des débiteurs d’une telle somme ? Avec de telles dettes, il n’y a plus qu’une chose à faire, selon la loi païenne du temps : qu’on le vende lui-même, sa femme, ses enfants, ses biens ; l’enfer, quoi ! Le serviteur, inconscient, on ne sait, ou bien renseigné sur la bonté de son maitre, demande et obtient grâce ! Remise totale : « C’est fini ! On n’en parle plus ! »

Deuxième acte : voici notre homme libéré, pardonné, qui rencontre un homme qui lui doit cent pièces, une broutille ! Parlons en euros : 0 million d’un côté, 100 euros de l’autre.

On voit le rapport ! L’autre ne peut pas rembourser : en prison !

Troisième acte : le scandale éclate. On va dire au roi ce qui vient de se passer. Le coupable est châtié après avoir été gracié :

 « Ainsi fera Dieu à l’égard de celui qui ne pardonne pas à son frère ».

Qui donc est Dieu qui exige le pardon de l’autre pour pardonner à son tour et à tout coup ? Il est celui qui peut annuler la dette aussi considérable soit-elle, aussi énorme que soit la faute.

Pour Dieu, il n’y a de faute qu’il ne consente à remettre, qui ne reçoive pas son pardon : encore faut-il le demander, encore faut-il surtout montrer soi-même sa capacité de pardonner aux autres.

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ” ».

Dans la première lecture, Sirac le sage disait la même chose : « Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait, alors, à ta prière, tes péchés te seront remis » et il nous explique cela par l’alliance, cette Alliance nouée entre nous et Dieu :

« Pense à l’Alliance du Très-Haut et oublie l’erreur de ton prochain ».

Curieuse alliance, si l’on y réfléchit bien: habituellement, une alliance est un traité d’assistance et de défense mutuelles. Mais Dieu n’a nul besoin d’être assisté ni défendu mais il a besoin que l’amour qu’il donne soit répercuté. Les termes de l’Alliance sont donc les suivants :

« Je t’aime, et toi, si tu m’aimes, prouve-le en aimant ton prochain ».

« Je te pardonne, et toi, prouve ta reconnaissance en pardonnant à ton tour, aux autres ».

Au fond, dans cet Evangile, il n’est question que de 2 vérités essentielles : le pardon de Dieu et le pardon des autres.

* Tout d’abord : le pardon de Dieu. La 1ère vérité est que l’homme a besoin du pardon de Dieu, comme nous le disons au début de chaque messe :

« Reconnaissons que nous sommes pécheurs »,

« Seigneur, prends pitié ! »,

« O Christ, prends pitié ! »,

« Dis seulement une parole et je serai guéri ».

Devant le Seigneur, prêt à nous pardonner, est-ce que nous reconnaissons notre péché ? Est-ce-que nous connaissons même notre péché ? Ou bien est-ce-que nous vivons de compromis louches : « Les affaires sont les affaires », ou bien « Y’a pas de mal à ça », « Les autres en font autant, pourquoi pas moi », « Dieu n’en demande pas tant » ?

Dans un mouvement de réconciliation, allons-nous vers le Seigneur lui demander son pardon dans la prière, dans le Sacrement de Pénitence ? Le péché abaisse, le remords tue, mais le repentir libère et le pardon remet debout. Pour retrouver la paix et la liberté intérieure, nous avons besoin du pardon de Dieu.

* 2e vérité aussi importante que la précédente : si l’homme a besoin du pardon de Dieu, il a aussi besoin du pardon des autres. Le pauvre malheureux, avec sa petite dette de 100 euros, a besoin, lui aussi, d’être pardonné. S’il n’a pas obtenu, à son tour, le pardon de l’autre, il reste enchaîné et sa vie est brisée : nécessaire pardon d’homme à homme, de créature à créature.

Est-ce-que nous le pratiquons avec la même générosité que Dieu ? Cherchons-nous à pardonner comme Dieu pardonne à nous-mêmes ? Savons-nous répercuter sur les autres, sur nos proches, la grâce que Dieu nous a faite ?

 Voyez-vous, avoir été pardonné par Dieu (et cela vous est arrivé combien de fois ? Plus de sept fois ?), c’est, pour vous, devenir responsable du pardon des autres parce que nous avons été pardonnés nous-mêmes, nous sommes porteurs de pardon pour l’autre.

Si un jour ou un autre, vous consultez en vous-même pour décider si vous ne calez pas ou si vous pardonnez, à ce moment-là, rappelez-vous tout ce qu’a fait le Père pour vous !

Rappelez-vous la Croix de Jésus pour vous : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Rappelez-vous toutes ces absolutions reçues, à chaque fois que vous êtes allés vous réconcilier avec Dieu… et alors, que nous pardonnions « comme nous sommes pardonnés », nous qui avons beaucoup plus à nous faire pardonner par Dieu qu’à pardonner aux autres.

C’est vrai, ce n’est pas facile car ce n’est pas humain, c’est divin. « Soyez bons, vous autres, parce que moi je suis bon ! » Adoptons, peu à peu, les mœurs de Dieu. Entrons dans sa mentalité, c’est le meilleur moyen de devenir comme lui.

Comme lui, ayons plus d’amour que de mémoire.

Aimons assez pour tout oublier comme lui. AMEN




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 15-20) – par D. Alexandre ROGALA

Ce dimanche, la liturgie nous invite a nous interroger sur la correction fraternelle à l’intérieur de la communauté de croyants.

Il y a quelques années, j’ai un ami chrétien qui, sans entrer dans les détails, semblait avoir un problème avec l’alcool. Ne voulant pas le vexer ni le mettre mal à l’aise, je n’ai jamais osé lui en parler directement. J’en ai discuté avec d’autres amis, et nous avons fait notre possible pour limiter les occasions qu’il avait de consommer de l’alcool. Par exemple, lorsqu’il nous invitait à  prendre un verre, nous n’acceptions pas son invitation.

Notre manière d’agir pour corriger notre ami, était-elle conforme à l’Évangile ? Après avoir entendu le protocole de correction fraternelle que propose Jésus, il est évident que la réponse est « non ». Mais essayons d’aller plus loin, et de comprendre à partir des textes bibliques proposés ce dimanche pourquoi notre manière d’agir avec notre ami n’était pas la plus appropriée pour des chrétiens.

La première lecture est un extrait du chapitre 33 du Livre du prophète Ézéchiel. Ce prophète appartenait à une famille sacerdotale de Jérusalem, et il avait été déporté en Babylonie en 597 av. J.C lorsque Nabuchodonosor roi de Babylone, avait pris la Ville Sainte. Son ministère prophétique s’est déroulé en deux temps. Cherchant peut-être à expliquer la prise de Jérusalem et la première déportation de la population à Babylone, Ézéchiel a dans un premier temps, dénoncé le péché du peuple d’Israël. Les oracles de jugement correspondent à la première partie du livre d’Ézéchiel. Quelques années plus tard, en 587 av. J.C, le roi Nabuchodonosor a fait détruire le Temple de Jérusalem. À partir de ce moment là, le discours du prophète a changé. Ézéchiel est devenu le prophète de l’espérance, et il s’est mis à annoncer la restauration d’Israël. Le texte de la première lecture d’aujourd’hui est au début de cette deuxième partie du livre.

Dans l’extrait que nous avons entendu, Dieu fait d’Ézéchiel un « veilleur ».  Ce texte n’est pas unique. D’autres passages de l’Ancien Testament présentent le prophète comme un homme qui doit veiller et avertir le peuple des paroles du Seigneur. Ainsi dans le Livre du prophète Jérémie, nous lisons que Dieu dit: « Jai suscité pour vous des guetteurs : « Faites attention au son du cor ! » » (Jr 6, 17). Et dans le Livre du prophète Habacuc, celui-ci écrit: « Je vais me tenir à mon poste de garde, rester debout sur mon rempart, guetter ce que Dieu me dira » (Ha 2, 1).

Bref, l’une des responsabilités du prophète est d’avertir celui qui commet un péché, qu’il n’agit pas selon la volonté divine. Ainsi, le pécheur averti peut, s’il en fait le choix, abandonner sa mauvaise conduite.

En vertu de notre baptême, nous participons à la dignité prophétique du Christ. Par conséquent, si je veux que mon frère se détourne de son péché, il faut que je lui dise, avec charité évidemment, que son comportement n’est peut-être pas celui d’un disciple du Christ.

L’Évangile de ce dimanche, nous explique la façon dont nous devons procéder pour corriger son frère. Le passage que nous avons écouté est précédé par la « parabole de la brebis perdue ». Cela nous indique que pour Jésus, le motif du bon berger qui va chercher la brebis égarée et celui de la correction fraternelle sont liés. Avant Jésus, un sage juif du nom de Ben Sira avait déjà fait ce lien puisqu’il écrit dans son livre: « le Seigneur, lui, a pitié de toute créature. Il corrige, il instruit, il enseigne ; comme un berger, il fait revenir son troupeau. » (Si 18, 13).

Pour le dire plus simplement, la réprimande sert à regagner son frère et à faire en sorte qu’il ne se perde pas. Ainsi, nous retrouvons dans l’évangile, la même idée que dans la première lecture. Par ailleurs, cette idée est aussi présente dans la Lettre de Jacques dans laquelle nous lisons: « Mes frères, si lun de vous s’égare loin de la vérité et quun autre ly ramène,  alors, sachez-le : celui qui ramène un pécheur du chemin où il s’égarait sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés. » (Jc 5,19-20).

La correction fraternelle doit commencer seul à seul avec le frère qui a péché. Ce n’est que s’il n’écoute pas, que nous devons faire appel à des témoins. La fonction des témoins consiste à donner davantage de poids aux déclarations de celui qui veut corriger son frère qui a péché, et à lui faire admettre que son comportement est fautif.

Si le frère qui a péché ne se convertit pas, alors il exprime lui-même qu’il se situe en dehors de l’Église. C’est pourquoi le texte nous dit, qu’il est comme un « païen et un publicain ».

Toutefois, il est important de noter que Jésus ne parle pas d’excommunication. Jésus ne dit pas qu’il faut exclure ce frère de l’Église. Les tentatives de correction fraternelle des membres de l’Église sont limitées, mais pas leur disponibilité à pardonner. Si plus tard, le frère qui a péché se convertit et demande pardon, il est important de l’accueillir. Surtout que selon notre texte, le pardon accordé à l’intérieur de la communauté ecclésiale signifie que la culpabilité devant Dieu est effacée: « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ».

 

En attendant la conversion d’un frère qui a péché, la communauté chrétienne a le devoir de prier pour lui. C’est sans doute la raison pour laquelle Jésus conclut en disant que « si deux dentre vous sur la terre se mettent daccord pour demander quoi que ce soit, ils lobtiendront de mon Père qui est aux cieux ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans la deuxième lecture tirée du chapitre 13 de la Lettre de saint Paul aux Romains, il est question du commandement de l’amour du prochain. Pour Paul tous les commandements de la Loi se résument à ce commandement que nous trouvons dans le Livre du Lévitique: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Lv 19, 18). Aimer le prochain pour le chrétien , n’est pas une émotion, aimer son prochain signifie vouloir son bien, et agir en fonction de ce bien.

 

Dans le Livre du Lévitique, juste avant le commandement de l’amour du prochain, nous lisons: « tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui. » (Lv 19, 17). Par conséquent, la correction fraternelle se situe dans la perspective de l’amour du prochain.

Nous avons vu dans l’Évangile, qu’avant de parler du mauvais comportement d’un frère chrétien à deux ou trois témoins ou à l’Église, il faut d’abord lui parler seul à seul. Informer toute l’Église avant de parler à la personne concernée est contraire au commandement de l’amour du prochain. Car celui qui aime son prochain, ne l’expose pas publiquement à cause de ses faiblesses ou de ses mauvaises actions. La réprimande dans la correction fraternelle est parfois l’expression la plus appropriée de l’amour que l’on porte à une personne.

 

Demandons donc à Dieu le Père le courage et la douceur de son Fils Jésus-Christ pour que nous osions corriger nos frères quand cela est nécessaire. Mais demandons aussi l’humilité qui nous permettra d’accueillir nous-même leurs paroles de correction fraternelle, et qu’ainsi nous puissions continuer à avancer tous ensemble sur le chemin de la sainteté. Amen !

 

 




23ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 18, 15-20) – par Francis COUSIN

« Miséricorde et unité »

 

Deux parties dans l’évangile de ce jour, toutes deux aussi importantes.

Une première partie qui parle de la résolution de conflits personnels.

Une deuxième partie qui parle de la puissance de l’unité dans la prière, et du lien qui existe entre la terre et le ciel.

Mais ces deux parties sont liées.

« Si ton frère a commis un péché contre toi … »

Le ton est donné. Jésus ne s’adresse pas à n’importe qui … ou plutôt, il s’adresse à tous, mais il considère que tout le monde devrait se comporter comme s’ils étaient tous frères

Ce n’est pas toujours évident, surtout quand il y a des conflits entre les personnes …

Mais Jésus montre ainsi que la résolution des conflits ne peut se faire que si on est dans une attitude de bienveillance vis-à-vis de la personne qui nous a fait du tort, dans une attitude miséricordieuse vis-à-vis de celle-ci … voire une attitude d’amour, de charité

Bien sûr, on n’en attendait pas moins de lui, lui qui est tout amour et qui disait : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. » (Lc 6,36)

« Va lui faire des reproches seul à seul. »

On s’explique tranquillement, sans dispute, en secret. L’important est de remettre du lien entre les personnes : lui et moi. Et personne d’autre … (Ce qui devient de plus en plus rare à notre époque où les gens se répandent sur les réseaux (dit) sociaux pour dire tout le mal qu’ils pensent de l’autre, et réciproquement), et avec une attitude humble, et ouverte …

En Église, on se parle et on s’écoute … mais on peut (et devrait) avoir la même attitude dans d’autre lieux, dans la famille, dans le travail …

« S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. »

En créole, on comprend bien ce que cela veut dire : cette personne est re-devenue ton frère !

Mais cela ne marche pas toujours … alors « prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. », pour éviter que les paroles soient trop subjectives, et pour permettre que d’autres arguments soient proposés en vue d’une évolution favorable.

Si cela ne permet pas que la situation évolue favorablement, « dis-le à l’assemblée de l’Église », en dernier ressort. Devant l’ensemble de l’assemblée de l’Église, on peut raisonnablement penser que l’Esprit Saint va faire jaillir par l’un de ses membres la parole qui permettra de résoudre le problème. Si la personne reconnaît ses torts et fait amende honorable, alors les choses sont réglées.

Dans le cas contraire, alors les paroles de Jésus sont dures : « considère-le comme un païen et un publicain ».

Cela ne veut pas dire que Jésus rejette cette personne, il continue à l’aimer et le respecter au même titre que les autres ; pour lui, ce n’est pas une insulte, mais un fait : il se met de lui-même en dehors de l’Église.

Il ne peut en être autrement. D’ailleurs, c’est Jésus qui a choisi le publicain Matthieu parmi ses apôtres, celui-là même qui relate ces paroles de Jésus. Quant aux païens, il sait reconnaître quand ils disent des paroles de foi, comme la Cananéenne ou le Centurion …

Et la décision choisie est entérinée dans le ciel, ce qui montre l’importance des décisions prises par l’Église quand elles sont prises en synode ou en concile … « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. »

La miséricorde et l’amour de Dieu se font présentes dans les décisions communes prises sur terre … Lourde responsabilité !

Mais aussi, La miséricorde et l’amour de Dieu sont présents à chaque fois que nous ramenons quelqu’un dans le droit chemin, en tête à tête … Alors, c’est grande joie dans le ciel : « C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. » (Lc 15,7)

Et Jésus termine par deux phrases importantes pour nous : il n’y a pas besoin d’être nombreux pour demander quelque chose à Dieu : il suffit d’être deux, et la deuxième : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. ».

Peut-être que si on souvenait plus souvent de cette phrase, on aurait moins cette attitude assez fréquente dans nos paroisses de sinistrose devant ce qui nous arrive …

« On n’y arrivera jamais … on n’a pas les moyens humains et matériels … etc … »

Dieu est avec nous … il nous soutient, et il nous aime … il ne nous laissera pas tomber …

« Rien n’est impossible à Dieu. » (Lc 1,37)

Seigneur Jésus,

l’Évangile de ce dimanche

devrait être pour nous une ’’leçon’’

à connaître par cœur.

Oh, on la connait,

mais on ne sait pas s’en souvenir

quand on en a besoin.

Ranime notre mémoire

pour être œuvre de miséricorde

autour de nous,

et croyons en ta présence

continuelle avec nous.

Francis Cousin

 

Cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder à l’image illustrée :

Prière dim ord A 23°