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« Les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78).

Saint Jean-Paul II a canonisé sainte Faustine (25 août 1905 – 5 octobre 1938) le 30 avril 2000 et il a institué le dimanche de la divine Miséricorde le 15 avril 2014 pour qu’elle soit fêtée chaque année au dimanche qui suit la fête de Pâques.

Cet article est illustré par des photos du Cirque de Salazie, et notamment de l’Eglise de Mare à Vieille Place, à l’Île de la Réunion… Elle est consacrée à Saint Antoine de Padoue, qui fut un apôtre de la Miséricorde divine. Il composa ainsi cette prière : « Prions… et supplions humblement la miséricorde de Jésus Christ de se tenir au milieu de nous, de nous accorder la paix, de nous absoudre des péchés, d’enlever de notre cœur toute sorte de doute et de graver dans nos esprits la foi en sa Passion et en sa Résurrection. » Saint Antoine n’est donc pas éloigné de sainte Faustine quand elle affirme que la Miséricorde est le plus grand attribut de Dieu.

 

L’expression, « les entrailles de Miséricorde », nous vient directement de St Luc quand il nous rapporte ce que Zacharie déclara au jour de la circoncision de son fils, Jean‑Baptiste.

I – Nous commencerons donc par relire ces lignes du « Cantique de Zacharie » que nous connaissons tous et nous verrons le sens de ce mot « entrailles ».

II – Puis, à partir de quelques textes de l’Ancien Testament, nous redirons avec le Pape François le cœur de notre foi : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16).

III – Nous verrons que cet Amour inconditionnel et éternel ne cesse de prendre le visage de la Miséricorde, pour nous, pécheurs…

IV – Et nous terminerons, en constatant à l’aide de quelques textes du Nouveau Testament, que non seulement Dieu ne cesse d’aimer ceux qui font le mal, mais qu’en plus, leur situation personnelle le bouleverse au plus profond de lui‑même : en effet, celui qui fait le mal ne peut que se plonger lui-même dans la souffrance, et voir un seul de ses enfants souffrir, voilà ce qui bouleverse le cœur de Dieu… Dans le respect de notre liberté, il ne pourra alors que nous presser à cesser de faire ce mal qui nous détruit, pour nous inviter à apprendre, petit à petit, avec Lui et grâce à Lui, de Miséricorde en Miséricorde, à faire ce bien qui nous construit, et qui ne peut en fait qu’être l’expression d’un cœur comblé par ce « Dieu Amour », « qui se donne gratuitement » (Pape François). Le fruit de ce Don gratuit, pour celles et ceux qui accepteront de le recevoir, sera alors un cœur comblé, renouvelé, ‘recréé’, enfanté à une vie nouvelle par ce Dieu Père qui nous aime, infiniment, avec toute la tendresse d’une Mère…

I – Commençons donc par relire ces lignes de ce Cantique que Zacharie adresse à son fils Jean-Baptiste :

« Et toi petit enfant, tu seras appelé prophète du Très‑Haut ; car tu marcheras devant le Seigneur pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut, par le pardon de ses péchés, grâce aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu dans lesquelles nous a visités l’Astre d’en Haut, pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, pour redresser nos pas au chemin de la paix » » (Lc 1,76-79).

Le Nouveau Testament a été écrit en grec. Le mot « entrailles » traduit le grec « splagkhna », pluriel de « splagkhnon ». Le dictionnaire Grec – Français « Bailly » donne pour splagkhnon « les entrailles »[1]

I – Au propre : 1 – Les viscères principaux – cœur, poumon, foie – de l’homme ou des animaux (Il s’agit donc, très, très concrètement… des tripes…).

                        2 – Le sein de la mère (Soulignons cette connotation maternelle, et le fait que ce « sein de la mère » est le lieu de l’enfantement, de la création).

II – Au figuré :  1 – Le cœur, l’âme, comme siège des affections.

                          2 – Entrailles, cœur, âme, terme de tendresse.

Grand Ilet

Comme exemple du premier sens, très concret, nous pouvons donner Ac 1,18 qui évoque la mort de Judas : « Cet homme est tombé la tête la première et il a éclaté par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues ».

Mais dans les temps anciens, et notamment dans la Bible, « on localisait les sentiments dans les entrailles, puisqu’elles sont ce qu’il y a de plus intime et caché (Ps 22,15). Elles sont alors synonymes de ce que nous appelons aujourd’hui « le cœur ». Ainsi, « les entrailles du père sont bouleversées à chaque cri de son fils » (Si 30,7)… Les entrailles (hébreu, langue de l’Ancien Testament : rahamîmH) sont ainsi le siège de la compassion (Gn 43,30 ; 1R 3,26). Le singulier réhém désigne en effet « l’utérus, le sein maternel ». Dès lors, les entrailles sont d’abord le siège de la pitié de la mère pour ses enfants (Is 49,15), et l’on dit qu’elles frémissent (Is 16,11), résonnent et font du bruit (Is 43,15), bouillonnent (Lam 1,20) ou sont en ébullition (Job 30,27).

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Soulignons trois textes de l’Ancien Testament :

 

1 – Is 63,15-17 : « Regarde du ciel et vois, depuis ta demeure sainte et glorieuse.

Où sont ta jalousie et ta puissance ?

Le frémissement de tes entrailles et tes tendresses (rahamîmH) pour moi

se sont-ils contenus ?

Où sont la plénitude de ta miséricorde et tes compassions…

Pourtant tu es notre Père… (Hqui aime d’un amour maternel)

Toi, Yahvé, tu es notre Père, notre rédempteur,

tel est ton nom depuis toujours. »

Grand Ilet 0

2 – Jr 31,20 : « Je l’aime, oui je l’aime, oracle du Seigneur »

(avec une nuance de tendresse maternelle).

3 – Ex 34,6 (TOB) : « Le Seigneur passa devant Moïse et proclama :

Le Seigneur, le Seigneur, Dieu miséricordieuxH et bienveillant,

lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté ».

La communauté juive d’Alexandrie a traduit ce texte en grec au 3° siècle avant Jésus Christ, et il est magnifique de constater que pour eux, la caractéristique première de Dieu est d’être « miséricordieux » : « Le Seigneur, Dieu compatissant et miséricordieux, patient, « plein de miséricorde » et vrai ».

Le Pape François fait allusion à ce dernier texte lorsqu’il écrit au tout début de son texte d’introduction à l’année Jubilaire de la Miséricorde (11 avril 2015) : « Jésus Christ est le visage de la miséricorde du Père. Le mystère de la foi chrétienne est là tout entier. Devenue vivante et visible, elle atteint son sommet en Jésus de Nazareth. Le Père, « riche en miséricorde » (Ep 2, 4), après avoir révélé son nom à Moïse comme « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6) n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine de différentes manières et en de nombreux moments ».

II – Le cœur de notre foi : « Dieu est Amour »

 

« Il n’a pas cessé de faire connaître sa nature divine », c’est-à-dire ce qu’Il Est en Lui-même de toute éternité. Et nous retrouvons ici le cœur de notre foi. Le Pape François écrit d’ailleurs un peu plus loin (& 8): « Le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, nous pouvons accueillir l’amour de la Sainte Trinité. La mission que Jésus a reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour divin dans sa plénitude. L’évangéliste Jean affirme pour la première et unique fois dans toute l’Ecriture : « Dieu est amour » (1 Jn 4,8.16).

Cet amour est désormais rendu visible et tangible dans toute la vie de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un amour qui se donne gratuitement. Les relations avec les personnes qui s’approchent de Lui ont quelque chose d’unique et de singulier. Les signes qu’il accomplit, surtout envers les pécheurs, les pauvres, les exclus, les malades et les souffrants, sont marqués par la miséricorde. Tout en Lui parle de miséricorde. Rien en Lui ne manque de compassion. »

« Dieu est amour », « un amour qui se donne gratuitement » pour le seul bien de la personne aimée. En tout ce qu’Il Est, « Dieu est amour » depuis toujours et pour toujours. Il ne sait donc faire qu’une seule chose : « aimer ». Or, aimer quelqu’un, c’est vouloir son bien et tout mettre en œuvre pour l’atteindre. « La miséricorde de Dieu est sa responsabilité envers nous. Il se sent responsable, c’est-à-dire qu’il veut notre bien et nous voir heureux, remplis de joie et de paix » (Pape François & 9). Voilà ce que Dieu veut pour tout homme sur cette terre, quel qu’il soit, car tous ont été créés par Lui « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), tous sont filles et fils d’un seul et même Père…

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Jr 31,37-41 : « Je vais les rassembler (…), et je les ferai demeurer en sécurité… Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien… Je trouverai ma joie à leur faire du bien,… de tout mon cœur et de toute mon âme. »

Et comment Dieu se propose-t-il de « nous faire du bien » ? En nous comblant de ses bienfaits. Et quels sont-ils ? Rien de moins que ce qu’Il Est en Lui-même… La volonté de Dieu sur toute l’humanité, sans aucune exception, est que nous partagions tous sa Plénitude de vie, de paix, et de joie… C’est ce que Jésus, vrai Dieu et vrai homme, ne cesse de nous dire : « De même le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi… Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix… Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 6,57 ; 14,27 ; 15,11).

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Et Dieu ne peut pas nous donner plus que ce qu’Il Est en Lui-même… « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) ? « Recevez l’Esprit Saint » dit le Ressuscité à ses disciples (Jn 20,22), et « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22).

« « Dieu est amour » (1 Jn 4,8.16), un amour qui se donne gratuitement », dit le Pape François. Et un peu plus loin, il ajoute : « Dans la miséricorde, nous avons la preuve de la façon dont Dieu nous aime. Il se donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans rien demander en retour » (& 14). Ce que Dieu donne gratuitement, par amour, c’est en effet ce qu’Il Est tout entier, depuis toujours et pour toujours. Et « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), et « Dieu est Saint » (Lv 11,44-45 ; 17,1 ; 19,2). Il s’agit donc du Don de l’Esprit Saint, le Don de ce qu’il Est en Lui-même. Et par ce Don de « l’Esprit qui sanctifie » (2Th 2,13), nous sommes tous appelés à devenir pleinement, selon notre condition de créature, ce que Dieu Est de toute éternité ! Il ne peut y avoir de vocation plus grande, plus belle… Et c’est ce que Dieu veut pour tout homme… Or, nous dit le Psalmiste : « Tout ce que veut le Seigneur, il le fait » (Ps 135(134),6 ; 115(114),3). Et comment le fait-il ? En donnant gratuitement, par amour, ce qu’il Est en Lui-même depuis toujours et pour toujours : le Don de l’Esprit Saint…

Salazie 8

III – Pour nous, pécheurs, l’Amour prend le visage de la Miséricorde

Ez 36,24-27 : (Vous qui avez profané mon Nom et qui avez été dispersés par suite de vos fautes), « je vous rassemblerai, je vous ramènerai vers votre sol…

Je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

Et je vous donnerai un cœur nouveau,

je mettrai (Littéralement : je donnerai…) en vous un esprit nouveau,

j’enlèverai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair.

Je mettrai (je donnerai) mon Esprit en vous

et je ferai que vous marchiez selon mes lois

et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes. »

Grand Ilet 9

Le Don de l’Amour, répété ici quatre fois, devient donc, pour le pécheur souillé, « une Eau Pure » qui le « purifie de toutes ses ordures »… Toutes, sans aucune exception, dès lors que l’on accepte de les présenter à Dieu, et de le laisser agir…

Et si le pécheur, privé du Don de l’Amour, et donc d’une Plénitude de Vie, fait l’expérience d’un état de mort intérieure, ce Don qui lui est toujours fait, envers et contre tout, sera pour lui « Eau Vive » « qui vivifie »… C’est ce qu’affirme Ezéchiel au chapitre suivant, en montrant Dieu agissant pour des morts enfermés dans leurs tombeaux, réduits à l’état de squelette, et donc, ne pouvant vraiment plus rien faire par eux-mêmes ! Tout ce qui arrivera pour eux ne pourra donc qu’être le fruit de l’initiative gratuite de l’Amour, et du Don tout aussi gratuit de l’Amour :

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Ez 37,4-14 : « Ossements desséchés (et donc en manque d’eau), écoutez la parole du Seigneur.

Ainsi parle le Seigneur Dieu à ces ossements.

Voici que je vais faire entrer en vous l’Esprit et vous vivrez…

Ainsi parle le Seigneur Dieu. Voici que j’ouvre vos tombeaux ;

je vais vous faire remonter de vos tombeaux, mon peuple,

et je vous ramènerai sur votre sol.

Vous saurez que je suis le Seigneur, lorsque j’ouvrirai vos tombeaux

et que je vous ferai remonter de vos tombeaux, mon peuple.

Je mettrai (Littéralement : Je donnerai) mon Esprit en vous et vous vivrez,      

et je vous installerai sur votre sol, et vous saurez que moi, le Seigneur,

j’ai parlé et je fais, oracle du Seigneur » (cf. (Ps 135(134),6 ; 115(114),3).

Jésus ne dira pas autre chose… Souvenons-nous du Cantique de Zacharie où il s’agit de « faire l’expérience du salut par le pardon de nos péchés », et cela grâce à « l’Astre d’en Haut », Jésus « Lumière du monde » (Jn 8,12) qui a pris l’initiative de nous « visiter » pour donner l’Esprit de Lumière et de Vie « à ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort ». Nous retrouvons en ce texte « l’Amour Don gratuit de Lui‑même ». En effet, « ceux qui habitent dans les ténèbres » le sont par suite de leurs fautes. Et s’ils connaissent « l’ombre de la mort », c’est bien parce que « tous ont péché, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes » (Rm 5,12). Mais, si « le salaire du péché c’est la mort, le don gratuit de Dieu », par Amour, « est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Et ce Don nous est très concrètement communiqué par « le Don du Saint Esprit » (Ac 2,38), cet « Esprit qui est Vie » (Ga 5,25), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), cet « Esprit qui donne la vie » (Rm 8,2). Or « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). S’il nous donne « l’Esprit Saint », « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), alors il se donne Lui-même, il nous donne ce qu’Il Est en Lui-même depuis toujours et pour toujours. Tel est le propre de l’Amour qui ne cesse de se donner gratuitement, par amour, donnant cette Plénitude qui est la sienne à tout homme, quel qu’il soit, pour que nous puissions tous expérimenter nous aussi cette Plénitude et connaître ainsi P1130731le vrai Bonheur… Le Christ ressuscité est ainsi « le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu (le Père) a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude », le Père la donnant au Fils de toute éternité, le Fils la recevant du Père de toute éternité en Fils « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu » (Crédo). Et Dieu a aussi jugé bon, poursuit St Paul, « que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel »… « Tous les êtres », et donc tout homme… C’est pourquoi « paix aux hommes de bonne volonté » (Lc 2,14), à tous les hommes de bonne volonté, où qu’ils soient, quels qu’ils soient… Et le mot « paix » dans la langue de Jésus ne renvoie pas seulement à l’absence de violence, mais il est synonyme de « plénitude », et donc de cette Plénitude d’Être et de Vie qui est la sienne de toute éternité. Voilà ce qu’il est venu nous offrir en nous proposant inlassablement, gratuitement, par amour, le Don de l’Esprit Saint, l’Esprit d’Amour et de Paix… « Je vous laisse la Paix, je vous donne ma Paix… La Paix soit avec vous… Recevez l’Esprit Saint » (Jn 14,27 ; 20,19-22)… Et par ce Don, si « en lui habite corporellement la Plénitude de la Divinité, vous vous trouvez en lui associés à sa Plénitude » (Col 2,9-10), un état qui est synonyme pour nous de vrai Bonheur… Nous ne serons en effet pleinement heureux qu’au jour où nous accepterons de recevoir, gratuitement, par Amour, ce Don que l’Amour ne cesse de faire de Lui-même, ce Don de l’Esprit dont le fruit est « amour, joie, paix » (Ga 5,22)…

Grand Ilet 7

Nous retrouvons tout ceci dans le discours de Jésus sur la Montagne, lorsqu’il disait aux foules rassemblées autour de lui :

Mt 5,3-12 : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.

(4) Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.

(5) Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.

(6) Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.

(7) Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

(8) Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

(9) Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

(10) Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.

(11) Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. (12) Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. »

Grand Ilet 5

Le mot « heureux » intervient neuf fois, trois fois trois… Or, le chiffre « trois » dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit… Et étant donné que Dieu Est ce qu’il Est, et il « Est Amour » (1Jn 4,8.16), il ne cesse d’agir en tant qu’il ne cesse de se donner lui-même, de donner ce qu’Il Est en lui-même… Notre bonheur, « heureux », sera donc en nous le fruit du Don de Dieu accueilli dans nos cœurs, Don de son Esprit Saint, et donc de sa Plénitude d’Être et de Vie…

Et peu après, St Matthieu nous présente ce Dieu Amour proche de tout homme, qui ne cesse de se donner gratuitement à tout homme, gratuitement, par Amour, et cela pour son seul bonheur, son seul bien…

Mt 5,43-45 : « Vous avez entendu qu’il a été dit :

Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.

Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs,

afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux,

car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons,

et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. »

« Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ? « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) ? « Le Seigneur fait donc lever son soleil sur les méchants et sur les bons » en donnant la Lumière de l’Esprit aux méchants comme aux bons… « Le Seigneur Dieu est un soleil, il est un bouclier ; le Seigneur donne la grâce », « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29), « il donne la gloire », « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). « Jamais il ne refuse le bonheur à ceux qui vont sans reproche » (Ps 84(83),12), c’est-à-dire à ceux qui demeurent, de cœur, tournés vers Lui, dans la force comme dans la faiblesse… Et si par malheur pour lui l’homme lui tourne le dos, Dieu, de son côté, ne cesse d’être Lui-même, Amour qui se donne, gratuitement, par amour… Et c’est le Don qu’il fait de Lui-même, le Don de l’Esprit Saint, qui viendra frapper à la porte de son cœur fermé, comme le fait la pluie sur les volets et les portes de nos maison… Et il en sera ainsi, discrètement, avec douceur, mais avec fidélité, jusqu’à ce qu’elle s’ouvre, pour le plus grand bonheur du pécheur qui trouvera enfin, avec ce Don, le vrai bonheur… « Je me tiens à la porte et je frappe… Si tu m’ouvres ton cœur, je ferai chez toi ma demeure. Tu nous as faits pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi » (d’après Ap 3,20 et St Augustin).

Et si Jésus dit « Heureux les pauvres de cœurs, car le Royaume des Cieux est à eux », c’est bien « parce que votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32), gratuitement, par Amour. Et quelle réalité se cache derrière ce mot « Royaume » ? Un Mystère de Communion « dans l’unité d’un même Esprit » (Ep 4,3 ; 2Co 13,13), cet Esprit proposé gratuitement à tous pour le seul bien de tous : « Le règne de Dieu », le Royaume des Cieux, « n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17).

Nous avons vu comment Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Et lorsque Jésus ajoute « et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes », il redit la même chose avec, cette fois, non plus l’image de la lumière, mais celle de l’eau. En effet, Dieu est souvent évoqué dans la Bible avec l’image d’une source : « Ils m’ont abandonné, moi, la Source d’Eau vive », dit-il en Jérémie (Jr 2,13 ; 17,13). Dieu est ainsi « Source d’Eau Vive », Don de l’Eau Vive et Pure de son Esprit (Jn 7,37-39), une Eau Vive qui « tombe en pluie sur les justes » pour les vivifier, les combler, leur offrir la Plénitude même de Dieu, une Eau Pure qui « tombe aussi en pluie sur les injustes » pour les inviter, en frappant à la porte fermée de leur cœur (Ap 3,20), à lui ouvrir, à se tourner vers Lui de tout cœur. Alors, cette Eau Pure les purifiera de toutes leurs ordures (Ez 36,24-28), et leur permettra d’accueillir à leur tour la Plénitude de la vie éternelle…

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Eglise de Grand Ilet (Cirque de Salazie)

Notons avec ces images que nul homme sur cette terre n’est « juste » au sens de « sans péché »… « Tous sont soumis au péché… Il n’est pas de juste, pas un seul… Il n’est donc pas question de l’homme qui veut ou qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. » Ainsi, nous sommes tous « des vases de miséricorde que Dieu a d’avance préparés pour sa Gloire » en les appelant à se tourner vers Lui de tout cœur, tels qu’ils sont, avec toutes leurs blessures et leurs misères, pour se laisser remplir par le Don de Dieu, le Don de « l’Esprit de Gloire, l’Esprit de Dieu » (Rm 3,9-26 ; 9,16 ; 9,23 ; 1P 4,14).

Nous sommes tous, en effet, des pécheurs qui avons continuellement besoin d’être pardonnés, lavés, relevés, fortifiés, soutenus… « La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché », écrit notre pape François (&2). Et souvenons-nous du jour de son élection, le 13 mars 2013. Le Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, écrit ainsi dans la préface du Livre du Pape François, « Amour, Service et Humilité » : « Aussitôt connus les résultats du cinquième scrutin du Conclave que nous venons de vivre, le Cardinal Bergoglio avait à répondre aux deux questions rituelles qui marquent la fin du Conclave et la levée du secret : « Acceptes-tu ton élection ? » et « Quel nom choisis-tu ? ». A la première, il a répondu : « Je suis pécheur et j’en ai conscience, mais j’ai une grande confiance dans la Miséricorde de Dieu. Puisque vous m’avez élu ou, plutôt, puisque Dieu m’a choisi, j’accepte. » »

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Ainsi, « Dieu veut faire miséricorde à tous » (Rm 11,32), « il veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4), « et tout ce que veut le Seigneur il le fait » (Ps 115,3 ; 135,6). « Il le fait », très concrètement, en donnant la Plénitude de son Esprit à tout homme, pour son seul bien, gratuitement, par amour… Et c’est ainsi que le Dieu qui, éternellement, est Amour, prend pour nous, pécheurs, le visage de la Miséricorde, car au cœur de notre misère, nous sommes tous invités à faire l’expérience que Dieu, de son côté, n’a jamais cessé de nous aimer, et donc de se donner à nous, gratuitement, par amour…

IV – Ces entrailles de Miséricorde sont aussi « compassion » pour le pécheur.

En effet, si Dieu nous a tous créés pour être remplis par ses bienfaits, connaître la Plénitude de sa Vie, participer à sa Lumière et à sa Gloire, le péché qui est abandon de Dieu, fermeture à Dieu, repli sur soi, ne peut que nous priver de tous ces dons… « Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,23).

Or, être privé de ce pour quoi nous avons été faits ne peut qu’être synonyme de souffrance, de mal être, de pleurs, de tristesse… « Souffrance et angoisse à toute âme humaine qui s’adonne au mal » (Rm 2,9).

Et le cœur de Dieu est bouleversé de compassion lorsqu’il voit un homme, un de ses enfants, quel qu’il soit, souffrir, et cela quelque soit l’origine de sa souffrance, qu’il en soit responsable ou pas…

Os 11,7-8 : « Mon peuple est cramponné à son infidélité.

On les appelle en haut, pas un qui se relève !

Comment t’abandonnerais-je, Éphraïm, te livrerais-je, Israël ?

Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent ».

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Et la Bible de Jérusalem écrit en note : « Le mot « bouleversé » est très fort ; précisément celui qui est employé à propos de la destruction des cités coupables », conséquence de leurs péchés… Osée laisse entendre que ces conséquences désastreuses sont « comme vécues d’avance dans le cœur de Dieu ».

Nous l’avons vu avec Osée, si l’homme est responsable de ses souffrances par suite du mal qu’il commet, Dieu, dans son Amour, ne peut que le presser à abandonner ce qui, en fait, malgré les apparences peut-être contraires, le plonge dans le mal être et la souffrance… Son seul désir est alors de tout nous pardonner, car Dieu ne regarde pas la faute en elle même, mais les conséquences de cette faute dans le cœur et la vie de celui qui l’a commise. Et encore une fois, son seul désir est de voir sa créature comblée par sa propre Plénitude.

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Alors, le premier cadeau qu’il fera au pécheur, sera le pardon de toutes ses fautes, et cela dans une attitude de Joie ( Lc 15 ; Rm 12,8) qui sera au même moment consolation (2Co 1,3-7), réconfort, encouragement pour celui qui accepte de répondre ainsi à l’Amour… En Lc 15, « Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne » écrit le Pape François, car il ne poursuit que le bien de tous les hommes qu’il aime (Lc 2,14), et il se réjouit de voir ce « bien » triompher dans leur cœur et dans leur vie. « Nous y trouvons le noyau de l’Evangile et de notre foi », poursuit le Pape François, « car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour, et qui console en pardonnant ».

« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est accompli, que sa faute est expiée, qu’elle a reçu de la main du Seigneur deux fois le prix de toutes ses fautes » (Is 40,1), deux fois le prix de tout ce qu’elle aurait dû dépenser à l’époque pour acheter les animaux prescrits par la Loi et les offrir en sacrifices pour le pardon de ses péchés… Déjà, avec cette image d’Isaïe, nous avons la réalité de la surabondance de la Miséricorde de Dieu si bien exprimée par St Paul : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). « En lui », le Christ, « nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu’Il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence » (Ep 1,7)… « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10).

Face à toute souffrance, fut-elle provoquée par le mal, la seule attitude de Dieu est donc de consoler, réconforter, encourager, et inviter au repentir si cela est nécessaire… « J’entendis alors une voix clamer, du trône : Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu‑avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé » (Ap 21,3-4 ; cf. 2Co 1,3-7).

Et cette réaction de Dieu est très concrètement manifestée dans les Evangiles chaque fois que le Christ est en relation avec des personnes qui souffrent… Le verbe « être bouleversé jusqu’au plus profond de ses entrailles » est ainsi employé trois fois pour Dieu (Mt 18,27 ; Lc 1,78 ; 15,20), une fois pour le bon Samaritain (Lc 10,33), et neuf fois pour le Christ (Mt 9,36 ; 14,14 ; 15,32 ; 20,34 ; Mc 1,41 ; 6,34 ; 8,2 ; 9,22 ; Lc 7,13), et cela presque toujours pour rendre compte de son intervention miraculeuse… Ce verbe traduit d’abord une émotion physique, une authentique compassion devant l’état misérable du prochain (Lc 10,33), littéralement un mouvement des entrailles suscité par la vue (Lc 7,13 ; 10,33 ; 15,20). Traduire par « il eut pitié », écrit le P. Ceslas Spicq, serait donc presque un contre-sens ; « il fut pris (ou saisi) de pitié » serait meilleur ; le sens exact est : « il ressentit une viscérale compassion »[2]. Le Pape François écrit : « La miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle Il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux mêmes par leur fils. Il est juste de parler d’un amour « viscéral ». Il vient du cœur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon » (& 6).

Regardons les textes où le Christ intervient. « Ce qui animait Jésus en toute circonstance n’était rien d’autre que la miséricorde avec laquelle il lisait dans le cœur de ses interlocuteurs et répondait à leurs besoins les plus profonds » (Pape François &8).

Grand Ilet 4

1 – Mc 1,40-45 (v. 41) : « Un lépreux vient auprès de lui ; il le supplie et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » (41) Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » (42) À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. (43) Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt (44) en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. » (45) Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui. »

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2 – Mc 6,30-44 (v. 34) : « Les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. (31) Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. (32) Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. (33) Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. (34) En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. »

Jésus voit « qu’ils étaient comme des brebis sans berger ». Alors, « bouleversé jusqu’au plus profond de lui-même », il agit en Pasteur qui guide son troupeau par sa Parole, au son de sa voix, et lui indique ainsi le chemin à suivre… « Et il se mit à les enseigner longuement ». Ce « longuement » souligne sa générosité. Il répond toujours à tous nos besoins en surabondance… « Mon Dieu comblera tous vos besoins, selon sa richesse, avec magnificence, dans le Christ Jésus » écrivait St Paul (Ph 4,19). C’est pourquoi, il invitait à se tourner vers lui « en tout besoin » : « N’entretenez aucun souci ; mais en tout besoin recourez à l’oraison et à la prière, pénétrées d’action de grâces, pour présenter vos requêtes à Dieu. Alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus » (Ph 4,6-7).

Mais à parler longuement, l’heure avancera… La nuit tombe, et les endroits où l’on peut se ravitailler sont loin… Alors là aussi, les besoins de cette foule ne laisseront pas son cœur insensible, et ce sera la multiplication des pains…

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En St Matthieu (Mt 14,14), dès qu’il descend de la barque, Jésus voit des infirmes et leur situation le bouleverse : il les guérira tous… « En débarquant, il vit une foule nombreuse et il fut saisi de compassion envers eux ; et il guérit leurs infirmes ». « Face à la multitude qui le suivait », écrit le Pape François, « Jésus, voyant qu’ils étaient fatigués et épuisés, égarés et sans berger, éprouva au plus profond de son cœur, une grande compassion pour eux (cf. Mt 9,36). En raison de cet amour de compassion, il guérit les malades qu’on lui présentait et il rassasia une grande foule avec peu de pains et de poissons (cf. Mt 15,37). »

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Intérieur de l’Eglise de Grand Ilet

3 – Mc 8,1-10 (v. 2 ; cf. Mt 15,32) : « En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une grande foule, et que les gens n’avaient rien à manger, Jésus appelle à lui ses disciples et leur dit : (2) « J’ai de la compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. (3) Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin. » Et ce sera à nouveau une multiplication des pains…

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4 – Mc 9,22 : ici, c’est le père d’un enfant épileptique qui fait appel à la compassion de Jésus. Il s’est d’abord adressé à ses disciples, mais ils n’ont rien pu pour lui… Alors, il vient voir directement Jésus et lui dit : « Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par compassion envers nous ! » « Jésus lui déclara : « Pourquoi dire : “Si tu peux”… ? Tout est possible pour celui qui croit. » Aussitôt le père de l’enfant s’écria : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » » (Mc 9,23‑24).

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5 – Mt 20,29-34 (v. 34) : « Tandis que Jésus avec ses disciples sortait de Jéricho, une foule nombreuse se mit à le suivre. (30) Et voilà que deux aveugles, assis au bord de la route, apprenant que Jésus passait, crièrent : « Prends pitié de nous, Seigneur, fils de David ! » (31) La foule les rabroua pour les faire taire. Mais ils criaient encore plus fort : « Prends pitié de nous, Seigneur, fils de David ! » (32) Jésus s’arrêta et les appela : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » (33) Ils répondent : « Seigneur, que nos yeux s’ouvrent ! » (34) Saisi de compassion, Jésus leur toucha les yeux ; aussitôt ils retrouvèrent la vue, et ils le suivirent. »

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6 – Lc 7,11-17 (v. 13) : « Par la suite, Jésus se rendit dans une ville appelée Naïm. Ses disciples faisaient route avec lui, ainsi qu’une grande foule. (12) Il arriva près de la porte de la ville au moment où l’on emportait un mort pour l’enterrer ; c’était un fils unique, et sa mère était veuve. Une foule importante de la ville accompagnait cette femme. (13) Voyant celle-ci, le Seigneur fut saisi de compassion pour elle et lui dit : « Ne pleure pas. » (14) Il s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. » (15) Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. (16) La crainte s’empara de tous, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple. » » (17) Et cette parole sur Jésus se répandit dans la Judée entière et dans toute la région. »

« Lorsqu’il rencontra la veuve de Naïm qui emmenait son fils unique au tombeau, il éprouva une profonde compassion pour la douleur immense de cette mère en pleurs, et il lui redonna son fils, le ressuscitant de la mort » (Pape François &8).

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Nous conclurons en deux points :

 

1 – « Après avoir libéré le possédé de Gerasa, il lui donna cette mission : « Annonce tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Mc 5, 19). L’appel de Matthieu est lui aussi inscrit sur l’horizon de la miséricorde. Passant devant le comptoir des impôts, Jésus regarda Matthieu dans les yeux. C’était un regard riche de miséricorde qui pardonnait les péchés de cet homme, et surmontant les résistances des autres disciples, il le choisit, lui, le pécheur et le publicain, pour devenir l’un des Douze » (Pape François &8), ces Douze que Jésus avait choisi « pour être avec lui et pour les envoyer prêcher » la Bonne Nouvelle de l’Amour (Mc 3,13‑19).

Mare à Vieille Place 2

En accueillant pour nous mêmes le pardon de toutes nos fautes donné en surabondance par Jésus, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), « l’Astre d’en haut qui nous a visités dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,76-79), en découvrant l’absolue gratuité de l’Amour qui comble d’autant plus, par amour, ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les plus grands pécheurs (Lc 5,31-32), ceux qui, à leurs propres yeux et aux yeux des hommes, ne méritent surtout pas ce qu’ils ont reçu, nous sommes ensuite invités à travailler le plus possible avec le Christ pour que le plus grand nombre puisse aussi bénéficier gratuitement, par amour, de tous ces bienfaits… Car là se cache la vraie vie, la vraie joie, la vraie paix, un trésor devant lequel tout le reste ne peut que faire pâle figure… « Tu mets dans mon cœur plus de joie, que toutes leurs vendanges et leurs moissons » (Ps 4). « Le royaume des Cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ. (45) Ou encore : Le royaume des Cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. (46) Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle » (Mt 13,44-46).

Les disciples de Jésus sont donc avant tout invités à être les heureux témoins de cette Miséricorde infinie qu’ils ont accueillie pour eux-mêmes… Apparaissant à ses disciples, le Christ ressuscité leur dit (Lc 24,46-48) : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, (47) et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. (48) À vous d’en être les témoins » (Lc 24,46-48). Témoins de la Résurrection, mais aussi témoins qu’une « conversion » sincère est aussitôt comblée par « le pardon des péchés » donné en surabondance… « Annonce tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Mc 5, 19).

2 – Nous sommes aussi tous invités à faire miséricorde à tous ceux et celles qui nous entourent, comme le Seigneur lui-même nous a faits miséricorde… Reprenons cet extrait du Pape François que nous avons déjà cité peu après le début du second point, mais que nous allons reprendre en allant plus loin, jusqu’à nous, jusqu’à notre agir qui devrait être « à l’image et ressemblance » (Gn 1,26-27) de celui de Dieu : « La miséricorde de Dieu est sa responsabilité envers nous. Il se sent responsable, c’est-à-dire qu’il veut notre bien et nous voir heureux, remplis de joie et de paix. L’amour miséricordieux des chrétiens doit être sur la même longueur d’onde. Comme le Père aime, ainsi aiment les enfants. Comme il est miséricordieux, ainsi sommes-nous appelés à être miséricordieux les uns envers les autres » (& 9). « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36 ; Nouvelle Traduction Liturgique). « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant » (Lc 6,36 ; Bible de Jérusalem). « Soyez généreux comme votre Père est généreux » (Lc 6,36 ; TOB). Telle est l’invitation que Jésus nous lance avec ce seul texte du Nouveau Testament où la notion « d’entrailles » de miséricorde et de compassion est appliquée à un homme, un Samaritain (Lc 10,25-37) : « Et voici qu’un docteur de la Loi se leva et mit Jésus à l’épreuve en disant : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (26) Jésus lui demanda : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » (27) L’autre répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » (28) Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. »

(29) Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » (30) Jésus reprit la parole : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba sur des bandits ; ceux-ci, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. (31) Par hasard, un prêtre descendait par ce chemin ; il le vit et passa de l’autre côté. (32) De même un lévite arriva à cet endroit ; il le vit et passa de l’autre côté.

(33) Mais un Samaritain, qui était en route, arriva près de lui ; il le vit et fut saisi de compassion. (34) Il s’approcha, et pansa ses blessures en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. (35) Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : “Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai.”

(36) Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » (37) Le docteur de la Loi répondit : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. » Jésus lui dit : « Va, et toi aussi, fais de même. »

Mare à Vieille Place 4

« En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde.  Le pardon des offenses devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur. Se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence et de la vengeance, est la condition nécessaire pour vivre heureux. Accueillons donc la demande de l’apôtre : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4, 26). Ecoutons surtout la parole de Jésus qui a établi la miséricorde comme idéal de vie, et comme critère de crédibilité de notre foi : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7). C’est la béatitude qui doit susciter notre engagement tout particulier en cette Année Sainte » (Pape François &9).

Et devenir de plus en plus miséricordieux pour les autres sera aussi le fruit de l’accueil de la Miséricorde de Dieu pour nous-mêmes. En effet, si nous acceptons de nous reconnaître pécheurs, de tout cœur, en reconnaissant et en offrant à Dieu en vérité toutes nos misères, Jésus, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), le fera par le Don de l’Esprit Saint, Eau Pure qui purifie, Eau vive qui vivifie (Ez 36,24-28 ; Jn 4,10-14 ; 7,37-39 ; Ga 5,25)… Et puisque cet Esprit est l’Esprit de Dieu, de ce Dieu qui « Est Amour » (1Jn 4,8.16), Amour Pur, Gratuit, et donc Amour Miséricordieux face à notre misère, ce Don reçu pour nous-mêmes ne pourra que nous pousser à aimer à notre tour avec cette dynamique propre à l’Amour : offrir son pardon à l’autre dans la seule recherche de son bien… Si l’accueil du Don de Dieu pour nous-mêmes est authentique, il ne peut en être autrement… « Pardonnez‑vous mutuellement, si l’un a contre l’autre quelque sujet de plainte ; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour » (Col 3,13), car « l’Amour de Dieu », l’Amour avec lequel Dieu nous aime, l’Amour Miséricordieux dont nous sommes les premiers heureux bénéficiaires, « a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et « le fruit de Jésuscet Esprit » d’Amour ne peut qu’être « amour, joie, paix, douceur, bienveillance » (Ga 5,22)… Alors, « heureux les miséricordieux », heureux celles et ceux qui font miséricorde, car ils ne peuvent que vivre sous la mouvance de l’Esprit d’Amour et de Miséricorde, un Esprit dont le premier fruit en eux sera « joie », et donc bonheur profond… L’agir chrétien apparaît ainsi non pas comme étant avant tout le fruit de nos efforts, mais comme « le fruit de l’Esprit » accueilli gratuitement du « Père des Miséricordes », alors mêmes que, pécheurs, nous nous remettons entièrement entre ses mains… « Vous étiez morts par suite des fautes et des péchés dans lesquels vous avez vécu jadis… Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ. C’est par grâce que vous êtes sauvés ! Avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,4-10), les « bonnes œuvres » de la Miséricorde… Alors « heureux les miséricordieux », car leur attitude prouve qu’ils ont reçu en vérité la Miséricorde de Dieu pour eux-mêmes, ce Don de Dieu qui ne peut qu’être synonyme pour eux de Bonheur profond…   DJF

[1] BAILLY M.A.,  » splagkhnon « , Dictionnaire Grec-Français (Paris 1930) p. 1779.

[2] SPICQ C.,  » splagkhna, splagkhnizomai », Lexique théologique du Nouveau Testament (Paris 1991) p. 1409s.

Les entrailles de Miséricorde de notre Dieu (2) : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez à cet article en format PDF pour lecture ou éventuelle impression.

Pour un texte plus complet, avec notamment les expressions grecques :

https://www.sedifop.com/les-entrailles-de-misericorde-de-notre-dieu-conseil-diocesain-de-pastorale-14012016/

 




2e dimanche de Pâques – Dimanche de la Divine Miséricorde – par Claude WON FAH HIN

Commentaire d’Evangile du samedi 23/04/2022 et Dimanche 24/042022

 

Actes 5.12–16 ; Apocalypse 1.9–13, 17–19 ;

Jean 20.19–31

Jésus est ressuscité, trois jours après sa mort. Et « le soir, ce même jour, le premier de la semaine » ( c’est-à-dire « dimanche »), onze de ses disciples rassemblés se sont enfermés dans un lieu par peur de la persécution faite par les autorités juives. Disons tout de suite que huit jours après, il y a une nouvelle assemblée. Il est fort probable que ce rassemblement régulier tous les huit jours soit à l’origine de nos rassemblements à la messe chaque samedi ou dimanche. « Les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, Jésus vint au milieu d’eux ». A cause de la résurrection, Jésus peut venir dans une pièce verrouillée. On ne dit pas qu’il traverse les murs ou les cloisons, mais il peut apparaître là où sont ses disciples. Le corps glorifié de Jésus ressuscité est un corps, le même qu’avant sa mort, mais avec un « plus », avec de nouvelles spécificités. Il peut apparaître où il veut, comme il veut et parfois sans même que ses disciples ne puissent le reconnaître. Ainsi, Marie de Magdala, alors qu’elle est à deux pas de Jésus ressuscité, le prend pour un jardinier. Elle ne le reconnait pas d’elle-même. Il a fallu que Jésus se fasse reconnaître pour qu’elle réalise que c’est bien Jésus.

De même, les disciples d’Emmaüs ne le reconnaissent pas alors qu’ils les accompagnent et discutent avec eux. Il a fallu un signe de Jésus, la fraction du pain, pour qu’ils le reconnaissent mais il a déjà disparu. Même aujourd’hui, il est difficile à certains catholiques pratiquants d’affirmer que l’hostie est réellement corps du Christ, alors que Jésus l’affirme lui-même en disant : « ceci est mon corps », pas le symbole de son corps, mais son corps réel vivant. – Voilà donc Jésus au milieu de ses disciples. En premier lieu, Jésus leur montre ses mains et son côté pour bien leur faire comprendre que c’est bien le Jésus mort sur la croix qui est de nouveau avec eux, et qu’il ne s’agit pas d’un fantôme ou d’un esprit comme il est dit en Luc 24,37, car un esprit n’a pas de corps. Jésus est donc bien ressuscité, il a encore les stigmates de la crucifixion. Et la joie éclate parmi les disciples. Rappelons que tous, nous ressusciterons. Peu importe que certains corps restent introuvables, que d’autres ont fini en mer, ou brûlés, tous ressusciteront, mais n’auront pas tous le même destin. – Jésus vient parmi ses disciples pour leur envoyer en mission : « comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». L’envoi en mission est fait par Jésus. De nos jours, dans un diocèse, celui qui envoie en mission, et selon l’importance de la mission, c’est le représentant du Christ, l’évêque ou au niveau de la paroisse, le curé qui envoie en mission. C’est pour cela que les chrétiens ne doivent pas suivre les personnes qui décident d’eux-mêmes, d’aller prêcher le Christ, de faire des enseignements, des prières collectives ou encore des soi-disant exorcismes à leur manière, en dehors de l’Eglise, sous prétexte qu’ils sont des catholiques alors qu’elles n’ont reçu aucune mission de ce genre par l’évêque. C’est comme cela que se crée ce qui va devenir des sectes, à partir de personnes qui se disaient catholiques, mais non envoyées et non reconnues par l’évêque pour telle ou telle mission.

Après, chaque chrétien, dans sa vie quotidienne essaie de mettre en pratique les commandements et les enseignements donnés par Jésus : aimer, pardonner, servir, partager, aider, secourir, évangéliser, baptiser etc…Ce sont des missions du niveau de chaque chrétien sans besoin d’un envoi spécial de l’évêque. Mais de tout cela, nous avons besoin de ce que le Christ nous donne : l’Esprit Saint, sans qui nous ne pouvons rien faire. L’Esprit Saint nous est donné pour toutes sortes de raisons dont la liste pourrait être très longue, mais on peut citer quelques raisons : Il est notre défenseur face à l’Esprit du mal, face à nos contradicteurs, il est l’Esprit de vérité, il nous enseigne toute chose, nous permet de rendre témoignage au Christ, il nous rappelle ce que nous connaissons déjà du Christ, Il est souffle de vie, il nous fait tourner vers le Christ, Il est donné à ceux qui le demandent, Il parle pour nous le moment venu et nous aide à prier comme il faut, Il habite en nous et nous sommes temples de Dieu, il vient au secours de nos faiblesses etc… Le souffle de l’Esprit Saint nous anime en tant qu’envoyés de Dieu et nous associe à son œuvre de salut. Les disciples deviennent en quelque sorte des intimes du Seigneur et tout en étant dans l’imperfection, ils poursuivent la mission divine, ils peuvent le faire car leur autorité vient de Dieu : « donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mt14,16) ; « faites ceci en mémoire de moi » (1Co11,24-25) – A ses disciples, Jésus leur dit : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». Remettre les péchés, c’est en quelque sorte les effacer ou les enlever. Cela s’adresse surtout à ceux qui ont reçu le sacrement de l’ordre quand nous allons nous confesser, mais cela s’adresse aussi à tout chrétien. Le Pape François nous dit (La joie de l’Évangile – §100) : « A ceux qui sont blessés par d’anciennes divisions il semble difficile d’accepter que nous les exhortions au pardon et à la réconciliation, parce qu’ils pensent que nous ignorons leur souffrance… Par conséquent, cela me fait très mal de voir comment, dans certaines communautés chrétiennes, et même entre personnes consacrées, on donne de la place à diverses formes de haine, de division, de calomnie, de diffamation, de vengeance, de jalousie, de désir d’imposer ses propres idées à n’importe quel prix, jusqu’à des persécutions qui ressemblent à une implacable chasse aux sorcières. Qui voulons-nous évangéliser avec de tels comportements ? Et le Pape ajoute [§101] : « Il faut prier pour la personne contre laquelle nous sommes irrités, c’est un beau pas vers l’amour, et c’est un acte d’évangélisation » à l’exemple du Christ qui, « insulté ne rendait pas l’insulte, souffrant ne menaçait pas, mais s’en remettait à Celui qui juge avec justice ».

La prière et la relation constante avec le Christ nous libèrent de toute tentation d’une mauvaise action et libèrent également celui qui nous a irrité et qui finira par s’apercevoir qu’on n’a pas de rancune ou de mauvaise intention envers lui. Dieu continue son œuvre de salut en donnant le pouvoir de pardonner à ses disciples. Le refus de pardonner aura des conséquences même après la mort. Voici ce que nous raconte Maria Simma, une autrichienne décédée en 2004 – qui était soutenue par son curé et trois évêques  – et qui avait le don de rencontrer les âmes du Purgatoire (P.20 – Derniers témoignages de Maria Simma – Nicky Eltz) :  « Après avoir longuement parlé avec le veuf, il est bientôt devenu très clair que sa femme avait entretenu une animosité avec une autre femme durant une trentaine d’années, alors que cette dernière avait désiré faire la paix entre elles. Ce refus de pardonner lui avait valu les profondeurs du Purgatoire d’où j’avais été incapable de la délivrer ». L’expression  « les profondeurs du Purgatoire », selon Maria Simma, encore appelée « le Grand Purgatoire » selon le Sanctuaire de Montligeon, spécialiste des âmes du Purgatoire, signifie que l’âme de cette personne se trouve dans le « niveau inférieur du Purgatoire », et là, les prières qu’on fait pour ces âmes ne leur sont point appliquées (« Manuscrit du Purgatoire – Sanctuaire de Mont- ligeon – P.49) et où l’âme de la dame devait expier d’abord ses péchés commis (tout le temps qu’il faudra et cela peut prendre des années et des années) avant que nos prières, messes et bonnes actions puissent lui profiter (« Derniers témoignages de Maria Simma » – P.20). Ceci dit, en ce dimanche de la Miséricorde Divine, il est bon de rappeler que Dieu est Miséricordieux non pas jusqu’à la mort mais même après la mort et même jusqu’aux portes de l’enfer. Jésus dit à sœur Faustine (§638) : « …beaucoup d’âmes reviendront des portes de l’Enfer et adoreront ma Miséricorde ». Revenir des portes de l’Enfer signifie que des âmes se dirigent vers l’Enfer, mais parce qu’elles crient vers le Seigneur ou qu’elles l’implorent au tout dernier moment avant d’entrer en Enfer, Dieu peut encore les entendre et les pardonner, et cela tant que ces âmes ne sont pas encore passées définitivement derrière les portes de l’Enfer. Et c’est toute l’histoire de Gloria Polo, chirurgienne dentiste en Colombie et qui avait témoigné à Fatima en Février 2007, où les responsables religieux du lieu ont dû certainement faire des enquêtes avant de donner leur autorisation pour témoigner en public. Lisez le livret « Gloria Polo a frôlé l’enfer » ou bien écoutez son témoignage sur Youtube.- Je vais juste vous donner quelques exemples de la Miséricorde divine. Voici ce que dit Sœur Faustine (§377) : « Dieu m’a promis une grande grâce particulière ainsi qu’à tous ceux qui proclameront la grandeur de Sa Miséricorde. Il les défendra à l’heure de la mort. Lorsqu’un pécheur se tourne vers Sa Miséricorde, même si ses péchés étaient noirs comme la nuit, il Lui rend la plus grande gloire et fait honneur à Sa Passion…Au cours d’une adoration, Jésus m’a promis : « J’agirai, à l’heure de leur mort, selon Mon infinie Miséricorde, envers les âmes qui auront recours à Ma Miséricorde, et envers celle qui la glorifieront et en parleront aux autres ». Un peu plus loin, sœur Faustine raconte (§1697) : « J’accompagne souvent les âmes agonisantes et je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine, je supplie Dieu de leur donner toute la grâce divine, qui est toujours victorieuse. La miséricorde divine atteint parfois le pécheur au dernier moment, d’une manière étrange et mystérieuse. A l’extérieur c’est comme si tout était perdu, mais il n’en est pas ainsi ; l’âme éclairée par un puissant rayon de la grâce suprême, se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un instant elle reçoit de Dieu le pardon et de ses fautes et de leurs punitions, et à l’extérieur elle ne nous donne aucun signe de repentir ou de contrition, car elle ne réagit plus aux choses extérieures ». Maria Simma nous raconte (Derniers témoignages de Maria Simma – P.205-206) qu’un homme est venu la consulter pour savoir où se trouvait l’âme d’une femme. Cette femme avait mené une vie fort misérable, ayant péché sur péché. Maria Simma a demandé à une âme du Purgatoire si elle savait où était son âme. La réponse est que son âme était allée directement au Ciel à sa mort. L’explication est la suivante : La femme avait perdu la vie sous un train. Ce n’était pas un suicide ; elle avait dû trébucher ou glisser et tomber. Au moment de s’apercevoir que sa mort était inévitable, elle dit à Dieu: « C’est très bien que tu me prennes, parce qu’au moins maintenant je ne pourrai plus t’insulter. » Ce simple repentir, ce simple regret a permis à Dieu de tout effacer et elle est montée au Ciel directement sans passer par le Purgatoire.  C’est cela la Miséricorde de Dieu. Cependant, même si la Miséricorde divine est très grande, elle est limitée par le choix de l’être humain. Si celui-ci refuse totalement Dieu, Dieu ne pourra rien faire. De même, inutile de jouer au plus malin avec Dieu en se disant : « je vais mener ma vie comme je l’entends et au dernier moment je vais faire un acte de regret pour avoir la miséricorde de Dieu ». Vous n’aurez peut-être pas le temps d’avoir ce temps de regret. Le Cardinal Walter Kasper (La Miséricorde – P. 107) nous dit : « L’amour de Dieu qui nous a élus et appelés à la vie par pure miséricorde est définitif et ne peut pas s’arrêter simplement à la mort. [Mais] on ne peut pas non plus conseiller d’attendre une « fin heureuse » selon la devise « pas de souci, tout ira bien ». L’amour de Dieu pour nous… appelle l’amour de l’homme pour Dieu. Demandons à Marie la foi en la Miséricorde divine qui nous donne l’assurance d’une vie éternelle au Royaume de Dieu.




2ième Dimanche de Pâques – par Francis COUSIN (Jn 20, 19-31)

« Seul ! »

 

Le jour de la Résurrection, Thomas n’était pas là !

Pourquoi ?

Il aurait dû rester avec les autres apôtres, dans la salle haute, pour ’’ruminer’’ sur la mort de Jésus …

Mais non, il ne pouvait pas !

Il préférait être seul … pour se rappeler tout ce qu’il avait fait avec Jésus … Pourquoi il l’avait suivi …

Pour se rappeler tout ce que Jésus avait dit …

Et il en avait dit des choses … qui lui avait mis au baume du cœur … des choses qu’il n’avait pas bien comprises … d’autres qui l’avait surpris … mais il aimait l’écouter …

Pour se rappeler ce que les apôtres avaient vécu avec Jésus … ses gestes prophétiques … ses miracles … et la joie qu’il voyait sur le visage des gens …

Sans Jésus auprès de lui, il se sentait perdu … seul …

Alors, il préférait être seul !

Plus tard, quand Thomas rejoint les autres apôtres, ils lui annoncent la nouvelle : « Nous avons vu le Seigneur ! »

Thomas, en bon galiléen qui a les deux pieds sur terre répond : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

En fait, Thomas ne demande qu’à voir ce que Jésus a donné comme preuve aux autres apôtres : « Il leur montra ses mains et son côté. ». Et même saint Luc est encore plus précis : « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moiAvez-vous ici quelque chose à manger ? » (Lc 24,39.41) … Thomas n’est pas le seul à avoir du mal à croire …

Alors, une semaine plus tard, quand Thomas est avec les apôtres et que Jésus se rend présent à eux, celui-ci apostrophe Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. ».

Thomas de bouge pas ! Il est hypnotisé ! Et il ne peut que dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Ce qui est l’exacte vérité !

On a souvent considéré Thomas comme un incrédule, c’est même son surnom …

Pourtant, il ne faisait que suivre les recommandations de Jésus : « Prenez garde que personne ne vous égare. Car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi le Christ” ; alors ils égareront bien des gens. » (Mt 24,4-5).

Ne critiquons pas Thomas … car bien souvent nous réagissons comme lui : « Je veux bien te croire, mais donne-moi une preuve de ce que tu avances. » … et c’est normal ! On ne peut pas croire n’importe qui sur ses seules paroles … « Les paroles s’envolent … »

L’important, c’est ce que Jésus dit à la fin : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Cela nous concerne … Encore faut-il que nous croyons vraiment !

Une dernière chose : Jésus a montré ses blessures … et c’est ce qui a permis aux apôtres de le re-connaître … puis à Thomas …

Nous, nous connaissons les blessures de Jésus par les évangiles, Paroles de Dieu … blessures données par les hommes …

Mais nous, … est-ce que nous montrons nos blessures à Dieu ?

Blessures d’amour propre … blessures de la vie … blessures d’amour … ?

Mettre nos blessures devant Dieu demande une certaine humilité … ce que Demande Jésus : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. » (Mt 20,26).

Certains diront : « Ce n’est pas la peine de les lui dire, il connaît tout ! ».

Oui, mais c’est quand même mieux de les lui dire. Cela permet que Dieu, Jésus, et nous, nous nous re-connaissions mutuellement. Comme les apôtres avec Jésus.

On peut le faire dans notre prière personnelle … mais aussi, et surtout, dans le sacrement de la réconciliation, nos blessures étant souvent la cause ou la conséquence de nos péchés …

Laisser voir nos blessures est toujours une manière de nous rapprocher de Dieu … et des autres.

Seigneur Jésus,

Malgré trois avertissements,

les apôtres n’arrivaient pas

à te reconnaître comme ressuscité.

Alors tu as montré tes blessures,

ce que ne font pas les humains,

par pudeur, par honte !

Alors seulement ils t’ont reconnu.

Fais que nous puissions te montrer nos blessures,

pour que nous nous re-connaissions.

                                                                                    Francis Cousin

 

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2ième Dimanche de Pâques – Homélie du Père Louis DATTIN

Thomas

Jn 20, 19-31

Un apôtre incroyant ! Telle est l’histoire de Thomas que nous venons d’écouter à l’instant ! Il ne voulait pas croire ! Il refuse la Résurrection, alors que tous les autres lui assurent le contraire.

Il s’appelait Thomas, ce qui veut dire « Jumeau » !

Ne nous ressemblerait-il pas, ce Thomas, comme un jumeau ?

Oh !  Ce n’est pas le courage qui lui manque : quand Jésus veut monter à Jérusalem pour le sacrifice final, au risque d’être lapidé, c’est Thomas, généreux, qui a entraîné les autres apôtres qui hésitaient :

« Allons-y, nous aussi et nous mourrons avec lui ».

Thomas, prêt à mourir martyr (et de fait, il mourra martyr) mais Thomas qui refuse de croire, qui veut des preuves matérielles, Thomas, l’esprit fort, à qui on ne la fait pas !

Thomas qui refuse de se laisser prendre dans un engouement, dans une psychose collective !

Et notre sympathie va immédiatement à lui. Ne sommes-nous pas, à notre époque, terriblement rationnels, refusant, à priori, tout ce qui est impossible de démontrer et de démonter soit avec nos mains ou  notre  esprit,  fils  du  philosophe  français « Descartes » ? Nous refusons tout ce qui ne s’enchaîne pas de façon rigoureuse, tout ce qui aurait une origine dont nous ne contrôlons pas la véracité, comme si nous étions déjà dans un monde de connaissance désormais établi et clos. Alors que chaque jour, de nouvelles théories se lancent, de nouvelles hypothèses s’établissent, de nouveaux mondes mentaux s’échafaudent : Thomas, lui, a besoin pour croire qu’on lui explique et c’est son côté sympathique.

Est-ce-que nous ne sommes pas de son côté ? « Expliquer », en latin, cela veut dire « Déplier ». Déplier ce qui est caché et  c’est vrai que les mystères de la foi doivent être expliqués, déployés et maintenant, à notre époque, plus que jamais.

La Foi ne fera jamais l’économie de la réflexion, de la critique, de l’examen. La foi du charbonnier, à notre époque, est périmée : elle doit déplier « les mystères », car ne l’oublions pas, un mystère n’est pas un mur au pied duquel on s’assoit parce qu’il est trop haut pour le franchir ; c’est plutôt une forêt immense qu’on n’a jamais fini d’explorer, un grand pays que l’on découvre tous les jours un peu plus.

Comment l’homme pourrait-il faire autrement en face de la grandeur et de la réalité divine !

Le mystère, c’est ce qu’on n’a jamais fini de comprendre, tellement c’est riche ! Ou si vous voulez, que l’on comprend toujours un peu mieux.

Que diriez-vous d’un laboratoire où, un jour, les ingénieurs iraient à la pêche à la ligne, en déclarant :

« Maintenant, on a tout compris, nous avons fait le tour de la question ; ce n’est pas la peine de chercher, il n’y a plus rien à trouver ? »

Même le monde naturel est tellement plein de mystères que les laboratoires de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit seront éternellement en chantier pour de nouvelles recherches de l’homme ! Que dire alors du monde surnaturel qui nous échappe encore bien plus et dont nous ne savons pas grand-chose, sinon par ce que nous en a dit Jésus-Christ dans l’Evangile !

En ce sens, croyants et savants ne sont pas opposables, mais bien plutôt comparables parce que ce sont des chercheurs qui ne se contentent pas des découvertes acquises, mais qui, sans cesse, continuent leur recherche pour saisir et appréhender des réalités nouvelles, qu’elles soient naturelles ou surnaturelles. C’est bien pour cette raison que Thomas nous est sympathique.

Thomas donc questionne, tout comme chaque chrétien doit questionner souvent sa foi. Ainsi, la veille de mourir, Jésus dit :

« Du lieu où je vais, vous connaissez le chemin ».

Thomas proteste :

« Seigneur, nous ne savons pas où tu vas, comment pourrions-nous connaître le chemin ? » Enfin, voilà un réaliste ! Et du coup, Philippe ose dire tout haut ce que les autres pensent tout bas :

« Montre-nous le Père, et cela nous suffit! »

Thomas avait aussi besoin de toucher pour croire, et Jésus, à cause de cela, s’est volontiers laissé toucher :

« Avance ton doigt ; mets ta main ici, là, dans mon côté, ne sois pas incrédule, mais croyant ».

Aujourd‘hui encore, parce que nous sommes crédules, parce que nous ne nous fions qu’à notre sensibilité, aux choses concrètes, aux formes visibles, Jésus donne le signe du pain, nous donne son corps à toucher, l’eau du Baptême, l’huile du Sacrement des Malades, l’Onction de la Confirmation et de l’Ordination et nous réentendons ses paroles par la bouche du prêtre :

« Ceci est mon Corps – ceci est mon Sang, faites ceci en mémoire de moi ».

Chaque fois que nous adorons ou communions, de huit jours en huit jours, selon le rythme des apparitions de Jésus, nous aussi, comme  Thomas, nous touchons  réellement  le Corps crucifié et glorieux de Jésus et à ce moment-là, Dieu et notre communauté ne forment plus qu’un seul Corps : « Ils ne seront plus deux, mais une seule chair » ; unité de Dieu et des hommes qu’il fait vivre : ce qu’on appelle « l’Eglise ».

C’est alors qu’un second signe est donné après celui de l’Eucharistie : le signe de l’Eglise. L’Eglise, Corps mystique du Christ est aussi, aujourd’hui, offerte aux hommes pour qu’ils touchent Jésus, voient son œuvre et reçoivent sa foi, par nous des chrétiens qui devenons, à notre tour, les signes de Dieu.

« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ».

C’est aussi par nous et à cause de nous, en nous voyant vivre, en constatant et comprenant notre foi, que des milliers de Thomas, autour de nous, qui nous entourent, pourront, eux aussi, accéder à la foi.

Les autres disciples disaient: « Nous avons vu le Seigneur ». En plus de l’action du Seigneur sur le cœur de Thomas, il faut nous aussi, le témoignage de l’Eglise, cette Eglise qu’on peut voir, toucher, voir vivre et témoigner.

Nous sommes, à notre époque, les signes, les témoins, le Corps du Christ à voir et à toucher pour les centaines de Thomas qui nous entourent et qui, en fin de compte, ne demandent qu’à croire, lorsqu’ils auront vu vivre une Famille faite d’enfants de Dieu, fraternelle et vivante, selon l’Evangile.

Beaucoup d’incroyants, surtout parmi les jeunes, disent :

« Je crois en Jésus-Christ, mais pas en l’Eglise », parce qu’ils ne se sont pas rendus compte que l’Eglise c’était justement le Corps de Jésus maintenant et que ce Corps ne correspondait pas assez  à son esprit, à celui de son Evangile : que par l’Eglise, ils puissent, eux aussi, voir et toucher le Christ à travers nous, à travers nos assemblées dominicales.

C’est l’honneur et la raison d’être de nos églises locales que de pouvoir dire aux autres, à notre tour : «  Viens, avance et vois ». Parce que s’ils ont quelques chances de rencontrer Jésus, c’est, comme pour les apôtres, au milieu de nous :

« Et il était là, au milieu d’eux ».

Voilà pourquoi il faut absolument se rassembler le dimanche :

« Comme ils étaient réunis, Jésus était là au milieu d’eux. Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient réunis de nouveau dans la maison, Thomas en plus : Jésus vient alors que les portes étaient fermées et il était là au milieu d’eux ».

Chaque dimanche, c’est l’Evangile d’aujourd’hui qui se répète : Jésus se tient au milieu de nous :

– il nous donne et redonne sa paix,

– il nous remplit de joie,

 – il souffle sur nous comme lors de la première création,

– il nous donne son Esprit Saint et Thomas est là aussi, qui se met à croire, pas seulement à cause de Jésus seul, mais à cause de toute la communauté des apôtres réunis autour de lui.

Alors, notre foi ne devient plus une confiance aveugle,

elle nous situe au niveau de la plénitude de la communication et de l’amour. AMEN




Dimanche de Pâques – par Francis COUSIN (Jn 20, 1-9)

« Jésus est ressuscité ! »

 Jour de Pâques, … jour de la Résurrection … Jésus est ressuscité !

Il y a environ deux mille ans … C’est vieux …

Mais on ne dit pas : « Jésus a ressuscité ! il y a deux mille ans. »

Ce serait alors un événement passé, vieux … mais qui n’aurait plus de répercussion sur nos vies actuellement. Un événement fini ! Mort ! (si on peut le dire ainsi …), comme on dirait : « César a envahi la Gaule en 50 avant Jésus-Christ. ».

NON.

On dit bien : « Jésus est ressuscité ! » … et il est toujours ressuscité, pour tout le temps… et il est vivant … chaque jour, sans arrêt …

Où est-il ?

Il « est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père … », comme on l’affirme dans le credo … mais étant Dieu, il est partout !

Dans le ciel avec ceux qui sont auprès de son Père …

Sur la terre, dans notre cœur, … et dans le cœur des autres : ceux que j’aime, et ceux que j’ai du mal à aimer … ou que je n’aime pas du tout !

« Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20).

Il est aussi dans le cœur des soldats russes, et dans celui des Ukrainiens, ceux qui combattent, ceux qui ont fui, et ceux qui sont restés … dont quasiment tous les prêtres, les religieux et les religieuses, quel que soit leur Église d’appartenance … et qui célèbrent Pâques aujourd’hui ou dimanche prochain …

Mais sommes-nous vraiment conscients que Jésus est présent en nous, qu’il est vivant en chacun de nous ?

Oh ! En théorie, oui, bien sûr ! … mais pratiquement … ?

Car il faut bien le dire, nos cœurs sont bien souvent obscurcis … et nous avons du mal à voir Dieu en nous … même juste après avoir communié … et il est rare que nous voyons Dieu dans les autres …

« Ouvre nos yeux, Seigneur aux merveilles de ton amour », l’amour inconditionnel que tu as pour nous … et pour les autres…

Nous ne sommes pas les seuls à ne pas reconnaître Dieu … même les disciples de Jésus ne l’ont pas reconnu …

Et pourtant il leur avait annoncé sa résurrection par trois fois …

Marie-Madeleine, en entrant dans le tombeau vide, ne comprend pas : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau … », et, ensuite, elle ne reconnaît pas Jésus ressuscité … elle le prend pour un jardinier …

Dans l’évangile de ce jour, Pierre entre dans le tombeau … mais ne comprend pas ce qui s’est passé … Seul Jean, en entrant, a compris tout de suite : « Il vit, et il crut (…) [qu’] il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.». C’est sans doute l’amour qu’il avait pour Jésus qui le lui a fait comprendre …

Les disciples d’Emmaüs aussi : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » ; « ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. » ; Et de retour à Jérusalem, avec les apôtres : « Ils croyaient voir un esprit. (…) Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! » (Lc 24,18.30-31.37.39).

Un peu plus tard, au bord du lac de Tibériade : « Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. ». Ils ne l’avaient pas reconnu ! Ce n’est qu’après la pêche miraculeuse que Jean, encore lui, s’écria : « C’est le Seigneur ! » (Jn 21,7)

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » disait le renard au Petit Prince (Antoine de Saint Exupéry).

Mais avec un cœur qui aime … et non pas un cœur de pierre …

Ne nous trompons pas de participe !

Dans notre manière de voir Jésus, passons de « a ressuscité. » à « est ressuscité ». Jésus Christ est ressuscité, vraiment ressuscité … et il est vivant au milieu de nous

Que nos yeux et notre cœur s’ouvrent à sa présence !

Seigneur Jésus,

Tu es ressuscité, nous le savons bien,

mais dans notre manière de te voir,

en nous ou chez les autres,

nous nous comportons souvent

comme si tu avais ressuscité,

comme si c’était un événement passé

qui n’a plus d’existence maintenant,

qui ne nous concerne plus !

Change nos cœurs, Seigneur,

Mets en eux TON amour !

 

                                                                                   Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant : Image dim Pâques C 1°




Jésus est mort pour notre vie à tous…

 

  Chaque année, l’Eglise nous invite à revenir longuement sur la Passion, car en elle le Mystère de Dieu se révèle avec le plus de force et d’intensité…

 

 

            En effet, la mission première de Jésus est de nous faire connaître « Qui » est Dieu : « Nul n’a jamais vu Dieu », écrit St Jean au début de son Evangile. « Le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jn 1,18).

            « Nul n’a jamais vu Dieu »… Et pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas possible de le voir avec nos yeux de chair… A la Samaritaine rencontrée au bord d’un puits, Jésus dira : « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et par nature, l’Esprit échappe à la perception immédiate de nos sens. Et Jésus le sait bien. Bientôt, il va mourir sur une croix et être mis au tombeau… Désormais, ses disciples ne le verront plus comme ils en avaient l’habitude… Mais ils ne seront pas laissés à eux-mêmes… Jésus leur promet la venue d’un autre défenseur, l’Esprit de Vérité, l’Esprit Saint, qui sera avec eux tous les jours pour les guider sur les chemins de la vie : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements, et je prierai le Père, et il vous donnera un autre défenseur pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît » (Jn 14,17). L’Esprit, en effet, est invisible par nature à nos yeux de chair. St Jean écrira aussi par deux fois : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16). L’Amour, lui aussi, est par nature invisible à nos yeux de chair… L’Amour ne se voit pas, il se vit…

            Et Jésus vit parfaitement l’Amour… Il n’est pas touché par ce que nous appelons « le péché », c’est-à-dire tout ce qui peut amener une personne à se replier sur elle-même : l’orgueil, l’égoïsme, etc…

            Si Jésus vit parfaitement l’Amour, en le regardant, en l’écoutant, nous pouvons découvrir en ses gestes et en ses paroles, une expression bien perceptible de cet Amour qui, par nature, ne peut qu’échapper à l’emprise de nos sens…

            « Dieu est Amour »… Aussi, nous dira Jésus, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise » (Jn 3,16-17). Cette Parole va devenir acte lorsque Jésus va rencontrer une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Les scribes et les Pharisiens étaient prêts à la lapider. « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » leur dira Jésus. Et tous partiront, l’un après l’autre, en commençant par les plus vieux… Une fois seule avec elle, Jésus lui dira : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? ». « Personne, Seigneur » lui répondit-elle. « Eh bien moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8,1-11).

            « Dieu est Amour », et l’Amour ne recherche que le bien de tous ceux et celles qu’Il aime… Cette réalité va se révéler avec le plus de force dans la Passion de Jésus. Les hommes vont lui faire beaucoup, beaucoup de mal, comme jamais auparavant… Et Jésus ne répondra que par l’Amour… Il ne cessera de rechercher leur bien… C’est donc en ces instants que le Mystère de Dieu se révèle avec le plus d’intensité : « Dieu est Amour », et dans son Amour, écrira St Paul, « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », arrachés au mal qui les domine, les écrase, les blesse, les tue… Et « la preuve que Dieu nous aime », écrira-t-il encore, « c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (1Tm 2,3-7 ; Rm 5,7-9).

            Ainsi, l’Amour transparaît avec encore plus de force et de lumière dans les récits de la Passion…

            Guidés par Judas, les soldats arrivent au jardin de Gethsémani pour arrêter Jésus… Il ne fuit pas… Bien au contraire, il va au devant d’eux… « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne », avait-il déjà dit (Jn 10,17-18). Et aussi : « nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). Et tous les hommes sur cette terre sont les bien‑aimés de Dieu…

            « Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez-vous ? ». Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen ». Il leur dit : « C’est moi. » Quand Jésus leur répondit : « C’est moi », ils reculèrent, et ils tombèrent par terre ». Littéralement, là où nous traduisons « C’est moi ! », St Jean à écrit « Je Suis », le Nom que Dieu a révélé à Moïse dans le buisson ardent : « Je Suis Celui qui Est » (Ex 3,13-15). Alors que les soldats s’avancent, le Mystère du Dieu Tout Puissant se manifeste en Jésus Christ , ce Dieu qui a créé l’infini de l’univers visible qui nous entoure… Qui sont devant lui quelques soldats armés d’épées et de lances ? Rien du tout… C’est pourquoi « ils reculèrent et ils tombèrent par terre »… Ce ne sont pas les hommes qui vont mettre la main sur Dieu. Mais librement, par Amour, le Fils va se livrer entre les mains des pécheurs, pour leur salut et celui du monde entier… Et cet Amour est vraiment pour tous… Pour les disciples bien sûr, sur lesquels Jésus veille : « Je vous l’ai dit », déclare-t-il aux soldats, « c’est moi. Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là, laissez-les partir ». « Quand j’étais avec eux », avait-il dit peu avant en priant son Père, « je les gardais dans ton nom que tu m’as donné », c’est-à-dire dans ton Amour. « J’ai veillé, et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition », Judas, qui a refusé l’Amour, et son apparente faiblesse devant les hommes (Jn 17,12)…

            Simon Pierre a lui aussi une épée, et face aux soldats, il est hors de question pour lui de ne pas réagir : « Il tira l’épée du fourreau, frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui coupa l’oreille droite. Le nom de ce serviteur était Malcus. » Mais l’Amour de Dieu est aussi pour lui : « Remets ton épée au fourreau », ordonne Jésus à Pierre. Et St Luc nous rapporte que Jésus, « lui touchant l’oreille, le guérit » (Lc 22,51)…

            Mais personne ne réagira devant ce nouvel acte de tendresse et Jésus sera arrêté et conduit au Grand-Prêtre qui le questionnera sur sa doctrine. Jésus l’invitera alors à faire la vérité dans sa vie : « Pourquoi me questionnes-tu ? » Quelle est ton intention profonde ? Quel but poursuis-tu ? Est-ce vraiment ma doctrine que tu veux entendre ? Ne cherches-tu pas plutôt dans mes paroles des éléments qui pourraient t’aider à m’accuser pour me perdre ? Jésus sait en effet que depuis bien longtemps, lui, les scribes et les Pharisiens « cherchaient à le tuer » (Jn 7,19). Et pourtant, si le Grand Prêtre avait accepté de « faire la vérité », il serait venu à la Lumière car « celui qui fait la vérité vient à la Lumière » (Jn 3,21), la Lumière de l’Amour qui ne désire et ne cherche que le bien de tous les hommes qu’il aime… « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime », avaient proclamé les Anges au moment de la naissance du Christ (Lc 2,14).

            Jésus aura la même attitude face à Pilate lorsque ce dernier lui demandera : « Es-tu le roi des Juifs ? ». Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi‑même, ou bien parce que d’autres te l’ont dit ? » Si Pilate avait cherché la vérité de tout cœur, il l’aurait trouvée car « je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci », lui a dit Jésus : « rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ». Si Pilate avait accepté de faire la vérité sur lui-même, sur sa vie, sur sa misère, sur ses blessures, aussitôt il aurait entendu en Jésus Christ la voix de l’Amour venu en ce monde pour guérir et sauver tous les hommes… « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, au repentir », pour la vie…

            Alors, Jésus va s’offrir, en silence, pour qu’un jour le monde entier soit arraché à ses ténèbres et plongé dans la vie et la lumière de Dieu (Col 1,12‑14). Pour en bénéficier, il suffit de lui dire « Oui ! » en disant « Oui ! » à la vérité de notre vie, « Oui ! » à ses misères, « Oui ! » à ses faiblesses, « Oui ! » à ses blessures… Mais ce « Oui ! » est tout en même temps un « Non ! » à ce mal qui nous fait du mal, le plus grand étant de nous priver de la Plénitude même de Dieu, une Plénitude de Vie, de Lumière et de Paix… Mais « c’est pour nous tous que le Christ a souffert », écrit St Pierre. « Sur le bois, il a porté lui-même nos fautes dans son corps, afin que morts à nos fautes, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,21-25).

            Acceptons avec reconnaissance de bénéficier ainsi des trésors de Miséricorde qui ont été déversés en surabondance sur le monde entier par le Christ transpercé pour chacun d’entre nous… Il est mort pour cela… Souvenons-nous… « Pour que l’Ecriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif ! » Il y avait là un récipient plein de boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » » En effet, dans le Psaume 69, au verset 22, ont peut lire : « Quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre »… Et c’est bien ce qui est arrivé… En disant, « J’ai soif ! », Jésus avait soit d’accomplir l’Ecriture qui révèle le projet de Dieu et sa volonté de salut sur le monde entier… Jésus avait donc soif avant tout de notre salut : il est mort pour que chacun d’entre nous puisse trouver la Vie en acceptant tout simplement de se laisser aimer par Lui tels que nous sommes… Et Jésus, « le Sauveur du monde » accomplira son œuvre en nous, pour nous… « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres, mais ait la lumière de la vie » (Jn 8,12 ; 12,46)…   D. Jacques Fournier




Dimanche de Pâques – Homélie du Père Louis DATTIN

Le grand passage

 Oui, c’est Pâques ! Vous qui êtes ici ce matin, vous le savez et en plus vous savez ce que c’est ! Mais dans le grand public qui sait ce qu’est Pâques ?

« C’est le jour où l’on fait ses pâques », m’a répondu ce petit futé.

« Un jour de fête où l’on sort une jolie robe à la mode », m’a répondu une jeune fille.

« Ce sont les petites vacances avant les grandes vacances », m’a répondu un écolier.

« La fin du Carême », m’a répondu quelqu’un qui ne connaissait du Carême que la « mi-carême ».

« La fin de la période cyclonique », m’a dit un autre (ce n’est pas si sûr que ça).

Eh oui, on avance dans la vie, accaparé par ses soucis quotidiens : le jardin à nettoyer, la belote du soir, la visite à rendre, l’enterrement à suivre, le déjeuner à cuire, la lessive à étendre, des courses à faire. On court à son travail, à ses plaisirs, à ses devoirs.

A-t-on le temps de lever la tête ? De voir un peu plus loin, un peu plus large ? Et la vie passe, lentement mais sûrement comme le grand fleuve pas toujours tranquille. Mais un jour, on s’aperçoit que les rives ont changé, que les horizons ne sont plus les mêmes, que le jour baisse et que dans le ciel passent des nuages lourds.

Est-il temps encore de s’arrêter,  de songer à sa situation, au sens de sa vie, à ce vers quoi Dieu nous appelle depuis si longtemps déjà ? Oui, c’est vrai, nous passons.

 

Mais, le mystère pascal, cette pâque de l’Ancienne et Nouvelle  Alliance, qu’est- il  au  juste, sinon  un  passage ? Passage de la mort à la vie ! Hier, nous avons contemplé Jésus, mort sur la croix, exsangue, le cœur percé par la lance du soldat, scellé dans son tombeau et devant : les gardes vigilants ! Mais cette nuit-là, il sort, il est vivant, il apparait aux disciples et aux apôtres traumatisés qui osent à peine y croire. Il les lance à la conquête du monde et voici, depuis ce moment, un immense courant de joie qui passe, l’univers devient frémissant d’une espérance énorme.

L’histoire change de sens et depuis 2 000 ans, les cœurs ne cessent de tressaillir. Oui, Pâques : c’est pour nous le mystère du passage, de notre passage. De toute façon, nous venons de le constater : nous passons.

Oui, c’est vrai, mais par quel itinéraire ?

Nous avons tous besoin de changer, vous l’avez encore éprouvé lors de votre dernière confession.

Nous avons tous besoin de passer de l’égoïsme à l’amour, du péché à la sainteté, de la nuit à la lumière, de la haine à la bonté, de la colère à la patience, de l’orgueil à l’humilité et cela nous ne le ferons pas tout seuls : nous en sommes bien incapables, si nous ne recourons pas à une autre énergie que la nôtre, à une autre force que la nôtre.

Nous savons bien notre faiblesse : c’est toujours dans les mêmes fautes que nous retombons, c’est toujours les mêmes aussi, que nous accusons et c’est normal : tous nous sommes faibles et pécheurs et pour sortir, pas seulement de notre péché, mais, même de notre routine, nous avons besoin d’un passeur.

Ce passeur, c’est celui qui, à notre tête, a déjà, lui, effectué le parcours : Jésus-Christ, passeur de la mort, ne se contente pas, à Pâques, de passer de la mort à la vie, il nous fait passer, tous, à sa suite, par cette même mort pour aller vers sa vie qui doit être la nôtre. Pâques :

– C’est Jésus-Christ, debout, vivant, marchant devant nous et nous indiquant le chemin.

– C’est le bon Pasteur qui indique la voie.

– C’est la Vérité.

– C’est la vraie Vie et définitive !

N’a-t-il pas dit : « “ Je suis la voie, la vérité, la vie ” ».

Pas pour lui, pour nous.

            C’est l’assurance que tout est vrai de ce qu’il a dit, que nous n’avons plus qu’à prendre le route derrière lui, et que, à l’heure qui approche, nous aussi, nous ressusciterons avec lui, puisque, cette vie-là, celle du Christ, elle est déjà là, présente, agissante en nous depuis notre Baptême. Nous sommes déjà ressuscités et nous attendons ce passage de la mort du péché, à la vie épanouie et définitive dans l’intimité de Dieu.

Voilà pourquoi, avant tout et c’est la priorité absolue de notre vie, il faut nous attacher à Jésus-Christ. Un grand savant Jaspers disait : « Plus je vais de la philosophie à la théologie, du droit à l’histoire, de la psychologie aux sciences humaines, plus j’ai envie d’ouvrir simplement  « mon évangile », et  plus les faits qui y sont relatés, plus les paroles qui y sont dites me parlent chaque jour et plus je me sens concerné par eux ».

Voilà le centre, le noyau de notre foi ; nous n’avons plus qu’une chose à savoir : le Christ est ressuscité et il nous entraîne tous vers lui, pour vivre de sa Résurrection, « notre grand passage ».  AMEN




Dimanche de Pâques – par le Diacre Jacques FOURNIER (Jean 20, 1-9)

 « Christ est Ressuscité ! » 

(Jean 20, 1-9)

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat,
ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

 

Jésus fut crucifié « le jour de la Préparation » de la fête de Pâque, c’est-à-dire la veille. Or cette fête tombait cette année-là un jour de Sabbat, un samedi. Jésus mourut donc un vendredi après-midi. Mais « comme c’était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix durant le sabbat – car ce sabbat était un grand jour -, demandèrent à Pilate qu’on leur brisât les jambes et qu’on les enlevât » (Jn 19,31). Mais lorsque les soldats arrivèrent, ils virent que Jésus était déjà mort. Pour s’en assurer, l’un d’entre eux « de sa lance, lui perça le côté, et il sortit aussitôt du sang et de l’eau. Celui qui a vu rend témoignage – son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai – pour que vous aussi vous croyiez ».

            Jésus vient de mourir, et pourtant, St Jean, « le disciple que Jésus aimait », sait déjà reconnaître dans sa mort une promesse de vie. Comme tous ceux et celles qui étaient présents ce jour-là, il voit « le sang et l’eau » couler du cœur ouvert de Jésus… Mais il ne s’arrête pas au visible… Il en perçoit aussitôt la signification spirituelle. Si l’eau lave et purifie, elle est, en effet, indispensable à la vie. Et dans la culture biblique, « la vie de la chair est dans le sang », « la vie de toute chair, c’est son sang » (Lv 17,11.14). Le cœur de chair de Jésus était rempli de sang ; une fois transpercé, tout ce sang s’est répandu sur la terre. De même, le cœur spirituel de Jésus, le Fils Unique, est rempli de cette vie spirituelle qu’il reçoit du Père de toute éternité (Jn 5,26 ; 6,57). Or, « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). C’est ce que Jésus vient de vivre sur la croix. Il a tout donné, tout son sang, toute sa vie… Il nous a donné par son offrande cette vie spirituelle qu’il reçoit du Père par « l’Esprit qui vivifie », « l’Eau Vive » de l’Esprit qui donne la vie (Jn 4,1-14 ; 7,37-39) …

            Le lendemain du Sabbat, pour nous, dimanche matin, Marie Madeleine va au tombeau pour s’occuper du corps de Jésus qui avait été déposé là en toute hâte vendredi en fin de journée… Mais « la pierre a été enlevée »… et « on a enlevé le Seigneur de son tombeau », dit-elle à Pierre et à Jean. Les deux courent… Pierre entre, « regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place ». Aucune réaction de sa part ne nous est transmise. Il voit la réalité visible mais semble s’arrêter là, perplexe… Jean, lui, entre, et voit ce que Pierre a déjà vu mais comme pour « le sang et l’eau » coulant du cœur ouvert de Jésus, il perçoit aussitôt le sens spirituel de ce qui s’offre à ses yeux : « Il vit et il crut »… Le regard d’amour qu’il porte sur les réalités terrestres lui permet d’aller au-delà : alors même qu’il ne voit rien de plus que Pierre, il sait déjà que le Christ est Ressuscité, et que sa Présence, invisible aux yeux de chair, habite dorénavant notre histoire jusqu’à la fin des temps : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Il est « avec nous » « pour nous », pour nous pardonner, pour enlever notre péché, pour nous guérir spirituellement et nous faire sortir des ténèbres, pour nous communiquer la Lumière et la Vie du Père, pour nous donner de participer dès maintenant, dans la foi et par notre foi, à sa victoire sur le mal, la haine, la mort…

            « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés ! -, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-6)…

Jacques Fournier




Jeudi Saint par P. Claude Tassin (Messe du soir)

Exode 12, 1-8.11-14 (Prescriptions concernant le repas pascal)

Au seuil des trois jours célébrant la Pâque de Jésus, la première lecture rappelle l’institution de la Pâque d’Israël. C’est la première pâque, en lien étroit avec la libération d’Égypte, puisque l’auteur sacerdotal de la Bible la situe entre l’annonce du dernier fléau, la mort des premiers-nés égyptiens, et son accomplissement. Mais c’est aussi la mise en place des rites à accomplir à chaque génération comme le mémorial de la libération : chacun se rendra présent par la mémoire à l’antique événement en sorte d’obtenir d’un Dieu toujours à l’œuvre les grâces de *liberté.

Les Azymes étaient, à l’origine, la fête printanière des cultivateurs, et la Pâque celle des nomades. La Bible joint les deux festivités terriennes. Désormais on célébrera moins le cycle des saisons que l’intervention décisive de Dieu dans l’histoire : les rites traduiront la hâte de la libération (cf. Exode 12, 34) et le mot Pâque est compris comme le passage de Dieu qui épargne, saute par-dessus les maisons marquées du sang de l’agneau. Au matin de Pâques, nous rappellerons que le salut nous vient d’un autre sang, celui du Christ, versé par amour pour nous (cf. 2 Co 5, 8). Notons enfin, dans les préparatifs de la fête, le caractère familial de la pâque juive (cf. aussi Exode 12, 26).

* Liberté. « En toute génération, c’est une dette pour l’homme de se voir comme si lui-même était sorti d’Égypte. Car il est dit : « Et tu raconteras à ton fils, en ce jour-là, disant : En vue de tout ceci le Seigneur agit pour moi, quand je sortis d’Égypte. » Non point nos pères seulement, il les sauva, mais nous-mêmes, en eux, il nous sauva » (Rituel du repas pascal juif).

 

Psaume 115 (« La coupe du salut »)

Voici un psaume «d’action de grâce» (en hébreu un tôdâh ; en grec une eucharistia). Dans ce passage assigné à la liturgie du jeudi saint, nous reconnaissons les caractéristiques de ce genre de prière. Au milieu des siens, de «tout son peuple»), le poète, délivré de son épreuve, libéré des chaînes de la mort, partage une coupe de fête ; il l’appelle «coupe du salut», puisqu’elle est la preuve de sa survie. L’élévation de la coupe et l’invocation du Seigneur pourraient se traduire aujourd’hui ainsi, de manière fort vulgaire : « À la santé du Seigneur, et à la nôtre !» L’homme sauvé découvre en sa chair que, décidément, Dieu a horreur de la mort de ses fidèles serviteurs. Il veut leur vie.

Au-delà de la coupe des retrouvailles, le psalmiste va accomplir ses «promesses», un ex voto, le vœu qu’il avait fait ‘(«si je suis sauvé, je t’offrirai…» Il va immoler un animal en «sacrifice d’action de grâce», en tôdâh, en eucharistia, un animal dont le psalmiste et son entourage, selon le rite, vont partager joyeusement les morceaux, en signe de communion avec Dieu et avec les siens, devant toute l’assemblée, en signe public de reconnaissance.

Dans ce psaume, le chrétien voit symboliquement et réellement la coupe eucharistique. Il entend symboliquement et réellement la voix du Christ exprimant sa foi en sa résurrection, selon sa propre annonce : «Je vous le dis : désormais, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père» (Matthieu 26, 30).

Dans ce psaume, l’assemblée chrétienne lit sa participation à « la coupe de la nouvelle Alliance» (2ième lecture) et elle partage ainsi l’espérance du Christ en la vie. Nous le faisons «jusqu’à ce qu’il vienne»… et, autre traduction légitime : «pour qu’il vienne», de la manière que Dieu voudra.

 

1 Corinthiens 11, 23-26 (« chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur»)

Écrite avant les évangiles canoniques, la Première Lettre aux Corinthiens offre ici le récit le plus ancien de l’institution de l’Eucharistie. Paul le présente comme une tradition reçue ; il l’a sans doute recueillie de l’Église d’Antioche, où il a longuement séjourné au début de ses missions, et il la partage avec, à sa suite, l’évangile de Luc, dépendant de la même tradition d’Antioche.

Le pain

Le Seigneur accomplit d’abord les rites de bénédiction de la table juive lors des fêtes (prendre le pain, prononcer la bénédiction ou action de grâce et le partager aux convives). Ces gestes et paroles revenaient au chef de famille et signifiaient que l’on voyait dans ce pain le don de Dieu pour subsister et vivre ensemble. Mais Jésus, tragiquement, ajoute ceci : ce don de Dieu, c’est « mon corps, qui est pour vous ». Prenant ce pain comme étant le corps du Christ, bientôt livré à la croix, nous faisons l’expérience que *sa mort est pour nous source de vie et d’unité.

La coupe

Chez les Juifs, la coupe est signe de fête, surtout les quatre coupes du repas pascal. Elle est ici comprise comme celle de l’Alliance nouvelle annoncée par Jérémie 31, 31-34, nouvelle manière de vivre ensemble et avec Dieu. Elle est fondée sur le sang, non plus celui du sacrifice du Sinaï (Exode 24, 8), mais le sang versé par celui qui « a goûté la coupe de la mort », comme on disait alors chez les Juifs, pour parler du décès de quelqu’un.

En mémoire de moi

Accomplir ce mémorial, en chaque eucharistie, c’est proclamer devant Dieu le sens de « la mort du Seigneur », dans l’espérance qu’il vienne, « jusqu’à ce qu’il vienne ». La grammaire grecque permet aussi une autre traduction ; « pour qu’il vienne. » Qu’il vienne accomplir en plénitude le mystère d’une communion universelle, une communion mise à mal par les divisions sociales au sein de l’Église de Corinthe, et les nôtres, à travers les temps (voir 1 Corinthiens 11, 17-22).

* La mort du Christ. « Avec la mort, [le Seigneur] accepte tout le reste, tout ce qui fait partie de ce vide infini, inerte et mortel : l’opacité spirituelle de ses disciples, leur manque de foi, la douleur, la trahison, le rejet dont il est l’objet de la part de son peuple, la bêtise brutale et meurtrière du monde de la politique, l’échec de sa mission et de l’œuvre de toute sa vie. Il a devant lui le calice abyssal de sa vie : il le saisit à pleines mains, plonge son regard dans ses profondeurs ténébreuses et le porte à ses lèvres, anticipant avec une pleine conscience et un plein acquiescement ce que nous appelons sa Passion, la Passion du Fils de l’homme, sa mort, pour tout dire » (Karl Rahner).

 

Jean 13, 1-15 («Il les aima jusqu’au bout»)

Dans les écoles rabbiniques, le disciple devait rendre maint service à son maître, son rabbi, sauf celui de lui laver les pieds, tâche considérée comme même indigne d’un esclave (voir ci-dessous).

Les pieds !

Dans le judaïsme ancien, « les pieds » sont parfois un euphémisme pour désigner le sexe masculin. « Se couvrir les pieds », c’est s’accroupir pour faire ses besoins. D’autres expressions bibliques confirment cette métaphore. Nul ne saurait toucher mes « parties honteuses », les plus intimes, sans déshonneur pour lui et pour moi. Dans ce cadre culturel, on comprend la protestation de Pierre : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »

Cette page d’évangile brille par l’écart calculé entre la solennité de la longue phrase ouvrant la scène et la trivialité du « lavement » des pieds.

L’heure de Jésus

Chez Jean, nul récit sur l’institution de l’eucharistie. À la place, le lavement des pieds par lequel le Maître concrétise son affirmation : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22, 27). Ce mime ouvre aussi le grand Testament que Jésus laisse dans ses discours d’adieu (Jean 13 – 17 : nous lirons ces chapitres au temps pascal). D’où la longue phrase solennelle d’introduction. Elle porte sur *l’Heure de Jésus : celui-ci entre délibérément dans les événements de la Passion, comme le résume la belle formule de la prière aucharistique n° 2 : «au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa Passion… ». C’est l’affrontement entre Dieu et le diable, par le truchement de Judas, et c’est la Pâque, à savoir, selon le sens du mot hébreu, le grand «Passage», ici le passage de Jésus de ce monde vers le Père.

L’amour jusqu’au bout

Par-dessus tout, c’est l’engagement de l’amour de Jésus envers ceux qui auront cru en lui : «il les aima jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la fin de son existance terrestre et jusqu’à l’extrême de l’amour, comme le lavement des pieds veut le signifier par anticipation. Car une vieille règle juive, rappelons-le, commandait ceci : «Un esclave hébreu ne doit pas laver les pieds de son maître ni lui mettre ses chaussures.» Jésus accomplit posément son rite étrange et incongru, se retrouvant avec un simple opagne, semble-t-il. Il «dépose» son vêtement et le «reprend», deux verbes par lesquels Jean a déjà évoqué le Christ déposant et reprenant sa vie dans le mystère de sa Passion (voir Jean 10, 17-18). C’est face à cet abaissement de la croix que, par avance et à son insu, Pierre exprime l’insuffisance de sa foi. «Plus tard tu comprendras», dit Jésus.

La difficulté est de nous laisser servir et sauver, sans nous choquer du mode que Jésus a choisi en fidélité au Père, lequel, en son Fils, pousse son amour pour nous à l’extrême. Certes, les disciples ont eu un premier bain, celui de la Parole du Christ qui, au long de sa vie, les a ainsi purifiés, à l’exception de Judas qui s’est laissé inspirer par le diable, c’est-à-dire par l’ensemble des forces opposées au projet de Dieu. Mais ils doivent à présent affronter le baptême de la mort qui fait partie de la mission de Jésus.

L’exemple du Serviteur

Après avoir «repris son *vêtement», symbole anticipé de sa résurrection, Jésus explicite le sens de son geste. Le Maître et Seigneur a choisi le comportement du Serviteur, au-delà de ce qu’on peut attendre d’un serviteur ordinaire, ce qui n’enlève rien à sa réelle autorité de seigneur. Il faut à présent tirer les conséquences. Jésus veut que la logique d’amour qu’il incarne se traduise chez ses disciples, en témoignage pour le monde, par un service mutuel empreint d’humilité.

Au soir du jeudi saint, trois paroles du Seigneur se renvoient l’une à l’autre pour dire en plénitude le sens de l’eucharistie : «C’est un exemple que je vous ai donné : afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous» (Jean 13, 15) ; «Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres» (13, 34) ; «Faites cela en mémoire de moi» (1 Corinthiens 11, 24,  2e Lecture).

* L’heure. Saint Jean évoque 26 fois «l’heure de Jésus» (Voir, par exemple, Jean 12, 23-24). La voici maintenant arrivée. Elle implique l’élévation du Christ sur la croix, sa glorification vers quoi a conduit toute sa vie. Car, en acceptant la mort, Jésus montre à la face du monde jusqu’où va l’amour de Dieu pour les hommes, amour incarné par celui qui «aima jusqu’au bout».

*Le vêtement. Jean est un maître dans l’art d’utiliser des symboles, de dire des réalités profondes à travers des détails matériels. Le fait de déposer son vêtement et de le reprendre renvoie à une déclaration précédente de Jésus : «Voilà pourquoi le Père m’aime : parce que moi je dépose ma propre vie pour la reprendre de nouveau» (Jean 10, 17). Dans le lavement des pieds, le Seigneur mime le mystère et le sens de sa mort et de sa résurrection. L’image n’est pas rare dans cette culture ancienne : lorsque Paul envisage sa mort, il parle de «se dévêtir» et il espère revêtir un vêtement céleste (voir 2 Corinthiens 5, 1-5).

 

 




Dimanche des Rameaux et de la Passion – par Francis COUSIN (Lc 22, 14-23.56)

« Priez pour ne pas entrer en tentation. »

 

Le premier dimanche de ce carême, nous avons vu Jésus être emmené par l’Esprit dans le désert, et là, y être tenté par le diable. Mais le diable ne put rien faire contre lui car chaque fois Jésus lui répondait par une phrase de la bible qui citait la Parole de Dieu.

« Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. » (Lc 4,13)

Aujourd’hui, jour des Rameaux et de la Passion, nous voici arrivé à ce moment fixé pour lequel le diable va revenir influencer les uns ou les autres pour que Jésus ne puisse pas arriver au bout de sa mission sur terre … mourir sur la croix en portant nos péchés.

Et on le verra bien tout au long de cette semaine sainte, le diable sera toujours présent, même s’il n’apparaît pas directement … D’ailleurs, dans l’un des films sur la Passion de Jésus, tout au long du chemin de croix, on voit un homme tout en noir, toujours en arrière-plan, qui essaie d’influencer les gens … C’est le diable.

Ainsi, tout le carême est encadré par le diable et ses tentations, et cette Parole de Jésus : « Priez pour ne pas entrer en tentation. », qui donne la solution pour résister à la tentation.

Et je pense que beaucoup d’entre nous ont utilisé cette solution pour pouvoir tenir leurs promesses de carême …

Regardons ce qui se passe à partir du jeudi saint : Jésus annonce à ses disciples que l’un d’entre va le livrer. Qui est-ce ? Bataille entre les disciples : « Cela ne peut pas être moi, je suis meilleur que toi ! », « non, c’est moi… ». Le diable est là.

Jésus donne une bouchée à Judas, et dès qu’il eut pris la bouchée « Satan entra en lui. » (Jn 13,27).

Puis c’est l’annonce du reniement de Pierre. « Mais non, Seigneur, pas moi ! ». « Le coq ne chantera pas aujourd’hui avant que toi, par trois fois, tu aies nié me connaître. ». Et trois fois Pierre nia connaître Jésus. Satan toujours !

A Gethsémani, Jésus prie son Père pour avoir la force d’aller jusqu’au bout, « Non pas ma volonté, mais la tienne. ». Et Dieu soutient Jésus.

Mais quand il retourne vers les apôtres, … ils dorment, et n’ont pas prié comme il l’avait demandé. Satan encore.

Arrivés au Golgotha, et Jésus mis en croix, on entend : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même ! ». Ce sont les mêmes paroles que celle du diable lors des tentations au désert !

On a l’impression que quasiment tout le peuple est contre Jésus, sous l’impulsion du diable.

Pourtant, certains prennent la défense de Jésus … et ils sont peu nombreux …

D’abord Pilate, qui par trois fois va dire aux scribes et aux pharisiens : « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de condamnation. » et qui accepta à regret la condamnation, à cause de l’insistance des autorités juives. C’est lui qui fit installer l’écriteau : « Celui-ci est le roi des Juifs. ».

Le bon larron, dont les évangiles apocryphes nous donnent le nom : saint Dismas : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »

Il y avait aussi quelques femmes, dont Marie sa mère, et Jean.

Puis, après la mort de Jésus, la réaction du centurion : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » (Mc 15,39).

Enfin, Joseph d’Arimathie, qui demanda à Pilate l’autorisation de donner à Jésus une sépulture.

Sans doute Satan devait se réjouir : il avait réussi à monter quasiment tous les juifs contre Jésus, et celui-ci était mort …

Il pensait avoir gagné !

Mais c’était sans compter sur l’amour inconditionnel du Père pour son fils, et sur sa toute-puissance …

Satan a encore été vaincu !

Seigneur Jésus,

Satan t’avait donné rendez-vous

pour toute cette semaine.

Il pensait avoir gagné.

Mais ton Père t’a ressuscité,

et la vie a vaincu la mort.

Mais Satan est toujours à l’œuvre,

dans nos vies,

dans le monde,

pour permettre le chaos

physique et spirituel.

Prions pour ne pas entrer en tentation.

 

                                                                                   Francis Cousin

 

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