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1er Dimanche de Carême – Homélie du Père Louis DATTIN

Tentations au désert

Lc 4, 1-13

Avez-vous bien écouté, frères et sœurs, la dernière phrase du passage d’Evangile que nous venons de lire ? « Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentation ». Il semble que le démon manque nettement  d’imagination. Nous  sommes, nous, beaucoup  plus doués  que lui en matière de tentation. Comment peut-il en avoir épuisé “toutes les formes” avec ces trois propositions faites à Jésus ?

 

Regardons de plus près. Tout d’abord, le texte parle de « Diable », Diabolos : “celui qui divise, sépare, désunit”. Attention, cette « puissance du mal » que les évangiles appellent aussi “Démon”, “ Satan” (mot hébreu qui signifie « l’adversaire »), ce ne sont pas des diablotins cornus et fourchus que les images représentent, mais ce mal qui habite notre propre cœur, l’adversaire de notre Dieu.

Le récit d’aujourd’hui est admirablement construit : il nous donne le résumé des choix et des combats que les Hébreux ont rencontré dans le désert et où ils ont échoué là où Jésus a été victorieux. A notre tour, chacun de nous doit se battre sans cesse. La vraie vie spirituelle, la vie évangélique à la suite du Christ, n’est pas une existence de tout repos, et le Carême est un temps privilégié pour ce combat spirituel.

Reprenons ces 3 tentations au désert et vous verrez qu’elles recouvrent toutes les autres, toutes les nôtres, tentations permanentes pour toutes les époques. Traduisons-les avec nos mots d’aujourd’hui.

  • Première tentation : « Que ces pierres deviennent du pain ». Le pain satisfait nos désirs. C’est la tentation la plus banale, facile : ma relation aux choses, posséder, manger, satisfaire mes instincts, consommer. Tout cela est parfaitement légitime, mais doit être maîtrisé. Nos faims corporelles peuvent devenir nos maîtresses et faire de nous des esclaves comme dit maître Jacques  dans « l’Avare » de Molière : « Il  faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger ». Le verbe « être » doit toujours passer avant le verbe « avoir » : l’ »avoir » n’est qu’au service de « l’existence » et pas plus.

Où est la vraie vie de l’homme ? Dans le pain ? Dans le bien acquis ? Ou ailleurs ?

« Que ces pierres deviennent des pains », comme c’est tentant quand on a faim, quand le désir est là, exacerbé par la publicité, de s’engouffrer dans la consommation « non-stop ». Mais la vraie vie de l’homme est-elle là ?

Ce n’est même pas son besoin le plus fondamental. Allons-nous satisfaire tous nos besoins, nos addictions corporelles jusqu’à en « crever spirituellement » et même physiquement ? : Obésité, cholestérol, sida, MST, alcool jeux, drogues, tabac… Nous consommons trop et mal. Une bonne partie de nos maladies vient de nos excès et nous devenons des ruines. Regardez les dernières photos de Serge Gainsbourg, quelques mois avant sa mort : une déchéance, d’autant plus lamentable que c’était un esprit brillant !

Si seulement le Carême pouvait nous inciter, à la suite de Jésus, et avec sa grâce, à nous rassasier un peu plus de l’essentiel : la Parole de Dieu. « L’homme ne vit pas seulement de pain,  mais de la Parole de Dieu ».

Interrogeons-nous clairement : avons-nous un Evangile à la maison ? Où est-il ? L’ouvrons-nous parfois ? Que connaissons-nous  de  la  Bible ? Que  décidons-nous  pendant  les  quarante jours  d’ici-Pâques  pour lire un passage de la Parole de Dieu ?

Rétablir l’universelle coutume du jeûne (les musulmans et les autres religions le font bien) pour maîtriser notre chair et nous adonner davantage à la prière ?

  • Deuxième tentation : le pouvoir, dominer les autres, être au-dessus. Cette tentation-là est beaucoup plus grave : c’est la perversion de notre relation aux personnes. Ne voir les autres que par rapport à soi. Dominer, exercer le pouvoir sur les autres : qui d’entre nous n’a pas rêvé d’exercer une autorité, un pouvoir sur les autres, que ce soit en famille, l’homme ou la femme, les enfants entre eux dans une classe, dans les associations ? Toutes les jalousies et les rivalités dans les bureaux des fonctionnaires ou des entreprises, les peaux de bananes glissées sous les pas des concurrents, la carrière où l’on marche sur les autres pour les dépasser et se trouver devant eux, au-dessus d’eux, « l’homme un loup pour l’homme ». Jésus lui-même a été tenté de devenir un roi des royaumes de la terre, en exerçant le pouvoir selon les habitudes des puissants de ce monde qui font peser leur pouvoir.

Voici donc cette terrible envie de dominer : les élections nous le font bien voir avec sa multitude de listes, sa pléthore de candidats et aussi, ne l’oublions pas, son cortège d’opprimés, de torturés, d’abimés, ceux qui n’ont pas le droit à la parole et que l’on fait taire avec un billet ou quelques tôles ondulées ; les faibles, les petits, les êtres qui ne peuvent pas se défendre, à commencer par le problème tragique des suppressions des fœtus d’enfants vivants, ils n’ont pas droit à la parole ; on ne leur a jamais demandé leur avis, ils sont victimes des forts, des adultes.

Comment traitons-nous les handicapés physiques ou les débiles mentaux dans notre société, dans nos écoles, dans nos relations, dans nos familles et nous-mêmes ?

Comment nous laissons-nous dominer par les puissances des médias, la propagande, la publicité, les idées toutes faites, les courants d’idées à la mode ? Ne faisons-nous pas le jeu des sondages de toutes sortes qui nous indiquent, dans les questions elles-mêmes, ce qu’il nous faut répondre ?

Si seulement le Carême pouvait nous inciter à retrouver la vérité de toutes nos autres relations en retrouvant devant Dieu le « devoir d’Adoration ».

« Tu te prosterneras devant DIEU seul et c’est lui seul que tu adoreras » : se situer humblement devant Dieu, c’est apprendre du même coup à servir humblement les autres, au lieu de dominer.

  • Troisième tentation : la magie : mettre Dieu à notre service au lieu de nous mettre nous-mêmes à son service. C’est la plus grave des tentations : elle est perversion de notre rapport à Dieu, mettre Dieu en demeure de faire ce qui nous plaît.

Dans cette tentation-là, ce sont les rôles qui sont inversés : au lieu de nous mettre au service de Dieu, nous mettons Dieu à notre service. Mettre Dieu à l’épreuve, faire de Dieu l’objet d’un chantage, sommer Dieu de nous faire réussir, de nous éviter des ennuis : « Si Dieu existe, cela n’aurait pas dû arriver », comme si Dieu était mon domestique et qu’il n’était là que pour être à ma disposition.

Suprême tentation : nous ériger en conseiller de Dieu, lui dire ce qu’Il devrait faire. Nos prières ne sont-elles pas parfois des ordres que nous donnons à Dieu :

 « Seigneur, fais ceci, obtiens-moi  cela, accorde-moi  tel  avantage ».

 « Si tu es Dieu, fais ceci. »

 «  J’ai prié et tu ne m’as pas exaucé. »

 « Tu n’as pas fait ma volonté donc tu n’existes pas ».

Qui est Dieu ? Est-ce lui ou moi ?

Tentation de provoquer Dieu, de le faire obéir à mes désirs.

Si seulement ce Carême pouvait nous inciter à nous décentrer de nous-mêmes pour nous tourner résolument vers le « Tout autre » pour dire, comme le Christ au jardin des Oliviers : 

« Que  ce  soit  ta  volonté  qui  se  fasse, Père, et  non  la mienne ! »

Ne croyez-vous pas, maintenant, que ces tentations-là, sont bien les plus fortes auxquelles l’homme soit affronté ? Ces tentations de Jésus sont toujours les nôtres. Plus encore, elles résument tous nos désirs de possession et de puissance.

  • Avec Jésus, vainqueur de ces invitations de Satan, notre Carême pourrait être un temps merveilleux de croissance, d’épanouissement du meilleur de nous-mêmes, un vrai renouvellement de notre vie filiale et fraternelle de baptisés.

Lorsque nous sommes tentés, St-Ignace nous conseille de faire le contraire de la suggestion de Satan :

  –  Je désire avoir : je donne la primauté à l’être.

  – Je veux dominer : je me mets à la disposition de l’autre.

  – Je veux mettre Dieu à mon service : je me mets alors à son service à Lui.

Alors, ayant épuisé, nous aussi, toutes les formes de tentations, notre cœur pourra être prêt à rencontrer le Dieu-amour.  AMEN




1er Dimanche de Carême – par Francis COUSIN (Lc 4, 1-13)

« Jésus v/s Satan. »

 

« Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. ».

Jésus vient d’être baptisé par Jean-Baptiste, et, alors qu’il priait, l’Esprit Saint descendit sur lui et la voix du Père se fit entendre depuis les cieux. Première théophanie où les trois personnes de la Trinité sont ensemble en un même lieu de manière visible et audible par les personnes présentes.

Aussitôt, l’Esprit pousse Jésus dans le Désert.

Le désert, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu, et la durée de ce séjour, quarante jours, invite à faire le parallèle avec la pérégrination du peuple hébreu (quarante ans) au sortir de l’Égypte pendant laquelle Moïse rencontra Dieu sur le mont Sinaï.

Mais le désert, avec sa vie rude, c’est aussi le lieu des tentations. Dès le départ des hébreux, ce furent les regrets de la bonne nourriture avec les viandes grasses et les oignons, puis le désir de se créer un dieu que l’on voit avec le veau d’or.

Jésus, vrai homme, fut d’abord tenté par les sens : au bout de quarante jours, il eut faim !

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, je n’aurai pas attendu quarante jours pour avoir faim … et comme je n’ai pas le pouvoir de transformer les pierres en pain, je ne serai pas resté longtemps au désert …

La plupart des tentations commencent par les sens. On a entendu il n’y pas longtemps : « Si ta main (ton pied, ton œil) est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot (estropié, borgne) dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains (pieds, yeux), là où le feu ne s’éteint pas. » (Mc 9,43-47). Les besoins primaires d’abord.

Mais Jésus est aussi vrai Dieu, et son Père vient de le lui rappeler : « Tu es mon Fils bien-aimé. », et à l’amour du Père pour son fils répond l’amour du fils pour son Père.

Est-ce à dire que les tentations subies par Jésus ont été plus douces que celles que nous pouvons subir ? Certainement pas. N’oublions pas la tentation, à Gethsémani, quand le diable revient « au moment fixé » : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. (…) et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. » (Lc 22,42.44).

Comment Jésus répond-il aux tentations du diable ?

Avec ce qu’il a : Avec l’Esprit Saint qui est en lui, l’Esprit qui « vient au secours de notre faiblesse » (Ro 8.26) et qui lui fournira par trois fois les Paroles de l’écriture qui ’’cloueront le bec’’ au diable, et avec l’amour pour son Père qui le soutien.

Les deux autres tentations, d’abord celle du pouvoir, du tout tout-de-suite, et puis celle de forcer Dieu à faire quelque chose ou de se prendre pour Dieu, ne sont pas seulement pour Jésus, elles sont aussi pour nous, mais le diable ne va pas nous les présenter de la même façon.

Mais quand on voit certaines choses qui se passent actuellement dans notre monde, on peut être sûrs que le diable continue à tenter les gens (il ne sait faire que cela !)… et que certains se laissent tenter, malheureusement …

Que ce soit l’invasion de l’Ukraine (deuxième tentation) …

Ou toutes les lois sur la bioéthique (troisième tentation) …

Mais le diable s’intéresse aussi à chacun de nous, à tous nos petits défauts … et il va faire le maximum pendant ce carême pour que nous succombions à ses tentations, que nous n’allions pas au bout de nos efforts de carême prévus …

Pour le contrer, deux choses : la prière, et le jeûne

C’est-à-dire, se mettre au désert … même si on est entouré de plein de gens …

Seigneur Jésus,

nous voici au début de ce carême,

en marche vers la fête de Pâques.

Et tout commence par le désert,

là où je suis,

avec d’autres personnes,

pour s’entraider,

dans la prière et le jeûne,

avec l’aide de l’Esprit Saint.

Francis Cousin

Pour accéder à la prière illustrée, cliquer sur le lien suivant : Image dim Carême C 1°°




« Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? » (Lc 6,41) (DJF).

Dans sa Première Lettre aux Corinthiens (1Co 15,54-58), St Paul évoque l’accomplissement de notre vie, par delà notre mort : « Quand cet être corruptible aura revêtu l’incorruptibilité et que cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire » (1Co 15,54). Cette notion de mort englobe ici :

1 – la mort physique qui fait partie de notre cheminement de créatures ici-bas ; nous avons mis neuf mois pour ‘naître à la terre’, nous mettrons la durée de notre vie pour ‘naître au ciel’. Cette étape n’est pas la conséquence du péché puisque la Vierge Marie, l’Immaculée Conception, préservée par grâce de toute souillure inhérente au péché originel, s’est endormie dans la mort pour vivre ensuite son Assomption, « esprit, âme et corps » (1Th 5,23) et entrer ainsi, en « tout son être », dans la Plénitude de la vie éternelle…

2 – la mort spirituelle, qui est, elle, la conséquence directe du péché, puisqu’elle est le fruit de la rupture de relation de cœur avec Dieu, Lui qui est Source éternelle de Vie (Jr 2,13 ; Jn 7,37-39), Don gratuit de la Plénitude même de sa Vie, et nous avons tous été créés comme « capacité d’accueil » de ce Don : tel est notre « esprit » appelé, comme Elisabeth (Lc 1,41), Zacharie (Lc 1,67), Jean Baptiste, son fils (Lc 1,15), Jésus, vrai homme et vrai Dieu (Lc 4,1), les Apôtres (Ac 2,4), St Pierre (Ac 4,8), St Paul (Ac 9,17)… à être « rempli d’Esprit Saint », cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6).

Or, puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), il est Don éternel de tout ce qu’il Est en Lui-même, car « le propre de l’Amour est de se répandre, de se donner » (Pape François, mercredi 14 juin 2017).… « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), un Esprit qui est vie ? Il est Don éternel de l’Esprit Saint, et donc Source de Vie… Consentir à la relation avec Lui, s’ouvrir de tout cœur à Lui, c’est recevoir ce Don gratuit de l’Amour, c’est vivre pleinement… Le refuser, se fermer à Lui, c’est se condamner soi-même à la mort, alors que Dieu, Lui, est toujours Source de Vie, Don offert gratuitement, mais qui se heurte à une porte fermée… Il n’empêche, ce Don déjà offert « frappe » toujours à la porte des cœurs (Ap 3,20), et avec Lui, c’est Dieu qui nous invite à lui ouvrir, à nous repentir, et à nous laisser pardonner, purifier, sanctifier par ce Don qui, seul peut nous combler puisque nous avons tous été créés pour le recevoir et trouver en Lui le vrai Bonheur, la vraie Plénitude, la vraie Joie…

Ainsi, « revêtir l’incorruptibilité, revêtir l’immortalité », c’est laisser, au terme de notre vie, le Don de l’Esprit Saint accomplir pour nous son œuvre de résurrection et de vie… En effet, le Père a ressuscité le Fils par cette Puissance de l’Esprit Saint : il fut ainsi « établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de Sainteté par sa résurrection des morts » (Rm 1,4). « Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11).

Et la dynamique est la même pour les fondements de notre vie chrétienne ici-bas. St Paul emploie ainsi le même verbe « revêtir » pour évoquer les conséquences du baptême : « Vous tous, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3,27-28). Autrement dit « revêtir le Christ », c’est recevoir le Don du Saint Esprit qui nous unit au Christ et nous introduit, « rempli du Saint Esprit », dans « la communion du Saint Esprit » (2Co 13,13), « dans l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3) : nous sommes alors « un dans le Christ Jésus », tous unis au Christ et entre nous dans la communion d’un même Esprit…

La volonté de Dieu est alors accomplie : « Père », priait Jésus juste avant sa Passion en évoquant ses disciples et à travers eux tout être humain sur cette terre, « que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,21-23). E c’est bien parce que le Père aime le Fils de toute éternité qu’il lui donne sa gloire : « Père, ceux que tu m’as donnés », c’est-à-dire tout être humain, où qu’il soit, quel qu’il soit (Jn 3,16-17 ; 4,42 ; 12,32 ; 1Tm 2,3-6), « je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17,24). Et le Père « donne la gloire » au Fils en lui donnant « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de gloire » (1P 4,14), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), cet « Esprit qui est vie » (Ga 5,25). Voilà ce que le Fils est venu nous communiquer, tout aussi gratuitement, par amour : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22) et avec Lui le Don de la vie éternelle…

Ainsi, avec et par ce Don, « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Si « le salaire du péché, c’est la mort, le Don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle, dans le Christ Jésus » (Rm 6,23) par le Don de « l’Esprit qui vivifie »… « La mort est alors engloutie dans la victoire » de l’Amour…

Or puisque « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), donner l’Esprit, c’est donner l’Amour : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné » (Rm 5,5), « l’amour dont Dieu nous aime » précise en note la Bible de Jérusalem. C’est pourquoi « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,25). Et si Paul invite à « se montrer bienveillant », il présente cette attitude comme une conséquence directe du baptême : « le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur » (Tt 3,1-7).

En effet, Dieu, dans son Amour, est toujours « bienveillant » : « il excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout » (1Co 13,7). Il regarde plus les qualités que les défauts. Il encourage plus qu’il ne reproche… « Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? » (Lc 6,39-45). En effet agir ainsi, c’est manifester que la soi disant lumière qui habite nos cœurs n’est que ténèbres… Certes, tel défaut, telle faiblesse, telle fragilité, tel péché est peut-être bien réel, vrai, indiscutable… Il n’empêche, le mettre en lumière pour discréditer, juger, condamner, sans amour, ni miséricorde, ni bienveillance, c’est adopter l’attitude du prince des ténèbres… Avec lui, la vérité est sans amour… Se comporter ainsi manifeste donc que notre regard est malade, car notre cœur est malade : « Si ton œil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6,23). Autrement dit, c’est « la poutre » de nos ténèbres en nous qui nous fait voir « la paille », le détail imparfait dans la vie de nos frères… N’ayant pas en nous la Lumière de Dieu, nous manifestons alors par nos jugements à l’emporte-pièce, durs et sans pitié, à quel point nous sommes « aveugles de cœur »…

Demandons au Seigneur de pouvoir prendre conscience de nos ténèbres ; que sa Lumière nous permette de reconnaître en nos cœurs ces « poutres » qui nous aveuglent… Nous constaterons alors la gravité de notre état, et déjà, « la paille » de notre frère apparaîtra comme un détail par rapport à notre poutre… La situation est identique dans la Parabole du débiteur impitoyable (Mt 18,21-35). Jésus commence par inviter ses disciples à une miséricorde continuelle : «  Pierre lui dit : Seigneur, combien de fois mon frère pourra-t-il pécher contre moi et devrai-je lui pardonner ? Irai-je jusqu’à sept fois ? Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix-sept fois », c’est-à-dire encore et toujours… Et pour illustrer cette invitation, il prend l’exemple d’un homme qui devait dix milles talents à son roi, c’est-à-dire 260 tonnes d’argent, ce qui, au cours actuel équivaut à 182 millions d’euros. « Cet homme n’ayant pas de quoi rendre, le maître donna l’ordre de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, et d’éteindre ainsi la dette. Le serviteur alors se jeta à ses pieds et il s’y tenait prosterné en disant : Consens-moi un délai, et je te rendrai tout. » Il n’est vraiment pas conscient de la gravité de son état : même avec un délai, aussi grand soit-il, il ne pourra jamais rembourser l’énormité de cette dette… Au Smic net actuel de 1231 €, il lui faudrait près de 150 000 ans pour tout rembourser, et cela sans jamais dépenser un centime pour se nourrir, se loger, etc… « Bouleversé de compassion jusqu’au plus profond de ses entrailles, le maître de ce serviteur le relâcha et lui fit remise de sa dette. 

En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons, qui lui devait cent deniers », c’est-à-dire 455 grammes d’argent, soit 318,50 €. Certes, c’est une somme non négligeable, mais quelle est-elle par rapport à 182 millions d’euros ? « Ce serviteur le prit à la gorge et le serrait à l’étrangler, en lui disant : Rends tout ce que tu dois. Son compagnon alors se jeta à ses pieds et il le suppliait en disant : Consens-moi un délai, et je te rendrai. Mais l’autre n’y consentit pas ; au contraire, il s’en alla le faire jeter en prison, en attendant qu’il eût remboursé son dû. » Apprenant cela, le Roi le convoqua et lui dit : « Ne devais-tu pas, toi aussi, faire miséricorde à ton compagnon comme moi je t’ai fait miséricorde ? »

Apprenons donc à reconnaître notre poutre avant de dénoncer la paille de nos frères… Ce qui ne signifie pas du tout fermer les yeux sur le mal et faire comme si celui là n’existait pas. C’est ce que Jésus déclare juste après cette parabole de la paille et de la poutre : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raison sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon », ce Trésor étant le Don de l’Esprit Saint reçu dans un état de prière le plus continuel possible : « Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit; apportez-y une vigilance inlassable » (Ep 6,18). Et ce même Esprit nous aidera à aimer comme Dieu aime, à grandir dans ce regard de bienveillance qu’il nous invite à porter les uns sur les autres, sans jamais répondre au mal par le mal (1P 2,18-25)…

                                                                                                   D. Jacques Fournier




8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire d’Evangile du samedi 26/2/2022 et Dimanche 27/2/2022

 

Siracide 27 4–7 ; 1Corinthiens 15 54–58 ; Luc 6 39–45

Dans le premier texte d’aujourd’hui, il est dit que « dans le crible qu’on secoue, il reste des saletés, de même les défauts de l’homme dans ses discours ». Le crible est un tamis, une passoire qui permet de faire un tri entre ce qui est bon à garder ou à jeter. Le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. « La parole est un acte qui peut guérir ou blesser profondément les gens, elle peut détruire ou construire. Elle dévoile (ou révèle) le cœur et dit qui est la personne qui parle. Celui qui parle beaucoup dévoile ses qualités mais aussi ses défauts. Quand on pense à soi uniquement, souvent ce sont les défauts qui se révèlent parce que l’on ne fait pas un cas de l’autre. Et quand on pense véritablement à l’autre, ce sont les qualités qu’on met en avant, même sans en avoir conscience, parce qu’on veut le bien de l’autre » (Achille Degeest – Pain du Dimanche). Les paroles de l’homme révèlent les pensées de son cœur. Et si son cœur a plein de défauts, cela ressortira dans ses paroles. Mt 15,18-19 : « 18 ce qui sort de la bouche procède du cœur, et c’est cela qui souille l’homme ? 19 Du cœur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations ». C’est pour cela qu’il sera difficile de dire du bien d’une personne avant qu’elle n’ait parlé.  (Si 24,7) : « Ne loue personne avant qu’elle n’ait parlé ». Sœur Faustine (§92) nous dit : « Les fautes que commet la langue sont graves. L’âme ne parviendra pas à la sainteté si elle ne maîtrise pas sa langue ….(§118) : « l’âme bavarde est vide à l’intérieur. Il n’y a en elle ni vertu fondamentale, ni intimité avec Dieu. Il n’est pas question pour elle, d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure le Seigneur. Celui qui n’a jamais goûté à la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet qui trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui étaient dans les gouffres de l’enfer pour n’avoir pas su garder le silence … (§374 – IV). En un seul cas, elle sera totalement libre : pour la proclamation de la gloire de Dieu. A chaque fois que je communie, je prie Jésus qu’il daigne fortifier et purifier ma langue, pour que je ne blesse pas mon prochain …(§476) L’âme silencieuse est forte. Si elle persévère dans le silence, aucune contrariété ne la touchera. L’âme silencieuse est capable de s’unir à Dieu de la façon la plus profonde, elle vit presque toujours sous l’inspiration du Saint-Esprit. Dans l’âme silencieuse, Dieu agit sans rencontrer d’obstacle ».

Le silence intérieur dont parle Sœur Faustine n’est pas un silence morne, maussade, triste, c’est un silence rempli de Dieu, un silence qui est recueillement en Dieu. « Le langage de l’amour ne possède pas de paroles », n’a pas besoin de paroles (Sœur Faustine – 1488). Le silence devient la condition de rencontre avec Dieu. Cette attitude n’est rien d’autre que celle de la contemplation qui est un don de Dieu, répandu dans le cœur de celui qui croit (Nicolas Buttet – « L’Eucharistie à l’école des saints » – P.17). La contemplation nous introduit…sur la découverte de notre vraie nature et du but de notre vie. Saint François de Sales nous dit que « la contemplation n’est rien d’autre qu’une amoureuse, simple et permanente attention de l’esprit aux choses divines ». Le philosophe grec Cicéron découvre que « notre âme est tendue vers le Ciel. Elle est tendue vers le Ciel par la contemplation née du silence ». Et l’on revient à ce silence intérieur constamment rempli de Dieu dont nous parle sœur Faustine. Nicolas Buttet nous dit : « Il y a bonheur dans la mesure où il y a contemplation … Mais le bonheur né de la contemplation dépend de ce que nous contemplons ». Et Aristote précise que le bonheur suprême dépend de la perfection de l’objet contemplé. Ce bonheur suprême c’est donc de contempler Dieu et de Le servir, puisque Dieu est le Parfait et le Bien heureux par excellence. Cette contemplation qui se porte sur Dieu Lui-même s’appelle une contemplation théologique qu’on ne peut avoir que par la grâce de Dieu, par un don de Dieu. Cette contemplation n’a qu’un but (saint Jean de la Croix) : c’est l’union à Dieu dans l’amour. Elle produit différents effets dont la connaissance, connaissance de Dieu dans le secret du cœur, au plus profond de soi-même, mais elle vise surtout à la ressemblance d’amour avec Celui qui est contemplé. On ne peut pas contempler Dieu quand on cultive péché sur péché. Alors de temps en temps, pour ne pas dire « souvent »,  il vaut mieux demeurer dans son silence intérieur, pour mieux contempler Dieu dans le secret du cœur plutôt que de parler inlassablement au risque de blesser les uns et les autres parce que le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. Et c’est surtout ce qui est mauvais que l’autre perçoit.

Il est difficile à un aveugle d’être un guide. Et quand un être humain ne voit jamais ses propres défauts, ses propres faiblesses, ses propres péchés, comment peut-il guider les autres dans le bon chemin ? Si nous avons des difficultés à connaître nos propres péchés, nos misères, demandons à Dieu la grâce de les découvrir. Et des péchés, nous en avons bien plus que nous ne pouvons le penser. A une messe de l’Archevêque de Cochabamba, en Bolivie, et au moment du rite pénitentiel, la Sainte Vierge dit à Catalina Rivas, qui a reçu les stigmates du Christ en 1994 : « Du fond de ton cœur, demande au Seigneur de pardonner tes fautes qui L’ont offensé. De cette manière, tu seras en mesure de participer dignement au privilège d’assister à la Sainte Messe ». En une fraction de seconde, j’ai pensé : « Bien sûr que je suis en état de grâce avec Dieu car je me suis confessée hier soir ». La Sainte Vierge lui répondit : « Penses-tu que depuis hier soir tu n’as pas offensé le Seigneur ? Laisse-moi te rappeler certaines choses. Quand tu es partie pour venir ici, la fille qui t’aide s’est approchée de toi pour te demander quelque chose et puisque tu étais en retard et pressée, tu n’as pas été très délicate dans ta façon de lui réponse. Il y avait manque de charité de ta part et tu dis que tu n’as pas offensé Dieu…- Alors que tu étais en route pour venir ici, un autobus a empiété sur ta ligne et t’a presque frappée. Tu t’es exprimée d’une façon peu recommandable contre ce pauvre homme plutôt que de dire tes prières et te préparer pour la messe. Tu as manqué de charité et tu as perdu ta paix et ta patience. Et tu dis que tu n’as pas offensé le Seigneur ? Tu arrives à la dernière minute quand la procession du célébrant est déjà en route pour célébrer la messe…et tu vas participer sans t’être préparée »… J’ai répondu : »Très bien ma Mère, ne dis plus rien. Ne me rappelle pas autre chose car je mourrais de chagrin et de honte… – Mgr Fourrey (« Jean Marie Vianney, curé d’Ars », D.D.B., 1981, P.129-130) nous raconte qu’en 1822 Dieu avait donné au Curé d’ARS une très vive conscience de sa propre misère (c’est-à-dire de ses faiblesses, de ses défauts, de ses péchés). « Il en fut si effrayé qu’il pria le Tout-Puissant de répandre une lumière moins vive sur son âme, de crainte d’avoir des pensées de désespoir. » C’est pourquoi il dira un jour à la baronne de Belvey : « Ne demandez pas à Dieu la connaissance totale de votre misère. Je l’ai demandée une fois et je l’ai obtenue. Si Dieu ne m’avait alors soutenu, je serais tombé à l’instant même dans le désespoir».

Le grand Saint Curé d’Ars prêt à succomber sous le poids de ses faiblesses, de ses fautes et péchés. Si chacun veut bien se comparer au Saint Curé d’Ars, on voit bien le chemin que nous avons encore à parcourir. C’est pour cela qu’il ne faut pas juger les autres, car nous-mêmes nous avons plein de défauts et faiblesses. Et le Curé d’Ars, malgré toutes ses faiblesses, cela ne l’a pas empêché d’être saint. Tous, sans exception, nous sommes appelés à être saints, malgré nos faiblesses. A chacun de faire de son mieux pour se mettre véritablement à la suite du Christ. Et l’une des premières choses à faire, c’est de ne pas juger l’autre. Il suffit de lire les évangiles pour voir que le Christ n’a pas jugé la femme adultère qu’on voulait lapider (Jn 8,1-11), il n’a pas jugé les brigands qui étaient sur la croix à ses côtés, il n’a pas jugé ses bourreaux ; au contraire, il a même demandé à son Père de leur pardonner. L’abbé Pierre Descouvemont nous dit (Guide des difficultés de la foi catholique – P. 430) : « Comment des chrétiens peuvent-ils chanter au cours de leurs liturgies : « Je pense à Toi le jour, la nuit, ô Seigneur »… « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse en ma bouche », alors qu’ils oublieront si rapidement Celui qu’ils auront célébré, ou qu’il leur arrivera même de médire de leur prochain sur le parvis de l’église ! ». Il vaut rester silencieux plutôt de dire ce qu’on pense des autres. Il faut s’occuper des autres que lorsqu’ils ont besoin d’aide, toutes sortes d’aide, afin de les faire progresser, de les tirer vers le haut, de les aider à s’en sortir physiquement, moralement, intellectuellement, spirituellement. Si on n’est pas dans l’action pour aider les gens, il vaut mieux rester dans le silence intérieur et avoir les yeux et le cœur fixés sur Dieu ou les choses divines. Dieu nous a donné la vie, il nous a fait don de la Vie, et à notre tour, nous devons donner la vie aux gens en les aidant à s’en sortir, en les faisant progresser, et jamais en les rabaissant car cela nous fait entrer dans cette atmosphère de mort ou de culture de mort qui ne vient pas de Dieu. Nous devons regarder notre propre intérieur pour faire le ménage et choisir les options de vie offertes par le Christ dans les évangiles ou dans la Bible entière. Lisons la Bible. Nous y trouverons mille conseils, mille sagesses qui nous donneront la paix, signe de la présence de Dieu en nos cœurs, en sachant que la Sagesse personnifiée est le Christ lui-même. Les conseils bibliques nous obligent à la réflexion sur nous-mêmes. Pour ceux qui n’auraient jamais ouvert une bible, voici, par exemple, quelques versets : Dt 31,17 : « Si ces maux (m – a – u – x) m’ont atteint, n’est-ce pas parce que mon Dieu n’est pas au milieu de moi ? » ; Ecclesiaste 9,18 : « un seul péché annule beaucoup de bien » ; Sg 4,20 et 5,1: « quand s’établira le compte de leurs péchés, ils viendront plein d’effroi…Alors, le juste se tiendra debout, plein d’assurance, en présence de ceux qui l’opprimèrent » ; Is 30,15 : « Dans la conversion et le calme était votre salut, dans la sérénité et la confiance était votre force, mais vous n’avez pas voulu ! vous avez dit « non… » ; Ez 36,26.31 : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau…Alors vous vous souviendrez de votre mauvaise conduite et de vos actions qui n’étaient pas bonnes. Vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût à cause de vos fautes et de vos abominations… » ; Osée 11,2-3 : « Plus je les appelais, plus ils s’éloignaient de moi…ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux » ; et un dernier exemple avec Joel 2,12-13 : « Revenez à moi de tout votre cœur…revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce ». Des conseils de ce genre, il y en a des milliers dans la Bible. Ces paroles divines ne doivent pas rester des paroles extérieures à nous, mais être intégrées en notre intérieur pour nous permettre de vivre comme Dieu le veut pour nous, selon sa sagesse, ses commandements, sa volonté. Tous, nous pouvons progresser dans la foi et nous devons encourager le monde chrétien, et même des non-chrétiens à lire la parole de Dieu comme nous l’enseigne Paul en 1Tm4, 12-16 : 12 …, montre-toi un modèle pour les croyants, par la parole, la conduite, la charité, la foi, la pureté. 13 En attendant que je vienne, consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. 14 Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, … 15 Prends cela à cœur. Sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. 16 Veille sur ta personne et sur ton enseignement; persévère en ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t’écoutent ». Demandons à Marie de nous aider à vivre la parole de Dieu.




8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Lc 6,27-38)

Aimer comme Jésus nous aime (Luc 6,39-45)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?
Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?
Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. »
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit.
Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces.
L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.

 

    Après avoir proclamé les Béatitudes (Lc 6,20-23), Jésus en décrit maintenant les conséquences inéluctables. Dieu est Amour (1Jn 4,8.16) et il n’est qu’Amour… Chacun de ses actes est un acte d’amour. Aussi, à celui qui fait le mal, Dieu répondra toujours par l’Amour car Il est ce Père qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45 ; Lc 6,35).

            Dieu est donc Amour, et cet Amour face au péché prend le visage d’une inlassable, car éternelle, Miséricorde, nous appelant toujours au repentir. Tel est le Roc de notre vie. Et Il est heureux de pardonner quand il voit le résultat en nous du pardon reçu (Lc 15,7 ; 19,8) : un homme qui quitte les chemins du mal, ces chemins qui ne peuvent qu’être semés, pour lui d’abord et bien sûr pour celles et ceux qui en sont les victimes, que de « souffrances et d’angoisse » (Rm 2,9). C’est cela que Dieu ne veut pas « pour tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14), d’où l’invitation lancée à tous de nous tourner vers lui de tout cœur pour recevoir, encore et toujours, son pardon qui nous permet de repartir sur les chemins d’une vie nouvelle synonymes de Plénitude intérieure et de « Paix »…

            Par le don de l’Esprit qui vivifie, nous recevrons en nos cœurs, de la bonté du Père, sa Vie même (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), une Vie qui est Amour (Rm 5,5) et force pour aimer (1Tm 1,7)… « Un cœur bon » est ainsi le fruit du travail de la Miséricorde de Dieu, qui, de pardon en pardon, transforme nos cœurs souillés en cœurs purs, nos cœurs de pierre, durs, en cœurs de chair, tendres (Ez 36,24-28). Alors et alors seulement, ces « cœurs » transformés par « l’Esprit » pourront porter de bons fruits : des fruits de miséricorde, de douceur, et de paix…  « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Tel est « le bon trésor de nos cœurs » que « le Père des Miséricordes » (2Co 3,3) renouvelle sans cesse…

            C’est en lui que nous sommes invités à puiser la force nécessaire pour accomplir ce que nous ne pourrions jamais faire tout seuls (Jn 15,5) : « aimer nos ennemis » (Lc 6,27), répondre au mal par le bien (Rm 12,21 ; 1Th 5,15), à la violence par la patience et la paix (Lc 6,29 ; Ep 4,1-5), à l’offense par le pardon (Col 3,12‑15), être toujours prêts à donner, même à celui qui nous vole (Lc 6,29), dans la certitude que Dieu ne nous laissera jamais manquer du nécessaire (Lc 12,22-31). Cet amour gratuit n’a de raison d’être qu’en Dieu seul : il ne s’appuie que sur Lui, sans rien attendre en retour (Lc 6,32-35).

            En ayant ainsi pris conscience de nos faiblesses et de nos misères, nous ne laisserons pas l’orgueil nous pousser à faire des reproches aux autres, à leur donner des leçons de morale, comme si nous leur étions supérieurs… Non, nous les aimerons de cet Amour de Miséricorde dont nous sommes les premiers bénéficiaires. « Ôte d’abord la poutre de ton œil ; et alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère »…   DJF




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – par D. Jacques FOURNIER (Lc 6, 17.20-26)

« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent« …

Voilà certainement une des pages les plus folles de l’Evangile. Elle nous entraîne tout en même temps au cœur de Dieu et au cœur de nos incapacités. Et le pont entre les deux devrait être notre foi qui, petit à petit, devrait nous permettre de poser des actes que nous n’aurions jamais accomplis par nous‑mêmes… Et pour avancer sur ce chemin si déconcertant, nous pouvons prendre le Christ comme exemple… Tout ce qu’il nous demande est en effet révélation indirecte de ce qu’il fait déjà pour chacun d’entre nous, pour tout homme sur cette terre, où qu’il soit, quel qu’il soit… En effet, nous dit St Jean, « le Verbe est la Lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9), et cette Lumière donnée est celle de l’Amour donné, car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) et « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16)… Il s’agit donc de « la Lumière » de « l’Amour » qui « éclaire tout homme« , qui rejoint tout homme, qui se donne à tout homme… « Lorsque je serai élevé de terre« , nous dit Jésus, « j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32)…

« A celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande et à qui prend ton bien, ne le réclame pas« … Quel est donc le secret de Jésus pour vivre ainsi ? Il a tout d’abord une confiance totale en son Père. Il sait qu’Il est là, avec lui ; il veille sur lui et lui donne instant après instant, jour après jour, par les uns et par les autres, femmes et hommes « de bonne volonté » (Lc 2,14), tout ce dont il a besoin (Jn 8,28-29)… Et Jésus cherchera à nous introduire dans le mystère de cette confiance : « Ne vous tourmentez pas de ce que vous mangerez ou boirez… Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le Royaume des Cieux et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Lc 12,22-32)… C’est à la lumière de cette certitude de foi que Jésus peut nous demander de donner à quiconque nous demande, de prêter sans rien attendre en retour, de laisser prendre notre tunique par celui qui nous a déjà pris notre manteau car Dieu s’occupe de chacun d’entre nous, il veille sur nous, et il ne permettra pas, si nous mettons ainsi sa Parole en pratique, que nous manquions du nécessaire… Folie de foi… Et c’est pour les aider à grandir dans cette confiance que Jésus, lors du premier envoi en mission de ses disciples, leur demanda de ne rien prendre avec eux : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni besace, ni pain, ni argent; n’ayez pas non plus chacun deux tuniques » (Lc 9,3). Il voulait qu’ils fassent, jour après jour, l’expérience de cette Présence agissante et bienveillante de Dieu, passant par les uns, par les autres, pour qu’ils ne manquent de rien, et cela en tous leurs besoins : nourriture, vêtements, logement, etc… Il voulait leur apprendre cette vérité concrète que le Psalmiste exprimait déjà : « C’est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais… En toi ils espéraient et n’étaient pas déçus » (Ps 22(21),5-6). Et pour être bien sûr qu’ils avaient intégré toutes les leçons d’une telle expérience, il leur demanda juste avant sa Passion : « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose? – De rien , dirent-ils. » Alors, qu’ils ne l’oublient jamais… ce qui ne veut pas dire qu’ils sont désormais dispensés de travailler, de peiner, de faire au mieux, loin de là…  » Maintenant« , ajoute-t-il, « que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace » (Lc 22,35-36). Et St Paul écrira : « Quand nous étions près de vous, nous vous donnions cette règle : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2Th 3,10). Mais quand, en conscience, nous aurons fait tout notre possible, si un imprévu, un coup dur, arrivent, nul doute que Dieu sera toujours le même : il accomplira sa promesse, et nous ne manquerons de rien… Folie de foi pour ceux qui ne croient pas…

Et il est tout aussi humainement fou « d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous haïssent »… Et pourtant, Dieu est ainsi… En effet, en tant que « pécheurs« , nous sommes tous, même si le mot peut paraître fort, « ennemis » de Dieu. C’est ce que St Paul écrit dans sa Lettre aux Romains : « C’est en effet alors que nous étions sans force, c’est alors, au temps fixé, que le Christ est mort pour des impies; – à peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir; – mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. Combien plus, maintenant justifiés dans son sang, serons-nous par lui sauvés » de toutes les conséquences de nos fautes. « Si, étant ennemis, nous fûmes réconciliés à Dieu par la mort de son Fils, combien plus, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie » (Rm 5,6-10). Et jour après jour, Dieu est toujours ainsi à notre égard, nous manifestant le plus d’amour et de tendresse lorsque nous en avons le plus besoin, et donc surtout lorsque notre faiblesse, notre misère nous entraînent le plus loin sur les routes du mal… Il sait en effet à quel point ce mal que nous commettons nous blesse avant tout nous-mêmes avant, hélas, de blesser aussi parfois les autres… « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Et devant toute cette souffrance, Dieu est bouleversé de compassion : compassion bien sûr pour toutes celles et ceux qui en souffrent, mais compassion aussi pour celles et ceux qui font souffrir et qui, à ce titre, ne peuvent « qu’être mal » eux aussi, et donc souffrir… Dans la traduction grecque du Psaume 103(102) cité en ce jour, nous avons littéralement : « Le Seigneur est compatissant et miséricordieux, patient et plein de miséricorde. Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses« . Et cette attitude s’est révélée avec le plus de force en Jésus, le Fils éternel du Père, « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo) : lors de sa Passion, il s’est laissé insulter, mépriser, frapper, dépouiller, crucifier… Sans un mot, il a pris sur lui tout ce mal, toutes ces souffrances, et il les a offerts pour la guérison notamment de ceux là-mêmes qui le  faisaient tant souffrir… « C’étaient nos péchés qu’il portait dans son corps, sur le bois, afin que morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,21-25)… Toutes les souffrances, toutes les conséquences de nos fautes, Jésus les a prises sur lui pour nous en délivrer… Alors, oui, vraiment, comme nous y invite le Psalmiste (Ps 103(102), « bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits. Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse« … La traduction grecque de la Septante a : « Il te couronne de miséricorde et de compassion« …

« Dieu est Amour », nous dit St Jean par deux fois (1Jn 4,8.16), et nous découvrons en Jésus Christ ‘comment’ il nous aime : il prend sur lui notre péché, nos misères, il souffre de nos souffrances et il est blessé de nos blessures pour que nous puissions, avec lui et grâce à lui, en guérir, petit à petit… Il vit nos ténèbres, il s’unit de coeur à elles, pour que nous, pécheurs, nous puissions, grâce à Lui et avec Lui, être dans sa Lumière… Il meurt de notre mort pour que nous puissions vivre de sa vie… « Et l’Amour avec lequel Dieu nous aime a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5) au jour de notre baptême. C’est en s’appuyant sur cet Esprit de continuelle Bienveillance que nous sommes invités nous aussi, petit à petit, à grandir dans cette folie de Dieu qui « Lui, est bon, pour les ingrats et les méchants », car « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Alors, avec l’Esprit, par l’Esprit, grâce à l’Esprit, « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent« …

                                                                                                    D. Jacques Fournier




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Lc 6, 17.20-26)

« Aimez vos ennemis ! »

 

Voilà l’un des passages des évangiles les plus difficiles à admettre pour la plupart des gens, et sans doute le plus difficile à mettre en pratique !

Jésus va tout à fait à l’opposé de la pratique humaine la plus répandue et la plus partagée par l’ensemble des humains.

Aimer un ennemi ! Aimer quelqu’un qui ne m’aime pas, qui me veut du mal ! Cela ne passe pas … ou du moins, cela passe mal …

Et pourtant, c’est dans la logique d’amour de Dieu pour les hommes, qui est au cœur du message de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34)..

Avant cela, c’était le règne de la loi du Talion connue par son résumé : « Œil pour œil, dent pour dent ».

C’était déjà un progrès, car cela limitait la réaction à l’action première, et évitait toute surenchère dans la vengeance, ou dans les décisions de justice.

Les propos de Jésus ne permettent même pas d’avoir une attitude indifférente vis-à-vis des actions de nos ennemis : « Il m’a fait ça … c’est son problème, moi, ça ne m’intéresse pas. ».

C’est une attitude de dédain … on se considère au-dessus de l’autre … et on est bien loin d’une attitude amicale …

Bien sûr, ce n’est pas haïr … ça ne met pas d’huile sur le feu … mais ce n’est pas aimer.

Des fois, on n’est même pas concerné par un quelconque différent, mais simplement suite à un reportage à la télévision, combien de fois n’entendons-nous pas à propos du responsable d’un homicide : « Après ce qu’il a fait, on devrait le tuer ! ». Bien sûr, c’est une parole en l’air ! On ne dit pas « je », mais on … Il n’empêche …

Et quand les tueurs du Père Hamel ont été tués par les forces de l’ordre, combien de fois avons-nous entendu : « Bien fait pour eux ! » …

Sommes-nous vraiment encore chrétiens quand nous nous exprimons ainsi ?

Pourtant il arrive parfois, même si on ne les aime pas, que nous ayons une forme de respect pour ceux qui nous veulent du mal.

Un exemple nous est donné dans la première lecture, quand David et Abishaï entrèrent de nuit dans la tente de Saül, pendant que tous dormaient. Quand Abishaï veut tuer Saül, David refuse : « Qui pourrait demeurer impuni après avoir porté la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur ? ». Il ne le fait pas parce qu’il aime Saül, mais pas respect pour lui, et surtout pour le Seigneur qui lui avait fait donner l’onction pour devenir roi, par crainte d’être mal vu du Seigneur.

Dans la deuxième lecture, saint Paul parle des deux Adam : « Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. »

Et, dans la vie de chaque être humain, il doit en être de même. Actuellement, sommes-nous seulement dans le domaine physique, de la terre … ou déjà en partie dans le domaine spirituel, du ciel ? Quand passe-t-on d’un domaine à l’autre ?

Sans doute, pour la plupart d’entre nous, nous pensons que ce sera après notre mort … après le purgatoire ? Peut-être est-ce le futur utilisé par saint Paul qui y fait penser ?

Mais c’est être trop pessimiste et attentiste que d’attendre cela.

Parce que, quand Jésus parle, il n’utilise pas le présent de l’indicatif, mais l’impératif … c’est-à-dire que c’est une obligation : aimez vos ennemis, faites du bien, souhaitez du bien, priez, donnez, soyez miséricordieux, ne jugez pas,  ne condamnez pas, pardonnez,…

Et il n’y a pas lieu d’attendre, à cause de la comparaison avec les pécheurs ’’qui en font autant’’ … alors que nous, nous devons faire autrement …

Ce n’est pas pour demain, ou après, mais maintenant … « car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

Comment faire pour suivre cet enseignement ?

Saint Paul nous dit : « comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. »

Il faut donc se configurer au Christ, comme l’a fait saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20).

Et Jésus a vécu cet amour pour ses ennemis, et de manière la plus forte possible, quand sur la croix il s’écrit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34).

Alors que faire maintenant ?

Relire ce passage d’évangile … le relire encore …

Le méditer …

Le relire souvent … pour qu’il rentre bien dans notre tête …

Tout est dit dedans …

Et faire ce que Jésus nous demande de faire …

Même si c’est difficile !

Mais avec la grâce de Dieu, tout est possible !

Seigneur Jésus,

Tu nous demandes

vraiment une chose difficile !

Aimer nos ennemis !

C’est au-dessus de nos moyens humains.

Toi seul peut nous permettre d’y arriver,

si nous nous laissons faire par toi.

Aide-nous !

                                                                                   Francis Cousin

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6ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Père Rodolphe EMARD

Homélie du 6ème dimanche du Temps Ordinaire / Année C

Lectures de référence :

Jr 17, 5-8 ; Ps 1 ; 1 Co 15, 12. 16-20 ; Lc 6, 17. 20-26

Frères et sœurs, les quatre textes de ce sixième dimanche du Temps Ordinaire soulignent clairement que Dieu veut notre bonheur, que nous soyons heureux. Le terme « heureux » revient cinq fois dans les lectures : une fois dans le psaume et quatre fois dans l’Évangile.

Dieu nous appelle donc au bonheur et les lectures de ce dimanche nous donnent de précieuses pistes pour ne pas tomber dans les pièges des « faux bonheurs » du monde, éphémères et qui ne satisfont qu’un temps.

Le bonheur dont il est question n’est pas un bonheur à court terme, il est en vue du Royaume de Dieu, la gloire éternelle du Ciel.

 

►Dans la première lecture, l’oracle du prophète Jérémie nous met face à un choix : mettre sa foi dans un mortel ou mettre sa foi dans le Seigneur. Deux voies nous sont proposées avec des résultats différents :

  • L’homme « qui met sa foi dans un mortel » est « comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur ». Il a « pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable ». Cet homme-là est « maudit ».

  • L’homme « qui met sa foi dans le Seigneur» est « comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant… », un arbre verdoyant qui « ne manque pas de porter du fruit ». Cet homme-là est « béni ».

L’homme « qui met sa foi dans un mortel » : entendons par-là, l’homme qui met sa foi dans l’esprit du monde, sa foi en lui-même, ne comptant que sur ses propres forces. Ou encore cette foi de l’homme en ce qui concerne le savoir, le pouvoir et l’avoir, recherchés uniquement pour soi-même…

Certains de ces aspects peuvent nous concerner tous. La Parole de Dieu nous avertit aujourd’hui…

►Nous avons proclamé le Psaume 1. Notons que le premier mot du psautier (qui contient 150 psaumes) commence par le terme « heureux ». Nous avons une béatitude dans ce Psaume : « Heureux est l’homme qui (…) se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! »

Cela n’est pas sans nous rappeler que la loi du Seigneur nous est communiquée dans les saintes Écritures. Sans nous y référer, nous risquons de louper le chemin du bonheur. D’où l’importance que nous rappelons sans cesse de méditer la Parole de Dieu.

►Dans la deuxième lecture, Paul nous donne une belle catéchèse sur la résurrection, celle du Christ et celle des morts. Si nous nions la résurrection du Christ, notre foi « est sans valeur ». Paul proclame haut et fort que « le Christ est ressuscité d’entre les morts » et qu’il est le gage de notre propre résurrection à venir.

Voilà notre vrai bonheur ! L’espérance de la résurrection qui a commencé à notre baptême, telle est l’heureuse nouvelle que nous devons vivre et annoncer.

►Dans l’Évangile, nous avons le récit des Béatitudes de Luc. La version de Luc diffère de celle de Matthieu :

  • D’un point de vue géographique. Chez Luc, Jésus enseigne sur « un terrain plat » et chez Matthieu, Jésus enseigne sur la montagne.

  • D’un point de vue numérique. Chez Luc, il y a quatre Béatitudes alors que chez Matthieu, il y en a neuf.

Comme le prophète Jérémie, Jésus nous met également face à un choix. Ce choix est du même registre que celui de Jérémie :

  • Soit mettre sa foi dans la richesse, les plaisirs immédiats et l’arrogance.

  • Ou soit consentir à des situations -certes- moins valorisantes comme la pauvreté, pour laisser le Règne de Dieu grandir en nous. « Heureux » sont ceux qui choisissent cette voie !

Mais « malheur » à ceux qui mettront leur foi en ce monde : les riches, ceux qui sont repus, les rieurs, ceux qui se complaisent dans les compliments de façade. On pourrait aussi ajouter ceux qui sont portés par l’insouciance, par un « carpe diem » cherchant surtout à assouvir tous ses désirs de l’instant présent, la jouissance à outrance. Tout cela n’amènera pas au vrai bonheur sans fin !

S’il y a quatre Béatitudes, il y a aussi quatre mises en garde par ce terme « malheur ». Il ne faut pas se tromper de sens sur ce mot. Il ne s’agit pas d’une malédiction de Jésus mais d’une lamentation : Jésus déplore des attitudes… Il invite ainsi à la conversion…

Que cette Eucharistie nous éclaire frères et sœurs ! Qu’elle nous aide à faire la pleine vérité sur nos actes et nos paroles. Que nous puissions davantage prendre en compte que notre vrai bonheur se trouve dans le Christ, la résurrection et la Vie. Amen.




LE TÉMOIGNAGE DE BERNADETTE (Noéline Fournier)

            7 JANVIER 1844 : Bernadette naît à Lourdes : premier enfant du meunier François SOUBIROUS et de Louise CASTÉROT.

            Elle reçut le baptême, le 9 janvier, sous le nom de Bernarde-Marie.

            Bernadette SOUBIROUS était bien une des dernières auxquelles la sagesse humaine eût fait appel pour porter un message céleste.

            Tout ce qui donne du poids dans le monde (fût-ce le monde ecclésiastique) lui fait défaut. Elle est pauvre en tout : argent, santé, instruction.

           L’instruction religieuse même laisse à désirer : à quatorze ans, « elle ignore tout du Mystère de la Trinité » et n’a pas fait sa Première Communion.

            La misère l’a soustraite au catéchisme et immergée dans une ignorance qui la fait tenir pour sotte ; Nous savons en quel mépris la pauvreté avait fait tomber les SOUBIROUS : suspects à la police par l’excès même de leur détresse.

            Ceux qui rentraient chez eux avec l’argent refusé, rendu, jeté par Bernadette, avaient éprouvé, en actes, le choc du message évangélique sur la richesse et la pauvreté : ce message appelé à prendre pour chacun, selon sa condition, une forme personnelle en pleine vie (Lc 16 ,9).

Dès le 29 mars 1858, Antoinette TARDHIVAIL écrit :

            – « Ses parents sont très pauvres et cependant, ils ne prennent rien… Ils sont pauvres, aussi pauvres que l’était Notre Seigneur sur la terre, et c’est sur cet enfant que Marie a jeté les yeux préférablement à tant de jeunes personnes riches qui, dans ce moment, envient le sort de celle qu’elles auraient regardée avec mépris, et qui s’estiment heureuses de pouvoir l’embrasser ou lui toucher la main. »

8 DÉCEMBRE 1854 : PIE IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie.

 

11 FÉVRIER – 16 JUILLET 1858 : La Vierge Marie apparaît dix-huit fois à Bernadette.

            Principales apparitions : la première, le 11 février ; la 8ème, le 24 février : le triple appel à la pénitence ou à la conversion ; la 9ème, le 25 février : la source ; la 13ème, le 2 mars : la procession et la Chapelle ; la 16ème, le 25 mars : « Je suis l’Immaculée Conception ».

            Le 16 avril 1879, Bernadette – en religion Sœur Marie Bernard – mourait dans l’infirmerie, dite de Sainte-Croix, du Couvent Saint-Gildard à Nevers : elle avait trente cinq ans.

            La Sainte Vierge m’avait dit « qu’elle ne me promettait pas de me faire heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». C’était le 18 février 1858, lors de la 3ème apparition. Oui, nous avons bien entendu : « Pas dans ce monde ». Promesse de la Vierge Marie.

            Bernadette avait toujours été une « enfant chétive. » Très jeune, elle souffrait déjà de l’estomac, puis, après avoir échappé de justesse à l’épidémie de choléra, de 1855, elle connut de douloureuses crises d’asthme. Cette mauvaise santé faillit lui fermer à tout jamais les portes de la vie religieuse.

            Bernadette vit au « cachot », le pauvre logis familial qui leur avait été prêté, trop insalubre pour les prisonniers, puis à l’hôpital tenu par les Sœurs de Nevers. C’est le temps du témoignage : visites, enquêtes se succèdent : Bernadette raconte fidèlement ce qu’elle a « vu et entendu ».

7 Juillet 1866 : Bernadette entre au Couvent Saint-Gildard, à Nevers : c’est la Maison-Mère et le Noviciat des Sœurs de la Charité et de l’Instruction Chrétienne.

            « Monseigneur, elle sera un pilier d’infirmerie », avait répondu Mère Générale Louise FERRAND à Monseigneur FORCADE qui lui proposait d’accueillir Bernadette parmi les sœurs de Nevers.

            29 Juillet : Bernadette reçoit l’habit des Sœurs : elle s’appellera désormais Sœur Marie-Bernard.

            Trois fois au moins dans sa courte existence, elle reçut « l’extrême onction », c’est-à-dire « le sacrement des malades ».

            Le vendredi 28 mars, on lui propose, une fois de plus, la quatrième au moins depuis 1858, l’onction des malades. Elle proteste, instruite par l’expérience :

            – « J’ai guéri toutes les fois que je l’ai reçue… »

            On passe sur ses réticences. L’aumônier arrive à deux heures et demie du soir :

            « Je lui administrai la sainte Communion en Viatique, et ensuite le sacrement de l’Onction. Après la petite allocution que je lui adressai avant la réception de Notre Seigneur Jésus-Christ, elle prit la parole devant un grand nombre de sœurs réunies et d’une voix forte et distincte, elle s’exprima à peu près en ces termes.

            – Ma chère Mère, je vous demande pardon de toutes les peines que je vous ai faites par mes infidélités dans la vie religieuse, et je demande aussi pardon à mes compagnes des mauvais exemples que je leur ai donnés… surtout par mon orgueil. »

Dans le parc du couvent de St Gildard :

Vierge devant laquelle Bernadette aimait venir prier…

Bernadette acceptait sans amertume les observations et reconnaissait ses défauts… y compris l’orgueil.

Selon Sœur Marthe, « la Supérieure générale, les maîtresses et même l’infirmière » lui disaient : « Vous n’êtes qu’une orgueilleuse. » Pourquoi ce reproche ? Cela tenait, semble-t-il, à une certaine existence, à une certaine assurance de Bernadette.

            Elle avait un sens inné du comportement adapté en toutes circonstances, et n’aimait pas changer arbitrairement sur une simple injonction, fût-ce d’une supérieure. Lorsqu’on dénonçait ce « défaut », elle se contentait de répondre avec beaucoup d’humilité et de simplicité : – « C’est bien vrai ». Elle disait encore :

–   « La maîtresse a raison ; j’ai beaucoup d’orgueil ». Parfois elle ajoutait :

– « Priez pour ma conversion ».

            Mais elle savait que « l’orgueil » ainsi compris habite le cœur de tout homme doué de quelque existence. De là cette parabole en actions :

            – Un jour, en récréation, comme on parlait d’amour-propre, Sœur Marie-Bernard (Bernadette) fit avec le pouce et l’index d’une de ses mains un cercle en disant :

            – «  Que celle qui n’en a pas mette ici son doigt. »

            Elle retrouvait ainsi, sans y songer sans doute, le test de Jésus devant la femme adultère, mais pour une faute plus subtile et plus cachée. L’humilité était chez elle pratique, laborieuse, volontaire. Elle disait à d’autres, et se disait à elle-même :

            – « Cet acte d’humilité, il faut le faire ».

            Pourtant, Bernadette n’accueillait pas l’humiliation de manière passive, comme un cadavre, mais bien comme une personne vivante qui sent et ressent, en deçà du ressentiment toutefois.

            Au témoignage de Sœur Marthe, lorsqu’elle recevait des reproches immérités, elle disait : « Le Bon Dieu voit mes intentions. Fiat !

            Et elle gardait la même sérénité d’âme.

            «  Je lui disais » : « Vous êtes bien heureuse, vous ne laissez rien paraître extérieurement. Vous êtes impassible ! Moi, je ne puis en faire autant. »

Elle se montrait aussi aimable qu’auparavant avec les personnes qui lui avaient fait de la peine. »

            Le secret de son humilité, c’est, en définitive, la vive conscience d’avoir tout reçu, sans esprit d’appropriation, et c’est la conviction d’avoir été un instrument, sans être rien par elle-même, devant l’amour qui la comblait.

            Cette humilité est le ressort de son obéissance.

            « Elle n’a jamais failli à cette vertu, » déclare Sœur Marie DELBREL.

            Ce n’était pas pour elle chose facile, car l’obéissance était alors conçue de manière absolue, stricte, minutieuse ; et Bernadette était douée d’une assurance et d’un entêtement exceptionnellement robuste. C’est en ce sens qu’elle assurait à Sœur CHATELAIN en 1872 : « Vous trouverez le bonheur dans l’obéissance »

            Et surtout, son obéissance est relativisée en profondeur par une référence à Dieu. C’est à lui, en fait, qu’elle obéit en toutes choses. C’est selon cette liberté spirituelle, qui fait prévaloir l’homme et Dieu sur le Sabbat que Bernadette a pu dire : « Le bonheur sur la terre, c’est l’obéissance. »

            A l’asthme, s’adjoignirent peu à peu d’autres maladies : tuberculose pulmonaire, tumeur blanche au genou droit, etc…

            Bernadette accepte la souffrance mais ne la cherche pas. Au plus intolérable de la douleur, elle recourait à la croix du Christ. C’est son point de référence, « le fond » de ses « pensées ». Submergée par la douleur, elle « baisait son crucifix ».

            Aussi disait-elle encore : « Je suis plus heureuse avec mon crucifix sur mon lit de souffrance, qu’une reine sur son trône ».

            Le mercredi 16 avril, ses douleurs redoublèrent d’intensité. Un peu avant onze heures, elle parut près d’étouffer. On la transporta dans un fauteuil, les pieds sur un appui, devant le foyer où pétillait un grand feu. Elle mourut vers 15 heures 15.

 

            Ce lot d’épreuves qui était le sien, Bernadette s’attachait à y voir un gage et une assurance : « La Sainte Vierge ne m’a pas menti. »

            Elle se référait à la parole du 18 février 1858, 3ème apparition :

   « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ».

L’accomplissement des premiers mots garantissait celui des derniers qui constituaient la face positive de la Promesse, la face cachée.

            Ainsi confiait-elle à Sœur Marthe : « On dit qu’il y a des saints qui ne sont pas allés tout droit au ciel parce qu’ils ne l’avaient pas assez désiré. Pour moi, ce ne sera pas mon cas ».

            Elle tenait la promesse de la Vierge pour conditionnelle : « Il suffirait d’une pensée d’orgueil… » disait-elle encore.

            Au père PAYRARD qui lui rappelait l’assurance de bonheur donné par la Vierge à la grotte de Massabielle, elle répondit :

            – « Oui, mais à condition que je ferai ce qu’il faut… »

Basilique de Lourdes : l’Ascension

            Pour elle le Ciel, ce n’est pas une imagination lumineuse, une contemplation rutilante, c’est le fruit mystérieux d’une Promesse. C’est ce qu’elle disait à une sœur découragée :

« Ayez confiance, cela n’a qu’un temps.. ; vous en serez récompensée au ciel. » 

« Travaillons pour le ciel, tout le reste n’est rien », ou encore : « Faisons tout pour gagner le ciel ; offrons nos travaux, nos souffrances ».

Ainsi voyait-elle dans le noviciat « le ciel sur la terre » : formule qu’elle a souvent répétée oralement et par écrit. C’est pourquoi, bien qu’éprouvée au-delà de toute imagination, Bernadette est une Sainte Joyeuse.

Elle a su adhérer à tout ce qu’elle vivait comme à un don de Dieu. Elle a vu, dans la souffrance même « une caresse du divin époux », comme elle a dit un jour à sa cousine.

Elle a tenu pour « folie de se replier sur soi ».

Elle a su vivre cela dans un constant amour des autres en Jésus-Christ. Elle ne conçoit pas le Ciel en un sens individualiste, mais comme permanence et accomplissement de toute amitié : « Je n’oublierai personne, disait-elle. Et de même, dans sa lettre au Pape, en 1876, elle dira : « L’arme du sacrifice tombera mais celle de la prière me suivra au ciel où elle sera puissante. »

 

Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus dira plus tard, avec plus d’art :

« Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre ».

 

C’est au niveau de l’amour et de sa gratuité que Bernadette, condamnée à « l’inutilité », a su découvrir consciemment son emploi. Cela nous conduit au plus profond de sa vie, à ce qui explique le reste : la Charité (Rm 12, 9-10 ; Gal. 5,14).

            Entre la petite fille Bernadette choisie pour sa pauvreté et Celle dont le Seigneur avait regardé la pauvreté (Lc 1,48), c’est d’abord un contact silencieux, un contact dans la prière. Les actes ont le pas sur les paroles.

           Dès le début de la première apparition, Bernadette a tiré son chapelet, d’instinct. Elle a tenté de faire le signe de la croix. Ce geste avait en elle des racines.

La seule prière que Bernadette connaisse encore : le chapelet.

            Chaque soir, dans la pénombre du cahot où meurt la dernière braise, elle monte de leurs voix rudes et lassées ; elle monte du cœur aussi. Jamais ils n’ont songé à faire reproche au ciel de ce qui leur arrive, à eux « pauvres pécheurs ».

            Bernadette a reçu cela de source, dans sa famille.

            Le chapelet lui est déjà familier. Aux heures calmes, aux heures difficiles, elle répète volontiers ces phrases en français dont les mots lui échappent, mais qui lui suffisent à rejoindre une Présence.

 

L’Immaculée Conception – Seizième Apparition

 

Le dogme est proclamé le 25 Mars 1858, jour liturgiquement assorti au mystère.

Tout d’abord, elle manifeste le sens et la portée.

 Celle qui est venue choisir Bernadette, cette petite fille pauvre, c’est Celle qui a été choisie Elle-même pour sa « pauvreté » au plein sens de ce mot selon la grâce : la qualité des humbles en Dieu assumée : « Il a regardé la pauvreté de sa servante. » (Lc 1,48). « Il a renversé les puissants de leur trône, et élevé les pauvres » (1,52).

 

Celle qui est venue rappeler la pénitence, dans sa pleine dimension de conversion du cœur, c’est celle dont le cœur a été entièrement tourné vers Dieu, sans ombre de défaillance, depuis le premier instant, c’est aussi Celle qui, personnellement exempte de péché, a consenti à porter le fardeau de notre pénitence, depuis la crèche de Bethléem et surtout, au Golgotha où sa part fut la pire douleur qui pouvait être arrachée à un cœur de mère, une douleur en pleine Rédemption.

Ici encore, en effet, la réalité a devancé les paroles. Bernadette a d’abord appris à connaître la Vierge en la regardant, en regardant cette jeune fille sans ombre de vanité dans sa lumière, en reflétant son sourire – comme l’enfant qui apprend ainsi à connaître sa mère avant d’en connaître le nom – en imitant sa prière, en obéissant à ses ordres.

            A Bernadette, tout a été donné dans une Présence Lumineuse, humble, priante et si triste lorsqu’elle parlait des pécheurs !

Nous autres pécheurs, nous oscillons dangereusement entre dureté et complicité à l’égard des autres. Ou bien nous condamnons ceux qui font le mal avec un mépris pharisaïque, ou bien, si nous nous penchons pour les comprendre, nous perdons le sens du mal : nous n’excusons pas seulement le pécheur, mais le péché même.

            Qui aime vraiment un malade haït sa maladie et cherche tous les moyens de l’en guérir.

            Qui aime vraiment un pécheur haït pareillement son péché et n’a de cesse qu’il ne l’en tire.

            Non, ce n’est pas par le péché qu’on comprend les pécheurs, mais par l ‘amour et la miséricorde.

            Or, on trouve chez la Vierge Marie la plus haute conscience de la plus haute miséricorde de Dieu : la plus haute miséricorde, car Dieu ne l’a pas purifiée, mais préservée du péché, et comblée dès l’origine d’une plénitude de grâces ; la plus haute conscience de cette miséricorde, car sa pureté la rendait plus capable que nul autre de ce sentiment rare et difficile entre tous : la Reconnaissance.

            La vie de Bernadette se réfère en la Présence de l’Immaculée.

            Le décès de sa mère, en la fête de l’Immaculée Conception, avait pour elle un sens. Elle le dit plus tard à Sœur Casimir, en la consolant de la perte de son père :

            «  Moi aussi, j’ai perdu ma mère le 8 décembre. La sainte Vierge le voulait ainsi pour me montrer qu’elle remplacerait ma mère que j’avais perdue ».

            « On sentait son amour pour la sainte Vierge », rapporte une Sœur (1867) ; elle l’exprime parfois en mots simples et courants : « Mes enfants, aimez la Sainte Vierge », dit-elle aux orphelines de Varennes.

            Elle en parlait volontiers, rapporte Sœur Casimir ; elle exprimait surtout sa « grande confiance ».

            Le 14 juin 1925, Pie XI proclamait officiellement Bernadette « Bienheureuse ».

            En ces jours d’août 1925, commençait le long pèlerinage des amis de Sainte Bernadette.

            Et c’est ce que le Père RAVIER  a écrit :

            « Oui, c’est bien le corps de Bernadette,

            dans l’attitude de recueillement et de prière qu’il a prise dans son premier cercueil.

C’est ce visage qui s’est tendu dix-huit fois vers la « Dame de Massabielle ».

Ce sont ces mains qui égrenaient le chapelet avant et pendant les Apparitions.

Ces doigts qui ont gratté le sol et fait jaillir la source miraculeuse.

Ce sont ces oreilles qui ont entendu le message ;

Ces lèvres qui ont redit au Curé PEYRAMALE le nom de la Dame :

« JE SUIS L’IMMACULÉE CONCEPTION ».

            C’est aussi son cœur qui a tant aimé Jésus-Christ et la Vierge Marie

                       et les pécheurs. »

Du petit corps si frêle, elle qui semble absorbée en Dieu, jaillit une voix silencieuse qui nous atteint au plus intime de nous-mêmes.

Bernadette est présente.

Bernadette prie avec nous.

Osons le dire : Bernadette est, en quelque sorte vivante.

Bernadette continue chaque jour, auprès de chaque pèlerin, la mission que lui avait confiée, au nom de Dieu, « l’Immaculée Conception » :

Elle nous redit que Dieu est Amour

            et qu’il ne cesse de nous appeler à passer de la nuit de notre péché

                       à son admirable Lumière.

            Notre Dame de Lourdes, priez pour nous et pour notre conversion !

            Sainte Bernadette, priez pour nous, pécheurs !

            Sainte Bernadette ; priez pour les malades !

                       Fête de Notre Dame de Lourdes – Père René LAURENTIN

                                 Noéline FOURNIER.

 




6ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Lc 6, 17.20-26)

« Bénédictions et malédictions ! »

 

L’évangile de ce jour, tiré du livre de saint Luc, nous propose quatre bénédictions (ou béatitudes) et quatre malédictions.

On connaît davantage les neuf Béatitudes selon saint Matthieu données au début du discours sur la montagne (même si on a du mal à les mettre en pratique …).

Ici, Jésus descend de la montagne, et s’arrête dans un terrain plat … Il y a avec lui beaucoup de ses disciples, « et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon », donc des gens divers qui sont venus pour l’écouter et se faire guérir, des juifs et des païens …

Et au moment de commencer son enseignement, Jésus lève « les yeux sur ses disciples », c’est-à-dire que ce qu’il va dire s’adresse d’     abord à eux … parce que les autres juifs et les païens ne peuvent pas encore en saisir le sens …

À chaque bénédiction correspond, en sens inverse, une malédiction :

Heureux les pauvres                                        Malheur pour les riches

            le Royaume de Dieu est à vous                              vous êtes déjà consolés

Heureux ceux qui ont faim                               Malheur pour les repus

            vous serez rassasiés                                              vous aurez faim

Heureux ceux qui pleurent                               Malheur à ceux qui rient

            vous rirez                                                                 vous pleurerez

Heureux ceux qui sont haïs                             Malheur à ceux dont on dit du bien

            votre récompense sera grande dans le ciel           ils seront traités de faux prophètes

Et pour chacune des phrases, il y a un présent auquel correspondra un futur.

Le problème est de savoir où se trouve le passage, la limite, entre le présent et le futur.

Saint Luc nous donne la réponse dans une parabole de Jésus, dont il est le seul à faire mention : la parabole du riche mauvais et du pauvre Lazare (Lc 16,19-31) : c’est le moment de la mort, et plus précisément celui du jugement dernier.

C’est alors que l’on comprend pourquoi cet enseignement ne peut être compris pour le moment que par les disciples de Jésus : il faut croire au Royaume de Dieu après la mort.

Dans la parabole du jugement dernier (Mt 25,31-46), le Fils de l’homme sépare les brebis des boucs, et le Roi accueille dans son royaume toutes les brebis, et rejette dans le feu éternel les boucs, suscitant l’incompréhension des uns et des autres.

Pourquoi suis-je pris dans le Royaume des Cieux ? Pourquoi vais-je en enfer ?

Parce qu’ils n’avaient pas compris que leurs actions étaient bonnes ou mauvaises … Ils n’avaient pas conscience du bien comme du mal. Et que le seul juge du bien et du mal était la relation avec l’accueil de Jésus.

Ce passage de l’évangile nous met en garde contre une vision purement humaine de la vie, une vie qui serait seulement terrestre, qui s’arrête à la mort physique des humains.

Saint Paul fait la même réflexion quand il dit, dans la deuxième lecture : « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. »

C’est ce que disait déjà le prophète Jérémie : « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. » (1° lecture). Jérémie, qui ne connaissait pas Jésus, bien sûr, mais comme la Parole de Jésus est celle du Père, le Seigneur de Jérémie est équivalant à la Trinité. C’est pour nous le moyen « de porter du fruit. ».

Mettons notre foi dans le Seigneur, à la lumière de la Résurrection, avec l’aide du Saint Esprit !

Seigneur Jésus,

nous vivons notre vie sur terre

comme si elle était la fin de tout !

Et nous oublions ton projet :

Nous amener dans la vie éternelle,

dans « la demeure de Dieu avec les hommes »

 

                                     Francis Cousin

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