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Journée commune Cycle Long 2023 (2/07/2023)

Ce dimanche 2 juillet, tous les participants qui le pouvaient des six groupes Cycle Long de l’île étaient invités à se retrouver au Collège St Michel à St Denis… C’était la première fois, depuis juillet 2019, que nous pouvions tous nous regrouper ainsi en un même lieu, pour vivre ensemble un temps d’église et de fraternité…

Et tout a commencé, la veille au matin, par le transport, depuis la Maison Diocésaine, du matériel nécessaire à cette rencontre…

Puis ce fut l’arrivée au Collège St Michel avce sa grande salle d’étude à aménager…

Notre journée de dimanche a commencé par une prière de toute l’équipe dans la chapelle à sept heures, et dès 7h 15, nous commencions à accueillir les participants, pendant que d’autres continuaient à décorer la salle avec les bouquets achetés la veille, et les fleurs apportées par les uns et par les autres…

La journée commença à 8h par la prière du matin, les Laudes, suivie par un temps de présentation des différents groupes présents…

Puis ce fut le temps du petit déjeuner préparé par toute l’équipe avant le lancement de la journée…

La première intervention fut donnée par P. Loïc Prugnières, actuellement en études bibliques à Rome, sur le thème : « L’Eglise dans l’Evangile selon St Matthieu ».

Avant de remonter dans la salle, l’équipe de service put alors prendre à son tour un bon petit déjeuner bien mérité !

Puis le D. Jacques Fournier est intervenu sur le thème « L’Eglise dans le Livre de l’Apocalypse », mais les deux interventions se faisant par un diaporama dans une salle où toutes les lumières avaient été éteintes, rares furent les photos…

Vint le temps du déjeuner, dans la très belle salle de restauration du Collège :

…sans oublier le rougail…

 

La salade de fruits frais arrivant sur la fin…

… il était temps de commencer à faire la vaisselle et de ranger la salle :

Et après un petit café et un temps de détente à l’extérieur…

          … pendant que l’équipe « liturgie » préparait les chants de la messe…

                       … la journée s’est poursuivie par un diaporama sur les fouilles archéologiques ayant mis au jour les restes d’une des premières « églises de pierres », la maison de St Pierre à Capharnaüm où le Christ a logé, mangé, bu, dormi, pendant des années, une maison qui devint « maison-église » au 4° s, puis « église » au 5°s… jusqu’à ce que ce petit village, très abîmé lors du tremblement de terre de 746,  soit finalement abandonné au 11°s…

« Le site est redécouvert en 1838 par Edward Robinson, un américain spécialiste de géographie biblique. En 1866, le cartographe britannique Charles Wilson identifie les ruines de la synagogue et, en 1894, une partie de l’ancien site est achetée par la Custodie de Terre sainte des franciscains. Les principales fouilles franciscaines sont menées de 1968 à 1984″ (Wikipédia).

Et notre journée s’est conclue par la célébration de l’Eucharistie, présidée par le P. Firmin Lasway, Spiritain et intervenant, pour la partie biblique, dans les deux groupes de l’Etang Salé… Yolain et Yoland, tous les deux de l’équipe Sedifop, accompagnés de deux amis, nous ont aidé à prier grâce à leurs instruments de musique…

 

 

 

 

 

 




« Dans un unique Esprit », Mgr Gilbert Aubry, Homélie du Lundi de Pentecôte (29 mai 2023)


Pour lire l’homélie de Mgr Aubry prononcée le lundi de Pentecôte au Chaudron, cliquer sur le lien suivant :

Homélie lundi de Pentecôte

 

 

 




Initiation à « la Liturgie des Heures », ou « Prière du Temps Présent ».

« La Liturgie des Heures » ou « Prière du Temps Présent », est la prière de l’Eglise, vécue sur tous les continents, dans tous les pays, et qui monte vers Dieu dans toutes les langues… Avec et par elle,  c’est vraiment l’Eglise en Prière qui chemine jour après jour, dans la foi, à la suite du Christ Sauveur du Monde, collaborant ainsi, par son intercession, par ses oeuvres, à l’accomplissement de la volonté de Dieu : « Je recommande donc, avant tout, qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et tous les dépositaires de l’autorité, afin que nous puissions mener une vie calme et paisible en toute piété et dignité. Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,1-6). « Récitez donc entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés ; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre cœur. En tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ » (Ep 5,19-20)…

Cette formation est ouverte à tous…

L’idéal serait de pouvoir y venir avec un livre « Prière du Temps Présent », bleu, en un seul volume…

Pour le Nord et l’Est, à la Maison Diocésaine (36 rue de Paris, Saint Denis) : les 26 février, 5 et 26 mars 2022 de 8h 00 à 11h 00

Pour le Sud et l’Ouest : à l’Etang Salé les Hauts, Paroisse St Dominique, Salle du Pèlerin les 19 février, 12 et 19 mars 2022 de 8h 00 à 11h 00.

 

Les formations seront assurées par l’équipe du Sedifop sous la responsabilité de Yolain ITEMA




L’année saint Joseph et la spiritualité conjugale et familiale par Fr. Manuel Rivero O.P.

Pape François

Le pape François nous donne pour modèle de foi et de vie familiale le père adoptif de Jésus, Joseph, l’époux de Marie (1). Marie et Joseph ont partagé la même foi dans le Dieu d’Israël (2). Chacun, à sa manière et selon sa mission, a adhéré à l’annonce de l’ange en servant Dieu de manière fidèle : « Dans chaque circonstance de sa vie, Joseph a su prononcer son « fiat », tout comme Marie à l’Annonciation, et comme Jésus à Gethsémani [3]».

 

 

La prière conjugale de Marie et de Joseph

Mariés en Dieu, Marie et Joseph ont été sanctifiés par Jésus, le Fils de Dieu fait homme. Époux aimants et respectueux, Marie et Joseph ont vécu la prière conjugale en reprenant la Loi de Moïse, les Psaumes et les enseignements des Prophètes. Leur prière était riche de leur foi et de leur amour, de leurs soucis et de leurs joies.

Mgr Jacques-Bénigne Bossuet (+1704), évêque, a mis en lumière la prière conjugale de Joseph et de Marie qui se sont confiés réciproquement leur virginité[4]. Habités par la Parole de Dieu et vivant dans la prière, Marie et Joseph ont partagé leur vie spirituelle à laquelle a participé Jésus enfant. Ils représentent ainsi un modèle de prière conjugale pour les couples chrétiens qui veulent vivre la sainteté dans le sacrement du mariage.

 

Les Équipes Notre-Dame

Les Équipes Notre-Dame[5], fondées par le prêtre lyonnais Henri Caffarel (+1996), manifestent la grandeur de l’amour conjugal appelé au perfectionnement, à la conversion et à la sainteté.

 

L’oraison

La prière représente la respiration de l’âme, le repos en Dieu et le ciment du couple. Les Équipes Notre-Dame proposent aux conjoints de consacrer chaque jour un temps au cœur à cœur avec Dieu dans l’oraison, prière silencieuse et intime. Le mot oraison, du latin « os-oris » représente la bouche et par extension le visage. L’oraison devient le « bouche à bouche » avec Dieu dans le partage du Souffle Saint, donné par Dieu à ceux qui croient en Jésus-Christ.

Plus un conjoint se rapproche de Dieu et plus il se rapproche de l’autre. Plus un conjoint s’éloigne de Dieu et plus il s’éloigne aussi de l’autre. Jésus est allé très loin dans l’amour des hommes car il est allé très loin dans l’amour de son Père.

L’amour de Dieu et du conjoint se nourrissent de manière réciproque. Il arrive qu’une personne qui se dit amoureuse devienne jalouse de l’amour de son conjoint envers Dieu manifesté dans la prière, au point de déclarer : « Est-ce que je ne suffis pas ? ». Ceci est absurde. Dieu garantit et fait grandir l’amour des amoureux.

Dans l’Ancien Testament, Moïse parlait avec Dieu sur le mont Sinaï, face à face, comme un ami parle à son ami (cf. Exode 33,11). La prière n’est rien d’autre qu’un échange amical où l’on se sait aimé de Dieu.

À l’image de la nappe phréatique dont dépende la fertilité de la végétation, l’oraison, prière cachée en Dieu, transforme et vivifie toutes les actions et relations du couple. D’ailleurs, la première fécondité du couple n’est pas l’enfant mais le couple lui-même comme source de rayonnement et de vie dans la société.

 

La prière conjugale

Nombreux sont les couples qui avouent leur difficulté à prier ensemble. La prière en famille, avec leurs enfants, leur semble en revanche plus aisée. Pourtant la prière conjugale apporte à ceux qui la vivent rapprochement, réconciliation, force et joie. Chaque couple choisit sa manière de prier ensemble, l’essentiel est de prier : le Notre Père, le partage de l’Évangile, les Psaumes, le chapelet … C’est ainsi que chaque conjoint parle à Dieu de l’autre et à l’autre de Dieu. Une grande communion jaillit dans le partage de la prière. Le « nous » du couple s’enracine dans le « nous » de l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils, au cœur de la Trinité sainte.

La prière conjugale est souvent vécue par le couple comme un chemin de guérison des blessures anciennes demeurées ouvertes. Les plaies de l’esprit et de l’âme mettent longtemps à cicatriser ! Dans le couple, chacun a besoin de la vérité de l’autre.

La prière conjugale favorise l’ouverture du cœur à l’autre, la rencontre en vérité et en profondeur : deux chercheurs de Dieu sur le même chemin, deux priants avec Dieu.

 

 

Le dialogue dans le couple

L’une des spécificités des Équipes Notre-Dame est le dialogue fréquent du couple dans la prière. Appelé « le devoir de s’asseoir », il favorise le dépassement des « non-dits », véritable cancer de la relation conjugale qui se reproduit rapidement s’il n’est pas arrêté à temps.

Le « devoir de s’asseoir » consiste à prendre rendez-vous, même si les conjoints se voient tout le temps, dans un cadre propice au dialogue et à la disponibilité, en absence des enfants, sans téléphone et sans bruit. Il faut bien avouer que sa pratique exige courage car le « devoir de s’asseoir » chasse les tabous et il libère la parole : « est-que ça va ? » ; « y a-t-il quelque chose qui te dérange ? » ; « est-ce que tu aimerais quelque chose que tu n’oses pas demander ? » …

Chaque conjoint prend la parole à tour de rôle sans interrompre l’intervention de l’autre et en lui disant à la fin « merci » même si les propos étaient durs ou inexacts. Le merci correspond à l’expression sincère. Évidemment, éviter tout règlement de comptes, le devoir de s’asseoir ne peut se vivre que dans un climat de prière et d’humilité.

La fréquence de ce rendez-vous où « amour et vérité se rencontrent » (Psaume 84,11) relève de la liberté des époux. À l’image du proverbe qui affirme que « l’appétit vient en mangeant », les couples des Équipes Notre-Dame témoignent de la richesse inépuisable de cet exercice de communication spirituelle. Plus les conjoints partagent et plus ils ont des choses à se dire. Honoré de Balzac (+1850) déclarait : « En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie ». Le « devoir de s’asseoir » offre une expérience opposée à l’ennui et il permet aux conjoints d’avancer « de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin » (saint Grégoire de Nysse, mort vers l’an 395).

 

Amour « chaste » : non possessif

Le pape François rappelle la tradition catholique qui se réjouit de l’ «amour très chaste » de saint Joseph : « Ce n’est pas une indication simplement affective, mais c’est la synthèse d’une attitude qui exprime le contraire de la possession. La chasteté est le fait de se libérer de la possession dans tous les domaines de la vie. C’est seulement quand un amour est chaste qu’il est vraiment amour. L’amour qui veut posséder, devient toujours à la fin dangereux, il emprisonne, étouffe, rend malheureux. Dieu lui-même a aimé l’homme d’un amour chaste, en le laissant libre même de se tromper et de se retourner contre lui. La logique de l’amour est toujours une logique de liberté, et Joseph a su aimer de manière extraordinairement libre. Il ne s’est jamais mis au centre. Il a su se décentrer, mettre au centre de sa vie Marie et Jésus. » (Avec un cœur de Père, n°7).

 

Les Équipes Notre-Dame n’ont d’autre but que de rendre l’amour conjugal et familial, à l’image de l’amour de Joseph et de Marie, toujours plus grand, plus libre, plus fort et plus sacré.

 

 

 

Saint-Denis (La Réunion), le 27 janvier 2021.

 

 

 

 

[1] Le pape François a ouvert une « Année saint Joseph » (8 décembre 2020-8 décembre 2021) et il a publié sa lettre apostolique sur saint Joseph « Patris Corde », « Avec un cœur de père », le 8 décembre 2020, à l’occasion du 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph patron de l’Église universelle, par le décret « Quemadmodum Deus » du bienheureux pape Pie IX, le 8 décembre 1870. Cf. ZENIT, 8 décembre 2020. https://fr.zenit.org/2020/12/08/avec-un-coeur-de-pere-lettre-du-pape-sur-saint-joseph-et-annee-saint-joseph/

[2] Le Fr. Manuel Rivero O.P. est assistant religieux d’une Équipe Notre-Dame ainsi que du Secteur des Équipes Notre-Dame de La Réunion (France).

[3] Pape François, « Patris corde », n° 3.

[4] Jacques-Bénigne Bossuet. Sermon prêché d’abord devant vingt-deux évêques réunis pour l’Assemblée du clergé de France le 19 mars 1657, puis devant le reine Anne d’Autriche, le 19 mars 1659.  https://www.icrsp.org/Calendriers/Mois-St-Joseph/Textes/Bossuet-Panegyrique1-St-Joseph.htm

[5] Cf. https://www.equipes-notre-dame.fr/




L’énigme de l’économie malgache, un défi pour la doctrine sociale de l’Église (Fr Manuel Rivero – O.P.)

Introduction 

Ceux qui arrivent à Madagascar sont rapidement émus devant la pauvreté des gens qui mendient dans les rues.
Le but de cet article est de proposer un questionnement sur la prédication de l’Évangile et son lien intrinsèque avec la doctrine sociale de l’Église. Il ne s’agit pas de faire la synthèse de toutes les interventions de l’épiscopat malgache sur la situation du pays ni de faire une étude approfondie sur l’évolution de l’économie politique malgache. Mon propos est pastoral dans le souci de répondre aux besoins urgents de la population en annonçant l’Évangile de manière intégrale, avec toute sa richesse. Plutôt que d’apporter des explications et des réponses au « mystère » de l’économie politique malgache, il s’agit de donner envie d’innover dans la pédagogie chrétienne, la rendant davantage pratique et engagée au service du développement, dans une approche pluridisciplinaire où les laïcs apportent leur contribution scientifique et spirituelle. Appelée à se renouveler sans cesse, l’Église met en route de nouveaux processus d’évangélisation et d’action dans le sens du mystère de l’Incarnation, c’est-à-dire dans l’enracinement culturel malgache avec ses valeurs et son histoire.
Jésus montre que la foi opère un changement en tout intellectuel qui découvre l’amour révélé du Père : « Il tire de son trésor du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52). Le chrétien ne se contente pas de répéter. Guidé par l’Esprit de Jésus ressuscité, il innove. Il innove dans sa vie personnelle, dans sa prière, dans sa manière de travailler et d’aimer ; il innove aussi dans son rapport à l’économie et à la politique.

 

Problématique

Comment se fait-il que ce pays si riche en ressources naturelles souffre autant de la misère ? Il y a des pays pauvres avec des gens pauvres. Madagascar apparaît comme un pays riche avec 92% de la population en-dessous du seuil de pauvreté. Pour faire plus simple et non loin de la réalité, la situation est décrite comme « 1% de riches et 99% de pauvres ».

À qui profitent les trésors des mines et de la mer ? Comment se fait-il que cette île-continent ne parvient pas à nourrir ses 26 millions d’habitants ? Que font les politiques ? Que fait l’Église ?
À qui la faute ? Aux élites corrompues ? À une culture inadaptée au développement ? À la colonisation d’hier et à la communauté internationale d’aujourd’hui ?

 

Le pape François

Lors de sa visite à Madagascar, en s’adressant le 7 septembre 2019 aux responsables politiques et économiques dont le président Andry Rajoelina, le pape François a relevé les forces et les faiblesses du pays. Il a mis en valeur le potentiel du pays en soulignant les valeurs traditionnelles et la richesse de sa nature. En s’exprimant devant des élus et des leaders de la société, le pape a valorisé le rôle de la société civile dans le processus de démocratisation et de développement : « Dans le préambule de la Constitution de votre République, vous avez voulu sceller une des valeurs fondamentales de la culture malgache : le “fihavanana”, qui évoque l’esprit de partage, d’entraide et de solidarité. Je vous encourage à lutter avec force et détermination contre toutes les formes endémiques de corruption et de spéculation qui augmentent la disparité sociale, et à affronter les situations de grande précarité et d’exclusion qui produisent toujours des conditions de pauvreté inhumaine. » ; « Votre belle île de Madagascar est riche d’une biodiversité végétale et animale, et cette richesse est particulièrement menacée par la déforestation excessive au profit de quelques-uns ; sa dégradation compromet l’avenir du pays et de notre Maison commune. » ; « Nous devons accorder une attention et un respect particuliers à la société civile locale ».

 

Le questionnement des économistes

La Banque mondiale a publié en 2015 un rapport détaillé sur la situation économique de Madagascar intitulé « Diagnostic systématique de pays : Madagascar ».
Sa biodiversité inégalée et ses richesses naturelles immenses représentent un grand atout pour son développement : « 98% des mammifères terrestres de Madagascar, 92% de ses reptiles, 68% de ses plantes et 41% de ses espèces d’oiseaux nicheurs ne se retrouvent nulle part ailleurs sur la planète ». Avec une douzaine d’autres pays, Madagascar recèle 70% des espèces du monde .
L’enjeu écologique de Madagascar, comme dynamique du développement interne et de son devoir moral envers l’humanité, s’avère capital. Il appelle aussi le soutien de la communauté internationale afin que les besoins économiques immédiats et les vues à court terme ne détruisent ce patrimoine naturel unique.
Trois scénarios semblent possibles à l’horizon de 2025 : une évolution tendancielle avec paupérisation progressive sans amélioration dans la gouvernance et la gestion ; une dégradation politique et des crises violentes à l’image d’Haïti ; ou bien une évolution positive grâce à l’arrivée de leaders soucieux du bien commun eux-mêmes soutenus par la société civile de plus en plus engagée.
Malheureusement le premier scénario de l’inertie semble le plus probable aux yeux de la majorité des personnes consultées par la Banque mondiale. Néanmoins, le troisième scénario demeure possible. Il suppose l’avènement de nouveaux leaders compétents et honnêtes ainsi qu’une avancée de la société civile qui engendrent des mentalités nouvelles et des pratiques enracinées dans la justice, l’esprit d’entreprise et la solidarité.
La pandémie du covid-19 en 2020 a modifié la situation de Madagascar. La Banque mondiale a présenté une nouvelle analyse de l’économie malgache encore affaiblie dans sa vulnérabilité .

 

Investissements du FMI

De son côté le FMI publie régulièrement des travaux sur l’économie malgache. En raison de la pandémie, des décaissements supplémentaires du Fonds monétaire international ont été accordés à Madagascar qui s’enfonce dans la pauvreté .

 

 

Investissements chinois

Par ailleurs, la Chine signe des contrats de coopération très importants avec Madagascar. Déjà en 2019, l’ambassadeur de Chine dans la Grande île, Yang Xiaorong, soulignait que Madagascar était le premier partenaire commercial de la Chine. En 2018, les investissements de la Chine dans la Grande île se sont élevés à 1,1 milliard de dollars . Si ces apports contribuent à la création de nouvelles infrastructures si nécessaires comme les routes, il faut relever aussi les dangers et les dégâts de l’exploitation des richesses naturelles par la Chine comme cela s’est vu dans des révoltes de la population malgache soucieuse de préserver sa culture et son équilibre de vie . En 2016, la population de Soamahamanina s’est rebellée contre l’autorisation d’exploitation d’une mine d’or par une compagnie chinoise. Les réseaux sociaux et les moyens de communication sociale, en général, éveillent et diffusent un esprit critique envers les investissements étrangers qui enrichissent souvent les élites politiques qui passent ces contrats sans retombées économiques substantielles pour la population, sans parler de la modification des styles de vie traditionnels et équilibrants pour les Malgaches et de leur lien à la terre des ancêtres.

 

 

Investissements islamistes

Dans une interview accordée à l’AED (Aide à l’Église en Détresse) en 2018, le cardinal Désiré Tsarahazana, archevêque de Toamasina, relevait aussi l’impact nouveau de certains pays à majorité musulmane dans la culture, la foi, et l’économie malgache : « La montée de l’islamisme est palpable ! C’est visible ! C’est une invasion. Avec l’argent des pays du Golfe et du Pakistan, ils achètent les gens : on voit des jeunes partir étudier en Arabie Saoudite et lorsqu’ils reviennent à Madagascar, ils sont imams. Nous avons organisé une rencontre avec des imams pour partager nos inquiétudes et l’un d’entre eux a témoigné. Il était un ancien séminariste ! Bien sûr il n’a pas dit qu’il avait été attiré par l’argent, mais c’est ce qui se passe en raison de la pauvreté ici. Il y a une vraie pression. Par exemple, dans le Nord, on donne de l’argent aux femmes pour qu’elles portent le voile intégral, la burka, dans la rue, afin de manifester l’expansion de l’Islam dans le pays. Et le soir, elles remettent leurs habits normaux.

Dans mon diocèse, on construit des mosquées partout… même s’il n’y a pas assez de musulmans. Il y a un projet de construction de plus de 2 600 mosquées à Madagascar ! Ils font aussi venir des musulmans en masse de Turquie, ce qui est un phénomène qui nous inquiète beaucoup : une à deux fois par semaine, la compagnie aérienne Turkish Airlines débarque des groupes de musulmans qui s’installent dans le pays. »

 

 

Le questionnement du livre « L’énigme et le paradoxe. Économie politique de Madagascar »

Ce livre présente le travail de recherche, d’analyse et de prospective de trois auteurs : Mireille Razafindrakoto, économiste et statisticienne ; François Roubaud, économiste et statisticien, et Jean-Michel Wachsberger, sociologue.
Dans leurs recherches, ils se sont évertués à expliquer les causes du blocage dans le développement de ce pays riche avec un population pauvre. Pour cela, ils ont comparé les données de Madagascar avec les paramètres des autres pays d’Afrique : fragmentations linguistiques et ethniques, conflits et guerres, niveaux de corruption …
Outre les études statistiques, ils ont conduit des centaines d’entretiens qualitatifs auprès des personnes-ressources et des leaders, en espérant apporter des éléments de réponse au « mystère » malgache sans équivalent dans le monde. Travail d’exégèse, d’interprétation, en rassemblant les différents éléments du « puzzle ».
Comment expliquer l’appauvrissement de Madagascar en l’absence de guerres ? Pourquoi les étapes de croissance économique vont-elles de pair avec des crises politiques ? Quel rôle jouent les élites dans ce contexte ? Quels sont les principaux facteurs de blocage ? Le titre du livre explicite le « mystère » malgache fait d’« énigme » et de « paradoxe ». Énigme à cause de ses richesses ; paradoxe en ses crises politiques concomitantes avec les périodes d’expansion économique.
Dans l’analyse historique, des allusions sont faites à l’influence de l’Église catholique et des Églises protestantes dans les moments critiques de Madagascar : « À Madagascar, Églises et religion pèsent d’un poids déterminant sur la scène nationale » (p. 164). République laïque, la Constitution affirme la séparation de l’Église et de l’État tout en mettant en lumière dans son préambule la croyance en l’existence de Dieu créateur. Les élites religieuses, à la différence des élites politiques, sont appréciées par la population (cf. p. 218).
Du point de vue de la lutte contre la corruption, il convient de signaler deux institutions : le SeSaFi et le Bianco. Le SeSaFi (Sehatra Fanaraha-maso ny Fiainampirenena – Observatoire de la vie publique), est né en février 2001. Les études de SeSaFi marquent l’évolution de l’opinion publique à Madagascar .
Le Bianco , Bureau indépendant anticorruption, a été mis en place en 2004.
Ces auteurs voient aussi dans les valeurs traditionnelles malgaches un rôle ambivalent. Le fihavanana, facteur d’harmonie et de solidarité, inscrit depuis 1992 dans le préambule de Constitution de la IIIe République comme valeur fondamentale des Malgaches, peut jouer un rôle répressif dans l’opposition à l’ordre établi, poussant les faibles à la soumission (cf. p. 120).
Si les élites politiques et économiques influencent la prise des décisions, les événements prouvent que la mobilisation de la population lors des crises a entrainé des changements de gouvernement. L’opinion de la population compte dans l’évolution du pays (cf. p. 135).
Ces trois auteurs utilisent à plusieurs reprises l’expression « théologie politique » (cf. p. 149 ; p. 167, p. 234, p. 235) pour évoquer l’influence de la religion sur le pouvoir. En effet, le gouvernement peut être associé au statut de raiamandreny (parents ou aînés) qui attirent le respect (cf. p. 142). Les Malgaches demeurent aussi attachés à la non-violence, ce qui peut empêcher des conflits féconds en politique et favoriser le maintien de situations d’injustice (cf. p. 145).
La population rurale représente 78% de la population malgache. Le monde rural demeure assez isolé, non organisé, et peu représenté politiquement. Par ailleurs, l’absence de confiance interpersonnelle s’avère notoire dans les études sociologiques (cf. p. 151). En 2012, le revenu moyen en zone rurale s’élevait à 11 euros par mois (cf. p. 151), ce qui suppose une économie d’autosubsistance.
La participation aux associations reste faible à Madagascar : 77% de Malgaches déclarent ne pas y participer. D’où la faiblesse des corps intermédiaires et de la société civile. Les chefs coutumiers et les autorités formelles jouissent peu de la confiance de la population (cf. p. 154). Au cours de l’histoire, le système colonial n’a pas mis en valeur le statut traditionnel d’autorité. En revanche, les élites participent activement à la vie associative (cf. p. 209), ce qui favorise l’accès au pouvoir et leur maintien. Les élites deviennent ainsi un cercle restreint et fermé, fondé sur des privilèges en opposition avec les principes démocratiques (cf. p.213).
Nombreux sont ceux qui voient dans cette faible confiance interpersonnelle l’une des raisons du manque de développement (cf. p. 154) : individualisme, absence du sens du bien commun, incapacité à concevoir et à mener à terme des projets collectifs, rareté des coopératives…
La thèse « culturaliste » voit dans la culture malgache et dans son système éducatif la cause du sous-développement du pays (cf. p. 217) : inertie, faible esprit d’entreprise, fatalisme et résignation (cf. p. 171)…
Comme toute culture, la culture malgache comporte ses contradictions et ses ambivalences : désir de démocratie et respect des hiérarchies traditionnelles, par exemple (cf. p. 217).
Les recettes fiscales figurent parmi les plus faibles au monde (cf. p. 175), ce qui affaiblit l’État. Les élites politiques et économiques placent souvent leurs capitaux à l’étranger (cf. p. 231), elle privent ainsi le pays des bénéfices du travail de la population et des richesses naturelles.
Dans leur conclusion, ces trois auteurs plaident pour la création d’« un espace de dialogue institutionnel pour des échanges et débats citoyens avec pour unique objectif de contribuer à réduire la fracture grandissante entre les élites et la population » (p. 239).
Ils proposent aussi de « réexplorer » un certain nombre de notions et de valeurs malgaches de manière à les « reconfigurer » (p. 239), nous pourrions parler de les « actualiser », de les « mettre à jour », selon le langage de l’informatique : « Sans tomber dans un culturalisme naïf, ce processus de réappropriation nous paraît à la fois pouvoir faire l’objet d’une large adhésion et servir de base à un processus de reconstruction, de renaissance pour échapper à ce destin de pays qui tombe au ralenti, sans bruit, et se regarde tomber dans l’indifférence générale » (pp. 239-240).
Ces termes proposés sont les suivants dont les auteurs donnent le sens dans leur glossaire à la fin de l’ouvrage : fihavanana , fiaraha-monina , firaisan-kina , fokonolona , soa iombonana , raiamandreny , fanjakana , hasina , olomanga .
La doctrine sociale de l’Église peut y voir un appel à se situer sur « les lignes de fracture » de la société dont parlait le bienheureux évêque dominicain Pierre Claverie (+1996), témoin du Christ en Algérie.
L’Église a toujours aimé étudier et approfondir la culture locale pour mieux la connaître, l’accueillir pour s’enrichir, la servir, l’évangéliser et la convertir aussi. Cette conclusion des économistes arrive comme un encouragement de plus à s’enraciner dans la tradition malgache. Les théologiens et les ethnologues de l’Église catholique à Madagascar y travaillent depuis longtemps. Qu’ils en soient remerciés. « Des racines et des ailes, mais des racines pour s’envoler et des ailes pour s’enraciner » , écrivait le Prix Nobel de littérature espagnol Juan Ramón Jiménez (+1958).

 

Les déclarations de l’épiscopat malgache

Pasteurs proches de leur peuple, les évêques malgaches se sont prononcés sur l’évolution du pays et sur la route à suivre. Nous disposons d’une présentation réalisée par Ketakandriana Rafitoson : « Les crises malgaches vues par la conférence épiscopale de Madagascar. Étude des communiqués publiés de 1889 à 2014. »
Ces déclarations ont été suivies par d’autres messages importants des évêques comme celui du 22 novembre 2018 : « Message de la Conférence Épiscopale de Madagascar « Gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33) À tous les baptisés et aux hommes et femmes de bonne volonté ».
Ces textes montrent l’engagement des évêques en faveur de la justice et de la paix. Ils proclament l’Évangile, en défendant les pauvres, en continuité avec les valeurs traditionnelles malgaches. Ont-ils été entendus ? Pas toujours malheureusement. Mais il s’agit du mystère de la prédication. Les évêques ont semé la Parole de Dieu avec sa puissance. Le bon grain semé pousse quand il tombe sur la bonne terre. Il peut aussi être étouffé par les mauvaises herbes, comme le dit Jésus dans sa parabole du semeur.
Ces déclarations épiscopales manifestent le lien entre annonce de l’Évangile et doctrine sociale de l’Église.
Il n’est pas possible de les présenter une par une dans cet article mais elles témoignent du mystère de l’Incarnation vécu dans l’inculturation de l’Évangile à l’image du levain dans la pâte dont parle la parabole de Jésus.

 

Les symposiums de l’UCM

L’Université Catholique de Madagascar, UCM, a organisé récemment deux symposiums sur la doctrine sociale de l’Église qui méritent d’être connus et mis en valeur pour la qualité des intervenants et le contenu de leurs interventions : « Éthique, responsabilité et développement ». Actes du Symposium organisé par le Centre de recherche de l’Université catholique de Madagascar, Ambatoroka, 27-28 février -1er mars 2017 ; « Éthique, responsabilité et développement II ». Actes du Symposium organisé par le Centre de Recherche pour le Développement. Ambatoroka, 28 février et 1er mars 2019.
Ces symposiums ont permis un travail pluridisciplinaire avec la participation de professeurs des différentes sciences : théologie, philosophie, anthropologie, droit, économie, sociologie, pédagogie … Des politiques, des juristes, des chefs d’entreprise, des membres du Bianco et de SeSaFi y ont apporté aussi leur concours. Mme Rabenarivo Sahondra, membre de la SeSafi a présenté sa vision du rôle de la société civile par rapport à l’État (pp. 103-106). Un atelier a repris cette problématique de la valorisation de la société civile par rapport à l’État.
Du point de vue pédagogique, les intervenants ont mis en lumière les différents types de savoir : savoir, savoir être (conscience), savoir-faire (compétence), savoir devenir, sans oublier l’engagement et la compassion.
La responsabilité des élites a fait aussi l’objet de réflexions et de débats par rapport au développement et à l’innovation sociale et économique.
Le professeur Harimanana Raniriharinosy, docteur en sciences politiques et enseignant à l’UCM, a relevé dans son exposé sur « L’éthique républicaine » l’originalité du droit constitutionnel malgache qui intègre des valeurs traditionnelles comme le « fokonolona » et le « fihavanana ». Dans son commentaire, il montre l’importance de ce dernier mot qui signifie l’amitié ou la solidarité, tout en estimant que « cette valeur typiquement malgache s’oppose à l’État de droit où il y a lieu à tout prix de déterminer le responsable, le coupable » (page 23). Cette remarque rejoint d’autres propositions déjà évoquées dans cet article sur le besoin d’actualiser les valeurs malgaches en fonction des évolutions sociales.
J’ai eu l’honneur et la joie de faire partie de l’atelier n°2 « Communauté religieuse : action significative sur la société et la politique » (pages 95-100).
Le christianisme favorise-t-il le développement ? Quel est l’impact de la prédication de l’Église sur la démocratie et le développement à Madagascar ? Comment se fait-il que des responsables politiques baptisés et membres des Églises catholique et protestante laissent le pays dans un tel état de misère ?

 

Prospective :

Inclure la doctrine sociale de l’Église dans la prédication, la catéchèse et l’éducation
Dans son interview citée à l’AED, le cardinal Désiré Tsarahazana s’était déjà exclamé : « Si nous étions vraiment chrétiens, nous n’en serions pas là » . Le cardinal pointe ainsi la cause du problème : des rites religieux qui n’aboutissent pas à des actes de charité. Religieux ne veut pas dire nécessairement évangélique et disciple de Jésus : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35).
La majorité des responsables politiques et économiques à Madagascar sont des baptisés, catholiques ou protestants. Comment se fait-il que la foi célébrée dans les églises et les temples ne change pas la douloureuse réalité économique malgache ?
L’expérience prouve que c’est par l’éducation que les peuples évoluent et progressent. Les grandes révolutions s’accomplissent dans les relations familiales à la maison et sur les bancs des écoles et des universités.
Les chrétiens gagnent à se remettre en cause dans leur manière de vivre leur foi et de l’annoncer. « Comme le corps sans l’âme est mort, de même la foi sans les œuvres est-elle morte », enseigne saint Jacques dans son épître (Jc 2,26).
Les Églises catholiques et protestantes ont un pouvoir extraordinaire. Chaque dimanche ils rassemblent des millions de Malgaches. Mais la prière et la prédication changent-elles vraiment les manières de penser et d’agir des fidèles ? Pourquoi y a-t-il un tel hiatus entre la théorie et la pratique, entre l’Évangile et les rapports sociaux ? Pourquoi cette prédication ne parvient-elle pas à donner les fruits escomptés ? Où se trouve la racine du problème ? Dans le cœur de l’homme fermé à la grâce transformante ? Dans la pédagogie appliquée sans articulation avec les pratiques politiques et économiques ? Des présidents malgaches sont sortis des milieux chrétiens sans qu’ils donnent satisfaction. Monsieur Didier Ratisaraka avait été éduqué chez les Jésuites à Saint-Michel. Monsieur Marc Ravalomanana occupait même un poste de responsable dans son église protestante.
Le père Pedro Arrupe (+1991), ancien général de la Compagnie de Jésus, avait interpellé vivement les anciens élèves des collèges jésuites à propos de leur manque d’engagement pour la justice sociale.
Les chrétiens assurent aussi l’éducation de millions d’enfants et de jeunes dans les écoles et dans la catéchèse. Ils ont la possibilité de façonner et de faire évoluer les mentalités et les pratiques.
L’Enseignement catholique malgache comprend 4.591 établissements scolaires (préscolaire, primaire, collège, lycée) ; 665.300 élèves et 22.464 enseignants.

 

Nouveau départ pour l’éducation catholique

La Commission épiscopale pour l’éducation et l’enseignement catholique de Madagascar a publié le 27 novembre 2020 une déclaration en faveur d’un nouveau départ : « Nouveau départ pour une éducation catholique fondée sur une écologie intégrale en faveur du développement de tout l’homme et de tous les hommes » . L’éducation représente les fondements de la société et la matrice des mentalités qui détermineront les choix et l’avenir du pays. L’Église malgache manifeste ici sa prise de conscience en vue d’une nouvelle approche pédagogique pour répondre aux changements sociaux. L’écologie y occupe une place importante : « Celui qui pratique les feux de brousse tue sa postérité et celui qui plante des arbres transmet la vie ».
Quant au Mémorandum , il rappelle la présence des écoles catholiques auprès des plus pauvres, en brousse, le souci de l’environnement avec les « écoles vertes » sans oublier le besoin de l’éducation affective et sexuelle de manière à éviter notamment les maladies sexuellement transmissibles et les maternités précoces. Le programme EVA (Éducation à la Vie et à l’Amour) est préconisé en fonction de son approche intégrale de la personne humaine.

Pédagogie pratique

Il s’avère nécessaire d’innover dans la pédagogie en adoptant davantage des méthodes pratiques d’enseignement, car le risque est grand de faire de la foi chrétienne un idéal abstrait sans emprise dans le tissu humain de l’économie et de la politique. La prière elle-même risque d’être réduite à des rites sans lendemain. Aussi Jésus avait-il cité le prophète Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres mais leur cœur est loin de moi » (Mt 15,8).
La démocratie suppose l’esprit fraternel. Dans son encyclique « Fratelli tutti » du 3 octobre 2020, le pape François a montré le chemin à suivre.
Le développement passe par l’écologie, la conscience professionnelle, la solidarité, l’esprit d’initiative et d’entreprise, la recherche du bien et le travail en équipe. Ces qualités nécessaires au développement représentent aussi des compétences à acquérir par la pratique dans la catéchèse et les écoles.
Nombreux sont les Malgaches, et malheureusement beaucoup de jeunes, avouent leur découragement et leur scepticisme face au contexte sociopolitique. Ils n’y croient plus ! Lors de sa visite à Madagascar au mois de septembre 2019, le pape François s’est évertué à insuffler l’Esprit du Christ afin de relever les esprits accablés.
Les éducateurs et les professeurs constatent les résultats des pédagogies adaptées aux besoins. Il n’y a pas de quoi désespérer ! Les enfants appliquent rapidement dans la joie les enseignements sur l’écologie. ils plantent des semences et des arbres. Ils sont capables de rendre au fleuve les poissons trop petits, en formation. Ils aiment travailler ensemble.
Pourquoi ne pas enseigner davantage dans la catéchèse et à l’école la pédagogie du projet à écrire et à réussir ensemble ? Pourquoi ne pas valoriser davantage l’esprit d’initiative pour réaliser de petits projets ?
« Passer de la macro-contemplation morose au micro-engagement responsable », représente une juste devise !
C’est en assumant de petites responsabilités accompagnées de réussite que les enfants et les jeunes apprennent le leadership. Et le pays a besoin de nouvelles générations de leaders.
C’est dans le cadre de la société civile que l’Église peut agir favorablement au service de la justice. L’État malgache se déclare laïc dans sa Constitution. Les projets de développement se situent dans ce contexte laïc et culturel ; pas nécessairement cultuel. C’est aussi dans les programmes éducatifs que les valeurs traditionnelles malgaches peuvent être transmises, actualisées et évangélisées pour correspondre à l’idéal de l’État de droit, avec l’égalité de chances et la démocratie participative.
Il convient aussi d’intégrer des pédagogies pratiques à la doctrine sociale de l’Église dans la formation des étudiants dans les universités catholiques. Par exemple, l’aide scolaire gratuite aux enfants des rues favorise le lien social et la découverte d’autres milieux de vie. Les étudiants vont aux « périphéries » de la société pour partager leur savoir et ils apprennent en retour des enfants et des jeunes défavorisés. « Personne n’est aussi riche qu’il ne puisse rien recevoir, personne n’est aussi pauvre qu’il ne puisse rien donner », déclarait Mère Teresa de Calcutta. J’ai été interpellé en apprenant par une amie des frères dominicains du couvent de Nice, ancienne Miss France et Miss Monde, que pour devenir candidate à Miss Monde il fallait déployer une activité humanitaire : visite aux malades ou aux personnes âgées, aide scolaire … Si cela est exigé pour obtenir un concours de beauté, pour obtenir un diplôme par une université catholique, il serait aussi logique d’appliquer des pédagogiques pratiques de charité et de dialogue social. Les étudiants vivent souvent entre eux, sans mixité sociale.
Il est souvent reproché aux élites intellectuelles de demeurer loin du peuple en souffrance.

Travail pluridisciplinaire

Les symposiums organisés par l’UCM montrent aussi le besoin et les bienfaits d’un travail scientifique pluridisciplinaire. « Il faut des « leaders » avec une nouvelle mentalité » , a déclaré le pape François, en citant aussi le laïc dominicain Giorgio La Pira, ancien maire de Florence (Italie), engagé dans la réconciliation entre les peuples et la lutte contre la misère.
La formation universitaire des leaders dans la lumière de la doctrine sociale de l’Église figure comme la bonne semence évangélique qui donnera des fruits de liberté, de justice et de paix. Dans la vie chrétienne comme dans la formation académique des universités catholiques, la doctrine sociale de l’Église ne doit pas ressembler à une feuille de salade décorative dans le plat de résistance, mais elle a pour vocation de donner le goût de l’amour de Dieu et du prochain à l’image du sel cité par Jésus dans l’Évangile. Sans le sel, une bonne nourriture reste insipide. Sans le sel de l’amour fraternel évangélique, l’économie et la politique deviennent fades et décevantes.
Les évêques gagent à étudier les questions politiques et économiques avec les personnes-ressources des différentes sciences, de manière à engager uniquement l’Église en matière de foi et de morale évangélique. En de nombreuses occasions, les déclarations officielles en faveur de tel ou tel politique se sont soldées par des déceptions et un discrédit certain de l’Église.
Il n’y a pas de politique ni d’économie chrétiennes. En revanche, il y a une manière chrétienne de faire de la politique et de l’économie en allant en prenant la défense de la dignité sacrée de toute personne humaine et des pauvres.
À ce propos, il est bon de citer le préambule de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ». La Suisse, façonnée par les Églises catholique et protestante, fait apparaître dans son droit constitutionnel la manière évangélique de faire de la politique qui consiste à partir du plus vulnérable des citoyens et non des projets idéologiques ou des multinationales.

Saint-Denis (La Réunion), le 12 janvier 2021.

Fr Manuel Rivero (O.P.)




Pourquoi courir après des apparitions, des ‘nouvelles’ révélations ? Dieu nous a déjà « tout dit » en Jésus Christ (St Jean de la Croix).

  « Aujourd’hui que la foi est fondée sur le Christ et que la loi évangélique est manifestée dans cette ère de la grâce qu’il nous a donnée, il n’y a plus de motif pour que nous l’interrogions comme avant, ni pour qu’il nous parle ou nous réponde comme alors. Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, il n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole ; il n’a donc plus à nous parler.

Tel est le sens de ce texte par lequel saint Paul veut engager les Hébreux à se séparer de ces anciennes pratiques et manières de traiter avec Dieu qui étaient en usage sous la loi de Moïse et à jeter les yeux sur le Christ seulement : « Ce que Dieu, dit-il, a révélé à nos pères en divers temps et de diverses manières par l’intermédiaire des prophètes, il l’a dit maintenant et tout à la fois en ces derniers jours par son Fils (Hb 1,1-2). » L’Apôtre nous donne à entendre par là que Dieu s’est fait comme muet ; il n’a plus rien à dire ; car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté. Dieu pourrait en effet lui répondre de la sorte : Si je t’ai déjà tout dit dans ma parole, qui est mon Fils, je n’ai maintenant plus rien à te révéler ou à te répondre qui soit plus que lui. Fixe ton regard uniquement sur lui ; c’est en lui que j’ai tout déposé, paroles et révélations ; en lui tu trouveras même plus que tu ne demandes et que tu ne désires. Tu me demandes des paroles, des révélations ou des visions, en un mot des choses particulières ; mais si tu fixes les yeux sur lui, tu trouveras tout cela d’une façon complète, parce qu’il est toute ma parole, toute ma réponse, toute ma vision, toute ma révélation. Or, je te l’ai déjà dit, répondu, manifesté, révélé, quand je te l’ai donné pour frère, pour maître, pour compagnon, pour rançon, pour récompense. Le jour où je suis descendu avec mon Esprit sur lui au Thabor, j’ai dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur ; écoutez-le (Mt 17,5). » Depuis lors, j’ai laissé de côté toutes ces sortes d’enseignements et toutes ces réponses, et je les lui ai remises ; écoutez-le, parce que je n’ai plus de foi à vous révéler, ni plus de vérités à vous manifester. Quand précédemment je parlais, c’était pour vous promettre le Christ ; quand on m’adressait des questions, c’était des questions qui regardaient la demande et l’espérance du Christ où l’on devait trouver tous les biens, comme le donne à entendre toute la doctrine des Évangélistes et des Apôtres. Mais maintenant si quelqu’un vient m’interroger comme on le faisait alors et me demande quelque vision ou quelque révélation, c’est en quelque sorte me demander encore le Christ ou me demander plus de foi que je n’en ai donné : de la sorte, il offenserait profondément mon Fils bien-aimé, parce que non seulement il montrerait par là qu’il n’a pas foi en lui, mais encore il l’obligerait une autre fois à s’incarner, à recommencer sa vie et à mourir. Vous ne trouverez rien de quoi me demander, ni de quoi satisfaire vos désirs de révélations et de visions. Regardez-y bien. Vous trouverez que j’ai fait et donné par lui beaucoup plus que ce que vous demandez.

Si vous désirez que je vous réponde par quelques paroles de consolation, considérez comment mon Fils m’a obéi et a été affligé par amour pour moi, et vous entendrez par combien de paroles il vous répondra. Voulez-vous que Dieu vous explique certains événements mystérieux, ou certaines choses cachées : fixez seulement les yeux sur lui, et vous y trouverez les mystères les plus profonds, les trésors de la sagesse et des merveilles divines qui sont renfermées en lui, comme l’Apôtre le dit : « En lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu (Col 2,3). » Ces trésors de sagesse seront pour vous beaucoup plus profonds, plus doux et plus utiles que tout ce que vous désirez savoir. Voilà pourquoi l’Apôtre se glorifiait en ces termes : « Je n’ai rien voulu savoir parmi vous que que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié (1Co 2,2). »

Si vous voulez encore d’autres visions ou révélations divines ou corporelles, regardez toujours dans son Humanité, et vous trouverez dans cette Humanité beaucoup plus que vous ne pensez, parce que l’apôtre saint Paul dit encore : « En lui habite corporellement toute la plénitude de la Divinité (Col 2,9). »

Il ne convient donc pas d’adresser à Dieu des demandes de cette sorte ; il n’est pas nécessaire qu’il parle encore, car en achevant de nous révéler toute la foi dans son Christ, il n’y a plus d’autre objet de la foi à révéler, et il n’y en aura jamais. Celui qui voudrait recevoir encore par la voie surnaturelle certaines communications surnaturelles semblerait accuser Dieu de ne pas nous avoir donné en son Fils tout ce qui nous était nécessaire, comme nous l’avons dit. Supposé même qu’il agisse ainsi tout en ayant la foi, et en croyant ses enseignements, il manifeste un esprit de curiosité et l’imperfection de sa foi. Ce n’est donc point de cette curiosité qu’il faut attendre un enseignement doctrinal ou une communication par voie surnaturelle. A l’heure où le Christ expira sur la Croix, et dit : « Tout est accompli (Jn 19,30) », non seulement ont pris fin toutes ces communications surnaturelles, mais encore toutes les cérémonies et tous les rites de la Loi ancienne.

Ainsi donc nous devons nous guider en tout d’après la doctrine du Christ Notre-Seigneur, fait Homme pour nous, de son Église, de ses ministres qui nous parlent d’une manière humaine et visible. Par cette voie nous trouverons le remède à nos ignorances et à nos faiblesses spirituelles ; par cette voie nous trouverons des secours abondants pour tous nos besoins. Tout ce qui sort de cette voie ou s’en écarte, non seulement est de la curiosité, mais encore une grande présomption. On ne doit rien croire de ce qui vient par voie surnaturelle, si ce n’est, je le répète, l’enseignement de Jésus-Christ fait Homme, et celui de ses ministres qui sont hommes aussi. Cela est tellement vrai que saint Paul a dit : « si un ange venu du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème ! » (Ga 1,8).

Il est donc vrai que nous devons toujours nous en tenir à ce que le Christ nous a enseigné. Tout le reste n’est rien ; et nous ne devons pas le croire s’il n’est pas conforme à son enseignement. »

                                               St Jean de la Croix, « La montée du Carmel » (Ch. 20).




Fiche N°1 : Le Prologue de l’Evangile selon St Jean (Jn 1,1-18) Première partie

1 – D’après la conclusion de l’Evangile (Jn 20,30-31), pourquoi St Jean l’a-t-il écrit ? Cette réponse rejoint-elle « le cœur » du Prologue (Jn 1,10-13) ? Ces deux textes permettent déjà de deviner deux thèmes principaux de l’Evangile : lesquels ((1) : Jn 4,41 ; 9,35-38 ; 11,42 ; en négatif : Jn 6,64 et 12,39 ; (2) Jn 3,15 ; 5,40 ; 6,47 ; 10,10) ? Le but de tout notre travail sur St Jean sera donc de faire grandir en nous (1) pour que nous puissions commencer à expérimenter la Présence de (2) au cœur de notre vie… Voilà l’aventure à laquelle nous sommes tous invités dès ici-bas, dans la foi…

2 – St Jean commence son Evangile en reprenant les deux premiers mots du premier chapitre du Livre de la Genèse (Gn 1,1-2,4) ; le lire en entier et noter tout particulièrement ce qui est dit de l’homme en Gn 1,26-27. Et d’après le début du verset 28, que reçoit-il aussitôt pour pouvoir accomplir sa vocation sur la terre ? Lorsque Dieu donne, il ne reprend jamais… Ce « cadeau » accompagnera donc tout au long de son existence tout être humain qui naît en ce monde… Et par cette allusion au Livre de la Genèse, St Jean nous dit déjà que toute l’œuvre de Jésus sera de faire en sorte que l’homme soit bien ce que Dieu veut qu’il soit, en accueillant bien ce que Dieu lui a déjà donné ! Tel est ce que nous appelons « le salut » : que l’homme soit vraiment ce que Dieu voulait qu’il soit lorsqu’il l’a créé… Jésus va donc se battre, avec les armes de la douceur, de l’amour et d’une continuelle bienveillance, contre tout ce qui peut « abîmer » l’homme, le blesser, l’écraser, le faire souffrir…

Dans le Livre de la Genèse, nous avons « Dieu dit… », « Dieu dit… », etc… Et l’on pourrait penser qu’il s’agit d’une seule Personne divine qui s’exprime. Mais dès le début de son Evangile, St Jean écrit : « Et le Verbe était Dieu » au sens où il participe pleinement à ce que Dieu est en Lui-même, c’est-à-dire à sa « nature divine ». Puis il emploie ce même mot « Dieu » avec un autre sens pour désigner non pas « le fait d’être Dieu », mais une autre Personne divine : « le Verbe était avec Dieu,… il était au commencement avec Dieu »… Noter comment ces deux Personnes divines sont nommées à la fin du Prologue (Jn 1,18)…

 

Lire Jn 20,19-23. Nous sommes à la fin de l’évangile et St Jean va de nouveau faire allusion aux premiers chapitres de la Genèse avec le second récit de la création de l’homme. Lire Gn 2,4-7. Comment Dieu crée-t-il l’homme en ce texte ; quelle réalité est à l’origine du Mystère de sa vie ? Noter qu’en Jn 20,22 c’est le Christ ressuscité qui agit comme Dieu en Gn 2,7… Et que donne le Christ à ses disciples en Jn 20,22, des disciples qui représentent ici le monde entier appelé au salut ? A quoi renvoie donc l’image du « Souffle de Dieu » dans la Bible ? Ainsi, le mystère de l’origine de la vie de tout être humain sur cette terre est à chercher dans la Présence en lui du « Souffle de Dieu »… Instant après instant, c’est donc Dieu qui nous fait vivre ! Il est donc infiniment proche de chacun d’entre nous, au plus profond de nous-mêmes, à la racine du Mystère de notre vie, présent à notre existence depuis ses tout premiers commencements… Si nous l’avions oublié, le Christ va commencer par nous le rappeler : ce sont ses premières paroles dans l’Evangile de Marc, « le Royaume de Dieu est tout proche », Dieu est tout proche, « convertissez-vous », tournez-vous vers lui, et vous recevrez aussitôt ce qu’il veut vous donner depuis toujours : sa vie en plénitude (Mc 1,15)… Et toute l’œuvre du Christ sera de faire en sorte qu’il en soit vraiment ainsi : que vivions dès maintenant le plus possible de ce Souffle de Vie qui nous habite déjà, en attendant la pleine révélation de cette Plénitude par-delà notre « mort »… « Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie », disait Ste Thérèse de Lisieux… Et pour accomplir cette œuvre, Jésus veut nous débarrasser de tout ce qui pourrait faire obstacle à l’épanouissement en nous de cette Vie : qu’enlève-t-il d’après Jn 1,29 ? Retrouver la réponse dans cette phrase de la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité : « Il n’y a qu’un mouvement au cœur du Christ : enlever les péchés et emmener l’âme à Dieu »… Jour après jour, instant après instant, inlassablement, de misère pardonnée en misère pardonnée, il est ainsi… pour que nous retrouvions grâce à lui la Plénitude de la vie que nous avions perdue par suite de nos fautes… Retrouver en Lc 24,46-48 ce grand cadeau que le Christ veut offrir à tous les pécheurs que nous sommes… Et c’est avant tout de cela dont nous devons être les témoins…

 

3 – Dès le 1° verset, St Jean nous entraîne au cœur du Mystère de la foi. Quel était le Crédo d’Israël (cf. Deutéronome (Dt) 6,4) ? St Jean y adhère-t-il (cf Jn 5,44 ; 17,3) ? Et pourtant, dès le début de son Evangile, il nous présente bien deux Personnes divines! Y-a-t-il contradiction ? Nous allons voir que non…

Noter en Jn 4,24 puis dans la Première Lettre de St Jean, vers la fin de notre Nouveau Testament, en 1Jn 1,5 ; 4,8, les trois grandes affirmations de St Jean sur « la nature divine », c’est-à-dire ce que Dieu est en lui-même. Le Père est Dieu ; nous pouvons donc lui appliquer ces trois affirmations. Jésus, le Fils, est Dieu ; nous pouvons donc les lui appliquer également…

Et nous allons maintenant aborder une difficulté liée à notre vocabulaire… Nous savons que Jésus, le Fils, nous a révélé le Mystère de Dieu comme étant « Trinité », c’est-à-dire trois Personnes divines… Pour l’instant, nous n’en avons rencontré que deux : le Père, et Jésus le Fils… La troisième, nous l’appelons « l’Esprit Saint », et nous pressentons sa Présence par exemple en Actes 8,29 : « L’Esprit dit à Philippe »… Une Personne s’adresse à une autre personne… Et en Ac 13,2, : « L’Esprit Saint dit : « Mettez-moi donc à part Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés. » Là aussi, une Personne divine s’exprime… En Jn 14,15-17, St Jean l’appelle « le Paraclet », c’est-à-dire le Défenseur, l’Avocat : « Si vous m’aimez », dit Jésus à ses disciples, « vous garderez mes commandements ; et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît. » En disant « le Père vous donnera un autre Paraclet », Jésus pense à son départ tout proche : bientôt, il va souffrir, être mis au tombeau, ressusciter et monter au ciel, comme nous le disons dans notre Crédo. Les disciples ne le verront donc plus comme ils le voyaient jusqu’à présent. Mais Jésus leur promet qu’ils ne seront laissés à eux-mêmes… A sa prière, le Père va leur envoyer « un autre » Défenseur, « une autre » Personne divine qui prendra soin d’eux et veillera sur eux comme Jésus le faisait déjà lorsqu’il était avec eux (cf. Jn 17,12 ; Luc (Lc) 22,31‑32). Cette autre Personne divine, nous l’appelons « l’Esprit Saint ». Mais la difficulté vient du fait que ces deux mots « Esprit » et « Saint » servent aussi à décrire ce que Dieu est en lui-même, c’est-à-dire sa « nature divine » (cf. Jn 4,24). Ainsi, le Père est « Esprit » et le Père est « Saint ». Le Fils est « Esprit » et le Fils est « Saint ». Et nous pouvons dire aussi « l’Esprit Saint » est « Esprit » et « l’Esprit Saint » est « Saint »… N’oublions donc jamais ce double sens possible de l’expression « Esprit Saint » : « l’Esprit Saint » (Personne divine) est « Esprit » et il est « Saint » en tant qu’il participe lui aussi pleinement à la nature divine… Et la grande œuvre de « l’Esprit Saint » Personne divine sera justement de nous communiquer « l’Esprit Saint » nature divine. Le Père Yves Congar écrit : « L’Esprit Saint » (Personne divine) « se cache derrière ses dons » (l’Esprit Saint nature divine). Et ce cadeau est offert à tous. Nous avons tous été créés pour cela : participer selon notre condition de créature à la nature divine (cf. 2Pierre (2P) 1,3-4), et entrer ainsi dans le Mystère de la Plénitude de la Vie éternelle…

Le Père « Personne divine », le Fils « Personne divine » et l’Esprit Saint « Personne divine » partagent donc pleinement tous les Trois une seule et unique nature divine qui est tout à la fois « Esprit » et « Sainte ». Et l’on pourrait rajouter « Amour » (1Jn 4,8.16), « Lumière » (1Jn 1,5), « Vie », « Paix », « Force », « Vérité », etc… Que peut-on dire alors de chacune des Trois Personnes divines : quel Mystère vivent‑elles (cf 1Jn 1,2-3 ; 1Jn 1,6-7 ; 1Corinthiens (1Co) 1,9 ; 2Corinthiens (2Co) 13,13 ; Philippiens (Ph) 2,1‑2) ? St Jean évoque ce Mystère avec une autre expression en Jn 10,30 : « Moi », dit Jésus, « et le Père, nous sommes un », différents l’un de l’autre mais unis l’un à l’autre dans la Communion d’un même Esprit, d’une même Lumière, d’un même Amour… Et d’après Jn 17,20-23, dans quelle grande aventure Jésus désire-t-il tous nous entraîner ? Et cela se mettra concrètement en œuvre par le don de l’Esprit Saint « nature divine » (cf 1Thessaloniciens (1Th) 4,8 ; Ac 2,38-39)…

4 – Cette Personne divine que nous appelons Jésus, le Fils ou « le Verbe », « la Parole », va assumer notre nature humaine « de chair et de sang ». Lui qui jusqu’à présent n’était « qu’Esprit » va entrer historiquement dans le temps de l’aventure humaine et vivre notre condition d’homme et de femme sur cette terre… Tout en restant pleinement « Esprit », il se fait pleinement homme… C’est le Mystère de l’Incarnation. En quel verset apparaît-il dans le Prologue de l’Evangile de Jean ? Conclusion : tout ce qui est dit « avant » renvoie à « l’avant » de l’Incarnation… Noter toutes les expressions qui soulignent en cet « avant » la proximité de Dieu, sa Présence à la vie de tout homme… Et il en est bien sûr toujours ainsi aujourd’hui… Dieu, dans le Mystère de sa Bienveillance et de son Infinie Miséricorde est présent à la vie de tout homme, pour son bien, dans le respect total de sa liberté… Quiconque est « de bonne volonté » accueille cette Présence, qu’il en soit conscient ou non… Tel est le regard de foi, un regard universel, auquel St Jean nous invite ici… « Les siens » au verset 11 désigne « le Peuple d’Israël » auquel « le Verbe », « la Parole », s’était déjà adressé par tous les prophètes de l’Ancien Testament… Mais ils n’ont pas été accueillis…

La révélation contenue dans les Evangiles nous permet donc de prendre conscience d’une réalité qui existe depuis que le monde existe : un Dieu tout proche qui ne désire que le bien de sa créature et se met, par amour, au service de sa vie… Mais encore faut-il consentir à cette Présence et à son action… En nous aidant à en prendre conscience, l’Evangile nous permet de mieux collaborer à cette « œuvre de Dieu » qui ne désire que notre vie ! Heureux sommes-nous donc de croire ! Et Dieu nous invite tous à collaborer à son œuvre en le faisant connaître autour de nous…

5 – « En lui était la Vie », lit-on en Jn 1,4… Qui est « la Source de Vie » d’après le Psaume (Ps) 36(35),10 et le prophète Jérémie (Jr) 2,13 ? N’oublions pas que dans l’Ancien Testament, le mot « Dieu » renvoie le plus souvent à Celui que nous appelons « Dieu le Père » dans le Nouveau Testament…

Et d’après Jn 5,26 et Jn 6,57, que donne le Père au Fils de toute éternité ? C’est ainsi, comme nous le disons dans notre Crédo, qu’il « engendré, non pas créé, de même nature que le Père »… Depuis toujours et pour toujours, l’attitude fondamentale du Fils, au plus profond de son Cœur, est donc : se recevoir du Père. Et telle est aussi l’aventure à laquelle nous sommes tous conviés : apprendre par notre foi au Fils à nous recevoir comme Lui du Père… Noter comment Jésus résume sa mission en Jn 6,33 et 10,10… A quel temps les verbes sont-ils conjugués ? Cette action nous rejoint donc dès aujourd’hui… Pour en bénéficier, Jésus ne nous demande qu’une seule chose, laquelle (Jn 3,14-16 ; 3,36 ; 6,47 ; 20,30-31) ? Et tout ceci s’accomplira très concrètement par le Don de l’Esprit Saint, « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)…

Or, en St Jean, cette « Vie » transmise par l’Esprit est aussi « Lumière » (cf Jn 1,4 et Jn 8,12) et le croyant qui la reçoit par une foi vivante, de tout cœur, devient ainsi « lumière dans le Seigneur », en tant que Dieu le Père, par le don de l’Esprit, l’a uni au Christ Seigneur dans la communion d’un même Esprit (cf Ephésiens (Ep) 5,8 ; 1Thessaloniciens (1Th) 5,5 ; Jn 12,36 ; Colossiens (Col) 1,11‑14 ; 1Pierre (1P) 2,9). Et c’est cette Lumière en lui qui petit à petit se révèlera finalement victorieuse des ténèbres (Jn 1,5), c’est-à-dire de ce mal qui en définitive nous fait mal, nous blesse et blesse aussi hélas tous ceux et celles à qui nous pouvons faire du mal… Mais grâce à une vie de prière de plus en plus fidèle, qui saura accueillir le don continuel que Dieu nous fait de sa Lumière, nous pourrons vaincre le mal et donc expérimenter de plus en plus la Plénitude de sa Vie…

                                                                                                                    Diacre Jacques Fournier

Ci dessous la correction :

 

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Fiche n°9 : Le don de l’Eau Vive par Jésus Christ, le Sauveur du Monde (Jn 4)

La volonté de Dieu sur les hommes est qu’ils accomplissent pleinement leur vocation d’enfants de Dieu par la foi en son Fils envoyé dans le monde (Jn 1,12) : qu’ils vivent de sa Vie, qu’ils partagent avec Lui la Plénitude de son Esprit, qu’ils entrent dans sa Lumière et dans sa Joie. Pour atteindre ce but, le Christ va leur proposer de « naître de nouveau de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3) par le sacrement du baptême (Mt 28,18-20). En Jn 1,33, St Jean avait déjà fait allusion à ce baptême apporté par Jésus: « C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint ». Souvenons-nous de la note de la Bible de Jérusalem pour ce verset : « Cette expression définit l’œuvre essentielle du Messie, annoncée dès l’Ancien Testament : régénérer l’humanité dans l’Esprit Saint. Parce que l’Esprit repose sur lui », cet Esprit qu’il reçoit lui-même de son Père, « le Messie pourra le donner aux hommes »…  Puis, en Jn 3,22-26, St Jean avait de nouveau évoqué ce baptême proposé par Jésus : « Après cela, Jésus vint avec ses disciples au pays de Judée et il séjourna avec eux, et il baptisait… (Ainsi), le voilà qui baptise et tous viennent à lui ». Et au tout début de notre texte, St Jean évoque à nouveau ce baptême de Jésus (Jn 4,1-2). Tout tourne donc ici autour du baptême, du don de Dieu (« l’eau vive », symbole de l’Esprit Saint (Jn 7,37-39)) et de sa conséquence la plus importante, la relation avec Dieu « en Esprit et en vérité » (Jn 4,24).

Jésus parle ici avec une Samaritaine, un nom qui vient de « Samarie », l’ancienne capitale du Royaume du Nord fondée par le Roi Omri (886-875 av. JC). A la mort de Salomon (931 av JC), le Royaume d’Israël s’était en effet divisé en deux : le Royaume du Nord (appelé parfois « Israël ») et le Royaume du Sud (« Juda », capitale Jérusalem). En 722 av JC, les Assyriens s’emparent du Royaume du Nord et s’y installent. Depuis lors les Juifs du Sud voient d’un mauvais oeil ce peuple à moitié païen. Ils refusent leur aide pour reconstruire le Temple de Jérusalem après sa destruction par Nabuchodonosor, roi de Babylone, en 587 av JC. Les Samaritains construiront alors le leur sur le mont Garizim. Mais en 129 av C, il sera détruit par le Juif Jean Hyrcan. A partir de cet instant, la rupture est totale…

 

Introduction

« Jésus quitte la Judée et s’en retourne en Galilée ». Se référer à une des cartes situées à la fin de nos Bibles. Repérer la Galilée au nord, la Judée au sud, et la Samarie au milieu. Constater que pour aller de la Judée à la Galilée, il était possible de prendre un bateau et de passer par la mer, ou de longer par la rive Est le Jourdain en passant par la Pérée et la Décapole. Pourtant, St Jean écrit de Jésus qu’il « lui fallait traverser la Samarie » ? D’après ce que nous venons de voir avec une carte, est-ce bien exact ? Que se cache-t-il derrière ce « il faut » ? Pour répondre à cette question, lire dans un premier temps Jn 4,34 ; 5,30 ; 6,38 ; 9,4 ; 10,16 ; 12,34 ; 13,18 ; 14,31 ; voir aussi Lc 17,25 ; 22,37 ; 24,7.44 ? Préciser quelle est « la volonté du Père » avec Jn 3,16-17 ; 6,37-40 ; 1Tm 2,3-7) (•) ? Que ne cessera alors de faire Jésus (cf. Lc 4,42-44) ? Et que feront ensuite ses disciples (Marc 16,15‑18) ? Avec eux et par eux, qui continuera « d’aller vers » les hommes pour leur offrir le Salut (Mt 28,18-20 ; 2Co 2,14-16 ; 5,20 ; Actes 14,27 ; 15,4) ? Quelle sera donc, jusqu’à la fin des temps, la mission première de l’Eglise ?

Jésus a tout d’abord commencé par se tourner vers le seul peuple d’Israël (Mt 15,24). Il voulait en effet l’appeler au repentir pour qu’il redevienne ce que Dieu avait toujours voulu qu’il soit : un Peuple comblé de sa bénédiction pour devenir ensuite un Serviteur de cette bénédiction, afin que toutes les familles de la terre en soient à leur tour comblées. Telle est la vocation qu’il avait donnée à Abraham et à ses descendants au jour où il l’avait appelé : « Yahvé dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction ! Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront toutes les familles de la terre. » Abram partit, comme lui avait dit Yahvé » (Gn 12,1-4)…

Or, à l’époque de Jésus, écrit Gerhard Lohfink (« L’Eglise que voulait Jésus »), le système des Douze tribus d’Israël avait depuis longtemps cessé d’exister. « Les contemporains considéraient qu’il n’y avait plus que deux tribus et demie : Juda, Benjamin et la moitié de Lévi. On espérait que le temps du salut provoquerait le rétablissement définitif de toutes. Déjà la fin du livre d’Ezéchiel, sous forme de programme prophétique, montrait comment, lors de la fin des temps, les douze tribus retrouveraient leur portion de territoire (Ez 37 ; 39,23-29 ; 40-48). Sur fond de cette espérance toujours très vivante, on ne peut désormais comprendre l’institution des douze apôtres par Jésus que comme un signe prophétique : les Douze montrent que Jésus inaugure le réveil et le rassemblement du peuple saint », pour lui redonner ensuite sa mission première : aller dans le monde entier pour annoncer à tous les hommes que Dieu ne cesse de les bénir en leur donnant son Esprit de Vie, de Lumière et de Paix… Les Samaritains étaient les lointains héritiers du Royaume du Nord. Les réconcilier avec ceux du Sud allait donc dans le sens de ce rétablissement d’Israël tout entier (cf. Is 11,12 ; Os 2,2 ; Jr 3,18 ; Ez 37,15-28). Puis Israël rassemblé devait ensuite travailler, avec les païens qui auraient accueilli cette Bonne Nouvelle, au rassemblement de l’humanité tout entière, cette immense famille d’enfants de Dieu que le Père invite à la table de son Royaume (cf. Jn 11,51-52 ; Ep 1,9-10) ? Telle est aujourd’hui la mission de l’Eglise. Au départ, elle n’était constituée que de fils d’Israël. Puis, des païens accueillirent l’Evangile qu’ils proclamaient et se joignirent à eux. Le résultat est l’Eglise que nous connaissons actuellement. Et les Israélites qui n’ont pas reconnu en Jésus Christ le Messie annoncé par les Ecritures, demeurent nos frères aînés dans la foi, des frères très chers vis-à-vis desquels nous ne pouvons qu’avoir de la reconnaissance… Avec Marie, le Christ est né de leur communauté, tout comme Pierre, Marc, Matthieu, Paul etc… C’est donc grâce à eux que nous avons pu découvrir aujourd’hui en Jésus Christ un trésor de Miséricorde et de Vie (2Co 4,5-7)… Et régulièrement, nous lisons avec eux les mêmes Ecritures, l’Ancien Testament…

Jacob, le fils d’Isaac (Gn 25,26), lui-même fils d’Abraham (Gn 17,19.21 ; 21,3), était une figure importante pour les Samaritains : d’après eux, c’est sur le mont Garizim que Dieu lui était apparu en songe (Gn 28,10-22). C’est là aussi, pensaient-ils, que reposait la bénédiction de Dieu sur Israël (Dt 11,29 ; 27,12). Voilà pourquoi ils choisirent cette « montagne » comme lieu d’adoration (Jn 4,20).

Le don de l’Eau Vive (Jn 4,7-15)

Notons tout d’abord comment St Jean nous présente Jésus au v. 6 ? « C’était environ la sixième heure ». D’après les notes de nos Bibles, quelle heure est-il en fait ? Toutes ces circonstances conditionneront la première parole de Jésus à la Samaritaine…

Entre Jésus et la Samaritaine, qui engage le dialogue en premier ? Quand il lui dit « Donne-moi à boire », comment se présente-t-il : comme un riche venu pour donner ou un pauvre qui a besoin de recevoir ? Et pourtant, que se passera-t-il par la suite d’après St Paul (cf. 2Co 8,9) ?

Mais en agissant ainsi, Jésus transgresse deux règles importantes de l’époque. Les retrouver avec Jn 4,9 et Jn 4,27. Voilà bien une attitude caractéristique de Jésus, laquelle d’après Ep 2,14-16 (les « deux peuples » sont : les Juifs et les païens) ?

Dans l’Evangile selon St Jean, le thème de la soif renvoie au désir profond qui habite une personne. Ainsi, sur la Croix, Jésus dit « J’ai soif » (Jn 19,28-30) pour que l’Ecriture soit parfaitement accomplie, et de fait les soldats lui donneront du vinaigre, comme le prédisait le Ps 69(68),22. Or les Ecritures révèlent la volonté de Dieu qui est le salut de tous les hommes (cf. (•)). Ainsi, Jésus avait soif de « faire la volonté de Celui qui l’a envoyé » (Jn 4,34), c’est-à-dire d’accomplir le salut du monde par son offrande sur la Croix… Derrière la question de Jésus à la Samaritaine en Jn 4,7, de quoi Jésus a‑t‑il en fait « soif » (cf. Jn 10,10 ; 3,17) ? Le verra-t-on d’ailleurs boire ou manger en ce chapitre 4 (cf. Jn 4,31-34) ? Et dès la première moitié de Jn 4,10, Jésus éveillera la curiosité de la Samaritaine sur deux points essentiels, lesquels ((a) et (b)) ?

Le deuxième (b) sera ici l’occasion de tout un cheminement ; en noter toutes les étapes en relevant en Jn 4 tous les titres et expressions qui disent quelque chose du Mystère de Jésus. Quelle progression constatez-vous ? Noter l’universalité de la perspective avec le v. 42.

Le premier (a ; cf Ac 8,20) sera précisé par une image dès la fin du verset 10, laquelle ? Quelle est d’après Jn 7,37-39 la réalité évoquée (cf. Ac 2,38 et 10,45) ? D’où vient-elle (cf. Jn 15,26) et par qui nous rejoint-elle (Ac 2,32-33) ? Pour recevoir ce don promis, que suffit-il de faire d’après Jn 4,10 (cf. Lc 11,9-13) ? Or qui est Dieu de son côté (cf. Jr 2,13 ; 17,13 ; image différente mais semblable au niveau du sens au Ps 84(83),12) ? Conclusion : est-il possible que celui qui demande de tout son cœur ne soit pas exaucé ? Et de même, celui qui demanderait la Lumière, pourrait-il d’après le Ps 84(83),12 ne pas être exaucé ? Et recevra-t-il cette Lumière parce qu’il a bien prié ? « Il suffit de demander », comme disait Ste Thérèse de Lisieux, notre demande n’étant que l’expression de notre liberté qui consent à recevoir ce que Dieu veut nous donner… Remarquons en passant qu’avec le parallèle entre Jn 4,24 et 1Jn 1,5, demander la Lumière, c’est demander l’Esprit Saint… Quels seront les effets de ce don de Dieu au cœur de l’homme qui accepte de l’accueillir (cf. Jn 4,13-14 ; 6,63 ; Ga 5,25) ? Mais pour le recevoir, il sera invité à se tourner sans cesse vers le Donateur en se détournant de tout ce qui pourrait s’opposer à cette démarche ; comment appelle-t-on dans le Nouveau Testament une telle attitude (Mc 1,15 ; début d’Ac 2,37-38. Et d’après Ac 3,26 (TOB), Ac 5,31 et Ac 11,18, cette attitude même est un don de Dieu ! Elle est le fruit de Jn 12,32, Jn 6,44 et Jn 6,65 et 17,6…

Souvenons-nous : comment Jésus a-t-il entamé la conversation avec la Samaritaine ? Et que lui demande-t-elle maintenant en Jn 4,15 ? Même si sa demande est encore imparfaite, Jésus a-t-il atteint son but ?

Adorer Dieu en Esprit et en vérité (Jn 4,16-24)

 Jésus reprend à nouveau l’initiative. En posant sa question au v. 16, qu’attend-il avant tout de la Samaritaine (cf. Jn 3,21)? A-t-elle répondu à son attente ? Une note de la Bible de Jérusalem permet d’éclairer la réponse de Jésus en 4,17‑18 : « Les Juifs expliquaient l’origine des Samaritains (2 R 17,24-41), par l’immigration forcée de cinq peuplades païennes, restées en partie fidèles à leurs dieux, que symbolisent les “ cinq maris ” ». Or 2R 17,33 affirme « qu’ ils révéraient le Seigneur et servaient leurs dieux, selon le rite des nations d’où ils avaient été déportés ». D’après la déclaration de Jésus en Jn 4,18 et 4,22, que vaut un tel culte de Dieu mêlé d’éléments idolâtriques ?

Quelle est la notion (nom et verbe) qui revient le plus souvent en Jn 4,20-24 ? La Samaritaine nomme-t-elle Celui qui est objet d’adoration ? Et Jésus ? Que retrouve-t-on indirectement (cf. Jn 1,18 ; le début de Jn 17,6 ; Jn 17,26) ? Comment se vivra l’adoration véritable ? Est-elle déjà pour l’aujourd’hui de notre foi ? Qui est le premier à la désirer ? Qui sera donc le premier à la mettre en œuvre et par qui agira-t-il (Jn 14,15‑17 ; Rm 8,26-27) ? Son travail sera de nous communiquer « le bien » de Jésus, « ce qui est à » Jésus (Jn 16,14). Or, « le bien » suprême de Jésus, c’est son Être, sa Vie de Fils qu’il tient de son Père (Jn 5,26), la Plénitude divine de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité et qui fait qu’il est ce qu’il est : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Cette « Plénitude divine de l’Esprit » peut encore évoquer par l’expression « nature divine », car « Dieu est Esprit » (Jn 4,24). Et d’après 2P 1,4, c’est justement ce que le Père veut que nous recevions par notre foi en son Fils qu’il a envoyé dans le monde. Et ce sera tout le travail de l’Esprit Saint Troisième Personne de la Trinité de nous communiquer « l’Esprit Saint nature divine », cette Eau Vive qui sera en nous Source de Vie éternelle, Plénitude d’Être et de Vie. En acceptant de recevoir cet Esprit nous entrerons alors dans un Mystère de Communion et de Vie avec Dieu et avec tous ceux qui auront vécu la même démarche de foi (1Co 1,9 ; 2Co 13,13 ; Ph 2,1 ; 1Jn 1,3 ; Ep 2,18 ). Tel est le Mystère de l’Eglise…

Jésus est le Messie, vrai homme et vrai Dieu (Jn 4,25-26)

La Samaritaine, face à Jésus, se pose la question du Messie… Quel est, d’après Jn 4,25 sa mission principale (cf. Lc 4,15.31.43 ; 5,3 ; 6,6 ; 13,10 ; 20,1) ? Qui permet à cette mission d’atteindre son but (cf. 1Co 2,3-5 et 9-12 ; 1Th 1,4-7 ; Jn 14,26 ; 16,12-15 ; 15,26 ; 1Jn 2,27 ; 4,13) ? Nos Bibles traduisent souvent la réponse de Jésus en fonction du contexte : « Je le suis, moi qui te parle », sous entendu « le Messie, celui qu’on appelle Christ » (Bible de Jérusalem ; TOB ; se souvenir que « Messie » et « Christ » viennent tous les deux du verbe « oindre », en hébreu pour le premier, en grec pour le second). Mais St Jean fait ici, et pour la première fois dans son Evangile, une allusion au Nom divin révélé à Moïse dans l’épisode du Buisson Ardent (Ex 3,14-15) : « Je suis celui qui est » (Bible de Jérusalem), « JE SUIS QUI JE SERAI » (TOB). La traduction grecque de la Septante a : Egô eimi o ôn (litt. : « Je Suis l’Etant »). Et Jésus dit à la Samaritaine : Egô eimi o lalôn soi » (litt. : « Je Suis le Parlant à toi »). Remarquer la similitude des deux expressions. La première emploie le participe présent du verbe « être », la seconde le participe présent du verbe « parler ». Ainsi, en Jésus Christ « l’Êtant » s’est fait pour nous « le Parlant ». Il est vraiment « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), la Parole faite chair. Avec Lui et par Lui Dieu Lui-même est venu nous rejoindre et nous parler avec une bouche de chair…Ainsi, cette si belle réponse de Jésus à la Samaritaine nous le présente, dans le contexte immédiat des termes employés par la Samaritaine, comme étant « le Messie » promis par les Ecritures, « le Christ ». Mais l’expression employée nous invite à aller plus loin : il est Dieu Lui-même en la Personne du Fils venu nous transmettre les Paroles qu’il a reçues de son Père (cf. Jn 8,28 ; 12,50 ; 17,7‑8)… Le premier verset de l’Evangile de Marc résume lui aussi de manière semblable le Mystère de Jésus : « Commencement de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu »…

La Samaritaine devient missionnaire par son témoignage (Jn 4,27-42)

La Samaritaine abandonne sa cruche : quelle est maintenant sa priorité, l’eau du puits ou l’Eau Vive donnée par le Christ ? Puis elle court à la ville, et là, que fera-t-elle (cf. Jn 4,29 ; 15,27 ; 19,35) ? Elle devient missionnaire de la Joie qu’elle a elle-même expérimentée…

Jésus demeurera deux jours chez les Samaritains. Parfois, dans les Evangiles, nous lisons que « beaucoup crurent en lui à cause des nombreux miracles qu’il faisait » ? Est‑ce le cas ici ? Qu’est-ce qui a « emporté » leur foi (cf. Jn 4,41)? Et qui est Celui qui, discrètement mais avec puissance, a agi en leur cœur pour les inviter à cette adhésion, à cette confiance (cf. 1Co 12,3 ; 1Th 1,4-7) ? Nous avons vu que la mission première du Christ est d’enseigner, de transmettre à tous les hommes cette Parole de Vie qu’il a reçue de son Père. Nous avons vu également que la mission première de l’Eglise est de marcher sur les traces du Christ pour accomplir avec Lui et par Lui la même œuvre. Aussi, quand nous annonçons aujourd’hui la Parole, d’une manière ou d’une autre, sur quoi devons-nous compter nous aussi avec confiance pour que cette Parole puisse porter du fruit ?

Noter la perspective universelle de Jn 4,42 (cf. Jn 1,4-5.9 ; 1,29 ; 3,16 ; 11,52 ; 17,2 à la lumière de Gn 9,8-17 ; 1Jn 2,2). Et le Catéchisme de l’Eglise Catholique déclare : « Si le Baptême est nécessaire au salut pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé et qui ont eu la possibilité de demander ce sacrement (cf. Mc 16, 16),  » Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé(s) au mystère pascal « . Tout homme qui, ignorant l’Évangile du Christ et son Église, cherche la vérité et fait la volonté de Dieu selon qu’il la connaît, peut être sauvé » (& 1257 et 1260).

La guérison du fils du fonctionnaire royal (Jn 4,46-54)

Jn 4,46-54 complète le panorama commencé en Jn 3. Avec Nicodème et Jean‑Baptiste, Jésus s’était d’abord adressé au Peuple d’Israël. Puis il a poursuivi son œuvre de Révélation et de Salut avec la Samaritaine, qui représente le peuple le plus proche de celui d’Israël. Enfin, il s’adresse ici, à travers ce fonctionnaire royal, aux païens appelés eux aussi à partager la Plénitude de Dieu grâce au pardon des péchés que le Christ est venu nous offrir. Nous retrouvons ainsi le plan missionnaire esquissé dans la Parole du Christ Ressuscité à ses disciples en Ac 1,8 : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».

Un fonctionnaire royal a donc un fils malade, et il vient trouver Jésus pour le prier de « descendre guérir son fils, car il allait mourir ». Retrouver ce verbe « descendre » en Jn 3,13 ; 6,32-35 ; 6,50-51 ; 6,58. A la lumière de tous ces textes, « qui » descend ? « D’où » descend-il et pourquoi ? La guérison de ce fils malade en sera le signe visible…

Mais en Jn 4,48, de quoi Jésus semble-t-il se désoler ? En effet, quel est le but premier qu’il poursuit avec tous ceux et celles qu’il rencontre (cf. Jn 11,42) ? Et ce but a lui-même un « but » : lequel (cf. Jn 20,30-31) ? Jésus ne fait donc pas des miracles pour faire des miracles… Il n’est pas venu enlever toutes nos difficultés d’un coup de baguette magique, et il sait que la foi qui ne recherche que le merveilleux est encore superficielle et fragile (cf. Jn 2,23-25). Lui est venu nous introduire dans le Mystère de sa Vie, pour que nous vivions unis à Lui dans un Mystère de Communion dont le fondement est l’Esprit de Force et de Paix… Alors, si tel est bien le cas, la maison de notre vie sera construite sur le Roc et rien ni personne ne pourra la démolir (cf. Mt 7,24-27).

Cette guérison du fils du fonctionnaire est l’exemple type d’un signe il est la rencontre de deux évènements apparemment indépendants, mais qui apparaissent en fait invisiblement liés par le Christ et son œuvre :

1 – A la prière de ce fonctionnaire, « Seigneur, descends avant que ne meure mon petit enfant », Jésus répond : « Va, ton fils vit ». L’homme accueille cette Parole avec foi. Il quitte Jésus et se met en route pour rentrer chez lui…

2 – Alors qu’il est encore en chemin, ses serviteurs viennent à sa rencontre. Ils ne savent pas qu’il a demandé à Jésus la guérison de son enfant… Ils lui disent qu’il est vivant… Bien noter l’expression : Jésus est venu pour que nous soyons tous comme lui : des « vivants » de sa Vie qu’il reçoit lui-même de son Père. « Il s’informa auprès d’eux de l’heure à laquelle il s’était trouvé mieux. « C’était hier à la septième heure que la fièvre l’a quitté » », à l’instant même où Jésus lui avait dit : « Ton fils vit ».

Pourtant, ces deux évènements sont matériellement indépendants… Mais non, un lien spirituel invisible, mystérieux, les unit : « Dieu Esprit » qui a entendu la prière de ce père et guérit son fils qui était au loin… Le père croit et raconte ce qu’il a vécu : son témoignage est missionnaire et toute sa maison croit avec lui (Jn 4,53 ; Ac 16,33)…

Un signe est souvent la rencontre de deux évènements apparemment indépendants, le deuxième correspondant pourtant parfaitement aux circonstances ou à l’attente exprimées dans le premier… Et Jésus continue d’agir ainsi tous les jours pour chacun d’entre nous. Mais seul un regard de foi, dans la lumière de l’Esprit Saint, peut le reconnaître… « Heureux sommes-nous » si tel est le cas, nous dit Jésus, car lui ne cherche, ne désire, ne poursuit que la Plénitude de notre vie…

Mt 13,16-17 : « Quant à vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient ; heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent. En vérité je vous le dis, beaucoup de prophètes et de justes ont souhaité voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! »

                                                                                                                              D. Jacques Fournier

Correction de la fiche N°9

CV – 9 – Jn 4 correction




Fiche n°10 : L’œuvre du Fils : « juger-sauver », ressusciter (Jn 5).

Le chapitre 5 de l’Evangile selon St Jean comprend deux grandes parties : un signe et un discours, qui s’éclairent mutuellement.

La guérison d’un infirme à la piscine de Béthesda (Jn 5,1-18)

Des fouilles récentes ont mis au jour, au nord-est de Jérusalem, une piscine trapézoïdale constituée de deux grands bassins profonds de 14 mètres séparés par une digue large de 6,50 m. Le bassin sud, le plus grand, faisait 55 m sur 48. L’autre mesurait environ 40 m sur 50. Des colonnades entouraient l’ensemble ; la digue en était aussi pourvue, d’où peut-être la mention des « cinq portiques » dans notre texte. On a également découvert, près de ces bassins, des petits bains qui faisaient partie d’une installation cultuelle dédiée au dieu guérisseur égyptien Sérapis. Comment les scribes et les Pharisiens devaient-ils considérer cet endroit consacré à une idole ? Y seraient-ils entrés (cf. ­­situation semblable en Jn 18,28) ? De plus, la maladie était perçue à l’époque comme la conséquence du péché (cf. Jn 9,1-2), et le péché comme la source de toute impureté. Comment les scribes et les Pharisiens regardaient-ils ces « infirmes, aveugles, boiteux, impotents » ? Seraient-ils allés vers eux ? Et pourtant, où Jésus est-il ici et que fait‑il (cf. Mc 1,41 ; 2,15-17…) ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de son attitude ?

Que représente d’ailleurs pour St Jean « cette multitude d’infirmes, aveugles, boiteux, impotents » (se souvenir que le chiffre 4 est symbole d’universalité (les quatre points cardinaux)) ? Et que fait Jésus vis-à-vis d’elle (Luc 15,4-7 ; Jean 3,16-17) ? Quelle situation tragique a-t-il tout de suite remarquée (cf. Jn 5,5-7) ? De plus, la croyance de cet homme exposée en 5,7 était-elle juste ? Jésus lui fait-il par la suite des reproches à ce sujet ? Dit-on d’ailleurs que cet homme a « foi en Jésus » ? Dans sa croyance, qu’espère-t-il de lui ?

Pourtant, il arrivera ce qu’il n’aurait peut-être jamais osé demander ou même imaginer… Quel est en effet le désir profond qui l’habite ? Et Jésus l’abordera en disant : « j Veux-tu k devenir l bien portant (sain) ? »

C’est toujours Jésus qui a l’initiative. Tout vient de lui, lui qui « veut » déjà notre bien le plus profond (cf. 1Tm 2,4 avec Mt 18,14 ; Jn 17,24 ; Dt 30,19 ; Ez 18,23 ; 33,11). Mais que suggère ce « veux-tu » (cf. Mc 10,51 ; Mt 19,17.21; Ga 5,13 ; 1P2,16 ; Lc 15,18) ? Que représente ici cet « infirme » couché sur son « grabat » (cf. Rm 3,9 ; 6,23) ? Dans le grec des Evangiles, le verbe traduit par « se lever » est le même employé pour décrire la résurrection du Christ ; que suggère-t-il ici ? Si le grabat peut symboliser le péché et le fait d’être couché dessus ses conséquences, avant l’intervention du Christ qui portait qui, et donc qui dominait sur qui ? Et après l’intervention du Christ, qu’en est-il (cf. 1Co 10,13)[1] ?

Jésus dit à tous ses disciples : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et me suive » (Mc 8,34). Que signifie notamment, d’après ce que nous venons de voir, « se renier soi-même » et « prendre sa croix » ? Sommes-nous seuls pour porter notre fardeau (cf. Mt 8,17 ; 11,28-30 ; 2Co 12,9) ? Tout malade ne peut qu’espérer bien sûr une guérison totale. Mais n’oublions jamais que la maladie représente ici celle du péché, cette blessure intérieure qui nous habite tous, d’une manière ou d’une autre. Or Jésus ne dit pas ici « Veux-tu être bien portant ? », mais « Veux-tu devenir bien portant ? » Quelle nuance apporte l’utilisation par Jésus de ce verbe « devenir » ? Sa guérison physique, qu’il expérimente très concrètement en son corps, est-elle alors un point d’arrivée ou un point de départ ? Retrouver la réponse avec le troisième verbe employé par Jésus en Jn 5,8. Dans quel processus sommes-nous engagés (Ep 4,15 ; Ph 1,9-11 ; 3,12-16 ; 1Th 3,12 ; 2P 3,18) ?

 Enfin, n’oublions pas que dans la Bible, l’homme est « un ». Il n’a pas un corps, il est corps ; il n’a pas une âme, il est âme ; il n’a pas un esprit, il est esprit. L’homme ici a retrouvé la santé en son corps. Mais ce résultat visible de l’action de Dieu manifeste une transformation qui l’a atteint dans son être tout entier : corps, âme et esprit (cf. 1Th 5,23).

De plus, Jésus a accompli cette guérison sans utiliser l’eau de ce temple dédié à Sérapis, le dieu guérisseur. Dans un tel contexte, comment se présente-t-il indirectement ((a) Lc 5,31-32 ; (b) Jn 4,42 ; 1Jn 4,14 ; Lc 2,11 ; sans jamais oublier Jude 1,25 et Ac 5,31 ; 13,23 et donc Lc 1,47 ; 1Tm 2,3-4 ; 4,10 ; conclusion avec Tt 3,4-7) ?

Jésus agira par sa seule Parole ; que nous suggère cette manière de faire (cf. Gn 1,1-25 avec Jn 5,19-20) ? Quel but poursuit-il (2Co 5,17-21 ; Jn 17,24 ; Jn 14,1-4) ? De quoi cette guérison sera-t-elle donc le signe ? Et de fait, où Jésus retrouvera-t-il par la suite cet homme guéri (cf. Jn 5,14 ; se souvenir aussi de l’expression employée au début de Jn 14,2, lue avec Jn 20,17) ?

Cet infirme guéri a-t-il vraiment compris au moment de sa guérison qui est Jésus et le don incroyable qu’il vient de recevoir (cf. Jn 5,13) ? Les mariés des Noces de Cana avaient-ils eux aussi demandé quelque chose à Jésus, le connaissaient-ils, croyaient-ils en Lui, ont-ils pris conscience de tout ce qu’ils ont reçu (cf. Jn 2,1-12) ? La veuve de Naïn (Lc 7,11-17) et l’aveugle-né (Jean 9,1-7) connaissaient-ils eux aussi Jésus, avait-ils foi en Lui, lui ont-ils demandé quelque chose ? Et pourtant, que fera Jésus pour eux ? A partir de tous ces exemples, quelles conclusions pouvons-nous tirer sur Jésus, sa Présence auprès des hommes, son action à leur égard ? Ceci est-il toujours valable dans l’aujourd’hui de notre histoire (cf. Mt 28,20 ; Hb 13,8) ? Quel regard de foi sommes-nous donc invités à porter sur tous ceux et celles qui nous entourent, qu’ils soient croyants comme nous, ou croyants différemment ou encore incroyants ? La base de tout, en fin de compte, est la bonne volonté… Avec elle et par elle, que nous en soyons conscients ou pas, le Père guide ses enfants sur les chemins qui mènent à sa Maison…

Or en quel jour Jésus a-t-il accompli ce miracle ? Cela posera deux problèmes pour les scribes et les Pharisiens, lesquels (cf. j Jn 5,10 ; k Jn 5,15-16 ; Lc 13,14) ? De fait, que demande la Loi de Moïse pour le sabbat (Ex 20,8-11 ; Dt 5,12-15) ? Mais le but d’une telle demande est de se mettre dans les meilleures conditions possibles pour vivre sa relation avec Dieu. Or, qu’est-ce qui nous empêche de vivre pleinement cette relation (Rm 7,14-25)? Et d’après ce que nous venons de voir, de quoi les guérisons accomplies par Jésus sont-elles le signe ? Jésus s’oppose-t-il donc au commandement du sabbat, ou au contraire en permet-il le meilleur accomplissement possible (cf. Jn 7,19-24) ?

A l’époque de Jésus, les maladies et la mort étaient donc comprises comme des châtiments que le Dieu Juge envoyait du ciel pour punir les pécheurs (cf. 1R 8,32). Et puisque l’on pouvait tomber malade ou mourir un jour du Sabbat, on en avait déduit que l’activité du Dieu Juge ne cesse jamais… Or, pour expliquer son action, que dit Jésus en Jn 5,17 ? Quelle prétention y voient aussitôt les scribes et les Pharisiens ?

Le discours de Jésus (Jn 5,19-49)

             Au début de son discours, Jésus va tout de suite rebondir sur ces reproches que ses interlocuteurs viennent de lui faire. Ils l’accusent de « se faire l’égal de Dieu », de se mettre en avant… Mais dans ses toutes premières paroles en 5,19-20 et plus tard en 5,30, comment Jésus se présente-t-il ? Retrouver ce principe fondamental dans les versets suivants pour sa Parole (7,16-17 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10 ; 14,24 ; 17,7-8) et ses œuvres (5,36 ; 9,1-4 ; 10,36-38 ; 14,10-11). Quel est d’après Jn 14,10-11 le fondement sur lequel le Fils construit toute sa vie ? D’après les tout premiers mots de Jn 5,20, quel en est le contexte ? Et comment le Christ répond-il (cf. Jn 14,31 ; 4,34 ; Ph 2,8 ; Hb 5,8) ? Quelle devrait donc être, à l’exemple du Fils, l’attitude de base de tout chrétien « fils ou fille de Dieu » au plus profond de son cœur (Ac 5,29 ; 6,7 ; Rm 6,16 ; 16,19 ; 2Co 9,13 ; 10,4-5 ; Ph 2,12 ; 1P 1,1-2 ; 1,14.22). Par quelle expression St Paul résume-t-il cette attitude (cf. Rm 1,5 ; 16,26) ?

Dieu appelle ainsi l’homme au plus profond de lui-même, au plus profond de son être. Nous sommes ici à la source de ce que nous appelons notre « conscience »… En effet, celle-ci est la conséquence directe de l’action créatrice de Dieu qui nous a suscités dans l’existence par son Souffle, l’Esprit Saint (Gn 2,4b-7), et qui nous maintient en vie, instant après instant, par ce même Souffle (Job 34,14-15)… C’est donc une réalité de l’ordre de l’Esprit qui est à la racine la plus profonde de notre être, de notre vie… L’Esprit de Dieu a créé notre esprit, et il le maintient dans l’existence instant après instant. Et cet « esprit » participe, de par ce qu’il est, à la nature même de Dieu (Jn 4,24). Il porte donc en lui toutes les richesses divines : amour, vérité, justice, droiture, loyauté, compassion, sagesse… Et ces richesses s’expriment spontanément dans ce que nous appelons notre « conscience ». Etre fidèle à sa conscience, l’écouter, c’est donc en fin de compte être fidèle à Dieu, écouter Dieu, même si cette conscience a besoin d’être éclairée, purifiée, fortifiée… Combien vivent sans faire attention à ce trésor qui les habite déjà… C’est pour cela que découvrir le Mystère de Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ est au même moment une découverte de soi-même, de ce que nous sommes tous : des êtres spirituels qui vivent déjà de la Plénitude même de Dieu, et qui sont appelés à partager cette Plénitude en acceptant librement de la recevoir de Celui qui ne cesse de vouloir nous la communiquer ! Nous avons tous été créés pour cela… Mais avant de recevoir, il faut d’abord prendre conscience de l’existence de Dieu, cet Être éternellement bienveillant et toujours offert. Ensuite, il faut accepter librement de se tourner vers lui pour recevoir le Don de sa Vie, de sa Paix, un Don qu’il veut voir régner en nous pour notre bien. Telles sont toutes les étapes d’une « conversion » à laquelle Dieu travaille, patiemment, inlassablement, pour que nous puissions connaître la Plénitude, la sienne ! Tel sera alors notre bonheur profond. En prendre conscience ne pourra donc qu’être pour nous synonyme de lumière, d’émerveillement, d’intensité de vie inégalée… « Heureux ceux qui croient »… Le paradoxe des paradoxes est que les hommes cherchent tous le bonheur en courant après l’argent, les biens matériels, les honneurs, alors que Dieu de son côté court après chacun de nous pour nous inviter au seul vrai bonheur pour lequel il nous a tous créés, le sien… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,10)… Prendre du temps pour s’arrêter et se placer sous la lumière de cette Parole que le Fils est venue nous adresser au Nom de son Père, c’est découvrir avec lui, avec elle, dans l’invisible de l’Esprit, une réalité intense et paisible de l’ordre de la vie, qui suffit déjà à nous combler dès ici-bas ! Sa Présence en nous sera le fruit de la Miséricorde de Dieu qui veut notre bien plus que nous-mêmes. En effet, quel que soit notre « état », la gravité et l’étendue de nos blessures, « Dieu ne cesse pas de nous suivre pour nous faire du bien »… Et l’on pourrait même dire que cette Présence se fera d’autant plus insistante que nous sommes blessés, plongés dans les ténèbres, et donc finalement, sans en avoir peut-être pleinement conscience, profondément malheureux… Et voilà justement ce que notre Père à tous ne supporte pas ! Alors, s’il nous appelle à l’aimer « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit » (Mt 22,37), c’est bien parce que Lui est le premier à le faire depuis toujours : « Je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement dans ce pays » (ce Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit) « de tout mon cœur et de toute mon âme » ! Et là, le prophète Jérémie évoque l’infini du cœur de Dieu (Jr 32,39-41) !

Accepterons-nous enfin de prendre du temps pour lui, de nous tourner vers Lui, d’écouter ce qu’il nous a dit par son Fils, et de le laisser agir en nous ? Nous ne pourrons alors que reconnaître, en la vivant, cette Plénitude de Vie et de Paix qu’il désire nous communiquer… Heureux serons-nous alors… Jésus est venu nous rejoindre pour cela : « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10)… Et il est le Bon Pasteur qui cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve (Lc 15,4-7). Combien de fois dans notre vie n’allons-nous pas être des « perdus », et à chaque fois… il nous retrouvera et nous donnera de vivre et de revivre sa vie, sa paix… en attendant ce jour tout à la fois désiré et redouté où, enfin, nous le verrons !

D’ailleurs, quelle notion intervient deux fois en Jn 5,26 ? A la lumière de cette insistance, lorsque le Christ va ensuite parler d’un « pouvoir » reçu de son Père, de quel « pouvoir » pourrait-on s’attendre (cf. Jn 17,1-2 ; 10,10 ; 5,40) ? Et pourtant, c’est la notion de « jugement » qui intervient en Jn 5,27 ! Conclusion : en mettant en parallèle la réponse précédente et cette notion de jugement, que veut donc dire pour Dieu « exercer le jugement » ? Retrouver la réponse avec Jn 3,14-18. Dieu juge-t-il donc au sens de « condamner » (cf. Jn 5,22 ; 5,45 ; 8,10-11 ; 1Jn 2,1-2 ; Rm 8,31-34) ? Quelle est son unique préoccupation (1Tm 2,3-6) ? Et de fait, si le thème du jugement apparaît aux versets 22, 24, 27, 29, 30, quel autre thème se croise continuellement avec lui (versets 21, 24, 25, 28-29) ? Retrouver ainsi une nouvelle fois ce que veut dire pour Dieu « exercer le jugement » (voir aussi Col 1,12-14 ; Jn 12,31-32). Ainsi, celui qui, jour après jour, accepte le Christ Sauveur dans son cœur et dans sa vie, reçoit « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19), Celui qui a versé tout son sang sur la Croix pour que nous puissions être libérés du mal et de ses conséquences (1Jn 1,7 ; Ap 1,5 ; 7,13-17 ; 12,10-12 ; Hb 9,14) et vivre ainsi de sa vie (Jn 6,53-57), en communion de vie avec lui (1Jn 1,1-4)… Car le sang dans la Bible symbolise la vie… En nous donnant « son » sang (Lv 17,11 ; 17,14), Jésus nous donne « sa » vie, pour que nous vivions de « sa » vie… Et cette vie sera le fruit, en nous, de l’action de l’Esprit car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), c’est « l’Esprit qui est notre vie » (Ga 5,25)…

Quels sont donc « les morts » évoqués en Jn 5,25, des « morts » qui « entendent la voix du Fils de Dieu » et qui ne sont donc pas si morts que cela (cf. Lc 5,31-32 ; Rm 6,23) ? Souvenons-nous que nous avons rencontré ce thème de « la voix » en Jn 3,8 : « Le vent (ou l’Esprit, même mot en grec, pneûma) souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3,8). Cette « voix » est donc celle de l’Esprit… Entendre « la voix du Fils de Dieu », c’est entendre « la voix » silencieuse de l’Esprit qui se joint à sa Parole et touche les cœurs… En effet, souvenons-nous encore de Jn 3,34 : « Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure ». En donnant la Parole du Père, Jésus donne l’Esprit sans mesure. Accueillir la Parole de Jésus de tout cœur, c’est donc au même moment accueillir l’Esprit. Les disciples qui entendaient de leurs oreilles la voix de chair de Jésus, percevaient donc au même moment, au plus profond d’eux-mêmes, un « je ne sais quoi », comme dirait Ste Thérèse de Lisieux : la voix de l’Esprit qui « parlait » par sa simple Présence en eux. Avec lui, ils vivaient donc de la vie de Dieu, car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)… Et puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et que « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), avec lui encore, ils faisaient en même temps une expérience de Lumière, que l’on peut aussi traduire en terme de Joie (cf. 1Th 1,5-6). Jésus, conscient qu’ils accueillaient à travers sa Parole la réalité même de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité, pouvait leur dire : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez et les oreilles qui entendent ce que vous entendez » (Mt 13,16‑17). Ils vivaient ce que lui aussi vivait… « A cette heure même, il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir » (Lc 10,21).Heureux étaient-ils parce qu’ils accueillaient avec sa Parole l’Esprit donné sans mesure, l’Esprit qui vivifie, l’Esprit qui est Lumière et Joie… Ils entendaient « la voix de l’Esprit ». C’est pourquoi Jésus parle ici, en Jn 5,25, de ces « morts », de ces pécheurs, qui vont accepter librement de l’accueillir, de l’écouter, de lui ouvrir leur cœur : ils vont « entendre la voix du Fils de Dieu » et donc avec lui « la voix » de l’Esprit… Alors, ils ne peuvent que vivre, car « l’Esprit vivifie » (Jn 6,63). D’où l’affirmation de Jésus : « et ceux qui l’auront entendue vivront »…

Par contre, quels sont « les morts » qui interviennent ensuite en Jn 5,28 ? On peut lire Ez 37,1-14 en pensant au même thème… Bien noter qu’en Jn 5,28-29, tous les morts ressusciteront, tous, sans aucune exception, « ceux qui auront fait le bien » et « ceux qui auront fait le mal »… Or, celui qui a fait le bien, avant de l’accomplir, a dit « oui » au bien dans son cœur. Peut-être n’en était-il pas conscient, mais au même moment, il disait « oui ! » à Dieu et son « faire le bien » était déjà habité par la Présence de Celui qui est le Bien par excellence, et qui se plait « à faire le bien » pour les uns et pour les autres, par les uns et par les autres… « Dieu est Amour » (1Jn 4,8), il est le Bien, il est « la Vérité » (Jn 14,6). Ainsi, « celui qui fait la vérité » du bien et de l’amour, « vient à la lumière afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu » (Jn 3,21). Dieu le soutient dans le bien qu’il accomplit, il l’entoure, il l’encourage, mystérieusement il le guide, et ce bien fait « en Dieu » devient l’œuvre de Dieu lui-même…

« Ceux qui auront fait le mal » sortiront des tombeaux « pour une résurrection de jugement » (Jn 5,29). A la lumière de la notion de « jugement » rencontrée précédemment, que sera pour eux cette « résurrection de jugement » ? Quelle énorme espérance pouvons-nous donc avoir à leur égard ? Encore faudra-t-il, une fois de plus, qu’ils acceptent, librement, de se laisser aimer par « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3)… L’Amour, en effet, peut se faire pressant, suppliant, dans son ardeur à vouloir le bien pour celui et celle qu’il aime… Mais il ne peut s’imposer, il ne peut « forcer » qui que ce soit… Le Seigneur nous aidera, il nous encouragera, il insistera pour que nous acceptions d’entrer dans sa Maison, mais il ne nous obligera jamais à le faire… D’où l’importance de lui dire « Oui ! » dès maintenant, en lui offrant tout, toutes nos misères, nos mauvaises volontés, nos manques d’amour… Et lui fera ce qu’il ne cesse de faire de toute éternité : face au mal, l’Amour prend le visage de la Miséricorde qui, inlassablement, enlève le péché du monde, pardonne, lave, purifie, sanctifie… « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent » (Ste Thérèse de Lisieux).

Ps 103(102),1-18 : « Bénis le Seigneur, ô mon âme,

bénis son nom très saint, tout mon être !

Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ;

il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse ;

il comble de biens tes vieux jours : tu renouvelles, comme l’aigle, ta jeunesse.

Le Seigneur fait œuvre de justice, il défend le droit des opprimés.

Il révèle ses desseins à Moïse, aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ;

il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ;

il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.

Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ;

aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ;

comme la tendresse du père pour ses fils,

la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

Il sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière.

L’homme ! ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit :

dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore.

Mais l’amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, *            et sa justice pour les enfants de leurs enfants,

pour ceux qui gardent son alliance et se souviennent d’accomplir ses volontés »…

Quelle notion prépondérante apparaît ensuite en Jn 5,31-40 ? On peut dire que le principe est énoncé en Jn 5,31-32. Apparaissent ensuite tous les acteurs qui mettront en œuvre cette notion : les indiquer. Et qui en est, à chaque fois, le bénéficiaire ? Nous le voyons, nous sommes ici en plein procès de Jésus accusé par les autorités religieuses d’Israël de « se faire égal à Dieu » (Jn 5,18). Or, d’après la Loi de Moïse, quel était le nombre de témoins nécessaires pour « convaincre un homme de quelque faute ou délit que ce soit » (cf. Dt 19,15) ? Ce chiffre n’est-il pas atteint ici, et même dépassé ?

D’après Jn 5,44, quelle attitude s’oppose à l’accueil du Christ ? Quelle en est la conséquence (cf. Jn 12,37-41 ; Mc 8,17-18) ? Leur cœur est-il donc ouvert ou fermé ? Et puisque Dieu est Amour et Source d’Amour et de Vie (1Jn 4,8.16 ; Jr 2,13 ; 17,13 ; Jn 7,37-39 avec Rm 5,5), qu’auraient-ils aussitôt en eux-mêmes si leur cœur lui était ouvert (cf. Jn 5,42 et Jn 5,40 en notant que « venir à » en St Jean équivaut à « croire » (cf. Jn 6,35)) ? Après avoir reconnu cette Présence vivifiante en eux de l’Esprit, que se passerait-il alors (cf. deuxième partie de 1Co 12,3 ; puis Jn 5,23 car Jn 10,30) ?

En effet, s’ils avaient en eux « l’amour de Dieu », c’est bien parce ce que « un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27). En effet, « Dieu est Amour  » (1Jn 4,8). Or, « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux). Ainsi Dieu, de toute éternité, est Source de ce qu’Il est lui-même. Il ne cesse de tout donner, tout ce qu’Il Est… Il Est Lumière (1Jn 1,5) ? Il donne la Lumière… Il Est Amour ? Il donne l’Amour… Il Est Esprit (Jn 4,24) ? Il donne l’Esprit… Et son Esprit, bien sûr, est Amour et Lumière… Voilà pourquoi, en nous donnant l’Esprit, il nous donne aussi l’Amour, une force pour aimer : « L’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné », dit St Paul (Rm 5,5). Mais avec l’Esprit, nous recevons aussi la Lumière… « N’éteignez pas l’Esprit », dira St Paul (1Th 5,19)… Alors, si les interlocuteurs de Jésus étaient vraiment ouverts à Dieu de tout cœur, comme ils le prétendent, ils auraient en eux sa lumière. Or, dit le Psalmiste, « par ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36(35),10). Jésus est la « Lumière du monde » (Jn 8,12) ? Ils l’auraient aussitôt reconnu et aimé… Mais puisqu’ils refusent d’accueillir en eux cette Lumière de l’Amour en faisant la vérité dans leur vie, vérité de leur misère qui pourrait accueillir la Vérité de la Miséricorde de Dieu, ils n’accueillent pas Jésus (Jn 5,43). Pire, ils vont aller jusqu’à le haïr (Jn 15,18-27).

Et dans la même foulée, s’ils croyaient vraiment en Moïse (Jn 5,46), puisque Moïse n’a fait que transmettre les Paroles qu’il avait reçues de Dieu, et notamment « les Dix Paroles » (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-22), c’est Dieu à travers lui qu’ils auraient accueilli… Et si tel avait été vraiment le cas, ils auraient reconnu que la Parole de Jésus jaillit de la même source : toutes les Paroles qu’il nous transmet viennent aussi du Père… Et puisque Jésus, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), est Dieu (Jn 1,1 ; 20,28), en accueillant Dieu par Moïse, ils auraient accueilli en même temps le Mystère du Fils éternel « unique engendré » (Jn 1,18)… Il n’est donc pas possible de dire que l’on croit en Moïse et au même moment qu’on ne croit pas en Jésus… Mystère de ce péché qui est résistance à Dieu, refus de Dieu… Jésus, « vrai Dieu né du vrai Dieu » va l’affronter dans toute son intensité et se laisser broyer par lui… Mais rien, absolument rien ne peut empêcher Dieu d’être ce qu’Il Est, et Il Est Amour… A la mort de son Fils, il répondra par l’Amour… L’Amour qui arrache à la mort le Fils Bien-Aimé et qui l’envoie bénir tous ceux qui l’ont tué !

« Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,25-26).

Dieu ne sait en effet que bénir, c’est-à-dire vouloir et accomplir par ses dons le bien de tous les hommes qu’il aime… Tous, sans exception, et tout particulièrement ceux qui sont pris fans les filets du mal, de la violence et de la haine, un mal qui les prive de la Plénitude de Dieu et ne peut donc que les plonger dans la souffrance intérieure et la détresse (Rm 2,9). Voilà, justement, ce que Dieu n’acceptera jamais.

                                                                                                                             D. Jacques Fournier

[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique & 405 ; 418 ; 1264 ; 1426 : « La nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée  » concupiscence « ). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel ».« Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, « celui qui aura combattu selon les règles sera couronné » (2 Tm 2, 5). » « La vie nouvelle reçue dans l’initiation chrétienne n’a donc pas supprimé la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclination au péché que la tradition appelle la concupiscence, qui demeure dans les baptisés pour qu’ils fassent leurs preuves dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ. Ce combat est celui de la conversion en vue de la sainteté et de la vie éternelle à laquelle le Seigneur ne cesse de nous appeler ».

Correction de la fiche N°10

CV – 10 – Jn 5 correction




Fiche n°11 : Jésus « Pain de Vie » par sa Parole et par sa chair offerte (Jn 6). (1)

Comme le chapitre 5, le chapitre 6 de l’Evangile selon St Jean est construit en deux grandes parties : deux signes (I) et un discours (II) qui s’éclairent mutuellement.

La multiplication des pains (Jn 6,1-15) 

  • D’après Jn 2,23-25, comment Jésus regarde-t-il ceux qui viennent à Lui uniquement « à la vue des signes qu’il opérait sur les malades » (Jn 6,2) ? Que peut-on dire de leur foi ? Et pourtant, à quoi servent les signes (cf. Jn 11,42 ; 20,30-31 ; 2,11 ; 4,46-54) ? Aussi que va faire Jésus : rejeter cette foule qui vient à Lui avec une foi imparfaite ? Que lui donnera-t-il au contraire ? Et qu’espèrera-t-il à nouveau (cf. Jn 14,8‑11 ; 1Jn 1,1-4 ; 1Jn 4,9 avec 4,14‑16) ?

  • Où Jésus va-t-il en Jn 6,3 ? Dans la Bible, ce lieu est traditionnellement celui de la prière, de la rencontre avec Dieu qui « se tient au ciel » (Ps 12,1). Symboliquement, on se rapproche ainsi de lui… Symboliquement, car le ciel n’est « pas un lieu » mais un état, et par suite « une manière d’être » (Catéchisme de l’Eglise Catholique & 2794). Le ciel, « le Royaume des Cieux » est en effet « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Il est Mystère de Communion avec Dieu dans l’unité d’un même Esprit. C’est pour cela que, mystérieusement, dans la foi, il est déjà commencé dès ici-bas par le Don de l’Esprit. Elisabeth de la Trinité, Carmélite, écrivait : « C’est si bon cette Présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme, que j’aime le trouver puisqu’Il ne me quitte jamais… J’ai trouvé le ciel sur la terre puisque le ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme… Vous êtes vous-mêmes la retraite où Il s’abrite, la demeure où il se cache ». Il est en effet possible, dès ici-bas, de reconnaître, de percevoir « quelque chose » de cette Vie du Ciel qui nous est promise en plénitude par-delà notre mort. En effet, Jésus a dit à Nicodème : « L’Esprit souffle où il veut et tu entends sa voix. Mais tu ne sais pas ni d’où il vient, no où il va » (Jn 3,8)… « Tu entends sa voix »… « La vie est bien mystérieuse », écrivait Ste Thérèse de Lisieux. « Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ». C’est ce « je ne sais quoi », synonyme de densité de vie et de paix profonde qu’il s’agit de « voir », « d’entendre », de reconnaître… Jésus aurait pu dire en regardant Ste Thérèse et la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité : « Quant à vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient ; heureuses vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13,16). Tel est le fruit de la prière, dans la foi…

Mais en indiquant ce lieu précis en Jn 6,3, St Jean veut comparer Jésus à une grande figure de l’Ancien Testament, laquelle (cf. Ex 19,20) ? Ce parallèle était déjà intervenu au tout début de l’Evangile (Jn 1,17), puis dans la présentation de Jésus (Jn 1,45), puis en Jn 3,14-15, juste avant de résumer le cœur de sa mission (Jn 3,16-17), et enfin en Jn 5,45-46, quelques lignes avant le début de notre chapitre 6, où nous le retrouverons en Jn 6,32… Il est vrai que nous allons beaucoup parler de pain en Jn 6 : que s’était-il donc passé pendant l’Exode du Peuple d’Israël de l’Egypte vers la Terre Promise vers 1250 avant JC (cf. Ex 16,11-16)…

St Jean insiste sur ce parallèle. En effet, quelle prophétie Moïse avait-il faite en Dt 18,15 et 18,18 ? Qui accomplira, une fois de plus, cette prophétie (cf. Jn 4,19) ? Et de fait, que dira la foule en Jn 6,14 ?

  • A l’occasion de quelle grande fête Jésus mourra-t-il sur une Croix pour le salut du monde (cf. Jn 13,1 ; 18,28.39.19,14.31.42) ? En quels termes parlera-t-il alors de son offrande (cf. Jn 6,51 ; Mt 26,26-29) ? C’est donc pour évoquer sa Passion prochaine, là où toutes ses Paroles s’accompliront pleinement, que St Jean mentionne cette fête au tout début de ce récit de la multiplication des pains (Jn 6,4). Il nous met ainsi déjà sur la voie : ce pain multiplié représentera Jésus lui-même… A son époque, la Pâque commémorait la libération de l’oppression d’Egypte et le départ du Peuple hébreu vers la Terre Promise… Nous pouvons relire cette histoire ancienne et l’appliquer à nos vies en pensant non plus au Pharaon d’Egypte mais au prince des ténèbres, non plus à la Terre Promise mais au Royaume des Cieux déjà offert à notre foi par le Don de l’Esprit Saint. Le péché et le mal sont en fait des tyrans qui nous plongent dans « le mal-être », « la souffrance, l’angoisse » (Rm 2,9)… Un pécheur est donc avant tout un souffrant, un malheureux au plus profond de lui-même, un esclave de toutes sortes de plaisirs qui se révèlent en fait mensongers et destructeurs… Et voilà justement ce que Dieu ne supporte pas : tout ce qui abîme sa créature… Il est donc venu avec son Fils Jésus Christ et par lui, pour nous combler de tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes (Relire Rm 3,23 puis Jn 17,22). L’Exode de notre vie sera donc de quitter petit à petit le mal, ce qui nous rend mal, ce qui nous blesse, pour découvrir avec le Christ la Plénitude de l’Être et de la Vie (cf. Jn 8,31-36 ; 8,12 avec 12,46 ; Colossiens 1,13-14 et Ac 26,15-18 ; Jn 3,3 et 3,5 avec 14,1-4 et 17,24 ; et finalement Jn 5,24 avec 6,49-51 et 6,58)…

  • La foule demande-t-elle quelque chose à Jésus ? Qui prendra l’initiative de la multiplication des pains et pourquoi (cf. Mc 8,1-3 ; Mt 15,32) ? Que retrouve-t-on ici très concrètement (cf. Mt 6,8 et Lc 12,29-31) ? Et d’après Hb 13,8, qu’en est-il pour nous, dans l’aujourd’hui de notre vie ? Mais bien sûr, cela demande un regard de foi… D’où l’appel répété de Jésus dans les Evangiles : « Veillez, priez »…

  • Puis Jésus dit à Philippe : « Où achèterons-nous des pains pour que mangent ces gens ? » Puisque Jésus est venu « accomplir les Ecritures » (Jn 17,12 ; 19,23-37) et qu’il ne se préoccupe pas habituellement « d’argent » ou « d’achats », à quoi Philippe aurait-il pu penser (Is 55,1‑3 ; Jn 7,37-39) ? De plus, Philippe remarque bien que «  deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau » (Jn 6,7 où un denier correspond au salaire journalier d’un ouvrier agricole). Et il savait que Jésus et ses disciples ne marchaient pas sur les routes de Palestine avec une somme pareille ! Là encore, cette simple constatation aurait dû éveiller son attention, car Jésus ne parle jamais pour ne rien dire ! Enfin, où se trouvent-ils (Mc 6,35-36) ? Etait-il donc concrètement possible de faire ce que Jésus semblait suggérer : « acheter du pain pour la foule » ? Encore une fois, Jésus ne le savait-il pas ? Et malgré tout cela, le déclic que Jésus attendait de Philippe n’arrivera pas…

  • En Is 55,2b-3, « manger » a une portée symbolique, laquelle : quelle est « la réalité » qu’il faut manger d’après le verset 3 (cf. Am 8,11 ; Dt 8,3 ; Ne 9,29 ; Ez 3,1-3) ? Et qu’est-ce que Jésus est venu nous donner (cf. Jn 17,7-8 ; 5,24 ; 6,63 ; 6,68) ? Voilà notre nourriture par excellence… En effet, la lecture de la Parole de Dieu est « nourriture de vie éternelle », car l’Esprit se joint à elle pour lui rendre témoignage au plus profond des cœurs : « Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu, car », en les prononçant, « il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Et, « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Ainsi, ouvrir son cœur à la Parole de Dieu, c’est s’ouvrir à l’Esprit. Et sa Présence en nos cœurs sera « vie », « vie nouvelle », « vie éternelle »… C’est pour cela qu’on ne se lasse pas de lire la Parole de Dieu : avec elle, il nous est donné de vivre de la vraie vie, celle qui nous attend en Plénitude par-delà notre mort… « Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie » (Ste Thérèse de Lisieux)…

  • En 6,9, un enfant a cinq pains et deux poissons. Est-il humainement possible de nourrir une foule de cinq mille hommes avec cela ? Quelle attitude « raisonnable » aurait-il pu adopter ? Et pourtant, que fait-il ? Quelle leçon nous donne-t-il ?

Le mot « orge » n’intervient qu’ici dans les Evangiles, et une seule autre fois dans le Nouveau Testament en Ap 6,6. St Jean a ainsi précisé par deux fois la nature de ces pains (Jn 6,9.13) pour faire allusion à la multiplication des pains opérée par Elisée (2R 4,42-44). Quelles informations sur Jésus peut-on retirer de ce parallèle ?

Qu’était ce pain d’orge d’après 2R 4,42 ? Il était utilisé dans un cadre liturgique, en obéissance à la Loi de Moïse, la Loi de l’Alliance (Si 39,8 ; 44,20) pour rendre grâce à Dieu à l’occasion d’une nouvelle récolte (Dt 26,1-11). Ce « pain d’orge » symbolise donc ici pour St Jean « l’Ancienne Alliance », et sa manière de faire, selon la Loi de Moïse. Ce pain d’orge va maintenant passer dans les mains de Jésus, être transformé, multiplié et distribué à toute la foule. Jésus prend ainsi « le pain de l’Ancienne Alliance » pour le transformer en « pain de la Nouvelle Alliance », ce pain que nous recevons encore aujourd’hui au cours de nos Eucharisties. Nous constatons ainsi une fois de plus que Jésus ne détruit pas l’Ancienne Alliance ; au contraire, il la mène à sa perfection, il lui permet d’atteindre ce qu’elle annonçait (Mt 5,17 ; Hb 8,6-13 ; 9,15) : l’Alliance Nouvelle et éternelle que Dieu veut vivre avec tout homme. A nous maintenant de lui dire oui ! Dans le miracle des Noces de Cana (Jn 2,1-12), la symbolique était identique. Jésus avait employé l’eau qui servait habituellement aux ablutions rituelles dans le cadre de l’Ancienne Alliance, en obéissance à la Loi de Moïse. En transformant cette eau-là, il montrait que l’Ancienne Alliance est accomplie et qu’il est venu en établir une Nouvelle. « L’eau de la Loi » cède alors la place au « bon vin de l’Esprit Saint », cadeau par excellence de l’Alliance Nouvelle (cf. Lc 11,9-13)…

  • « Alors Jésus prit les pains et, ayant rendu grâces, il les distribua (En grec : « diadidômi » ; donner se dit « didômi ») aux convives Quand ils furent repus, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux (littéralement : les « rompus ») en surplus, afin que rien ne soit perdu » » (Jn 6,11-12). Comparer les verbes employés en ces deux versets avec ceux utilisés en Lc 22,19 : à quoi St Jean fait-il ici allusion ?

De plus, le texte grec officiel a, comme la TOB, en Jn 6,23 : « … près de l’endroit où ils avaient mangé le pain après que le Seigneur eut rendu grâces » ; quel verbe retrouve-t-on ici ? Et « rendre grâces » se dit en grec « eukharistéô »…

Dans les récits de multiplication des pains en St Matthieu (14,16.19 ; 15,36), St Marc (6,37.41 ; 8,6) et St Luc (9,13.16), qui distribue le pain à la foule ? Et ici, en St Jean, qui le fait ? St Jean prépare ainsi le discours qui suivra où Jésus donnera à ce pain une signification toute nouvelle : cf. Jn 6,35 (6,48). Que représente donc ce pain multiplié en Jn 6,1-15 ? Et lorsque nous vivons une Eucharistie, c’est le Christ Ressuscité en personne qui continue à venir se donner mystérieusement à nous pour nous communiquer sa vie. Et il le fait par les serviteurs qui nous distribuent le pain de vie.

De quoi le rassasiement des convives en 6,12 est-il le signe (cf. Jn 6,35 ; 10,10 ; Col 2,9-10) ?

Puis Jésus dit : « Rassemblez les morceaux en surplus afin que rien ne soit perdu ». Quel est le sens premier, immédiat, de cet ordre ? Mais ce verbe « perdre » (apollumi en grec), traduit parfois par « périr », a une connotation toute particulière en St Jean ; d’après les contrastes employés en Jn 3,16 ; 6,39-40 ; 10,10 ; 10,27-28 ; 12,25 que signifie « être perdu » pour St Jean ? A la lumière de cette petite enquête, quel sens nouveau prend l’expression « afin que rien ne soit perdu » ? Comment l’Eucharistie est-elle alors présentée ?

  • Un dernier point sur la symbolique des chiffres. La première partie des Ecritures Hébraïques s’appelle « la Torah » (la Loi). Elle est composée de cinq Livres (Gn ; Ex ; Lv ; Nb ; Dt) où ont été rassemblés tous les textes de Loi qui régissent la vie d’Israël. Tout le Peuple de Dieu se devait alors d’obéir à la Loi pour vivre en Alliance avec Dieu (cf. Ex 24,7-8) et trouver ainsi le chemin de la vie (cf. Ps 119(118),25.37.93.107 ; Dt 30,15-20 ; Ac 7,37-38) ? « Mille » évoque en hébreu « la multitude ». Les « cinq mille hommes » représentent ainsi dans notre texte « la multitude » du Peuple d’Israël appelée à trouver le chemin de la vie en obéissant aux cinq livres de la Loi. Et le cœur de la Loi est composé des « Dix commandements » (Ex 20,1-17), plus précisément dans l’hébreu de l’Ancien Testament, « les Dix Paroles ». En multipliant « cinq pains », Jésus suggère à nouveau par ce chiffre « cinq » que désormais, ce n’est plus la Loi qui sera la référence première, mais la Parole du Père qu’il est venu nous transmettre, ce Père qui avait déjà donné à Moïse « les Dix Paroles ». Mais avec le temps, les hommes les avaient surchargées de toutes sortes de préceptes et de commandements qui n’étaient bien souvent que des traditions humaines allant jusqu’à trahir parfois l’intention même de la Loi (cf. Mc 7,6-13). Jésus est donc venu la purifier en la recentrant sur l’essentiel : l’amour de Dieu et du prochain (Mt 22,34-40). Maintenant, le disciple du Christ est invité à aimer « comme » le Christ a aimé (Jn 15,12). S’il le fait, il accomplira « les Dix Paroles » car « celui qui aime autrui a de ce fait accompli la Loi. En effet, le précepte : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude » (Rm 13,8-10).

Mais reconnaissons-le, laissés à nous‑mêmes, à nos propres forces, nous n’arrivons pas à aimer « comme » Jésus a aimé. Aussi avons-nous besoin du secours de Dieu : le Don de l’Esprit Saint qui est avant tout une force d’aimer. Avec lui et grâce à lui, en tant que nous le recevons par la prière, il devient alors possible d’aimer « comme » le Christ a aimé, car le disciple a alors part à l’Amour même qui remplit le cœur de Dieu. En effet, « l’Amour de Dieu », l’Amour avec lequel Dieu nous aime, « a été versé en nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Et « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,25)…

Enfin, le chiffre « douze » renvoie aux douze tribus d’Israël, un symbole qui rejoint les « cinq » pains de la Loi, nourriture de vie pour la multitude du Peuple de Dieu. Mais maintenant, une nouvelle symbolique se dessine : chaque Apôtre, et ils sont Douze, recevra bientôt une de ces corbeilles pleines avec pour mission d’aller offrir ce pain de vie à la multitude des hommes appelés au salut… C’est ce que l’Eglise continue de faire jour après jour, au Nom de son Seigneur…

 

La marche sur la mer (Jn 6,16-21)

  • A l’époque de Jésus qui, pensait-on, habitait dans la mer (cf. Is 27,1 ; Ps 74,13‑14 ; 148,7 ; Lc 8,30-33) ? Et dans l’Evangile de Jean, « la nuit » représente souvent elle aussi les forces du mal (cf. Jn 13,21-30; 8,12 ; 12,35)… Dans quelle situation se trouvent donc les disciples en pleine « nuit » au cœur de « la mer » ?

  • Mais contrairement à St Marc (6,45-52) et à St Matthieu (14,22-33), St Jean ne s’attarde pas sur le péril qui les menace, car c’est le Christ qui l’intéresse. Dans quelle attitude ce dernier apparaît-il en 6,19 ? Or, d’après Jb 9,8 (cf. Ps 77(76),20), qui est Celui-là seul qui peut « fouler les hauteurs de la mer » ? Et qu’est-ce que cela signifie ? Que suggère donc l’attitude de Jésus (1), et que préfigure-t-elle (cf. 1Co 15,20-28) ?

  • Les disciples « ont peur » de Jésus, et ce sera la seule et unique fois dans l’Evangile de Jean où cela se produira. Dans quel contexte cette « peur » intervient-elle très souvent dans l’Ancien Testament (Gn 3,10 ; 28,16-17 ; Ex 3,6 ; 20,18 ; Is 2,10.20‑21 ; Lc 9,34) ? Et que dit Dieu à chaque fois (Gn 15,1 ; 26,24 ; Jg 6,22-24 ; Dn 10,7-12 ; cf. Lc 1,12-13 ; 2,9-10 ; Mc 9,6…) ? A la lumière de tous ces textes, que suggèrent la peur des disciples et la réponse de Jésus (2) ?

En Jn 6,20, dans le contexte immédiat des relations de Jésus avec ses disciples, toutes nos Bibles ont choisi de traduire la parole de Jésus par : « C’est moi ! ». Mais St Jean a écrit littéralement en grec : « Égô éïmi », une expression que l’on retrouve dans la Traduction Grecque du Livre de l’Exode, lorsque Dieu révèle son Nom à Moïse : « Je Suis » (Ex 3,14). Or, le Nom dans la Bible renvoie directement au mystère de la personne qui le porte. « Je Suis » évoque donc le mystère de Celui-là seul qui peut se nommer ainsi… Que suggère donc, en deuxième lecture, ce « Égô éïmi » dans la bouche de Jésus (cf. Notes de nos Bibles) (3) ? Retrouver la réponse avec Jn 8,56-58 ; 8,23-30 ; 1,1-2 ; 20,28…

  • Dès que les disciples sont disposés à le prendre dans la barque, St Jean écrit que « le bateau, aussitôt, toucha terre là où ils se rendaient »… Ils avaient pourtant ramé 25 ou 30 stades (1 stade = 185m) et l’historien juif Flavius Josèphe décrit le lac de Tibériade comme long de 140 stades, et large de 40… Ils étaient donc « en plein cœur de la mer »… Cette arrivée subite et inopinée « là où ils se rendaient » est une allusion au Ps 107(106),23-32. Mais, dans le Psaume, qui conduit ces marins « au port de leur désir » (BJ) ? Même question avec l’Evangile de Jean. Que suggère alors ce parallèle (4) ? Or, quel est le grand « désir » qui habite le cœur de tout homme ? Si les disciples de Jésus arrivent tout de suite « au port de leur désir » en accueillant Jésus avec foi et confiance, qu’est-ce que cela signifie : que trouvent-ils avec lui dès qu’ils acceptent de l’accueillir dans la barque (cf. Jn 15,11 ; Mt 13,16 ; Jn 20,29…) ? Ainsi en est-il pour chacun d’entre nous, dès que nous acceptons de le recevoir dans la barque de notre cœur, de notre vie…

En récapitulant les réponses (1), (2), (3), (4), quel est donc le message premier de cette marche de Jésus sur la mer. Quelle expression apparaît alors comme étant centrale ? La reprendre et l’associer à la révélation principale sur Jésus exprimée en actes par la multiplication des pains ; le résultat est repris par deux fois dans le discours qui suit, en Jn 6,35 et 6,48, au début de chacune des deux grandes parties qui le constituent… Nous percevons mieux avec quel soin ce passage a été écrit…

                                                                                                                              D. Jacques Fournier

Correction de la fiche N°11

CV – 11 – Jn 6,1-21 correction