Dimanche 27 juin – Jubilé de la Paroisse de St André (D. J. Fournier)

Il est beaucoup question dans les lectures de ce jour de mort et de vie… Et le Livre de la Sagesse déclare sans ambiguïté dans la première lecture : « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 2,24). Un siècle plus tard, St Paul écrira dans la Lettre aux Romains, en faisant allusion à la désobéissance d’Adam et Eve dans le jardin d’Eden : « Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes car tous ont péché » (Rm 5,12). En effet, avait-il écrit peu avant, « tous sont soumis au péché, comme il est écrit : « Il n’est pas de juste, pas un seul, il n’en est pas de sensé, pas un qui recherche Dieu. Tous, ils sont dévoyés, ensemble pervertis ; il n’en est pas qui fasse le bien, non, pas un seul » (Rm 3,9-12). Et les conséquences sont claires : « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23). « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9).

Si l’auteur du Livre de la Sagesse présente ainsi la mort comme la conséquence du péché, il place par contre résolument Dieu du côté de la vie : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants  (Sg 1,13). Le prophète Ezéchiel avait déjà déclaré : « Par ma vie, oracle du Seigneur Dieu, je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie. Convertissez-vous, revenez de votre voie mauvaise. Pourquoi mourir, maison d’Israël ? » (Ez 33,11).

Dieu, en effet, n’a pas créé l’homme, il ne l’a pas lancé dans l’aventure de la vie pour qu’il meure, mais bien pour qu’il vive ! Voilà ce qu’il veut ! Voilà ce à quoi il prend plaisir ! Que nous vivions, et cela le plus possible ! La perspective évoquée par le Livre de la Sagesse vis-à-vis de notre vocation à tous est d’ailleurs folle : « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité » (Sg 2,23). Or quelle est « l’identité » de Dieu ? Lorsque Moïse lui demande son Nom lors de l’épisode du buisson ardent, il répond : « Je Suis celui qui Est », « Je Suis » (Ex 3,14). Il est ainsi « l’Unique » (Dt 6,4), le seul vrai Dieu, le seul Eternel, le seul Incorruptible… Or, affirmer que « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité », revient à dire que Dieu l’a créé pour qu’il partage son Être et sa vie éternelle… C’est d’ailleurs le sens du mot « image » que l’auteur du Livre de la Sagesse reprend en faisant allusion au premier récit de la création que nous offre le Livre de la Genèse : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance… Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa » (Gn 1,26-28)… Or, le Père Ceslas Spicq écrit : « Etre l’image, c’est participer l’Être et la vie du Dieu vivant »… Et c’est ce que déclare aussi le Livre de la Sagesse : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés », littéralement, « pour qu’ils soient » ! « Pour qu’ils soient » eux aussi, ce que Dieu Est, selon leur condition de créatures, bien sûr !

Voilà toute l’aventure de notre vie… Voilà ce que Dieu veut voir se réaliser pleinement pour chacun d’entre nous… Or, nous sommes tous des pécheurs, des êtres blessés, spirituellement malades, nous engageant trop souvent sur des chemins de mort… Ce n’est pas ce que Dieu veut pour nous… Or, « tout ce que Dieu veut, il le fait », nous dit le Psalmiste (Ps 135(134),6). Il agit donc pour que sa volonté s’accomplisse, c’est du concret… Voilà pourquoi le Père a envoyé son Fils dans le monde : « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or, la volonté de celui qui m’a envoyé est que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné » (Jn 6,38-39). Et le Père a donné au Fils le monde entier à sauver : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger, condamner, le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17). Jésus est ainsi « le Sauveur du monde » (Jn 4,42), le Sauveur de tout le monde… C’est pourquoi il promet : « Et moi, une fois élevé de terre », sur la Croix, puis par sa Résurrection et son Ascension, « j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32), tous, sans aucune exception… En effet, « voilà ce qui est bon et qui plait à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6), sans aucune exception…

Alors, pour tout homme pécheur, pour tout homme perdu sur un chemin de mort, Jésus apparaît comme le Sauveur qui « cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve… Et quand il l’a retrouvée, il la met, tout joyeux, sur ses épaules » et la ramène à la maison (Lc 15,4‑7), dans cette Plénitude d’Être et de vie qu’il veut pour nous tous… Notre péché, si nous le lui offrons, si nous acceptons de le laisser faire, il le vaincra par son Amour (1Jn 4,8.16 ; Ap 12,10), par sa « Miséricorde » infinie, « Toute Puissante » (Lc 1,49-50) et surabondante, car « là où le péché a abondé, la grâce » du pardon « a surabondé » (Rm 5,20).

Telle est l’expérience qu’ont vécue les Apôtres, St André, le premier à avoir été appelé par le Seigneur, St Pierre, son frère, et tous les autres… On se souvient, lors de l’épisode de la pêche miraculeuse où Jésus, en St Luc, les appela, que Pierre, à la vue de ce signe, « se jeta aux genoux de Jésus en disant : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Mais Jésus lui dit : « Sois sans crainte ; désormais, ce sont des hommes que tu prendras. » Et ramenant les barques à terre, laissant tout, ils le suivirent » (Lc 5,1-11)… Plus tard, ils seront en effet les heureux témoins de cette Miséricorde de Dieu dont ils furent les premiers bénéficiaires. C’est ce qu’écrit St Paul dans la première Lettre à Timothée (1Tm 1,12-17) :

 

(A) « Je rends grâce à celui qui m’a donné la force, le Christ Jésus, notre Seigneur,

               qui m’a jugé assez fidèle pour m’appeler à son service,

(13)                   moi, naguère un blasphémateur, un persécuteur, un insulteur.

 

           (B) Mais il m’a été fait miséricorde parce que j’agissais par ignorance, étranger à la foi ;

(14)                et la grâce de notre Seigneur a surabondé

                             avec la foi et la charité qui est dans le Christ Jésus.

 

(15)             (C) Elle est sûre cette parole et digne d’une entière confiance :

                              le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs,

                                     dont je suis, moi, le premier.

 

(16)   (B’) Et s’il m’a été fait miséricorde, c’est pour qu’en moi, le premier,

                        Jésus Christ manifestât toute sa patience faisant de moi un exemple

                                pour ceux qui doivent croire en lui en vue de la vie éternelle.

(17)

(A’) Au Roi des siècles, Dieu incorruptible, invisible, unique,

               honneur et gloire dans les siècles des siècles ! Amen.

 

Ainsi, tout disciple de Jésus est invité à être l’heureux témoin de cet Amour imperturbablement fidèle de Dieu à son égard, un Amour qui, face à notre misère, ne cesse de prendre le visage d’une Miséricorde inépuisable : « Quand nous sommes infidèles, Dieu, Lui, reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13). Il ne peut cesser d’être ce qu’il Est, et il est Amour… Cette continuelle Bienveillance de Dieu à son égard sera ainsi très concrètement, jour après jour, un inlassable appel au repentir, de tout cœur, repentir qui lui permettra de recevoir le pardon de toutes ses fautes, et avec lui, la possibilité d’une vie nouvelle dans la Lumière et dans la Paix…

Le Christ ressuscité dit ainsi à ses disciples à la fin de l’Evangile de Luc : «  Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et qu’en son Nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. »

Et pour les aider, les soutenir dans ce témoignage qu’ils rendront à la Miséricorde de Dieu, il leur promet aussitôt la force de l’Esprit Saint : « Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en‑haut » (Lc 24,46-49).

Toute l’œuvre de l’Eglise consiste ainsi à aller vers le plus grand nombre pour témoigner, après l’avoir elle-même vécu, qu’un « repentir » sincère ne peut qu’accueillir « la rémission des péchés » et, avec elle, une Plénitude insoupçonnée d’Être et de Vie synonyme de « création nouvelle » : « Si quelqu’un est dans le Christ », écrit St Paul, « c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. Car c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c’est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,17-21)…

Il s’agit donc de mettre en relation avec le Christ, pour que cette œuvre de Dieu, synonyme en chacun de nous de vraie Vie, de vraie Paix, de vraie Joie, de vrai Bonheur, puisse vraiment s’accomplir. Tel fut le service par excellence que St André accomplit dans les Evangiles… En effet, c’est lui qui, en St Jean, conduit son frère, Simon-Pierre, à Jésus : « André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean » Baptiste rendant témoignage à Jésus, « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), « et ils s’étaient mis à la suite de Jésus. Il trouve d’abord son propre frère, Simon, et lui dit : Nous l’avons trouvé, le Messie – ce qui veut dire Christ. Il l’amena à Jésus. Jésus le regarda et dit : Tu es Simon, le fils de Jean; tu t’appelleras Céphas – ce qui veut dire Pierre » (Jn 1,40-44) car, « sur cette pierre », lui dit-il en St Matthieu, « je bâtirai mon Eglise » (Mt 16,13-20)…

Et c’est encore St André qui avait mis en relation avec Jésus cet enfant qui avait cinq pains et deux poissons, que Jésus multiplia pour nourrir une foule d’environ cinq mille hommes : « Levant alors les yeux et voyant qu’une grande foule venait à lui, Jésus dit à Philippe : D’où nous procurerons-nous des pains pour que mangent ces gens ? Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau. Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a ici un enfant, qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Jésus leur dit : « Faites s’étendre les gens » » (Jn 6,1-10)…

Alors, que souhaiter pour toute la Paroisse de Saint André sinon de travailler, le plus possible, à mettre en relation le plus grand nombre avec Jésus pour que toutes et tous puissent trouver avec Lui la vraie Vie (Jn 10,10), la vraie Paix (Jn 14,27), la vraie Joie (Jn 15,11), le vrai Bonheur (Jn 20,29)… En agissant ainsi, elle contribuera, pour sa part, à ce que beaucoup puissent entendre, eux aussi : « Ma fille, mon fils, ta foi t’a sauvé. Va en paix et sois guéri de ton mal »… « Je te le dis, Talitha koum, lève-toi » et marche, heureux, dans une vie nouvelle (Mc 5,21-43)… Car telle est « la volonté de Dieu » à notre égard, « lui qui veut que tous les hommes soient sauvés », tous, sans aucune exception…

 

                                                                                              D. Jacques Fournier

image_pdfimage_print

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Question antispam * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.

Top