1

« Du plus profond de nos entrailles, vénérons Marie »…

 « Du plus profond de nos entrailles, vénérons Marie : telle est la volonté de Celui qui a voulu que nous ayons tout par Marie.

Tu craignais d’approcher le Père ? Il t’a donné Jésus pour médiateur. Que n’obtiendrait un tel Fils auprès d’un tel Père ? Aurais-tu peur encore de ce Fils ? Il est ton frère, il est ta chair, tenté en tout hormis le péché, pour qu’il devienne miséricordieux.

C’est Marie qui te l’a donné pour frère. Mais peut-être crains-tu tout de même en lui sa majesté divine, car même s’il s’est fait homme, il n’en demeure pas moins Dieu ?

Alors veux-tu un avocat auprès de lui ? Recours à Marie.

En Marie, assurément, l’humanité est pure, non seulement pure de toute souillure, mais humanité pure et simple. Je l’affirme sans aucun doute : Marie sera exaucée à cause de la considération qui lui est due ; de toute façon le Fils exaucera la Mère, et le Père exaucera le Fils. Mes petits-enfants, voilà l’escalier des pécheurs, voilà ma plus grande confiance, voilà tout le fondement de mon espérance.

Eh quoi ? Le Fils pourrait-il refuser ou essuyer un refus ? Le Fils pourrait-il ne pas écouter ou ne pas être écouté ? Ni l’un ni l’autre, assurément. « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu », dit l’ange. Bravo ! Marie trouvera toujours grâce, et nous, nous n’avons jamais besoin que de la grâce. La Vierge prudente n’a pas, comme Salomon, demandé la sagesse, les richesses, les honneurs ou la puissance, mais la grâce de Dieu, cette grâce seule par laquelle nous sommes sauvés. Dieu a voulu dépendre de Marie en toute chose, comme un enfant dépend de sa mère.

Pourquoi ? L’amour n’a aucun compte à rendre, et nous devons simplement nous incliner devant cette volonté, qui bouleverse totalement l’idée que les hommes se font habituellement de Dieu : du plus profond de nos entrailles, vénérons Marie : telle est la volonté de Celui qui a voulu que nous ayons tout par Marie. Les choses étant ainsi, saint Bernard résume le rôle de Marie dans le mystère de Jésus : C’est Marie qui te l’a donné pour frère. « Dieu marche avec l’homme au pas de l’homme », dira saint Jean de la Croix. Marie a mis Dieu au pas de l’homme, elle a sur lui tous les droits d’une mère sur son enfant. Et cela, répétons-le, non pas parce qu’elle serait en-dehors et au-dessus de notre condition humaine, mais parce que Dieu a voulu qu’il en soit ainsi. Dieu a voulu que nous ayons tout par Marie.

Le mystère chrétien est celui de cette élection que Dieu fait de certains qui vont porter le salut de tous les autres. Dieu n’aime pas l’humanité en général mais chaque homme en particulier : il choisit ses enfants un par un, et assigne à chacun sa place dans le déploiement de son amour. Et la place de Marie est celle de sa mère et de notre mère. Marie est le chemin par lequel Dieu vient à nous. Prier Marie, imiter Marie, loin de remplacer notre foi au Christ, la renforce : escalier des pécheurs, elle nous conduit à Dieu par son humanité pure et simple, nous invitant à entrer en petits enfants dans le Royaume des cieux. Amen. » 

Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) – Sermon sur la Nativité de la Vierge