« Donnez-leur vous-mêmes à manger. »
C’est la réponse que fait Jésus aux apôtres qui lui demandent de laisser partir la foule qui était venue pour l’écouter et être guérie, de manière à ce que chacun puisse aller dans les villages pour acheter à manger car ils étaient « dans un endroit désert ».
Évidemment, stupeur des apôtres, car la foule est nombreuse : cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants ! (Entre parenthèses, cela veut dire qu’il y avait des enfants qui écoutaient Jésus, venus seuls ou avec leurs parents. C’est d’ailleurs un enfant qui donnera son repas pour que Jésus le multiplie, d’après saint Jean 6,8-9). Les apôtres se rebiffent : « On n’a que cinq pains et deux poissons, c’est même pas suffisant pour nous. Et acheter de la nourriture pour tout ce monde, on n’a pas assez d’argent ». Alors Jésus, ayant fait asseoir les gens, « prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. ».
On retrouve ces mêmes verbes dans la bouche de Jésus lors du repas pascal, la veille de sa mort : « Ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : ’Ceci est mon corps, donné pour vous’ » (Lc 22,19), de même pour le vin. Ces mêmes paroles sont redites par le prêtre à chaque messe lors de la consécration, comme l’avait dit Jésus : « Faites cela en mémoire de moi » (2° lecture).
Ce n’est que là que l’on peut comprendre la parole de Jésus : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. ». Car si c’était impossible pour les apôtres le jour de la multiplication des pains, dès la Pentecôte, les chrétiens se rassemblent pour « le partage du pain » présidé par les apôtres ou ceux qui ont reçu l’imposition des mains par les apôtres, et ainsi de suite jusqu’à maintenant. Et ainsi chacun peut communier à la vie de Jésus, ainsi qu’il l’a dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » (Jn 5,56). Ce que pouvait dire d’une manière un peu poétique Marthe Robin : « Divine Eucharistie ! … Jésus en moi ! Le cœur de mon Dieu bat dans le mien. ».
Mais la communion (union avec) n’est pas seulement entre chaque chrétien et Jésus, elle est aussi entre les chrétiens eux-mêmes, et même entre les chrétiens et les non-chrétiens, car la participation à l’Eucharistie ouvre notre cœur à l’ensemble du monde, et n’est pas réservée à une petite catégorie de personnes, mais à tous : juste avant la communion proprement dite, le prêtre dit : « Heureux les invités au repas du Seigneur ! », sans restriction aucune (Il est d’ailleurs regrettable que quelques prêtres utilisent parfois une formule du genre « Heureux sommes-nous aujourd’hui d’être invités au repas du Seigneur » qui donne à penser que l’approche de la communion est réservée aux seules personnes présentes à la messe), ce qui ne veut pas dire que tout le monde est apte à communier : il faut d’abord être baptisé, en état de grâce (CEC 1415), et se souvenir que « Celui qui aura mangé le pain ou bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur. On doit donc s’examiner soi-même avant de manger de ce pain et de boire à cette coupe. Celui qui mange et qui boit mange et boit son propre jugement s’il ne discerne pas le corps du Seigneur. » (1 Co 11,27-29), et cela est une question de foi. Mais tous les humains sont invités au repas du Seigneur.
C’est pourquoi « l’Église recommande vivement aux fidèles de recevoir la sainte Eucharistie les dimanches et les jours de fête, ou plus souvent encore, même tous les jours. » (CEC 1389).
Dans la communion, c’est Jésus qui se donne, comme il s’est donné le vendredi saint en rémission de nos péchés, « pour la vie du monde », afin que, dit Jésus, « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn 6,51.54), par amour pour les hommes.
Pour cela, il a fallu à Jésus une grande humilité, lui, le Maître et Seigneur, pour accepter de se faire Serviteur des hommes et mourir sur la croix. De même, nous aussi, nous devons avoir de l’humilité pour nous reconnaître pécheurs et indignes de ce don de Jésus de venir, avec le pain et le vin consacrés, demeurer en nos cœurs. C’est pourquoi nous ne pouvons que reprendre la prière du centurion romain et dire : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ».
Le curé d’Ars disait : « La communion, vous n’en êtes pas dignes, mais vous en avez besoin ». Et le pape François, dans « La joie de l’Évangile » nous dit aussi : « L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. » (EG 47) Et nous sommes tous faibles au regard de Dieu.
Et le pape ajoute : « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. (…) Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt :’’ Donnez-leur vous-mêmes à manger’’ » (EG 49)
Seigneur Jésus,
Tu nous demandes
de donner à manger à nos frères,
nourriture corporelle
pour ceux qui sont dans le besoin,
mais aussi nourriture spirituelle,
où là aussi les besoins sont immenses.
Et tous les chrétiens sont concernés.
Viens dans nos cœurs
par ton Saint Sacrement
pour que nous vivions par toi.
Francis Cousin
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