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Fiche N° 24 : L’œuvre de communion, d’enseignement et de paix de l’Esprit (Jn 14,15-31)

Rappelons-nous… Jésus sait que sa Passion et sa mort sont désormais toutes proches… Aussi va-t-il s’adresser à ses disciples pour consolider leur foi. Le chapitre 14 commence ainsi par : « Que votre cœur ne se trouble pas ; croyez en Dieu et croyez en moi ». Dans la foi et par leur foi, Jésus désire les introduire plus avant dans ce Mystère de Communion qu’il vit avec le Père dans l’unité d’un même Esprit… Et si dans les autres Evangiles il dit souvent « Suis-moi ! », ici il déclare : « Je Suis le Chemin, la Vérité et la Vie », un Chemin qui conduit jusqu’à « la Maison du Père ». Son seul désir, en effet, est que nous acceptions de nous mettre en marche avec Lui et à sa suite… Alors il nous conduira, non pas dans un lieu mais dans un « état de vie » commencé dès aujourd’hui au plus profond de notre être et qui s’achèvera pleinement par delà notre mort… Pour l’instant, notre foi accueille une Vie, une Paix, qui se déploie au cœur de notre fragilité grâce aux « richesses de bonté, de patience et de générosité du Père des Miséricordes » (Rm 2,4 ; 2Co 1,3)… Cette Vie est pour nous « Lumière de vie » (Jn 8,12), bien présente mais insaisissable et nous ne voyons rien de nos yeux de chair… Mais « notre cœur pressent », en le vivant, « ce que le cœur ne saurait comprendre » (Ste Thérèse de Lisieux).

Jésus est « le Chemin » qui conduit à « la Vérité » du Père, un Père qui est « Vie » et « Source de Vie » (Jr 2,13 ; 17,13 ; Ps 42-43,2-3) pour tous ceux et celles qui acceptent de s’ouvrir à Lui… Ainsi, Jésus, totalement accueillant, de cœur, au Don du Père, est-il ce vrai homme comblé par le Père qui s’offre au regard de ses disciples. Reconnaîtront-ils en Lui cette Vie qui l’anime, le soutient, le met en marche et lui donne la force du témoignage ? Poseront-ils sur lui ce regard du cœur capable de discerner cette réalité spirituelle qui échappe à nos yeux de chair ? « Qui m’a vu a vu le Père »… Car « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63) et que le Fils reçoit du Père de toute éternité habite bien sûr au même moment et avec la même Plénitude dans le Père, et cet « Esprit » est « Lumière » (Jn 4,24 avec 1Jn 1,5)… La verront-ils sans rien voir ? La reconnaîtront-ils dans la simplicité de son humanité ?

Pour cela, ils devront se laisser guider comme des petits enfants dans cet « univers spirituel » qui nous échappe du tout au tout mais qui porte en lui-même une cohérence telle que nous sommes capables de la reconnaître… Nous avons tous été créés pour elle, et nous en portons tous la trace au plus profond de nous-mêmes… S’ils acceptent cette démarche de foi, avec bonne volonté, persévérance et patience, le Christ Lui-même les introduira petit à petit dans son attitude de Fils « tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), ouvert au Père, comblé par le Père… Il les rejoindra, il leur adressera la Parole. S’ils l’accueillent, il ouvrira leurs tombeaux intérieurs par l’Esprit de Lumière et de Vie qui se joint toujours à sa Parole (Jn 5,25 ; 3,34 BJ). Et grâce à cette Présence de l’Esprit en leur cœur, ils passeront de la mort à la Vie et des ténèbres à la Lumière, dès maintenant, dans la foi. La Lumière de l’Esprit qui jaillira du plus profond de leur être leur donnera de voir ce que l’œil ne peut voir… Et comme cet Esprit est celui que le Fils reçoit du Père de toute éternité, ils commenceront à vivre, eux aussi, selon leur condition de créature, ce que le Fils vit avec le Père depuis toujours et pour toujours…

Le plan de la première partie de Jn 14 était le suivant :

Introduction (14,1) : Appel à la foi et à la confiance.

Première partie (14,2-14) : Jésus Chemin de communion avec le Père

1 – La grande Promesse de Jésus à tous ses disciples (14,2-3) : il va vers le Père,            mais il viendra à nouveau pour les prendre auprès de Lui

« afin que là où il EST, nous aussi nous SOYONS ».

            2 – Jésus, est le Chemin qui conduit vers le Père (14,4-11).

  1. a) « Je Suis le chemin, la vérité et la vie » (14,4-6).

  1. b) « Connaître » et « voir » Jésus,

c’est « connaître » et « voir » le Père (14,7-9).

  1. c) « Jésus est dans le Père, le Père est en Lui »,

                                   et le Père demeurant en lui fait ses œuvres (14,10-11).

            3 – Conclusion (14,12-14) : Jésus va vers le Père, mais celui qui croit en Jésus

            fera les mêmes œuvres que Jésus pour que le Père soit glorifié dans le Fils.

La seconde partie est construite ainsi :

Deuxième partie (14,15-26) : l’œuvre de communion et d’enseignement de l’Esprit.

            A – Pour ceux qui l’aiment, Jésus priera le Père

                                               qui leur donnera l’Esprit de Vérité (14,15-17).

                        1 – Promesse de la venue de Jésus

                                  en un mystère de communion avec lui et avec son Père (14,18-20).

                        2 – A ceux qui l’aiment, Jésus se manifestera (14,21).

                        3 – Auprès de ceux qui l’aiment,

                                   Jésus et son Père viendront faire leur demeure (14,22-24).

            A’ – L’action révélatrice de l’Esprit Saint,

                     cet artisan de la communion envoyé par le Père au nom de Jésus (14,25-26).

Conclusion (14,27-31) : le don de la paix, la consolidation de la foi.

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Jn 14,15-17 : L’Esprit de vérité donné par le Père à la prière du Fils…

             Le premier verbe de Jn 14,15 n’était encore jamais apparu dans ce chapitre 14. Lire Jn 14,15-31 et compter combien de fois il intervient. Interpréter ce résultat en se souvenant des « Dix Paroles », le cœur de la Loi juive (Ex 20,1-17) : quel sera donc maintenant le cœur de la révélation apportée par le Christ et la Loi nouvelle qui en découle (cf. 1Jn 4,8 et 4,16 ; Jn 15,12.17) ?

            Regarder si en Jn 14,15-31 intervient le substantif correspondant à notre verbe ; or un verbe décrit avant tout une action, une vie qui engage toute la personne, tandis qu’avec un substantif, nous sommes plutôt dans le monde des concepts et des idées. Quelle conclusion en tirez-vous pour le sujet qui nous intéresse ? On peut noter en passant que le substantif intervient sept fois en St Jean (Jn 5,42 ; 13,35 ; 15,9.10.13 ; 17,26), et sept dans la Bible est symbole de Perfection, de Plénitude. Son emploi est d’ailleurs instructif. Quel est Celui-là seul dont l’Amour est parfait ? Dans l’Evangile selon St Jean, il s’agit donc bien toujours de Son Amour… Or, souvenons-nous de cette phrase de Ste Thérèse de Lisieux (•) : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même », et appliquons là à la lettre à Dieu en pensant à 1Jn 4,8.16 : quel est donc le grand Don que Dieu ne cesse de faire à tous ceux et celles qu’il aime ? Cette vérité est avant tout celle du Fils, cet Unique Engendré que le Père aime de toute éternité, et qu’il engendre en se donnant totalement à Lui. Mais par notre foi en Jésus Christ, nous sommes tous invités à participer, selon notre condition de créature, à ce Don de l’ordre de l’Etre et de la Vie que le Fils reçoit du Père depuis toujours et pour toujours. Nous deviendrons alors des « enfants de Dieu » (Jn 1,12), à « l’image » et ressemblance du « Fils » Unique, « aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29). Quelle devrait donc être sans cesse notre attitude de base, de cœur (cf. Jn 1,12 ; attitude contraire en Jn 1,11), et quelle en serait la conséquence immédiate (Rm 5,5 et Jn 17,26) ? Quel fruit manifestera alors le Don reçu (cf. Jn 13,35 ; Ga 5,22) ? Nous allons retrouver tout cela avec un petit détail. Reprendre tous les versets de Jn 14,15-31 où intervient ce verbe « aimer » et compter le nombre de fois où il est employé à la forme négative « ne… pas ». En déduire toutes les fois où il est employé sous les formes positives ou conditionnelles… En se rappelant que le chiffre 3 renvoie à « Dieu en tant qu’il agit », quelle conclusion pouvons-nous en tirer ? Dans le cas où le verbe s’applique aux disciples, retrouver cette réponse avec Rm 5,5 et Ga 5,22 vus précédemment. On peut lire aussi 1Th 4,9 et 1Jn 4,7-12…

Remarquons maintenant que le verbe « garder » (Bible de Jérusalem ; TOB : « observer, rester fidèle ») intervient quatre fois en Jn 14,15‑24 : noter à chaque fois ce qu’il faut « garder ». De plus, en ce qui concerne « les commandements », Jésus n’en a donné formellement qu’un seul jusqu’à présent, lequel (cf. Jn 13,34 qui sera repris en Jn 15,12) ? Et quel est l’unique but que le Père poursuit à travers cet appel qu’il nous lance par son Fils (cf. Jn 12,49-50) ? Or, nous venons de le voir, c’est par le Don de Dieu accueilli dans le cadre d’une relation de cœur avec Celui qui nous aime et se donne Lui-même à nous que nous pouvons espérer mettre en œuvre ce « commandement » grâce au Don reçu. Jésus nous en donne l’exemple. En effet, quel était et quel est le fondement de sa vie (cf. Jn 5,19-20.26) ? Et quel devrait être à notre tour le fondement de notre vie (cf. Jn 15,5 ; 6,57) ? Jésus résume tout cela en Jn 15,10 : lu à la lumière du principe de Ste Thérèse de Lisieux (•), nous retrouvons en ce verset le fondement de la vie du Fils (cf. fin de Jn 15,10 ; exprimé du point de vue du Fils en Jn 14,31a) qui lui a permis de « garder les commandements de son Père » (cf. Jn 14,31b), et le fondement de la vie de tout chrétien ( fin de Jn 15,9 ; exprimé du point de vue de l’homme au début de Jn 14,15, en Jn 16,27 et Jn 21,15.16.17), seule possibilité pour lui de « garder ses commandements »… On voit bien que « garder les commandements » de Jésus n’est possible que si l’on « demeure dans son amour » ; autrement dit, « garder les commandements de Jésus », c’est garder Jésus Lui-même, par un simple et continuel regard du cœur, du moins autant qu’il nous est possible… Heureusement, l’Amour qu’il nous porte est Celui du Bon Pasteur Miséricordieux, qui, dès que nous nous perdons, part à notre recherche jusqu’à ce qu’il nous retrouve (Lc 15,4-7)… Grâce à Lui, nous voyons donc qu’il est possible de « demeurer en son Amour », de reprise en reprise, de pardon en pardon… Déduire d’ailleurs des versets suivant « les commandements », les appels qu’il nous lance :

            1 – Jn 1,29 que l’on pourrait lire avec Ez 36,25 ; Is 1,18 ; Ps 32(31),1 ; 51(50),3-4 avec le v. 9 ; Ps 103(102),3 avec les v. 10-13… Si donc Jésus est tel qu’il se présente en Jn 1,29, quel appel nous lance-t-il, quelle attitude attend-il de nous, jour après jour ?

            2 – Même question avec Mt 11,28-30.

            3 – Même question avec Lc 5,31-32.

            4 – Même question avec Jn 6,48-58

                        en faisant attention au verbe qui revient le plus souvent (10 fois !).

Faut-il donc être un « surhomme » parfait pour répondre à ses appels ? Ce qu’il nous demande est-il impossible, ou de l’ordre de l’humainement exceptionnel ? « Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11,30). « L’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pesants » (1Jn 5,3)…

Remarquons enfin qu’avec cette expression, « si vous m’aimez, vous garderez mes commandements », Jésus fait de nouveau allusion à la Loi de l’Ancienne Alliance et tout spécialement au Livre du Deutéronome, un nom qui signifie « la Loi donnée en un deuxième temps ». Il fut en effet, selon la tradition, rédigé à partir d’un rouleau retrouvé dans le Temple de Jérusalem en 622 av JC à l’occasion de travaux lancés par le roi Josias. « Le Deutéronome est un livre d’une profondeur religieuse étonnante. Véritable Bible dans la Bible, il propose une riche synthèse des prescriptions antérieures, qu’il met dans la perspective neuve d’une religion restaurée, celle de Moïse et de Yahvé. L’influence du Deutéronome est considérable, dans la tradition biblique d’avant et d’après l’exil, comme dans sa postérité tardive, juive et chrétienne » (André Paul ; « La Bible ; Histoire, Textes et Interprétations (Nathan)). Lorsque Jésus sera tenté au désert, il ne répondra au diable qu’en citant des versets du Livre du Deutéronome manifestant ainsi son unique désir : obéir à son Père qui, de son côté, ne recherche que le meilleur pour son Fils Bien-Aimé (cf. Mc 1,11 ; Lc 4,4 (Dt 8,3) ; 4,8 (Dt 6,13) ; 4,12 (Dt 6,16))… En Jn 14,15, Jésus reprend donc les expressions mêmes de ce Livre si important en Israël : les retrouver en Dt 5,9-10 (la deuxième version des Dix Paroles !), Dt 6,1‑9 (le Crédo d’Israël !), Dt 5,29 ; 6,25 ; 8,2 ; 10,12-13 ; 7,9.11-13 ; 11,13-15 ; 26,18 ; 28,13 ; 30,16… Ce parallèle dit ainsi indirectement ce que St Paul affirme explicitement en Rm 13,8-10…

Reprenons : « aimer Jésus », c’est en premier lieu « demeurer en son Amour »… « Dieu est Amour », Il aime et ne fait qu’aimer, et « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux), un principe à appliquer littéralement pour Dieu… Il se donne donc sans cesse lui-même… Il est Lumière (1Jn 1,5) et donne la Lumière… Il est Esprit (Jn 4,24) et donne l’Esprit… Il est Amour (1Jn 4,8.16) et donne l’Amour… Ce mouvement en Dieu ne dépend pas de nous mais de Lui… Il est ainsi de toute éternité… « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45).

Pour recevoir la Lumière de ce Dieu Soleil qui donne, donne et donne encore (Ps 84(83),12), il suffit de se tourner vers Lui de tout cœur, et donc au même moment de se détourner de tout ce qui lui est contraire… Si tel n’est pas encore le cas, sa Lumière touchera « de dos » le pécheur et elle sera, par sa simple Présence, un appel inlassable à se retourner vers elle en se détournant du mal… Et puisque cette Lumière est celle de l’Amour qui ne recherche que notre Bien à tous, sa première action sera alors de purifier, de « nettoyer » le pécheur qui accepte enfin de la recevoir… Avec elle et par elle, Dieu se tient à la porte de nos cœurs et il frappe… Si nous acceptons de lui ouvrir, il entrera, Lui, le Dieu Lumière et sa Lumière chassera nos ténèbres et nous établira en elle… « Je me tiens à la porte et je frappe… Si tu m’ouvres ton cœur, je ferai chez toi ma demeure » (Ap 3,20). Voir en fin de fiche le texte de Ste Thérèse de Lisieux…

Poursuivons notre lecture de St Jean. « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements », dit Jésus, « et moi, je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît » (Jn 14,15-17).

Rappelons une précision en ce qui concerne le vocabulaire employé. « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Saint » (Lv 11,44-45 ; 19,2 ; 21,8). Ce que Dieu est en Lui‑même, sa nature divine, est donc « Esprit Saint ». Mais nous savons que cette même expression « Esprit Saint » est aussi le nom donné à la Troisième Personne de la Trinité. Et c’est Elle qui vient nous donner le Don de la grâce, cette participation à la nature divine qui est « Esprit » et qui est « Sainte »… Ainsi « l’Esprit Saint » Troisième Personne de la Trinité nous communique-t-il « l’Esprit Saint » nature divine… Les deux aspects sont indissociables. « L’Esprit se cache derrière ses dons », disait le P. Congar en parlant de l’Esprit Personne Divine.

Ceci étant dit, lorsque Jésus promet à ses disciples en Jn 14,16 « un autre Paraclet », cela suppose qu’il était Lui-même Paraclet pour eux, c’est-à-dire, selon le sens du mot grec « paraklétos » : « celui qui est appelé auprès de, le défenseur, l’avocat » ; le constater avec Jn 17,12 et 1Jn 2,1. Conclusion : si Jésus « paraclet » promet ici à ses disciples la venue après sa mort et sa résurrection « d’un autre Paraclet », « l’Esprit de Vérité », qu’évoque-t-il plutôt : « l’Esprit Saint » Personne divine ou « l’Esprit Saint » nature divine ? En pensant à Jésus demeurant lors de son ministère terrestre « avec » ses disciples, « auprès » d’eux, confirmer la réponse précédente avec la fin de Jn 14,16 (« Un autre Paraclet pour qu’il soit avec vous pour toujours ») et celle de Jn 14,17 (« Il demeure auprès de vous »).

Mais la fin de Jn 14,17 évoque le « comment » de la relation en Dieu… Le monde ne pourra pas « recevoir » l’Esprit Saint Personne divine dont nous parlons « parce qu’il ne le voit pas ». Mais nous aussi nous ne le voyons pas avec nos yeux de chair ; cependant, dans la foi, nous sommes invités à être attentifs à ce que nous vivons au plus profond de nous-mêmes… En effet, par la foi, nous acceptons de recevoir, de cœur, le Don de l’Esprit Saint « nature divine ». Pensons à Elisabeth « remplie de l’Esprit Saint » au moment où elle accueille la Vierge Marie (Lc 1,41), à Zacharie « rempli de l’Esprit Saint » juste après la naissance de son fils Jean Baptiste (Lc 1,67), à Jésus « rempli de l’Esprit Saint » et partant au désert pour être tenté par le diable (Lc 4,1), aux Apôtres et aux disciples « remplis de l’Esprit Saint » au jour de la Pentecôte (Ac 2,4). Cet Esprit est Vie (Jn 6,63 ; Ga 5,25), Paix (Rm 14,17 ; Ga 5,22). Celui ou celle qui le reçoit bénéficie de cette Vie et de cette Paix divines… En y étant attentif, dans le silence de la prière, il peut reconnaître cette Présence : c’est la connaissance de foi, ce « connaître » en St Jean qui s’enracine dans un « vivre » de cœur auquel l’intelligence est attentive… « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent » (Jn 17,3)… « Le monde », au sens où l’expression regroupe tous ceux et celles qui ne croient pas au Christ et qui ne peuvent donc pas accueillir le Don de l’Esprit qu’il est venu nous communiquer, ce « monde » ne pourra pas vivre de l’Esprit, goûter à sa douceur et à sa paix : il « ne le connaît pas »… Ce qui n’empêche pas Dieu de l’aimer, de lui être proche, de faire briller sur lui son soleil, de frapper par sa Lumière à la porte de son cœur et d’attendre patiemment son retour comme dans le père vis-à-vis de son fils prodigue (Lc 15,11-32).

Mais « vous », dit Jésus à ses disciples, « vous le connaissez, parce que » l’Esprit Saint Personne divine « demeure auprès de vous » et qu’il vous communique l’Esprit Saint nature divine qui « est alors en vous »… Et nous avons ici les deux aspects de la communion :

            1 – Le face à face avec l’autre dans une proximité qui s’exprime

                        par un « avec », un « auprès de »,

            2 – Alors même que les deux ont « en eux » le même Esprit ; ils vivent donc

                       de la même Vie, expérimentant la même Paix, la même Joie…

Tel est le Mystère de Communion que vivent les Trois Personnes divines de toute éternité… Et nous avons tous été créés pour y « entrer » (Mt 19,17) en participant à notre tour, selon notre condition de créature, à la même « nature divine » qui est Esprit, Amour, Vie, Joie, Paix … Eux sont des « Personnes divines non créées » qui existent de toute éternité… Nous, nous sommes des « personnes humaines créées à un instant du temps », mais nous sommes tous appelés à partager pleinement l’unique nature divine… L’Esprit Saint Personne divine apparaît ainsi comme le grand artisan de la communion (1Jn 1,3), toute son œuvre consistant à nous communiquer, au Nom du Père et par le témoignage du Fils, l’Esprit Saint nature divine (1Co 6,17).

Jn 14,18-20 : la promesse de la venue de Jésus

                                  en un mystère de communion avec lui et avec son Père.

            D’ailleurs, juste après avoir évoqué l’œuvre de cet Esprit Saint Personne divine, que dit Jésus en Jn 14,18 ? Cette promesse s’accomplira dans la mesure où le disciple de Jésus accueillera ce Mystère de Communion qui lui est proposé et que l’Esprit Saint Personne divine met en œuvre par le Don de l’Esprit Saint nature divine. Alors même qu’il ne voit pas le Ressuscité, le disciple sera avec Lui, tout près de Lui, la distance étant abolie puisqu’il aura part en son cœur à la Plénitude d’Esprit et de Vie qui remplit le cœur du Fils… Notre vocation à tous commencera alors à s’accomplir par la foi et dans la foi : être « enfant de Dieu » (Jn 1,12 ; 1Jn 3,1‑2), fils « à l’image du Fils » (Rm 8,29), frère du Christ (Hb 2,11.17), uni à Lui dans la communion d’un même Esprit nature divine reçu du Père par l’Esprit Saint Personne divine…

            « Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus » (Jn 14,19)… Pourquoi (cf. Jn 19,38-42) ? Mais quelle promesse Jésus fait-il en ce même verset à ses disciples, à ceux et celles qui croient en Lui ? Comment, pour certains, cette promesse s’est-elle accomplie (cf. Jn 20,14 ; 20,19-20 ; 20,26-28 ; 1Co 15,3-8) ? Mais ce texte de Jn 14,19 concerne tous les disciples de tous les temps ! Avons-nous vécu l’expérience évoquée précédemment ? Et pourtant, Jésus nous appelle tous, nous aussi, à le « voir »… Relisons bien ce qui suit cette affirmation : « vous, vous me verrez car moi je vis et vous aussi vous vivrez »… Commençons par noter que Jésus ne dit pas « car moi je vivrai »… Il ne fait pas allusion à sa résurrection d’entre les morts. Il évoque ici une réalité éternelle : quelle est-elle, qui en est à la source (cf. Jn 5,26 ; 6,57) et comment se met elle en œuvre dans le Fils de toute éternité (cf. Jn 6,63 (TOB : « Esprit ») ? Or, quel sera le grand cadeau du Christ ressuscité à chacun de ses disciples, fruit de son offrande sur la croix pour nous tous (cf. Jn 20,22 ; Ac 2,38 ; 5,32 ; 1Th 4,8) ? Et avec lui, que recevront-ils (cf. Jn 6,63 ; Ga 5,25 ; Rm 8,11 ; 2Co 3,6 ; réponse condensée en Jn 17,2) ?  A la lumière de tous ces textes, quelle sera donc l’expérience de foi du disciple de Jésus (cf. Jn 6,57) ? Or, en Jn 14,19, nous avons bien « vous me verrez, car moi, je vis, et vous aussi, vous vivrez ». En mettant une équivalence entre tous les verbes de cette citation, que signifie donc, pour les croyants que nous sommes aujourd’hui, ce « voir » Jésus en ce verset ? Retrouvons cette réponse autrement. Nul ne peut voir sans lumière ; quelle lumière sommes-nous donc tous invités à recevoir du Ressuscité (cf. Jn 8,12) ?

            La Bible de Jérusalem a traduit ce passage ainsi : « Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi vous vivrez ». Avec cette traduction, nous retrouvons qu’il ne s’agit pas de le voir Lui, comme Pierre, Jacques, Jean… ont pu le voir ressuscité… Mais il s’agit de « voir qu’il vit », de prendre conscience qu’il est Vivant par la Vie même qu’il nous donne d’expérimenter dans la foi. Autrement dit, c’est parce que vous, vous vivrez d’une vie nouvelle accueillie et reconnue dans la foi, que vous prendrez conscience que « je vis » de cette même Vie…

            Telle est l’expérience de foi à laquelle nous sommes tous appelés, alors même que nous ne voyons rien de nos yeux de chair dans l’ordre des réalités matérielles de ce monde… A quel Mystère sommes-nous une fois de plus renvoyés ? Au tout début de Jn 14,20, nous lisons : « Ce jour-là »… La Bible de Jérusalem écrit en note : « Le « jour » peut désigner ici tout le temps qui suivra la résurrection de Jésus ». Nous sommes donc en ce « jour », et ceci jusqu’à la fin des temps, un « jour » où la Lumière de la Résurrection, « la Lumière de la Vie » « brille déjà » au regard de notre foi (Jn 8,12 ; 1Jn 2,8)… Ce « jour-là », en cette « Lumière » vous « connaîtrez », et nous retrouvons ici ce verbe « connaître » qui, en St Jean, est la conséquence de ce vivre nouveau (cf. Jn 17,1-3). Et d’ailleurs, il s’agit de « connaître que je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous »… Il s’agit de « connaître » un Mystère de Communion en vivant ce Mystère… Nous percevons à quel point la théologie de St Jean est une théologie de la vie…

            « Heureux alors les yeux qui voient ce que vous voyez » (Mt 13,16), à lire avec « heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29), car le fruit de l’Esprit est Vie (Jn 6,63), Amour, Joie, Paix (Ga 5,22)… Telle est « la manifestation » que Jésus promet en 14,21, dans l’amour… Et de fait quel Mystère retrouve-t-on à la fin de Jn 14,23 ? Jésus avait promis en Jn 14,18 : « Je viens vers vous »… Mais quel Mystère vit-il lui-même (cf. Jn 10,30 ; 14,10-11 ; 17,11) ? Conclusion : lorsque Jésus vient, Qui vient avec Lui ? Retrouver la réponse en Jn 14,23. Et tout ceci s’accomplit par le Don de l’Esprit Saint « nature divine » par lequel le Père, le Fils et l’Esprit Saint désirent faire leur demeure dans le cœur de tous les hommes qui consentiront à l’accueillir…

            Et cette section se termine comme elle avait commencé : quelle grande promesse retrouve-t-on en Jn 14,26 (cf. Jn 14,15-17) ? Jésus enseignait ses disciples en leur transmettant une Parole qui venait de son Père (Jn 14,24) ; désormais, qui sera « l’Enseignant » par excellence de l’Eglise ? Et d’après la fin de Jn 14,26, quelle est sa mission jusqu’à la fin des temps ? Le Père nous a tout dit par son Fils… L’Esprit Saint gardera vivante cette Parole au cœur de toutes les femmes et de tous les hommes de bonne volonté, ouverts à la vérité…

Conclusion (Jn 14,27-31)

            Quel est le grand cadeau que le Christ offre à tous ses disciples ? Par qui nous vient-il concrètement (cf. Ga 5,22 ; Rm 14,17) ? Comment en général « le monde » le donne-t-il ? Comme le Christ le donne-t-il (cf. Col 3,15) ? D’où la fin du verset 27 : le plus profond de notre cœur est dans « ses mains »…

            Quelle grande promesse de Jésus retrouve-t-on en Jn 14,28 ? Nous l’avons vu précédemment, comment s’accomplira-t-elle ?

            Le Fils est « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu »… Il est pleinement « Dieu » au sens où il « vit » la Plénitude de la nature divine, de toute éternité… Entendu ainsi, il est « égal » au Père (Jn 5,18)… Comment comprendre alors cette affirmation : « Le Père est plus grand que moi » (cf. Jn 3,35 ; 5,26 ; 6,57) ?

            Et quel est le grand souci de Jésus pour ses disciples d’après Jn 14,29 ?

            Le Prince de ce monde, dit Jésus, « n’a en moi aucune prise ». Qu’est-ce que cela signifie (cf. Jn 8,46 ; Ac 3,14 ; 1P 1,19 ; 2,21-25) ? La Bible de Jérusalem a traduit : « Sur moi, il n’a aucun pouvoir » (cf. Jn 1,5). Comment, pour nous, pécheurs, pouvons-nous espérer qu’il en soit de même (cf. Jn 17,22-23) ? Comment cette perspective s’accomplit-elle (cf. 1Th 4,8) ? En mettant ensemble Jn 4,24 et 1Jn 1,5, retrouver Jn 1,5, un verset qui se vérifiera alors dans nos cœurs, tout comme Jn 12,31 ; 1Jn 2,14 ; 4,4 ; 5,18… Et la conséquence sera Jn 8,12 ; Col 1,11-14 ; Ac 26,17-18…

            Enfin, que manifestera la Passion de Jésus d’après Jn 14,31 ? Noter la perspective missionnaire : « Il faut que le monde reconnaisse »… pour son salut… Cette réalité est exprimée du point de vue du Fils… Retrouver au début de Jn 5,20 l’expression complémentaire qui évoque cette même et unique réalité, car pour aimer, il faut être deux… Or « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même »… Qu’est-ce donc qui permettra à Jésus de « faire » jusqu’au bout « comme le Père le lui a prescrit » (cf. Lc 4,14) ? Mais avec 1Jn 4,8, de quelle force parle-t-on ? Donner des exemples tirés des récits de la Passion où cette force se manifeste, jusqu’au bout du Don de soi-même, pour notre salut à tous… Ainsi, quelles que soient les difficultés et les épreuves de notre vie, puissions-nous, nous aussi, « demeurer dans l’Amour du Fils », car « aimer c’est tout donner et se donner soi-même », et le Fils a reçu du Père le pouvoir de « donner » comme le Père lui-même « donne » (Jn 17,2)… Nous recevrons alors du Fils, comme autrefois le Fils l’a reçu de son Père, la force, le soutien, le réconfort, la consolation de l’Esprit Saint qui nous permettra de tenir bon dans nos épreuves et de réconforter à notre tour ceux et celles qui peuvent connaître des difficultés (cf. 2Co 1,3‑7 ; 7,4 ; 4,7-12)…

Jacques Fournier

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Correction de la fiche N° 24 :

CV – 24 – Jn 14,15-31 Correction