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Le chapitre 5 de l’Evangile selon St Jean comprend deux grandes parties : un signe et un discours, qui s’éclairent mutuellement.
La guérison d’un infirme à la piscine de Béthesda (Jn 5,1-18)
Des fouilles récentes ont mis au jour, au nord-est de Jérusalem, une piscine trapézoïdale constituée de deux grands bassins profonds de 14 mètres séparés par une digue large de 6,50 m. Le bassin sud, le plus grand, faisait 55 m sur 48. L’autre mesurait environ 40 m sur 50. Des colonnades entouraient l’ensemble ; la digue en était aussi pourvue, d’où peut-être la mention des « cinq portiques » dans notre texte. On a également découvert, près de ces bassins, des petits bains qui faisaient partie d’une installation cultuelle dédiée au dieu guérisseur égyptien Sérapis. Comment les scribes et les Pharisiens devaient-ils considérer cet endroit consacré à une idole ? Y seraient-ils entrés (cf. situation semblable en Jn 18,28) ? De plus, la maladie était perçue à l’époque comme la conséquence du péché (cf. Jn 9,1-2), et le péché comme la source de toute impureté. Comment les scribes et les Pharisiens regardaient-ils ces « infirmes, aveugles, boiteux, impotents » ? Seraient-ils allés vers eux ? Et pourtant, où Jésus est-il ici et que fait‑il (cf. Mc 1,41 ; 2,15-17…) ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de son attitude ?
Que représente d’ailleurs pour St Jean « cette multitude d’infirmes, aveugles, boiteux, impotents » (se souvenir que le chiffre 4 est symbole d’universalité (les quatre points cardinaux)) ? Et que fait Jésus vis-à-vis d’elle (Luc 15,4-7 ; Jean 3,16-17) ? Quelle situation tragique a-t-il tout de suite remarquée (cf. Jn 5,5-7) ? De plus, la croyance de cet homme exposée en 5,7 était-elle juste ? Jésus lui fait-il par la suite des reproches à ce sujet ? Dit-on d’ailleurs que cet homme a « foi en Jésus » ? Dans sa croyance, qu’espère-t-il de lui ?
Pourtant, il arrivera ce qu’il n’aurait peut-être jamais osé demander ou même imaginer… Quel est en effet le désir profond qui l’habite ? Et Jésus l’abordera en disant : « j Veux-tu k devenir l bien portant (sain) ? »
C’est toujours Jésus qui a l’initiative. Tout vient de lui, lui qui « veut » déjà notre bien le plus profond (cf. 1Tm 2,4 avec Mt 18,14 ; Jn 17,24 ; Dt 30,19 ; Ez 18,23 ; 33,11). Mais que suggère ce « veux-tu » (cf. Mc 10,51 ; Mt 19,17.21; Ga 5,13 ; 1P2,16 ; Lc 15,18) ? Que représente ici cet « infirme » couché sur son « grabat » (cf. Rm 3,9 ; 6,23) ? Dans le grec des Evangiles, le verbe traduit par « se lever » est le même employé pour décrire la résurrection du Christ ; que suggère-t-il ici ? Si le grabat peut symboliser le péché et le fait d’être couché dessus ses conséquences, avant l’intervention du Christ qui portait qui, et donc qui dominait sur qui ? Et après l’intervention du Christ, qu’en est-il (cf. 1Co 10,13)[1] ?
Jésus dit à tous ses disciples : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et me suive » (Mc 8,34). Que signifie notamment, d’après ce que nous venons de voir, « se renier soi-même » et « prendre sa croix » ? Sommes-nous seuls pour porter notre fardeau (cf. Mt 8,17 ; 11,28-30 ; 2Co 12,9) ? Tout malade ne peut qu’espérer bien sûr une guérison totale. Mais n’oublions jamais que la maladie représente ici celle du péché, cette blessure intérieure qui nous habite tous, d’une manière ou d’une autre. Or Jésus ne dit pas ici « Veux-tu être bien portant ? », mais « Veux-tu devenir bien portant ? » Quelle nuance apporte l’utilisation par Jésus de ce verbe « devenir » ? Sa guérison physique, qu’il expérimente très concrètement en son corps, est-elle alors un point d’arrivée ou un point de départ ? Retrouver la réponse avec le troisième verbe employé par Jésus en Jn 5,8. Dans quel processus sommes-nous engagés (Ep 4,15 ; Ph 1,9-11 ; 3,12-16 ; 1Th 3,12 ; 2P 3,18) ?
Enfin, n’oublions pas que dans la Bible, l’homme est « un ». Il n’a pas un corps, il est corps ; il n’a pas une âme, il est âme ; il n’a pas un esprit, il est esprit. L’homme ici a retrouvé la santé en son corps. Mais ce résultat visible de l’action de Dieu manifeste une transformation qui l’a atteint dans son être tout entier : corps, âme et esprit (cf. 1Th 5,23).
De plus, Jésus a accompli cette guérison sans utiliser l’eau de ce temple dédié à Sérapis, le dieu guérisseur. Dans un tel contexte, comment se présente-t-il indirectement ((a) Lc 5,31-32 ; (b) Jn 4,42 ; 1Jn 4,14 ; Lc 2,11 ; sans jamais oublier Jude 1,25 et Ac 5,31 ; 13,23 et donc Lc 1,47 ; 1Tm 2,3-4 ; 4,10 ; conclusion avec Tt 3,4-7) ?
Jésus agira par sa seule Parole ; que nous suggère cette manière de faire (cf. Gn 1,1-25 avec Jn 5,19-20) ? Quel but poursuit-il (2Co 5,17-21 ; Jn 17,24 ; Jn 14,1-4) ? De quoi cette guérison sera-t-elle donc le signe ? Et de fait, où Jésus retrouvera-t-il par la suite cet homme guéri (cf. Jn 5,14 ; se souvenir aussi de l’expression employée au début de Jn 14,2, lue avec Jn 20,17) ?
Cet infirme guéri a-t-il vraiment compris au moment de sa guérison qui est Jésus et le don incroyable qu’il vient de recevoir (cf. Jn 5,13) ? Les mariés des Noces de Cana avaient-ils eux aussi demandé quelque chose à Jésus, le connaissaient-ils, croyaient-ils en Lui, ont-ils pris conscience de tout ce qu’ils ont reçu (cf. Jn 2,1-12) ? La veuve de Naïn (Lc 7,11-17) et l’aveugle-né (Jean 9,1-7) connaissaient-ils eux aussi Jésus, avait-ils foi en Lui, lui ont-ils demandé quelque chose ? Et pourtant, que fera Jésus pour eux ? A partir de tous ces exemples, quelles conclusions pouvons-nous tirer sur Jésus, sa Présence auprès des hommes, son action à leur égard ? Ceci est-il toujours valable dans l’aujourd’hui de notre histoire (cf. Mt 28,20 ; Hb 13,8) ? Quel regard de foi sommes-nous donc invités à porter sur tous ceux et celles qui nous entourent, qu’ils soient croyants comme nous, ou croyants différemment ou encore incroyants ? La base de tout, en fin de compte, est la bonne volonté… Avec elle et par elle, que nous en soyons conscients ou pas, le Père guide ses enfants sur les chemins qui mènent à sa Maison…
Or en quel jour Jésus a-t-il accompli ce miracle ? Cela posera deux problèmes pour les scribes et les Pharisiens, lesquels (cf. j Jn 5,10 ; k Jn 5,15-16 ; Lc 13,14) ? De fait, que demande la Loi de Moïse pour le sabbat (Ex 20,8-11 ; Dt 5,12-15) ? Mais le but d’une telle demande est de se mettre dans les meilleures conditions possibles pour vivre sa relation avec Dieu. Or, qu’est-ce qui nous empêche de vivre pleinement cette relation (Rm 7,14-25)? Et d’après ce que nous venons de voir, de quoi les guérisons accomplies par Jésus sont-elles le signe ? Jésus s’oppose-t-il donc au commandement du sabbat, ou au contraire en permet-il le meilleur accomplissement possible (cf. Jn 7,19-24) ?
A l’époque de Jésus, les maladies et la mort étaient donc comprises comme des châtiments que le Dieu Juge envoyait du ciel pour punir les pécheurs (cf. 1R 8,32). Et puisque l’on pouvait tomber malade ou mourir un jour du Sabbat, on en avait déduit que l’activité du Dieu Juge ne cesse jamais… Or, pour expliquer son action, que dit Jésus en Jn 5,17 ? Quelle prétention y voient aussitôt les scribes et les Pharisiens ?
Le discours de Jésus (Jn 5,19-49)
Au début de son discours, Jésus va tout de suite rebondir sur ces reproches que ses interlocuteurs viennent de lui faire. Ils l’accusent de « se faire l’égal de Dieu », de se mettre en avant… Mais dans ses toutes premières paroles en 5,19-20 et plus tard en 5,30, comment Jésus se présente-t-il ? Retrouver ce principe fondamental dans les versets suivants pour sa Parole (7,16-17 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10 ; 14,24 ; 17,7-8) et ses œuvres (5,36 ; 9,1-4 ; 10,36-38 ; 14,10-11). Quel est d’après Jn 14,10-11 le fondement sur lequel le Fils construit toute sa vie ? D’après les tout premiers mots de Jn 5,20, quel en est le contexte ? Et comment le Christ répond-il (cf. Jn 14,31 ; 4,34 ; Ph 2,8 ; Hb 5,8) ? Quelle devrait donc être, à l’exemple du Fils, l’attitude de base de tout chrétien « fils ou fille de Dieu » au plus profond de son cœur (Ac 5,29 ; 6,7 ; Rm 6,16 ; 16,19 ; 2Co 9,13 ; 10,4-5 ; Ph 2,12 ; 1P 1,1-2 ; 1,14.22). Par quelle expression St Paul résume-t-il cette attitude (cf. Rm 1,5 ; 16,26) ?
Dieu appelle ainsi l’homme au plus profond de lui-même, au plus profond de son être. Nous sommes ici à la source de ce que nous appelons notre « conscience »… En effet, celle-ci est la conséquence directe de l’action créatrice de Dieu qui nous a suscités dans l’existence par son Souffle, l’Esprit Saint (Gn 2,4b-7), et qui nous maintient en vie, instant après instant, par ce même Souffle (Job 34,14-15)… C’est donc une réalité de l’ordre de l’Esprit qui est à la racine la plus profonde de notre être, de notre vie… L’Esprit de Dieu a créé notre esprit, et il le maintient dans l’existence instant après instant. Et cet « esprit » participe, de par ce qu’il est, à la nature même de Dieu (Jn 4,24). Il porte donc en lui toutes les richesses divines : amour, vérité, justice, droiture, loyauté, compassion, sagesse… Et ces richesses s’expriment spontanément dans ce que nous appelons notre « conscience ». Etre fidèle à sa conscience, l’écouter, c’est donc en fin de compte être fidèle à Dieu, écouter Dieu, même si cette conscience a besoin d’être éclairée, purifiée, fortifiée… Combien vivent sans faire attention à ce trésor qui les habite déjà… C’est pour cela que découvrir le Mystère de Dieu qui s’est révélé en Jésus Christ est au même moment une découverte de soi-même, de ce que nous sommes tous : des êtres spirituels qui vivent déjà de la Plénitude même de Dieu, et qui sont appelés à partager cette Plénitude en acceptant librement de la recevoir de Celui qui ne cesse de vouloir nous la communiquer ! Nous avons tous été créés pour cela… Mais avant de recevoir, il faut d’abord prendre conscience de l’existence de Dieu, cet Être éternellement bienveillant et toujours offert. Ensuite, il faut accepter librement de se tourner vers lui pour recevoir le Don de sa Vie, de sa Paix, un Don qu’il veut voir régner en nous pour notre bien. Telles sont toutes les étapes d’une « conversion » à laquelle Dieu travaille, patiemment, inlassablement, pour que nous puissions connaître la Plénitude, la sienne ! Tel sera alors notre bonheur profond. En prendre conscience ne pourra donc qu’être pour nous synonyme de lumière, d’émerveillement, d’intensité de vie inégalée… « Heureux ceux qui croient »… Le paradoxe des paradoxes est que les hommes cherchent tous le bonheur en courant après l’argent, les biens matériels, les honneurs, alors que Dieu de son côté court après chacun de nous pour nous inviter au seul vrai bonheur pour lequel il nous a tous créés, le sien… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,10)… Prendre du temps pour s’arrêter et se placer sous la lumière de cette Parole que le Fils est venue nous adresser au Nom de son Père, c’est découvrir avec lui, avec elle, dans l’invisible de l’Esprit, une réalité intense et paisible de l’ordre de la vie, qui suffit déjà à nous combler dès ici-bas ! Sa Présence en nous sera le fruit de la Miséricorde de Dieu qui veut notre bien plus que nous-mêmes. En effet, quel que soit notre « état », la gravité et l’étendue de nos blessures, « Dieu ne cesse pas de nous suivre pour nous faire du bien »… Et l’on pourrait même dire que cette Présence se fera d’autant plus insistante que nous sommes blessés, plongés dans les ténèbres, et donc finalement, sans en avoir peut-être pleinement conscience, profondément malheureux… Et voilà justement ce que notre Père à tous ne supporte pas ! Alors, s’il nous appelle à l’aimer « de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit » (Mt 22,37), c’est bien parce que Lui est le premier à le faire depuis toujours : « Je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement dans ce pays » (ce Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit) « de tout mon cœur et de toute mon âme » ! Et là, le prophète Jérémie évoque l’infini du cœur de Dieu (Jr 32,39-41) !
Accepterons-nous enfin de prendre du temps pour lui, de nous tourner vers Lui, d’écouter ce qu’il nous a dit par son Fils, et de le laisser agir en nous ? Nous ne pourrons alors que reconnaître, en la vivant, cette Plénitude de Vie et de Paix qu’il désire nous communiquer… Heureux serons-nous alors… Jésus est venu nous rejoindre pour cela : « Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10)… Et il est le Bon Pasteur qui cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve (Lc 15,4-7). Combien de fois dans notre vie n’allons-nous pas être des « perdus », et à chaque fois… il nous retrouvera et nous donnera de vivre et de revivre sa vie, sa paix… en attendant ce jour tout à la fois désiré et redouté où, enfin, nous le verrons !
D’ailleurs, quelle notion intervient deux fois en Jn 5,26 ? A la lumière de cette insistance, lorsque le Christ va ensuite parler d’un « pouvoir » reçu de son Père, de quel « pouvoir » pourrait-on s’attendre (cf. Jn 17,1-2 ; 10,10 ; 5,40) ? Et pourtant, c’est la notion de « jugement » qui intervient en Jn 5,27 ! Conclusion : en mettant en parallèle la réponse précédente et cette notion de jugement, que veut donc dire pour Dieu « exercer le jugement » ? Retrouver la réponse avec Jn 3,14-18. Dieu juge-t-il donc au sens de « condamner » (cf. Jn 5,22 ; 5,45 ; 8,10-11 ; 1Jn 2,1-2 ; Rm 8,31-34) ? Quelle est son unique préoccupation (1Tm 2,3-6) ? Et de fait, si le thème du jugement apparaît aux versets 22, 24, 27, 29, 30, quel autre thème se croise continuellement avec lui (versets 21, 24, 25, 28-29) ? Retrouver ainsi une nouvelle fois ce que veut dire pour Dieu « exercer le jugement » (voir aussi Col 1,12-14 ; Jn 12,31-32). Ainsi, celui qui, jour après jour, accepte le Christ Sauveur dans son cœur et dans sa vie, reçoit « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19), Celui qui a versé tout son sang sur la Croix pour que nous puissions être libérés du mal et de ses conséquences (1Jn 1,7 ; Ap 1,5 ; 7,13-17 ; 12,10-12 ; Hb 9,14) et vivre ainsi de sa vie (Jn 6,53-57), en communion de vie avec lui (1Jn 1,1-4)… Car le sang dans la Bible symbolise la vie… En nous donnant « son » sang (Lv 17,11 ; 17,14), Jésus nous donne « sa » vie, pour que nous vivions de « sa » vie… Et cette vie sera le fruit, en nous, de l’action de l’Esprit car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63), c’est « l’Esprit qui est notre vie » (Ga 5,25)…
Quels sont donc « les morts » évoqués en Jn 5,25, des « morts » qui « entendent la voix du Fils de Dieu » et qui ne sont donc pas si morts que cela (cf. Lc 5,31-32 ; Rm 6,23) ? Souvenons-nous que nous avons rencontré ce thème de « la voix » en Jn 3,8 : « Le vent (ou l’Esprit, même mot en grec, pneûma) souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3,8). Cette « voix » est donc celle de l’Esprit… Entendre « la voix du Fils de Dieu », c’est entendre « la voix » silencieuse de l’Esprit qui se joint à sa Parole et touche les cœurs… En effet, souvenons-nous encore de Jn 3,34 : « Celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure ». En donnant la Parole du Père, Jésus donne l’Esprit sans mesure. Accueillir la Parole de Jésus de tout cœur, c’est donc au même moment accueillir l’Esprit. Les disciples qui entendaient de leurs oreilles la voix de chair de Jésus, percevaient donc au même moment, au plus profond d’eux-mêmes, un « je ne sais quoi », comme dirait Ste Thérèse de Lisieux : la voix de l’Esprit qui « parlait » par sa simple Présence en eux. Avec lui, ils vivaient donc de la vie de Dieu, car « c’est l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)… Et puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et que « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), avec lui encore, ils faisaient en même temps une expérience de Lumière, que l’on peut aussi traduire en terme de Joie (cf. 1Th 1,5-6). Jésus, conscient qu’ils accueillaient à travers sa Parole la réalité même de l’Esprit qu’il reçoit du Père de toute éternité, pouvait leur dire : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez et les oreilles qui entendent ce que vous entendez » (Mt 13,16‑17). Ils vivaient ce que lui aussi vivait… « A cette heure même, il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir » (Lc 10,21).Heureux étaient-ils parce qu’ils accueillaient avec sa Parole l’Esprit donné sans mesure, l’Esprit qui vivifie, l’Esprit qui est Lumière et Joie… Ils entendaient « la voix de l’Esprit ». C’est pourquoi Jésus parle ici, en Jn 5,25, de ces « morts », de ces pécheurs, qui vont accepter librement de l’accueillir, de l’écouter, de lui ouvrir leur cœur : ils vont « entendre la voix du Fils de Dieu » et donc avec lui « la voix » de l’Esprit… Alors, ils ne peuvent que vivre, car « l’Esprit vivifie » (Jn 6,63). D’où l’affirmation de Jésus : « et ceux qui l’auront entendue vivront »…
Par contre, quels sont « les morts » qui interviennent ensuite en Jn 5,28 ? On peut lire Ez 37,1-14 en pensant au même thème… Bien noter qu’en Jn 5,28-29, tous les morts ressusciteront, tous, sans aucune exception, « ceux qui auront fait le bien » et « ceux qui auront fait le mal »… Or, celui qui a fait le bien, avant de l’accomplir, a dit « oui » au bien dans son cœur. Peut-être n’en était-il pas conscient, mais au même moment, il disait « oui ! » à Dieu et son « faire le bien » était déjà habité par la Présence de Celui qui est le Bien par excellence, et qui se plait « à faire le bien » pour les uns et pour les autres, par les uns et par les autres… « Dieu est Amour » (1Jn 4,8), il est le Bien, il est « la Vérité » (Jn 14,6). Ainsi, « celui qui fait la vérité » du bien et de l’amour, « vient à la lumière afin que soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu » (Jn 3,21). Dieu le soutient dans le bien qu’il accomplit, il l’entoure, il l’encourage, mystérieusement il le guide, et ce bien fait « en Dieu » devient l’œuvre de Dieu lui-même…
« Ceux qui auront fait le mal » sortiront des tombeaux « pour une résurrection de jugement » (Jn 5,29). A la lumière de la notion de « jugement » rencontrée précédemment, que sera pour eux cette « résurrection de jugement » ? Quelle énorme espérance pouvons-nous donc avoir à leur égard ? Encore faudra-t-il, une fois de plus, qu’ils acceptent, librement, de se laisser aimer par « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3)… L’Amour, en effet, peut se faire pressant, suppliant, dans son ardeur à vouloir le bien pour celui et celle qu’il aime… Mais il ne peut s’imposer, il ne peut « forcer » qui que ce soit… Le Seigneur nous aidera, il nous encouragera, il insistera pour que nous acceptions d’entrer dans sa Maison, mais il ne nous obligera jamais à le faire… D’où l’importance de lui dire « Oui ! » dès maintenant, en lui offrant tout, toutes nos misères, nos mauvaises volontés, nos manques d’amour… Et lui fera ce qu’il ne cesse de faire de toute éternité : face au mal, l’Amour prend le visage de la Miséricorde qui, inlassablement, enlève le péché du monde, pardonne, lave, purifie, sanctifie… « On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent » (Ste Thérèse de Lisieux).
Ps 103(102),1-18 : « Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse ;
il comble de biens tes vieux jours : tu renouvelles, comme l’aigle, ta jeunesse.
Le Seigneur fait œuvre de justice, il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse, aux enfants d’Israël ses hauts faits.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ;
il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ;
aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ;
comme la tendresse du père pour ses fils,
la tendresse du Seigneur pour qui le craint !
Il sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière.
L’homme ! ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit :
dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore.
Mais l’amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, * et sa justice pour les enfants de leurs enfants,
pour ceux qui gardent son alliance et se souviennent d’accomplir ses volontés »…
Quelle notion prépondérante apparaît ensuite en Jn 5,31-40 ? On peut dire que le principe est énoncé en Jn 5,31-32. Apparaissent ensuite tous les acteurs qui mettront en œuvre cette notion : les indiquer. Et qui en est, à chaque fois, le bénéficiaire ? Nous le voyons, nous sommes ici en plein procès de Jésus accusé par les autorités religieuses d’Israël de « se faire égal à Dieu » (Jn 5,18). Or, d’après la Loi de Moïse, quel était le nombre de témoins nécessaires pour « convaincre un homme de quelque faute ou délit que ce soit » (cf. Dt 19,15) ? Ce chiffre n’est-il pas atteint ici, et même dépassé ?
D’après Jn 5,44, quelle attitude s’oppose à l’accueil du Christ ? Quelle en est la conséquence (cf. Jn 12,37-41 ; Mc 8,17-18) ? Leur cœur est-il donc ouvert ou fermé ? Et puisque Dieu est Amour et Source d’Amour et de Vie (1Jn 4,8.16 ; Jr 2,13 ; 17,13 ; Jn 7,37-39 avec Rm 5,5), qu’auraient-ils aussitôt en eux-mêmes si leur cœur lui était ouvert (cf. Jn 5,42 et Jn 5,40 en notant que « venir à » en St Jean équivaut à « croire » (cf. Jn 6,35)) ? Après avoir reconnu cette Présence vivifiante en eux de l’Esprit, que se passerait-il alors (cf. deuxième partie de 1Co 12,3 ; puis Jn 5,23 car Jn 10,30) ?
En effet, s’ils avaient en eux « l’amour de Dieu », c’est bien parce ce que « un homme ne peut rien recevoir si cela ne lui a été donné du ciel » (Jn 3,27). En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8). Or, « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux). Ainsi Dieu, de toute éternité, est Source de ce qu’Il est lui-même. Il ne cesse de tout donner, tout ce qu’Il Est… Il Est Lumière (1Jn 1,5) ? Il donne la Lumière… Il Est Amour ? Il donne l’Amour… Il Est Esprit (Jn 4,24) ? Il donne l’Esprit… Et son Esprit, bien sûr, est Amour et Lumière… Voilà pourquoi, en nous donnant l’Esprit, il nous donne aussi l’Amour, une force pour aimer : « L’Amour de Dieu a été versé dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné », dit St Paul (Rm 5,5). Mais avec l’Esprit, nous recevons aussi la Lumière… « N’éteignez pas l’Esprit », dira St Paul (1Th 5,19)… Alors, si les interlocuteurs de Jésus étaient vraiment ouverts à Dieu de tout cœur, comme ils le prétendent, ils auraient en eux sa lumière. Or, dit le Psalmiste, « par ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36(35),10). Jésus est la « Lumière du monde » (Jn 8,12) ? Ils l’auraient aussitôt reconnu et aimé… Mais puisqu’ils refusent d’accueillir en eux cette Lumière de l’Amour en faisant la vérité dans leur vie, vérité de leur misère qui pourrait accueillir la Vérité de la Miséricorde de Dieu, ils n’accueillent pas Jésus (Jn 5,43). Pire, ils vont aller jusqu’à le haïr (Jn 15,18-27).
Et dans la même foulée, s’ils croyaient vraiment en Moïse (Jn 5,46), puisque Moïse n’a fait que transmettre les Paroles qu’il avait reçues de Dieu, et notamment « les Dix Paroles » (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-22), c’est Dieu à travers lui qu’ils auraient accueilli… Et si tel avait été vraiment le cas, ils auraient reconnu que la Parole de Jésus jaillit de la même source : toutes les Paroles qu’il nous transmet viennent aussi du Père… Et puisque Jésus, « le Verbe fait chair » (Jn 1,14), est Dieu (Jn 1,1 ; 20,28), en accueillant Dieu par Moïse, ils auraient accueilli en même temps le Mystère du Fils éternel « unique engendré » (Jn 1,18)… Il n’est donc pas possible de dire que l’on croit en Moïse et au même moment qu’on ne croit pas en Jésus… Mystère de ce péché qui est résistance à Dieu, refus de Dieu… Jésus, « vrai Dieu né du vrai Dieu » va l’affronter dans toute son intensité et se laisser broyer par lui… Mais rien, absolument rien ne peut empêcher Dieu d’être ce qu’Il Est, et Il Est Amour… A la mort de son Fils, il répondra par l’Amour… L’Amour qui arrache à la mort le Fils Bien-Aimé et qui l’envoie bénir tous ceux qui l’ont tué !
« Vous êtes, vous, les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a conclue avec nos pères quand il a dit à Abraham : Et en ta postérité seront bénies toutes les familles de la terre. C’est pour vous d’abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités » (Ac 3,25-26).
Dieu ne sait en effet que bénir, c’est-à-dire vouloir et accomplir par ses dons le bien de tous les hommes qu’il aime… Tous, sans exception, et tout particulièrement ceux qui sont pris fans les filets du mal, de la violence et de la haine, un mal qui les prive de la Plénitude de Dieu et ne peut donc que les plonger dans la souffrance intérieure et la détresse (Rm 2,9). Voilà, justement, ce que Dieu n’acceptera jamais.
D. Jacques Fournier
[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique & 405 ; 418 ; 1264 ; 1426 : « La nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée » concupiscence « ). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel ».« Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, « celui qui aura combattu selon les règles sera couronné » (2 Tm 2, 5). » « La vie nouvelle reçue dans l’initiation chrétienne n’a donc pas supprimé la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclination au péché que la tradition appelle la concupiscence, qui demeure dans les baptisés pour qu’ils fassent leurs preuves dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ. Ce combat est celui de la conversion en vue de la sainteté et de la vie éternelle à laquelle le Seigneur ne cesse de nous appeler ».
Correction de la fiche N°10