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Fiche n°12 : Jésus « Pain de Vie » par sa Parole et par sa chair offerte (Jn 6,22-47). (2)

Après avoir étudié la première partie de ce chapitre 6 (les deux signes de « la Multiplication des Pains » et de « la Marche de Jésus sur la Mer »), nous allons maintenant aborder la seconde, « le Discours de Jésus dans la Synagogue de Capharnaüm » où il dira par deux fois : « Je Suis le Pain de Vie » (Jn 6,35.48). Nous avons vu qu’avec « la Marche sur la Mer », Jésus s’est révélé comme étant Celui qui peut pleinement dire de Lui-même « Je Suis », comme Dieu autrefois dans le Buisson Ardent (Ex 3,14). Et avec « la Multiplication des pains », il s’est présenté comme étant « le Pain » que Dieu offre à l’humanité pour lui donner de participer à sa Vie. En mettant ces deux expressions ensemble, « Je Suis », et « le Pain », nous retrouvons l’affirmation centrale du discours qui suivra, « Je Suis le Pain de Vie ». Cette constatation est d’autant plus forte que St Jean reprendra dans ces deux versets l’écriture grecque particulière utilisée dans la révélation du Nom divin : « Égô éïmi, Je Suis » (Ex 3,14)… En effet, en grec, pour dire « je suis », « éïmi » suffit… Ainsi, Dieu se révèle en son Fils comme étant « Pain », c’est-à-dire un Etre totalement donné pour la Vie de celui qui acceptera de le recevoir, un Etre qui n’existe que pour le bien de l’autre…

 Les préliminaires du discours de Jésus (Jn 6,22-34)

       En Jn 6,22-25, quel problème se pose à cette foule qui a vécu la multiplication des pains ? De quoi Jésus se désole-t-il en 6,26 ? La foule a-t-elle reconnu qu’un miracle venait de se produire (cf. Jn 6,30 !) ? Quelle invitation lance ici Jésus (Voir aussi Lc 12,29-31 car Lc 12,32 ! Lc 12,33 ; Mt 13,44-46 ; Ep 5,18 ; Col 3,1-4 ; 1Jn 2,15‑17) ? Et comment se présente-t-il en Jn 6,27 ? Les bases de tout ce qui suivra sont déjà posées :

1 – Quel est le grand don que Jésus est venu nous communiquer (Jn 10,10) ?

2 – Où s’enracine le mystère de ce don (Jn 5,26 ; 6,57 ; 17,1-2) ? Retrouver la réponse en Jn 6,32-33 : que dit ici Jésus avant de se présenter comme étant « le Pain de Vie » ? Noter dans ce dernier texte les temps des verbes : conclusion ?

3 – A qui renvoie l’image du sceau (2Co 1,22 ; Ep 1,13-14 ; 4,30) ? Par qui le don de Dieu nous sera-t-il donc concrètement transmis (Jn 6,63 TOB ; 7,37-39 ; Rm 8,9-11 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25) ?

– Et, de notre côté, que nous demande Jésus pour le recevoir (Jn 6,47) ? En Jn 6,27, Jésus dit littéralement : « œuvrez »… Ce vocabulaire sera repris en Jn 6,28 dans le sens de « faire une œuvre », selon la logique de la Loi. Mais quelle est la seule œuvre que Jésus nous presse d’accomplir en Jn 6,29 ? Avec elle, en effet, tout commence… Ce verset peut d’ailleurs être compris de deux façons : trouver le second sens à la lumière de Jn 6,37 ; 6,44 ; 6,65 ; 1Co 12,3 et le début de 1Co 12,9.

       Un détail sera important pour la suite : en Jn 6,32, le verbe donner est conjugué en grec au parfait, un temps qui renvoie à une action passée dont les conséquences se font toujours sentir dans le présent du texte : « Non, ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel, ce pain que vous avez toujours aujourd’hui »… Or Moïse a vécu vers 1250 avant Jésus Christ ! Et il était bien clair, depuis longtemps, que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,3). « Vivifie-moi par ta parole », demande le psalmiste (Ps 118(118),37), et il constate, comme en action de grâce : « Ta Loi fait mes délices » (Ps 119(118),72.77.92). Ainsi, la Loi, dont le cœur était constitué par « les Dix Paroles » données par Dieu à Moïse au sommet du mont Sinaï (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6‑22), était-elle considérée depuis longtemps comme un « Pain de Vie ». Quiconque l’écoutait et lui obéissait trouvait avec elle un chemin de vie… « Prêtez l’oreille et venez vers moi, écoutez et vous vivrez, dit le Seigneur » (Is 55,3). Et cette Loi était toujours en vigueur à l’époque du Christ. C’est donc à elle que Jésus fait allusion lorsqu’il évoque « ce pain qui vient du ciel », « donné autrefois par Moïse » et qui est toujours pour eux un « Pain de vie »…

I – Jésus « Pain de Vie » par sa Parole (Jn 6,35-47)

       Nous la trouvons au tout début de la première partie de ce discours, et au tout début de la seconde (Jn 6,48). Cette première partie se divise en deux sections séparées par un murmure des auditeurs (Jn 6,41-42) ; et comment sera construite la seconde partie (Jn 6,48-58 ; cf. 6,52) ?

a) Un appel à la foi pour accueillir Jésus Pain de Vie par sa Parole (6,35-40)

  • Nous avons vu en 6,32 le sens symbolique donné à l’époque de Jésus à « ce pain qui vient du ciel », « donné par Moïse ». En se présentant dans la foulée comme étant « Pain de Vie », quel est, dans un premier temps, le sens que prendra ce mot « Pain » dans la bouche de Jésus (cf. Jn 6,68 ; Ph 2,16) (1) ? Et d’où vient-il (cf. Jn 17,7-8 ; 8,28 ; 12,49-50 ; 14,10‑11.24) ? A-t-il la même origine que pour Moïse (Ex 20,1 ; Jos 24,26 ; Ba 4,12) ? Conclusion : celui qui croit en Moïse peut-il ne pas croire en Jésus (Jn 5,45‑47) ? Que révèle donc le non-accueil de Jésus pour ceux qui prétendaient être « les disciples de Moïse » (Jn 8,47 ; 9,28-29) ?

  • A part les verbes « être » et « avoir » quels sont les deux verbes qui reviennent le plus souvent en Jn 6,35-40. A la lumière du parallèle en Jn 6,35, sont-ils équivalents ? La présence prédominante de ces deux verbes conforte-t-elle le premier sens du mot « pain » mis en lumière précédemment (1) ? Combien de fois interviennent-ils tous les deux ? Or si « sept » symbolise dans la Bible la perfection, « trois » est « le chiffre de Dieu en tant qu’il agit » ; l’action décrite par ces deux verbes est donc avant tout le fruit d’une œuvre de Dieu ( Se souvenir de Jn 6,37 ; 6,44 ; 6,65 ; 1Co 12,3 et 1Co 12,9).

  • En Jn 6,36 et 6,40 (2), le verbe « voir » est associé à un autre verbe, lequel ? Quel est donc ici le sens de « voir » pour St Jean (cf. Notes de la Bible de Jérusalem pour 6,40, et de la TOB pour 6,30 et 6,36 ; voir aussi Jn 1,32 ; 14,6-11.18-20) ?

  • Nous avons vu avec Jn 6,12 que le verbe « perdre » décrit en St Jean la situation de celui qui est privé de la vie éternelle par son refus de croire. Il est ici mis en parallèle avec « jeter dehors » (3) ; quel est donc ce « dedans » où le Christ désire que nous entrions tous (cf. Jn 14,1-4 ; 17,24 avec 17,20-23 ; 1Co 1,9 ; 2Co 13,13 ; Ph 2,1-2 ; 1Jn 1,3.7 ; retrouver ce verbe « entrer » en Mt 19,17 ; Mc 9,43-47) ?

            • A la lumière des deux points précédents (2), (3), repérer les répétitions en symétrie en Jn 6,35-40, et trouver l’expression placée en son cœur, en inclusion. Elle est centrale pour St Jean : qu’affirme-t-elle indirectement (Jn 1,1)? Et les auditeurs de Jésus ne s’y tromperont pas : cette expression sera au cœur de leur murmures en 6,41-42 (Regarder comment ces deux versets sont à nouveau construits) ? Combien de fois intervient-elle d’ailleurs en Jn 6,32-58 ; conclusion ?

A – v. 35-36 : …………………..

B – v. 37 : ……………………

C – v. 38 : ……………….

B’ – v. 39 : ………………….

A’ – v. 40 : ……………………..

  • Quelle est « la volonté de Dieu » d’après Jn 6,39. La préciser à la lumière de Jn 3,14-17 ; 4,42 ; 12,46-47 ; 17,1-2 ; 1Jn 2,2) ? Retrouve-t-on l’affirmation de 1Tm 2,3‑6 ? Mais quelle est la condition pour que ce projet de Dieu puisse s’accomplir de la meilleure façon possible (Jn 3,14-15 ; 3,18…) ? Qu’est-ce qui est alors nécessaire d’après Rm 10,11-17, un principe illustré en Ep 1,13-14 ? Quelle devrait donc être notre première préoccupation à tous ? Et de fait, qu’est-ce que le Christ demande à son Eglise, et que lui promet-il (cf. Mt 28,18-20 ; Mc 16,15-20 ; avec Ac 14,3.27 ; 15,4 ; 16,14 ; 21,19 ; Rm 15,17-19 ; 1Co 2,1-5) ?

Relever enfin les temps des verbes en Jn 6,35-40. Que pouvons-nous vivre et recevoir dès maintenant, et que pouvons-nous espérer « au dernier jour » ?

b) Le murmure des auditeurs de Jésus (Jn 6,41-42)

La notion de « murmure » n’intervient dans l’Ancien Testament qu’en Ex 15,24 ; 16,2.7.8.9.12[1] ; 17,3 ; Nb 14,2.27.29.36 ; 16,11 ; 17,6.20.25. Où se trouve le Peuple d’Israël dans tous ces textes ? Et dans le Livre de l’Exode, à part la première et la dernière référence où la soif est à l’origine des murmures, dans quel contexte apparaissent toutes les autres ? Les compter : conclusion ? A quel parallèle sommes-nous donc à nouveau invités en Jn 6,41-42 avec cette notion de murmure ?

Qu’est-ce qui, en St Jean, en est à l’origine (cf. Mt 13,53-58) ? L’affirmation en Jn 6,42 est-elle parfaitement exacte (cf. Lc 1,26-38) ? Retrouver une situation semblable en Jn 7,45-52 : les Pharisiens connaissent Mi 5,1, Lc 2,39-40.51-52[2] et 4,16, mais ils ignorent Lc 2,1-7. Comment peut-on qualifier une telle attitude ? Une réalité demeure en tout cas invisible à leurs yeux et à leur cœur, laquelle (cf. Jn 14,10-11) ? Conclusion : à travers ces murmures, qui est en fait rejeté (Ex 16,7-8 ; Lc 10,16 ; 1Jn 5,10) ?

c) Celui qui écoute le Père vient à Jésus (Jn 6,43-47)

            • Les versets 6,43-47 sont à nouveau très bien construits, avec des éléments qui se répondent en A et A’, et au cœur une affirmation centrale. Une seule citation explicite de l’Ancien Testament apparaît d’ailleurs en Jn 6,35-47 : où est-elle ?

• v. 43 :Jésus rebondit sur la notion de murmure.

A – v. 44 : ………………………

B – v. 45 ab : …………….

A’ – v. 45cd : ………………….

• v. 46 : Précision suite à l’affirmation du v. 45cd

• v. 47 : Conclusion de la 1° partie.

            Quel est le personnage central de ce passage ? Que fait-il en Jn 6,44 ? Et que se passera-t-il alors (Jn 17,7-8 ; 7,16-17 ; 3,33-34) ? Qui sera à nouveau l’acteur principal (Jn 6,45ab) ? Que fera-t-il (Jn 5,37 ; 1Jn 5,9) et par qui (Jn 15,26 ; 1Jn 5,6) ? Quelle attitude est alors nécessaire du côté de l’homme (Jn 1,12 ; 10,37-38 ; 20,30-31) ? Et quel sera le fruit de cette action en son cœur (1Jn 5,11 ; Jn 6,63TOB ; Ga 5,25) ? La conclusion, Jésus la donne en 6,47… Et tout ceci s’accomplira dans l’invisible de la foi, car un homme a-t-il déjà « vu » Dieu (Jn 1,18 ; 5,37 ; 6,46 ; 1Jn 4,12 ; Ex 33,20) ? D’ailleurs, qui est Dieu d’après 1Jn 4,8 et 4,16 ? N’avons-nous jamais vécu cette réalité dans nos relations humaines ? Et pourtant, là aussi, l’avons-nous déjà vue ?

            « Nul n’a jamais vu Dieu » : nous sommes dans la foi… Mais d’après (Jn 1,18 ; 8,19 ; 14,7) qu’est-ce qui est possible, pour nous, dès maintenant? En quels autres termes peut-on en parler d’après Jn 17,3 et 14,19-20) ? Nous retrouvons que ce qui ne se voit pas avec nos yeux de chair se vit… C’est donc en vivant la rencontre avec Dieu que nous reconnaîtrons sa Présence et son action en nos vies… L’important, c’est la vie…

            Jn 6,45b cite Is 54,13 où « les enfants de Jérusalem » sont les Israélites évoqués par le biais de leur capitale ; comparer le texte écrit par St Jean avec celui qui se trouve dans le Livre d’Isaïe lui-même : au-delà des traductions toujours aléatoires, existe-t-il une différence, une expression qui manque, et si oui, peut-on deviner pourquoi St Jean a‑t-il introduit cette modification ?

       D’après ce même verset, Jn 6,45, suffit-il « d’écouter » Jésus pour répondre à son attente (cf. Mt 7,21-23 ; Lc 6,46 ; Jc 1,22-25 ; Jn 8,51 ; 14,15-17.21-24 ; 15,10-11) ?

            Ainsi se termine la première partie de ce discours de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm : il se présente comme étant « Pain de Vie » par sa Parole. Autrefois, la Loi donnée par Moïse, avec en son cœur « les Dix Paroles », était « le Pain » que Dieu avait donné à son Peuple pour lui indiquer le Chemin de la Vie. Mais toute cette période n’était qu’une préparation à la venue du Fils qui, en donnant les Paroles reçues de son Père, s’est présenté comme étant « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). La révélation commencée avec la Loi de Moïse a atteint maintenant sa perfection avec Jésus, le Fils Unique, « la Parole fait chair » (Jn 1,14). Ce même message est dit de façon différente par St Matthieu lorsqu’il présentela Loi Nouvelle du Royaume des Cieux, les Béatitudes (Mt 5,1-12). Cette Loi nouvelle n’annule pas la précédente, mais l’accomplit (Mt 5,17-19). Puis, Jésus reprend quelques points importants des Dix Paroles et de la Loi (Mt 5,20-48) pour nous entraîner plus loin : « Vous avez entendu qu’il a été dit… Eh bien ! Moi, je vous dis »… Il s’agit de dépasser une obéissance qui ne pourrait s’en tenir qu’aux apparences, pour aller jusqu’aux racines du cœur… Autrement dit, suivre Jésus nous engage tout entier…

            La prochaine fois, nous verrons comment Jésus se présente comme étant « Pain de Vie » par sa chair offerte… Nous retrouvons ainsi les deux grandes parties de la Messe : la proclamation de la Parole, puis le Pain Consacré sur l’autel… Dans les deux cas, Jésus nous donne d’avoir part à sa Vie si nous nous tournons vers Lui de tout cœur pour l’accueillir dans la foi… Cette Vie ne se voit pas, elle se vit… Et « heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29) car ils vivent déjà « quelque chose » de cette éternité qui nous attend tous, par delà notre mort…

Jacques Fournier

Correction de la Fiche N°12

CV – 12 – Jn 6,22-47 correction

 

[1] N’oublions pas que cette manière d’écrire renvoie aux versets 2, 7, 8, 9 et 12 du chapitre 16 du Livre de l’Exode.

[2] Sont concernés ici les versets 39, 40 et les versets 51, 52 du chapitre 2 de l’Evangile selon St Luc.