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Fiche n°6 : Renaître de l’Esprit Saint par Jésus Sauveur et recevoir ainsi la Vie éternelle (Jn 2,23-3,8)

En Jn 1,19-51 St Jean nous a présenté le Christ et tous les titres qu’on peut lui donner. Puis nous l’avons vu accomplir à Cana (Jn 2,1-12) son premier signe qui renvoie au mystère de l’Alliance Nouvelle : au don de la Loi par Moïse succède maintenant celui de l’Esprit Saint par Jésus-Christ. Et puisque la Loi et le Temple de Jérusalem étaient les deux grands piliers de la vie religieuse en Israël, le Christ révèlera aussitôt qu’il est désormais l’unique Temple Véritable du Dieu vivant (Jn 2,13-22). Puis St Jean abordera, sans le nommer explicitement, le thème du Baptême et la Révélation se poursuivra par l’intermédiaire de personnes concrètes qui auront toutes une portée symbolique :

  1. a) Relever en Jn 3,1-10 ; 7,45-52 ; 19,38-42 les informations sur Nicodème qui nous permettent de préciser « qui » il est. Puis, quel autre personnage intervient en Jn 3,22‑27 ? A quel peuple renvoient ces deux personnages ?

  2. b) Qui apparaît ensuite en Jn 4 ? Quel peuple est alors évoqué ? Voir les précisions données en fin de fiche.

  3. c) Enfin, qui intervient en Jn 4,46 ? A l’époque où la Palestine était envahie par les Romains, à quel ensemble de l’humanité renvoie ce dernier personnage ?

Noter la progression qui apparaît ainsi avec (a), puis (b), puis (c). Retrouver cette dynamique d’ensemble en Ac 1,8 (voir aussi Jn 4,22 ; Mt 28,16-20 ; Mc 16,14-18).

1 – La nouvelle naissance de l’eau et de l’Esprit (Jn 3,1-8)

Comment d’après Jn 2,23-25 qualifier une foi qui ne se baserait que sur les signes, les miracles, et qui ne ferait que courir après le merveilleux : est-elle solide, forte, parfaite ? Noter que Jésus le sait : « lui-même connaissait ce qu’il y avait dans l’homme » (Jn 2,25). Or cette connaissance, dans la Bible, est le propre de Dieu : « Lui seul en effet sonde les cœurs et les reins » (Ps 7,10). Jésus est donc déjà présenté ici comme étant « un prophète » (Jn 4,19.44[1] ; 6,14 ; 7,40.52 ; 9,17). Mais ce prophète n’est pas « une personne humaine créée », comme chacun d’entre nous. Il est « le Fils Unique », cette Personne divine engendrée par le Père de toute éternité, vrai Dieu mais aussi vrai homme au sens où il a voulu, par le Mystère de l’Incarnation, assumer pleinement notre nature humaine…

D’après ce que nous venons de constater d’une foi qui ne serait basée que sur des signes, que peut-on dire de la foi de Nicodème (cf. Jn 3,1-2) ? Pourquoi est-il d’ailleurs venu trouver Jésus « de nuit » (cf. Jn 19,38 ; noter que le mot « Juif » ne renvoie pas ici, comme c’est très souvent le cas dans l’Evangile de Jean, à l’ensemble du Peuple Juif mais seulement à ses responsables) ? Mais que fait-il en Jn 7,45-52 et Jn 19,38-42 ? De plus, que symbolisent en St Jean les notions de « nuit » et de « ténèbres » (cf. Jn 3,19-21 ; 13,21-30 et tout spécialement le verset 30) et comment Jésus est‑il présenté (cf. Jn 1,4-5.9 ; 8,12 ; 9,4-5 ; 12,35-36.46) ? Quel a donc été le cheminement de Nicodème entre le début et la fin de l’Evangile ?

En Jn 3,2, qu’a noté Nicodème vis-à-vis de Jésus et de sa relation à Dieu ? A la lumière de Jr 1,8.19, qui est-il prêt à reconnaître en lui (Se souvenir de Jn 4,19 ; 7,40 ; 9,17…) ?

Quel est le premier verbe employé par Nicodème en 3,2 ? Que suggère-t-il, vis-à-vis de Jésus : une connaissance plutôt de cœur ou plutôt intellectuelle ? Quel est le danger d’une telle affirmation (cf. Jn 9,41 ; Jr 13,15-17 ; Ez 16,49-50 ; Os 5,5 ; 7,10). Mais Nicodème est un homme de bonne volonté, ouvert à la vérité, en marche vers la lumière… Or, comment est-il possible de connaître le Christ et les réalités spirituelles du Royaume des Cieux (Jn 16,12-15 ; 1Co 2,9‑15 ; associer Jn 4,24 avec 1Jn 1,5 puis lire Ps 36(35),10) ? Or, quel est justement le Don que le Père veut offrir à tous les hommes par son Fils (cf. Ac 2,38 ; 10,45 ; 1Th 4,8) ? Mais Dieu ne veut forcer personne… Mais nous pouvons déjà le deviner : à quelle démarche le Christ va-t-il inviter Nicodème par la suite (Voir aussi Lc 11,9‑13) ? Et cette démarche, à renouveler chaque jour dans la prière, s’accomplit par excellence lors du sacrement du baptême (cf. Ac 2,38 ; Mt 3,11 ; Jn 1,33 ; Ac 1,5 ; 9,17-18) auquel Jésus fera allusion par la suite…

L’expression « Royaume de Dieu » n’apparaît que deux fois en St Jean (3,3.5) ; St Matthieu, de son côté, parle 55 fois du « Royaume » ! D’après St Paul, « le Royaume des Cieux n’est pas une affaire de nourriture ou de boisson : il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ; Dieu est Saint (Is 6,3 ; Ps 99(98),9 ; Lc 1,49). Nous parlons donc ici de ce que Dieu est en Lui-même, de sa nature divine « Esprit Saint »… Voilà ce que le Fils est venu communiquer à toute l’humanité (2P 1,4) et que notre « esprit » est appelé à accueillir. Si nous disons « Oui ! » au Christ, « l’Esprit Saint » nature divine viendra s’unir à notre esprit : « Celui qui s’unit au Seigneur » par sa foi, c’est-à-dire en se laissant en fait unir au Seigneur par le Seigneur lui-même, « n’est avec lui qu’un seul Esprit » (1Co 6,17). Telle est l’aventure de foi, qui commence dès maintenant sur cette terre, « en énigme » (1Co 13,12) et que nous espérons découvrir en Plénitude par-delà notre mort (cf. 1Jn 3,1-2)… Cet Esprit de Dieu qui vient s’unir à notre esprit nous entraîne dans un Mystère de Communion avec Dieu, et avec tous ceux et celles qui ont accepté eux aussi de l’accueillir. Cette Communion, si mystérieuse ici-bas, est de l’ordre de la Vie, la Vie éternelle, la Vie de Dieu. En effet, « l’Esprit vivifie » (Jn 6,63), il communique ce « je ne sais quoi »[2] qui est de l’ordre de la Vie de Dieu et que nous sommes appelés à reconnaître dans notre « vivre » même… « Si l’Esprit est votre Vie », écrit St Paul, « que l’Esprit vous fasse agir ! » (Ga 5,25).

Résumons-nous : le Royaume des Cieux est « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint », un Mystère de Communion avec Dieu par son Esprit offert à tous, mais pour le recevoir il faut accepter de se repentir en renonçant à tout ce qui lui est contraire (cf. Ac 5,32). Son premier fruit en nos cœurs est de l’ordre de la Vie, la Vie éternelle, la Vie de Dieu qui se déploie dans sa Paix (cf. Ga 5,22-23 ; Ac 9,31 ; Ep 4,3)… Nous avons dit que St Jean, à la différence de St Matthieu (55 fois), n’utilise que très rarement (2 fois) la notion de « Royaume ». En effet, ce Mystère de Communion est évoqué chez lui avec le vocabulaire de « la Vie »… C’est ainsi que le mot « vie » intervient chez lui 35 fois, alors qu’on ne le retrouve que 7 fois en St Matthieu… Nous l’avons remarqué : les proportions sont cette fois inversées… Ainsi, pour St Jean, le Fils est venu en ce monde pour que « nous ayons la Vie en surabondance » (Jn 10,10), une Vie qui nous est communiquée par « l’Eau Vive » (Jn 4,10-14) de l’Esprit Saint (Jn 7,37-39), cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63)… Participer à cet Esprit grâce à la Miséricorde de Dieu, tel est « le Royaume de Dieu » qui commence dès maintenant, dans la foi…

Tout dépend bien sûr de nos traductions, mais quel est le mot qui apparaît le plus souvent en Jn 3,3-8 ? Et le chiffre « huit » dans la Bible est symbole de perfection (« sept ») infinie (« sept + un »)… Par cette nouvelle naissance évoquée ici notre vocation commune à tous  commencera à s’accomplir pleinement : devenir des enfants de Dieu (Jn 1,12) vivants du Souffle de son Esprit (Gn 2,4b-7 ; Jn 20,22) pour être « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27). C’est donc dans cet Esprit que nous trouverons notre Plénitude. D’où l’appel de St Paul : « Cherchez votre Plénitude dans l’Esprit » (Ep 5,18)…

Le baptême comme naissance nouvelle est aussi évoqué en Tt 3,4-7 ; 1P 1,22-23 ; 1Jn 2,29 ; 3,9 ; 4,7 ; 5,1… Et le fruit de cette naissance nouvelle est une créature nouvelle, un « être nouveau » (2Co 5,17) qu’il s’agira de faire passer par la suite dans toute notre vie, petit à petit, de conversion en conversion…

En Jn 3,3 et Jn 3,4, St Jean joue sur le double sens possible du mot grec « anôthen, d’en haut ou de nouveau ». Nicodème comprend « naître de nouveau » au sens matériel « d’entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître » ! Mais Jésus évoque, lui, la nouvelle naissance « d’en-haut », celle réalisée par Dieu le Père Lui-même et mise en œuvre par le don de l’Esprit Saint. Cela ne vient pas de l’homme, mais de Dieu… D’où l’invitation : « Il vous faut naître d’en haut » (Jn 3,7)… Et cela se fera dans la mesure où nous accepterons de laisser Dieu agir en nous abandonnant avec confiance entre ses mains. « Père, en tes mains je remets mon esprit » (Lc 24,46), ma vie, tout ce que je suis… Une fois de plus, nous constatons à quel point Jésus est Lui-même le chemin qui nous mène vers le Père… « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira… Je remets mon âme entre tes mains… sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père » (Charles de Foucauld).

Noter les deux verbes associés au Royaume de Dieu en Jn 3,3 et 3,5. Retrouver le deuxième en Mt 18,8 et 19,17 ; en comparant l’expression employée dans ces deux derniers versets avec Jn 3,5, retrouver la notion équivalente en St Jean à celle de « Royaume »… Prendre maintenant le verbe de Jn 3,3 et le retrouver en Jn 3,36 : en comparant les deux expressions, retrouver la réponse précédente…

Enfin, au verset 6, Jésus évoque l’œuvre spécifique de l’Esprit au cœur de ceux et celles qui acceptent de le recevoir, une œuvre qui apparaît avoir la même stabilité, la même permanence que « ce qui est né de la chair ». Cette conclusion apparaît du parallèle entre la chair et l’Esprit, et de la forme verbale employée en grec qui renvoie à une action passée dont les conséquences se font toujours sentir dans le présent du texte… Ainsi, les conséquences du baptême (le don de l’Esprit Saint) ne feront jamais défaut à ceux et celles qui l’ont reçu. L’Esprit donné sera toujours là, offert, pour un de ces nombreux « nouveaux départs » dont notre vie est remplie…

En Jn 3,8, St Jean joue à nouveau sur les deux sens possibles du mot grec « pneuma : ‘vent, souffle’ ou ‘Esprit’ », un mot qui intervient en Gn 1,2 dans la traduction grecque de l’Ancien Testament réalisée à Alexandrie au 3° siècle avant JC, « la Septante ». « Le souffle de Dieu », « l’Esprit de Dieu » en « planant sur les eaux » inaugurait la création et c’est toujours lui, offert par le Christ, qui permet son plein accomplissement… Mais comme le vent, il est discret, invisible, insaisissable, ce qui ne veut pas dire qu’il est impossible « d’entendre sa voix », bien au contraire… Il en est donc de même pour l’Esprit : il est possible « d’entendre sa voix » en nos cœurs, de reconnaître sa Présence, aussi mystérieuse soit-elle… Voilà « l’aventure » par excellence que Jésus nous propose… Mais cette perception « de foi » n’est pas du tout synonyme de « tout savoir », bien au contraire… « Mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va »…

Concluons avec Rudolf  Schnackenburg et le Catéchisme de l’Eglise Catholique (& 725) : « Avant tout effort humain pour entrer dans le Royaume de Dieu, Dieu doit poser le fondement d’un nouvel « être » de l’homme, qui lui rendra aussi possible un comportement nouveau ». Ce nouvel « être » est Mystère de Communion dans l’unique Esprit… La prophétie d’Ezéchiel commence alors à s’accomplir :

Ez 36,24-29 : Ainsi parle le Seigneur Dieu :

« Je vous prendrai parmi les nations,

je vous rassemblerai de tous les pays étrangers

et je vous ramènerai vers votre sol.

(25)    Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ;

de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai.

(26)    Et je vous donnerai un cœur nouveau,

je mettrai en vous un esprit nouveau,

j’ôterai de votre chair le cœur de pierre

et je vous donnerai un cœur de chair.

(27)    Je mettrai mon Esprit en vous

et je ferai que vous marchiez selon mes lois

et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes.

(28)    Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères.

Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu.

(29)    Je vous sauverai de toutes vos souillures »…

Nous l’avons noté : « Je »…, « Je »…, « Je »… Le premier à agir, c’est Dieu. Et la possibilité d’une vie nouvelle sera le résultat de cette action : « Je ferai que vous marchiez selon mes lois », des lois de vie, pour le vrai épanouissement de la vie… Dieu se propose d’agir ?… A nous de le laisser faire, de tout cœur, de nous laisser faire, de tout cœur, en lui offrant en vérité et le plus simplement possible toute notre vie… Et c’est ce qui se passe notamment en ce jour du baptême où l’Eglise, par ses serviteurs, verse « au nom du Père, du Fils et de l’Esprit Saint » (Mt 28,19) de l’eau sur les nouveaux baptisés. Cette eau est le signe visible d’une réalité invisible, l’Esprit Saint, qui vient faire toutes choses nouvelles au cœur de la personne qui le reçoit… Mystérieusement, il lave, il purifie et ce faisant, il enlève ce « cœur de pierre », dur, froid et inhumain… De son action naît alors « un cœur nouveau », « un esprit nouveau », « un cœur de chair ». Cette dernière expression est très belle car elle souligne à quel point le fruit de l’Esprit est une humanité réussie, vraiment de chair et de sang, sensible et généreuse… « Le vrai mystique est l’épanouissement suprême du véritable humanisme. La seule façon de réaliser sa plénitude humaine est de vivre à part entière dans l’Esprit de Dieu » (Maurice Morillon).

Nous n’y arriverons jamais parfaitement ici-bas… Mais l’important est de garder cet horizon devant nos yeux et de marcher, jour après jour, de miséricorde en miséricorde, vers ce plein épanouissement qui ne peut que venir de cet Esprit donné et réellement accueilli. En effet, les trois expressions « cœur nouveau », « esprit nouveau », « cœur de chair » renvoient toutes les trois à l’homme et au renouvellement de son être. Il commencera à se mettre en œuvre dans l’invisible et le secret de son cœur. Alors, petit à petit, son comportement changera : les fruits, eux, seront visibles… Et tout ceci ne sera que la conséquence d’une seule action divine : « Je mettrai mon Esprit en vous »… Nous l’avons noté, pour la première et unique fois dans notre texte le mot « esprit » renvoie cette fois à « l’Esprit de Dieu »… Dieu fait ainsi toutes choses nouvelles en nous donnant d’avoir part à son Esprit qui vient s’unir à notre esprit blessé, malade, enténébré… Et de cette union nait une créature nouvelle, un esprit nouveau, un cœur nouveau…

« Dieu est Esprit » (Jn 4,24)… « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5)… L’Esprit est donc Lumière… Si notre « cœur inintelligent s’est enténébré » par suite de nos fautes (Rm 1,21), la Lumière vient briller dans nos ténèbres par le Don de « l’Esprit–Lumière » « et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Rien, absolument rien ne peut l’empêcher d’accomplir son œuvre pourvu que nous le laissions faire… St Paul évoque alors le résultat en Ep 5,5-9 :

« Sachez-le bien, ni le fornicateur, ni le débauché,

ni le cupide – qui est un idolâtre –

n’ont droit à l’héritage dans le Royaume du Christ et de Dieu…

N’ayez donc rien de commun avec eux.

Jadis vous étiez ténèbres,

mais à présent vous êtes Lumière dans le Seigneur ;

conduisez-vous en enfants de Lumière;

et le fruit de la Lumière consiste en toute bonté, justice et vérité »…

« Jadis vous étiez ténèbres » : tels sont « les cœurs de pierre »… Mais lavés, purifiés, sanctifiés par le sacrement du baptême et le don de l’Esprit Saint, l’Esprit de Lumière, « ils sont maintenant Lumière dans le Seigneur »… Souvenons-nous : celui qui se laisse unir au Seigneur par sa foi n’est avec lui qu’un seul Esprit (1Co 6,17)… Le pécheur qui, dans un mouvement de conversion, accepte de laisser l’Esprit s’unir à son esprit, va bénéficier de toutes les propriétés de l’Esprit « Lumière et Vie »… Seul, il n’est que ténèbres… « Dans le Seigneur », c’est-à-dire uni au Seigneur dans la Communion d’un même Esprit, il participe à ces richesses qui n’appartiennent qu’à Dieu et à Dieu seul…

Tout ceci nous est communiqué gratuitement par Celui qui en Jésus Christ et par lui s’est révélé comme un Dieu de Miséricorde, « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3), qui ne supporte pas que ses créatures soient privées de cette Plénitude de Vie, la sienne, pour laquelle il nous a tous créés… Mais accepterons-nous de croire en Lui ? Accepterons-nous d’aller à Lui en vérité et de tout lui offrir ? Cela suppose l’humble reconnaissance de ce mal qui habite encore notre vie… Mais si répondons à son invitation, nous vivrons, dans la foi, la rencontre avec le Ressuscité, Celui qui nous a promis « d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20), Lui qui ne cesse d’être « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,19) et toutes ses conséquences… Alors, heureux serons-nous, car le Christ accomplira en nos cœurs son œuvre de Sauveur… Nous expérimenterons dès maintenant « le salut par la rémission de nos péchés » (Lc 1,76-79), et nous recevrons avec ce pardon de Dieu « quelque chose » de sa Lumière et de sa Vie qui nous comblera dès maintenant, au‑delà de toute attente…

Diacre Jacques Fournier

Les Samaritains

D’après le Livre de la Genèse, Dieu s’est constitué un Peuple en appelant Abraham, originaire d’Ur en basse Mésopotamie, (Gn 12,1-5). Son fils Isaac engendra Jacob qui eut lui-même douze fils, les douze ancêtres des douze tribus d’Israël. Suite à une famine, ils partirent s’installer en Egypte. Mais sous le Pharaon oppresseur Ramsès II, Dieu appela Moïse pour libérer son peuple et le faire sortir du pays d’Egypte. Nous sommes dans les années 1250 avant JC. Cinquante ans plus tard, Josué et tous les fils d’Israël entreront en Terre Promise. Chacune des douze tribus recevra alors son territoire, et s’organisera autour de grandes figures, « les Juges ». Mais en 1030 avant JC, il faut faire face à des ennemis venus de l’extérieur, et donc unir ses forces. Saül deviendra le premier roi d’Israël (1030 – 1010 av JC), mais il sera plus un chef militaire qu’un homme politique. Son successeur David (1010 – 970 av JC) exercera vraiment la royauté au sens fort du terme. Il fera de Jérusalem sa capitale et pratiquera une politique d’extension territoriale. Le Royaume d’Israël ne sera plus jamais aussi grand par la suite … Son fils Salomon (970 – 931 av JC) lui succéda sur le trône. Il bâtira le Temple de Jérusalem, mettra en place les institutions fondamentales d’un état, se lancera dans une politique de grandes constructions ce qui l’amènera à lever des impôts de plus en plus lourds. Très impopulaire au nord, le Royaume d’Israël se divisera en deux dès sa mort : le Royaume du Nord (Attention : il est parfois appelé dans les textes « le Royaume d’Israël »), et le Royaume du Sud (« le Royaume de Juda ») avec Jérusalem comme capitale.

On peut imaginer sans peine les tensions qui devaient exister entre ces deux royaumes. Omri, roi d’Israël (Royaume du Nord) de 881 à 841, acheta pour 68 Kg d’argent une colline située à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Sichem à un certain Chémer qui devait donner son nom à la nouvelle capitale qu’Omri y construisit : Samarie (Elle est située à environ 50 kilomètres à vol d’oiseau au nord de Jérusalem). En 722 av JC, Sargon II, roi d’Assyrie, prend Samarie et transforme le royaume du nord en une province assyrienne qui prit le nom de sa capitale : la Samarie. Toute cette zone ne cessera de s’appeler ainsi par la suite, et ses habitants, les Samaritains.

Juifs et Samaritains, issus d’un même peuple, seront comme des « frères ennemis ». Une des étapes marquantes qui scellera leur division fut la construction d’un Temple sur le Mont Garizim, sans doute vers 330 av JC, Temple qui faisait donc concurrence à celui de Jérusalem. Vers 180 av JC, le Livre du Siracide (ou de Ben Sira, ou encore « l’Ecclésiastique ») parle des Samaritains en terme de « peuple stupide qui habite à Sichem »… La destruction par Jean Hyrcan en 129/128 de Sichem, du Temple du Mont Garizim, puis de Samarie peu de temps après, achèvera de consommer la rupture entre Juifs et Samaritains.

Au temps du Christ, Jn 4,9 nous rapporte que « les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains », explication donnée par St Jean lui-même pour expliquer l’étonnement de la femme samaritaine (Jn 4,9) : « Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? »

Jn 8,48 nous montre aussi que, pour un Juif, traiter quelqu’un de « Samaritain » équivalait à le déclarer possédé par un démon : « Les Juifs dirent à Jésus : « N’avons‑nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon ? » Jésus répondit : « Je n’ai pas un démon mais j’honore mon Père »… »

A l’époque de Jésus, la Palestine avait comme province, tout au nord, « la Galilée », habitée essentiellement par des Juifs. Puis juste au dessous, au sud, se trouvait « la Samarie ». Et enfin, plus au sud encore, « la Judée », habitée comme la Galilée par des Juifs, avec sa capitale « Jérusalem ». Pour se rendre de la Galilée à Jérusalem, les Juifs évitaient de traverser la Samarie. Ils passaient soit par la mer, soit par la vallée du Jourdain. Jésus, lui, n’hésitera pas à traverser la Samarie. N’est-il pas venu pour réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux ? Mais un jour, il se verra refuser l’hospitalité par un village samaritain, et cela d’autant plus qu’il se dirigeait vers Jérusalem :

Lc 9,51-53 : « Or il advint, comme s’accomplissait le temps où il devait être enlevé, qu’il prit résolument le chemin de Jérusalem (52) et envoya des messagers en avant de lui. S’étant mis en route, ils entrèrent dans un village samaritain pour tout lui préparer. (53) Mais on ne le reçut pas, parce qu’il faisait route vers Jérusalem ».

A l’époque de Jésus, la question de la concurrence entre les deux Temples est encore sous-jacente. En effet, les Samaritains continuaient en effet à adorer Dieu sur le Mont Garizim :

Jn 4,19-23 : « La femme (samaritaine) dit à Jésus : « Seigneur, je vois que tu es un prophète… (20) Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C’est à Jérusalem qu’est le lieu où il faut adorer. » (21) Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père… (23) L’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. »

Les Samaritains célèbrent encore de nos jours la Pâque sur le Mont Garizim, immolant l’agneau pascal selon le rituel d’Exode 12. Notons aussi que les Samaritains ne reconnaissent comme Ecriture que le Pentateuque (Les cinq premiers livres de la Bible : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome). Leurs écrits révèlent un monothéisme intransigeant, une exaltation de la figure de Moïse et du sanctuaire de Garizim sur lequel sont transférées systématiquement toutes les traditions que les Juifs reportent à Jérusalem.

Ils attendent eux aussi un « Messie » mais, à la différence des Juifs, il n’est pas « l’Oint fils de David », mais plutôt un prophète (Jn 4,19 : La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète… ») qui révèlera la vérité (Jn 4,25 : « Je sais que le Messie doit venir, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout. »), le prophète « comme Moïse » que le Livre du Deutéronome annonçait :

Dt 18,18 : « Dieu dit à Moïse : « Je leur susciterai, du milieu de leurs frères, un prophète semblable à toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. »

Dans les Evangiles, nous trouvons aussi des Samaritains, comme un de ces dix  lépreux guéris par Jésus qui, seul, revient lui rendre grâce (Lc 17,16), ou encore le héros de la parabole appelée justement du « bon Samaritain » (Lc 10,29-35). Et si, dans un premier temps, Jésus ordonne à ses Apôtres « d’aller plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël » sans « prendre le chemin des païens ni entrer dans une ville de Samaritains » (Lc 10,5-6), il leur ordonnera après sa résurrection d’entre les morts, de s’adresser à eux comme au monde entier (Ac 1,8). Le salut est pour tous, et il les avait préparé à avoir un regard bienveillant à leur égard notamment par cette parabole du « bon Samaritain » où il leur donnait en exemple, le comportement d’un Samaritain…

Ac 1,8 : « Vous allez recevoir une force,

celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous.

Vous serez alors mes témoins

à Jérusalem,

dans toute la Judée et la Samarie,

et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Et de fait…

Ac 8,5 : « Philippe, qui était descendu dans une ville de la Samarie,

y proclamait le Christ »…

Ac 8,14-17 : « Apprenant que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu,

les apôtres qui étaient à Jérusalem y envoyèrent Pierre et Jean.

(15)     Ceux-ci descendirent donc chez les Samaritains et prièrent pour eux,

afin que l’Esprit Saint leur fût donné.

(16)     Car il n’était encore tombé sur aucun d’eux…

(17)     Alors Pierre et Jean se mirent à leur imposer les mains,

et ils recevaient l’Esprit Saint »…

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[1] Rappel : Jn 4,19.44 renvoie aux versets 19 et 44 du chapitre 4 de l’Evangile de Jean.

[2] « La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme » (Ste Thérèse de Lisieux).

Correction de la fiche N°6 :

CV – 6 – Jn 2,23-3,8 correction