|
HISTORIEN DU CHRISTIANISME ET CHRÉTIEN
Par Yannick Leroy
Voilà bientôt cinq années que le parcours de la FAC organisé par le SEDIFOP sur le thème de l’Histoire du Christianisme Primitif m’a été confié avec une confiance dont je suis très honoré. De nombreux thèmes ont été abordés et de nombreuses restent à venir. Un cercle s’est constitué, dans le respect et la discussion. Dans la fraternité. Oui, je suis historien des origines du Christianisme. Qu’est-ce que cela signifie ? Un historien étudie les faits, les sources, les mécanismes socio-historiques… Bref, tout ce qui a fait la trajectoire de l’être humain durant des siècles, des millénaires. J’ai choisi les racines de la foi chrétienne et on me demande souvent pourquoi. La réponse est complexe et simple à la fois : ça ne s’explique pas. Je suis habité, fasciné depuis toujours. Suis-je chrétien ? Autre question récurrente : oui, je le suis. L’Histoire n’entre-t-elle pas en conflit avec la foi ? Il convient plutôt de dire qu’elle est parfois en contradiction avec la Tradition, c’est vrai. Mais prenons le temps de l’introspection, du retour sur soi.
Lorsque j’ai pu enfin prouver que j’étais capable de me lancer dans la recherche historique, il me restait beaucoup à apprendre. Ma foi, elle, était présente depuis toujours, intime, omniprésente. Mais elle me poussait vers cette recherche, comme si toucher du doigt les réalités des fondements de ma croyance était le moyen de la sublimer. C’est probablement ce qui parait le plus paradoxal. Et pourtant, ça ne l’est pas. Lors de ces succulents échanges remplis de convivialité avec les personnes qui assistent régulièrement à mon propos à Saint-Denis, il arrive parfois que certains soient encore heurtés. Alors, je prends le temps de rappeler une phrase simple : ne soyez pas troublés ! Cela paraît si simple à dire mais si difficile à argumenter. L’introspection, c’est d’abord le fait de se pencher sur ce qui nous trouble et simplement se demander : « En quoi cela me heurte-t-il ? En quoi ma foi pourrait en être changée, fissurée ? En quoi crois-je en mon cœur ? En la toute-puissance de la démarche scientifique ? En la toute-puissance de l’Amour de Dieu ? » Je pense que pour tout Chrétien, la réponse est évidente. Je l’affirme : non seulement l’Histoire n’a jamais remis ma foi en question, mais bien au-delà, elle l’a consolidée. Au milieu des contradictions imposées par la réalité des découvertes critiques, une chose ne change pas : l’ineffable puissance de l’enseignement de Jésus et de ses disciples. L’inépuisable force de l’Amour du Dieu Vivant.
Un historien ne peut répondre à tout. Le premier réflexe à adopter est celui de l’humilité. Un auditeur présent durant la journée de lancement du Cycle Long m’a posé une admirable question : « En tant qu’historien, que pouvez-vous nous dire quant à la Résurrection ? » J’ai vu à son regard que la question était pure et sincère. Ma réponse ne pouvait être que « Rien ! ». En tant que Chrétien, elle est une certitude infaillible ; en tant qu’historien, je ne peux rien en dire car elle échappe à mon appréciation. C’est une simple question d’honnêteté.
Il ne faut en tous cas pas confondre conflit avec la foi et conflit avec la psychè. C’est radicalement différent. Lorsque je suis heurté, c’est ma raison qui est en jeu ; pas ma foi. Elle sait et n’a aucunement besoin de preuves. Souvent, j’y réfléchis encore et j’en arrive toujours à la même conclusion : si la recherche historique était l’ennemi de la foi, le Père ne m’aurait pas permis de me faire ce mal intolérable. Mais Il m’a laissé faire. De même qu’Il nous a donné cette raison qui est si facilement troublée. Tout cela fait partie de Son dessein. Tout a une utilité, celle de s’adapter à notre fragilité pour nous montrer Sa présence. Alors oui, je le dis avec force et amour pour tous mes amis, sœurs et frères pouvant être troublés par les paroles de l’historien que je suis : n’ayez pas peur ! Vous connaissez votre foi comme je connais la mienne. Vous êtes troublés mais vous êtes venus. C’est aussi une façon de se rassembler en Son Nom. Et Il est parmi nous.