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22ième Dimanche du Temps Ordinaire (Matth 16, 21-27) – Francis COUSIN)

On oublie toujours quelque chose …

 

L’annonce par Jésus de son passion et de sa mort voulues par les « anciens, les grands prêtres et les scribes », et de sa résurrection le troisième jour a été pour les apôtres comme un coup de massue.

Il venait juste d’être reconnu comme le Messie, « le Christ, le Fils du Dieu vivant » !

Sans doute abasourdis, les apôtres se taisent …

Alors Pierre entraîne Jésus à part et lui souffle à l’oreille : « Cela ne t’arrivera pas ! ».

Il pensait réconforter Jésus … mais c’est une réponse virulente de la part de Jésus qui arrive : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute ».

Pourquoi ce reproche ?

Parce que Jésus doit aller jusqu’au bout de sa mission sur la terre, et l’aide humaine de Pierre et des autres apôtres ne s’inscrit pas dans la vision divine.

Mais aussi parce que, comme nous aussi le faisons souvent, Pierre n’a pas attendu et donc entendu la fin de la phrase de Jésus pour se faire son opinion : « … et le troisième jour ressusciter. »

Il en est resté aux souffrances infligées à Jésus … à ce qui est mal, et qui fait mal …

Peut-être aussi parce que la résurrection, certains juifs en parlaient, mais cela restait mystérieux, on ne savait pas trop ce que c’était, comment cela se passait … (encore maintenant …). Ce n’était pas un sujet qui passionnait les gens simples comme l’étaient les apôtres …

Ils n’avaient aucune expérience de ce que c’était. Même pour la fille de Jaïre, Jésus s’était défendu de la ressusciter ; il avait seulement dit : « Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte : elle dort. » (Lc 8,52).

Ils ne comprendront vraiment ce que cela voulait dire que le jour de la résurrection de Jésus, même s’il en avait parlé plusieurs fois.

Nous aussi, nous sommes comme Pierre ou les apôtres : nous ne retenons souvent qu’une partie de la phrase que nous entendons, et nous occultons le reste.

Cela arrive souvent avec la Parole de Jésus dans les évangiles : nous acceptons ce que nous comprenons, ce qui nous semble ‘correct’, normal, à nos pensées humaines … mais nous oublions les autres.

Comme dans le passage de l’évangile de ce jour : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » …

On veut bien suivre Jésus, on est prêt à le faire … et souvent on en reste à « prendre sa croix » … et cela nous fait peur … parce qu’on ne sait pas quelle est cette croix, qui est individuelle, spécifique pour chacun …

Et quand arrive une situation difficile pour nous, on se dit : « Cela doit être ma croix ! », mais on n’en est jamais sûr … et on essaye de vivre avec en se disant : « Si je veux aller au ciel, il faut que je l’accepte » … mais en fait, on ne l’accepte pas, on la subit, et notre seul désir est qu’elle disparaisse …

Et il arrive que nous en voulions à Jésus de nous imposer cette croix … (« Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour … »)

Pourtant, il y a une autre phrase de Jésus qu’on oublie : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos (…) Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (Mt 11,28.30)

Peut-être parce que c’est une phrase qu’on a du mal à comprendre … parce que nos « pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. », et que, bien que nous le désirions, nous avons du mal à sortir de notre condition humaine pour nous élever vers Dieu.

Et aussi parce qu’il y a une partie de la première phrase que nous avons occultée, celle qui est mise en premier : « qu’il renonce à lui-même ».

Et on l’occulte d’autant plus facilement qu’elle va à l’encontre de tout ce qui est véhiculé dans notre société actuelle où on met en avant l’individualisme, avec tout ce que cela comporte, à tous les niveaux : familial, social, travail, économique, politique, éthique …

C’est toujours « moi d’abord », avec dans les messages publicitaires : « Soyez le meilleur … », « Avec … soyez différents », « Distinguez-vous des autres … ».

On comprend qu’on oublie cette partie de la phrase, parce que renoncer à soi-même, d’une certaine manière, c’est renoncer à ce qu’on est intrinsèquement, renoncer à son « soi », … et cela n’est pas humainement naturel …

Parce que renoncer à soi-même, c’est accepter de mettre en premier quelqu’un d’autre, et pour nous, c’est Jésus, c’est Dieu … C’est mettre en avant la Parole de Dieu, ne vivre que pour elle, comme le fit saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20).

C’est accepter que cette Parole de Dieu « attire sur [nous] l’insulte et la moquerie. » (Première lecture), et cela arrive quand on défend la position des chrétiens, notamment dans les débats concernant la nouvelle loi de Bioéthique, entre autres …

Que cette Parole de Dieu soit pour nous, comme elle le fut pour Jérémie, « un feu brûlant dans [notre] cœur » qu’on n’arrive pas à « maîtriser » (Première lecture) … avec l’aide de Jésus qui est toujours là près de nous, pour nous aider à porter notre joug, à porter notre croix.

Seigneur Jésus,

on croit bien connaître ton évangile,

mais il y a toujours des passages qu’on oublie …

et ce sont souvent les plus importants,

ceux qu’on a du mal à suivre,

ceux qui nous coûtent,

parce qu’ils nous demandent beaucoup d’humilité …

et nous sommes trop fiers …

Pardonne-nous !

 

Francis Cousin

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