Jean Marie, Juif Orthodoxe, rencontre le Christ…

            Sr P. m’invite à passer la Pentecôte au monastère avec toute la famille (Jean-Marie est veuf et c’est lui qui s’occupe de ses six enfants) … Vous imaginez, une famille juive pratiquante avec six enfants qui passe trois jours dans un monastère contemplatif, en plein Paris ! Qui suit toute la liturgie catholique et qui mange casher ! Pour les Sœurs aussi ce n’était pas rien !… Mais cette fois-ci, je décline l’invitation car les garçons risquent de tourner en rond. Sœur P. me propose alors d’aller chez d’autres Sœurs de Bethléem qui sont installées à Nemours : elles ont un jardin et les garçons pourront jouer dehors…

Le coup de grâce

En arrivant au monastère le jeudi soir, soyons franc, je ne suis pas tourmenté par mon questionnement spirituel : je suis épuisé ! J’ai préparé les bagages des six enfants pour quatre jours, puis nous sommes partis tous les sept de chez nous jusqu’à la Gare de Lyon pour prendre le train jusqu’à Nemours. Là-bas, une Sœur nous attendait en camionnette pour nous conduire au monastère. Bref, mon conflit intérieur a été enseveli sous des préoccupations très prosaïques et la fatigue physique ! Je ne pense à rien ! Nous nous installons pour la nuit. Nous sommes logés dans deux petits ermitages séparés par un oratoire.

Le vendredi matin, je me réveille tôt. Il fait jour. Comme les enfants dorment encore, je me rends à l’oratoire. En entrant dans la chapelle, j’aperçois, au fond, une croix byzantine. A droite de cette croix, il y a une grande icône de Marie et à gauche, un tableau de la Sainte Face du Saint-Suaire, à côté d’une fenêtre qui donne sur le ciel. Je m’approche et je m’assois. Très vite, mon regard est attiré par la peinture de la Sainte Face. Soudain, je me mets à ressentir les mêmes frissons que ceux qui m’ont envahi autrefois sur la plage et dans ma chambre ! Je pressens dans ma chair qu’il va se passer quelque chose. Et tout à coup, je vois les yeux de la Sainte Face s’ouvrir ! Je plonge alors dans une béatitude absolument indicible ! Puis, après un certain temps qui m’a semblé assez long, les yeux de la Sainte Face se referment et les choses reviennent à la normale. Je reprends lentement mes esprits et je regarde le ciel. Brusquement, je réalise ce qui vient de se passer et je prends peur ! Je me dis que je suis en train de perdre complètement la tête ! Je m’inquiète terriblement pour mes enfants ! Eux qui ont déjà perdu leur mère, il ne manquerait plus que leur père soit envoyé dans un hôpital psychiatrique ! Je me demande ce qui m’arrive, tout est flou dans ma tête. Je mets très longtemps à redescendre sur terre.

Puis je retourne mes yeux vers la Sainte Face. Là, c’est décidé, je ne bougerai plus ! Même si les enfants débarquent, je ne bougerai plus jusqu’à ce que j’aie une réponse claire. J’en ai assez de ce Dieu qui joue à cache-cache ! Je n’en peux plus ! Je ne suis pas maso ! Cette fois, ça passe ou ça casse, je veux qu’on en finisse maintenant ! Alors, Ses yeux s’ouvrent de nouveau. Et, à ce moment précis, c’est l’illumination ! Je bascule totalement C’est un retournement complet ! Enfin ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, en un instant, je suis prêt à jeter la Loi juive à la poubelle ! Je n’ai plus envie de manger casher. C’est le coup de grâce ! Moi, Juif orthodoxe, j’atteste que sans cette Grâce, jamais je n’aurais pu abandonner la pratique de la Loi ! Je comprends si bien ce que saint Paul a vécu dans sa chair.

La première conséquence de cette illumination est un changement total de repères. Avant, j’avais le désir du Christ. Maintenant j’ai une foi aimante en la personne même de Jésus. Avant, mes références étaient la Bible, le Talmud et les maîtres que j’ai eus au cours de ma formation rabbinique. J’essayais de faire entrer le Messie dans mes cases talmudiques ou dans mes références mystiques juives, et s’il n’y entrait pas, je le refusais ! Subitement, Il est devenu la référence, le fondement, la source de tout. Aucun théologien ne peut convaincre quelqu’un de renoncer à sa façon de voir le monde, à ce qu’il pense, à ses valeurs. Il n’y a que la Grâce. Le Père O. – qui m’accompagnait alors – ne pouvait me donner ce que Jésus seul peut donner.

Ensuite, je découvre l’Ecriture à travers une nouvelle lumière. Je comprends l’Ancien Testament à travers le Christ. Le magistère de l’Eglise dira que dans toutes les Ecritures, il n’y a qu’une seule parole, c’est le Verbe. Maintenant, quand je lis l’Ancien Testament, je vois le Verbe partout, et pas seulement dans les passages prophétiques qui annoncent la venue de Jésus. En effet, je vois des passages où des personnes ont eu une relation avec la deuxième personne de la Trinité. Plusieurs passages dans le Nouveau Testament attestent de ces relations avec Jésus. Par exemple, dans l’Evangile de Saint Jean (8, 56), Jésus dit aux pharisiens : « Abraham, votre père, exulta à la pensée qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu et fut dans la joie. » Ou encore, saint Pierre, dans les Actes des Apôtres (2, 31), dit de David : « Il a vu d’avance la résurrection du Christ. » Je m’aperçois que toute l’Ecriture parle du Dieu Trinité. Oui, le Seigneur m’a réellement ouvert l’intelligence aux Ecritures ! Comme dit saint Paul, un voile était devant mes yeux, et il est tombé. Tout devient clair !…

Je comprends maintenant que le Nouveau Testament est dans l’Ancien comme un fils dans sa mère. Tant qu’il est dans son ventre, on ne le voit pas. A sa naissance, pour qu’il puisse vivre et croître, il faut couper le cordon pour le séparer de sa mère. Pourtant, il reste son fils. Il va apporter quelque chose de « nouveau », opérer une rupture et, en même temps, il donne une autre dimension à sa mère, il la renouvelle. Ainsi, le Nouveau Testament naît de l’Ancien et apporte quelque chose de nouveau comme le Dieu trinitaire, qui ne se voyait pas clairement comme le Dieu qui se fait chair.

Enfin, la dernière conséquence de cette illumination est que je me sens appelé à devenir un serviteur de l’Eglise. Quand je ressors de l’oratoire, une seule chose m’intéresse : Lui, Jésus, Dieu fait homme ! Mais je ne dis rien à personne, ni aux enfants ni aux Sœurs. Je reste très naturel et pendant toute la semaine, je ne change rien à notre mode de vie. Je continue à manger casher. C’est le soir du shabbat, de retour à la maison, que le miracle se produit. Comme tous les vendredis soir, je mets en route la minuterie pour que les lumières s’éteignent toutes seules sans que j’aie besoin de les actionner, car dans la religion juive, on n’a pas le droit d’éteindre les lumières de shabbat. Comme d’habitude, nous chantons et nous mangeons notre repas festif. C’est alors que je me lève pour appuyer sur l’interrupteur. J’éteins la lumière. Je suis moi-même surpris par ce que je viens de faire, moi qui étais jusqu’alors si scrupuleux dans le respect des lois juives ! Je la rallume aussitôt. Les enfants me regardent stupéfaits. Je les fais se rasseoir et je m’explique. Je m’explique en leur racontant mon histoire avec Jésus, depuis ses débuts.

Du jour au lendemain, il n’y a plus ni shabbat ni casher à la maison. C’est terminé ! Les enfants, qui m’ont toujours connu habillé en rabbin, me voient maintenant vêtu comme tout le monde, en jean, chemise ou t-shirt ! Vous pensez probablement qu’ils doivent être choqués par ce changement très rapide ? Eh bien, non, pas du tout : la façon dont ma conversion est acceptée par mes enfants, qui eux n’ont pas vécu d’illumination, est un miracle ! Pour moi, cela ne fait aucun doute. De même, la façon dont moi-même je vis les choses est une grâce. En effet, ma conversion aurait pu être un choc pour moi aussi, j’aurais pu me déconnecter de la réalité ! Mais non, je reprends une vie normale et je garde les pieds sur terre. Je reste un homme équilibré. Le surnaturel ne vient pas détruire le naturel.

Nouvelle vie

 

On me demande parfois ce que cette conversion a changé dans ma vie. Au début, en fait, je voulais devenir prêtre mais on m’a expliqué gentiment qu’avec sept enfants, ça n’était pas possible ! Quoi qu’il en soit, je suis appelé à servir l’Eglise à travers l’apostolat de la prédication. « Ce que chacun de vous a reçu comme don de la grâce, mettez-le au service des autres, comme de bons gérants de la grâce de Dieu sous toutes ses formes : si quelqu’un a le don de parler, qu’il dise la parole de Dieu ; s’il a le don du service, qu’il s’en acquitte avec la force que Dieu communique », écrit saint Pierre dans sa première Lettre. Chacun sa vocation. Néanmoins, quel que soit le don qu’on ait reçu, c’est bien pour le mettre au service des autres. Quand je donne un enseignement, je m’efforce toujours d’être au service de ceux qui m’écoutent.

Ce que ma conversion a transformé fondamentalement, c’est ma façon de vivre avec les autres. Premier changement, notable pour un Juif orthodoxe : je suis maintenant sensible à la souffrance de tous, même s’ils ne sont pas Juifs, et je prie pour tous ceux qu’on confie à ma prière, même si je ne les connais pas. Je ne vois plus les autres comme des goys ou des étrangers indifférents. J’ai plus de tendresse et d’attention envers l’autre quel qu’il soit. Cela change complètement mon attitude envers lui.

Enfin, le conflit qui opposait mon cœur et ma raison est désormais derrière moi : je suis totalement prêt à franchir le pas !

Je suis baptisé le 14 septembre 2008, le jour de la Croix Glorieuse, chez les Sœurs de Bethléem…

 

                                                                     Jean-Marie Elie SETBON

                                                   « De la Kippa à la Croix » (Editions Salvator)

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