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La Jérusalem Céleste, mystère d’Amour entre Dieu et les hommes (Ap 21,1-8)

            Lisons tout d’abord Ap 21,1-4 : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. (2) Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. (3) Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. (4) Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. »

 

L’appel à la conversion 

            St Jean fait ici allusion au prophète Isaïe (65,17) : « Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle »…

            Le contexte est celui d’un peuple pécheur, infidèle à Dieu… « Je me suis laissé approcher par qui ne me demandait rien, je me suis laissé trouver par ceux qui ne me cherchaient pas. J’ai dit : « Me voici ! Me voici ! » à une nation qui n’invoquait pas mon nom. (2) J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple rebelle, vers ceux qui suivent le mauvais chemin, entraînés par leurs pensées. (3) Ce peuple m’offense, ouvertement, sans cesse : ils sacrifient dans les jardins, brûlent de l’encens sur des briques, (4) ils habitent dans les tombeaux, passent la nuit dans des cachettes, ils mangent de la viande de porc, avec des sauces impures dans leurs plats » (Is 65,1‑4). Et à propos de cette dernière précision, la Bible de Jérusalem explique en note : « Il s’agit de rites païens qui se pratiquèrent en secret à Jérusalem pendant l’Exil à Babylone (587 – 538 av JC), et que la communauté eut à combattre à son retour ».

            dieu_amourEt un peu plus loin, Isaïe écrit : « J’ai appelé, et vous n’avez pas répondu, j’ai parlé, et vous n’avez pas écouté ; vous avez fait ce qui est mal à mes yeux, et vous avez choisi ce qui me déplaît » (Is 65,12).

            Cette notion de choix renvoie à la nécessaire décision des hommes vis-à-vis de leur Créateur et Père, ces hommes qu’il a voulu libres. Il les a tous « créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27). Il les aime tous, car Il Est Amour (1Jn 4,8.16), et il les a tous créés par Amour pour les combler de son Amour : « Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24).

            Mais qui dit Amour dit Liberté… L’Amour ne peut contraindre l’autre à se laisser aimer, à aimer… L’Amour ne peut que venir à la rencontre de l’être aimé, se proposer et attendre sa réponse, espérer son « oui »… « J’ai dit : « Me voici ! Me voici ! » à une nation qui n’invoquait pas mon nom. (2) J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple rebelle »… « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20). Et si la porte ne s’ouvre pas, il restera là, à attendre… C’est pourquoi celui qui le cherche de tout cœur, et décide enfin de lui ouvrir la porte de son cœur et de sa vie, ne peut que le trouver… Il est déjà là ! « La Sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner : il la trouvera assise à sa porte » (Sg 6,12-14)…

            Dieu est là, présent, à la porte de chacun d’entre nous, et il frappe… Quel sera notre choix ? Nous savons que si nous décidons de lui ouvrir, cela suppose au même moment que nous nous détournions de tout ce qui lui est contraire, et qui peut néanmoins, nous apporter une satisfaction temporaire, mensongère, illusoire… Il n’est pas facile à un pécheur d’y renoncer, et Jésus le sait bien… Mais tel est « le » renoncement qu’il attend de nous, un renoncement possible si nous « luttons » avec Lui, avec le secours de sa grâce, de son soutien… « Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent… Luttez donc pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas » (Mt 7,13-14 ; Lc 13,24).

chemin-croix

 

            Ce « bon choix », Dieu Lui-même nous encourage à le faire :

LES DEUX VOIES (Dt 30,15-20)

Introduction : 

Vois, je te propose            aujourd’hui        (1)           vie et bonheur,

                                                                       (2)          mort et malheur.

(1) La voie de la vie et du bonheur : la relation à Dieu 

(16)   (a) Ecouter la Loi de Dieu 

                       Si tu écoutes les commandements du Seigneur ton Dieu

                                                                                      que je te prescris aujourd’hui,

         (b) aimer Dieu 

                      et que tu aimes le Seigneur ton Dieu,

         (c) Mettre en pratique sa Parole 

                      que tu marches dans ses voies,

          (d) Rester fidèle dans le temps 

                      que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes,

 

Conséquences : – Accomplissement des Promesses de l’Alliance – 

                                                     vie, prospérité du Peuple, bénédiction sur la terre promise 

                       (1) – tu vivras

                       (2) – et tu multiplieras, (Gn 12,1-3 ; 13,16 ; 15,5 ; 18,18 ; 22,17 ; 26,4 ; 28,3.14…)

                       (3) – Le Seigneur ton Dieu te bénira (Gn 12,1-3 ; 17,16 ; 22,17-18  25,11 ; 26,3-4…)

                       (4) –     dans le pays où tu entres pour en prendre possession.

                                                          (Gn 12,1.5-7 ; 13,15.17 ; 15,7.18 ; 17,8 ; 26,3.24…)

 

(2) La voie de la mort et du malheur : l’abandon de Dieu… 

(17)        (a) Se détourner de cœur 

                     Mais si ton cœur se détourne,

            (b) Ne pas écouter 

                     si tu n’écoutes point

            (c) Mal agir en servant les idoles 

                     et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir,

                

 Conséquences : mort, sur la terre que Dieu donne, fidèle malgré tout à son Alliance

                                                                                             et à ses promesses. 

(18)        je vous déclare aujourd’hui

(1) – que vous périrez certainement et que vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre où vous pénétrerez pour en prendre possession en passant le Jourdain.

          

 Conclusion : appel de Dieu à choisir la vie !

 

(19)        Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre :

   Liberté de l’homme 

            je te propose       (1) la vie                               ou           (2) la mort,                         

                                          (1) la bénédiction             ou           (2) la malédiction.

    Appel de Dieu à choisir la vie ! 

Choisis donc      (1) la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez,             

(20)        (b’)         aimer Dieu                aimant le Seigneur ton Dieu,

(a’)                       écouter sa voix         écoutant sa voix,

(d’)                       rester fidèle               t’attachant à lui ;

car là est ta vie (1)ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre que le Seigneur a juré   à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner.

 

aimer c'est tout donner

            « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et « aimer, c’est tout donner et se donner soi‑même » (Ste Thérèse de Lisieux). C’est ainsi que « le Père aime le Fils et il a tout donné dans sa main » (Jn 3,35) de telle sorte que « tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15). Le Père est Dieu ? Le Fils est Dieu né de Dieu. Le Père est Lumière ? Le Fils est Lumière née de la Lumière. Le Père a la vie en lui-même ? « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui‑même » (Jn 5,26). Et le Fils « demeure en son amour » (Jn 15,10), « tourné de tout cœur vers le sein du Père » (Jn 1,18), accueillant ce « Don de Dieu », ce Don de l’Eau Vive de l’Esprit (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), que le Père ne cesse de lui faire, l’engendrant ainsi en Fils de même nature que le Père…

            Or, nous dit St Paul, nous sommes tous appelés, dans notre condition de créatures, à « reproduire l’image du Fils afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29). Choisir librement de se tourner de tout cœur vers le Père, avec Lui et grâce à son soutien, sera au même moment recevoir avec Lui ce qu’il reçoit du Père depuis toujours et pour toujours : sa Bénédiction qui est Vie ! Dans son Amour, le Père ne sait que bénir, et en bénissant, il donne la vie, la Plénitude de la vie… Et il est le premier à se réjouir du bonheur qui en résulte pour ses enfants… Se détourner de cœur de cette source équivaudrait, pour notre malheur et la tristesse de Dieu, à nous « priver » (Rm 3,23) de cette Vie, ce que les textes bibliques évoquent en terne de « mort » : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Et puisque ce Don est tout en même temps sa bénédiction, s’en priver, c’est ce que le Livre du Deutéronome appelle « la malédiction ». En soi, elle n’est rien sinon une privation de bénédiction, tout comme la mort est une absence de vie…

            Et Dieu dans son Amour nous presse de faire le bon choix : celui de la bénédiction, et avec elle, celui de la Plénitude de la Vie. « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez ! » Il suffit de se tourner de tout cœur vers Lui, de s’ouvrir à Lui, de se laisser aimer, combler, remplir, comme un petit enfant qui reçoit dans les bras de sa mère la meilleure nourriture qui soit, pour sa vie, une vie qui fera tout le bonheur de ses parents…

Accueillir librement le Don de l’Esprit par lequel Dieu fait toutes choses nouvelles. 

      croix glorieuse     

De cette réponse libre et consciente à l’Amour de Dieu, de ce choix de Dieu de tout cœur, naîtra, par le Don de l’Esprit Saint, cet Esprit qui est vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25), « un cœur nouveau », « un esprit nouveau », « un homme nouveau », « une créature nouvelle » :

            « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes » (Ez 36,25-27). « Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération » (nouvelle naissance) « et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie éternelle » (Tt 3,4-7). « Le Christ Jésus a voulu créer en sa personne un seul Homme nouveau et faire la paix » (Ep 2,15). « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ » (2Co 5,17-18). 

            « Il nous a donné de son Esprit » (1Th 4,8) : c’est fait… « L’être ancien a disparu, un être nouveau est là »… Le dernier verbe est au présent… Le Don de Dieu est donc pour l’aujourd’hui de notre foi, un trésor à accueillir au plus profond de nous‑mêmes alors même que tout notre être est encore marqué par ses blessures, ses échardes, ses fragilités, ses faiblesses (2Co 12,7-10). Nous portons ce « trésor » de l’Esprit dans « des vases d’argile » (2Co 4,7), écrit St Paul, en faisant allusion au second récit de la création où l’homme apparaît comme un être vivant une fois que Dieu eut soufflé son haleine de vie, le souffle de l’Esprit, dans la statue de glaise, d’argile, qu’il avait préalablement façonnée (Gn 2,4b-7).

souffle de l'Esprit Saint

            « Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle »… Certes l’Apocalypse nous invite à contempler l’au-delà de cette vie, un au-delà que nous ne découvrirons vraiment que le jour où nous y arriverons. Mais son germe habite déjà notre humanité blessée, ‘ancienne’… Au jour de la Pentecôte, l’Eglise est remplie de l’Esprit Saint (Ac 2,4), l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), « l’Esprit de gloire,  l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). D’où cette affirmation de St Jean : « Les ténèbres s’en vont », mais elles sont toujours là, « et que la véritable lumière brille déjà », mais pas encore pleinement (1Jn 2,8). Il n’empêche, par « le Don gratuit » (Rm 6,23) du « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), « le Père des Lumières » (Jc 1,17), la véritable Lumière habite déjà notre humanité blessée, la Paix du Christ commence à régner sur toutes nos tempêtes, la création nouvelle commence à émerger de notre chaos. Qu’allons‑nous donc regarder ? Le mal qui nous habite, toutes nos imperfections, au risque de perdre cœur ? Ou cette divine Présence qui ne nous fait jamais défaut et se donne, imperturbablement fidèle, Don gratuit de l’Amour, trésor immérité, et cela au cœur même de tous nos combats et de toutes nos défaillances ?

            Nous l’avons vu : « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23), une mort à comprendre en termes d’absence de Plénitude de Vie. Le pécheur, alors même qu’il agit mal, est bien vivant ! Et Jésus s’adresse tout particulièrement à ces « morts vivants » que nous sommes tous, pour nous permettre de trouver avec Lui cette Plénitude de Vie dont nous étions privés par suite de nos fautes : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5,25). Or, le thème de la voix en St Jean renvoie à celui de l’Esprit Saint, qui joint toujours sa voix à celle de Jésus pour lui rendre témoignage : « Le vent (ou l’Esprit, pneuma en grec) souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit… Et cet Esprit de vérité qui vient du Père me rendra témoignage… Oui, c’est l’Esprit qui rend témoignage. Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui. Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils. Qui a le Fils, par le oui de sa foi, a la vie » (Jn 3,8 ; 15,26 ; 1Jn 5,5-13). C’est ainsi qu’en lui ayant ouvert son cœur, St Pierre accueillait tout à la fois la Parole de Jésus prononcée par la bouche de chair du « Verbe fait chair » (Jn 1,14), et la voix de l’Esprit qui se joint toujours à elle et qui est « vie » dans les cœurs. Il pouvait alors dire à Jésus : « Tu as les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68). Faisons donc attention à ce qu’il nous est donné de vivre au moment où nous lisons ou écoutons la Parole de Dieu…

victoire

            Ce ciel nouveau et cette terre nouvelle promise aux pécheurs par le Père des Miséricordes sera donc « Vie » là où régnait « la mort », « Lumière » là où régnaient « les ténèbres », « Paix » là où il n’y avait que tourments… Cette réalité commence dès maintenant, par le oui de notre foi et dans la foi, et elle fait déjà ici-bas notre bonheur, notre vraie joie… Mais nous attendons toujours son plein accomplissement dans cet au-delà de notre mort qui sera pleinement Vie, Joie, Paix… E c’est bien ce qu’écrit ici St Jean : « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Ainsi est Dieu… Face à la douleur de son enfant, il n’a qu’une réaction : consolation ! A Moïse, il avait révélé son Nom : « Je Suis Celui qui Est » (Ex 3,14 ; littéralement : Je Suis l’Etant). Avec Isaïe, il le précise : « Je Suis, Je Suis Celui qui te console (Is 51,12 ; littéralement : Je Suis Je Suis le Consolant toi). Autrement dit, « le Père des Miséricordes », en tout son Être n’est que Consolation, Compassion, Réconfort… L’homme est-il responsable de sa souffrance par le mal qu’il commet, puisque « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9) ? Dieu Père se fera proche, une Présence de Consolation, à laquelle se joindra tout en même temps un pressant appel à « cesser de faire ce mal » (Is 1,16) qui fait d’abord du mal à celui qui le commet !

            Nous sommes ici au cœur de l’Evangile, déjà si bien résumé en Ap 7,13-17. Souvenons-nous : « « Ces gens vêtus de robes blanches » (la plus belle robe de la Maison du Père, la robe du Père même, celle qui est donnée au fils prodigue qui accepte de revenir au Père en se repentant de tout cœur (Lc 15,22) !) « viennent de la grande épreuve », l’épreuve de cette vie sur la terre ; « ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau » : ils ont lavé leur cœur, et purifié leur vie en accueillant par le oui de leur foi « le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28). « C’est pourquoi ils sont devant letrône de Dieu », car c’est par la grâce qu’ils sont sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas d’eux, il est un Don de Dieu (Ep 2,4-10) ; « et ils le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux » : ce n’est donc pas l’homme qui va habiter chez Dieu, c’est Dieu qui vient habiter chez l’homme, dans son cœur, dans sa vie, par le Don de l’Esprit ! C’est la même logique que celle de l’Incarnation. Avec le Fils et par le Fils, Dieu vient « dresser sa tente » au milieu des hommes (Jn 1,14) ! Et Jésus déclare encore à ses disciples, juste avant sa Passion, pour évoquer tout ce temps qui suivra sa mort et sa résurrection, et donc notre temps, aujourd’hui, maintenant : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23). Là encore, même logique : ce n’est pas nous qui allons à Dieu, c’est Lui qui vient à nous et agit pour nous, en serviteur de notre vie, de notre Plénitude, de notre Joie, en nous donnant l’Esprit qui nous unit à Lui. Allons-nous le laisser faire ? En pensant à Ste Thérèse de Lisieux, on pourrait dire : « C’est par la confiance et rien que la confiance que l’on accueille l’Amour ! »

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Par l’accueil du Don de l’Esprit, devenir fils à l’image du Fils 

            Et si tel est le cas, alors, poursuit St Jean dans l’Apocalypse : « Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif », ils seront comblés, comme l’affirme aussi Jésus en Jn 6,35 : « Je Suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif ».

            « Ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » Toute la mission de l’Agneau, le Fils, vrai Dieu puisque « au milieu du Trône » de Dieu, est ici résumée par « nous conduire aux sources des eaux de la vie », c’est-à-dire au Père qui est pour lui, le Fils Unique « engendré non pas créé », la source éternelle du Mystère de son Être ! Souvenons‑nous : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5,26). Et le Père lui donne d’avoir la vie en lui‑même en l’engendrant en Fils, « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Autrement dit, le Père est Dieu ? Il donne au Fils tout ce qu’il est, tout ce qui fait qu’il est Dieu, et le Fils est Dieu né de Dieu. Le Père est Lumière ? Il donne au Fils tout ce qu’il est, tout ce qui fait qu’il est Lumière, et le Fils est Lumière née de la Lumière. Mais si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est aussi Esprit » (Jn 4,24). Lui donner toute sa Lumière, c’est lui donner tout son Esprit, et c’est ainsi qu’il engendre le Fils, qu’il lui donne d’avoir aussi la vie en lui-même… Donner l’Esprit, c’est donner la vie. L’Esprit est vie… « Si tu savais le Don de Dieu », dit Jésus à la Samaritaine… Lui, il le connaît, ce Don est toute sa vie !

            Le Fils nous conduit donc au Père, « la Source des eaux de la vie » pour que nous puissions aussi en être abreuvés nous aussi, et recevoir ainsi avec le Fils ce que le Fils reçoit de toute éternité du Père, « l’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 4,10-14 ; 7,37‑39), cette réalité qui l’engendre à la vie, qui fait de lui qu’il est ce qu’il est, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu… Et c’est cela même que nous sommes invités à recevoir selon notre condition de créature… Nous vivrons alors en personne humaine créée ce que le Fils vit de toute éternité, en Personne divine engendrée non pas créée ! Notre vocation à « reproduire l’image du Fils afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » sera pleinement accomplie ! En accueillant le Don de Dieu, en nous laissant remplir par l’Esprit Saint (Ac 2,4), « Dieu sera alors tout en tous » (1Co 15,28) !

 

Dieu triomphe de tout mal par l’Esprit 

 

 117          Or « Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres » (1Jn 1,5). Si vraiment « Dieu est tout en tous », alors, il n’y aura plus de ténèbres, plus de mal… L’Apocalypse nous laisse d’ailleurs pressentir la disparition totale du mal : « le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus ». Or la mer dans la Bible symbolise souvent les puissances du mal, comme l’explique en note la Bible de Jérusalem : « La mer, habitat du Dragon et symbole du mal disparaîtra »… Et ce sera toujours le fruit du Don de l’Esprit, donné gratuitement, et accueilli avec reconnaissance… « Dieu est Esprit »  (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « et la Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Par sa simple Présence, la Lumière de l’Esprit chasse les ténèbres de nos cœurs et de nos vies (1Jn 2,8), le silence et la paix de l’Esprit se proposent de régner sur le tumulte du mal : « « Silence ! Tais-toi ! » Et le vent tomba et il se fit un grand calme ». « Que la paix du Christ règne dans vos cœurs » (Mc 4,39 ; Col 3,15), un mystère à accueillir instant après instant… D’où le « veillez et priez » si souvent rappelé de Jésus (Mc 13,33-37 ; 14,34.38 ; Lc 21,36 ; Ep 6,18)…

 

La Jérusalem céleste, accomplissement de l’Alliance entre Dieu et les hommes

 

            « Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. » Cette « Jérusalem nouvelle » renvoie donc à l’humanité renouvelée par le Don de Dieu. Elle descend du ciel comme le Don de l’Esprit Saint avec lequel et par lequel Dieu fait toutes choses nouvelles… Elle est donc elle aussi tout entière le fruit du Don de Dieu !

  Communion des saints avec le Christ          « Elle s’est faite belle »… On pourrait aussi traduire : « elle a été préparée », de telle sorte qu’elle est « prête » (Osty). Cette forme passive renvoie alors à Dieu comme le premier à avoir agi pour qu’il en soit ainsi… Tel est par exemple le point de vue d’Ezéchiel lorsqu’il nous présente l’histoire d’Israël en prenant l’image d’une jeune femme arrivée à « l’âge des amours » (Ez 16,8-14) : « Je me suis engagé envers toi par serment, je suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur Dieu – et tu as été à moi. Je t’ai plongée dans l’eau, je t’ai nettoyée de ton sang, je t’ai parfumée avec de l’huile. Je t’ai revêtue d’habits chamarrés, je t’ai chaussée de souliers en cuir fin, je t’ai donné une ceinture de lin précieux, je t’ai couverte de soie. Je t’ai parée de joyaux : des bracelets à tes poignets, un collier à ton cou, un anneau à ton nez, des boucles à tes oreilles, et sur ta tête un diadème magnifique. Tu étais parée d’or et d’argent, vêtue de lin précieux, de soie et d’étoffes chamarrées. La fleur de farine, le miel et l’huile étaient ta nourriture. Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté. Ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté, car elle était parfaite, grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue. »

 

 pentecote 2           Nous retrouvons ici tous les éléments des relations de Dieu avec les hommes pécheurs : son alliance éternelle avec l’humanité tout entière (Gn 9,8-17) et donc avec Israël appelé à être serviteur de cette alliance pour « toutes les familles de le terre » (Gn 12,1-4 ; 15 ; 17) ; sa Miséricorde inlassable qui ne cesse de laver, nettoyer, purifier ce qui doit l’être (Ez 36,25) ; son Amour qui se donne pour parer de sa Beauté même l’être aimé… « Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! » (Ps 104(103),1-2). Et Ezéchiel écrit ici : « Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté… grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue »… Pensons à la plus belle robe de la Maison du Père donnée au fils prodigue. Nous retrouvons ces éléments avec Isaïe (Is 61,10-62,5) et un vocabulaire de salut, de justice où transparaît la gratuité de l’Amour de Dieu à notre égard : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux… Les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire… Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu ».

Saint Jean         L’image des noces entre Dieu et les hommes apparaît également dans ce dernier texte, comme dans notre verset de l’Apocalypse : « prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari ». Un des textes les plus anciens où apparaît cette image est celui d’Osée 2 ; citons juste Os 2,21-22 : « Je ferai de toi mon épouse pour toujours, je ferai de toi mon épouse dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse ; je ferai de toi mon épouse dans la loyauté, et tu connaîtras le Seigneur ». Le chiffre trois dans la Bible symbolise souvent Dieu en tant qu’il agit. Ce triple « je ferai » nous situe donc, par excellence, dans le cadre de l’action de Dieu à notre égard. Ce sera vraiment Lui qui « fera que »… ce qui suppose de notre côté un abandon actif entre ses mains. En hébreu, la langue de l’Ancien Testament, nous avons le verbe « fiancer dans… », et ce qui suit la préposition « dans » décrit habituellement la dot que le fiancé offre à sa fiancée. Dans ce Mystère d’Amour et de Noce, qu’offrira donc le Seigneur à son épouse souffrante, blessée, malade ? Son injustice accueillera « la justice et le droit », et grâce à ce Don, elle sera juste… Son infidélité chronique accueillera « la fidélité », et grâce à ce Don, elle pourra enfin être fidèle… La dureté de son cœur de pierre (Ez 36,26) accueillera « la tendresse », et grâce à ce Don elle deviendra plus humaine, avec un cœur de chair… Elle était prisonnière du mensonge, elle se cachait dans les ténèbres ? Elle recevra le Don de « la loyauté » qui l’aidera à faire la vérité sur sa condition blessée, et à tout abandonner entre les mains de son cher médecin (Lc 5,31-32) : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. »

            Et « pouvoir se convertir » est encore un Don à recevoir du Seigneur : « Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, pour que ce peuple sache que c’est toi, Seigneur, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ! » (1R 18,37). « C’est lui, le Christ, que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés… Et même aux nations païennes, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie ! » (Ac 5,31 ; 11,18).

 Dieu-Amour

            Jésus reprendra ce contexte des Noces pour accomplir son premier signe dans l’Evangile selon St Jean, lors des Noces de Cana, un nom qui en hébreu signifie « jaloux » : « Le Seigneur a pour nom Jaloux : c’est un Dieu jaloux ». Oui, dit-il, « je suis jaloux envers Jérusalem d’une grande jalousie ». Nous ne sommes pas loin de « Dieu est Amour ! » (Ex 34,14 ; Za 1,14 ; 1Jn 4,8.16). Dans ce contexte d’amour, Jésus donnera « le bon vin », signe du Don de l’Esprit Saint avec lequel et par lequel Dieu vient sceller son Alliance avec les hommes. Toutes les prophéties sont donc accomplies, puisque « le fruit » de « l’Esprit qui sanctifie » (Th 2,13) est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité (cf. Os 2,22), douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22-23), « bonté, justice (cf. Os 2,21) et vérité » (Ep 5,9 avec Jn 4,24 et 1Jn 1,5 ; cf.  1Co 1,30 ; 6,11)…

 

            Ainsi est « la Jérusalem Nouvelle », car renouvelée par le Don de l’Esprit avec lequel et par lequel, pourrait-elle dire, « le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains ! » (Ps 138(137),8). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22) en leur donnant « l’Esprit de gloire » (1P 4,14), l’Esprit de Lumière et de Beauté. Tel est, tout en même temps, « le vêtement du salut », un salut qui est « comme une torche allumée », Lumière et « gloire », « diadème », « turban royal », « couronne de splendeur » (Is 61,10-62,5)… « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. Car le lin, ce sont les actions justes des saints » (Ap 19,7-8), qui sont les fruits de l’Esprit Saint (Ez 36,27 ; Ep 2,4-10)…

 

La formule de l’Alliance : « Ils seront son Peuple et Lui sera leur Dieu ».

 

            Nous ne pouvons que le constater : les premiers versets de ce chapitre 21 du Livre de l’Apocalypse récapitulent le projet de Dieu sur l’humanité par les thèmes de la Création nouvelle et des Noces entre Dieu et les hommes, le tout réalisé par le Don de l’Esprit Saint. Cette image des Noces est très présente dans la Bible pour évoquer l’Alliance entre Dieu et les hommes, une Alliance éternelle qui existe, du côté de Dieu, depuis que l’homme existe (Gn 9,8-17), et qui n’attend que l’assentiment de l’homme pour sa pleine réalisation.

            Pour évoquer cette Alliance, les auteurs bibliques ont aussi utilisé les formules qui étaient habituellement en usage dans les cérémonies des mariages à leur époque. « Je suis ton mari » déclarait le fiancé à sa fiancée. « Je suis ta femme » disait la fiancée à son fiancé. C’est ainsi que, dans le cadre de l’Alliance, Dieu dit à son peuple : « Je suis ton Dieu. » Et son peuple lui répond : « Nous sommes ton peuple ». C’est ainsi que le premier signe que Jésus accomplit dans l’Evangile selon St Jean à l’occasion des Noces de Cana (Jn 2,1-12) n’est rien de moins que le signe de l’Alliance Nouvelle et Eternelle qu’il est venu proposer à tout homme. Dans le cadre de cette Alliance, Dieu donne gratuitement « le bon vin » de l’Esprit Saint qui apporte avec Lui une Plénitude de Vie et de Joie, les arrhes de cette pleine « communion dans l’Esprit » (2Co 13,13 ; Ep 4,3) à laquelle Dieu appelle toute l’humanité…

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            Regardons quelques exemples de l’utilisation de cette formule de l’Alliance dans la Bible. Le Livre du Deutéronome s’inspire très fortement de ces célébrations de mariage faites à l’époque, avec une double « déclaration » (Dt 26,17-19) :

            « Aujourd’hui tu as obtenu du Seigneur cette déclaration : lui sera ton Dieu ; toi, tu suivras ses chemins, tu garderas ses décrets, ses commandements et ses ordonnances, tu écouteras sa voix.

            Aujourd’hui le Seigneur a obtenu de toi cette déclaration : tu seras son peuple, son domaine particulier, comme il te l’a dit, tu devras garder tous ses commandements.

            Il te fera dépasser en prestige, renommée et gloire toutes les nations qu’il a faites, et tu seras un peuple consacré au Seigneur ton Dieu, comme il l’a dit. »

            Les textes bibliques vont alors employer souvent des formules semblables à celle que nous avons ici : « Ils seront son peuple, et lui sera leur Dieu » (Ap 21,3). Elles traversent quasiment toute la Bible… Nous pouvons prendre le temps d’en lire et d’en relire quelques unes. Avec elles ne peut que grandir cette certitude que tout vient de Dieu, tout est Don de Dieu, jusqu’à notre conversion même…

 Fleurs...

            « Je vous prendrai pour mon peuple et je serai votre Dieu. Et vous saurez que je suis le Seigneur, votre Dieu, qui vous aura soustraits aux corvées des Égyptiens » (Ex 6,7). « Je vivrai au milieu de vous, je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Lv 26,12). « Tu as établi ton peuple Israël pour qu’il soit à jamais ton peuple, et toi, Seigneur, tu es devenu leur Dieu » (2Sm 16,24). « Et voici ce que je leur ai ordonné : Écoutez ma voix, alors je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. Suivez en tout la voie que je vous prescris pour votre bonheur » (Jr 7,23 ; 11,4). « Je leur donnerai un cœur pour connaître que je suis le Seigneur. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, car ils reviendront à moi de tout leur cœur » (Jr 24,7 ; 30,22). « En ce temps-là – oracle du Seigneur – je serai le Dieu de toutes les familles d’Israël, et elles seront mon peuple » (Jr 31,1). « Et voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : Ayez la connaissance du Seigneur !   Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur – parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché. » (Jr 31,33-34 ; 32,38). « Je leur donnerai un seul cœur et je mettrai en eux un esprit nouveau : j’extirperai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils marchent selon mes lois, qu’ils observent mes coutumes et qu’ils les mettent en pratique. Alors ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu » (Ez 11,20). « Ainsi la maison d’Israël ne s’égarera plus loin de moi et ne se souillera plus de tous ses crimes. Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 14,11). « Alors on saura que c’est moi leur Dieu, qui suis avec eux, et qu’eux, la maison d’Israël, ils sont mon peuple, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 34,30).

eau            Et citons à nouveau ce texte déjà lu précédemment et qui reprend les éléments d’Ez 11,20. Après avoir longuement évoqué l’infidélité d’Israël et ses conséquences catastrophiques, Dieu déclare : « Je vous prendrai parmi les nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol. Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu » (Ez 36,24-28). « Ils ne se souilleront plus avec leurs ordures, leurs horreurs et tous leurs crimes. Je les sauverai des infidélités qu’ils ont commises et je les purifierai, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu » (Ez 37,23). « Je conclurai avec eux une alliance de paix, ce sera avec eux une alliance éternelle. Je les établirai, je les multiplierai et j’établirai mon sanctuaire au milieu d’eux à jamais. Je ferai ma demeure au-dessus d’eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Et les nations sauront que je suis le Seigneur qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera au milieu d’eux à jamais. » (Ez 37,26-28). « Je la sèmerai dans le pays, j’aurai pitié de Lo-Ruhamah, je dirai à Lo-Ammi[1] : Tu es mon peuple et lui dira : Mon Dieu ! » (Os 2,25 ; cf. 2,1). « Je les ramènerai pour qu’ils habitent au milieu de Jérusalem. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, dans la fidélité et la justice » (Za 8,8). « Je les ferai entrer dans le feu ; je les épurerai comme on épure l’argent, je les éprouverai comme on éprouve l’or. Lui, il invoquera mon nom, et moi je lui répondrai; je dirai : Il est mon peuple !   et lui dira : le Seigneur est mon Dieu ! » (Za 13,9). « C’est lui notre Dieu, et nous le peuple de son bercail, le troupeau de sa main. Aujourd’hui si vous écoutiez sa voix ! » (Ps 95,7 ; 100,3).                 

 

L’Alliance accomplie : Dieu est Père ! « Je serai son Dieu et lui sera mon fils. »

            En Ap 21,5, « celui qui siège sur le trône déclara »… Dieu Lui-même reprend donc la parole, comme en 21,3 : « J’entendis une voix clamer du trône »… La Révélation (Apokalupsis en grec), initiée dès le début de notre Livre (Ap 1,10.12.15) se poursuit donc…

            Mais en 21,1-4, le titre de Dieu, répété quatre fois en clin d’œil d’universalité[2] (nous parlons bien d’une « terre nouvelle », « la première terre ayant disparu », toute la terre est concernée), ce Dieu créateur de tous les hommes, « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), ce Dieu qui vit en alliance éternelle avec eux tous (Gn 9,8-17) est le même qui s’est révélé par le biais d’un peuple choisi, Israël. Et puisqu’il vit déjà en alliance avec tout homme, il vit bien en alliance avec eux : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple ». De plus la citation « il essuiera toute larme de leurs yeux » est une allusion au prophète Isaïe, où la portée universaliste est manifeste : « Le Seigneur Sabaoth prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vin dépouillés. Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples et le tissu tendu sur toutes les nations ; il a fait disparaître la mort à jamais. Le Seigneur Dieu a essuyé les pleurs sur tous les visages, il ôtera l’opprobre de son peuple sur toute la terre, car le Seigneur a parlé » (Is 25,6-8)… Souvenons-nous de notre texte : « Il essuiera toute larme de leurs yeux : De mort, il n’y en aura plus, de pleur, de cri, de peine, il n’y en aura plus »… Toute la mission de Jésus sera de nous inviter à nous tourner vers « le Seigneur Dieu, le Seigneur Sabaoth » en lui disant : « Notre Père »…

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            En Ap 21,5-8, nous l’avons dit, c’est toujours Dieu qui parle, mais le contenu de ses Paroles dirige aussi notre regard vers le Fils, Jésus Christ…

            « Voici, je fais l’univers nouveau » fait écho au « ciel nouveau » et la « terre nouvelle »… Et Celui qui parle est bien « l’Alpha et l’Oméga », première et dernière lettre de l’alphabet grec, une manière d’évoquer « le Principe et la Fin », un titre qui était apparu au tout début de notre Livre : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Il est, Il était et Il vient , le Maître-de-tout » (Ap 1,8). Puis nous le retrouvons appliqué au Christ en Ap 1,17 et 2,8, « transposition au bénéfice du Christ d’une qualité de Dieu principe et fin de toutes choses ». Nous ne sommes pas loin, au niveau du sens, ce que St Jean écrit explicitement au tout début de son Evangile : « Au commencement », au principe, avant tout commencement, « était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu ». Il siège donc bien sur le trône, il est même « au milieu du trône » (Ap 5,6). « Il était au commencement auprès de Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » (Jn 1,1-3)… « Voici, je fais l’univers nouveau »…

            Puis, l’invitation lancée, « celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement », est très proche de celle que Jésus lance en St Jean : « Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7,37‑39).             Cet adverbe « gratuitement, dôrean » souligne l’idée de « don, dôrea ». Avec Dieu, tout est Don, pour peu que l’on accepte de le recevoir en se tournant vers Lui de tout cœur, ce qui n’est pas possible sans sa grâce, nous l’avons vu précédemment… « Gratuitement »[3] interviendra aussi à la fin de l’Apocalypse, toujours en lien avec « l’eau de la vie », « l’Eau Vive » de l’Esprit Saint qui est vie et qui vivifie : « L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Que celui qui entend dise : « Viens ! » Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap 22,17).

Esprit Saint            « Le vainqueur » est donc celui qui accepte, envers et contre tout, de recevoir, par sa foi en Jésus, le Fils, ce Don que Lui-même reçoit du Père de toute éternité… « Au vainqueur, je donnerai de goûter à l’arbre de la vie qui est dans le paradis de Dieu… Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai aussi un nom nouveau (Ap 2,7.17.26 ; 3,21). Il est « vainqueur » non pas par lui-même, mais par ce Don qu’il reçoit, l’Amour Miséricordieux du Seigneur triomphant jour après jour de sa misère, la Lumière régnant sur ses ténèbres, la Vie comblant toutes ses morts…

            « Mais », poursuit le texte de l’Apocalypse, et là, plusieurs catégories de personnes sont évoquées, et elles nous concernent tous plus ou moins :

                        – « les lâches » : il est difficile pour un pécheur de dire « Non ! » au péché. Il a besoin de « l’Esprit de force et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7), qui soutiendra son courage pour renoncer à lui-même, prendre sa croix (Mt 16,24), ce « joug » de Jésus (Mt 11,28-30) que le Christ est le premier à porter par le Don de l’Esprit, si l’on accepte, bien sûr, et de tout cœur de le laisser faire…

                        – « les renégats », qui renient leur foi au Christ Sauveur, en toute lucidité, comment pourraient-ils être sauvés par Celui qui respecte infiniment notre liberté, nous presse certes à le recevoir, en nous tendant toujours la main, mais sans jamais nous obliger, nous forcer ?

                        – « les dépravés », qui choisissent le mal plutôt que le bien, qui se complaisent dans le mal plutôt que dans le bien… Or le mal ne peut coexister avec Dieu, c’est impossible… Choisir d’entrer dans la Maison de Dieu ne peut qu’être synonyme de renoncer au mal de tout cœur, avec l’aide de sa grâce… « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu. Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns. Mais vous vous êtes lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Co 6,9-11). « Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns », mais grâce au Bon Pasteur qui « cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve, puis la met sur ses épaules et la ramène chez lui », dans la Maison du Père, ils ont pu revenir à Dieu (Lc 15,4-7)… « Mettre sur ses épaules », c’est cela « le joug du Christ », ce que le Christ Ressuscité ne cesse de faire aujourd’hui en donnant au pécheur la Force de son Esprit pour lui permettre de renoncer au mal…

            Suivent encore « les assassins (« Tu ne tueras pas » Ex 20,13), « les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref, tous les hommes de mensonge »Ils sont tels car ils se confient à des réalités de mensonge, des idoles qui n’existent pas, qui ne sont rien et ne peuvent donc rien donner (Jr 2,5.11) : leur cœur ne peut qu’être vide, vide notamment du Don de Dieu, vide de la vraie Vie : c’est « la seconde mort ». « Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement et n’était pas établi dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge » (Jn 8,44). Toute la mission de l’Eglise consiste à tout faire pour « arracher » les hommes (Col 1,13-14), dans le respect de leur liberté, et cela « grâce à l’action de l’Esprit Saint », à ces ténèbres mensongères qui ne peuvent apporter le vrai Bonheur, mais plutôt un manque à toujours combler, un vide, un mal être, une souffrance, une angoisse (Rm 2,9)… « Je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi » dit le Christ à St Paul et à travers lui, à tous ses disciples (Jn 20,21 : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie »), « pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,17-18). Cette part d’héritage, c’est le Don de l’Esprit Saint, « l’Esprit qui sanctifie » (2Th 2,13), l’Esprit toujours donné gratuitement, en surabondance, par ce Dieu qui n’est qu’Amour (1Jn 4,8.16) et qui ne sait que donner (Jn 3,35). Voilà pourquoi nous sommes invités à « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » (St Benoît).

            Après cette énumération de sept termes, qui englobe symboliquement la plénitude « des hommes de mensonge », Dieu ne peut qu’exprimer les inévitables conséquences pour ceux qui se détournent de la Lumière, de la Source d’Eau Vive : « Leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort », la mort spirituelle (Rm 6,23). Mais n’oublions jamais : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Tout pécheur est un « cherché par Dieu jusqu’à ce qu’il le retrouve » et l’Amour et la Patience de Dieu sont infinis… « N’entrera pas au ciel celui qui ne voudra pas y entrer » (P. Rodolphe, Abbaye de Ste Marie du Désert). Espérons que, librement, tôt ou tard, toutes les créatures de Dieu finiront par dire « Oui ! » à son Amour. Alors, « heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, la nation qu’il s’est choisie en héritage » (Ps 33,12 ; 144,15), et Dieu a ‘choisi’ tous les hommes pour qu’ils soient avec Lui pour toujours, comblés par son Amour (Ap 21,3). A nous maintenant, jour après jour, de le choisir, et d’inviter le plus grand nombre à

[1] « Lo-Ruhamah » signifie en hébreu, « je n’ai pas pitié de », et « Lo-Ammi », « pas mon peuple ». Ces deux formules avaient été employées précédemment pour évoquer l’infidélité d’Israël (Os 1,6-8) ce qui, de leur côté, était donc une rupture d’Alliance. D’où la formule officielle de divorce, négation de celle du mariage : « Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès ! Car elle n’est pas ma femme, et moi je ne suis pas son mari » (Os 2,4). Mais Dieu ne peut se résoudre à une telle situation, et il va partir à la recherche de ses créatures tant aimées ! « C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2,16). Or « parler au cœur de… » appartient à cette époque au langage de l’amour… « Le cœur de Sichem s’attacha à Dina, fille de Jacob, il eut de l’amour pour la jeune fille et il parla à son cœur » (Gn 34,3)…

[2] Le chiffre quatre est symbole d’universalité : les quatre points cardinaux, le nord, le sud, l’est, l’ouest.

[3] « Gratuitement » intervient aussi en Mt 10,8 (Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ; cf 2Co 11,7), Rm 3,24 (ils sont justifiés gratuitement par sa grâce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus)…le faire, pour le Bonheur de tous, pour la plus grande Joie de Dieu (So 3,16-18) !   DJF

 

AP – SI – Fiche 35 – Ap 21,1-8 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression