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La moisson et la vendange des nations (14,14-20)

       Et voici qu’apparut à mes yeux une nuée blanche et sur la nuée était assis comme un Fils d’homme, ayant sur la tête une couronne d’or et dans la main une faucille aiguisée. (15) Puis un autre Ange sortit du temple et cria d’une voix puissante à celui qui était assis sur la nuée : Jette ta faucille et moissonne, car c’est l’heure de moissonner, la moisson de la terre est mûre. (16) Alors celui qui était assis sur la nuée jeta sa faucille sur la terre, et la terre fut moissonnée. (17) Puis un autre Ange sortit du temple, au ciel, tenant également une faucille aiguisée. (18) Et un autre Ange sortit de l’autel – l’Ange préposé au feu – et cria d’une voix puissante à celui qui tenait la faucille : Jette ta faucille aiguisée, vendange les grappes dans la vigne de la terre, car ses raisins sont mûrs. (19) L’Ange alors jeta sa faucille sur la terre, il en vendangea la vigne et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu, cuve immense ! (20) Puis on la foula hors de la ville, et il en coula du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades.

 

Christ, fresques d’Auxerre (fin 11° s)

Christ, fresque d'Auxerre (fin du 11°s)

            La vision se poursuit… Une nuée apparaît, et dans l’Ancien Testament, elle renvoie toujours à la Présence de Dieu Lui-même : « Le Seigneur marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils puissent marcher de jour et de nuit. La colonne de nuée ne se retirait pas le jour devant le peuple, ni la colonne de feu la nuit » (Ex 13,21‑22 ; 14,24 ; 16,10…).

             Cette nuée ici est « blanche », et, nous l’avons déjà vu à l’occasion de la vision inaugurale, « le blanc » dans le Livre de l’Apocalypse renvoie toujours à Dieu, à ce qu’Il est, à sa nature divine… En effet, dans le Livre de Daniel (Dn 7,9-14), Dieu est présenté comme le Roi de l’Univers visible et invisible… Le « blanc » de son vêtement comme celui des cheveux de sa tête, « purs comme la laine », renvoie au Mystère de sa Nature divine, car dans la Bible, les vêtements, tout comme les attributs d’une personne, disent quelque chose de ce qu’elle est… Et en Ap 20,11, c’est le trône de Dieu qui est « blanc », en Ap 19,11, le cheval du Christ ; en Ap 19,14 les armées du ciel sont elles aussi sur des chevaux blancs, vêtues de lin d’une blancheur parfaite car les Anges, ces créatures célestes, participent pleinement, selon leur condition de créature, à la nature divine… Et c’est ce que Dieu nous réserve à nous aussi : c’est pourquoi tous les « rachetés », au ciel, sont revêtus de blanc (cf. Ap 3,4-5 ; 3,18 ; 4,4 ; 6,11 ; 7,9.13-14)… 

Christ Ressuscité, cimetière des Pères Spiritains à Chevilly Larue.

 Christ ressuscité, cimetière des Pères Spiritains, Chevilly Larue           « Sur la nuée était assis comme un Fils d’Homme », le Christ Ressuscité, le Fils Unique, vrai homme et vrai Dieu, « ayant sur la tête une couronne d’or » car Il est Roi comme Dieu seul est Roi, « assis » car pleinement revêtu de l’autorité divine… 

« Et dans sa main, il tient une faucille aiguisée »… Ce mot « faucille » est utilisé sept fois dans ce seul passage et nulle part ailleurs dans le Livre de l’Apocalypse. Sept est symbole de perfection… Mais de toute façon, tout ce que fait le Christ ne peut qu’être parfait… Cette faucille dans sa main renvoie donc à une œuvre « parfaite », celle du salut qu’il ne cesse d’accomplir parmi les hommes… Nous retrouvons cette image en Jn 4,34‑38 où les champs « blancs pour la moisson » renvoyaient à tous ces Samaritains qui commençaient à croire en lui, et qui, par leur foi, recevaient déjà le don de la vie éternelle… Aujourd’hui encore, le Christ Ressuscité travaille ce monde par la Toute Puissance de son Esprit d’Amour, la collaboration de son Eglise (1Co 3,5‑9) et celle de tous les hommes de bonne volonté…

            Trois Anges vont ensuite se succéder, et le chiffre « trois » renvoie à Dieu en tant qu’il agit… Avec eux, c’est donc l’œuvre de Dieu le Père qui va s’accomplir… Et le premier Ange va d’ailleurs demander au Fils de jeter sa faucille sur la terre… Ce qu’il fait aussitôt… Nous retrouvons cette attitude fondamentale du Fils qui est d’obéir au Père, par amour, pour accomplir sa volonté (Jn 4,34 ; 6,38-39 ; 14,31)… Et sa volonté est le bien, la vie, le salut de tous les hommes (1Tm 2,3-6)… 

            Les deux autres Anges vont donc eux aussi s’inscrire dans cette perspective… « Ils sortent du Temple, du Ciel », c’est-à-dire de la Maison du Père, ou « de l’autel » qui renvoie à la Présence de Dieu lui-même… Et après l’heure de la moisson, vient celle de la vendange… Et il semble ici que l’auteur fasse allusion à l’œuvre de rédemption accomplie par le Christ. Lisons ce texte d’Isaïe en pensant à lui : « Pourquoi ce rouge à ton manteau, pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au pressoir ? – À la cuve j’ai foulé solitaire, et des gens de mon peuple pas un n’était avec moi. Alors je les ai foulés dans ma colère, je les ai piétinés dans ma fureur, leur sang a giclé sur mes habits, et j’ai taché tous mes vêtements » (Is 63,2-3). Et c’est par ce sang offert et répandu sur le monde que le Christ va accomplir son salut… Et souvenons‑nous, St Jean avait vu « sous l’autel », cet Autel d’où sort également ici le troisième Ange, « les âmes de ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu’ils avaient rendu » (Ap 7,9-11). Mosaïque romaine, martyr chrétienC’est leur sang, mêlé au sang du Christ, que St Jean évoque ici, avec l’image d’une quantité immense : « il en coula du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades » (4x4x100, avec 4 symbole d’universalité : pour le monde entier). Le sang des martyrs s’unit donc à celui du Christ et participe ainsi au salut du monde entier… C’est ce que St Paul déclare en Col 1,24 : « En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète ce qui manque aux tribulations du Christ en ma chair pour son Corps, qui est l’Église ». Avec les martyrs et par eux, le Christ continue donc de vivre sa Passion pour le salut de tous les hommes que Dieu aime et veut voir à ses côtés…   

                                                                                                               D. Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 27 – Ap 14,14-20 :  Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.